Sommaire
Présidence de Mme Isabelle Debré
Secrétaires :
Mme Corinne Bouchoux, M. Philippe Nachbar.
2. Communication du Conseil constitutionnel
3. Garanties statutaires, obligations déontologiques et recrutement des magistrats – Conseil supérieur de la magistrature. – Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire
Discussion générale :
M. François Pillet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement n° 1 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique dans le texte de la commission mixte paritaire, modifié.
Suspension et reprise de la séance
4. Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - Orientation et protection des lanceurs d’alerte. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Article 16 (précédemment réservé)
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique
Amendement n° 581 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 16 (précédemment réservé)
Article 16 bis (précédemment réservé)
Amendement n° 361 de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Amendement n° 362 de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Amendement n° 98 rectifié de M. Philippe Adnot. – Retrait.
Amendement n° 622 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 12 rectifié bis de M. Alain Vasselle. – Retrait.
Amendement n° 363 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 14 rectifié bis de M. Alain Vasselle. – Retrait.
Amendement n° 364 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 365 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 366 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 367 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 368 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 378 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 99 rectifié de M. Philippe Adnot. – Retrait.
Amendement n° 13 rectifié bis de M. Alain Vasselle. – Adoption.
Amendement n° 370 de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Amendement n° 242 de M. Didier Marie. – Adoption.
Amendement n° 243 de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 371 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 653 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 372 de M. Jean-Pierre Sueur. – Retrait.
Amendement n° 374 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 376 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 132 rectifié de M. Jean-Pierre Grand. – Non soutenu.
Amendement n° 375 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 260 rectifié de M. Pierre Médevielle. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 16 ter A (précédemment réservé) (supprimé)
Article 16 ter (précédemment réservé) – Adoption.
Article 16 quater A (précédemment réservé)
Amendement n° 349 rectifié de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Retrait.
Amendement n° 347 rectifié de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Adoption.
Amendement n° 346 rectifié de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Retrait.
Amendement n° 348 rectifié de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article 16 quinquies (précédemment réservé) (supprimé)
Amendement n° 293 de Mme Frédérique Espagnac. – Rejet.
Amendement n° 294 de Mme Frédérique Espagnac. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 530 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l'article 37 (priorité)
Amendement n° 398 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.
Amendement n° 531 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 616 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 38 bis (priorité) (supprimé)
Article 39 (priorité) – Adoption.
Amendement n° 679 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 620 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 680 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
5. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux projets de loi
6. Organisme extraparlementaire
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
7. Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique - Orientation et protection des lanceurs d’alerte. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 30 AC (priorité)
Amendement n° 675 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 502 de M. Daniel Gremillet. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 30 A (priorité)
Amendement n° 633 du Gouvernement. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 214 rectifié quinquies de M. Jean-François Longeot. – Retrait.
Amendement n° 501 de M. Joël Labbé. – Retrait.
Amendement n° 228 rectifié quater de M. Jean-François Longeot. – Retrait.
Amendement n° 218 rectifié quater de M. Jean-François Longeot. – Retrait.
Amendement n° 268 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Amendement n° 537 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.
Amendement n° 280 de Mme Frédérique Espagnac. – Rejet.
Amendement n° 281 de Mme Frédérique Espagnac. – Rejet.
Amendement n° 282 de Mme Frédérique Espagnac. – Rejet.
Amendement n° 24 rectifié bis de M. Alain Vasselle. – Retrait.
Amendement n° 240 de M. Michel Canevet. – Non soutenu.
Amendement n° 283 de Mme Frédérique Espagnac. – Devenu sans objet.
Amendement n° 284 de Mme Frédérique Espagnac. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 296 de M. Yannick Botrel. – Rejet.
Amendement n° 270 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Rejet.
Amendement n° 239 de M. Michel Canevet. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article 30 bis (priorité) (supprimé)
Amendement n° 285 de Mme Frédérique Espagnac. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 297 de M. Yannick Botrel. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 286 de Mme Frédérique Espagnac. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 456 de M. Michel Le Scouarnec. – Devenu sans objet.
Amendement n° 541 rectifié de M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 238 de M. Michel Canevet. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l'article 31 (priorité)
Amendement n° 457 de M. Michel Le Scouarnec. – Rejet.
Amendement n° 219 de M. Ladislas Poniatowski. – Non soutenu.
Amendement n° 54 rectifié de M. Henri Tandonnet. – Retrait.
Amendement n° 298 de M. Yannick Botrel. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article 31 bis B (priorité) (supprimé)
Articles additionnels après l’article 31 bis B (priorité)
Amendement n° 208 rectifié de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Non soutenu.
Amendement n° 271 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.
Amendement n° 236 de M. Michel Canevet. – Retrait.
Amendement n° 237 de M. Michel Canevet. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 234 de M. Michel Canevet. – Devenu sans objet.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
9. Communication du conseil constitutionnel
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Isabelle Debré
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Corinne Bouchoux,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat une décision en date du 6 juillet 2016, prise en application de l’article 12 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, sur le recours relatif aux dispositions des I, II et V de l’article 6 de la loi du 4 janvier 1995 modifiée, qui rendent applicables en Polynésie française les articles 1er, 2 et 4 de cette loi dont il avait été saisi par le Président de la Polynésie française.
Acte est donné de cette communication.
3
Garanties statutaires, obligations déontologiques et recrutement des magistrats – Conseil supérieur de la magistrature
Adoption des conclusions modifiées d’une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature (texte de la commission n° 716, rapport n° 715).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la réussite de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique est la conséquence logique du travail accompli par nos deux assemblées.
Au Sénat, nous avons souhaité porter plus haut les ambitions initiales du texte, en renforçant sensiblement le nouveau cadre déontologique créé pour les magistrats. Nous avons ainsi soumis les magistrats à une obligation de déclaration d’intérêts et les chefs de juridiction à une obligation de déclaration de patrimoine. Surtout, nous avons estimé que, en matière patrimoniale, rien ne justifiait de créer, pour le corps des magistrats, une instance ad hoc : il était plus simple et plus juste de donner compétence en la matière à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Les députés ont marqué leur accord avec ce que nous proposions. Ils ont souhaité le conforter en créant un collège de déontologie sur le modèle de ce que le législateur a prévu pour les juges administratifs.
Constatant que nous partagions la même approche, nous avons travaillé en bonne intelligence avec la rapporteur de l’Assemblée nationale, Cécile Untermaier, pour faire converger nos positions. Permettez-moi, au passage, de saluer la qualité de nos échanges.
Nous nous sommes ralliés à la position des députés sur la nomination du JLD, le juge des libertés et de la détention, par décret. En revanche, nous avons obtenu la garantie que les magistrats nommés seront au moins du premier grade, la difficulté de la tâche exigeant selon nous de l’expérience. Ce point n’a pas été contesté.
Nous avons accepté la fusion des juges de proximité au sein des magistrats exerçant à titre temporaire et l’extension des missions de ces derniers. Toutefois, comme nous le souhaitions, ces magistrats ne pourront exercer qu’une part limitée de la compétence de la juridiction où ils seront affectés : le principe doit rester celui d’une magistrature professionnelle à temps plein.
Paradoxalement, c’est sur la question de la déontologie des magistrats, où nos vues étaient les plus proches, que nous avons divergé. Les députés ont souhaité détacher le collège de déontologie du CSM, le Conseil supérieur de la magistrature.
Je pense, pour ma part, que la constitutionnalité d’un tel dispositif n’est pas assurée. En effet, on ne peut tout à fait transposer la solution retenue pour les magistrats administratifs et oublier, en passant, que les articles 64 et 65 de la Constitution confient au Président de la République et au CSM seuls la charge de garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire.
J’ai plaidé pour une solution rattachant institutionnellement le collège de déontologie au CSM, à l’exemple de la structure que ce dernier a récemment mise en place. Les députés préfèrent leur solution. Dont acte ! Je doute seulement, encore une fois, qu’elle soit tout à fait conforme à la Constitution. Cependant, dans la mesure où je partage l’objectif, je n’ai pas jugé bon d’en faire un point de discorde et, lors de la CMP, je me suis abstenu.
Mes chers collègues, ce désaccord limité ne remet pas en cause la valeur des points sur lesquels nous avons convergé et que la commission mixte paritaire vous invite aujourd’hui à adopter.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, il est toujours agréable qu’une commission mixte paritaire s’accorde sur un texte, surtout quand ce dernier relève des compétences du ministère de la justice. Nous avons eu l’occasion de l’évoquer lors de l’examen du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle…
Je me félicite donc que les députés et les sénateurs membres de la commission mixte paritaire aient pu trouver un compromis lors de leur réunion du 22 juin dernier, sous la responsabilité éclairée de son président, le président de la commission des lois du Sénat, Philippe Bas. J’en profite pour le remercier, ainsi que tous ceux qui ont contribué à ce succès, qu’ils soient membres de la Haute Assemblée ou de l’Assemblée nationale.
J’associe également à mes remerciements les responsables de chaque groupe politique qui ont œuvré à forger ce compromis, sur la base d’un texte d’ailleurs raccourci. Si la version initiale du projet de loi organique présentée par le Gouvernement comptait 36 articles, le texte est en effet passé à 56 articles à l’issue des débats dans les deux chambres, puis à une quarantaine après la commission mixte paritaire. Cette dernière a donc allié la volonté de construire au souci de la simplicité. C’est le signe de l’implication de chacun, de l’intérêt porté à ces questions et surtout d’une large convergence de vues. C’est aussi le signe d’un consensus autour de quelques notions simples : l’indépendance, la transparence et l’exemplarité de la justice.
Je ne reviendrai pas sur les différentes dispositions du texte. Elles ont été détaillées par M. le rapporteur, et chacun ici les connaît. Je veux seulement appeler votre attention sur quelques points.
Nous avions besoin d’un statut particulier pour le juge des libertés et de la détention. Il est heureux qu’il devienne un juge spécialisé. Ce point faisait l’objet d’une vigilance et d’une attention particulières du Gouvernement. C’est l’aboutissement d’un processus entamé avec la création de ce juge par la loi du 15 juin 2000, tant en matière pénale que civile.
Le juge des libertés et de la détention est devenu, et il le sera de plus en plus, le juge protecteur des libertés individuelles, qui contrôle les actes et les décisions les plus intrusifs. Il avait donc besoin de garanties statutaires, car sa fonction n’est pas suffisamment valorisée ; elle n’attire pas les magistrats, alors même que nous en avons besoin.
Cette reconnaissance du caractère central de sa fonction permettra, sans nul doute, de la rendre beaucoup plus attractive. Ce statut permettra aux magistrats intéressés de se spécialiser et de bénéficier d’une formation supplémentaire. Le justiciable ne pourra que s’en réjouir.
Je souhaite également appeler votre attention sur les dispositions visant à ouvrir le corps de la magistrature en favorisant le détachement ou l’intégration d’autres profils que ceux recrutés par la voie classique du concours républicain. Cela permettra d’attirer de nouvelles personnalités, dont l’expérience ou les compétences professionnelles seront utiles. Cet apport extérieur contribuera à la diversité de ce corps, qui ressemblera un peu plus à la population. Il ne s’agit pas, là non plus, d’une question partisane, et je suis heureux que la commission mixte paritaire se soit accordée également sur ce point.
Enfin, je veux souligner la mise en place, au sein de la magistrature, de règles édictées pour satisfaire les exigences de transparence de la vie publique, sujet souvent abordé par le Sénat, à travers notamment la transmission des déclarations d’intérêts et des déclarations de patrimoine. Cette volonté de transparence ne peut que renforcer la confiance des citoyens dans la justice française et ses acteurs. Ayant été rapporteur du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique, je suis très attentif à ces questions. Je suis donc heureux de pouvoir défendre, pour la magistrature, de telles avancées.
Un sujet néanmoins, monsieur le rapporteur, n’a pas fait l’objet d’un accord immédiat : c’est celui de la déontologie. Il a donc fallu toute la sagesse parlementaire pour parvenir à un compromis. Nous avions tous envie d’aller plus loin dans la restauration de la confiance entre les justiciables et leur justice.
Sous l’impulsion des parlementaires, notamment de la rapporteur du projet de loi organique pour la commission des lois de l’Assemblée nationale, il a été estimé nécessaire de combler un vide, en trouvant pour les magistrats judiciaires un système comparable à celui de leurs homologues des juridictions administratives. Il n’y avait, de notre point de vue – c’est une divergence avec M. le rapporteur –, aucun lieu, aucune structure désignés par la loi pour répondre aux interrogations des magistrats judiciaires en matière de déontologie. Cette position résulte d’une interprétation stricte de la décision du Conseil constitutionnel de juillet 2010. C’est pourquoi ce collège de déontologie a été imaginé. Sa composition va permettre à la fois une bonne représentation de la magistrature et une saine ouverture sur la société civile. Il aura pour fonction de répondre à toute question d’ordre déontologique posée par un magistrat ou un chef de juridiction.
Je sais les débats provoqués par ce texte au sein de la magistrature. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’en discuter avec les membres du Conseil supérieur de la magistrature, lequel revendique une compétence de principe en matière de déontologie des magistrats.
Je ne veux pas rouvrir les débats qui courent depuis les années 2000, quand la magistrature ne voyait dans la déontologie qu’une tentative du législateur de brider sa liberté, là où les parlementaires estimaient qu’il s’agissait d’une avancée. Mais l’état du droit requiert des magistrats dotés de qualités cardinales, que chacun connaît : l’indépendance, la compétence, l’impartialité. Or, actuellement, seuls les chefs de juridiction, qui sont par ailleurs autorité de notation des magistrats judiciaires, ont vocation, et de manière purement prétorienne, à répondre aux demandes et aux questionnements des magistrats confrontés à des situations individuelles concrètes susceptibles d’interférer avec leurs obligations déontologiques. Le collège de déontologie répond donc à un réel besoin. C’est aussi en ce sens que je salue la volonté de compromis qui a animé la commission mixte paritaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce projet de loi organique, nous faisons un pas supplémentaire vers une certaine vision de la justice et faisons œuvre d’une certaine ambition. Les justiciables ont des besoins ; les juridictions ont des attentes. Ce n’est pas une question partisane ; c’est une question qui nous interroge et qui doit nous réunir. En adoptant ce texte tel qu’issu des travaux de la commission mixte paritaire, vous serez à la hauteur des besoins exprimés ; vous permettrez de franchir une nouvelle étape vers une institution exigeante, au service d’une œuvre de justice, vers ce qu’attendent en somme tous nos concitoyens.
M. François Pillet, rapporteur. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique a réussi dans sa tâche.
Vous le voyez, monsieur le garde des sceaux, le Sénat n’est pas rancunier. C’est qu’il est sage, lui ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Luche. Bien dit !
M. Jacques Mézard. La confiance des citoyens dans la justice est un élément fondamental de la stabilité des institutions d’une nation. Cela a toujours été le cas, tout au long de l'histoire.
Soyons réalistes : cette confiance s’est malheureusement effritée. C’est tout à fait dommage. Il convient d’en chercher les raisons et d’y remédier en évitant les clichés simplistes.
Nos concitoyens considèrent par exemple, et ils ont raison, car c’est souvent le cas, que la justice est trop lente. Mais ils ne veulent pas non plus d’une justice expéditive.
Ils veulent des magistrats intègres. C’est le cas de l’immense majorité d’entre eux.
Ils veulent des magistrats indépendants du pouvoir politique et du milieu des affaires. Des progrès ont été réalisés ; on peut aujourd'hui considérer que nous avons une justice indépendante.
Ils veulent aussi des magistrats détachés des excès corporatistes, voire syndicaux. Il y a encore des progrès à faire, mais ils viendront plus de l’intérieur que de l’extérieur de la magistrature.
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire va globalement dans le bon sens. Le groupe du RDSE le votera d’ailleurs sans état d’âme. Je partage certes les observations du rapporteur sur les questions relatives à la déontologie et au CSM, mais un accord a été trouvé sur ce point, et c’est une bonne chose.
Le présent texte entend renforcer la « transparence » dans la justice. Le mot est à la mode. À force de transparence, on ne verra plus grand-chose… Mais c’est là un autre débat.
Même si notre groupe s’était opposé à la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, nous pensons que lui transmettre les déclarations d’intérêts et de patrimoine est une bonne chose. Nous avions d’ailleurs déposé des amendements en ce sens lors des débats au Sénat.
Le présent texte conforte également le statut du juge des libertés et de la détention. Vous avez eu raison d’insister sur ces dispositions, monsieur le garde des sceaux, qui constituent de réels progrès. Le JLD est un élément fondamental de la réponse de la justice à toute une série de problèmes et d’évolutions de la société.
Vous avez aussi évoqué les dispositions devant faciliter et ouvrir le recrutement des magistrats. C’est en effet une absolue nécessité. L’École nationale de la magistrature a fait ses preuves. Elle forme des magistrats compétents. Mais il est nécessaire que la magistrature s’ouvre aussi sur la société, à travers par exemple des recrutements extérieurs, des détachements. Il ne faudrait pas que l’ENM connaisse, pour la société française, les mêmes dérives que l’ENA. Faciliter l’ouverture de la magistrature à la société va donc dans le bon sens.
Vous aurez remarqué, monsieur le garde des sceaux, que je ne parle pas de la parité. Il faut dire que je n’ai pas vu le Gouvernement déposer de texte pour l’assurer à l’ENM…(Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Ce serait une bonne idée !
M. Jacques Mézard. Mais, là encore, c’est un autre débat.
Toutes ces dispositions vont dans le bon sens et nous reconnaissons bien volontiers qu’elles apporteront un petit plus. Mais, vous le savez, elles ne résoudront en rien les problèmes auxquels notre justice est confrontée, en particulier le manque de moyens humains et matériels.
Vous nous avez souvent dit qu’il s’agissait là de votre combat premier. C’est primordial en effet. La justice souffre de cette situation, qui contribue en outre à la dégradation de la confiance de nos concitoyens envers elle. Quelle que soit la majorité au pouvoir, c’est donc le premier problème à régler.
Voilà ce que le groupe du RDSE, même s’il votera le présent texte de façon unanime, tenait à vous rappeler, monsieur le garde des sceaux.
Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, en première lecture, le projet de loi organique avait été examiné conjointement avec le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Le Gouvernement avait décidé d'engager la procédure accélérée pour ces deux textes.
Le dialogue entre l'Assemblée nationale et le Sénat a été fructueux pour le présent texte. Il a permis à la commission mixte paritaire d'aboutir à un texte commun, ce dont je me félicite.
Je ne veux pas gâcher la fête, mais je tiens à rappeler ici, devant vous, monsieur le garde des sceaux, ce que j’ai déjà eu l’occasion de dire il y a quelques semaines au sujet du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Nous ne comprenons pas l’attitude du Gouvernement : il a refusé une deuxième lecture au Sénat, alors qu’il a introduit lors de son examen à l’Assemblée nationale des dispositions de première importance, dont nous souhaitons pouvoir débattre. J’en rappelle les principales : suppression des juges d’instruction dans un grand nombre de départements, institution du divorce sans juge, modification des procédures de changement de noms pour les personnes transgenres. Et je ne suis pas exhaustif ! Dans ces conditions, l'échec de la commission mixte paritaire était inévitable. J’ai bien noté que nous aurions finalement le droit d’en discuter à la rentrée. Il est seulement dommage de n’avoir pas donné l’occasion au Parlement de se retrouver sur un texte commun.
J’en reviens au présent projet de loi organique. Son ambition était consensuelle ; sa version actuelle, telle qu’issue des travaux de la commission mixte paritaire, recueille un avis certes pas unanime, mais très majoritaire au Sénat.
Il vise à renforcer les garanties relatives à l'indépendance de certaines fonctions judiciaires et les obligations déontologiques des magistrats. Il constitue en cela un progrès important. Il vise également à apporter des réponses aux contraintes budgétaires et gestionnaires que personne ne nie. Il propose ainsi d’ouvrir la magistrature sur la société, d’améliorer les perspectives de carrière des magistrats et d’en assouplir la gestion. Tout cela va dans le bon sens.
Les députés ont par ailleurs élargi les voies d'accès à la magistrature. Nous y souscrivons tout à fait.
S'agissant de la réforme du statut du juge des libertés et de la détention, le Sénat a rappelé son attachement à l'exercice de cette fonction par un magistrat d'expérience. Nous ne cessons en effet de renforcer ses prérogatives, comme dans la récente loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Cette fonction doit donc être assumée par des magistrats d’autorité.
La commission mixte paritaire est tombée d’accord sur un dispositif auquel nous adhérons. L’Assemblée nationale, qui souhaitait que le JLD soit un juge spécialisé, y trouve satisfaction. Le Sénat également, puisque ne pourra être nommé aux fonctions de juge des libertés et de la détention qu'un magistrat du premier grade ou hors hiérarchie.
M. François Pillet, rapporteur. Exactement !
M. François Zocchetto. Enfin, le texte renforce les obligations déontologiques des magistrats. Que ceux-ci n'y voient aucun signe de défiance à leur égard. Il s'agit simplement de transposer des outils que le législateur a prévus depuis plusieurs années pour les principaux décideurs publics et plus récemment pour les fonctionnaires et les membres des juridictions administratives et financières. Loin de gêner l'exercice des fonctions judiciaires, ces mesures déontologiques sont de nature à renforcer le lien de confiance entre nos concitoyens et le système judiciaire.
Au final, le texte auquel nous sommes parvenus en commission mixte paritaire nous semble équilibré. Le groupe UDI-UC est donc favorable à son adoption. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. François Fortassin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, alors que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle a échoué le 22 juin dernier, un accord a été trouvé sur le projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature. Contrairement au premier texte, le projet de loi organique est demeuré dans son périmètre initial.
Lors de l’examen conjoint de ces deux textes en première lecture, nous nous étonnions que le Gouvernement n'ait pas inscrit à l’ordre du jour de l'Assemblée nationale l’examen en seconde lecture du projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, seul susceptible de réformer en profondeur la magistrature. C'est désormais chose faite ! Le texte a été voté en avril dernier à l'Assemblée nationale, après avoir été, hélas, quelque peu vidé de sa substance. Reste encore à convaincre les trois cinquièmes des députés et des sénateurs pour son adoption en Congrès à Versailles. Je profite de cette occasion pour vous demander, monsieur le garde des sceaux, si une convocation du Congrès pour ce faire est envisagée dans les mois à venir.
Garantir l'indépendance de l'autorité judiciaire à l'égard du pouvoir exécutif est indispensable. Face à cette réforme en attente, les minces dispositions de ce projet de loi organique font pâle figure. En effet, le texte s'illustre davantage par ce qu'il ne dit pas que par ce qu'il dit.
À défaut de réforme constitutionnelle, l'ensemble de la profession attendait légitimement beaucoup de cette modification de l'ordonnance de 1958, qui devait renforcer l'indépendance des magistrats, notamment celle des magistrats du parquet, améliorer la transparence et l'égalité des magistrats dans les nominations et dans l'évolution des carrières, repenser la formation des magistrats ainsi que renforcer les droits des magistrats dans les enquêtes administratives et les procédures disciplinaires. Or force est de constater que le présent projet de loi organique n'aborde ces thèmes qu'à la marge. Les modifications statutaires sont essentiellement techniques, quand elles ne sont pas purement gestionnaires.
Finalement, le statut des magistrats est loin d'être rénové en profondeur, même si, je tiens à le souligner, plusieurs dispositions répondent à certains souhaits de la profession, lesquelles ont d’ailleurs été défendues et améliorées par les deux chambres. Je pense notamment au renforcement de l'obligation de transparence pour les nominations de tous les magistrats, au principe de la déclaration d'intérêts pour tous les magistrats également, à la maîtrise par le CSM du renouvellement dans leurs fonctions des juges de proximité, ou encore à la limitation du recours à des magistrats au statut précaire, tels que les magistrats à la retraite.
A contrario, nous nous opposons avec force au recul sur l’une des seules avancées importantes du projet de loi : la réforme du statut du juge des libertés et de la détention.
Le rôle de ce magistrat est essentiel au pénal comme au civil. En intervenant, par exemple, dans le contrôle des soins contraints et le droit des étrangers, le juge des libertés et de la détention exerce des missions de protection des libertés individuelles extrêmement importantes, qui doivent encore se développer, comme l'a indiqué à plusieurs reprises la Cour européenne des droits de l'homme. Or la dépendance du parquet à l'égard de l'exécutif empêche qu'il soit considéré comme une « autorité judiciaire » au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et rend donc nécessaire le contrôle d'un juge.
Si le juge des libertés et de la détention est un magistrat du siège qui ne peut être déplacé arbitrairement dans une autre juridiction, son indépendance n'est ni respectée ni protégée dans l'exercice de ses fonctions au quotidien. En application de l’alinéa 2 de l'article 137-1 du code de procédure pénale, il est en effet désigné par le président du tribunal de grande instance, sans précision de durée, et l'avis conforme de l'assemblée générale du siège ne suffit pas à limiter les risques de pressions ou de changement d'affectation qui pèsent particulièrement sur ces magistrats aux fonctions sensibles. C'est pourquoi nous aurions souhaité revenir au texte initial, qui instaurait la nomination du juge des libertés et de la détention par décret. Nous aurions également souhaité que le texte aille plus loin en matière de formation et de rémunération des magistrats.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur le présent texte tel qu’issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 22 juin dernier s’est conclue par un accord qui nous permet de nous retrouver aujourd’hui pour examiner et, j’en suis certain, approuver le texte élaboré par les représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Le projet de loi organique, qui s’inscrit dans la réforme dite « J21 » pour une justice plus proche, plus efficace et plus protectrice, permettra, à n’en point douter, non seulement de renforcer l’indépendance de la magistrature, mais également de l’ouvrir davantage sur la société.
Le Sénat a beaucoup modifié ce texte. Ses avancées ont été conservées et parfois amplifiées par l’Assemblée nationale. En définitive, députés et sénateurs sont parvenus à un accord sur ce texte important, dont l’objectif majeur est de définir ce que doit être la magistrature du XXIe siècle.
À l’intitulé initial du texte, tel qu’il avait été déposé au Sénat – « projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société » –, il a été préféré, au vu des modifications retenues, l’intitulé suivant : « projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature ».
En tout état de cause, ce projet de loi organique comporte des avancées indiscutables et répond à un certain nombre d’attentes et de demandes émanant des magistrats eux-mêmes. Il tend notamment à renforcer l’indépendance des magistrats de l’Inspection générale des services judiciaires, en prévoyant expressément que ces magistrats font partie intégrante du corps judiciaire. Il crée également de nouvelles fonctions hors hiérarchie, telles que premier président de chambre et premier avocat général dans les cours d’appel, pour favoriser les perspectives de carrière des magistrats.
En outre, le projet de loi organique vise à améliorer la formation des magistrats de l’ordre judiciaire, en chargeant l’École nationale de la magistrature de cette mission, et à faciliter leur recrutement par l’élargissement des conditions d’accès direct et la réduction de la durée de la scolarité pour les docteurs en droit justifiant de trois années au moins d’exercice professionnel en qualité de juriste assistant.
Ce texte prévoit également de modifier les conditions de nomination des magistrats en améliorant leur indépendance et leur processus de nomination. Ainsi, les procureurs généraux ne seront plus nommés en conseil des ministres, mais par décret simple du Président de la République.
Le projet de loi organique permet – pour l’élu ultramarin que je suis, c’est d’une importance capitale – aux magistrats directement intégrés, nommés dans une juridiction d’outre-mer et effectuant leur stage préalable en métropole, de prêter serment devant la cour d’appel de leur lieu de résidence, et non plus devant la cour d’appel de leur affectation.
Il repense également les exigences statutaires de mobilité en faisant passer le délai d’élévation sur place au premier grade de cinq à sept ans, favorisant ainsi un égal accès des hommes et des femmes aux postes les plus importants de la hiérarchie judiciaire.
Il fait du juge des libertés et de la détention un magistrat spécialisé – cela a été souligné, mais il est important d’y insister –, de sorte que seul un magistrat d’expérience, magistrat du premier grade ou hors hiérarchie, pourra exercer ces fonctions.
Ce texte vise aussi à renforcer non seulement les droits des magistrats en consacrant la liberté syndicale, mais également leurs obligations en instaurant un entretien déontologique pour tous les magistrats du siège et du parquet ayant une activité juridictionnelle, lors de leur installation dans de nouvelles fonctions, ainsi qu’une obligation de déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale.
De plus, il renforce les garanties d’impartialité des membres du Conseil supérieur de la magistrature en consolidant la procédure de sanction des manquements aux obligations déontologiques et en introduisant une obligation de déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale pour l’ensemble de ses membres. Je voudrais néanmoins insister, à la suite de Cécile Cukierman, sur le fait que cette mesure ne doit pas faire perdre de vue le projet de réforme constitutionnelle, dont le parcours législatif a été longuement retardé. Il est pourtant indispensable d’inscrire, enfin et définitivement, dans le marbre de la Constitution les principes de la nomination des membres du parquet après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature et de l’alignement du régime disciplinaire.
Pour conclure, je dirai que les dispositions contenues dans le projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature permettront de renforcer l’indépendance de la justice et rappellent, quoi qu’il en soit, la confiance de l’État dans ses magistrats. Au demeurant, le rapport commandé dès 2014 par Christiane Taubira, et qui vous a été remis le 28 juin dernier, monsieur le garde des sceaux, afin de trouver les moyens d’améliorer la prise en charge des magistrats victimes de menaces et de tentatives de déstabilisation en témoigne.
J’aimerais vous faire part à titre personnel – et sans doute par déformation professionnelle – de mon malaise face à certaines dispositions contenues dans ce rapport, faisant état de la « montée en puissance de tentatives de déstabilisation émanant de la défense » et de l’adoption par les avocats d’« une défense beaucoup plus agressive avec l’institution judiciaire, dans un but évident de perturber le cours normal de la justice ». La profession s’est d’ailleurs émue de ce constat dans une délibération du Conseil national des barreaux des 1er et 2 juillet 2016.
S’il ne fait aucun doute que certaines dérives existent et doivent être poursuivies et punies en trouvant la réponse adéquate dans notre arsenal législatif, il ne faudrait pas, en définitive, que les conclusions de ce rapport placent la profession d’avocat dans le viseur de la suspicion. Ne perdons pas de vue que le rôle d’un avocat est indéniable dans la bonne marche de la justice et la défense des libertés et que sa liberté d’action et d’expression, consacrée par la Cour européenne des droits de l’homme, doit être conservée. Je sais, monsieur le garde des sceaux, que vous veillez et continuerez à veiller scrupuleusement à cet équilibre pour la défense d’une justice apaisée. Albert Camus disait à juste titre : « Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout. »
Cette parenthèse refermée, j’indique que les membres du groupe socialiste voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, tel qu’il a été élaboré par la commission mixte paritaire.
Permettez-moi d’exprimer un regret, celui que la commission mixte paritaire sur le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, d’abord examiné conjointement avec le texte qui nous est soumis aujourd’hui, n’ait pu aboutir. Ce texte contenait également des mesures d’importance pour nos concitoyens. Je pense notamment aux droits des personnes transsexuelles, qui devront encore patienter avant de voir leurs droits fondamentaux respectés. Les droits des transsexuels sont une urgence, et le consensus devrait être trouvé au plus vite afin qu’ils ne soient plus victimes de discriminations et de violences.
Cela étant, le texte que nous examinons aujourd’hui est également tout à fait important et constitue – oserais-je le dire ? Une fois n’est pas coutume… – la concrétisation d’un engagement du Président Hollande, celui de renforcer l’indépendance de la justice.
Parmi les principales mesures, on compte le fait que les procureurs généraux ne seront plus nommés en conseil des ministres. De leur côté, les magistrats exerçant les fonctions de juge des libertés et de la détention seront désormais nommés par décret du Président de la République, sur proposition du garde des sceaux et après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
Le juge des libertés et de la détention est, par essence, le juge protecteur des libertés individuelles. Alors que nous vivons maintenant depuis plus de six mois sous le régime de l’état d’urgence, garantir son indépendance et renforcer sa fonction est tout à fait essentiel.
Le projet de loi organique organise également la prévention des conflits d’intérêts des magistrats en prévoyant un entretien déontologique ainsi que, pour les plus hauts magistrats, une déclaration de patrimoine. Il consacre, par ailleurs, le principe de la liberté syndicale des magistrats et modernise les modalités d’évaluation afin de renforcer la pertinence des décisions de nomination et de promotion.
Enfin, il modifie les modalités de recrutement des magistrats par voie de concours, en facilitant ainsi l’intégration directe et en permettant aux juges de proximité, dont la fonction est supprimée, de continuer à œuvrer au sein des tribunaux en qualité de magistrats exerçant à titre temporaire.
Ces mesures, le groupe écologiste les soutient depuis longtemps, comme nous avons soutenu la loi du 25 juillet 2013, qui interdit au ministre de la justice d’adresser aux magistrats du ministère public des instructions dans les affaires individuelles, ou encore le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, adopté par le Sénat dès juillet 2013. Permettez-moi d’avoir ici une pensée pour Christiane Taubira, qui a porté ces textes avec la conviction et la ténacité que nous lui connaissons.
Toutefois, on ne peut parler d’indépendance de la justice sans évoquer les moyens qui lui sont alloués. Pour reprendre les mots du regretté Guy Carcassonne : « Garantir l’indépendance, c’est aussi assurer à ses titulaires les moyens d’exercer leurs fonctions. Cela vise les moyens personnels du juge, auquel son traitement doit permettre de vivre décemment et d’être mis à l’abri de la tentation. Mais cela vise aussi les moyens de la juridiction elle-même, à laquelle le pouvoir politique ne doit pas pouvoir couper les vivres. » Or personne ne peut plus en douter : la justice de notre pays est exsangue. Elle est selon vos propres termes, monsieur le garde des sceaux, en « état d’urgence ».
Le texte que nous examinons aujourd’hui est nécessaire, et le groupe écologiste lui apportera tout son soutien. Mais nous serons vigilants, à quelques jours des derniers arbitrages relatifs au budget pour 2017, aux sommes effectivement allouées à la justice de notre pays. Elles doivent être importantes et ne pas concerner uniquement le pénal. Notre justice devrait avoir, enfin, les moyens de son indépendance ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je serai aussi bref que le texte que nous avons à commenter, lequel contient des dispositions qui n’ont pas pour but de changer fondamentalement l’état du droit en vigueur, mais d’apporter un certain nombre de mises à jour visant à tenir compte d’autres lois, telles celles relatives à la transparence, au fonctionnement de la justice…
Vous le savez, le gros du travail, celui qui a porté sur la loi ordinaire, a abouti à un échec, pour des raisons qui ne tiennent pas spécialement au contenu de ladite loi, mais à la façon dont le Sénat a dû travailler. En effet, nous n’avons pas pu examiner toutes les dispositions qui ont été ajoutées lors du débat à l’Assemblée nationale, du fait du recours à la procédure accélérée.
Il nous reste donc à discuter du texte sur lequel nous nous sommes mis d’accord, c’est-à-dire la loi organique. Je n’ai pas grand-chose à en dire au nom de mon groupe puisqu’il s’agit essentiellement d’un travail de mise à jour relatif à la déontologie, à la transparence et au rôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Cela étant, la loi organique apporte également quelques modifications, sur lesquelles je souhaite revenir.
La première concerne l’indépendance des magistrats.
Il est intéressant de noter que, aux termes de ce texte, les magistrats deviennent indépendants le jour où ils sont syndiqués. C’est original ! Dans nombre de pays démocratiques, la non-syndicalisation des magistrats ou des policiers est l’un des éléments constitutifs de leur indépendance. En France, en revanche, plus on est syndiqué, plus on est indépendant. Ce qui s’est passé ces dernières semaines nous donne une bonne idée de ce qu’est l’indépendance des syndiqués ; mais c’est la mode depuis quatre ans… Dont acte !
La deuxième modification a trait à l’élargissement du recrutement des magistrats.
Le principe est bon. Je me souviens que la commission des lois du Sénat avait débattu de ce sujet en des temps pas si anciens. Nous étions alors très nombreux à penser que la meilleure façon d’élargir le recrutement des magistrats serait d’avoir le courage de supprimer l’École nationale de la magistrature et de mettre en place un système de recrutement à l’anglo-saxonne ou à l’allemande.
Dans le système anglo-saxon, les professionnels qui exercent un métier juridique peuvent, après avoir acquis une certaine expérience, franchir le pas et entrer dans la magistrature.
En Allemagne, il y a une école du droit dans laquelle on apprend tous les métiers du droit, depuis celui d’ambassadeur jusqu’à ceux de haut fonctionnaire, de magistrat, de notaire, etc. Les étudiants choisissent à la fin de leur cursus, en fonction des cours suivis et de leur classement de sortie, de rejoindre la magistrature ou la profession d’avocat, par exemple.
La solution consistant à créer une école nationale dans laquelle on forme des fonctionnaires qui, fussent-ils indépendants, vont devenir à un âge très jeune des magistrats d’autorité et de responsabilité mériterait, selon moi, d’être revue. Il faudrait, au moins dans un premier temps, élargir fortement le recrutement et faire en sorte que l’École nationale de la magistrature devienne une voie parmi d’autres permettant d’embrasser cette profession.
Le dernier point que je souhaite aborder est le développement des protections statutaires du juge des libertés et de la détention.
Je me souviens qu’il y a quelques années nous avions travaillé sur la réforme du code de procédure pénale. Nous l’avions même intégralement réécrit ! Mais comme nous avions fait ce travail, certes très bien, mais très tard, il n’en est rien resté. La seule chose qui en soit sortie concerne la garde à vue. En effet, le juge constitutionnel et le juge ordinaire ayant fait sauter l’ensemble du dispositif législatif, il fallait bien boucher un trou, et l’on a repris toutes les dispositions du code de procédure pénale qui concernaient ce point ; tout le reste a été abandonné. Résultat, notre code de procédure pénale est aujourd’hui complètement obsolète. La majeure partie de ses dispositions concernent le juge d’instruction, alors que celui-ci assume désormais seulement 5 % des affaires ; a contrario, celles relatives au parquet sont réduites à la portion congrue.
Ce nouveau magistrat qui monte en puissance, il est très bien de le protéger et de lui donner un statut plus solide, notamment des garanties en termes de nomination, mais il faudra aussi un jour introduire un peu de cohérence dans tout cela en mettant d’équerre ce qui concerne l’instruction, le parquet et ce nouveau juge. Pour ce faire, il conviendra de rédiger le code de procédure pénale pour en faire un instrument juridique indiscutable, ce qui n’est pas le cas actuellement. On se contente de poser des rustines sur un texte complètement périmé ! En l’occurrence, on le fait sous la forme d’une loi organique. Mais il faudra bien à un moment donné s’atteler aux problèmes de fond. Il serait ainsi intéressant que la majorité et l’opposition se mettent d’accord, à l’instar de ce qui se passe dans certains pays démocratiques, pour travailler ensemble sur des textes durables, plutôt que de modifier tous les quatre ou cinq ans ceux qui sont en vigueur. Il faudrait aussi que se mettent autour de la table les magistrats, le barreau et les acteurs politiques afin d’élaborer un texte qui fasse consensus.
Le grand absent de ce projet de loi organique, c’est le statut du parquet, car il n’y a pas de majorité pour adopter une révision constitutionnelle !
Nous voterons bien entendu ce texte, monsieur le garde des sceaux, mais nous ne garderons pas un souvenir impérissable des péripéties qui ont jalonné son parcours. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC et du RDSE.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements, puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au conseil supérieur de la magistrature
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DE LA MAGISTRATURE
Chapitre Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMPOSITION DU CORPS JUDICIAIRE
Article 1er
Après le 1° du I de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Les magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, d’inspecteur général de la justice et d’inspecteur de la justice ; ».
Article 2
L’article 3 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le 1° est ainsi modifié :
a) Le mot : « et » est remplacé par le signe : « , » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et des auditeurs » ;
2° Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Les premiers présidents de chambre des cours d’appel et les premiers avocats généraux près lesdites cours ; »
3° Après le 3°, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, et d’inspecteur général de la justice. » ;
4° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « président et de » sont remplacés par les mots : « président, de » ;
b) Après les mots : « tribunal de grande instance, », sont insérés les mots : « de premier vice-président chargé de l’instruction, de premier vice-président chargé des fonctions de juge des enfants, de premier vice-président chargé de l’application des peines, de premier vice-président chargé du service d’un tribunal d’instance, de premier vice-président chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention, ».
Chapitre II
Dispositions relatives au recrutement et à la formation professionnelle
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Article 4
I. – L’article 16 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Après le mot : « baccalauréat », la fin de la première phrase du 1° est ainsi rédigée : « ou justifiant d’une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° À la fin du 5°, les mots : « et être reconnus indemnes ou définitivement guéris de toute affection donnant droit à un congé de longue durée » sont remplacés par les mots : « compte tenu des possibilités de compensation du handicap » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Sous réserve des articles 17 et 21-1, les candidats aux concours doivent remplir les conditions requises pour être candidat à l’auditorat au plus tard à la date de la première épreuve du concours. La vérification de ces conditions doit intervenir au plus tard à la date de la nomination en qualité d’auditeur de justice. »
II. – Au 2° de l’article 17 de la même ordonnance, après les mots : « établissements publics », sont insérés les mots : « , en activité, en détachement, en congé parental ou accomplissant leur service national, ».
Article 5
L’article 18-1 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Peuvent être nommées directement auditeurs de justice les personnes que quatre années d’activité dans les domaines juridique, économique ou des sciences humaines et sociales qualifient pour l’exercice des fonctions judiciaires :
« 1° Si elles sont titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à quatre années d’études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d’une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ;
« 2° Et si elles remplissent les autres conditions fixées aux 2° à 5° de l’article 16. » ;
2° Le deuxième alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Peuvent également être nommés dans les mêmes conditions :
« a) Les docteurs en droit qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme d’études supérieures ;
« b) Les docteurs en droit justifiant de trois années au moins d’exercice professionnel en qualité de juriste assistant ;
« c) Les personnes titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à cinq années d’études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d’une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État qui justifient de trois années au moins d’exercice professionnel en qualité de juriste assistant ;
« d) Les personnes ayant exercé des fonctions d’enseignement ou de recherche en droit dans un établissement public d’enseignement supérieur pendant trois ans après l’obtention d’un diplôme sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à cinq années d’études après le baccalauréat dans un domaine juridique ou justifiant d’une qualification reconnue au moins équivalente dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Le temps de scolarité des auditeurs de justice recrutés au titre du b ne peut être supérieur à la moitié de la durée normale de la scolarité. » ;
3° À la fin de l’avant-dernier alinéa, les mots : « auditeurs issus des concours prévus à l’article 17 et figurant dans la promotion à laquelle ils seront intégrés » sont remplacés par les mots : « places offertes aux concours prévus à l’article 17 pour le recrutement des auditeurs de justice de la promotion à laquelle ils seront intégrés ».
Article 6
Au dernier alinéa de l’article 19 de la même ordonnance, les mots : « un stage d’une durée minimale de six mois » sont remplacés par les mots : « une formation leur permettant de mieux connaître l’environnement judiciaire, administratif et économique, incluant un stage ».
Chapitre III
Dispositions relatives aux conditions de nomination
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Article 9
L’article 3-1 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le neuvième alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « nommés », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « à l’un des tribunaux de grande instance du ressort de la cour d’appel à laquelle ils sont rattachés. » ;
b) La deuxième phrase est ainsi modifiée :
– après les mots : « premier vice-président adjoint, », sont insérés les mots : « premier vice-président chargé de l’instruction, premier vice-président chargé des fonctions de juge des enfants, premier vice-président chargé de l’application des peines, premier vice-président chargé du service d’un tribunal d’instance, premier vice-président chargé des fonctions de juge des libertés et de la détention, » ;
– à la fin, les mots : « ou premier vice-procureur de la République des tribunaux de grande instance » sont remplacés par les mots : « , premier vice-procureur de la République des tribunaux de grande instance ou premier vice-procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris » ;
2° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « six » est remplacé par le mot : « huit » ;
b) À la deuxième phrase, les mots : « celle des deux juridictions mentionnées » sont remplacés par les mots : « l’un des tribunaux de grande instance mentionnés » et le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « huitième ».
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Article 9 quater
Le chapitre Ier de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° L’article 9 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , de conseiller général de Mayotte » sont supprimés ;
b) Au troisième alinéa, le mot : « général » est remplacé par le mot : « départemental » et, après le mot : « Paris », sont insérés les mots : « , de conseiller de la métropole de Lyon » ;
2° À l’article 9-1-1, les mots : « , de Mayotte » sont supprimés.
Article 10
L’article 12-1 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et à l’occasion d’une candidature au renouvellement des fonctions » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cette évaluation est précédée de la rédaction par le magistrat d’un bilan de son activité et d’un entretien avec le chef de la juridiction où le magistrat est nommé ou rattaché ou avec le chef du service dans lequel il exerce ses fonctions. L’évaluation des magistrats exerçant à titre temporaire est précédée d’un entretien avec le président du tribunal de grande instance auprès duquel ils sont affectés. L’évaluation est intégralement communiquée au magistrat qu’elle concerne. » ;
3° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité qui procède à l’évaluation prend en compte les conditions d’organisation et de fonctionnement du service dans lequel le magistrat exerce ses fonctions. S’agissant des chefs de juridiction, l’évaluation apprécie, outre leurs qualités juridictionnelles, leur capacité à gérer et à animer une juridiction. »
Article 11
L’article 13 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « au siège » sont remplacés par les mots : « dans le ressort » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ou dans le ressort d’un tribunal de grande instance limitrophe » ;
2° (Supprimé)
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Article 12
L’article 27-1 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « des services judiciaires » sont remplacés par les mots : « , chef de l’inspection générale de la justice, » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « et organisations professionnelles » sont supprimés ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « ne s’appliquent pas aux projets de nomination de substitut chargé du secrétariat général d’une juridiction. Elles » sont supprimés.
Article 13
La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 28 de la même ordonnance est complétée par les mots : « et aux magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur de la justice ».
Article 14
L’article 28-3 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « fonctions », sont insérés les mots : « de juge des libertés et de la détention, » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« En outre, ne peut être nommé aux fonctions de juge des libertés et de la détention qu’un magistrat du premier grade ou hors hiérarchie. » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « qualité », sont insérés les mots : « de juge des libertés et de la détention, » ;
3° À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « fonction », sont insérés les mots : « de juge des libertés et de la détention, ».
Article 14 bis
Le chapitre III de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° L’article 31 est ainsi modifié :
a) La dernière phrase des troisième et avant-dernier alinéas est complétée par les mots : « , ni sur des emplois de premier grade de la hiérarchie judiciaire comportant un huitième échelon » ;
b) Après le sixième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les six premiers alinéas sont applicables en cas de suppression d’une fonction exercée par les magistrats du siège, sous réserve des huitième à dixième alinéas.
« Les magistrats dont la fonction est supprimée font connaître au ministre de la justice s’ils demandent leur affectation dans la même fonction ou dans la ou l’une des juridictions qui seront compétentes dans tout ou partie du contentieux et du ressort de la juridiction où la fonction est supprimée. Ils peuvent également demander à être déchargés de cette fonction afin d’exercer les fonctions de magistrat du siège au sein de la juridiction où ils sont affectés.
« S’ils ne demandent pas cette affectation, ils précisent les trois affectations qu’ils désirent recevoir à niveau hiérarchique égal dans la ou l’une des juridictions qui seront compétentes dans tout ou partie du contentieux et du ressort de la juridiction où la fonction est supprimée, ou dans la juridiction où ils exercent.
« S’ils n’ont pas exprimé de demande d’affectation, ils sont déchargés de la fonction supprimée afin d’exercer les fonctions de magistrat du siège au sein de la juridiction où ils sont affectés. » ;
2° À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 28-3, les mots : « de l’article » sont remplacés par la référence : « des articles 31 ou ».
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Article 16
Après le troisième alinéa de l’article 37 de la même ordonnance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les six mois suivant son installation dans ses fonctions, le premier président définit les objectifs de son action, notamment en considération des rapports sur l’état du fonctionnement de la cour d’appel et des juridictions de son ressort qui ont pu être établis par l’inspection générale de la justice et par son prédécesseur ou par les présidents des tribunaux du ressort. Il élabore, tous les deux ans, un bilan de ses activités, de l’animation et de la gestion de la cour et des juridictions de son ressort ainsi que de l’administration des services judiciaires dans ce ressort. Il tient compte, dans l’élaboration de ce bilan, des rapports précités de l’inspection générale de la justice intervenus depuis son installation. Ces éléments sont versés au dossier du magistrat. »
Article 17
L’article 37-1 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 37-1. – L’article 27-1 est applicable à la nomination aux fonctions hors hiérarchie, à l’exception des fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice. »
Article 18
À l’article 38 de la même ordonnance, après les mots : « hors hiérarchie », sont insérés les mots : « et les magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, et d’inspecteur général de la justice ».
Article 19
Après le deuxième alinéa de l’article 38-1 de la même ordonnance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les six mois suivant son installation dans ses fonctions, le procureur général, sous réserve des dispositions afférentes à la détermination de la politique pénale, définit les objectifs de son action, notamment en considération des rapports sur l’état du fonctionnement du parquet général et des parquets de son ressort qui ont pu être établis par l’inspection générale de la justice et par son prédécesseur ou par les procureurs de la République du ressort. Il élabore, tous les deux ans, un bilan de ses activités et de l’animation du ministère public dans son ressort ainsi que de l’administration des services judiciaires dans ce ressort. Il tient compte, dans l’élaboration de ce bilan, des rapports précités de l’inspection générale de la justice intervenus depuis son installation. Ces éléments sont versés au dossier du magistrat. »
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Chapitre IV
Dispositions relatives aux droits et obligations des magistrats
Article 21
I. – Après l’article 7 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, sont insérés des articles 7-1 à 7-4 ainsi rédigés :
« Art. 7-1. – Les magistrats veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts.
« Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction.
« Art. 7-2. – I. – Dans les deux mois qui suivent l’installation dans leurs fonctions, les magistrats remettent une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts :
« 1° Au président du tribunal, pour les magistrats du siège d’un tribunal de première instance ;
« 2° Au procureur de la République près ce tribunal, pour les magistrats du parquet d’un tribunal de première instance ;
« 3° Au premier président de la cour d’appel, pour les magistrats du siège d’une cour d’appel et pour les présidents des tribunaux de première instance du ressort de cette cour ;
« 4° Au procureur général près cette cour, pour les magistrats du parquet d’une cour d’appel et pour les procureurs de la République près des tribunaux de première instance du ressort de cette cour ;
« 5° Au premier président de la Cour de cassation, pour les magistrats du siège de la cour, pour les conseillers à la cour en service extraordinaire et pour les premiers présidents des cours d’appel ;
« 6° Au procureur général près la Cour de cassation, pour les magistrats du parquet de la cour, pour les avocats généraux à la cour en service extraordinaire et pour les procureurs généraux près des cours d’appel.
« 7° (Supprimé)
« II. – L’autorité à laquelle la déclaration a été remise peut solliciter l’avis du collège de déontologie sur la déclaration lorsqu’il existe un doute sur une éventuelle situation de conflit d’intérêts.
« III. – La déclaration d’intérêts ne comporte aucune mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques du magistrat, sauf lorsque leur révélation résulte de la déclaration de fonctions ou de mandats exercés publiquement.
« Elle porte sur les éléments suivants :
« 1° Les activités professionnelles donnant lieu à rémunération ou gratification exercées à la date de l’installation ;
« 2° Les activités professionnelles ayant donné lieu à rémunération ou gratification exercées aux cours des cinq années précédant la date de l’installation ;
« 3° Les activités de consultant exercées à la date de l’installation et au cours des cinq années précédentes ;
« 4° Les participations aux organes dirigeants d’un organisme public ou privé ou d’une société à la date de l’installation ou lors des cinq années précédentes ;
« 5° Les participations financières directes dans le capital d’une société à la date de l’installation ;
« 6° Les activités professionnelles exercées à la date de l’installation par le conjoint, le partenaire lié à l’intéressé par un pacte civil de solidarité ou le concubin ;
« 7° Les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts ;
« 8° Les fonctions et mandats électifs exercés à la date de l’installation.
« La remise de la déclaration d’intérêts donne lieu à un entretien déontologique entre le magistrat et l’autorité à laquelle la déclaration a été remise, ayant pour objet de prévenir tout éventuel conflit d’intérêts et d’inviter, s’il y a lieu, à mettre fin à une situation de conflit d’intérêts. À l’issue de l’entretien, la déclaration peut être modifiée par le magistrat. L’entretien peut être renouvelé à tout moment à la demande du magistrat ou de l’autorité.
« Toute modification substantielle des intérêts détenus fait l’objet, dans un délai de deux mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes et peut donner lieu à un entretien déontologique.
« La déclaration d’intérêts est annexée au dossier du magistrat selon des modalités garantissant sa confidentialité, sous réserve de sa consultation par les personnes autorisées à y accéder.
« Lorsqu’une procédure disciplinaire est engagée, le Conseil supérieur de la magistrature et le garde des sceaux, ministre de la justice, peuvent obtenir communication de la déclaration. Cette déclaration d’intérêts peut également être communiquée à l’inspection générale de la justice dans le cadre de l’enquête dont elle peut être saisie par le garde des sceaux, ministre de la justice, en application des articles 50-2 et 63.
« IV. – Le fait, pour une personne tenue de remettre une déclaration d’intérêts en application du I du présent article, de ne pas adresser sa déclaration ou d’omettre de déclarer une partie substantielle de ses intérêts est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
« Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code.
« Le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations ou des informations mentionnées au présent article est puni des peines mentionnées à l’article 226-1 du code pénal.
« V. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article, notamment le modèle, le contenu et les conditions de remise, de mise à jour, de conservation et de consultation de la déclaration d’intérêts.
« Art. 7-3. – I. – Adressent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leur situation patrimoniale, dans les deux mois qui suivent l’installation dans leurs fonctions et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions :
« 1° Le premier président et les présidents de chambre de la Cour de cassation ;
« 2° Le procureur général et les premiers avocats généraux près la Cour de cassation ;
« 3° Les premiers présidents des cours d’appel ;
« 4° Les procureurs généraux près les cours d’appel ;
« 5° Les présidents des tribunaux de première instance ;
« 6° Les procureurs de la République près les tribunaux de première instance.
« II. – La déclaration de la situation patrimoniale du magistrat concerne la totalité de ses biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. Ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droits de mutation à titre gratuit. La déclaration porte sur les éléments suivants :
« 1° Les immeubles bâtis et non bâtis ;
« 2° Les valeurs mobilières ;
« 3° Les assurances vie ;
« 4° Les comptes bancaires courants ou d’épargne, les livrets et les autres produits d’épargne ;
« 5° Les biens mobiliers divers d’une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire ;
« 6° Les véhicules terrestres à moteur, les bateaux et les avions ;
« 7° Les fonds de commerce ou clientèles et les charges et offices ;
« 8° Les biens mobiliers et immobiliers et les comptes détenus à l’étranger ;
« 9° Les autres biens ;
« 10° Le passif.
« Le cas échéant, la déclaration de situation patrimoniale précise, pour chaque élément mentionné aux 1° à 10° du présent II, s’il s’agit de biens propres, de biens de la communauté ou de biens indivis.
« La déclaration de situation patrimoniale adressée à l’issue des fonctions comporte, en plus des éléments mentionnés aux mêmes 1° à 10°, une présentation des événements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine depuis la précédente déclaration, ainsi qu’une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus par le magistrat et, le cas échéant, par la communauté depuis le début de l’exercice des fonctions.
« III. – Toute modification substantielle de la situation patrimoniale fait l’objet, dans un délai de deux mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes.
« Aucune nouvelle déclaration n’est exigée du magistrat qui a établi depuis moins de six mois une déclaration en application du présent article, des articles 4 ou 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, de l’article L.O. 135-1 du code électoral, des articles L. 131-10 ou L. 231-4-4 du code de justice administrative ou des articles L. 120-12 ou L. 220-9 du code des juridictions financières et la déclaration mentionnée au dernier alinéa du II du présent article est limitée à la présentation et à la récapitulation prévues audit alinéa.
« La déclaration de situation patrimoniale n’est pas versée au dossier du magistrat et ne peut pas être communiquée aux tiers.
« IV. – La Haute Autorité peut demander au magistrat soumis au I du présent article toute explication nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle des déclarations de situation patrimoniale. En cas de déclaration incomplète ou lorsqu’il n’a pas été donné suite à une demande d’explication adressée par la Haute Autorité, cette dernière adresse à l’intéressé une injonction tendant à ce que la déclaration soit complétée ou que les explications lui soient transmises dans un délai d’un mois à compter de cette injonction.
« V. – La Haute Autorité peut demander au magistrat soumis au I du présent article communication des déclarations qu’il a souscrites en application des articles 170 à 175 A du code général des impôts et, le cas échéant, en application de l’article 885 W du même code.
« Elle peut, si elle l’estime utile, demander les déclarations mentionnées au premier alinéa du présent V souscrites par le conjoint séparé de biens, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de tout magistrat soumis au I.
« À défaut de communication dans un délai de deux mois des déclarations mentionnées aux deux premiers alinéas du présent V, elle peut demander copie de ces mêmes déclarations à l’administration fiscale, qui les lui transmet dans un délai de trente jours.
« La Haute Autorité peut demander à l’administration fiscale d’exercer le droit de communication prévu à la section 1 du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, en vue de recueillir toutes informations utiles à l’accomplissement de sa mission de contrôle. Ces informations sont transmises à la Haute Autorité dans un délai de soixante jours à compter de sa demande.
« Elle peut, aux mêmes fins, demander à l’administration fiscale de mettre en œuvre les procédures d’assistance administrative internationale.
« Les agents de l’administration fiscale sont déliés du secret professionnel à l’égard des membres et des rapporteurs de la Haute Autorité au titre des vérifications et contrôles qu’ils mettent en œuvre pour l’application du présent article.
« VI. – La Haute Autorité apprécie, dans un délai de six mois à compter de la réception de la déclaration, l’évolution de la situation patrimoniale du magistrat telle qu’elle résulte de ses déclarations, des éventuelles observations et explications qu’il a pu formuler ou des autres éléments dont elle dispose.
« Lorsque les évolutions de la situation patrimoniale n’appellent pas d’observations ou lorsqu’elles sont justifiées, la Haute Autorité en informe le magistrat.
« Lorsqu’elle constate une évolution de la situation patrimoniale pour laquelle elle ne dispose pas d’explications suffisantes, après que le magistrat a été mis en mesure de produire ses observations, la Haute Autorité transmet le dossier au parquet.
« Lorsqu’elle constate un manquement à l’obligation de déclaration de situation patrimoniale ou un défaut de réponse à une injonction prévue au IV du présent article, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique saisit le garde des sceaux, ministre de la justice.
« VII. – Le fait, pour une personne mentionnée au I du présent article, de ne pas déposer la déclaration de situation patrimoniale, d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
« Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code.
« Le fait pour une personne mentionnée au I du présent article, de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« Le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations ou des informations mentionnées au présent article est puni des peines prévues à l’article 226-1 du code pénal.
« VIII. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, précise les conditions d’application du présent article, notamment le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation des déclarations de situation patrimoniale.
« Art. 7-4. – (Supprimé) »
II. – Le premier alinéa de l’article 9-1 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Les mots : « d’avoué, » sont supprimés ;
2° Après les mots : « huissier de justice, », sont insérés les mots : « de commissaire-priseur judiciaire, » ;
3° Le mot : « mandataire liquidateur » est remplacé par les mots : « mandataire judiciaire ».
Article 22
Après l’article 10 de la même ordonnance, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1. – I. – Le droit syndical est garanti aux magistrats qui peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats.
« II. – Pour l’exercice de ce droit, les magistrats sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires de droit commun applicables aux fonctionnaires, sous réserve du présent II.
« Sont considérées comme représentatives, au sens de l’article 27-1, les organisations syndicales de magistrats ayant obtenu au moins un siège à la commission d’avancement prévue à l’article 34 parmi les sièges attribués aux magistrats des cours et tribunaux ou ayant obtenu un taux minimal, fixé par le décret en Conseil d’État mentionné au III du présent article, de suffrages exprimés lors de l’élection du collège mentionné à l’article 13-1.
« Les représentants syndicaux, titulaires et suppléants appelés à siéger à la commission d’avancement ainsi qu’à la commission permanente d’études se voient accorder une autorisation d’absence sur simple présentation de leur convocation. Ils bénéficient des mêmes droits lorsqu’ils prennent part, en cette qualité, à des réunions de travail convoquées par l’administration.
« Sous réserve des nécessités de service, des décharges d’activités peuvent être accordées aux représentants des organisations syndicales représentatives de magistrats.
« Un crédit de temps syndical, utilisable sous forme de décharges de service ou de crédits d’heures selon les besoins de l’activité syndicale, est attribué aux organisations syndicales de magistrats et déterminé à l’issue du renouvellement de la commission d’avancement.
« Les organisations syndicales de magistrats désignent librement parmi leurs représentants les bénéficiaires de crédits de temps syndical.
« Lorsque la désignation d’un magistrat se révèle incompatible avec la bonne administration de la justice, le garde des sceaux, ministre de la justice, motive son refus et invite l’organisation syndicale à porter son choix sur un autre magistrat. Le Conseil supérieur de la magistrature doit être informé de cette décision.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment les conditions et les limites dans lesquelles les décharges de service peuvent intervenir. »
Article 22 bis
Après l’article 10 de la même ordonnance, il est inséré un article 10-2 ainsi rédigé :
« Art. 10-2. – I. – Le collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire est chargé :
« 1° De rendre des avis sur toute question déontologique concernant personnellement un magistrat, sur saisine de celui-ci ou de l’un de ses chefs hiérarchiques ;
« 2° (Supprimé)
« 3° D’examiner les déclarations d’intérêts qui lui sont transmises en application de l’article 7-2 de la présente loi organique.
« Il présente chaque année au Conseil supérieur de la magistrature un rapport public rendant compte de l’exécution de ses missions. Ce rapport ne contient aucune information nominative.
« II. – Le collège de déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire est composé :
« 1° D’un magistrat, en fonctions ou honoraire, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature, nommé par le Président de la République sur proposition de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature se prononçant hors la présence du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près ladite cour ;
« 2° Alternativement, d’un magistrat du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation, en fonctions ou honoraire, élu par l’assemblée des magistrats du siège hors hiérarchie de la cour ou d’un magistrat du parquet hors hiérarchie de la Cour de cassation, en fonctions ou honoraire, élu par l’assemblée des magistrats du parquet hors hiérarchie de la cour. Le premier président de la cour et le procureur général près la cour ne peuvent ni participer au vote ni être élus. Lorsqu’est élu un magistrat du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation, le magistrat élu au titre du 3° est un procureur général près une cour d’appel. Lorsqu’est élu un magistrat du parquet hors hiérarchie de la Cour de cassation, le magistrat élu au titre du 3° est un premier président de cour d’appel ;
« 3° Alternativement, d’un premier président de cour d’appel, en fonctions ou honoraire, élu par l’assemblée des premiers présidents de cour d’appel et d’un procureur général près une cour d’appel, en fonctions ou honoraire, élu par l’assemblée des procureurs généraux près les cours d’appel ;
« 4° D’une personnalité extérieure désignée, alternativement, par le vice-président du Conseil d’État parmi les membres du Conseil d’État en fonctions ou honoraires et par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats en fonctions à la Cour des comptes ou honoraires ;
« 5° D’un universitaire nommé par le Président de la République sur proposition, alternativement, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près ladite cour.
« Le président du collège de déontologie est élu en son sein par ses membres.
« III. – La durée du mandat des membres du collège de déontologie est de trois ans, renouvelable une fois.
« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
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Article 24
L’article 12-2 de la même ordonnance est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque le magistrat a fait l’objet de poursuites disciplinaires s’étant conclues par une décision de non-lieu à sanction, il peut demander le retrait des pièces relatives à ces poursuites de son dossier. Ce retrait est de droit.
« Dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le dossier du magistrat peut être géré sur support électronique. »
Article 25
La section I du chapitre VII de la même ordonnance est ainsi modifiée :
1° L’article 44 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « des services judiciaires » sont remplacés par les mots : « , chef de l’inspection générale de la justice » ;
b) Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le magistrat à l’encontre duquel il est envisagé de délivrer un avertissement est convoqué à un entretien préalable. Dès sa convocation à cet entretien, le magistrat a droit à la communication de son dossier et des pièces justifiant la mise en œuvre de cette procédure. Il est informé de son droit de se faire assister de la personne de son choix.
« Aucun avertissement ne peut être délivré au-delà d’un délai de deux ans à compter du jour où l’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, le chef de cour, le directeur ou le chef de service de l’administration centrale a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits susceptibles de justifier une telle mesure. En cas de poursuites pénales exercées à l’encontre du magistrat, ce délai est interrompu jusqu’à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d’acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une procédure disciplinaire a été engagée à l’encontre du magistrat avant l’expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’une procédure d’avertissement. » ;
2° L’article 47 est ainsi rétabli :
« Art. 47. – Le garde des sceaux, ministre de la justice, dans les cas mentionnés à l’article 50-1 ou au premier alinéa de l’article 63, et les chefs de cour, dans les cas mentionnés à l’article 50-2 ou au deuxième alinéa de l’article 63, ne peuvent saisir le Conseil supérieur de la magistrature de faits motivant des poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où ils ont eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur de ces faits. En cas de poursuites pénales exercées à l’encontre du magistrat, ce délai est interrompu jusqu’à la décision définitive de classement sans suite, de non-lieu, d’acquittement, de relaxe ou de condamnation. Passé ce délai et hormis le cas où une autre procédure disciplinaire a été engagée à l’encontre du magistrat avant l’expiration de ce délai, les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d’une procédure disciplinaire. »
Article 25 bis
Le même chapitre VII est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l’article 43, après le mot : « justice », sont insérés les mots : « ainsi que pour un magistrat exerçant les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, d’inspecteur général de la justice ou d’inspecteur de la justice » ;
2° L’article 48 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « ministère de la justice », sont insérés les mots : « ainsi que des magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, d’inspecteur général de la justice et d’inspecteur de la justice » ;
b) Le second alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« À l’égard des magistrats en position de détachement ou de disponibilité ou ayant définitivement cessé d’exercer leurs fonctions, le pouvoir disciplinaire est exercé :
« 1° Par la formation du Conseil supérieur compétente pour les magistrats du siège, lorsque ces magistrats ont exercé leurs dernières fonctions dans le corps judiciaire au siège ;
« 2° Par le garde des sceaux, ministre de la justice, lorsque ces magistrats ont exercé leurs dernières fonctions dans le corps judiciaire au parquet, à l’administration centrale du ministère de la justice ou en qualité d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, d’inspecteur général de la justice ou d’inspecteur de la justice. » ;
3° Le second alinéa de l’article 59 est complété par les mots : « ainsi qu’aux magistrats exerçant les fonctions d’inspecteur général, chef de l’inspection générale de la justice, d’inspecteur général de la justice et d’inspecteur de la justice ».
Article 25 ter
À la fin du second alinéa de l’article 50-2 de la même ordonnance, les mots : « des services judiciaires » sont remplacés par les mots : « de la justice ».
Article 26
Le chapitre VII de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Après l’article 50-3, sont insérés des articles 50-4 et 50-5 ainsi rédigés :
« Art. 50-4. – Le Conseil supérieur de la magistrature se prononce dans un délai de douze mois à compter du jour où il a été saisi en application des articles 50-1 à 50-3, sauf prorogation pour une durée de six mois renouvelable par décision motivée.
« Art. 50-5. – Le Conseil supérieur de la magistrature se prononce sur la situation du magistrat ayant fait l’objet d’une interdiction temporaire d’exercice en application des articles 50 ou 51 dans un délai de huit mois à compter du jour où il a été saisi en application des articles 50-1 à 50-3. Il peut, par décision motivée, proroger ce délai pour une durée de quatre mois. Si, à l’expiration de ce délai, aucune décision n’a été prise, l’intéressé est rétabli dans ses fonctions. Si l’intéressé fait l’objet de poursuites pénales, le conseil peut décider de maintenir l’interdiction temporaire d’exercice jusqu’à la décision définitive sur les poursuites disciplinaires. » ;
2° L’article 63 est ainsi modifié :
a) À la fin du troisième alinéa, les mots : « des services judiciaires » sont remplacés par les mots : « de la justice » ;
b) Les deux derniers alinéas sont supprimés ;
3° Après l’article 63, sont insérés des articles 63-1 à 63-3 ainsi rédigés :
« Art. 63-1. – Le Conseil supérieur de la magistrature se prononce dans un délai de douze mois à compter du jour où il a été saisi en application de l’article 63, sauf prorogation pour une durée de six mois renouvelable par décision motivée.
« Art. 63-2. – Si, à l’expiration d’un délai de huit mois à compter du jour où le Conseil supérieur de la magistrature a été saisi dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas de l’article 63 pour rendre son avis sur la situation du magistrat ayant fait l’objet d’une interdiction temporaire d’exercice, aucune décision n’a été prise par le garde des sceaux, ministre de la justice, l’intéressé est rétabli dans ses fonctions, sauf prorogation pour une durée de quatre mois après avis motivé du conseil.
« Si l’intéressé fait l’objet de poursuites pénales, le garde des sceaux, ministre de la justice, peut, après avis motivé du conseil, maintenir l’interdiction temporaire d’exercice jusqu’à la décision définitive sur les poursuites disciplinaires.
« Art. 63-3. – Dès la saisine du Conseil supérieur de la magistrature, le magistrat a droit à la communication de son dossier et des pièces de l’enquête préliminaire, s’il y a été procédé.
« Le président de la formation de discipline désigne, en qualité de rapporteur, un membre de cette formation. Il le charge, s’il y a lieu, de procéder à une enquête. Lorsque le Conseil supérieur de la magistrature a été saisi par un justiciable, la désignation du rapporteur n’intervient qu’après l’examen de la plainte par la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur de la magistrature mentionnée à l’article 63. L’article 52 est applicable. »
Chapitre V
Dispositions relatives aux autres modalités de recrutement des magistrats
Article 27
L’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifiée :
1° Le chapitre V bis est ainsi modifié :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « De l’intégration provisoire dans le corps judiciaire » ;
b) Est insérée une section I intitulée : « De l’intégration provisoire à temps plein », comprenant une sous-section I intitulée : « Des conseillers et des avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire », qui comprend les articles 40-1 à 40-7, et une sous-section II intitulée : « Du détachement judiciaire », qui comprend les articles 41 à 41-9 ;
c) Est insérée une section II intitulée : « De l’intégration provisoire à temps partiel », comprenant une sous-section I intitulée : « Des magistrats exerçant à titre temporaire », qui comprend les articles 41-10 à 41-16, et une sous-section II intitulée : « Des magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ou non juridictionnelles », qui comprend les articles 41-25 à 41-32, tels qu’ils résultent de l’article 31 de la présente loi organique ;
d) Au sein de la section II insérée par le c du présent article, avant l’article 41-10, il est inséré un article 41-10 A ainsi rédigé :
« Art. 41-10 A. – Les magistrats mentionnés à la présente section ne peuvent exercer qu’une part limitée de la compétence de la juridiction dans laquelle ils sont nommés. »
2° La division et l’intitulé des chapitres V ter et V quater sont supprimés.
Article 27 bis
Le chapitre V bis de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article 40-1, les mots : « vingt-cinq » sont remplacés par le mot : « vingt » ;
2° Au premier alinéa de l’article 40-2, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « dix » ;
3° L’article 40-4 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les conseillers et les avocats généraux en service extraordinaire ayant exercé leur fonction durant dix années sont admis, à l’expiration de leur mandat, à se prévaloir de l’honorariat de ces fonctions. Toutefois, l’honorariat peut être refusé au moment de la cessation des fonctions par une décision motivée de l’autorité qui prononce la cessation des fonctions, après avis de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard du magistrat selon qu’il exerce ses fonctions au siège ou au parquet.
« Si, lors de la cessation des fonctions, le conseiller ou l’avocat général en service extraordinaire fait l’objet de poursuites disciplinaires, il ne peut se prévaloir de l’honorariat avant le terme de la procédure disciplinaire et l’honorariat peut lui être refusé dans les conditions prévues à l’avant-dernier alinéa, au plus tard deux mois après la fin de cette procédure. »
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Article 28 bis
L’article 41-1 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 41-1. – Le détachement judiciaire est prononcé à équivalence de grade et à l’échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui que l’intéressé détenait dans son corps d’origine. »
Article 29
I. – L’article 41-10 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Peuvent être nommées magistrats exerçant à titre temporaire, pour exercer des fonctions de juge d’instance, d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance, de juge du tribunal de police ou de juge chargé de valider les compositions pénales, les personnes âgées d’au moins trente-cinq ans que leur compétence et leur expérience qualifient particulièrement pour exercer ces fonctions. » ;
2° Au second alinéa, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « cinq » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les magistrats exerçant à titre temporaire ne peuvent demeurer en fonctions au-delà de l’âge de soixante-quinze ans. »
I bis. – L’article 41-11 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, la référence : « du présent chapitre » est remplacée par la référence : « de la présente sous-section » ;
2° À la première phrase du premier alinéa, le mot : « et » est remplacé par le mot : « . Ils » ;
3° À la seconde phrase du premier alinéa, le mot : « quart » est remplacé par le mot : « tiers » ;
4° Le second alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’ils sont affectés dans un tribunal de grande instance, ces magistrats sont répartis dans les différentes formations de la juridiction selon les modalités fixées par l’ordonnance annuelle prévue par le code de l’organisation judiciaire.
« En qualité d’assesseurs dans une formation collégiale, ils traitent des contentieux civil et pénal. Il ne peut y avoir dans ces formations plus d’un assesseur choisi parmi les magistrats recrutés en application de la présente sous-section.
« En qualité de juge du tribunal de police, ils ne peuvent connaître que d’une part limitée du contentieux relatif aux contraventions.
« Lorsqu’ils sont chargés de valider les compositions pénales, ils ne peuvent assurer plus du tiers de ce service. »
II. – L’article 41-12 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 41-12. – Les magistrats recrutés au titre de l’article 41-10 sont nommés pour une durée de cinq ans, renouvelable une fois, dans les formes prévues pour les magistrats du siège. Six mois au moins avant l’expiration de leur premier mandat, ils peuvent en demander le renouvellement. Le renouvellement est accordé de droit sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il est de droit dans la même juridiction.
« L’article 27-1 n’est pas applicable aux nominations mentionnées au premier alinéa.
« Avant de rendre son avis sur le projet de nomination pour la première période de cinq ans, la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature soumet l’intéressé à une formation probatoire organisée par l’École nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l’article 19. Le troisième alinéa de l’article 25-3 est applicable aux stagiaires.
« La formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature peut, à titre exceptionnel et au vu de l’expérience professionnelle du candidat, le dispenser de la formation probatoire prévue au troisième alinéa du présent article.
« Les magistrats n’ayant pas été soumis à la formation probatoire prévue au troisième alinéa du présent article suivent une formation organisée par l’École nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l’article 19.
« Le directeur de l’École nationale de la magistrature établit, sous forme d’un rapport, le bilan du stage probatoire du candidat, qu’il adresse à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature et au garde des sceaux, ministre de la justice.
« Préalablement à leur entrée en fonctions, les magistrats prêtent serment dans les conditions prévues à l’article 6.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature, les modalités d’organisation et la durée de la formation, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées l’indemnisation et la protection sociale des stagiaires mentionnés au présent article. »
III. – L’article 41-13 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « recrutés dans le cadre du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « exerçant à titre temporaire » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils ne peuvent recevoir aucun avancement de grade. Ils ne peuvent pas être mutés sans leur consentement. » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application de l’article 7-2, les magistrats exerçant à titre temporaire remettent leur déclaration d’intérêts au président du tribunal de grande instance dans lequel ils exercent leurs fonctions. »
IV. – L’article 41-14 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, la référence : « du présent chapitre » est remplacée par la référence : « de la présente sous-section » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « protégé », sont insérés les mots : « et leurs salariés » ;
b) Sont ajoutés les mots : « ; ils ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés » ;
3° Au troisième alinéa, après le mot : « appel », sont insérés les mots : « dans le ressort de laquelle il est affecté » ;
4° À la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « est insusceptible » sont remplacés par les mots : « n’est pas susceptible » ;
5° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le magistrat ne peut ni mentionner cette qualité, ni en faire état dans les documents relatifs à l’exercice de son activité professionnelle, tant pendant la durée de ses fonctions que postérieurement. »
V. – La première phrase de l’article 41-15 de la même ordonnance est ainsi modifiée :
1° Au début, sont ajoutés les mots : « Le pouvoir d’avertissement et » ;
2° La référence : « du présent chapitre » est remplacée par la référence : « de la présente sous-section ».
VI. – Au premier alinéa de l’article 41-16 de la même ordonnance, la référence : « du présent chapitre » est remplacée par la référence : « de la présente sous-section ».
VII. – Le chapitre V quinquies de la même ordonnance est abrogé.
Articles 30 et 30 bis
(Suppression maintenue)
Article 31
I. – À la sous-section II du chapitre V bis de la même ordonnance, telle qu’elle résulte de l’article 27 de la présente loi organique, sont insérés des articles 41-25 à 41-32 ainsi rédigés :
« Art. 41-25. – Des magistrats honoraires peuvent être nommés pour exercer des fonctions d’assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance et des cours d’appel ou des fonctions de substitut près les tribunaux de grande instance ou de substitut général près les cours d’appel. Ils peuvent également être désignés par le premier président de la cour d’appel pour présider la formation collégiale statuant en matière de contentieux social des tribunaux de grande instance et des cours d’appel spécialement désignés pour connaître de ce contentieux.
« Art. 41-26. – Lorsqu’ils sont affectés en qualité d’assesseurs dans une formation collégiale du tribunal de grande instance ou de la cour d’appel, ces magistrats sont répartis dans les différentes formations de la juridiction selon les modalités fixées par l’ordonnance annuelle prévue par le code de l’organisation judiciaire et traitent des contentieux civil et pénal. La formation collégiale de la cour d’appel ne peut comprendre plus d’un assesseur choisi parmi les magistrats recrutés dans les conditions prévues à la présente sous-section. La formation collégiale du tribunal de grande instance ne peut comprendre plus d’un assesseur choisi parmi les magistrats recrutés dans les conditions prévues à la présente section.
« Art. 41-27. – Les magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l’article 41-25 sont nommés pour une durée de cinq ans non renouvelable, dans les formes prévues à l’article 28.
« L’article 27-1 ne leur est pas applicable.
« Lorsqu’ils sont nommés à des fonctions qu’ils n’ont jamais exercées avant d’être admis à la retraite, ou à leur demande, ces magistrats suivent, dans les deux mois à compter de leur installation, une formation préalable.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de dépôt et d’instruction des dossiers de candidature, les modalités d’organisation et la durée de la formation, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées l’indemnisation et la protection sociale des candidats mentionnés au présent article.
« Art. 41-28. – Les magistrats exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l’article 41-25 sont soumis au présent statut.
« Toutefois, ils ne peuvent ni être membres du Conseil supérieur de la magistrature ou de la commission d’avancement, ni participer à la désignation des membres de ces instances.
« Ils ne peuvent recevoir aucun avancement de grade. Ils ne peuvent être mutés sans leur consentement.
« Les articles 13 et 76 ne leur sont pas applicables.
« Ces magistrats sont indemnisés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Pour l’application de l’article 7-2, les magistrats honoraires remettent leur déclaration d’intérêts au président du tribunal de grande instance ou de la cour d’appel où ils exercent leurs fonctions.
« Art. 41-29. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 8, les magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l’article 41-25 peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. Ces magistrats ne peuvent, dans le ressort du tribunal de grande instance ou de la cour d’appel où ils exercent leurs fonctions juridictionnelles, ni exercer une profession libérale juridique et judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ni être salarié d’un membre d’une telle profession ; ils ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés.
« Sans préjudice de l’application du deuxième alinéa de l’article 8, les magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l’article 41-25 ne peuvent exercer concomitamment aucune activité d’agent public, à l’exception de celle de professeur et de maître de conférences des universités.
« En cas de changement d’activité professionnelle, les magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l’article 41-25 en informent le premier président de la cour d’appel ou le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle ils sont affectés, qui leur fait connaître, le cas échéant, l’incompatibilité entre leur nouvelle activité et l’exercice de leurs fonctions juridictionnelles.
« Les magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l’article 41-25 ne peuvent ni mentionner cette qualité ni en faire état dans les documents relatifs à l’exercice de leur activité professionnelle, tant pendant la durée de l’exercice de leurs fonctions qu’à l’issue de celles-ci.
« Art. 41-30. – Le pouvoir d’avertissement et le pouvoir disciplinaire à l’égard des magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l’article 41-25 sont mis en œuvre dans les conditions définies au chapitre VII. Indépendamment de l’avertissement prévu à l’article 44 et de la sanction prévue au 1° de l’article 45, peut seule être prononcée, à titre de sanction disciplinaire, la cessation des fonctions.
« Art. 41-31. – Les magistrats honoraires exerçant les fonctions juridictionnelles mentionnées à l’article 41-25 ne peuvent demeurer en fonctions au-delà de l’âge de soixante-douze ans.
« Il ne peut être mis fin aux fonctions de ces magistrats qu’à leur demande ou au cas où aurait été prononcée à leur encontre la sanction prévue à l’article 41-30.
« Art. 41-32. – Les magistrats honoraires peuvent, sur leur demande, exercer des activités non juridictionnelles de nature administrative ou d’aide à la décision au profit des magistrats, en fonction des besoins :
« a) Soit sur délégation du premier président et du procureur général près la Cour de cassation pour l’accomplissement de telles activités à la Cour de cassation ;
« b) Soit sur délégation des premiers présidents et des procureurs généraux près les cours d’appel pour l’accomplissement de ces activités dans les juridictions de leur ressort ;
« c) Soit sur délégation des présidents des tribunaux supérieurs d’appel et des procureurs généraux près lesdits tribunaux supérieurs d’appel pour l’accomplissement de ces activités dans les juridictions de leur ressort.
« L’exercice desdites activités est incompatible avec celui des activités juridictionnelles mentionnées à l’article 41-25. Les magistrats honoraires ne peuvent les accomplir au-delà de l’âge de soixante-quinze ans. Ils ne peuvent ni exercer de profession libérale juridique ou judiciaire soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ni être salarié d’un membre d’une telle profession ni effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction à laquelle ils sont affectés.
« Les magistrats honoraires exerçant des fonctions non juridictionnelles sont tenus au secret professionnel. Les activités accomplies en application du présent article sont indemnisées.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions et les modalités d’application du présent article. »
II. – Le I de l’article 164 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est abrogé.
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AU CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
Article 32
L’article 10-1 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts » ;
1° bis Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. » ;
2° La première phrase du second alinéa est ainsi modifiée :
a) Après les mots : « Conseil supérieur de la magistrature », sont insérés les mots : « ou par six autres membres appartenant à l’une de ces formations, dont au moins un magistrat et une personnalité qualifiée » ;
b) La référence : « au premier alinéa » est remplacée par les références : « aux deux premiers alinéas ».
Article 32 bis
Après l’article 10-1 de la même loi organique, il est inséré un article 10-1-1 A ainsi rédigé :
« Art. 10-1-1 A. – Dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonctions, les membres du Conseil supérieur de la magistrature établissent une déclaration d’intérêts, dans les conditions prévues aux dix premiers alinéas du III et aux IV et V de l’article 7-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
« Les déclarations d’intérêts sont tenues à la disposition de l’ensemble des membres du Conseil supérieur de la magistrature.
« Toute modification substantielle des intérêts détenus fait l’objet, dans un délai de deux mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes.
« Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, la déclaration d’intérêts ne peut pas être communiquée aux tiers. »
Article 33
Après l’article 10-1 de la même loi organique, il est inséré un article 10-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1-1. – S’ils ne sont pas soumis à l’obligation d’établir une déclaration de situation patrimoniale à un autre titre, les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont soumis à cette obligation dans les conditions prévues à l’article 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. »
Article 33 bis
À la seconde phrase du troisième alinéa de l’article 3 de la même loi organique, après le mot : « justice », sont insérés les mots : « , les magistrats mentionnés au 1° bis de l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ».
TITRE III
DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article 34
I. – À la fin du deuxième alinéa de l’article 21 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les mots : « d’études » sont remplacés par les mots : « de formation ».
I bis. – Au 1° de l’article 21-1 de la même ordonnance, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « sept ».
II. – Au quatorzième alinéa de l’article 21-1 et à l’article 25 de la même ordonnance, les mots : « recrutements intervenus » sont remplacés par les mots : « premières nominations intervenues ».
III. – Le 1° de l’article 35 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Les mots : « des services judiciaires ou, à défaut, l’inspecteur général adjoint » sont remplacés par les mots : « , chef de l’inspection générale de la justice ou, à défaut, l’inspecteur général de la justice » ;
2° Après le mot : « sous-directeur », il est inséré le mot : « adjoint ».
IV. – L’article 76-1-1 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Le I est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« S’agissant des magistrats du siège, leur demande est transmise à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, qui se prononce en considération de leur aptitude et de l’intérêt du service.
« S’agissant des magistrats du parquet, leur demande est transmise à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, qui donne un avis en considération de leur aptitude et de l’intérêt du service. » ;
2° Le premier alinéa du II est ainsi rédigé :
« Les magistrats du siège et du parquet des cours d’appel et des tribunaux de grande instance, les magistrats du cadre de l’administration centrale et les magistrats exerçant à l’inspection générale de la justice, lorsqu’ils atteignent la limite d’âge prévue au premier alinéa de l’article 76, sont, sur leur demande et sous réserve de l’appréciation par la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature de leur aptitude et de l’intérêt du service, maintenus en activité jusqu’à l’âge de soixante-huit ans pour exercer les fonctions de conseiller ou de juge ou les fonctions de substitut général ou de substitut. Les magistrats en position de détachement ne peuvent être maintenus en activité. » ;
3° Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Les magistrats du cadre de l’administration centrale et les magistrats exerçant à l’inspection générale de la justice, lorsqu’ils atteignent la limite d’âge prévue au premier alinéa de l’article 76, sont, sur leur demande, maintenus en activité dans leur fonction, en surnombre, sous réserve de leur aptitude et de l’intérêt du service. » ;
4° À la première phrase du III, la référence : « ou II » est remplacée par les références : « , II ou II bis ».
Articles 34 bis A
(Supprimé)
Article 34 bis
(Suppression maintenue)
Article 34 ter
L’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée est ainsi modifiée :
1° Au 2° de l’article 22, les mots : « greffiers en chef des cours et tribunaux et des conseils de prud’hommes » sont remplacés par les mots : « directeurs des services de greffe judiciaires » ;
2° L’article 23 est ainsi modifié :
a) Au 1°, le mot : « dix-sept » est remplacé par le mot : « quinze » ;
b) Au 2°, les mots : « greffiers en chef des cours et tribunaux et des conseils de prud’hommes » sont remplacés par les mots : « directeurs des services de greffe judiciaires ».
Article 34 quater
La même ordonnance est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa de l’article 12 est complété par les mots : « , ministre de la justice » ;
2° Au second alinéa de l’article 13, après les mots : « par le », sont insérés les mots : « garde des sceaux, » ;
3° L’article 31 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa et à la première phrase de l’avant-dernier alinéa, après les mots : « font connaître au », sont insérés les mots : « garde des sceaux, » ;
b) À la deuxième phrase des troisième et avant-dernier alinéas, après le mot : « le », sont insérés les mots : « garde des sceaux, » ;
4° (Supprimé)
5° Au dernier alinéa de l’article 48-1, après les mots : « par le », sont insérés les mots : « garde des sceaux, » ;
6° À la première phrase du premier alinéa de l’article 72, après les mots : « sur proposition du », sont insérés les mots : « garde des sceaux, ».
Article 34 quinquies
Après l’article 3 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, sont insérés des articles 3-1 et 3-2 ainsi rédigés :
« Art. 3-1. – I. – Dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonctions, les membres du Conseil constitutionnel, autres que les membres de droit, établissent une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts.
« Les membres de droit du Conseil constitutionnel établissent une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts dans un délai de deux mois à compter de la première séance au cours de laquelle ils ont siégé.
« II. – La déclaration d’intérêts ne comporte aucune mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé, sauf lorsque leur révélation résulte de la déclaration de fonctions ou de mandats exercés publiquement.
« Elle porte sur les éléments suivants :
« 1° Les activités professionnelles donnant lieu à rémunération ou gratification exercées à la date de l’entrée en fonctions ;
« 2° Les activités professionnelles ayant donné lieu à rémunération ou gratification exercées aux cours des cinq années précédant la date de l’entrée en fonctions ;
« 3° Les activités de consultant exercées à la date de l’entrée en fonctions et au cours des cinq années précédentes ;
« 4° Les participations aux organes dirigeants d’un organisme public ou privé ou d’une société à la date de l’entrée en fonctions ou lors des cinq années précédentes ;
« 5° Les participations financières directes dans le capital d’une société à la date de l’entrée en fonctions ;
« 6° Les activités professionnelles exercées à la date de l’entrée en fonctions par le conjoint, le partenaire lié à l’intéressé par un pacte civil de solidarité ou le concubin ;
« 7° Les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d’intérêts ;
« 8° Les fonctions et mandats électifs exercés à la date de l’entrée en fonctions.
« III. – Les déclarations d’intérêts sont tenues à la disposition de l’ensemble des membres du Conseil constitutionnel.
« Toute modification substantielle des intérêts détenus fait l’objet, dans un délai de deux mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes.
« Sous réserve du premier alinéa du présent III, la déclaration d’intérêts ne peut pas être communiquée aux tiers.
« IV. – Le fait, pour un membre du Conseil constitutionnel tenu de remettre une déclaration d’intérêts en application du I du présent article, de ne pas adresser sa déclaration ou d’omettre de déclarer une partie substantielle de ses intérêts est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
« Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code.
« Le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations ou des informations mentionnées au présent article est puni des peines prévues à l’article 226-1 du code pénal.
« V. – Un décret en conseil des ministres, pris après consultation du Conseil constitutionnel et avis du Conseil d’État, précise les conditions d’application du présent article, notamment le modèle, le contenu et les conditions de remise, de mise à jour et de conservation par le président du Conseil constitutionnel de la déclaration d’intérêts.
« Art. 3-2. – I. – Dans un délai de deux mois à compter de leur entrée en fonctions et un délai de deux mois à compter de la cessation de leurs fonctions, les membres du Conseil constitutionnel, autres que les membres de droit, adressent au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leur situation patrimoniale concernant la totalité de leurs biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. Ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droits de mutation à titre gratuit.
« II. – La déclaration de situation patrimoniale porte sur les éléments suivants :
« 1° Les immeubles bâtis et non bâtis ;
« 2° Les valeurs mobilières ;
« 3° Les assurances vie ;
« 4° Les comptes bancaires courants ou d’épargne, les livrets et les autres produits d’épargne ;
« 5° Les biens mobiliers divers d’une valeur supérieure à un montant fixé par voie réglementaire ;
« 6° Les véhicules terrestres à moteur, les bateaux et les avions ;
« 7° Les fonds de commerce ou clientèles et les charges et offices ;
« 8° Les biens mobiliers et immobiliers et les comptes détenus à l’étranger ;
« 9° Les autres biens ;
« 10° Le passif.
« Le cas échéant, la déclaration de situation patrimoniale précise, pour chaque élément mentionné aux 1° à 10° du présent II, s’il s’agit de biens propres, de biens de la communauté ou de biens indivis.
« La déclaration de situation patrimoniale adressée à l’issue des fonctions comporte, en plus des éléments mentionnés aux mêmes 1° à 10°, une présentation des événements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine depuis la précédente déclaration, ainsi qu’une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus par le membre du Conseil constitutionnel et, le cas échéant, par la communauté depuis le début de l’exercice des fonctions.
« III. – Toute modification substantielle de la situation patrimoniale fait l’objet, dans un délai de deux mois, d’une déclaration complémentaire dans les mêmes formes.
« Aucune nouvelle déclaration n’est exigée du membre du Conseil constitutionnel qui a établi depuis moins de six mois une déclaration en application des articles 4 ou 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, de l’article L.O. 135-1 du code électoral, des articles L. 131-10 ou L. 231-4-4 du code de justice administrative, des articles L. 120-12 ou L. 220-9 du code des juridictions financières, de l’article 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ou de l’article 10-1-1 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature et la déclaration mentionnée au dernier alinéa du II du présent article est limitée à la présentation et à la récapitulation prévues audit alinéa.
« La déclaration de situation patrimoniale ne peut pas être communiquée aux tiers.
« IV. – La Haute Autorité peut demander au membre du Conseil constitutionnel soumis au I du présent article toute explication nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle des déclarations de situation patrimoniale. En cas de déclaration incomplète ou lorsqu’il n’a pas été donné suite à une demande d’explication adressée par la Haute Autorité, cette dernière adresse à l’intéressé une injonction tendant à ce que la déclaration soit complétée ou que les explications lui soient transmises dans un délai d’un mois à compter de cette injonction.
« V. – La Haute Autorité peut demander au membre du Conseil constitutionnel soumis au I du présent article communication des déclarations qu’il a souscrites en application des articles 170 à 175 A du code général des impôts et, le cas échéant, en application de l’article 885 W du même code.
« Elle peut, si elle l’estime utile, demander les déclarations, mentionnées au premier alinéa du présent V souscrites par le conjoint séparé de biens, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de tout membre du Conseil constitutionnel soumis au I.
« À défaut de communication dans un délai de deux mois des déclarations mentionnées aux deux premiers alinéas du présent V, elle peut demander copie de ces mêmes déclarations à l’administration fiscale, qui les lui transmet dans un délai de trente jours.
« La Haute Autorité peut demander à l’administration fiscale d’exercer le droit de communication prévu à la section 1 du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, en vue de recueillir toutes informations utiles à l’accomplissement de sa mission de contrôle. Ces informations sont transmises à la Haute Autorité dans un délai de soixante jours à compter de sa demande.
« Elle peut, aux mêmes fins, demander à l’administration fiscale de mettre en œuvre les procédures d’assistance administrative internationale.
« Les agents de l’administration fiscale sont déliés du secret professionnel à l’égard des membres et des rapporteurs de la Haute Autorité au titre des vérifications et contrôles qu’ils mettent en œuvre pour l’application du présent article.
« VI. – La Haute Autorité apprécie, dans un délai de six mois à compter de la réception de la déclaration, l’évolution de la situation patrimoniale du membre du Conseil constitutionnel telle qu’elle résulte de ses déclarations, des éventuelles observations et explications qu’il a pu formuler ou des autres éléments dont elle dispose.
« Lorsque les évolutions de la situation patrimoniale n’appellent pas d’observations ou lorsqu’elles sont justifiées, la Haute Autorité en informe le membre du Conseil constitutionnel.
« Lorsqu’elle constate une évolution de la situation patrimoniale pour laquelle elle ne dispose pas d’explications suffisantes, après que l’intéressé a été mis en mesure de produire ses observations, la Haute Autorité transmet le dossier au parquet.
« VII. – Le fait, pour un membre du Conseil constitutionnel soumis au I du présent article, de ne pas déposer la déclaration de situation patrimoniale, d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
« Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code.
« Le fait, pour un membre du Conseil constitutionnel soumis au I du présent article, de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« Le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations ou des informations mentionnées au présent article est puni des peines prévues à l’article 226-1 du code pénal.
« VIII. – Un décret en conseil des ministres, pris après consultation du Conseil constitutionnel et avis du conseil d’État, précise les conditions d’application du présent article, notamment le modèle, le contenu et les conditions de mise à jour et de conservation des déclarations de situation patrimoniale. »
Article 34 sexies
I. – L’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« En matière correctionnelle et contraventionnelle, lorsque le moyen aurait pu être soulevé lors de l’instruction et à moins qu’il ne porte sur une disposition de procédure applicable uniquement devant les juridictions de jugement, le moyen ne peut être soulevé devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police ou, en cas d’appel, devant la chambre des appels correctionnels, lorsque la juridiction de jugement a été saisie par le renvoi ordonné par la juridiction d’instruction. En cas d’appel de l’ordonnance de renvoi, le moyen peut être soulevé dans un écrit accompagnant la déclaration d’appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la juridiction d’instruction du second degré.
« En dehors des cas prévus à l’avant-dernier alinéa, en cas d’appel d’un jugement rendu en matière correctionnelle ou contraventionnelle, le moyen ne peut être soulevé que dans un écrit accompagnant la déclaration d’appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la chambre des appels correctionnels. »
II. – L’avant-dernier alinéa de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable aux procédures pour lesquelles l’ordonnance de renvoi est rendue à compter du premier jour du septième mois suivant la promulgation de la présente loi organique.
Le dernier alinéa de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est applicable aux appels formés à compter du premier jour du septième mois suivant la promulgation de la présente loi organique.
Article 35
I. – L’article 41-12 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction résultant de l’article 29 de la présente loi organique, s’applique aux nominations prononcées à compter de la date de publication de celle-ci. Toutefois, les magistrats exerçant à titre temporaire nommés avant cette date peuvent être nommés pour un second mandat d’une durée de trois ans suivant les modalités de renouvellement prévues au même article 41-12, dans sa rédaction résultant de la présente loi organique. Pour les magistrats exerçant à titre temporaire dont le mandat expire moins de six mois après la publication de la présente loi organique, la demande de renouvellement doit intervenir dans le mois suivant cette publication.
II. – Les juges de proximité dont le mandat est en cours à la date de publication de la présente loi organique peuvent être nommés, à leur demande, pour le reste de leur mandat, comme magistrat exerçant à titre temporaire dans le tribunal de grande instance du ressort dans lequel se trouve la juridiction de proximité au sein de laquelle ils ont été nommés, dans les formes prévues à l’article 41-12 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi organique. Leur demande doit intervenir dans le mois suivant la publication de la présente loi organique. Les dispositions relatives à la formation probatoire prévues au même article 41-12 ne leur sont pas applicables. Les dispositions du premier alinéa du même article, concernant la nomination pour un second mandat de magistrat exerçant à titre temporaire, leur sont applicables.
II bis A. – Le VII de l’article 29 de la présente loi organique entre en vigueur le 1er juillet 2017.
II bis. – (Supprimé)
II ter. – Jusqu’au 31 décembre 2016, dans l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, les mots : « inspection générale de la justice », « chef de l’inspection générale de la justice », « inspecteur général de la justice » et « inspecteur de la justice » s’entendent, respectivement, comme : « inspection générale des services judiciaires », « inspecteur général des services judiciaires », « inspecteur général adjoint des services judiciaires » et « inspecteur des services judiciaires ».
II quater et II quinquies. – (Supprimés)
II sexies. – La possibilité pour les magistrats exerçant à titre temporaire d’être nommés pour exercer les fonctions de juge chargé de valider les compositions pénales, prévue aux articles 41-10 et 41-11 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de l’article 29 de la présente loi organique, entre en vigueur le 1er juillet 2017.
II septies. – La possibilité pour les magistrats exerçant à titre temporaire d’être nommés pour exercer les fonctions de juge du tribunal de police, prévue aux articles 41-10 et 41-11 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de l’article 29 de la présente loi organique, entre en vigueur le 1er janvier 2018.
II octies. – La seconde phrase du premier alinéa de l’article 41-25 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de l’article 31 de la présente loi organique, entre en vigueur le 1er janvier 2019.
III. – Dans les dix-huit mois suivant la publication du décret mentionné à l’article 7-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de l’article 21 de la présente loi organique, les magistrats mentionnés au même article 7-2 établissent une déclaration d’intérêts et participent à un entretien déontologique dans les conditions prévues audit article 7-2.
III bis. – Dans les deux mois suivant la publication du décret mentionné au même article 7-2, les personnes mentionnées à l’article 10-1-1 A de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa rédaction résultant de l’article 32 bis de la présente loi organique, établissent une déclaration d’intérêts dans les conditions prévues au même article 10-1-1 A.
IV. – Dans les deux mois suivant la publication du décret mentionné à l’article 7-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de l’article 21 de la présente loi organique, les magistrats mentionnés au même article 7-3 et les personnes mentionnées à l’article 10-1-1 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 précitée, dans sa rédaction résultant de l’article 33 de la présente loi organique, établissent une déclaration de situation patrimoniale dans les conditions prévues audit article 7-3.
V. – Au IV de l’article 36 de la loi organique n° 2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats, les mots : « de l’entrée en vigueur de la présente loi organique » sont remplacés par les mots : « du 1er septembre 2020 ».
VI. – (Supprimé)
VII. – Les articles 3, 3-1 et 28-3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, dans leur rédaction résultant, respectivement, des articles 2, 9 et 14 de la présente loi organique, s’agissant des juges des libertés et de la détention et des premiers vice-présidents chargés des fonctions de juge des libertés et de la détention, sont applicables à compter du 1er septembre 2017.
VIII. – À la date de la publication de la présente loi organique, les magistrats régis par le I de l’article 164 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 poursuivent leurs activités non juridictionnelles, sauf s’ils ont présenté une demande visant à exercer une fonction juridictionnelle, en application de l’article 41-25 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de la présente loi organique.
IX. – Dans les six mois suivant la publication du décret mentionné au V de l’article 3-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, dans sa rédaction résultant de l’article 34 quinquies de la présente loi organique, les membres du Conseil constitutionnel mentionnés au même article 3-1 établissent une déclaration d’intérêts dans les conditions prévues audit article 3-1.
X. – Dans les six mois suivant la publication du décret mentionné au VIII de l’article 3-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée, dans sa rédaction résultant de l’article 34 quinquies de la présente loi organique, les membres du Conseil constitutionnel mentionnés au même article 3-2 établissent une déclaration de situation patrimoniale dans les conditions prévues audit article 3-2.
Mme la présidente. Nous allons maintenant examiner l’amendement déposé par le Gouvernement.
articles 1er à 34 sexies
Mme la présidente. Sur les articles 1er à 34 sexies, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Article 35
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer la date :
1er janvier 2018
par la date :
1er juillet 2017
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Il s’agit d’un amendement de simplification visant à tenir compte des objectifs retenus par la commission mixte paritaire, à savoir la fusion des juges de proximité au sein des magistrats exerçant à titre temporaire. Comme nous sommes passés de la multiplicité à l’unicité, il nous faut choisir des dates pour que le statut des juges de proximité soit clarifié. En effet, aux termes des différents textes concernés, plusieurs dates sont possibles.
Le Gouvernement vous propose, afin d’éviter les ambiguïtés, la date du 1er juillet 2017. Celle-ci semble la plus pertinente : d’abord, parce qu’elle figure dans la loi du 13 décembre 2011 ; ensuite, parce que, à cette date, les magistrats exerçant à titre temporaire pourront être désignés pour exercer les fonctions de juge du tribunal de police et connaître de certaines contraventions dans les conditions prévues par le code de procédure pénale ; enfin, parce qu’elle est déjà prévue dans le projet de loi organique comme la date à partir de laquelle les juges de proximité qui en auront fait la demande pourront être nommés magistrats exerçant à titre temporaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission a jugé parfaitement nécessaire cet amendement de coordination et de simplification.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Le vote sur l’article 35, modifié, est réservé.
Personne ne demande la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, dans la rédaction du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par l’amendement du Gouvernement.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 421 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Pour l’adoption | 322 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Transparence, LUTTE CONTRE LA CORRUPTION ET MODERNISATION DE LA VIE ÉCONOMIQUE – ORIENTATION ET PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (projet n° 691, texte de la commission, n° 713, rapport n° 712, tomes I et II, avis nos 707 et 710) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte (proposition n° 683 rectifié, texte de la commission n° 714, rapport n° 712, tomes I et II).
projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (suite)
TITRE II bis (suite)
DE LA MODERNISATION DES RÈGLES DE LA DOMANIALITÉ ET DE LA COMMANDE PUBLIQUES
Mme la présidente. Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre II bis, à l’article 16, précédemment réservé.
Article 16 (précédemment réservé)
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par voie d’ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, à l’adoption de la partie législative du code de la commande publique. Ce code regroupe et organise les règles relatives aux différents contrats de la commande publique qui s’analysent, au sens du droit de l’Union européenne, comme des marchés publics et des contrats de concession. Les règles codifiées sont celles en vigueur à la date de publication de l’ordonnance ainsi que, le cas échéant, les dispositions déjà publiées mais non encore entrées en vigueur à cette date.
Le Gouvernement est autorisé à apporter aux règles relatives à la commande publique les modifications nécessaires pour :
1° Assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet ;
2° Rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de nature législative ainsi codifiées en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, dans le respect des compétences dévolues à ces collectivités, ainsi qu’adapter, le cas échéant, les dispositions ainsi codifiées dans les autres collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et à Mayotte.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Avant d’aborder les articles 16 et suivants, je souhaiterais dresser les contours de la réforme de la commande publique que nous sommes en train, grâce à votre travail, de mettre en œuvre, afin de contextualiser nos débats et de simplifier les réponses que j’aurai à apporter sur les amendements.
Depuis le 1er avril dernier, une réforme de la commande publique est entrée en vigueur. Elle est le fruit de dix-huit mois de travaux et concerne les 130 000 pouvoirs adjudicateurs que compte notre pays. Dans les débats, il faudra que nous gardions cela constamment à l’esprit : nous ne parlons pas ici que de l’État ; les pouvoirs adjudicateurs sont aussi nombreux en France que dans tout le reste de l’Union européenne. La réforme est également applicable à l’ensemble des opérateurs économiques de notre pays qui trouvent dans la commande publique l’origine d’une part de leur activité. On sait l’enjeu que cela représente, en particulier pour nombre de PME et de TPE.
Cette réforme a été conçue – nous y reviendrons dans la discussion – pour simplifier les dispositifs en vigueur pour les PME. Notre diagnostic est que les quelque 15 % du PIB que représente la commande publique doivent être mieux utilisés au bénéfice de notre économie. À cette fin, nous avons mis en place des règles structurantes d’allotissement et de simplification de la commande.
La simplification se traduit aussi sur le plan des normes : les vingt textes régissant la commande publique ont ainsi été rassemblés dans deux ordonnances, dédiées respectivement aux marchés publics et aux contrats de concession, ce qui a permis d’aboutir à une réduction de 40 % du volume des règles applicables en la matière. Cela signifie concrètement la suppression de 40 % des textes de nature législative et réglementaire en la matière !
Le Parlement a accompagné cette réforme pas à pas, y compris au stade de la confection des ordonnances. À cet égard, je salue le travail de la mission commune d’information sur la commande publique que le Sénat avait constituée à l’automne 2015 sous la présidence de Philippe Bonnecarrère et le rapport de Martial Bourquin. Je veux aussi saluer les travaux du président Sueur dans ce domaine. L’objectif est de parachever ce travail.
Les deux ordonnances, dont le Gouvernement sollicite du Parlement la ratification, ont été le fruit d’une démarche collaborative qui a permis, par une large concertation publique, l’association de l’ensemble des parties prenantes de la commande publique – collectivités territoriales, PME, fédérations professionnelles – à la réforme. Cette démarche a donné lieu à plus de 300 contributions.
Le résultat qui en découle est un texte d’équilibre entre des demandes contradictoires que nous devions concilier : équilibre entre ceux qui défendent une obligation d’allotissement rigide sans dérogation possible et ceux qui veulent supprimer l’obligation d’allotissement ; équilibre entre ceux qui veulent supprimer de droit ou de fait les partenariats public-privé, ou PPP, et ceux qui veulent les ouvrir sans contrainte. C’est cet équilibre que nous vous demandons, via notamment l’amendement n° 622 rectifié du Gouvernement, de préserver.
En offrant un cadre modernisé aux acteurs de la commande publique, ces textes participent à la restauration de la compétitivité de notre système juridique, dans un domaine qui représente 10 % du produit intérieur brut.
Cette réforme s’articule ainsi autour de trois axes principaux.
Le premier axe est d’offrir un cadre plus favorable aux PME et à l’innovation, ce que nous attendons tous, comme l’ont montré à de nombreuses reprises les débats.
La réforme permet de tirer le meilleur parti des outils offerts par les directives pour favoriser l’accès des PME à la commande publique. L’allotissement devient ainsi la règle de principe pour l’ensemble des acheteurs publics, ce qui évitera la pratique, maintes fois constatée en matière de marchés publics, de prise de la commande par de grands groupes, lesquels répartissent ensuite celle-ci en lots qui auraient pratiquement pu être prédéfinis. Tous les établissements publics et entreprises privées soumis à la loi de 2005, comme la SNCF, la RATP ou le Grand Paris, sont soumis depuis le 1er avril dernier à la règle de l’allotissement et doivent en faire un élément stratégique de leurs politiques d’achat.
Concrètement, cela représente 1,5 milliard d’euros de marchés par an nouvellement ouverts aux petites et moyennes entreprises. C’est un vrai choix politique pour notre économie, totalement permis par les directives, qui est pratiqué seulement par une minorité d’États membres. Traditionnellement, on constatait une insuffisance d’allotissement. Six États membres sur vingt-huit ont retenu le même choix que nous ; celui-ci doit permettre de répondre au diagnostic que nous faisons sur la nécessité de faire évoluer le fonctionnement de notre économie.
Nous avons imposé dans les contrats de concessions et dans les nouveaux contrats de marchés de partenariat une participation minimale des PME. Cette ouverture très large de la commande publique au profit des PME, qui est nouvelle, doit être contrebalancée par la possibilité offerte aux acheteurs et aux soumissionnaires, soit de faire des offres regroupant plusieurs lots, soit de se dispenser de la règle de l’allotissement dans des circonstances particulières, et ce de manière motivée.
S’agissant de l’innovation, l’acquisition de solutions innovantes joue un rôle essentiel dans l’amélioration de l’efficacité et de la qualité des services publics. Nous encourageons l’innovation en facilitant la passation des marchés à visée innovante par la création d’une procédure dédiée à ce type d’achat : le partenariat d’innovation. Là aussi, nous étions face à un paradoxe : nombre de nos politiques sur le plan budgétaire ou fiscal poussaient à l’innovation, mais les contraintes de la commande publique ne permettaient pas d’en tirer les conséquences, voire bloquaient les acheteurs publics. Le partenariat d’innovation permet d’y répondre et donne un cadre juridiquement sécurisé, visible, qui permet aux différents pouvoirs adjudicateurs de participer à l’innovation dans le pays par l’achat public.
Le deuxième axe est un droit plus juste et plus transparent.
Les nouveaux textes promeuvent l’utilisation stratégique des contrats de la commande publique comme leviers de politique en matière d’emploi et de développement durable, en renforçant en particulier le dispositif de lutte contre les offres anormalement basses, tout en optimisant les politiques d’achats par l’insertion de clauses sociales et environnementales.
Le décret « marchés publics » dote les acheteurs de nouveaux outils qui leur permettront d’éviter de s’engager avec des opérateurs économiques prédateurs. Nous avions eu cette discussion, vous vous en souvenez sans doute, au sujet des télécommunications, en essayant là aussi de donner un cadre à la commande publique. Ainsi, il est dorénavant obligatoire de rejeter les offres anormalement basses, parce qu’elles ne respectent pas les normes applicables en matière de droit social, de droit du travail et de droit de l’environnement.
Les règles relatives aux offres anormalement basses sont aussi étendues aux sous-traitants, avec pour objectifs l’amélioration des conditions de la sous-traitance et la lutte contre le travail détaché illégal.
Une méthode de détection de ces offres n’a pas vocation toutefois à figurer dans un texte de niveau législatif, comme le prévoient certains amendements. Le cadre juridique récemment redéfini par le décret « marchés publics » offre de nouveaux outils aux acheteurs, tout en leur conservant une certaine souplesse dans la mise en œuvre. C'est la seule approche leur offrant la possibilité d’englober l’ensemble des situations auxquelles ils peuvent se trouver confrontés dans ce domaine.
À défaut, le risque qui s’attacherait à la définition d’une méthode de détection des offres anormalement basses au niveau législatif serait de rigidifier les marges de manœuvre de l’acheteur, sans garantie de couvrir l’ensemble des situations auxquelles il pourra être confronté dans la passation de ses marchés publics. C'est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur les amendements tendant à élever ces règles au niveau législatif.
Le troisième axe est une plus grande liberté de choix, mais régulée et maîtrisée.
Nous avons besoin de souplesse et de flexibilité.
La flexibilité doit permettre d’atteindre les objectifs multiples des opérations d’investissement : la qualité technique et architecturale des constructions, bien sûr, mais aussi des enjeux plus nouveaux ou désormais plus prégnants tels que le développement durable, la performance énergétique, l’optimisation et la maîtrise des coûts globaux des ouvrages.
La souplesse, quant à elle, permet de tenir compte de la diversité des situations des acheteurs publics : il faut bien le dire, qu’y a-t-il de commun entre les capacités techniques d’une grande région, d’une entreprise privée à capitaux publics, d’un ministère technique et d’une commune de 10 000 habitants ? La diversité des pouvoirs adjudicateurs fait que nous devons garder une certaine souplesse dans un cadre défini. C’est pourquoi nous devons donner à nos opérateurs une boîte à outils, mais sans qu’elle soit trop rigide.
Pour la conduite des opérations d’investissement public, le droit commun est, et restera, en maîtrise d’ouvrage publique sous la forme de marchés allotis. Pour autant, nous avons aussi besoin, car ils sont nécessaires, du marché global de performance et du marché de partenariat. Ces contrats globaux continueront d’être des modes de réalisation dérogatoires sur le plan juridique, soumis à des conditions de recours spécifiques, dont le respect peut à tout moment être contrôlé par le juge. Ces règles sont bien réaffirmées dans les articles qui vous sont soumis. La liberté est donc maîtrisée et régulée.
Je veux être clair : les contrats globaux ne vont pas progressivement supplanter l’achat public traditionnel. Soumis à des conditions de recours dérogatoires, ils resteront une part mineure de l’investissement public : même à son « apogée », le partenariat public-privé n’a jamais représenté que 7 % à 10 % de l’investissement public global.
Je ne voudrais pas que nos débats sur ces partenariats influent sur la discussion que nous devons avoir sur l’intégralité de la commande publique. Néanmoins, les contrats globaux peuvent être une solution très pertinente pour répondre aux enjeux de performance des ouvrages ou de maîtrise des coûts globaux des opérations.
Si, dans certains cas, les collectivités recourent aux contrats globaux « par défaut », par incapacité à porter elles-mêmes les opérations, la bonne réponse est non pas de « casser » les outils alternatifs dont elles disposent, mais de travailler à renforcer les capacités de maîtrise d’ouvrage publique.
Tel est l’esprit du texte qui vous est soumis.
Le Gouvernement a parfaitement entendu la volonté du Parlement de circonscrire le recours aux contrats globaux, et nos objectifs sont communs. Pour autant, nous pouvons aussi assumer qu’il est possible d’avoir une nouvelle méthode pour atteindre ces objectifs, une méthode en rupture avec les pratiques passées.
Nous avons ainsi resserré l’accès au PPP en supprimant les formes non encadrées qui existaient jusqu’ici et créé un nouveau marché : le marché de partenariat.
Le débat sur le PPP s’est beaucoup focalisé sur le contrat de partenariat. Toutefois, à côté de cet outil, il existait différents contrats qui, en pratique, étaient strictement équivalents, mais étaient soumis à un cadre réglementaire beaucoup moins contraignant : les baux emphytéotiques administratifs, les baux emphytéotiques hospitaliers, les autorisations d’occupation temporaire. Ces PPP-là n’étaient soumis à aucune condition de recours, à aucune obligation d’évaluation préalable et ne faisaient l’objet d’aucun contrôle préalable. Or, depuis dix ans, il y a eu environ 215 contrats de partenariat, mais 400 à 500 PPP étaient sous les trois formes juridiques, totalement dérogatoires, que je viens d’évoquer. Il y avait en quelque sorte une véritable fuite dans le dispositif.
La réforme a fait du nouveau marché de partenariat la forme unique du PPP. Ainsi, les deux tiers des formes de PPP qui échappaient au cadre juridique existant vont être réintégrés. De fait, ce nouveau marché de partenariat sera sous cette forme unique de PPP contrôlé et encadré.
Ce choix correspond à un resserrement majeur des conditions de recours au PPP ; il faut garder cela à l’esprit avant le débat que nous aurons sur les amendements. Il est d’ores et déjà ressenti comme tel par les collectivités. Cette réforme est un élément fondamental de la réponse apportée aux orientations fixées par le Parlement dans la loi d’habilitation, éclairée par les travaux parlementaires que j’ai précédemment évoqués.
C’est un choix que nous assumons totalement ; on ne peut pas, d’un côté, considérer que le PPP doit être un contrat dérogatoire et encadré et, de l’autre, laisser subsister des formes contractuelles strictement équivalentes, mais profondément dérogatoires et sans régulation.
Le contrôle et l’évaluation sont également profondément rénovés.
Dans le cadre de la concertation étroite avec les acteurs du marché, et notamment les collectivités locales, le message très clair, voire unanime, des maîtres d’ouvrage publics était : « Nous avons besoin de sécurité juridique. »
On peut être pour ou contre le partenariat public-privé, mais personne ne peut se satisfaire d’un cadre juridique trop flou, parfois excessivement dérogatoire, et engendrant de grandes incertitudes. Nous avons donc retenu un élément de clarification. Nous avons réformé les critères de recours au PPP pour les recentrer sur des considérations plus objectives, liées à la situation et aux objectifs des maîtres d’ouvrage, aux enjeux de l’organisation de la maîtrise d’ouvrage des projets, à l’allocation des risques des opérations entre les parties.
C’est la mise en place d’un dispositif de régulation, de contrôle et d’évaluation profondément rénové qui permet de simplifier et de mieux évaluer. Un nouvel organisme expert au sein de Bercy a donc été créé pour superviser ces travaux.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je tenais à rappeler en préalable de nos discussions, à la fois sur le contexte de cette réforme ambitieuse de la commande publique et sur les éléments de clarification que nous apportons, s’agissant en particulier du PPP compte tenu de la sensibilité de ce sujet et des nombreux amendements qui ont été déposés.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. L’article 16, comme un certain nombre d’autres articles, vise à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Nous n’allons pas de nouveau développer notre position de principe, qui nous fait beaucoup douter de la qualité d’une telle procédure et préférer, de fait, le patient travail parlementaire.
Nous avons dans le cas précis, grâce au rapport de la commission des lois, une estimation du volume des opérations concernées par la mise en œuvre éventuelle de cette ordonnance ; un volume non négligeable, puisqu’il s’agit tout de même de contrats de travaux, de fournitures, de partenariat, de délégation de service public ou de concession pour un montant proche de 350 milliards d’euros, rien de moins qu’environ 15 % du produit intérieur brut marchand de notre pays.
Nous avons quelques préventions au regard de ce qui nous est proposé, quand bien même nous assure-t-on que tout cela va se faire « à droit constant ». Il convient en effet de décrire ici le déroulement probable des opérations.
Une fois le présent texte promulgué, nous allons avoir l’entrée en vigueur de l’ordonnance attendue et le dépôt, dans les trois mois qui suivent, du projet de loi de ratification, à moins que cela ne passe par le biais d’un article au détour d’un texte adéquat, qui pourrait fort bien prendre, par exemple, la forme d’une loi de finances – les règles en matière de marchés publics n’étant pas dépourvues de lien avec les finances publiques et les finances locales…
Si l’on examine l’article 16 bis, qui tend lui aussi à prévoir une ordonnance relative aux marchés publics, on observera que, si l’habilitation n’a pas été frappée de caducité – il s’en est fallu de deux mois pour l’ordonnance promulguée en juillet 2015 sur la base d’un article voté en décembre 2014 –, le projet de loi de ratification n’a jamais été mis en débat. C’est donc par la voie d’un amendement que les choses sont clarifiées. Cela signifie qu’après avoir mis sept mois à rédiger une ordonnance, on s’est encore donné pratiquement douze mois pour la ratification, ce qui laisse le temps de débattre du contenu des décrets d’application.
Nous ne souhaitons pas, mes chers collègues, qu’une telle procédure se déroule de nouveau dans le cadre de la présente loi, alors que les enjeux sont très importants, notamment en des temps où les finances publiques sont particulièrement soumises aux contraintes de la réduction des dépenses. Nous ne sommes nullement convaincus que le recours aux marchés de travaux, de fournitures, de concession ou encore de délégation de service public soit, dans tous les cas de figure, la solution la plus économique pour les deniers publics.
Nous tenions donc à faire connaître notre prévention à l’endroit de cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 581 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, avec cet amendement de suppression, j’ai bien conscience que je commence mal notre discussion, alors que vous vous êtes évertué, avec talent, comme d’habitude, à nous démontrer l’intérêt et l’importance de ces articles.
Lors de la discussion générale, que vous avez manquée – je vous en veux –, j’avais justement insisté sur le fait que nous aurions préféré une véritable loi contre la corruption, ou contre la délinquance financière, plutôt qu’un ensemble de textes traitant de sujets extrêmement différents : la domanialité, la commande publique, les conditions pour devenir courtier en vin… Bref, un ensemble de textes qui n’ont pas grand-chose à voir, sinon le papier qui les supporte ! C’est la raison pour laquelle, comme avec d’autres amendements de ce type, nous demandons la suppression de cet article, dans le droit fil des propos de notre collègue Éric Bocquet.
Par ailleurs, je crains qu’avec les explications intéressantes que vous nous avez données, vous n’ayez aggravé votre cas. Le travail est fait, et il pourrait déboucher sur un magnifique projet de loi ! Alors pourquoi des ordonnances ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement, qui prévoit de supprimer l’autorisation de légiférer par ordonnance pour rédiger un code de la commande publique, ne nous semble pas opportun. Contrairement à l’article 15 sur la domanialité publique, le choix de l’ordonnance est ici tout à fait justifié : il s’agit uniquement de réunir à droit constant les dispositions de plusieurs textes.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Après avoir entendu le ministre, je n’ai pas l’impression que ce soit vraiment à droit constant ! Des corrections ont été apportées sur un certain nombre de choses. Si cela se faisait à droit constant, pourquoi passer autant de temps à modifier les textes ? Vous savez aussi bien que moi, monsieur le rapporteur, que le droit constant a plutôt tendance à varier…
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Article additionnel après l’article 16 (précédemment réservé)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 rectifié ter est présenté par MM. Vasselle, Chaize, Bizet, Milon, D. Laurent, Morisset, Lefèvre, César et Houel, Mme Morhet-Richaud, M. P. Leroy, Mme Deromedi, MM. Laménie et Mandelli, Mme Cayeux et MM. Rapin et Pellevat.
L'amendement n° 437 rectifié est présenté par MM. Camani, Carcenac, Frécon, Labazée, Lalande, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 27 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications est complété par les mots : « dans le respect, le cas échéant, des règles applicables aux entités adjudicatrices mentionnées au 2° de l’article 11 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ».
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l'amendement n° 4 rectifié ter.
M. Alain Vasselle. Depuis plusieurs années, en parallèle de ses activités historiques, La Poste s’est diversifiée dans de nombreux domaines, dont certains, totalement ancrés dans le champ concurrentiel, sont très éloignés de ses métiers traditionnels : téléphonie mobile, coffre-fort numérique, pièces de collection, impression 3D, vente de tablettes connectées, services d’installation d’équipements – décodeurs –, services de diagnostic et de constat, services de collecte et de recyclage de produits usagés, pour ne citer que les principaux.
En qualité d’entreprise publique exerçant une activité d’opérateur de réseau, La Poste est une entité adjudicatrice soumise aux règles de la commande publique pour les marchés qu’elle passe en vue de la poursuite de son activité postale. Pour autant, compte tenu de sa dimension multi-activités de plus en plus développée, certaines opérations d’achat de La Poste sont totalement étrangères à ses besoins d’opérateur de réseau. La Poste considère qu’elle est soustraite, pour ces achats, aux règles qui régissent la commande publique, dans la mesure où elle ne peut être qualifiée de « pouvoir adjudicateur ».
Le présent amendement apporte une clarification au régime applicable aux marchés de La Poste à des fins de sécurité juridique. N’oublions pas, mes chers collègues, que le statut de La Poste a évolué…
M. Gérard César. Eh oui !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 437 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Nous débutons par des amendements importants sur les conséquences desquels je souhaite appeler votre attention, mes chers collègues. Je note d’ailleurs que M. Sueur n’a défendu son amendement que du bout des lèvres. Je m’étonne en effet qu’il veuille faire échapper La Poste aux règles de la commande publique pour certaines de ses activités.
La Poste étant une entreprise publique, il semble logique que ces règles s’appliquent ! Dans le cas contraire, pourquoi ne pas exonérer aussi la SNCF, ERDF ou EDF ?
En outre, la compatibilité de ces amendements avec la directive de l’Union républicaine,… (Exclamations amusées sur de nombreuses travées.)
M. Michel Bouvard. C'est vieux ! (Sourires.)
M. François Pillet, rapporteur. … je voulais dire de l’Union européenne – j’espère qu’elle est aussi républicaine –, est plus que douteuse : cette directive définit ce qu’est une entité adjudicatrice et ne distingue pas en fonction de ses activités.
En définitive, le doit de la commande publique ne saurait être un droit « à la carte ».
J’appelle de nouveau votre attention sur l’importance des conséquences de l’adoption de ces amendements. Je crains que cela ne nous pose certaines difficultés au regard du droit de l’Union européenne… C'est la raison pour laquelle mon avis est défavorable. Je préférerais toutefois que, au vu des explications que j’ai apportées, leurs auteurs les retirent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l’amendement n° 4 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Bien évidemment, je ne peux pas ne pas tenir compte des dispositions européennes que m’oppose notre rapporteur dans son argumentation.
Cela étant, n’oublions pas que le statut de La Poste a évolué.
M. François Pillet, rapporteur. Tout à fait, mais cela ne change rien !
M. Alain Vasselle. Elle a certes une mission de service public, notamment pour ce qui concerne le réseau postal, mais, si elle est une entreprise publique, pour un certain nombre d’autres missions, elle est une entreprise à « caractère privé ». D'ailleurs, on demande aujourd'hui à La Poste de veiller à l’équilibre de ses comptes, et elle accepte que pèse sur ses autres activités l’insuffisance des concours financiers que lui apporte l’État pour le maintien du fonctionnement du réseau postal. Ce n’est donc pas une entreprise tout à fait comme les autres.
J’entends bien qu’un certain nombre de dispositions ne permettent pas d’aller vers une possibilité, pour La Poste, de faire appel aux marchés quand ça l’arrange, tout en respectant les procédures de marché public. Il est donc probable que je retirerai mon amendement, mais après que mes collègues se seront exprimés…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, vous avez noté mon laconisme, qui n’est pas la qualité que l’on me prête le plus fréquemment – il paraît que je peux encore progresser sur ce plan… (Exclamations amusées sur plusieurs travées.)
C’est avec la même brièveté que je vous informe que, ayant été assez sensible à vos arguments, je retire l’amendement n° 437 rectifié.
Mme la présidente. L’amendement n° 437 rectifié est retiré.
La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote sur l’amendement n° 4 rectifié ter.
M. Gérard César. Je voudrais profiter de l’amendement qu’a présenté M. Vasselle pour interpeller M. le ministre.
On note aujourd'hui une tentation, dans le monde rural, de créer des maisons de services au public pouvant accueillir la Caisse d’allocations familiales, la mission locale pour l’emploi, la MSA, etc., dans les bureaux de poste. Je voudrais donc connaître sa position sur le sujet.
M. Alain Vasselle. Je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié ter est retiré.
Article 16 bis (précédemment réservé)
I. – L’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est ratifiée.
II. – Cette même ordonnance est ainsi modifiée :
1° L’article 32 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « lot par lot », la fin du dernier alinéa du I est ainsi rédigée : « . Les candidats ne peuvent présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus. » ;
b) Après le mot : « choix », la fin du II est ainsi rédigée : « en énonçant les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision. Cette motivation indique le motif justifiant cette décision par référence au deuxième alinéa du I du présent article. » ;
2° La seconde phrase de l’article 34 est complétée par les mots : « et la rémunération des prestations doit être liée à l’atteinte de ces engagements » ;
3° L’article 35 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « Sans préjudice des dispositions législatives spéciales et » sont supprimés ;
b) Le 8° est abrogé ;
4° La section 1 du chapitre II du titre II de la première partie est abrogée ;
5° Le 5° de l’article 48 est ainsi modifié :
a) La première phrase est complétée par les mots : « et si l’article 2 de loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique n’est pas applicable » ;
b) Après les mots : « conflit d’intérêts toute », la fin de la seconde phrase est ainsi rédigée : « situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. » ;
6° Le I de l’article 52 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« L’attribution sur la base d’un critère unique est possible sur le fondement :
« a) Du prix, à condition que le marché public ait pour seul objet l’achat de services ou de fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d’un opérateur économique à l’autre ;
« b) Du coût, déterminé selon une approche globale qui peut être fondée sur le coût du cycle de vie. » ;
7° L’article 69 est ainsi modifié :
a) Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« I. – Lorsque l’acheteur confie tout ou partie de la conception des ouvrages au titulaire, les conditions d’exécution du marché doivent comprendre l’obligation d’identifier une équipe de maîtrise d’œuvre chargée de la conception des ouvrages et du suivi de leur réalisation » ;
b) En conséquence, le premier aliéna est précédé de la mention : « II » ;
8° Après les mots : « précédée de la réalisation », la fin du premier alinéa de l’article 74 est ainsi rédigée : « d’une évaluation ayant pour objet de comparer les différents modes envisageables de réalisation du projet. Cette évaluation comporte une analyse en coût complet et tout élément permettant d’éclairer l’acheteur dans le choix du mode de réalisation de ce projet. » ;
9° Le premier alinéa du II de l’article 87 est ainsi modifié :
a) Les mots : « , à la demande de tout prestataire auquel il est fait appel pour l’exécution du contrat, » sont supprimés ;
b) Après les mots : « garantir au prestataire », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « auquel il est fait appel pour l’exécution du contrat le paiement des sommes dues ».
III. – Le chapitre IV du titre Ier du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1414-2, après les mots : « à l’exception des marchés publics passés par », sont insérés les mots : « les offices publics de l’habitat pour lesquels la composition, les modalités de fonctionnement et les pouvoirs de la commission d’appel d’offres sont fixés par décret en Conseil d’État, et par » ;
2° L’article L. 1414-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, après les mots : « autres qu’un établissement public social ou médico-social », sont insérés les mots : « ou qu’un office public de l’habitat » ;
b) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« I bis. – Lorsqu’un groupement de commandes est composé en majorité d’offices publics de l’habitat, il est institué une commission d’appel d’offres selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. »
IV. – Les II et III du présent article sont applicables aux procédures pour lesquelles une consultation est engagée ou un avis de publicité a été envoyé à la publication postérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, sur l'article.
M. André Reichardt. Ma prise de parole pourrait être résumée par un seul mot : incompréhension. En effet, je ne comprends pas l’entêtement du Gouvernement à ignorer le travail qu’a réalisé le Parlement sur l’ordonnance relative aux marchés publics.
Pour mémoire, le Sénat a mené un travail de fond sur cette ordonnance, que ce soit au sein de la commission des lois, pour laquelle j’ai été rapporteur, ou de la mission commune d’information sur la commande publique, que présidait Philippe Bonnecarrère. Chaque fois, ce travail s’est déroulé dans une logique constructive et apaisée. Il a réuni toutes les tendances. Par exemple, les modifications de l’ordonnance que j’avais proposées en mars dernier ont été adoptées à l’unanimité par la commission des lois, après une réunion de plus de deux heures trente.
Le Gouvernement reste manifestement sourd à ce travail consensuel. Finalement, il est loin d’adopter notre attitude constructive. Je veux ainsi rappeler qu’il a refusé d’inscrire le projet de loi ratifiant cette ordonnance à l’ordre du jour du Parlement, contrairement à ce qu’avait demandé la mission d’information précitée dès la première proposition du rapport. Il s’agit quand même d’un nouveau code de la commande publique. Cette réforme aurait mérité un projet de loi de ratification !
Aujourd’hui, l’exécutif propose, par ses amendements nos 622 rectifié et 653, de supprimer – tenez-vous bien, mes chers collègues ! – 80 % des modifications que la commission des lois a adoptées à l’unanimité. Pourquoi le Gouvernement n’accepte-t-il pas, par exemple, de conforter l’équilibre proposé par la commission entre les grandes et les petites entreprises ?
Monsieur le ministre, vous souhaitez permettre des « offres variables » sur des marchés allotis, mais quel sera le résultat de ce dispositif ? Les très grandes entreprises déposeront des offres sur plusieurs lots, proposeront des « prix de gros » si elles sont choisies et, ainsi, évinceront les PME des marchés publics.
Plus de cinquante amendements ont été déposés sur le présent article, ce qui montre l’intérêt des parlementaires pour la commande publique et la nécessité d’en débattre.
Soyez aussi constructif que nous ! Retirez les amendements nos 622 rectifié et 653 et laissez le débat s’accomplir. Vous permettrez que le Parlement fasse œuvre utile. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.
M. Éric Bocquet. Avec cet article, nous sommes en présence d’un objet législatif pour le moins intéressant.
Le Gouvernement nous demande, dans un premier temps, de ratifier l’ordonnance 2015-899 du 23 juillet 2015, dont nous avons déjà dit qu’elle avait été promulguée à une date proche de la date limite fixée par la loi d’habilitation et dont la ratification présente des caractères assez surprenants. En effet, après avoir fait entrer dans ce véhicule législatif cet article, ce qui dispense de la discussion d’un projet de loi de ratification spécifique, voici que le Gouvernement amende son propre texte, pour pratiquement le réduire au seul paragraphe de ratification. Or le grand nombre d’amendements déposés montre que le sujet mérite bel et bien d’être discuté.
Ce n’est pas un petit sujet puisqu’il s’agit des marchés publics, singulièrement des marchés publics locaux, sources, voilà quelques décennies, de bien des vicissitudes juridiques et qui ont été en partie à l’origine des termes de la loi Sapin I, votée il y a désormais près de vingt-cinq ans.
Le débat est centré, comme on pouvait s’y attendre, d’une part, sur la question des seuils de publicité des marchés publics et, d’autre part, sur la capacité ou non pour les petites et moyennes entreprises d’y soumissionner.
L’un des aspects du débat est connu : les marchés de travaux sont de plus en plus importants et, par effet mécanique, ce sont de plus en plus souvent les groupes intégrés du bâtiment et des travaux publics qui imposent leurs conditions.
En filigrane, la réforme des marchés publics dont nous débattons va de pair avec la controverse sur les travailleurs détachés – notre Premier ministre semble découvrir tout à coup les méfaits des termes de la directive – et la réforme du marché du travail, toutes dispositions qui vont, à n’en pas douter, relancer la course au moins-disant social, que le secteur pratique d’ores et déjà largement.
Il nous faut donc légiférer en gardant à l’esprit ces différentes données et en permettant notamment au secteur des plus petites entreprises de participer elles aussi à la distribution des marchés publics.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Permettez-moi avant tout chose de dire que je souscris aux propos qu’a tenus notre collègue André Reichardt.
Monsieur le ministre, notre commission des lois a beaucoup travaillé. Au terme de longs débats, nous avons adopté des amendements pour améliorer le texte. Dès lors, je trouve regrettable que vous nous proposiez des amendements visant à supprimer la plupart de nos apports.
Je veux faire un point d’histoire.
En l’année 2002, j’avais, au nom du groupe socialiste du Sénat, saisi le Conseil constitutionnel sur le projet de loi d’habilitation qui allait déboucher sur l’ordonnance créant les PPP. Le Conseil constitutionnel a alors rendu une décision très importante : il a estimé que les partenariats public-privé constituaient une dérogation au droit commun de la concurrence et que cette dérogation ne pouvait être justifiée que dans des circonstances particulières tenant soit à l’urgence, soit à la complexité du sujet. Nous avons été extrêmement attentifs à ces considérations.
Nous avons ensuite saisi le Conseil d'État de l’ordonnance prise. Dans l’arrêt qu’elle a rendu, la haute juridiction a renforcé la position du Conseil constitutionnel.
Mme Lagarde et M. Novelli ont alors présenté un projet de loi visant à desserrer la contrainte et à permettre d’avoir recours aux PPP si les avantages l’emportaient sur les inconvénients – ce qui, vous en conviendrez, est d’un flou intégral. Nous nous y sommes opposés, et nous avons à nouveau saisi le Conseil constitutionnel.
Comme vous le voyez, l’affaire est très sensible.
Puisque le temps qui m’est imparti est presque expiré, je dirai simplement que nous considérons que le PPP est un outil utile, qu’il faut maintenir dans notre arsenal,…
M. André Reichardt. Eh oui !
M. Gérard César. Absolument !
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Jean-Pierre Sueur. … mais qui ne doit pas être généralisé.
M. André Reichardt. Tout à fait !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 361, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent, Camani et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 8 est ainsi rédigé :
« Art. 8. – Le concours est le mode de sélection par lequel l’acheteur choisit un plan ou un projet, notamment dans le domaine de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’architecture et de l’ingénierie ou du traitement de données. Le choix se fait après mise en concurrence et avis d’un jury.
« Les acheteurs soumis à la loi du 12 juillet 1985 susvisée y recourent, dans des cas et conditions fixés par décret en Conseil d’État.
« Les prestations, objet d’un concours de maîtrise d’œuvre donnent lieu au versement d’une prime dans les conditions définies par voie réglementaire. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Qu’est-ce qui fait l’essence du PPP ? Il s’agit de choisir, en une fois, l’architecte – le concepteur –, le financier – la banque –, les entreprises, tous corps d’état confondus, qui construiront l’ouvrage, celles qui en assureront l’exploitation, celles qui effectueront la maintenance et celles qui pourvoiront à son entretien.
Par le choix unique qu’il implique, le PPP constitue une dérogation très forte à ce que nous faisons tous les jours dans les collectivités locales, à savoir mettre en concurrence les entreprises sur chacune de ces différentes fonctions.
Le PPP pose un problème par rapport aux métiers : qu’est-ce qui peut nous garantir que ce « panier garni », cet ensemble de prestations, diverses, disparates, représente un optimum pour le projet que nous voulons réaliser ? C’est faire un pari considérable ! C’est pourquoi il est absolument nécessaire que les PPP soient spécialisés pour un certain nombre de circonstances qui le justifient.
Les PME et les artisans du bâtiment nourrissent de grandes craintes. Si vous écoutez leurs représentants, monsieur le ministre, vous entendrez que votre proposition consistant à maintenir les offres variables sur marchés allotis est vraiment la mesure la plus inacceptable pour eux. Je rappelle qu’il s’agit de fabriquer un paquet de lots à l’intérieur d’une procédure d’allotissement, pour les besoins de la cause. Vous devez retirer cette disposition !
Quant à notre amendement – parce qu’il faut bien y venir (Sourires.) –, il vise à reformuler le principe du concours, auquel nous sommes tous attachés s'agissant de la maîtrise d’œuvre.
Mme la présidente. L'amendement n° 362, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent, Camani et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
… L’article 8 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les acheteurs soumis à la loi du 12 juillet 1985 susvisée y recourent, dans des cas et conditions fixés par décret en Conseil d’État.
« Les prestations, objet d'un concours de maîtrise d’œuvre donnent lieu au versement d'une prime dans des conditions définies par voie réglementaire. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, je vous épargnerai de longs développements sur cet amendement de repli, que j’ai déjà défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits à la fois par l’article 8 de l’ordonnance relative aux marchés publics et par l’article 83 du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. La commission en sollicite donc le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Sueur, les amendements nos 361 et 362 sont-ils maintenus ?
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, vous avez remarqué les efforts que j’ai déjà consentis sur ces questions lorsque nous avons débattu du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Certains me reprochaient alors d’être hors sujet…
M. le rapporteur et M. le ministre considèrent que ces deux amendements sont satisfaits, donc que le principe du concours est généralisé, au-delà des seuils européens, pour l’ensemble des maîtrises d’œuvre concernées. J’en prends acte ! Ce n’est anodin pour personne.
Dans ces conditions, je retire les deux amendements.
Mme la présidente. Les amendements nos 361 et 362 sont retirés.
L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Adnot, Lefèvre et Doligé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
… Après le seizième alinéa de l’article 14, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« …) Les services de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure devant une juridiction ou une autorité publique ou une autorité administrative indépendante, d’un arbitrage, d’une médiation ou d’une conciliation ;
« …) Les services de conseil juridique fournis par un avocat en vue de la préparation de toute procédure visée à l’alinéa précédent ou lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilités selon lesquels la question sur laquelle porte le conseil fera l’objet d’une telle procédure ; »
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Je pourrais m’exprimer longuement sur les PPP, sur ma prévention naturelle à l’égard de cette procédure, qui exclut les entreprises locales d’un certain nombre de marchés, et sur le risque encouru par certaines collectivités, qui n’ont pas toujours intégré les PPP comme une dette à long terme, potentiellement difficilement soutenable un jour.
Mme Évelyne Didier. Très juste !
M. Philippe Adnot. Le présent amendement vise à insérer trois alinéas consistant essentiellement à rétablir un équilibre entre les professions d’avocat, de notaire et d’huissier, de manière à éviter une distorsion de traitement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Je crains que ce ne soit en excluant la profession d’avocat de l’application de l’ordonnance que l’on fera naître une distorsion…
Je rappelle que tous les marchés que vous visez sont soumis depuis de longues années aux règles de la commande publique et que cela n’a jamais posé de difficulté particulière.
En outre, l’article 29 du décret d’application de l’ordonnance prévoit déjà un régime très allégé pour les avocats avec, par exemple, des règles de publicité beaucoup plus souples.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Adnot, l'amendement n° 98 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 98 rectifié est retiré.
Je suis saisie de vingt-quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 622 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais tâcher de répondre aux interrogations exprimées et d’expliquer, alinéa par alinéa, nos intentions.
Je ne reviens pas sur l’alinéa 3, qui est de pure forme.
À l’alinéa 4, le texte de la commission supprime le dispositif des offres variables fixé à l’article 32 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, lequel autorise, en particulier, les candidats à un marché public à présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus. Cette possibilité résulte de la directive sur la passation des marchés publics. Elle a pour finalité essentielle de stimuler la concurrence et de favoriser l’émergence d’offres plus compétitives. D'ailleurs, elle était déjà ouverte aux acheteurs anciennement soumis à l’ordonnance du 6 juin 2005.
Pour en revenir à l’image de la boîte à outils que j’ai évoquée, il s’agit de trouver un point d’équilibre entre la généralisation de l’obligation d’allotissement à tous les acheteurs et la nécessité de permettre aux acheteurs de recevoir des offres avantageuses. Cet équilibre, on l’obtient avec le dispositif des offres variables. Au contraire, le « tout-allotissement » déboucherait sur des contraintes financières parfois insoutenables pour les adjudicataires, comme l’ont bien montré les 300 consultations que nous avons menées.
Le dispositif des offres variables permet des ajustements favorables à l’équilibre que nous recherchons. Au reste, ce n’est pas une obligation : c’est une simple faculté qui est laissée au pouvoir adjudicateur.
En vous écoutant, mesdames, messieurs les sénateurs, je me disais qu’au fond, dans cette affaire, nous devons, chaque fois, tirer les conséquences de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Entre les pouvoirs adjudicateurs et les PME, l’équilibre que permettra la réforme que nous voulons est résolument plus favorable aux PME qu’il ne l’était naguère.
Cela dit, si l’on part du principe que tout acteur de la commande publique cherche forcément à étrangler une PME, on risque de déboucher sur un système trop rigide. Je ne souscris pas à cette suspicion à l’égard de tous les acteurs de la commande publique, qui est implicite dans une remarque que j’ai entendue. Certains pouvoirs adjudicateurs ont besoin de passer des commandes de manière beaucoup plus large, en ouvrant leurs marchés à des PME, avec une vraie règle d’allotissement, mais en permettant de faire jouer l’offre variable. C’est la faculté qui leur est offerte ici.
Nous tenons à ce principe d’équilibre, et ce n’est pas faire offense à vos travaux que de le maintenir, dans la droite ligne de l’esprit que j’ai évoqué précédemment et que je revendique.
L’alinéa 5 pose l’exigence de motivation du choix du non-allotissement. Cette disposition est déjà satisfaite. En effet, l’article 32 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 précise que la motivation de ce choix est prévue selon des modalités fixées par voie réglementaire et le décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics impose, pour tous les marchés non allotis, quelle que soit leur nature, que l’acheteur justifie les motifs pour lesquels il n’a pas recouru à l'allotissement. Ces dérogations sont extrêmement restrictives et d’interprétation stricte : l’acheteur ne peut, en tout état de cause, recourir à d’autres justifications, sauf à encourir l’annulation de son marché par le juge.
La précision apportée à l’alinéa 5 est donc inutile. Raison pour laquelle je vous propose de la supprimer.
À l’alinéa 6, le texte de la commission prévoit la rémunération du marché public global de performance. Cette disposition aussi est satisfaite. D'ailleurs, cela montre tout l’intérêt de la codification – je vous renvoie au débat que nous avons eu sur l’article 16. Je conçois que l’existence, en la matière, de plusieurs textes de nature législative ou réglementaire confère à nos débats un caractère sibyllin.
Ce que la commission propose, à l’alinéa 6, correspond exactement à ce qui est prévu au I de l’article 92 du décret relatif aux marchés publics : « La rémunération des prestations d’exploitation ou de maintenance doit être liée à l’atteinte des engagements de performances mesurables fixées par le marché public pour toute sa durée. » Voilà pourquoi je vous propose de supprimer cet alinéa.
Aux alinéas 7, 8 et 9, le texte de la commission modifie l’article 35 de l’ordonnance relative aux marchés publics. Cela me pose une difficulté, monsieur le rapporteur, parce que vous supprimeriez ainsi l’application de dispositifs législatifs spéciaux pour le recours à des marchés globaux. Or ces dispositifs anciens, issus bien souvent de divers textes législatifs, que vous remettez en cause sont des dispositifs d’ingénierie contractuelle de grande ampleur, notamment les contrats passés par SNCF Réseau, qui tomberaient. Je ne peux donc pas vous suivre dans cette direction.
Votre texte supprimerait également la possibilité de recourir aux marchés globaux pour les contrats de revitalisation artisanale et commerciale, ce qui aurait pour effet de priver les acheteurs de la faculté de confier une mission globale à un opérateur économique et, ce faisant, ferait obstacle à l’objectif, fixé en 2014, de favoriser la redynamisation du commerce et de l’artisanat. Je ne pourrai donc pas non plus vous suivre sur ce point.
À l’alinéa 10, le texte de la commission supprime l’évaluation du mode de réalisation du projet. Or ce dispositif est justifié, parce qu’il vise à améliorer la politique et la conduite des investissements publics.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais comment fait-on ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Cette obligation de réaliser une évaluation préalable pour tous les marchés publics, y compris lorsque ceux-ci sont réalisés sous maîtrise d’ouvrage publique, dès lors que le coût du projet est supérieur à un seuil fixé par décret – actuellement, 100 millions d’euros –, concerne l’ensemble des acheteurs : l’État, les établissements publics, les hôpitaux, les collectivités, etc. Elle doit permettre à l’acheteur, grâce à une présentation du projet et à un comparatif en coût complet des différents montages contractuels envisageables pour le réaliser, de fonder son choix sur des éléments objectifs qui peuvent être opposables et qui sont rationnels. Cette mesure renforce la bonne utilisation des deniers publics.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais comment fait-on ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Aux alinéas 11 à 13, le texte de la commission modifie la définition du conflit d’intérêts, de manière contraire aux dispositions des directives sur les marchés publics.
Le texte de la commission renvoie désormais à l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, dont il reprend la définition.
Cette proposition me pose problème, parce que la notion de conflit d’intérêts a été définie en des termes spécifiques dans le droit des marchés publics par l’article 24 de la directive du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, dont la transposition constitue une exigence constitutionnelle. Nous ne pouvons pas sortir de ce cadre pour faire référence à une autre définition du conflit d’intérêts : nous contreviendrions à notre obligation de transposer la directive.
Mesdames, messieurs les sénateurs, veuillez m’excuser si je suis long, et soyez bien assurés que je ne refuse pas le texte de la commission par principe. Je veux simplement que l’on tienne compte de l’articulation et de la cohérence de différents textes, entrés successivement en vigueur, sur la commande publique.
Enfin, les dispositions du texte de la commission sur le recours au critère unique du prix qui figurent aux alinéas 14 à 17 sont elles aussi satisfaites.
Le texte modifie le I de l’article 52 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 pour préciser les hypothèses dans lesquelles le recours au critère unique du prix se justifie. Je sais que vous y tenez, monsieur Sueur, mais la rédaction proposée par le Sénat reprend expressément et strictement l’article 62 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, pris sur le fondement de l’article 52 de l’ordonnance relative aux marchés publics. Au reste, cette précision revêt un caractère résolument réglementaire. Elle ne peut dès lors que figurer dans un décret.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, je propose, par cet amendement, de supprimer les alinéas 3 à 17 de l’article 16 bis. Non que je refuse, par principe, d’entendre ce que la Haute Assemblée propose – vous savez que telle n’est pas ma pratique –, mais soit ces dispositions contreviennent à l’esprit même du texte et à sa finalité, soit elles sont déjà couvertes par des dispositions réglementaires d'ores et déjà en vigueur.
Mme la présidente. L'amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle, Milon, Morisset, Lefèvre et Houel, Mme Morhet-Richaud, M. Bizet, Mmes Deromedi, Duchêne et Lamure et MM. Laménie, Rapin et Pellevat, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) À la première phrase du premier alinéa du I, les mots : « Sous réserve des marchés publics globaux mentionnés à la section 4, » sont supprimés ;
II. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au II, après les mots : « marché public », sont insérés les mots : « et décide de passer un marché public global » ;
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. L’objet de cet amendement est de généraliser le principe de l’allotissement dans les marchés publics. Il convient, par ailleurs, de rendre obligatoire une consultation à la fois sous la forme d'un marché global et d'un marché par allotissement.
En effet, compte tenu de la rédaction actuelle du premier alinéa du I de l’article 32 de l’ordonnance relative aux marchés publics, un maître d’ouvrage public – une collectivité locale, en l’occurrence – peut décider librement qu’un marché public sera « global » et, par là même, le confier à un seul opérateur économique, qui, bien souvent, aura recours à des sous-traitants. Dans cette hypothèse, il n’y a pas d’allotissement. En conséquence, les artisans et TPE du bâtiment n'accèdent pas directement aux marchés publics et sont relégués au rang de sous-traitants, ce qui est toujours moins favorable sur le plan économique.
J’ai accepté de défendre cet amendement, parce que mon expérience de près de quarante ans à la tête d’une société anonyme d’HLM m’a démontré que des marchés qui laissaient la possibilité à des entreprises de soumissionner soit en tous corps d’état, soit par lots permettaient de faire travailler nombre de petites entreprises et d’artisans, qui parvenaient à s’organiser en groupements plus compétitifs, sur les lots, que des entreprises tous corps d’état. Si ce n’était pas toujours vrai, cela arrivait assez fréquemment.
Je trouverai donc particulièrement regrettable que l’ordonnance relative aux marchés publics ne consacre que le marché global ou le marché par lots. Les deux possibilités doivent être offertes aux entreprises et aux donneurs d’ordre.
Mme la présidente. L'amendement n° 363, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… À la première phrase du premier alinéa du I, les mots : « Sous réserve des marchés publics globaux mentionnés à la section 4, » sont supprimés ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L’examen en discussion commune de vingt-quatre amendements rend le débat très difficile, puisqu’il ne nous permet pas de répondre aux propos que vient de tenir M. le ministre, alors que ces propos appellent précisément des réponses.
L’amendement que je défends, au nom du groupe socialiste et républicain, vise à préserver le principe de l’allotissement et à éviter, dans son application, un laxisme excessif qui limiterait très fortement sa portée, ce qui serait contraire à l’esprit de la directive européenne, laquelle permet à un État membre de rendre obligatoire le principe de l’allotissement.
Monsieur le ministre, vous avez dit, s'agissant du dixième alinéa de l’article 16 bis, que la réalisation d’une évaluation du mode de réalisation du projet était très importante. J’aimerais que vous soyez un peu plus précis sur ce point.
Vous savez que, pour les équipements que l’on peut réaliser de deux manières, soit par un marché classique, soit par un contrat de partenariat public-privé, la loi prescrit une étude préalable. Je ne sais pas si vous avez eu la curiosité de lire de telles études. Moi qui en ai lu une bonne vingtaine, je puis vous assurer que cette littérature mérite le détour ! En effet, ces études, réalisées par des cabinets que l’on paie pour les rédiger, doivent mentionner les raisons pour lesquelles il faut choisir une méthode plutôt qu’une autre, alors que l’on ne connaît ni les candidats éventuels ni les conditions de passation du marché ou du PPP.
La seule chose qui peut être précieuse et que nous préconisons dans le rapport qu’avec Hugues Portelli nous avons présenté au nom de la commission des lois – Les contrats de partenariat : des bombes à retardement ? – est d’évaluer la santé financière de la collectivité pour mesurer le risque qu’elle serait amenée à prendre pour les décennies à venir et pour les générations futures.
Cette étude préalable,…
Mme la présidente. Votre temps de parole est écoulé, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. … j’aimerais que M. le ministre m’explique comment on la fait.
Mme la présidente. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 65 rectifié ter est présenté par M. Marseille, Mme Létard et MM. D. Dubois, L. Hervé, Cigolotti, Longeot, Guerriau, Canevet et Gabouty.
L'amendement n° 107 rectifié est présenté par Mme Lienemann et M. Marie.
L'amendement n° 110 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Masclet, Grand, Milon, Houel, Morisset et Lefèvre, Mme Morhet-Richaud, M. D. Laurent, Mme Deromedi et MM. Laménie et Pellevat.
L'amendement n° 207 rectifié ter est présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Mouiller et Dallier, Mme Micouleau, MM. Carle, Chaize, Pointereau, B. Fournier, Kennel, César et Trillard, Mme Troendlé, MM. Commeinhes, Dufaut, Cambon, Doligé, Chasseing et P. Leroy, Mme Gruny, M. Longuet, Mmes Lamure, Primas et Canayer et MM. Gilles, Béchu, Revet et Husson.
L'amendement n° 226 rectifié bis est présenté par M. Kern, Mme Billon, M. Luche et Mme Goy-Chavent.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour présenter l’amendement n° 65 rectifié ter.
M. Olivier Cigolotti. J’ai bien entendu le propos liminaire de M. le ministre, mais, dans le droit fil de ce qu’a dit M. Vasselle, il me semble indispensable pour les organismes HLM de maintenir le système des offres variables dans le cadre de l’allotissement afin de limiter les importants surcoûts induits par les charges courantes liées aux prestations, qu’il s’agisse du transport, de l’installation ou du repli du chantier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l'amendement n° 107 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Didier Marie et moi partageons l’analyse qui a été faite quant à la nécessité de veiller aux surcoûts qui s’additionnent dans le logement social. Le passage par les appels d’offres et les contraintes auxquels les opérateurs HLM sont soumis conduisent en effet à des coûts de construction supérieurs à ceux du privé, ce qui fait dire à certains que celui-ci est plus opérationnel, même si chacun voit bien que l’intérêt social n’est pas défendu de la même manière !
Le mouvement HLM est largement favorable au système des offres variables.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l'amendement n° 110 rectifié bis.
M. Alain Vasselle. J’attends avec impatience l’argumentation que développera le rapporteur, car je voudrais comprendre les raisons pour lesquelles il a été amené à rédiger ainsi cette partie de l’ordonnance et à supprimer la variabilité des offres.
Il me semble que permettre aux candidats de présenter des offres variables en fonction du nombre de lots susceptibles d’être obtenus peut les conduire à faire des offres plus compétitives, ce qui est plutôt dans l’intérêt de celui qui lance le marché et souhaite confier des travaux à une entreprise, mais il y a sans doute quelque chose qui m’échappe…
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l'amendement n° 207 rectifié ter.
M. Philippe Mouiller. La rédaction initiale de l’article 32 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics impose le principe de l’allotissement, mais autorise les offres dites variables, permettant ainsi l’attribution de plusieurs lots à une même entreprise, ce qui constitue une souplesse pour les maîtres d’ouvrage, dont les organismes HLM. Il convient donc de la rétablir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 226 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle, Morisset, Milon, Lefèvre et Houel, Mme Morhet-Richaud, M. Bizet, Mmes Deromedi et Duchêne et MM. Laménie, D. Laurent et Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
a) Le dernier alinéa du I est ainsi rédigé :
« Les offres sont appréciées lot par lot. Les opérateurs économiques ne sont pas autorisés à présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus. » ;
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement est retiré.
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 364, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Avant l'article 33, il est inséré un article 33… ainsi rédigé :
« Art. 33… Les marchés publics globaux peuvent être envisagés dès lors que le montant des investissements est égal ou supérieur à 50 millions d’euros. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons vu, monsieur le ministre, que vous aviez prévu quelques seuils, mais, lorsque l’on mène une concertation aiguë, comme nous l’avons fait, avec les PME, les TPE, les artisans et les entreprises de second œuvre, on constate que ces seuils sont particulièrement bénins. C’est pourquoi nous proposons de remonter le seuil à partir duquel il est possible de recourir à un contrat global.
Ce faisant, nous sommes totalement fidèles à l’esprit de la décision n° 2008-567 du 24 juillet 2008 par laquelle le Conseil constitutionnel rappelle que le recours généralisé aux contrats de partenariat est de nature à « priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics », raison pour laquelle les contrats de partenariat doivent rester des procédures d’exception de la commande publique. Cela justifie, pour nous et pour les différents interlocuteurs que nous avons rencontrés – avec lesquels vous avez certainement dialogué –, le seuil proposé dans cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 365, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Le second alinéa du I de l’article 33 est ainsi rédigé :
« Toutefois, les acheteurs soumis à la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 susvisée ne peuvent recourir à un marché de conception-réalisation que si, au-delà d’un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique, le projet présente une complexité technique, notamment au regard de dimensions exceptionnelles et de difficultés techniques particulières à sa réalisation. Un tel marché public est confié à un groupe d’opérateurs économiques. Il peut toutefois être confié à un seul opérateur économique pour les ouvrages d’infrastructures. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est très important.
J’ai dit précédemment que le Conseil constitutionnel avait indiqué, dans sa première décision sur les contrats de partenariat, qu’il fallait prendre en compte deux critères pour justifier l’exception : l’urgence et la complexité.
La loi Lagarde-Novelli avait ajouté deux autres critères. L’un conduisait à considérer que tout était urgent jusqu’en 2013. Naturellement, le Conseil constitutionnel, par nous saisi, avait annulé cette sorte d’artifice de procédure. L’autre est le fameux critère en vertu duquel les avantages doivent être supérieurs aux inconvénients, critère dont chacun reconnaîtra le caractère extrêmement précis et opérationnel…
L’Assemblée nationale s’est penchée sur le sujet et elle a adopté la rédaction dont nous proposons le rétablissement. Cette rédaction nous semble excellente et exactement conforme à la philosophie du Conseil constitutionnel. C’est pourquoi nous avons été surpris, monsieur le rapporteur, que vous nous proposiez de la supprimer.
Mme la présidente. L'amendement n° 366, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Le II de l’article 33 est abrogé ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Le fait de prolonger jusqu’en 2018 la possibilité pour un organisme HLM de globaliser sans motif un marché divisible en lots est de nature à évincer des marchés les TPE du bâtiment qui ne disposent pas en interne de la capacité et de la logistique nécessaires pour fournir une offre globale.
Mme la présidente. L'amendement n° 367, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… L’article 34 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les acheteurs soumis à la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 susvisée ne peuvent recourir à un marché public global de performance qui associe l’exploitation ou la maintenance à la conception-réalisation de prestations, quel qu’en soit le montant, que si des motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur à la conception de l’ouvrage. » ;
II. – Après l’alinéa 9
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
… La section 4 du chapitre Ier du titre II est complétée par une sous-section 4 ainsi rédigée :
« Sous-section 4
« Identification de la maîtrise d’œuvre
« Art. 35-… – Parmi les conditions d’exécution d’un marché public global figure l’obligation d’identifier une équipe de maîtrise d’œuvre chargée de la conception de l’ouvrage et du suivi de sa réalisation.
« Pour les ouvrages de bâtiment, la mission confiée à l’équipe de maîtrise d’œuvre est définie par voie réglementaire ; elle comprend les éléments de la mission définie à l’article 7 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 susvisée, adaptés à la spécificité des marchés publics globaux. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Le présent amendement a pour objet de revenir au droit antérieur en ce qui concerne les marchés de conception, de réalisation, d’exploitation ou de maintenance.
Là encore, il ne s’agit pas de se priver d’un outil qui existe et peut être utile, mais nous considérons que la tendance à la généralisation de cet outil a pour conséquence que les entreprises que j’ai citées précédemment se trouvent notoirement désavantagées, voire exclues.
Concrètement, trois grands groupes, que je ne citerai pas – mais que tout le monde connaît, en particulier mes collègues du département du Loiret –, sont souvent les seuls soumissionnaires aux marchés globaux, aux contrats de partenariat et aux partenariats public-privé. Certes, il existe quelques clauses pour que ces grands groupes s’adressent – avec un certain paternalisme… – aux petites entreprises, voire aux artisans. Il arrive même qu’ils fassent appel à des entreprises locales – c’est mieux vu… Cependant, si tel grand groupe dit à telle entreprise qu’il va recourir à elle pour une prestation, mais que le patron de l’entreprise lui répond qu’il ne peut pas travailler au prix qui lui est proposé, le grand groupe, dans les cinq minutes, en trouvera une autre !
Ces méthodes que pratiquent les donneurs d’ordre et où interviennent les filiales, je vous assure que je ne les invente pas. Tout le monde d’ailleurs les connaît !
Mme Marie-France Beaufils. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Sueur. Être choisi parce que l’on consent à faire appel à une petite entreprise, à donner un peu de travail à un artisan, ce n’est pas digne, mes chers collègues ! Ce qui serait digne, ce serait que les PME, les PTE, les artisans puissent concourir librement et ouvertement pour différents lots qui seraient définis.
Je le répète donc, l’outil peut être utile, mais sa généralisation serait une dérive néfaste.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 68 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, B. Fournier et Bizet, Mme Deromedi, MM. Revet, Laménie, Milon, Houel, Morisset et Lefèvre, Mme Morhet-Richaud et MM. D. Laurent et Pellevat.
L'amendement n° 200 rectifié est présenté par MM. Médevielle, Kern et Guerriau, Mme Micouleau et MM. Cigolotti, D. Dubois, Canevet, Luche et Lasserre.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… L’article 34 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les acheteurs soumis aux dispositions de la loi du 12 juillet 1985 susvisée ne peuvent recourir à un marché public global de performance qui associe l’exploitation ou la maintenance à la conception-réalisation de prestations, quel qu’en soit le montant, que si des motifs d’ordre technique ou un engagement contractuel sur un niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique rendent nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage. » ;
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 68 rectifié bis.
M. Alain Vasselle. La modification de l’article 34 a pour objet de revenir au droit antérieur pour la passation des marchés publics globaux de performance.
En effet, sous l’égide de l’ancien code des marchés publics, les acheteurs soumis à la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique devaient, pour recourir à de tels marchés, remplir les conditions des marchés de conception-réalisation. Ils ne pouvaient donc, sauf exceptions prévues par d’autres lois, recourir à ces marchés que pour des motifs d’ordre technique ou en cas d’engagement contractuel sur le niveau de performance énergétique du bâtiment.
Or l’article 34 de l’ordonnance précitée dispose désormais que « les acheteurs peuvent conclure des marchés publics globaux de performance qui associent l’exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance », sans rappeler la limite qui doit être posée aux acheteurs soumis à la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, dite loi MOP.
Il serait donc souhaitable d’encadrer le recours aux marchés publics globaux de performance par ces acheteurs, en cohérence avec l’article 33 de l’ordonnance précitée relative aux marchés de conception-réalisation.
Il convient également de relever que la passation des marchés publics globaux de performance n’aurait pas dû être dispensée du respect de la loi MOP, l’article 42 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises n’ayant pas habilité le Gouvernement à la modifier.
Cet amendement a donc pour objet d’appeler ce dernier à respecter des dispositions en vigueur.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour présenter l’amendement n° 200 rectifié.
M. Olivier Cigolotti. Cet amendement vient brillamment d’être défendu par mon collègue Alain Vasselle.
Mme la présidente. L'amendement n° 368, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 9
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
3° L’article 35 est abrogé ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L’article 35 de l’ordonnance procède de la philosophie qui avait été naguère celle de Mme Lagarde et de M. Novelli : puisque le Conseil constitutionnel a édicté le caractère d’urgence comme condition, déclarons que tout est urgent ! Le résultat avait abouti à une liste immense…
Dans cet article 35, vous avez décidé d’inscrire la conception, la construction, l’entretien, la maintenance des gendarmeries, des locaux de la police nationale, des centres pénitentiaires, des hôpitaux, etc.
Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, que, si tout relève de la procédure exceptionnelle, celle-ci ne peut plus être qualifiée d’exceptionnelle. Il me semble donc que, si l’on veut respecter le caractère exceptionnel de cette procédure, il est tout à fait logique d’alléger un peu cet article 35, ce qui rendra l’ordonnance plus digeste !
Mme la présidente. L'amendement n° 378, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le 7° est complété par les mots : « dès lors que ce recours à une mission globale est justifié par des raisons tenant soit à l’urgence soit à la complexité de l’ouvrage » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Parmi les marchés globaux sectoriels, ceux qui concernent les hôpitaux sont ceux qui, en raison de leur volume, portent le plus préjudice aux petites entreprises. En effet, ils constituent pour elles des marchés essentiels à leur développement. Le fait que ces marchés soient passés, sans justification, par le biais d’un marché global les prive d’un accès direct à la commande publique. Elles ne peuvent y accéder qu’en sous-traitance dans les conditions contestables que j’ai rappelées et que chacun connaît.
Dans le même esprit que nos amendements précédents, dont vous voudrez bien constater, madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, qu’ils sont empreints d’une grande cohérence, cet amendement prévoit de limiter, pour les bâtiments affectés à l’exercice des missions des établissements publics de santé, des organismes visés à l’article L. 124-4 du code de la sécurité sociale gérant des établissements de santé et des structures de coopération sanitaire dotées de la personnalité morale publique, le recours à un marché global aux seuls cas où ce recours est strictement justifié par des considérations tenant à l’urgence et à la complexité de l’ouvrage à construire.
De deux choses l’une en effet, monsieur le ministre : ou vous considérez que l’urgence et la complexité, critères édictés par le Conseil constitutionnel et qui sont toujours en vigueur, le Conseil constitutionnel n’étant pas revenu sur sa décision, restent deux critères valables et, dans ce cas, pourquoi les supprimer ? Ou vous considérez qu’il faut y substituer le critère tout à fait bizarre, au point même d’être le contraire d’un critère, en vertu duquel il faut que les avantages soient supérieurs aux inconvénients.
Franchement, je ne pense pas que vous puissiez souscrire à cette substitution, car la définition des avantages comme celle des inconvénients sont parfaitement subjectives. Je vais même vous dire que, lorsque l’on signe un PPP, on n’a qu’une vision très limitée des avantages et des inconvénients qui vont surgir, ce dont je pourrais vous donner beaucoup d’exemples, notamment pour ce qui est des stades de football, mais nous en parlerons à la faveur d’un prochain amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 150, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
… L’article 39 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Afin de tenir compte des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires, à la hausse comme à la baisse, les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires comportent obligatoirement une clause de révision de prix. La liste des matières premières agricoles et alimentaires rendant obligatoire l’introduction d’une telle clause est précisée par décret.
« La clause prévue au deuxième alinéa fait référence à un ou plusieurs indicateurs publics d’évolution des coûts de production en agriculture, notamment ceux publiés par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. » ;
La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement, qui vise à rétablir un article supprimé en cours de discussion à l'Assemblée nationale, prévoit que les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires comportent obligatoirement des clauses de révision de prix faisant référence aux indicateurs d’évolution des coûts de production en agriculture. La rédaction de l’article 18 du décret du 25 mars 2016 ne suffit en effet pas pour imposer de manière assez large des clauses de révision de prix dans ce type de marché public.
Notre agriculture n’obéit pas à des logiques tenant uniquement aux cours des marchés mondiaux : elle supporte aussi des charges liées à des réalités économiques françaises ou, au minimum, européennes. Cette rédaction n’est donc pas du tout adaptée au marché agricole.
Le texte renvoie au décret la liste des marchés concernés. La clause de révision de prix est laissée à l’appréciation de l’acheteur. Il convient naturellement que cette clause soit en relation avec la fourniture qui est l’objet du marché.
Mme la présidente. L'amendement n° 99 rectifié, présenté par MM. Adnot, Lefèvre et Doligé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Le septième alinéa de l’article 42 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les services sociaux et les services spécifiques mentionnés à l’annexe XIV de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, ces modalités peuvent être limitées aux publications d’avis de marché et d’attribution ; »
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Cet amendement s’inscrit dans la continuité de l’amendement n° 98 rectifié qu’a défendu Philippe Adnot.
Il s’agit de la fourniture par les avocats de services juridiques autres que ceux qui sont expressément exclus par l’article 10 de la directive : le texte européen les retient dans la liste des services spécifiques de l’annexe XIV et prévoit, d’une part, leur exclusion du champ de la directive lorsque leur montant est inférieur à 750 000 euros et, d’autre part, leur soumission aux règles spécifiques énoncées aux articles 74 à 77 de la directive lorsque leur montant est égal ou supérieur à 750 000 euros.
L’article 42 de l’ordonnance relative aux marchés publics rappelle que, lorsque la valeur estimée hors taxes du besoin est égale ou supérieure aux seuils européens, le marché public est passé suivant une procédure formalisée. En deçà de ces seuils, il doit être recouru à une procédure adaptée ou, lorsque les conditions sont remplies, à une procédure négociée.
La rédaction actuelle de l’article 42 aurait pour conséquence d’écarter ces règles européennes et de renvoyer à un décret les conditions et les modalités selon lesquelles sont passés de tels marchés de services juridiques. Il est pourtant dans l’intérêt même des pouvoirs adjudicateurs, au premier rang desquelles les collectivités locales, de s’inscrire dans la lignée de la directive et de prévoir une procédure allégée pour ces marchés de services juridiques dès lors, notamment, que les obligations de publicité et de transparence demeurent applicables, que le marché des services juridiques se caractérise par une importante asymétrie d’information et que la participation de l’avocat, professionnel du droit, à la définition des besoins de droit de la personne publique est essentielle.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 111 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Grand, Milon, Houel, Morisset et Lefèvre, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent et Bizet, Mme Deromedi et MM. Laménie, Masclet et Pellevat.
L'amendement n° 227 rectifié bis est présenté par M. Kern, Mmes Gatel et Goy-Chavent, MM. Guerriau, Longeot, Luche, Canevet et L. Hervé et Mme Billon.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 11 à 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 111 rectifié bis.
M. Alain Vasselle. Les alinéas 11 à 13 de l’article 16 bis ont provoqué une certaine émotion au sein de l’Association des maires de France.
Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 48 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, article relatif aux interdictions de soumissionner facultatives aux marchés publics.
L’amendement adopté par la commission des affaires économiques a pour objet de faire converger la définition du conflit d’intérêts avec celle de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
Si cet objectif de cohérence législative est compréhensible, il se heurte néanmoins à une difficulté d’application dans le cas précis traité par l’article 48 de l’ordonnance relative aux marchés publics, qui porte sur les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles se trouveraient des opérateurs économiques candidats à la passation d’un marché public.
Or la définition du conflit d’intérêts de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 n’a de sens que concernant les élus ou personnes chargées d’une mission de service public qui, en raison de leur fonction, sont soumis à une obligation d’abstention. Elle ne peut être rendue applicable aux entreprises qui sont candidates à un marché public.
Mais peut-être y a-t-il dans tout cela des nuances à propos desquelles M. le rapporteur nous éclairera…
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 227 rectifié bis.
Mme Annick Billon. Il vient d’être excellemment défendu par M. Vasselle.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 69 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Revet, B. Fournier et Bizet, Mmes Deromedi et Morhet-Richaud et MM. D. Laurent et Pellevat.
L'amendement n° 201 rectifié bis est présenté par MM. Médevielle, Kern et Guerriau, Mme Micouleau et MM. Cigolotti, D. Dubois, Luche, Canevet, Lasserre et Gabouty.
L'amendement n° 369 est présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent, Camani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Au premier alinéa du I de l’article 52, le mot : « objectifs » est remplacé par les mots : « comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux » ;
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l'amendement n° 69 rectifié bis.
M. Alain Vasselle. Cet amendement a pour objet une modification purement formelle du I de l’article 52 de l’ordonnance.
Comme au 2 de l’article 67 de la directive 2014/24 du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics concernant les critères d’attribution des marchés, il convient d’utiliser la notion de « critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux et/ou sociaux liés à l’objet du marché public concerné » plutôt que celle de « critères objectifs », dont la formulation sujette à interprétation rend l’utilisation restrictive.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour présenter l'amendement n° 201 rectifié bis.
M. Olivier Cigolotti. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 369.
M. Jean-Pierre Sueur. M. le rapporteur et M. le ministre devraient être très sensibles à cet amendement que vient de brillamment défendre M. Vasselle.
Dans ce genre de textes – vous avez, monsieur le ministre, produit cette ordonnance –, on trouve souvent des adjectifs dépourvus de tout sens.
« Significatif » est un magnifique exemple de ce type d’adjectifs. Que voudrait dire : « Mon cher collègue, ce que vous avez dit est significatif » ? Absolument rien ! Il en va de même pour « objectif » appliqué à « critère ». Qui parlerait de « critères non objectifs » ?
Il serait tout de même bizarre d’inscrire dans la loi des critères ne relevant pas de l’objectivité, d’où ces amendements cosignés par plusieurs de nos collègues siégeant sur diverses travées de notre assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Ma position sur les amendements qui font l’objet de cette longue discussion commune a été très simple. Elle a consisté à reprendre systématiquement le travail effectué par la commission des lois depuis plus d’un an sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, dont l’excellent rapporteur est notre collègue André Reichardt. Ce travail transversal a fait l’objet d’un accord unanime.
La commission a poursuivi un objectif clair, et tous les avis en découleront : atteindre un meilleur équilibre entre les marchés allotis, qui sont plus facilement accessibles aux PME, et les marchés globaux, qui doivent être réservés à des opérations de grande ampleur.
L’avis est évidemment défavorable à l’amendement n° 622 rectifié du Gouvernement, car il revient à faire fi de 80 % des propositions de modification de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. François Pillet, rapporteur. Les amendements nos 12 rectifié bis et 63 sont satisfaits dans la mesure où l’ordonnance définit déjà précisément les critères permettant de recourir à un marché global, l’allotissement restant le principe. L’avis sera donc défavorable si ces deux amendements n’étaient pas retirés.
L’avis est défavorable sur les amendements identiques nos 65 rectifié ter, 107 rectifié, 110 rectifié bis, 207 rectifié ter et 226 rectifié bis, lesquels tendent à réintroduire le dispositif des offres variables. Il n’échappera en effet à personne – en tout cas, cela n’a pas échappé à la commission – que ce dispositif est trop défavorable aux PME et va à l’encontre du principe de l’allotissement. Ce principe permet en effet aux grands groupes de proposer des prix de gros sur plusieurs lots et d’obtenir ainsi un avantage compétitif sur les PME.
L’avis est également défavorable, étant rappelé que je ne fais que retracer la position de la commission, qui a des axes de pensée clairs, sur tous les amendements qui réduiraient excessivement la boîte à outils à la disposition des acheteurs publics pour mener une politique d’achat cohérente. Je rappelle d’ailleurs qu’il s’agit uniquement et simplement de facultés que les acheteurs publics, qui sont des personnes responsables, utilisent en fonction de leurs besoins.
L’avis est ainsi défavorable sur l’amendement n° 364, qui vise à créer un seuil de 50 millions d’euros pour les marchés globaux, seuil qui n’existe pas en l’état du droit.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela n’empêche pas de le créer !
M. François Pillet, rapporteur. Pour autant, sur ce point, à la demande de la commission, je solliciterai des précisions de la part de M. le ministre, puisque les seuils ont été fixés par décret et lui demanderai des assurances sur le montant de ces seuils, qui pourraient évoluer à la hausse.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. François Pillet, rapporteur. Les amendements nos 365, 366, 367 ainsi que les amendements identiques nos 68 rectifié bis et 200 rectifié limiteraient considérablement le champ des marchés globaux de performance ou des marchés de conception-réalisation en introduisant une condition de complexité que le juge est bien en peine d’apprécier en pratique : cette condition de condition de complexité est une source de complexité dans la jurisprudence !
M. Éric Doligé. Absolument !
M. François Pillet, rapporteur. Prenons le cas de la Cité municipale de Bordeaux : le tribunal administratif considère en 2015 que le chantier n’est pas complexe ; six mois plus tard, la cour d’appel rend un jugement exactement contraire. Il y a donc là une cause d’insécurité juridique que je vous engage à ne pas encourager, mes chers collègues.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi il y a deux ordres de juridiction !
M. François Pillet, rapporteur. Oui ! Pour autant, quand les critères sont simples, les deux ordres de juridiction s’accordent sur leurs effets !
M. Jean-Pierre Sueur. Dans ce cas, cela ne sert à rien qu’il y ait deux ordres de juridiction !
M. François Pillet, rapporteur. J’ajoute, pour vous rassurer, que l’ordonnance ne me paraît pas favoriser le recours aux marchés de partenariat. Il existe certes un critère de recours plus étoffé, mais qui prend toujours incidemment en compte, de par sa nature même, l’urgence et la complexité.
La commission préférant éviter de trop compliquer les choses, elle a émis un avis défavorable sur ces amendements.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 368, qui vise à supprimer tous les marchés globaux sectoriels, ce qui est plus restrictif que le droit en vigueur. Je rappelle que la commission – je parle sous le contrôle de notre collègue Reichardt – a déjà veillé à encadrer ce secteur en supprimant les marchés globaux de revitalisation artisanale.
M. André Reichardt. Tout à fait !
M. François Pillet, rapporteur. Pour les mêmes raisons, monsieur Sueur, la commission est défavorable à l’amendement n° 378, par lequel vous souhaitez ajouter un critère de complexité aux marchés globaux sectoriels.
L’amendement n° 150 sur les marchés agricoles me semble satisfait par le décret d’application de l’ordonnance relative aux marchés publics, qui prévoit des clauses de révision de prix pour tous les marchés dont la durée d’exécution est supérieure à trois mois.
La commission est défavorable à l’amendement n° 99 rectifié, pour les raisons que j’ai évoquées s’agissant des marchés d’avocats.
De même, l’avis est défavorable sur les amendements identiques nos 111 rectifié bis et 227 rectifié bis. On ne peut avoir deux définitions juridiques différentes pour une même notion. Ce ne serait bon ni pour la cohérence de notre jurisprudence ni pour celle de notre droit.
Enfin, la commission est défavorable aux amendements identiques nos 69 rectifié bis, 201 rectifié bis et 369, qui tendent à préciser les critères d’attribution possibles. Nous craignons que cela n’induise des effets d’a contrario non désirés. Mieux vaut laisser une marge de manœuvre aux acheteurs.
Je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir émis des avis défavorables sur toute cette kyrielle d’amendements…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements identiques nos 65 rectifié ter, 107 rectifié, 110 rectifié bis, 207 rectifié ter et 226 rectifié bis, qui visent à rétablir la possibilité, pour les acheteurs publics, d’autoriser les offres variables conformément à la directive de 2014 sur la passation des marchés publics. Il ne me semble pas de bonne méthode de priver les acheteurs de ce mécanisme utile.
Le Gouvernement est également favorable aux amendements identiques nos 111 rectifié bis et 227 rectifié bis, qui visent à revenir à la définition des conflits d’intérêts figurant dans l’ordonnance relative aux marchés publics, seule conforme aux directives.
Je ne peux être favorable à l’amendement n° 367 que si M. Sueur accepte de ne conserver que l’obligation de l’identification de la maîtrise d’œuvre, c’est-à-dire le II, et de supprimer le I. Comme je l’ai dit, le Gouvernement souhaite éviter de durcir les conditions de recours aux contrats globaux de performance au point de les rendre impossibles en pratique.
Le Gouvernement est en revanche défavorable aux amendements nos 12 rectifié bis, 363, 14 rectifié bis, 364, 365, 366, 68 rectifié bis, 200 rectifié, 368, 378, 150, 99 rectifié, 69 rectifié bis, 201 rectifié bis et 369, qui bouleversent l’équilibre auquel nous sommes parvenus dans cette réforme.
Pour mémoire, l’évaluation préalable n’est pas réservée qu’aux partenariats public-privé, elle est aussi prescrite pour les marchés publics de plus de 100 millions d’euros. Ce dispositif couvre donc un champ plus large que l’étude préalable avec laquelle il ne faut pas le confondre, même s’il peut se substituer à cette dernière.
Afin d’assurer la solidité du dispositif, nous avons décidé que la nouvelle mission d’appui au financement des infrastructures, dite Fin Infra, appuiera les porteurs de projets en remplacement de la mission d’appui aux partenariats public-privé, la MAPPP, souvent vue comme poussant aux PPP.
En capitalisant sur l’expertise des projets qui lui sont soumis, Fin Infra réalise déjà des études très utiles. C’est donc pour aller dans votre sens que nous avons créé cette nouvelle structure. Nous voulons éviter les études multiples, parfois illisibles, avec une expertise incertaine, trop en amont des projets.
Mme la présidente. Monsieur sueur, acceptez-vous la modification suggérée par M. le ministre ?
M. Jean-Pierre Sueur. Non, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 622 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe ne votera pas cet amendement.
Lors de nos travaux en commission des lois, nous avons unanimement adopté un certain nombre de modifications allant dans le sens d’un meilleur cadrage des marchés globaux et des partenariats public-privé. Nous regrettons que ce travail ne soit pas pris en compte comme il devrait l’être.
Monsieur le ministre, c’est une bonne chose d’en avoir fini avec le statut ambigu de la MAPPP. Je vous en donne acte. Cette structure, censée réaliser des évaluations, était en fait une officine de propagande habitée par le ministère de l’économie et des finances pour faire en sorte de multiplier les PPP. Son principal inspirateur était une sorte de croisé des PPP que je rencontrais dans de nombreux colloques, avant de me lasser de ces réunions où je servais quelque peu d’alibi…
Peut-être pourriez-vous, à votre tour, me donner acte du fait que mener une étude préalable – dans le cadre d’un marché public, d’un PPP ou autre – sans savoir qui sera candidat ni à quelles conditions revient à comparer quelque chose dont on ne sait rien avec quelque chose dont on ne sait rien. Il en résulte toute une littérature effrayante. J’ai lu un certain nombre d’études préalables sur les universités, et je ne cesse de m’étonner que l’on ait pu payer un tel prix pour que des cabinets produisent une telle littérature.
Enfin, permettez-moi d’insister lourdement, car je crains que vous ne mainteniez cet amendement. Les représentants des artisans du bâtiment, des PME et des ETI nous ont tous alertés en premier sur la question des offres variables. Si les lots changent en fonction des intérêts de la cause, la règle du jeu n’est pas correcte.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Je remercie la commission, à travers son rapporteur, ainsi que M. Reichardt, d’avoir été attentive aux travaux de la mission commune d’information sur la commande publique.
Je peux comprendre l’amendement du Gouvernement : nous avons sans doute besoin d’une expertise juridique complémentaire, notamment sur la définition du conflit d’intérêts. Il nous sera toutefois difficile de le faire dans les minutes qui viennent…
Je soutiens globalement la position de la commission des lois et je souhaite apporter un argument supplémentaire contre cet amendement : la suppression du huitième alinéa permettrait de nouveau à la SNCF d’échapper au régime de droit commun des marchés publics, ce contre quoi notre mission commune d’information s’était battue. Il me semble nécessaire, dans une logique de défense des PME, que la SNCF accepte de procéder par allotissement. Or je constate avec surprise qu’elle repart à l’assaut pour tenter d’échapper à ces dispositions.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Bien évidemment, je ne voterai pas cet amendement. Je tiens cependant à vous rendre hommage, monsieur le ministre, de nous avoir présenté vos arguments. Sachez toutefois que je suis drastiquement opposé à certains d’entre eux, notamment s’agissant des offres variables.
Vous allez avoir du mal à nous expliquer comment un dispositif d’offres variables pour plusieurs lots contribue véritablement à un équilibre entre l’allotissement et les autres formes de marchés publics. Il s’agit vraiment, comme l’a dit M. Sueur, d’un casus belli pour les petites et moyennes entreprises et les TPE. Si elles vous savent gré d’avoir cherché un certain équilibre, elles ne peuvent absolument pas accepter ce dispositif d’offres variables. À titre personnel, j’aurais souhaité conforter cet équilibre. Malheureusement, vous refusez de suivre la position de la commission des lois.
Par ailleurs, si vous vouliez véritablement faire œuvre utile, il eût été préférable de déposer des amendements de suppression, article après article, plutôt que de présenter un amendement package. Ce faisant, vous donnez le sentiment de ne pas vouloir tenir compte du travail consensuel de la commission des lois, ce que je regrette.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voudrais soutenir l’idée de la variabilité.
Certains de nos collègues disent qu’un tel dispositif ne respecte pas les PME, les TPE ou l’artisanat. Qu’à cela ne tienne, ces entreprises peuvent se regrouper ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Elles y ont tout intérêt. J’ai d’ailleurs pu observer qu’elles le faisaient de plus en plus. Cela permet, par exemple, de ne pas avoir à payer pour chaque nouvelle installation de chantier et d’éviter un surcoût qui n’a pas de fondement économique.
Nous débattons fréquemment du passage des PMI en ETI ou des PME en entreprises plus substantielles. Nous avons intérêt à ne pas laisser les grands groupes tout prendre et préempter pour sous-traiter, mais un tissu économique composé de micro-entreprises hyper spécialisées n’est pas aussi résistant qu’un maillage d’entreprises moyennes.
Nous avons besoin de consolider le passage de la TPE à la PME, qui permet, dans la durée, d’absorber les chocs en matière de formation et de ne pas faire appel, comme on le voit dans beaucoup de chantiers, à des travailleurs détachés.
Nous avons donc besoin de consolider cette armature et de favoriser, à travers la coopération entre TPE ou artisans, l’émergence de PME de taille intermédiaire.
J’ai toujours soutenu l’artisanat dans le bâtiment. Je considère que c’est lui rendre service que de l’obliger à coopérer pour éviter les surcoûts liés à des activités trop alloties et émiettées.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaiterais dissiper un malentendu : la SNCF est touchée par cette réforme, dont les dispositions concernent l’ensemble des acteurs de la commande publique. C'est la raison pour laquelle je ne peux vous rejoindre, monsieur Reichardt, sur le sujet des offres variables. Vous demandez à des acteurs, tels que la SNCF, non seulement de respecter des règles auxquelles ils n’étaient pas soumis jusqu’alors, mais aussi de se passer des offres variables. Voilà qui est d’une rigidité extrême.
Nous cherchons à élargir et à clarifier le cadre de la commande publique en intégrant l’ensemble des 1 300 pouvoirs adjudicateurs. Je veux vous rassurer sur ce point, monsieur Bonnecarrère : la SNCF, comme les autres acheteurs que j’ai cités, est bien concernée par cette réforme.
Cela étant, il est évident, pour les raisons que vient de rappeler Mme Lienemann, que les offres variables participent de l’équilibre nécessaire qui a été trouvé. On ne peut passer d’un rien à un tout rigide.
Prenez en considération le fait que, pour la première fois, l’ensemble des pouvoirs adjudicateurs, dont ces grandes entreprises publiques, seront concernés par cette réforme de la commande publique.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je veux tout d’abord souligner combien ce débat est exemplaire.
Le projet de loi de ratification d’une ordonnance intervient bien souvent de trop longs mois après son habilitation. C’est seulement alors que nous pouvons constater les choses…
Je veux donc saluer la démarche de la commission des lois, de même que celle de la mission commune d’information sur la commande publique, qui ont pris le sujet à bras-le-corps. François Pillet a excellemment rappelé le travail mené par André Reichardt. Il s’en dégage un corpus clair que nous devons suivre.
M. le ministre a fait allusion au respect des directives européennes, sous-entendant que nous ne serions pas « dans les clous » sur la définition du conflit d’intérêts. Sans doute existe-t-il une différence entre la lettre des directives et la transposition en droit interne. Notre rapporteur pourrait-il nous donner quelques précisions sur ce point ? Je pense que nous disposons d’une certaine latitude en droit interne.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je remercie M. le ministre de ses explications. Elles sont toujours très claires, même quand je ne les partage pas. J’espère qu’il viendra souvent présenter les textes devant le Sénat. (Sourires.)
Monsieur le rapporteur, je suivrai pratiquement tous vos avis, qui me paraissent particulièrement raisonnables.
On se plaint souvent des contraintes de la normalisation, de la complexification des textes, mais vous rendez-vous compte, mes chers collègues, de la façon dont nous compliquons le fonctionnement des marchés publics au travers de nos amendements ? Heureusement, ils ne seront pas tous votés !
Rien n’est ni tout à fait blanc ni tout à fait noir entre le client et le fournisseur… Les PME et les TPE se plaignent de l’allotissement, mais il faut aussi tenir compte de celui qui passe la commande, de celui qui s’interroge sur ses prix et sur sa capacité à réduire l’enveloppe pour en faire plus… Il s’agit d’un sujet assez compliqué, sur lequel les positions peuvent être différentes.
J’ai écouté Mme Lienemann avec attention, et je suis assez proche de sa position. Vingt-cinq ans durant, j’ai été fournisseur de l’armée, de la SNCF, du CCAS, d’EDF, de l’UGAP… Je n’étais qu’une PME et, face à moi, il y avait des gros qui disposaient de nombreux moyens pour obtenir les marchés. Je vous laisse deviner comment les choses pouvaient se passer…
J’ai parfois pu bénéficier des offres variables. Même pour des petites entreprises ou des PME, il n’est pas si désagréable de se regrouper avec d’autres. D’une part, cela permet de travailler avec des entreprises du même métier et, d’autre part, d’obtenir des prix de revient plus intéressants en produisant 300 pièces au lieu de 100. Ne faisons pas une croix sur l’offre variable !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Monsieur Capo-Canellas, la définition du conflit d’intérêts que nous proposons de retenir est un peu plus large que celle de la directive. Il est donc parfaitement possible de l’intégrer en droit interne. Le président Nadal partage également cet avis.
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 12 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. M. le rapporteur a indiqué que cet amendement était satisfait. Il l’est effectivement, mais seulement en partie.
Mon premier objectif était de favoriser les marchés par lots. Le texte y faisant référence, je peux considérer que ce premier objectif est satisfait.
Mon second objectif était de permettre aux adjudicateurs de lancer des appels d’offres à la fois en tous corps d’état et en corps d’état séparés. Or, à la lecture de l’ordonnance, j’ai le sentiment que tel ne sera pas le cas : on privilégiera soit le marché global, soit le marché par lots.
Si le rapporteur me dit qu’il sera possible de lancer ces deux types d’appels d’offres, mon amendement n’a pas lieu d’être maintenu. Si tel n’est pas le cas, je ne suis malheureusement pas certain que ma rédaction soit suffisamment précise… Nous devrons revenir sur cette question en commission mixte paritaire.
Je veux souligner que ce dispositif était particulièrement payant, dans le sens noble du terme. Nous disposions souvent d’offres très compétitives, parfois en tous corps d’état, parfois en lots séparés. Il serait dommage de se priver de cette possibilité.
Je vais néanmoins suivre l’avis du rapporteur et retirer mon amendement.
M. François Pillet, rapporteur. Par souci d’honnêteté intellectuelle, je me dois d’indiquer que le texte ne permet pas le cumul des deux options.
Votre remarque est juste, monsieur Vasselle : la rédaction de votre amendement ne permettrait pas non plus un tel cumul.
M. Alain Vasselle. C’est vrai !
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l'amendement n° 363 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 65 rectifié ter, 107 rectifié, 110 rectifié bis, 207 rectifié ter et 226 rectifié bis.
M. Didier Marie. Ces amendements, soutenus sur de nombreuses travées de cet hémicycle, sont importants pour le mouvement HLM.
Les bailleurs sociaux éprouvent un certain nombre de difficultés à répondre aux objectifs qui leur sont assignés en matière de production de logements sociaux, dont notre pays manque. Il est absolument essentiel de leur faciliter la tâche.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voudrais, au moment de voter sur ces amendements relatifs aux offres variables, insister à mon tour sur leur importance, mais dans le sens inverse de notre collègue Didier Marie.
Comme je l’ai dit, il s’agit d’un véritable casus belli. C’est un chiffon rouge que l’on agite devant les PME-TPE.
On dit de ce dispositif qu’il est fonctionnel, qu’il offre une faculté supplémentaire à l’acheteur public… Mes chers collègues, nombre de responsables de collectivités publiques présents dans cet hémicycle ont eu – ou ont encore – l’occasion de procéder à des commandes publiques.
Dès lors qu’il est possible d’acheter au moindre prix, ne vous leurrez pas une seconde : tous les acheteurs publics saisiront la possibilité qui leur est donnée d’introduire dans leurs marchés publics une clause de ce type, à savoir une offre variable en fonction du nombre de lots susceptibles d’être obtenus.
Les marchés seront obligatoirement attribués, demain, à des entreprises générales, auxquelles nous ouvrons la voie.
On nous a dit tout à l’heure qu’il convenait de permettre la mutualisation des frais de chantier. Ma chère collègue, nous sommes bien au-delà des frais de chantier, lesquels représentent peanuts ! Demain, les maçons, les menuisiers, les charpentiers, seront laissés sur le carreau. Selon vous, il faut les amener à se regrouper. Laissez-moi vous dire tout haut ce que je pense tout bas : si c’était possible, cela existerait déjà ! Pour avoir travaillé des années durant dans une chambre de métiers, je sais à quel point il est difficile de faire se regrouper les entreprises artisanales.
En tant que sénateur de la bande rhénane, qui voit comment fonctionnent en Allemagne les entreprises de taille intermédiaire, les ETI, je souhaite favoriser le regroupement des entreprises, mais, je le répète, si c’était facile, cela se saurait !
Nous ne sommes pas dans le monde des Bisounours ! Dans le monde économique actuel, il est difficile de survivre. Je vous en prie, mes chers collègues, ne laissons pas passer ces offres variables !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. On ne peut évidemment que partager l’objectif d’André Reichardt, à savoir permettre à des TPE-PME d’accéder à des marchés publics, quels que soient le montant et l’importance de ces derniers.
Ayant présidé pendant plus de trente ans une société anonyme d’HLM, permettez-moi d’évoquer mon expérience. J’ai toujours considéré qu’il convenait de laisser la faculté aux donneurs d’ordre que sont les organismes HLM de consulter les entreprises, soit tous corps d’état soit en corps d’état séparés.
Assez régulièrement, les offres en corps d’état séparés étaient plus compétitives que celles tous corps d’état. Mais l’inverse se rencontrait aussi ! Or une telle possibilité n’existera plus, parce que l’on veut privilégier une appréciation lot par lot. La variabilité introduite par l’article 32 de l’ordonnance relative aux marchés publics correspondait à une pratique qui ne me paraissait pas devoir être remise en cause. Les entreprises soumissionnant pour plusieurs lots faisaient un prix qui n’était pas le même que pour un seul lot.
Qui a raison dans cette affaire, notre collègue André Reichardt ou ceux qui plaident en faveur du dispositif en vigueur, qui fonctionne et donne des résultats ?
Pour ma part, je ne demande qu’à voir ! Je ne suis pas persuadé que, en supprimant la variabilité, les donneurs d’ordre soient gagnants ! La disposition défendue par la commission permettra-t-elle aux PME-TPE de se porter mieux ? Je reste très dubitatif.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. J’ai bien écouté les arguments des uns et des autres. Il n’y a pas de raison de se priver de capacités d’assemblage pour ce qui concerne les appels d’offres.
D’une part, cela permet aux donneurs d’ordre de bénéficier, le cas échéant, d’économies d’échelle. D’autre part, ce dispositif répond à ce qui constitue dans certaines régions une véritable difficulté. Certains lots peuvent en effet rester « sans réponse », ce qui entraîne un retard important dans la mise en œuvre des chantiers. Dans des régions où l’on ne peut pas travailler toute l’année, c’est un réel problème.
Tout ce qui contribue à une plus grande souplesse dans la mise en œuvre des procédures d’appel d’offres et la capacité d’attribuer les marchés me paraît aller dans le bon sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Dans ce débat, il faut considérer, d’une part, les intérêts des acheteurs publics et, d’autre part, l’impact sur l’emploi dans les TPE-PME et ce que l’on appelle l’économie territoriale.
La volonté d’allotir, aussi bien dans la directive européenne que dans la traduction faite par le ministère de l’économie, est une très bonne chose. En effet, plus on allotit, plus on favorise les TPE-PME.
Ces dernières représentent 35 % du chiffre d’affaires des entreprises dans la société française. En revanche, leur part tombe à 25 % pour les marchés publics, l’allotissement n’étant pas mis en œuvre.
Par ailleurs, notre culture en la matière vise à favoriser systématiquement le moins-disant. Selon moi, on ne peut parfois séparer un manque de complexité pour les acheteurs publics de ses effets sur l’emploi. Force est de le constater, les TPE-PME n’ont pas leur place dans la commande publique, qui représente en France environ 400 milliards d’euros. C’est cette question qui est posée.
Certes, pour aborder certains problèmes, on peut déroger ici et là avec des macro-lots. Les possibilités existent, y compris dans le cadre de l’ordonnance dont il est question, pour grouper certains lots et, parfois, réaliser des économies.
Veillons à prendre en compte l’acheteur public, ses capacités, sa volonté de mener à bien les chantiers, tout en considérant les impacts de ses décisions sur l’emploi.
Dans le nord de la Franche-Comté, l’hôpital que nous avons créé a coûté 300 millions d’euros. Les PME-TPE en ont été écartées à 80 %.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée, pour explication de vote.
M. Georges Labazée. Je souhaite apporter certaines clarifications.
La mission commune d’information sur la commande publique, présidée par M. Philippe Bonnecarrère et dont le rapporteur était M. Martial Bourquin, a rédigé un rapport d’information, qui a été adopté à l’unanimité par le Sénat. Les ordonnances rédigées par le Gouvernement dans le cadre de la transposition d’une directive adoptée par Bruxelles s’en sont inspirées. Nous nous sommes même déplacés dans les départements pour présenter ce rapport consensuel devant des élus et des chefs d’entreprise, en expliquant le travail du Sénat.
Je ne suis ni président de cette assemblée, ni membre du Gouvernement, ni rapporteur : je n’ai pas cette prétention ! (Sourires.) Toutefois, j’en appelle à la sagesse de la Haute Assemblée au cours de cette première lecture : ne verrouillons pas toutes les possibilités d’entrée de jeu ! Que les préconisations avancées dans nos rapports et nos délibérations en séance publique soient cohérentes !
Lorsque j’écoute un certain nombre de collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, je me rends compte qu’ils n’ont pas lu ce rapport d’information. Ils tiendraient sinon des propos moins approximatifs !
En faisant preuve d’un peu de sagesse, nous devrions trouver un accord en deuxième lecture.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Les hôpitaux et les universités ont été évoqués à plusieurs reprises, alors qu’ils représentent un cas particulier et non pas une référence pour ce qui concerne les PME.
Ne l’oublions pas, ceux qui construisent des hôpitaux ou des universités ne le font qu’une fois dans leur vie. Ils ne sont pas des spécialistes de la commande publique ! C’est un peu la même chose pour les casernes de pompiers : le responsable lance des appels d’offres, s’organise, mais ce n’est pas son job ! Dès lors, il convient sans doute de répondre à la question suivante : qui doit passer les commandes pour les hôpitaux et les universités ?
Lorsque les collectivités locales, que ce soient les régions, les départements ou les communautés d’agglomération, se mettent d’accord pour avoir un seul maître d’ouvrage, les résultats sont en général meilleurs. Parce qu’elles sont habituées à suivre les chantiers, ces collectivités en acquièrent la capacité.
Je le répète, la question est de savoir qui doit passer les commandes sur ces chantiers uniques.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Même si nous n’avons pas déposé d’amendement sur cette question, nous ne cessons de rappeler dans cet hémicycle le rôle des TPE et, surtout, des PME dans l’économie française.
Chacun s’en aperçoit, ce sont souvent les grosses entreprises qui remportent les marchés et les petites entreprises locales de travaux publics déposent le bilan.
Le groupe CRC votera les amendements en faveur des TPE et PME.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Permettez-moi de saluer l’intervention de notre collègue Georges Labazée, qui a parlé avec beaucoup de sagesse. Il a évoqué la mission d’information présidée par Philippe Bonnecarrère, qui a mené un travail long et construit.
Sur la question des offres variables, nous manquons, me semble-t-il, de recul. En effet, lorsque j’interroge un certain nombre de collègues gestionnaires, comme moi, de collectivités, je me rends compte que le phénomène est plutôt récent. Légiférer trop vite sur ce sujet me paraîtrait malhabile. Il faut s’en tenir aux conclusions du travail mené par la mission d’information et la commission des lois, en particulier l’implication d’André Reichardt.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Je le précise, la position unanime de la commission des lois s’inscrit dans le sens des objectifs et observations rappelés tout à l’heure par André Reichardt.
Pour répondre et compléter les propos de Vincent Capo-Canellas, je rappelle que, si les conséquences de ces offres variables sont tellement difficiles à apprécier, c’est parce qu’elles étaient interdites par le code des marchés publics voilà encore six mois !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 65 rectifié ter, 107 rectifié, 110 rectifié bis, 207 rectifié ter et 226 rectifié bis.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 422 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Pour l’adoption | 136 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 364.
M. Jean-Pierre Sueur. Je rappelle que M. le rapporteur voulait interroger le Gouvernement pour savoir si celui-ci accepterait de reprendre le contenu de cet amendement dans le décret. Si tel était le cas, en toute logique, je retirerais cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le sénateur, je vous renvoie à la rédaction du décret du 25 mars 2016, qui prévoit en effet des seuils. Je vous incite donc à considérer que cet amendement est satisfait et à le retirer, les seuils étant d’ores et déjà définis au niveau réglementaire ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Il se peut toutefois que vous ne partagiez-vous pas le niveau des seuils prévus par le décret. Ils ont été définis à la suite d’une concertation avec l’ensemble des parties et je souhaite donc les préserver.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l’amendement n° 364 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. M. le ministre l’a bien compris, la question est bel et bien celle des seuils. Je maintiens donc cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Nous avons bien entendu la réponse juridique formulée à l’instant par M. le ministre : il s’agit d’une disposition de nature réglementaire.
M. Sueur l’a rappelé, les partenariats public-privé, ou PPP, font partie de la boîte à outils. Même si nous sommes nombreux dans cet hémicycle à penser qu’ils sont d’un usage délicat et qu’il convient de ne pas les recommander à nos collectivités, il s’agit cependant d’une disposition licite, qui, dans un certain nombre de cas, peut être pertinente.
En outre, le Conseil constitutionnel – c’était également l’esprit du rapport d’information de MM. Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur – a fixé une double limite, la complexité et l’urgence.
Si l’on ajoute à ces deux éléments un minimum de 50 millions d’euros, ce qui constitue tout de même un seuil extrêmement élevé, on prévoit non pas une interdiction légale, mais une strangulation de fait du mécanisme du PPP. Selon moi, ce serait regrettable. Quelles que soient nos positions de principe sur le sujet, il paraît raisonnable de laisser l’ensemble de nos institutions apprécier ce qui est pertinent, dans le cadre du double verrou fixé par le Conseil constitutionnel.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. J’ai bien sûr de la considération pour Jean-Pierre Sueur et les croisades qu’il mène contre les PPP dans le cadre de ce texte.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit de leur bon usage !
M. Éric Doligé. L’usage, c’est ce qu’en font les élus, ceux qui peuvent les utiliser. Oui, cela suppose d’être bien organisé et structuré et de connaître son sujet. Il va de soi que les PPP ne peuvent se transformer en règle générale.
À l’échelon national, ces partenariats ne représentent que 3 % à 6 % du volume global des marchés publics, ce qui n’est tout de même pas très important. Il s’agit d’un moyen permettant d’introduire une certaine souplesse.
Moi aussi, je pense qu’il ne faut pas essayer de brider par tous les bouts ce petit élément de la boîte à outils, qui peut rendre des services. Je ne voterai donc pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Je partage les propos d’Éric Doligé.
J’en profite pour rappeler au Gouvernement que, si l’on ne veut pas que les PPP soient injustement attaqués, l’exemple doit venir d’en haut ! Je veux parler des inscriptions budgétaires des crédits consacrés aux PPP, telles qu’elles ont été prévues dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances. Ainsi, dès que l’ouvrage est livré, la totalité des crédits en autorisations d’engagement et en crédits de paiement doit être inscrite en dépenses d’investissement comme de fonctionnement.
Or, ainsi qu’on a eu l’occasion de l’observer, on pourra le redire lors de l’examen du projet de loi de règlement, un certain nombre de ministères s’exonèrent de cette obligation. C’est notamment le cas de la Chancellerie pour ce qui concerne les équipements pénitentiaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je veux simplement expliquer les raisons pour lesquelles nous sommes vigilants sur ces questions.
Lorsque Philippe Séguin était venu à cette tribune présenter pour la dernière fois son rapport en tant que Premier président de la Cour des comptes, il avait affirmé que les partenariats public-privé étaient « le crédit revolving des collectivités locales ».
M. Bruno Sido. Il avait raison !
M. Jean-Pierre Sueur. Avec Hugues Portelli, nous avons examiné, dans le cadre d’un rapport d’information dont je peux vous dire qu’il n’était pas partisan, un certain nombre de situations. Croyez-moi, si j’ai parlé des stades de football, ce n’était pas par hasard ! Je peux vous l’assurer, certaines collectivités s’engagent dans des aventures financières. Certes, nous aimons tous inaugurer ! Simplement, ceux qui paieront la facture sont non pas nos successeurs, mais les successeurs de nos successeurs. Je parle en connaissance de cause.
De nombreux avenants apparaissent ; certaines durées de remboursement s’étalent sur quarante ans. Nous devons être vigilants et ne pas laisser aux générations futures des emprunts très durables.
Éric Doligé le sait bien, la situation est très bien gérée dans certains cas. Pourtant, M. le garde des sceaux nous a expliqué en commission que, avec le financement des prisons par PPP et le nouveau tribunal parisien, la marge d’investissement du ministère de la justice s’était réduite à pas grand-chose.
Je profite donc de l’examen de ce texte pour mettre en garde contre les PPP, tout en rappelant qu’il s’agissait d’un outil utile et, dans un certain nombre de cas, nécessaire. Réfléchissons bien à toutes les conséquences qu’il peut emporter !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Une fois n’est pas coutume, le groupe du RDSE partagera la croisade de M. Sueur.
M. Michel Bouvard. C’est inquiétant ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Ce qu’il vient de dire correspond à la réalité : les PPP sont utiles, mais il faut les utiliser avec une grande prudence, ce qui, malheureusement, n’est pas toujours le cas. On voit donc l’intérêt d’avoir des assemblées composées d’élus locaux…
M. Bruno Sido. Le cumul !
M. Jacques Mézard. … pour attirer l’attention de nos collègues élus locaux et celle du Gouvernement sur les difficultés se présentant sur le terrain.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 364.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 423 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 156 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Monsieur Sueur, l'amendement n° 365 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l'amendement n° 366 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l'amendement n° 367 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 68 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Non, je le retire, madame la présidente ; M. le rapporteur m’a convaincu.
Mme la présidente. L’amendement n° 68 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 200 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l'amendement n° 368 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 368.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 424 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 157 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 378.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. Ladislas Poniatowski. Nous avons eu chaud ! Heureusement, la droite est là pour soutenir le Gouvernement !
M. Éric Doligé. Regardez s’il y a parité, madame la présidente !
Mme la présidente. Je ne sais s’il y a parité, mais il y a parfaite égalité ! L'amendement n’est donc pas adopté.
La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Je remercie le rapporteur, François Pillet, de sa réponse selon laquelle l’amendement n° 150 est satisfait par le décret relatif aux marchés publics. Toutefois, monsieur le ministre, pour qu’il le soit complètement, il faudrait notamment que l’article 18 du décret soit modifié. Nous nous apprêtons dans la même journée, dans le cadre du même projet de loi, à voter différents articles, en particulier l’article 16 bis et l’article 30, qui font référence à des critères de révision des prix totalement distincts.
La clause de révision des prix relative aux négociations commerciales entre producteurs et transformateurs et entre transformateurs et distributeurs fera référence à des indicateurs nationaux issus de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. S’agissant des marchés publics, en revanche, ce sont les indicateurs du marché mondial, qui n’existent d’ailleurs pas pour toutes les productions, qui feraient référence ?
Je puis tout à fait retirer cet amendement, à condition que M. le ministre m’assure que le décret sera effectivement modifié, afin que la référence soit non plus le marché mondial, mais bel et bien la réalité nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Le point qui vient d’être soulevé méritait absolument de l’être. De ce point de vue, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat que vous aurez ce soir à l’article 30 sera important. Nous avons d’ailleurs déjà plaidé, dans plusieurs filières, dans le sens que vous indiquez, monsieur le rapporteur pour avis.
Les indicateurs sont définis au niveau réglementaire ; je m’engage à ce que les conclusions auxquelles vous parviendrez ce soir et, plus généralement, les discussions que nous pouvons avoir sur les critères de révision des prix, soient prises en compte, de manière à ce que les décrets auxquels renvoie le texte reflètent vos choix. Par conséquent, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 150 est-il maintenu ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Non, je le retire, madame la présidente. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse très claire.
Mme la présidente. L'amendement n° 150 est retiré.
Monsieur Doligé, l'amendement n° 99 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Doligé. Non, je le retire, madame la présidente.
M. François Pillet, rapporteur, et Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 99 rectifié est retiré.
Monsieur Vasselle, l'amendement n° 111 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Il semble qu’une difficulté d’interprétation des textes en vigueur subsiste et que le rapporteur et le Gouvernement ne soient pas tout à fait d’accord sur ce point. Qui a raison ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Le rapporteur !
M. Alain Vasselle. Par amitié pour le rapporteur, je préférerais lui faire plaisir. Pour autant, je suis pragmatique ! Dès lors que le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement et que celui-ci a des chances d’être adopté, pourquoi le retirerais-je ? (Sourires.)
M. Michel Bouvard. Très bien ! Bel opportunisme ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Monsieur Luche, l'amendement n° 227 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Luche. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 227 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 111 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 69 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 69 rectifié bis est retiré.
Monsieur Luche, l'amendement n° 201 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Luche. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 201 rectifié bis est retiré.
Monsieur Sueur, l'amendement n° 369 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Bien entendu, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle, Milon, Morisset, Lefèvre, Houel et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, M. Bizet, Mmes Deromedi et Duchêne, MM. Laménie et Rapin, Mme Gruny et M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 53 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’acheteur met en œuvre tous moyens pour détecter les offres anormalement basses lui permettant d’écarter ces offres.
« Un décret en Conseil d’État définit ce qu’est une offre anormalement basse et une méthode de détection à destination des maîtres d’ouvrage publics. » ;
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Les offres anormalement basses s’expliquent souvent par la sous-traitance en cascade, dont les conditions juridiques et économiques ne permettent pas une réelle qualité de réalisation des travaux, par le travail illégal et le recours aux travailleurs détachés, mais aussi par la situation d’entreprises en manque d’activité, qui risquent de faire faillite et de disparaître avant la fin du chantier – nous rencontrons malheureusement de tels cas de temps à autre. Ces offres constituent une concurrence déloyale pour les entreprises qui respectent la réglementation.
Il convient de souligner que l’article 55 du code des marchés publics ne prévoit pas de définition de l’offre anormalement basse, ni de mécanisme de détection, ni même d’obligation de détection de telles offres. Les pouvoirs adjudicateurs sont donc démunis pour lutter contre elles.
Il est indispensable et urgent que les pouvoirs publics prévoient dans le code des marchés publics une définition et une méthode de détection des offres anormalement basses, afin que ces offres soient systématiquement détectées par les pouvoirs adjudicateurs.
Ainsi, l’offre de prix la plus haute et l’offre la plus basse devraient être systématiquement écartées, afin que les entreprises ne cherchent pas à toute force à proposer les prix les plus bas.
Ces dispositions permettraient aux entreprises de s’inscrire dans une démarche plus vertueuse en matière de marchés publics et ne pourraient qu’inciter à la mise en œuvre d’un achat public responsable prenant en compte l’environnement, le développement économique et les aspects sociaux.
Vous l’aurez compris, nous souhaitons mettre l’accent sur les risques que présentent les offres anormalement basses pour l’adjudicateur, mais aussi pour les entreprises, y compris, parfois, pour celles qui sont en bonne santé financière.
Mme la présidente. L'amendement n° 370, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 53 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’acheteur met en œuvre tous moyens pour détecter les offres anormalement basses lui permettant d’écarter ces offres.
« Un décret pris en Conseil d’État intègre dans le code des marchés publics la définition d’une offre anormalement basse et une méthode de détection à destination des maîtres d’ouvrage publics. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. La rédaction de cet amendement, qui vise à demander le renvoi à un décret, procède du même état d’esprit que celle du précédent. Chacun sait que les offres anormalement basses posent une vraie question. De ce point de vue, la publication d’un décret définissant les modalités de prévention et de lutte contre de telles offres me paraît une bonne chose.
Peut-être la modalité suggérée dans l’objet de ces amendements, à savoir écarter systématiquement l’offre la plus haute et l’offre la plus basse, devrait-elle être revue : il ne s’agit certainement pas de la meilleure méthode. Nous faisons confiance aux qualités d’innovation et de rédaction de M. le ministre pour rédiger le décret de sorte qu’il permette une prévention efficace des offres anormalement basses.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Ces amendements visent à mieux lutter contre les offres anormalement basses d’entreprises pratiquant souvent un dumping social farouche.
L’ordonnance relative aux marchés publics et son décret d’application ont déjà permis un certain nombre d’avancées, en prévoyant en particulier l’obligation du rejet de telles offres.
À travers ces deux amendements s’expriment des inquiétudes de terrain importantes, ainsi que la difficulté, pour les acheteurs publics, de détecter les offres anormalement basses sans pour autant risquer des contentieux.
La commission trouve la rédaction de l’amendement n° 13 rectifié bis un peu plus précise. Elle émet donc un avis favorable sur cet amendement ; si le Sénat l’adopte, l’amendement n° 370 sera satisfait.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien ! Je le retire au bénéfice de celui de M. Vasselle !
Mme la présidente. L'amendement n° 370 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 13 rectifié bis ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, dont l’adoption paraît inutile.
En effet, l’article 53 de l’ordonnance relative aux marchés publics impose déjà aux acheteurs d’exiger de l’opérateur économique qu’il justifie le montant de son offre. On trouve en outre, au niveau réglementaire, comme il se doit, à l’article 60 du décret du 25 mars 2016, une définition très précise de l’offre anormalement basse. Cet amendement est donc satisfait.
Par ailleurs, je recommande de ne pas traiter au niveau législatif la définition de ces offres anormalement basses : cette définition doit être effectuée au niveau réglementaire ; c’est chose faite.
Si vous n’étiez pas convaincu par ces arguments et décidiez de ne pas retirer cet amendement, monsieur le sénateur, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Nous avons déjà abordé ce débat hier. La question des offres anormalement basses est très importante : elle engage notamment le problème des travailleurs détachés comme celui de la course au moins-disant social.
Dans les territoires, nous voyons parfois les effectifs de nos TPE et de nos PME diminuer très sensiblement et leurs carnets de commande se vider. Parallèlement, d’autres entreprises cassent les prix, mettant en danger des filières comme celles du bâtiment et des travaux publics.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Martial Bourquin. Cette question est donc centrale, car elle est fondamentalement liée à celle du travail détaché – nous savons que la loi Macron a prévu des amendes très sévères contre les fraudes au détachement – et à la course au moins-disant social.
On parle de sécurité juridique de l’acheteur public : entre la directive européenne sur le détachement de travailleurs et le décret pris en Conseil d’État, nous sommes désormais juridiquement armés. C’est la volonté politique des acheteurs publics qui doit faire le reste, c'est-à-dire faire en sorte que les chantiers profitent à notre économie, à l’échelon tant régional que local.
Si, en tant qu’acheteurs publics, nous recherchons systématiquement le moins-disant et recourons aux services de ces entreprises qui viennent parfois de très loin pour repartir aussitôt, nous rencontrerons régulièrement de graves problèmes de qualité. En outre, nous avons la responsabilité d’agir pour que les grands chantiers que nous menons se traduisent par des emplois dans nos territoires.
L’offre anormalement basse doit donc être beaucoup plus précisément traquée. Si cela doit passer par la publication d’un nouveau décret, je n’y vois pas d’objection. Il y va de l’emploi dans nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. En tant que président de conseil départemental, j’ai l’habitude des marchés publics. De temps en temps en effet, nous nous interrogeons sur certaines offres anormalement basses. De la même façon, il nous arrive également de nous étonner d’offres anormalement hautes.
Il est faux de dire que les offres anormalement basses relèvent systématiquement du dumping social. Ce n’est pas toujours le cas ! Les collectivités, tout au moins celles qui sont dignes de ce nom, sont capables de détecter les offres qui sont véritablement anormalement basses.
Il me paraît légitime, par ailleurs, de laisser à une entreprise la liberté de faire une offre basse, si c’est le seul moyen pour elle de percer, de pénétrer un marché et de se faire un nom qui lui permettra de faire valoir, à l’occasion d’un marché ultérieur, une expérience réussie. Il nous faut donc être très prudents sur ce sujet et je prétends que les collectivités n’ont pas besoin d’une définition de l’offre anormalement basse.
Monsieur le ministre, je m’étonne d’ailleurs qu’aucun amendement n’ait été déposé pour traiter un sujet qui pose pourtant un vrai problème, quasi unanimement reconnu comme tel : les règles des marchés publics sont telles qu’elles conduisent les collectivités à payer des projets plus chers que les opérateurs privés. J’aurais aimé que le Gouvernement, ainsi que ceux, parmi mes éminents collègues, qui se penchent sur ce type de questions, s’intéressent à ce problème ! (M. Jacques Gautier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Il est tout à fait pertinent de mettre le doigt sur le problème des travailleurs détachés, qui ne va qu’en s’aggravant : le nombre de détachements a augmenté de 25 % en 2015, ce qui contribue à perturber l’économie locale.
Au moment du débat sur le traité constitutionnel européen, en 2005, je me souviens que les discours sur l’inscription dans le marbre des traités de la concurrence libre et non faussée faisaient florès. Or la directive sur le détachement de travailleurs – nous mettons en cause y compris sa version initiale –, en prévoyant que l’employeur verse les cotisations de sécurité sociale dans le pays d’origine du travailleur, et non dans le pays où le travail est effectué, crée et légalise les conditions d’une concurrence déloyale. Songez par exemple que l’écart de cotisations entre la France et la Pologne est de 30 %.
Je ne parle pas de tous les contournements qui sont possibles et imaginables en matière de dumping : nous avons tous en mémoire le cas de cette agence d’intérim irlandaise basée à Chypre qui détachait des travailleurs polonais pour travailler en France – je m’abstiens de la nommer, chacun l’aura reconnue !
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Éric Bocquet. Nous soutiendrons donc l’amendement n° 13 rectifié bis, que nous considérons comme un amendement d’appel.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Il s’agit évidemment d’un problème crucial pour l’acheteur public : l’insécurité juridique est très forte s’agissant de l’appréciation de ces offres anormalement basses. Toutefois, je partage les propos de Bruno Sido : cette insécurité concerne tout autant l’appréciation des offres très hautes qui nous parviennent de temps en temps et qui nous laissent également dubitatifs.
En outre, nous recevons parfois des offres basses alors même qu’aucune tentative de dumping social n’est engagée ! Malheureusement, un certain nombre de PME ne vont pas très bien et préfèrent faire travailler leurs ouvriers à perte, en espérant des jours meilleurs, plutôt que de cesser leur activité. Doit-on écarter de telles offres au motif que, une fois n’est pas coutume, elles seraient trop basses ? C’est la question que se posent les acheteurs publics.
Juridiquement, le maire est responsable. Même si j’entends l’argumentation de M. le ministre, un meilleur encadrement de la notion d’offre anormalement basse serait souhaitable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je suis tout à fait de l’avis de Bruno Sido.
Nous sommes nombreux à exercer des responsabilités dans des collectivités. Il ne faut pas confondre le problème des travailleurs détachés, qui justifie en effet des dispositions particulières, et les situations auxquelles nous sommes confrontés lorsque nous avons des marchés à attribuer.
Ce qui vient d’être dit est exact : il arrive, surtout lorsqu’il s’agit de petites et moyennes collectivités, que des entreprises fassent des offres basses, que l’on pourrait considérer comme anormalement basses par rapport à la moyenne, parce qu’elles ont un créneau à remplir dans leur emploi du temps et que, dans ces conditions, un chantier est toujours bon à prendre.
En outre, monsieur le ministre, il faudrait au moins que nous puissions disposer d’informations crédibles !
Voilà quelques jours, je lisais un article dans lequel Mme le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale affirmait qu’un travailleur polonais venant travailler en France coûtait plus cher qu’un travailleur français au SMIC ! Je sais bien qu’il faut justifier un certain nombre de choses, mais cela m’a tout de même beaucoup étonné.
Que chacun prenne ses responsabilités : s’il y a un problème de travailleurs détachés – et nous considérons que tel est le cas –, prenons les dispositions nécessaires dans le cadre européen, mais, de grâce, ne compliquons pas constamment la charge des élus locaux. C’est selon moi la vraie priorité !
Les marchés sont un sujet extrêmement compliqué. Nous ne savons plus trop ce qu’il convient de faire. Par ailleurs, il y a de plus en plus de recours alors que les élus locaux font le maximum pour obtenir les meilleurs prix et pour réaliser l’investissement. Telle est la réalité.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Travailleurs détachés ou pas, il s’agit d’une vraie problématique et les situations évoquées par Bruno Sido et Sophie Primas sont bien réelles. Quelquefois, des entreprises sont en difficulté et, par un nantissement, obtiennent alors de leur banque une facilité de découvert. Finalement, c’est toute la chaîne des entreprises sur un marché qui se trouve elle-même mise à mal, ainsi que la collectivité qui est maître d’ouvrage. Pour avoir connu une situation similaire, je puis vous assurer que c’est particulièrement pénible.
Il me semble utile de maintenir ce sujet dans la navette parlementaire, même si des marges d’amélioration sont possibles sur le plan rédactionnel. J’espère néanmoins que le décret en Conseil ne proposera pas une définition trop contraignante de l’offre anormalement basse pour les marchés publics. Veillons à ne pas parvenir à un effet contraire à celui qui est recherché. Puisque nous souhaitons pouvoir déclarer qu’un certain nombre d’offres sont anormalement basses, il faut tout de même s’assurer que la définition ne sera pas trop restrictive. Je tiens à pointer du doigt ce léger risque.
Par ailleurs, il existe selon moi une marge d’amélioration par rapport au fait qu’un décret définisse une méthode de détection à destination des maîtres d’ouvrage public. J’espère que la navette parlementaire nous permettra de poursuivre le travail entrepris.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Les remarques sur les offres basses formulées par les orateurs précédents sont tout à fait pertinentes et justes et les exemples cités par Bruno Sido et Sophie Primas éclairants.
Je retiens de l’avis exprimé par M. le rapporteur qu’il est important de sécuriser juridiquement la définition de l’offre basse. Tel est l’objet de cet amendement. Certes, la rédaction proposée est loin d’être parfaite ; elle méritera sans doute d’être améliorée en commission mixte paritaire. Sous réserve des modifications qui ne manqueront pas d’être apportées à cette disposition, il nous faut l’adopter afin d’apporter à l’ensemble des donneurs d’ordre la sécurité juridique dont ils ont besoin.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. J’ai présidé durant de longues années la commission d’appel d’offres d’un conseil général. La question soulevée est importante, mais il est difficile d’y répondre.
Cet amendement vise à éliminer l’offre la plus basse et l’offre la plus haute. Or l’offre la plus basse n’est pas nécessairement une offre anormalement basse.
M. Bruno Sido. Exactement !
M. Jean-Claude Requier. S’il y a peu d’écart entre une offre et l’autre, pourquoi en supprimer une ? Il peut s’agir tout simplement d’une offre très compétitive.
De la même façon, nous savons tous comment les choses se passent avec l’offre la plus haute : une entreprise fait une offre très élevée afin de recentrer les autres. Dans certains jeux, on appelle cela faire le « baron ».
L’adoption de cet amendement ne me semble pas nécessaire.
M. Jean-Claude Luche. Merci, baron Requier ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. L’objectif du Gouvernement est précisément d’éviter les pratiques que vous avez dénoncées. Nous nous y employons à travers ce texte, mais nous les combattons plus largement grâce à d’autres lois que nous avons présentées contre le travail détaché illégal.
Ce projet de loi définit les offres anormalement basses et l’article 60 du décret du 25 mars 2016 détaille très précisément ce que c’est. C’est pourquoi cet amendement me semble satisfait. Cela ne contrevient en rien à toutes les prises de parole que j’ai pu entendre puisque les critères seront définis dans le décret.
Par ailleurs, vous trouverez sur le site internet du ministère, dans l’espace marché public, une rubrique de six pages, qui définit pour l’acheteur ce qu’est une offre anormalement basse, avec des questions pratiques et des exemples très précis. C’est à mon sens plus utile que de définir dans la loi quelque chose qui relève du décret.
Il me paraît de bonne pratique de définir dans un texte de loi les principes généraux en renvoyant le reste à un décret, à savoir une sous-section entière du décret du 25 mars 2016. De plus, il existe un guide de l’utilisateur.
De grâce, ne prenons pas dans la loi des mesures d’ordre réglementaire. Cela n’apporterait aucune réponse au problème soulevé. La difficulté est prise en compte. C’est tout l’objet de cette réforme. En se référant à ce texte et au guide que j’évoquais, l’acheteur public dispose de quoi traiter le problème au fond.
Mme la présidente. L'amendement n° 242, présenté par M. Marie, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Au premier alinéa du I de l’article 59, après les mots : « publics locaux », sont insérés les mots : « autres que les offices publics de l’habitat » ;
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Cet amendement concerne le monde HLM, plus particulièrement l’une de ses familles, à savoir les offices publics de l’habitat, les OPH.
Si les sociétés anonymes d’HLM, les sociétés anonymes coopératives d’HLM et les fondations d’HLM sont libres de rédiger leurs clauses financières, l’ordonnance du 23 juillet 2015 soumet les offices publics de l’habitat, en leur qualité d’établissements publics locaux, au même régime juridique d’exécution des marchés que leurs collectivités territoriales de rattachement.
Or les organismes d’HLM, quel que soit leur statut, doivent bénéficier d’un régime financier unique. L’application du régime financier et comptable des collectivités territoriales aux OPH accroîtra la charge de travail des services financier et comptable de ces derniers et, indirectement, augmentera leurs charges.
Il s’agit donc d’exempter les OPH de cette disposition, à l’instar de ce que l’ordonnance prévoit aujourd’hui pour les établissements publics à caractère industriel et commercial de l’État en ce qui concerne les obligations relatives aux règlements, avances et acomptes. Les OPH, établissements publics à caractère industriel et commercial, ont la même légitimité à bénéficier de cette exemption.
Je rappelle qu’aujourd'hui les OPH gèrent la moitié du parc social en France et produisent près de 45 % de l’offre nouvelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer de nouvelles souplesses pour les modalités d’exécution financières des marchés des organismes d’HLM.
Lors des travaux de M. Reichardt, le Gouvernement s’était engagé à prévoir ce type de souplesse dans le décret d’application de l’ordonnance. À la lecture de ce décret, ces souplesses n’apparaissent pas clairement. Par conséquent, sur cet amendement, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 243, présenté par M. Marie, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa du I de l’article 60 est complété par les mots : « autres que les offices publics de l’habitat » ;
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Cet amendement concerne également les OPH, plus particulièrement la rédaction des clauses financières.
L’ordonnance du 23 juillet 2015 soumet les offices publics de l’habitat, en leur qualité d’établissements publics locaux, au même régime juridique d’exécution des marchés que les collectivités territoriales. Nous souhaitons revenir sur cette disposition. Dans ce cadre, il est proposé de mettre en place un versement périodique, qui constitue un paiement différé et qui est avantageux pour les prestataires concernés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à permettre aux offices publics de l’habitat d’utiliser des dispositifs de paiement différé. La commission a émis un avis défavorable, car le rapport d’information de MM. Portelli et Sueur a démontré la dangerosité de ce type de dispositifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 21 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Milon, Morisset, Lefèvre, Houel et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. B. Fournier et Bizet, Mmes Deromedi, Duchêne et Cayeux, MM. Laménie et Rapin, Mme Gruny et MM. Chaize et Pellevat.
L'amendement n° 535 rectifié est présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Hue.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 17
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° La section 1 du chapitre 1er du titre III de la première partie est complétée par un article 60-… ainsi rédigé :
« Art. 60-.… – I. – Afin de tenir compte des fluctuations de cours de matières premières agricoles et alimentaires, à la hausse comme à la baisse, les marchés publics de fourniture de denrées alimentaires comportent obligatoirement une clause de révision de prix.
« II. – La clause prévue au I fait référence à un ou plusieurs indices officiels, sectoriels ou interprofessionnels, applicables aux produits concernés ou, à défaut, aux indices de prix de l’Institut national de la statistique et des études économiques à la production de denrées alimentaires.
« Pour les produits agricoles et alimentaires dont la liste est précisée par décret, les indices auxquels fait référence la clause prévue au I sont notamment des indicateurs publics de coûts de production en agriculture publiés par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. » ;
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié bis.
M. Alain Vasselle. Cet amendement s’apparente à celui qui a été défendu par notre collègue Daniel Gremillet. Eu égard aux explications qui ont été données tout à l’heure, il me semble qu’il n’a plus de raison d’être. Si tel est le cas, je le retirerai. J’aimerais avoir l’avis de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 535 rectifié.
M. Jacques Mézard. Je formule la même remarque. Les explications qui ont déjà été données me paraissent suffisantes. Par conséquent, je retire cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 535 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 21 rectifié bis ?
M. François Pillet, rapporteur. Je confirme que cet amendement est bien satisfait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement est satisfait par l’engagement pris tout à l’heure avec Daniel Gremillet. Je vous invite donc à le retirer.
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 21 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Non, je le retire, madame la présidente. Monsieur le ministre, entre Picards, on peut se comprendre ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 21 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 371, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… ° Le 1° du II de l’article 67 est ainsi rédigé :
« 1° Tout ou partie de la conception de biens immatériels, à l’exclusion de la conception d’ouvrages ou d’équipements ; »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons déjà présenté à plusieurs reprises des amendements similaires.
Il s’agit de mettre en place la proposition n° 7 du rapport d’information que j’ai cosigné avec M. Portelli et de disjoindre la partie conception, c'est-à-dire la partie architecture, du contenu des partenariats public-privé, les PPP. On organiserait alors un concours d’architecture pour que la collectivité choisisse un architecte. Sur la base du projet retenu, celle-ci déciderait ensuite d’établir un PPP, un contrat de partenariat ou un marché global.
Aujourd'hui, quand on adopte la logique des partenariats public-privé, trois grands groupes, que chacun connaît ici, proposent un « paquet cadeau » ou un « panier garni », qui comprend l’organisme financeur, les constructeurs tous corps d’états confondus, ainsi que l’entreprise chargée de la maintenance, de l’entretien et de l’exploitation. On présuppose que tout cela produit l’optimum. Or c’est cela même qui doit être critiqué.
Quand, par-dessus le marché, on inclut dans le paquet cadeau ou le panier garni l’architecte, cela signifie que c’est le groupe A, B ou C qui décidera de l’architecte. J’ai la faiblesse de penser que l’architecture d’une prison n’est pas neutre et correspond à une certaine idée de la détention. Il en est de même pour l’architecture d’une médiathèque, d’un hôpital, d’une université ou d’un équipement sportif. Il est donc très important que les élus puissent en décider librement, dans le cadre d’un concours et d’une mise en concurrence.
Bien entendu, cette disposition répond aux vœux des architectes, urbanistes, paysagistes, etc.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement, pour des raisons qui ont déjà été longuement expliquées en commission ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Par définition, les marchés de partenariat visent à confier une mission globale à un prestataire. Pourquoi exclure la maîtrise d’œuvre ?
En outre, M. Sueur a déjà fait bouger les lignes en cette matière dans la mesure où, désormais, les équipes de maîtrise d’œuvre des marchés de partenariat sont désormais clairement identifiées. Surtout, l’acheteur public a la possibilité d’exclure de lui-même l’architecture de son marché de partenariat. La messe est dite…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Des amendements similaires ont en effet été examinés à l’occasion d’autres textes.
Cette proposition est, selon moi, une dénaturation des partenariats public-privé. Ces derniers sont conçus de telle sorte qu’il est possible ou non de faire appel à un architecte.
J’ai conclu plusieurs marchés de partenariat, notamment pour un collège. Je puis vous assurer que nous avions souvent cinq propositions, et non trois, comme vous l’affirmez, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il y en a souvent trois !
M. Éric Doligé. Les élus concernés examinaient alors les dossiers et choisissaient ensemble ce qui leur semblait la meilleure proposition.
Par ailleurs, lorsque l’on organise un concours d’architecte, on ne sait pas au départ quel architecte a remis tel ou tel projet ; on l’apprend ensuite. Bref, la situation est la même.
En outre, si le projet proposé ne correspond pas à l’attente des élus, ceux-ci ne sont pas obligés de le choisir. Ils peuvent en prendre un autre.
Il n’est pas exact de sous-entendre qu’il n’y a que trois grosses entreprises, toujours les mêmes. J’ai pu relever jusqu’à six entreprises sur certaines opérations ! Il n’y a pas que des projets à 100 millions, à 500 millions ou à 800 millions d’euros ! Il existe aussi des programmes de niveau inférieur.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !
M. Éric Doligé. Des groupements de six ou sept petites entreprises parviennent à obtenir des marchés. Avec un total de 500 salariés environ, elles sont capables de monter des projets de partenariats public-privé pour des collèges ou des maisons de retraite. Cela fonctionne très bien.
Certes, les élus ne sont pas non plus à l’abri d’erreurs de choix ; ils peuvent opter pour un stade qui n’est pas à la bonne dimension par exemple. Pour autant, ne mettons pas tout le monde dans le même sac et laissons aux élus la possibilité de prendre des responsabilités.
Je m’élève contre le principe selon lequel on ne saurait pas ce que l’on choisit : il en va de même pour les marchés classiques. Vous citez souvent le rapport d’information que vous avez rédigé avec M. Portelli : je me permets de vous rappeler que j’y ai répondu point par point et je pense d’ailleurs que mon analyse est aussi bonne que la vôtre…
Mme la présidente. Je suis saisie de dix-sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 653, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 22 à 31
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 32
Remplacer les mots :
Les II et III du présent article sont applicables aux procédures pour lesquelles
par les mots :
Le II du présent article est applicable aux marchés publics pour lesquels
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit de supprimer le III et de modifier le IV de cet article.
Il convient de veiller à la sécurité juridique et à la stabilité des procédures engagées sous ces nouvelles dispositions et des contrats qu’elles régissent désormais.
Les alinéas 26 à 31 du texte de la commission modifient les règles de composition, de fonctionnement et les pouvoirs des commissions d’appel d’offres des OPH. Ces dispositions introduisent ainsi une distorsion dans le droit applicable aux établissements publics locaux à caractère industriel et commercial en créant un régime propre aux offices publics de l’habitat, ce qui n’est pas justifié par rapport à l’objectif visé.
Par ailleurs, il s’agit d’ajuster la rédaction de l’alinéa 32 pour prendre en compte la suppression du II relative à la commission d’appel d’offres des OPH. Il convient de supprimer le terme « procédure », qui ne fait référence qu’à la phase de passation des marchés publics. Il n’intègre pas la phase d’exécution. Or le texte de la commission modifie l’article 87 de l’ordonnance relative au cautionnement dans le cadre des marchés publics de partenariat, ce qui relève de la phase d’exécution du marché public.
De plus, les marchés publics de moins de 25 000 euros peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence préalable. Le terme « procédure » pourrait ainsi conduire à écarter certains marchés publics des règles d’entrée en vigueur du présent alinéa.
Deux modifications sont donc prévues.
La première modification tend à remettre les OPH dans le champ commun ; le Gouvernement ne comprend pas pourquoi les commissions d’appel d’offres seraient traitées différemment dans les règles de composition. La seconde modification, technique cette fois, vise à s’assurer que l’on prend bien en compte l’intégralité des différentes modalités de passation des marchés publics, y compris dans la phase d’exécution. À défaut, cela poserait un problème d’entrée en vigueur de l’alinéa.
Mme la présidente. L'amendement n° 372, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
8° L’article 74 est ainsi modifié :
a) Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les marchés de partenariat peuvent être envisagés dès lors que le montant des investissements est égal ou supérieur à 50 millions d’euros et répondent aux critères d’urgence et de complexité. » ;
b) Au premier alinéa, les mots : « , quel que soit le montant de l’investissement, » sont supprimés ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Compte tenu du vote déjà intervenu sur un amendement précédent, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 372 est retiré.
Les quatre amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 70 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Revet, B. Fournier et Bizet, Mme Deromedi, MM. Morisset, Houel, Milon, Lefèvre et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud et M. Pellevat.
L'amendement n° 202 rectifié bis est présenté par MM. Médevielle, Cigolotti, Kern et Guerriau, Mme Micouleau et MM. D. Dubois, Luche, Canevet, Détraigne et Gabouty.
L'amendement n° 373 est présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent, Camani et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 573 rectifié est présenté par MM. Collin, Arnell, Bertrand, Castelli, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 22
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le I de l’article 75 est ainsi rédigé :
« I. – La procédure de passation d’un marché de partenariat ne peut être engagée que si, au regard de l’évaluation prévue à l’article 74, l’acheteur démontre que, compte tenu de la complexité intrinsèque du projet, la personne publique n’est pas objectivement en mesure de définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d’établir le montage financier ou juridique du projet, ou bien que le projet présente un caractère d’urgence impérieuse. Les modalités d’établissement de cette évaluation sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 70 rectifié bis.
M. Alain Vasselle. La rédaction adoptée dans le texte de la commission est en contradiction avec les recommandations formulées dans ce rapport d’information de MM. Portelli et Sueur, intitulé « Les contrats de partenariat : des bombes à retardement ? », dont l’objet de cet amendement s’inspire.
Les trois premières recommandations de ce rapport d’information respectivement précisent la définition du critère de complexité pour le restreindre à la complexité intrinsèque du projet, précisent la définition du critère de l’urgence pour éviter que l’acheteur public puisse se prévaloir de sa propre turpitude pour justifier le recours au contrat de partenariat, suppriment le critère de l’efficience économique qui présente un caractère très arbitraire en raison de la définition très large qu’il recouvre.
Il s’agit donc de revenir aux critères initiaux validés par la jurisprudence constitutionnelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l'amendement n° 202 rectifié bis.
M. Michel Canevet. Il s’agit de prendre en compte les recommandations de l’excellent rapport d’information de MM. Portelli et Sueur. Il importe en effet de tenir compte du travail réalisé par le Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 373.
M. Jean-Pierre Sueur. Je remercie mes deux collègues d’avoir défendu avec conviction les propositions nos 1, 2 et 3 du rapport d’information que j’ai présenté avec Hugues Portelli, qui visent à restaurer de la clarté au regard des objectifs visés dans les partenariats public-privé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 573 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Comme mes collègues l’ont souligné, il s’agit de reprendre les propositions de l’excellent rapport d’information de MM. Portelli et Sueur.
Mme la présidente. L'amendement n° 374, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le I de l’article 75 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette procédure ne peut, en outre, être engagée que dans des situations répondant à des motifs d’intérêt général tels que l’urgence qui s’attache, en raisons de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable ou bien la nécessité de prendre en compte la complexité d’un équipement de service déterminé. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit d’un amendement de repli, mais j’espère vivement que les amendements identiques qui viennent d’être défendus seront adoptés et qu’il deviendra sans objet.
Mme la présidente. L'amendement n° 376, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer onze alinéas ainsi rédigés :
L’article 75 est ainsi modifié :
1° Le II est ainsi rédigé :
« II. – Les acheteurs ne peuvent recourir au marché de partenariat que si la valeur de ce marché est supérieure à des seuils définis en fonction de la nature et de l’objet du contrat, des capacités techniques et financières de l’acheteur et de l’intensité du risque encouru fixés à :
« 1° 10 millions d’euros hors taxe lorsque l’objet principal du marché de partenariat porte sur des biens immatériels, des systèmes d’information ou des équipements autres que des ouvrages ;
« 2° 20 millions d’euros hors taxe lorsque l’objet principal du marché de partenariat porte sur :
« a) Des ouvrages d’infrastructures de réseau, notamment dans le domaine de l’énergie, des transports, de l’aménagement urbain et de l’assainissement ;
« b) Des ouvrages de bâtiment lorsque la mission confiée au titulaire ne comprend aucun des éléments mentionnés aux 2° et 3° du II de l’article 67 de la présente ordonnance ;
« 3° 30 millions d’euros hors taxe lorsque l’objet principal du marché de partenariat porte sur des prestations ou des ouvrages autres que ceux mentionnés aux 1° et 2° du présent II. » ;
2° Sont ajoutés deux paragraphes ainsi rédigés :
« III – Afin d’atteindre les objectifs fixés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie et à l’article L. 111-10 du code de la construction et de l’habitation, il peut être recouru à un marché de partenariat quel que soit son montant lorsque le contrat comporte des objectifs chiffrés de performance énergétique et prévoit que la rémunération du titulaire est déterminée en fonction de l’atteinte de ces objectifs.
« IV – La valeur du marché de partenariat correspond à la totalité de la rémunération estimée du titulaire pendant toute la durée du contrat, calculée dans des conditions définies par décret. La valeur à prendre en compte est celle estimée au moment de l’envoi de l’avis d’appel public à la concurrence à la publication. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à mettre en place la recommandation n° 4 du même rapport d’information. Cette proposition est tout à fait cohérente avec l’excellent rapport d’information de M. Bourquin au nom de la mission commune d’information sur la commande publique présidée par Philippe Bonnecarrère.
Mme la présidente. L'amendement n° 132 rectifié, présenté par MM. Grand et Grosdidier, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 375, présenté par MM. Sueur, Guillaume et Anziani, Mme Espagnac, M. Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 22
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le II de l’article 75 est ainsi rédigé :
« II. – Les acheteurs ne peuvent recourir au marché de partenariat que si la valeur de ce marché est supérieure à 30 millions d’euros hors taxes. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit de fixer le seuil à 30 millions d’euros. M. le ministre a été quelque peu effrayé par le seuil de 50 millions proposés. Peut-être sera-t-il sensible à cette position de repli…
Mme la présidente. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 71 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Revet, B. Fournier, Milon et Bizet, Mme Deromedi, MM. Lefèvre, Houel et Morisset, Mme Morhet-Richaud et MM. D. Laurent, Laménie et Pellevat.
L'amendement n° 186 est présenté par M. Courteau.
L'amendement n° 203 rectifié bis est présenté par MM. Médevielle, Cigolotti, Kern et Guerriau, Mme Micouleau et MM. D. Dubois, Luche, Canevet, Détraigne et Lasserre.
L'amendement n° 574 rectifié est présenté par MM. Collin, Arnell, Bertrand, Castelli, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le II de l’article 75 est complété par les mots : « et qui ne peut être inférieur à 30 millions d’euros hors taxe » ;
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 71 rectifié bis.
M. Alain Vasselle. Là encore, nous nous inspirons du rapport d’information de MM. Portelli et Sueur de 2014, qui a montré que cet outil « en voie de banalisation » et comportant d’importants risques nécessitait un encadrement strict en le réservant notamment à des opérations dépassant un certain seuil financier.
Il faut rappeler, à cet égard, que le rapport d’information de Martial Bourquin, fait au nom de la mission commune d’information sur la commande publique en 2015, notait que le montant moyen des contrats de partenariat s’élevait à 75 millions d’euros.
Cet amendement vise à fixer un seuil minimal bien inférieur à 30 millions d’euros tout en permettant, par voie réglementaire, de déterminer des seuils supérieurs en fonction des catégories de contrats envisagées.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 186.
M. Roland Courteau. Il s’agit de prévoir que le seuil minimal fixé ne puisse être inférieur à 30 millions d’euros, tout en permettant, par voie réglementaire, de déterminer des seuils supérieurs en fonction des catégories de contrats envisagées.
Cette proposition s’appuie également sur l’excellent rapport d’information de MM. Portelli-Sueur de 2014, intitulé « Les contrats de partenariat : des bombes à retardement ? » Je rappelle par ailleurs que le rapport d’information de Martial Bourquin, relatif à la commande publique en 2015, notait que le montant moyen des contrats de partenariat s’élevait à 75 millions d’euros.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l'amendement n° 203 rectifié bis.
M. Michel Canevet. Il est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 574 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Après l’amendement n° 573 rectifié, qui visait à mettre en œuvre les recommandations nos 1, 2 et 3 du rapport d’information de MM. Portelli et Sueur, cet amendement tend à mettre en place la recommandation n° 4 afin de rendre effectif l’accès des PME-TPE à la commande publique. Il est ainsi proposé de réserver les contrats de partenariat à des opérations dont le coût excède un montant minimal.
En effet, le rapport a montré que le PPP, outil en voie de banalisation comportant d’importants risques, nécessitait un encadrement strict et qu’il fallait le réserver notamment à des opérations dépassant un certain seuil financier.
Il faut rappeler, à cet égard, que le rapport d’information de Martial Bourquin, au nom de la mission commune d’information sur la commande publique en 2015, notait que le montant moyen des contrats de partenariat s’élevait à 75 millions d’euros.
Il s’agit donc de fixer un seuil minimal de 30 millions d’euros tout en permettant, par voie réglementaire, de déterminer des seuils supérieurs en fonction des catégories de contrats envisagées.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 72 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Revet, B. Fournier, Milon, Morisset, Lefèvre et Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent et Bizet, Mme Deromedi et MM. Laménie, Pellevat et Chaize.
L'amendement n° 377 est présenté par MM. Sueur et Guillaume, Mme Espagnac, MM. Anziani et Yung, Mmes Bataille et Blondin, MM. Botrel, Cabanel et Courteau, Mme Jourda, MM. Labazée et Lalande, Mme Lienemann, MM. F. Marc, Marie, Miquel, Montaugé, Tourenne, Vaugrenard, Vincent, Camani et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 25
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article 89 est abrogé.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 72 rectifié bis.
M. Alain Vasselle. L’article 89 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 a pour objet de protéger les intérêts des titulaires d’un marché de partenariat qui serait annulé ultérieurement par une décision du tribunal administratif, ce dernier pouvant désormais assortir la décision d’annulation de la procédure de passation d’un marché de partenariat de l’annulation du contrat lui-même.
Les dispositions prévues par cet article sont du domaine contractuel. En cohérence avec les principes adoptés par les rédacteurs de cette ordonnance, cet article n’a pas sa place au niveau législatif.
Je serai très attentif à l’avis de la commission. Il est probable que je retirerai cet amendement au regard des explications du rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 377.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 260 rectifié, présenté par MM. Médevielle, Pellevat, Cigolotti, Kern et Guerriau, Mme Micouleau et MM. D. Dubois, Luche et Canevet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 25
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…°L’article 89 est ainsi rédigé :
« Art. 89 – I. – En cas d’annulation, de résolution ou de résiliation du contrat par le juge, faisant suite au recours d’un tiers, le titulaire du marché de partenariat peut prétendre à l’indemnisation des dépenses qu’il a engagées conformément au contrat dès lors qu’elles ont été utiles à l’acheteur, parmi lesquelles figurent, s’il y a lieu, les frais liés au financement mis en place dans le cadre de l’exécution du contrat y compris, le cas échéant, les coûts pour le titulaire afférents aux instruments de financement et résultant de la fin anticipée du contrat.
« II. – Cette prise en compte des frais liés au financement est subordonnée à la mention, dans les annexes du marché de partenariat, des principales caractéristiques des financements à mettre en place pour les besoins de l’exécution du marché.
« III. – Lorsqu’une clause du contrat du marché de partenariat fixe les modalités d’indemnisation du titulaire en cas d’annulation, de résolution ou de résiliation du contrat par le juge, elle est réputée divisible des autres stipulations du contrat. »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Plutôt que de supprimer l’article 89 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, il semble plus judicieux de s’inspirer de l’ordonnance relative aux contrats de concession pour ce qui concerne le financement bancaire et les frais liés au financement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Comme précédemment, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 653, puisque le Gouvernement ne tient pas compte du travail du Sénat sur l’ordonnance relative aux marchés publics.
De nombreux amendements ont trait aux seuils en dessous desquels il n’est pas possible de recourir à un marché de partenariat. Ces seuils, certes recommandés par le rapport d’information de MM. Portelli et Sueur, sont aujourd’hui définis par voie réglementaire à 2 millions d’euros pour les biens immatériels, à 5 millions d’euros pour les infrastructures et à 10 millions d’euros pour les autres marchés.
Or les amendements visent soit à supprimer ces seuils, soit à les inscrire dans la loi et à en relever le montant, ce qui aurait pour effet de réduire drastiquement le nombre de marchés de partenariat, auxquels on n’est tout de même jamais obligé de recourir. À ce stade, le plus sage est, selon la commission des lois, de conserver la fixation des seuils au niveau réglementaire pour les adapter en fonction des pratiques qui seront observées dans les prochaines années.
La commission a toutefois exprimé le souhait que les seuils actuellement prévus par le décret soient augmentés.
De même, de nombreux amendements visent à réintroduire une condition de complexité pour avoir recours aux marchés de partenariat. Je me suis déjà expliqué sur ce point.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 70 rectifié bis, 202 rectifié bis, 373 et 573 rectifié. En pratique, ce critère est trop difficile à interpréter et source d’insécurité juridique, comme je l’ai montré tout à l'heure en prenant l’exemple jurisprudentiel relatif à la cité municipale de Bordeaux.
En outre, il est erroné de dire que l’ordonnance « banalise » les marchés de partenariat. Je vous rappelle que, pour y avoir recours, il faudra réaliser une étude de soutenabilité soumise à la DGFiP, laquelle effectuera un audit. Peut-on imaginer un maire passant ce type de marché alors que la DGFIP l’aura averti du danger ? Je n’en suis pas convaincu.
Il faudra également dépasser un seuil minimum, démontrer les avantages comparatifs des marchés de partenariat selon une procédure qui est définie par décret, et cet examen coûts-avantages intégrera d'ailleurs les problèmes d’urgence et de complexité.
Par conséquent, en pratique, l’ordonnance relative aux marchés publics pourrait même réduire le nombre de marchés de partenariat signés. Il nous faut donc, une nouvelle fois, préserver la boîte à outils des acheteurs, de manière qu’elle contienne le plus grand choix possible.
Pour des raisons que j’ai déjà évoquées, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 374, qui vise à réintroduire le caractère d’urgence pour les marchés de partenariat. Elle est également défavorable à l’amendement n° 376, qui vise à relever les seuils minimaux des marchés de partenariat, comme aux amendements nos 375, 71 rectifié bis, 186, 203 rectifié bis et 574 rectifié, qui tendent à inscrire les seuils dans l’ordonnance et, ainsi, à les pétrifier.
Enfin, les amendements nos 72 rectifié bis, 377 et 260 rectifié ont trait à une disposition de l’ordonnance prévoyant les conséquences de l’annulation des marchés de partenariat. La rédaction de l'amendement n° 260 rectifié, qui apporte des précisions en s’inspirant de l’ordonnance relative aux contrats de concession, semble préférable.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 260 rectifié et demande le retrait des amendements identiques nos 72 rectifié bis et 377.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l’amendement n° 70 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié bis est retiré.
Monsieur Canevet, l’amendement n° 202 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 202 rectifié bis est retiré.
Monsieur Sueur, l’amendement n°373 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Requier, l’amendement n°573 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, je le maintiens également, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 373 et 573 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l'amendement n° 374 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l'amendement n° 376 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l'amendement n° 375 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, l’amendement n° 71 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n°71 rectifié bis est retiré.
Monsieur Courteau, l’amendement n° 186 est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Canevet l’amendement n°203 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 203 rectifié bis est retiré.
Monsieur Requier, l’amendement n° 574 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 186 et 574 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur Vasselle, maintenez-vous l'amendement n° 72 rectifié bis ?
M. Alain Vasselle. Non, je le retire au profit de l'amendement n° 260 rectifié, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 72 rectifié bis est retiré.
Monsieur Sueur, l'amendement n° 377 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Non, je le retire également au profit de l'amendement n° 260 rectifié, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 377 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 260 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 324 rectifié est présenté par MM. Marseille, Kern, L. Hervé, Cigolotti, Longeot, Guerriau et Canevet.
L'amendement n° 503 est présenté par M. Marie.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 31
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le second alinéa de l’article L. 1414-4 est complété par les mots : « ou qui ont été passés par des offices publics de l’habitat ».
La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l'amendement n° 324 rectifié.
M. Michel Canevet. Il s’agit d’assouplir les règles de fonctionnement des offices publics de l’habitat afin d’accroître le choc de simplification de façon que les projets d'avenant ne soient pas obligatoirement soumis pour avis à la commission d'appel d'offres avant d’être validés.
Mme la présidente. L'amendement n° 503 n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 324 rectifié ?
M. François Pillet, rapporteur. Il s’agit de prévoir que les avenants à un marché public représentant plus de 5 % du marché initial ne sont pas soumis pour avis aux commissions d’appel d’offres des organismes d’HLM, sans doute pour introduire un peu plus de souplesse dans les commissions d’appel d’offres. Or la commission des lois a déjà prévu, contre l’avis du Gouvernement, d’adapter la composition de ces commissions aux spécificités des HLM en la rendant plus équilibrée. Le fonctionnement de ces instances devrait être déjà plus souple.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Canevet, l'amendement n° 324 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 324 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Contrairement à ce qui a pu se passer dans une autre assemblée, il y a eu ici un débat très large et approfondi sur ce projet d’ordonnance. C’est important parce que ce sujet, loin d’être anodin, est très sérieux.
Les divergences qui sont apparues tiennent au fait que nous attachons beaucoup d’importance aux travaux du Sénat.
Par ailleurs, il est nécessaire de trouver un bon équilibre.
Je me souviens des propos que tenait un être cher récemment disparu, Michel Rocard – comme certains, je suis rocardien depuis très longtemps –, sur les marchés, la concurrence et l’esprit d’entreprise : selon lui, le marché était incontournable, mais myope, et il fallait développer la concurrence sur des bases saines.
Comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel, la procédure des PPP, contrats de partenariat et marchés globaux, réduit le champ de la concurrence. Or, pour ce faire, il faut des arguments forts, car certains libéraux se rallient à des systèmes qui écrasent la concurrence au profit de grands groupes qui, par ailleurs, jouent leur rôle dans notre économie.
Il faut donc à la fois permettre une concurrence libre et claire et fixer des règles pour l’intérêt public, l’intérêt général, qui ne saurait être le fruit naturel et spontané de procédures du type marchés globaux et contrats de partenariat ni, d'ailleurs, d’une concurrence échevelée. C’est ce à quoi nous nous sommes attachés tout au long de ce débat.
C'est pourquoi, sur l’article 16 bis, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra. Certes, il y a eu des avancées, mais un nombre non négligeable de nos amendements relatifs à la philosophie que j’ai rappelée n’ont pas été retenus.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 16 bis, modifié.
(L'article 16 bis est adopté.)
Article 16 ter A (précédemment réservé)
(Supprimé)
Article 16 ter (précédemment réservé)
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession est ratifiée. – (Adopté.)
Article 16 quater A (précédemment réservé)
(Non modifié)
I. – Le chapitre II du titre II code de la voirie routière est ainsi modifié :
1° Au 1° de l’article L. 122-12, les mots : « le code des marchés publics ou l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des » sont remplacés par les mots : « l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux » ;
2° L’article L. 122-13 est ainsi modifié :
a) Les mots : « n° 2005-649 du 6 juin 2005 précitée » sont remplacés par les mots : « n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics » ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Des seuils inférieurs à ceux mentionnés au 1° de l’article 42 de la même ordonnance peuvent être prévus par voie réglementaire pour la passation des marchés relevant du premier alinéa du présent article.
« Pour l’application du premier alinéa de l’article L. 122-17, un seuil spécifique peut être prévu pour les concessions pour les besoins desquelles les marchés relèvent du premier alinéa du présent article. » ;
3° L’article L. 122-16 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « services », sont insérés les mots : « dont la valeur estimée hors taxe du besoin est égale ou supérieure aux seuils définis par voie réglementaire » ;
b) La deuxième phrase est ainsi rédigée :
« Pour les marchés de travaux, le seuil ne peut être supérieur à 500 000 €. » ;
c) La dernière phrase est supprimée ;
4° L’article L. 122-17 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « mentionnés à l’article L. 122-12 et qui n’entrent pas dans le champ des réserves mentionnées à l’article L. 122-16 » sont remplacés par les mots : « dont la liste est fixée par voie réglementaire en fonction de la procédure de publicité et de mise en concurrence au terme de laquelle ils sont conclus » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase, les mots : « un seuil défini » sont remplacés par les mots : « des seuils définis » ;
– à la fin de la troisième phrase, les mots : « entrent dans le champ des réserves mentionnées à l’article L. 122-16 » sont remplacés par les mots : « ne sont pas soumis à l’avis de la commission » ;
– au début de la dernière phrase, les mots : « Lorsqu’une société » sont remplacés par les mots : « Lorsque le » ;
5° À l’article L. 122-19, les mots : « et les conditions dans lesquelles l’exécution du marché peut commencer » sont remplacés par les mots : « , celles dans lesquelles l’exécution du marché peut commencer, celles dans lesquelles il est exécuté et peut être modifié et celles dans lesquelles sa durée est fixée » ;
6° L’article L. 122-20 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « définis à l’article L. 122-12 » sont supprimés ;
b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « défini à l’article L. 122-12 du présent code » sont remplacés par les mots : « passé par un concessionnaire d’autoroute pour les besoins de la concession » ;
7° À l’article L. 122-26, les mots : « et celles dans lesquelles l’exécution du contrat peut commencer » sont remplacés par les mots : « , celles dans lesquelles l’exécution du contrat peut commencer, celles dans lesquelles il est exécuté et peut être modifié et celles dans lesquelles sa durée est fixée » ;
8° La section 6 est complétée par un article L. 122-33 ainsi rétabli :
« Art. L. 122-33. – L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières définit :
« 1° Les informations qui lui sont transmises préalablement à la signature des marchés soumis à une obligation de publicité et de mise en concurrence afin de lui permettre d’engager les recours mentionnés à l’article L. 122-20 ;
« 2° Les conditions dans lesquelles les commissions des marchés mentionnés à l’article L. 122-17 l’informent de leur activité et des manquements qu’elles constatent. »
II. – Le 7° de l’article L. 1264-7 du code des transports est ainsi rédigé :
« 7° Le manquement aux obligations prévues par des décisions de l’autorité prises en application de l’article L. 122-33 du code de la voirie routière. »
III. – Les articles L. 122-19 et L. 122-26 du code de la voirie routière, dans leur rédaction résultant, respectivement, des 5° et 7° du I du présent article, s’appliquent aux marchés et aux contrats passés par les concessionnaires d’autoroutes pour lesquels une procédure de publicité est engagée à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la présente loi, même en cas de clause contraire de la convention de délégation ou du cahier des charges annexé.
Mme la présidente. L'amendement n° 349 rectifié, présenté par MM. de Nicolaÿ et Chaize, Mmes Lamure et Imbert et MM. Doligé, Mandelli, Vogel, Carle, Laménie, Milon, Fouché, Longuet et Revet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le 2° de l’article L. 122-12 est complété par les mots : « ou dans les vingt années suivant cette date si ces contrats concernent des travaux de finition ou d’entretien programmé d’ouvrages ou aménagements prévus au cahier des charges initial de la concession » ;
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Pour les nouvelles concessions autoroutières, la concurrence est garantie par l’appel d’offres initial. Le cahier des charges de ces concessions inclut également une clause imposant la dévolution d’au moins 30 % des travaux à des tiers extérieurs au groupement, ce qui permet une meilleure répartition des retombées économiques des travaux ainsi dévolus, mais crée un facteur de risque pour le groupement sur le coût des travaux de construction des ouvrages.
L’instauration de règles supplémentaires contraignantes pour ces concessions récentes ne modifiera pas le champ concurrentiel des marchés passés par ces sociétés, mais aura pour effet de créer une contrainte administrative significative pour des sociétés de taille modeste et au compte de résultats fragile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. L’article 16 quater A, relatif au régime des concessions d’autoroutes, a été introduit à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement, mais ne présente qu’un lien ténu avec le texte, ce que je regrette.
L’amendement n° 349 rectifié tend à exempter de mise en concurrence les travaux de finition ou d’entretien réalisés par des concessionnaires d’autoroutes, s’ils sont réalisés moins de vingt ans après la conclusion du contrat de concession.
La commission n’est pas certaine que cette disposition assure la lisibilité du droit applicable aux concessionnaires d’autoroutes, droit qui est déjà extrêmement compliqué. En outre, il sera certainement difficile de distinguer en pratique les travaux concernés par cette disposition.
Enfin, la commission s’est montrée très réservée à l’idée de modifier un équilibre atteint lors de la loi Macron sur ce point. C’est pourquoi elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Lamure, l'amendement n° 349 rectifié est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Non, je le retire, madame la présidente, puisqu’il n’a aucune chance d’être adopté ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 349 rectifié est retiré.
L'amendement n° 347 rectifié, présenté par MM. de Nicolaÿ et Chaize, Mmes Lamure et Imbert et MM. Doligé, Mandelli, Vogel, Carle, Laménie, Milon, Danesi, Husson, Longuet et Revet, est ainsi libellé :
Alinéa 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Les sociétés dont les marchés sont soumis à l’article L.122-13 sont les sociétés d’économie mixte alpines, ATMB et SFTRF. Elles exercent leurs missions dans un cadre réglementaire particulier et contraint en tant que pouvoirs adjudicateurs. L’État dispose de nombreux outils de contrôle de leur activité au travers de ses rôles d’autorité concédante, d’actionnaire principal ou d’autorité de contrôle.
Dès lors, l’introduction de contraintes supplémentaires n’obéit à aucun objectif identifié d’amélioration de la mise en concurrence de leurs marchés. Elle vient alourdir les procédures déjà applicables via les règles de la commande publique ou les obligations inscrites à leurs cahiers des charges, en contradiction avec l’objectif de simplification des procédures administratives visé par le Gouvernement et par nous également.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Il s’agit de supprimer une contrainte de publicité supplémentaire que le Gouvernement souhaite imposer aux SEM concessionnaires d’autoroute.
Fort de l’explication que j’ai précédemment développée, je m’interroge sur la volonté du Gouvernement de modifier les équilibres de la loi Macron. Je suppose que le ministre nous présentera des arguments pratiques justifiant cette disposition… (Sourires.)
La commission s'en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Je veux rassurer M. le rapporteur : il s’agit non de modifier les équilibres trouvés dans la loi du 6 août 2015, mais bien de faire écho à des dispositions spécifiques aux secteurs concernés. En particulier, le recours à une procédure formalisée est obligatoire à partir de 2 millions d'euros pour les marchés de travaux, alors que le seuil commun est de 5,225 millions d'euros. L’adoption de cet amendement aurait pour conséquence de remettre en cause ces obligations plus strictes, ce qui n’est sans doute pas l’objectif visé.
Le texte actuel ne modifie pas les équilibres trouvés sur les secteurs particuliers dans la loi du 6 août 2015. Les objectifs liés à la commande publique sont énumérés.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement dont l’adoption imposerait des obligations moins strictes sur ce type de travaux ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Lamure, l'amendement n° 347 rectifié est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Je mets aux voix l'amendement n° 347 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 346 rectifié, présenté par MM. de Nicolaÿ et Chaize, Mmes Lamure et Imbert et MM. Doligé, Mandelli, Vogel, Carle, Laménie, Milon, Danesi, Husson, Longuet et Revet, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer les mots
de la procédure
par les mots
des obligations
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement rédactionnel a pour objet de préciser que seuls les marchés soumis à une obligation effective de publicité et de mise en concurrence sont soumis à l’examen préalable des commissions des marchés. Cet examen en commission a pour but de vérifier la réalité de la mise en concurrence pour la dévolution des marchés des sociétés concessionnaires. Il n’aurait pas donc de sens dans le cas de marchés non soumis à ces obligations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Certes, cet amendement est présenté comme étant de nature purement rédactionnelle, mais son adoption pourrait avoir des conséquences concrètes. En l’état, celles-ci sont assez difficiles à mesurer. La commission s’en remet donc à l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. La loi du 6 août 2015 prévoit que les marchés des concessionnaires d’autoroutes publiques comme privées sont conclus après qu’une commission des marchés se prononce sur la régularité de la procédure de mise en concurrence.
Cette obligation s’impose lorsque le marché est passé selon une procédure ainsi formalisée : plus de 500 000 euros pour les marchés de travaux concessionnaires d’autoroutes privées – sous ce seuil, il n’y a aucune obligation –, plus de 2 millions d'euros pour les marchés de travaux des concessionnaires d’autoroutes publiques – sous ce seuil, il y a une obligation de publicité et de mise en concurrence, mais la procédure est libre, sauf pour les marchés dont la valeur est inférieure à 25 000 euros.
Madame la sénatrice, vous souhaitez que cette obligation dépende non plus de la procédure, mais de l’existence d’une obligation de publicité et de mise en concurrence. L’adoption de cet amendement n’aurait donc aucune conséquence pour les concessions privées. En revanche, pour les concessions publiques, elle imposerait un recours systématique aux commissions des marchés, y compris pour les petits marchés de quelques dizaines de milliers d’euros.
Compte tenu de l’organisation que je viens de rappeler, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement : à mon avis, un tel élargissement, qui serait très excessif, n’est pas l’objectif que vous visez.
Mme la présidente. Madame Lamure, l'amendement n° 346 rectifié est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. En effet, monsieur le ministre, ce n’est pas du tout le but. C'est la raison pour laquelle je retire volontiers cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 346 rectifié est retiré.
L'amendement n° 348 rectifié, présenté par MM. de Nicolaÿ et Chaize, Mmes Lamure et Imbert et MM. Doligé, Mandelli, Vogel, Carle, Laménie, Milon, Danesi, Longuet et Revet, est ainsi libellé :
Alinéas 24 à 27
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. La loi a confié à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, une mission de contrôle des marchés passés par les concessionnaires d’autoroutes. Ce faisant, le législateur n’avait pas l’intention de diminuer les pouvoirs conférés au Gouvernement dans l’exercice de ses responsabilités d’autorité concédante.
La disposition ici supprimée confère à l’ARAFER des pouvoirs administratifs que le législateur a souhaité confier à l’autorité concédante, comme l’indique la rédaction actuelle de l’article R.122-39 du code de la voirie routière : « Le président de cette commission transmet par voie électronique, à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, un dossier de présentation dont le contenu peut être précisé par arrêté conjoint du ministre chargé de la voirie routière nationale et du ministre chargé de l’économie, pris après avis de l’autorité. »
Ce transfert de responsabilité prive ainsi l’État d’un outil de contrôle de la bonne exécution des marchés autoroutiers et du travail des autorités indépendantes. Il crée également de l’instabilité juridique en ouvrant la possibilité de modifications sans préavis par l’ARAFER des contraintes imposées aux délégataires de service public. Cette possibilité est superflue, car l’ARAFER dispose déjà de larges pouvoirs pour exercer sa mission et peut exiger notamment des concessionnaires la transmission de toute information ou document nécessaire à l’accomplissement des missions que la loi lui confie.
Enfin, un tel revirement pourrait être justifié si le dispositif en vigueur avait montré des signes de dysfonctionnement. Tel n’est pas le cas pour un dispositif pour lequel aucun retour d’expérience n’existe à ce jour.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. L’article 16 quater A prévoit que le régulateur des concessions d’autoroutes, l’ARAFER, définisse lui-même les informations qui lui sont utiles. Pour la commission, il s’agit d’une mesure de bonne administration qui ne remet pas en cause la place de l’État dans cette régulation.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Lamure, l'amendement n° 348 rectifié est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 16 quater A, modifié.
(L'article 16 quater A est adopté.)
Article 16 quinquies (précédemment réservé)
(Supprimé)
Mme la présidente. Nous en venons, au sein du chapitre II du titre V, aux articles 36 à 48 bis appelés en priorité.
Titre V (suite)
DE L’AMÉLIORATION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES ENTREPRISES AGRICOLES ET DU FINANCEMENT DES ENTREPRISES
Chapitre II (suite)
Mesures relatives à l’amélioration du financement des entreprises
Article 36 (priorité)
Le livre IV du code de commerce est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa du VI de l’article L. 441-6 et à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 443-1, le montant : « 375 000 € » est remplacé par les mots : « deux millions d’euros » ;
2° L’article L. 465-2 est ainsi modifié :
a) Après la première phrase du V, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« La décision est toujours publiée lorsqu’elle est prononcée en application du VI de l’article L. 441-6 ou du dernier alinéa de l’article L. 443-1. » ;
b) À la seconde phrase du même V, les mots : « cette dernière » sont remplacés par les mots : « la personne sanctionnée » ;
c) (Supprimé)
II. – (Supprimé)
III (Non modifié). – À la fin de la première phrase de l’article 40-1 de la loi n° 2013-100 du 23 janvier 2013 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, le montant : « 375 000 € » est remplacé par les mots : « deux millions d’euros ».
IV. – (Supprimé)
Mme la présidente. L'amendement n° 293, présenté par Mme Espagnac, M. Guillaume, Mme Bataille, MM. Botrel, F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le c) dans la rédaction suivante :
c) À la fin du VII, les mots : « , dans la limite du maximum légal le plus élevé » sont supprimés.
L'amendement n° 294, présenté par Mme Espagnac, M. Guillaume, Mme Bataille, MM. Botrel, F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – À l’article L. 522-7 du code de la consommation, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, les mots : « passibles d’amendes dont le montant maximal excède 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale » et « , dans la limite du maximum légal le plus élevé » sont supprimés.
La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter ces deux amendements.
Mme Frédérique Espagnac. Ces deux amendements ont le même objet et visent à réintroduire la suppression de la règle du plafonnement des amendes administratives en cas de cumul, telle qu’elle a été adoptée à l’Assemblée nationale, contrairement au choix de la commission des affaires économiques du Sénat.
L’entreprise dont le manquement aura été constaté par l’autorité administrative pourra donc cumuler les sanctions pécuniaires administratives. Il s’agit de rendre la sanction plus dissuasive et d’améliorer le financement de la trésorerie des TPE et des PME.
Je m’étonne par ailleurs de la position de la majorité sur ce point.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Ces amendements visent à revenir sur la position de la commission des affaires économiques du Sénat, mais uniquement s’agissant des sanctions applicables en cas de manquement aux règles de délais de paiement. D'ailleurs, la commission a jugé, comme le Sénat en séance publique, en 2014, sur la loi Consommation, qu’il était souhaitable d’éviter un cumul de sanctions pour des manquements en concours. Il est important qu’il existe une certaine proportionnalité. Même pour des manquements en concours, l’exigence d’un plafonnement reste pertinente.
La justification relative au caractère non définitif des décisions d’amendes ne convainc pas. Une fois prononcée par l’autorité administrative, l’amende administrative est, comme toute sanction administrative, immédiatement exécutable. Certes, elle peut être contestée devant le juge, mais cette contestation ne suspend pas l’application de l’amende, sauf octroi d’une mesure de suspension qui présente un caractère exceptionnel.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements.
Compte tenu des débats que nous avons eus au sein de la Haute Assemblée, je ne comprends pas que la commission des affaires économiques ait voulu supprimer cet article.
Il est proposé de rétablir la suppression du plafonnement des amendes administratives encourues en cas de manquement en concours dans le code de commerce. Nous voulons en effet être efficaces à l’encontre de ceux qui ne respectent pas le code de commerce et qui, en quelque sorte, imposent la loi du plus fort aux plus petits.
Ce qui est visé ici, ce sont les relations commerciales, c'est-à-dire le système français dans sa spécificité : 60 millions de consommateurs, plusieurs centaines de milliers de producteurs ou de transformateurs et quelques distributeurs, qui, en outre, procèdent à des rapprochements capitalistiques ou non capitalistiques.
Il y a donc une problématique de fonctionnement que la loi de modernisation de l’économie et les débats que vous aurez ce soir permettront de réguler.
Dans ce contexte, qui est extrêmement important, mais plus largement dans les autres contextes, nous avons un problème de délais de paiement. La relation commerciale en est un exemple très éloquent parce qu’elle accroît la problématique, et je place volontairement en regard de ce secteur celui que vous aurez à traiter ce soir, où vous évoquerez la relation commerciale, les marges.
Aujourd’hui, on constate que les distributeurs payent avec retard les producteurs ou les transformateurs. De la même façon, dans certains secteurs comme la téléphonie, on s’aperçoit que certains grands groupes, dans leurs relations avec les PME, payent en retard. Nous voulons donc réguler et réduire ces retards de paiement de façon à assurer l’ordre public économique.
La difficulté que nous avons, c’est que nombre de ces acteurs, qu’il s’agisse des distributeurs que j’évoquais, des grands groupes dans certains secteurs que nous avons lourdement sanctionnés l’année dernière, comme la téléphonie mobile ou la défense, déposent systématiquement des recours contre les sanctions qui leur sont imposées. Or le mécanisme de plafonnement existant a pour conséquence qu’ils ne sont quasiment jamais soumis à la réalité de ces sanctions ou qu’en raison de l’effet de report l’administration, la DGCCRF, ne peut plus leur imposer certaines sanctions.
Le rétablissement de ce texte tend donc à supprimer le plafonnement en cas de manquement en concours, les règles de droit pénal régissant les infractions en concours et n’étant pas transposables en droit administratif.
Surtout, la pratique montre que l’existence d’un plafond rend, dans bien des cas, en particulier dans les secteurs que j’ai cités, le dispositif de sanctions totalement inefficace. Nous l’avons mesuré, la DGCCRF a été confrontée à ce cas très précis et certains professionnels parviennent, pendant plusieurs années, à échapper à la réalité de ces sanctions. En conséquence, les professionnels, notamment les gros opérateurs qui disposent d’établissements sur l’ensemble du territoire, pourraient, une fois que le plafond de la sanction encourue la plus élevée aura été atteint, empêcher l’administration de prononcer elle-même toute nouvelle sanction administrative à leur encontre.
Le texte initial du Gouvernement comme l’amendement n° 293 visent justement à donner de l’efficacité au dispositif de lutte contre les délais de paiement.
J’avoue avoir du mal à comprendre que vous ayez supprimé ce dispositif. Il s’agit non pas de l’autoriser tous azimuts, mais d’éviter les manœuvres dilatoires que certains, en particulier dans des secteurs extrêmement sensibles dont vous allez plus largement discuter ce soir, utilisent et qui permettent de contourner la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, la position de la commission des affaires économiques découle des nouvelles règles de sanctions qui ont été décidées au mois de mars 2014. Vous avez fait allusion à des rapports de la DGCCRF permettant de mesurer l’absence de pertinence ou l’inefficacité de ces sanctions. Je ne suis pas sûr que nous ayons suffisamment de recul aujourd'hui sur leur application.
Si nous avions la certitude que les mesures adoptées en 2014 étaient bien appliquées, que les sanctions contre ceux qui ne respectent pas les délais de paiement étaient effectives, on pourrait avoir une meilleure compréhension. Le Sénat ne veut pas s’enfermer dans un schéma qui consiste en permanence à modifier des règles, alors que, parfois, elles ne sont pas appliquées.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Je fais tout à fait mien le principe que vous venez d’exposer, monsieur le rapporteur. Néanmoins, a-t-on réglé tous les problèmes au mois de mars 2014 ? Sur le sujet des délais de paiement, comme sur celui du travail détaché, on a constaté que les acteurs économiques s’adaptaient. C’est d'ailleurs pourquoi nous révisons constamment les règles : il s’agit non pas de créer de l’instabilité, mais de faire face aux comportements délictueux.
Prenons un exemple qui a défrayé la chronique voilà quelques mois. Le groupe SFR-Numericable s’est vu infliger la sanction maximale, soit 375 000 euros, sanction que j’ai rendue publique. Il est proposé de la porter à 2 millions d'euros. Ce groupe a en effet gagné des millions d’euros – nous avons pu le vérifier – en retardant ses paiements à toutes les PME. Il a même conduit nombre d’entre elles à la défaillance.
Le plafonnement actuel permet les recours. Lorsqu’ils sont sanctionnés, ces professionnels déposent des recours et ils gagnent beaucoup de temps avant que la sanction ne soit effective. Ensuite, on ne peut plus les sanctionner et ils engrangent des millions d’euros. Les dispositions actuelles ne sont donc pas dissuasives et la réponse qu’apporte l’administration à ces comportements est inefficace.
Je rappelle enfin qu’un principe de proportion s’attache à toute sanction. Le relèvement du plafond que nous avons proposé et, dans ce cas très précis, la possibilité de cumul doivent évidemment se conjuguer avec le principe de proportionnalité de la sanction au délit. Une entreprise qui aurait gagné seulement quelques dizaines de milliers d’euros ne se verra pas opposer des sanctions à répétition.
En revanche, dans les secteurs que j’ai évoqués – télécoms, grande distribution –, certains acteurs optimisent leurs besoins en fonds de roulement sur le dos des PME et gagnent des millions d’euros. Aujourd’hui, nous ne répondons pas de façon efficace à ces situations, quels qu’aient été les choix effectués au mois de mars 2014.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Bataille, pour explication de vote.
Mme Delphine Bataille. Beaucoup a déjà été dit au cours de l’examen de l’article 16 bis et de nombreuses avancées sont à souligner en ce qui concerne l’encadrement des délais de paiement et l’augmentation des amendes encourues.
Le dispositif a encore été amélioré, notamment grâce à la loi relative à la consommation, qui permet de garantir un meilleur respect des règles, et à la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui a étendu le champ de contrôle aux entreprises publiques.
La question des délais de paiement a fait l’objet d’un rapport d’information de Martial Bourquin au nom de la mission commune d’information sur la commande publique. Ceux-ci poursuivent leur mouvement de baisse et sont ainsi parvenus à leur point le plus bas depuis quinze ans.
Pour autant, la moitié des grandes entreprises françaises seulement paieraient leurs fournisseurs dans les délais, chiffre qui s’aggrave encore si l’on considère les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises françaises, dont plus de 90 % paieraient avec un retard pouvant aller jusqu’à trente jours.
À la fin de l’année dernière, les retards de paiement représentaient encore une moyenne de plus de treize jours et coûtaient 16 milliards d’euros de trésorerie par an aux PME, qui sont encore bien trop souvent les banquiers de leurs clients.
Cette situation est en partie le fait de stratégies délibérées des grandes entreprises. Les enjeux financiers restent donc importants et les impacts négatifs pour les PME et les TPE, comme pour les micro-entreprises, sont toujours considérables.
Cet article, qui renforce la réglementation sur les délais de paiement en portant le montant des amendes administratives de 375 000 euros à 2 millions d’euros, va dans le bon sens. Il permet de rendre le dispositif plus dissuasif pour les grandes entreprises.
Les amendements nos 293 et 294 concourent au même objectif : sanctionner les entreprises persistant dans leur comportement fautif. Je veux saluer la position de M. le ministre sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Par ricochet, s’il est opportun de prêcher la vertu auprès des entreprises pour qu’elles respectent les délais et de les sanctionner en cas de manquement, j’aimerais que l’État fasse preuve de la même exemplarité. En effet, monsieur le ministre, nombre d’agriculteurs attendent encore aujourd’hui le solde de leur prime PAC, versée par acompte. (M. Michel Bouvard s’exclame.)
Est-ce de la responsabilité du gouvernement français ou de l’Europe ? Quoi qu’il en soit, lorsque l’on veut légiférer pour contraindre des entreprises à payer en temps et en heure, encore faudrait-il que la collectivité publique elle-même honore les engagements qu’elle a pris à l’égard de nombre de nos concitoyens et professionnels.
M. Michel Bouvard. C’est le énième logiciel qui ne marche pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’étais tentée de soutenir cet amendement en raison du caractère dissuasif des sanctions. Comme pour les questions de fraude ou d’évasion fiscales, un sujet sur lequel j’ai beaucoup travaillé avec Éric Bocquet, et si l’on compare notamment avec les États-Unis, où les sanctions sont franchement dissuasives, nous constatons par expérience qu’il est efficace de toucher au porte-monnaie.
L’intervention de M. Vasselle a quelque peu ébranlé mes certitudes en ce qui concerne l’État, mais je suis sensible à l’exemple que vous avez développé, monsieur le ministre, et soutiendrai donc cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 36.
(L'article 36 est adopté.)
Titre VI
DE L’AMÉLIORATION DU PARCOURS DE CROISSANCE POUR LES ENTREPRISES
Article 37 (priorité)
(Non modifié)
I. – La première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifiée :
1° L’article 50-0 est ainsi modifié :
a) Le c du 2 est complété par les mots : « , à l’exception des sociétés à responsabilité limitée dont l’associé unique est une personne physique dirigeant cette société » ;
b) Les deux premières phrases du second alinéa du 4 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« L’option pour un régime réel d’imposition est valable un an et reconduite tacitement chaque année pour un an. » ;
2° Les deux premières phrases du V de l’article 64 bis sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« L’option prévue au a du II de l’article 69 est valable un an et reconduite tacitement chaque année pour un an. » ;
3° Les deuxième et troisième phrases du second alinéa du 5 de l’article 102 ter sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« Elle est valable un an et reconduite tacitement chaque année pour un an. » ;
4° À l’article 103, après la référence : « 100 bis », sont insérés les mots : « ainsi que de l’article 102 ter pour l’associé unique d’une société à responsabilité limitée vérifiant les conditions fixées à cet article lorsque cet associé est une personne physique dirigeant cette société, » ;
5° et 6° (Supprimés)
II. – Nonobstant le VI de l’article 293 B du code général des impôts, au 1er janvier 2017, les seuils mentionnés aux I à V du même article sont actualisés dans la même proportion que le rapport entre la valeur de la limite supérieure de la deuxième tranche du barème de l’impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2016 et la valeur de la limite supérieure de la troisième tranche du barème de l’impôt sur le revenu applicable aux revenus de 2013.
III. – Le b du 1° et les 2° et 3° du I s’appliquent aux options exercées ou reconduites tacitement à compter du 1er janvier 2016.
Mme la présidente. L'amendement n° 530 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement vise à supprimer l’article 37 – je proposerai ultérieurement la suppression des articles 38 et 43.
Selon un phénomène déjà constaté l’an dernier lors de l’examen de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, les textes à contenu économique tendent de plus en plus à suivre la pente dangereuse de l’« ubérisation » de secteurs d’activité de plus en plus nombreux, en autorisant des pratiques qui tendent à s’apparenter à une forme de dumping, à tout le moins à un nivellement par le bas.
Sous couvert de simplification, on risque de déstabiliser un tissu économique fragile, notamment dans les territoires ruraux, ici en modifiant les seuils de la micro-entreprise, là en remettant en question les qualifications des professions artisanales.
Par cet amendement de suppression, nous entendons donc répondre à ces inquiétudes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Dans sa version initiale, l’article 37 avait davantage sa place en loi de finances. Il était également très critiquable, car il remettait en cause les seuils.
Toutefois, la crainte de Jean-Claude Requier ne nous semble pas fondée, car l’Assemblée nationale est revenue sur les dispositions les plus problématiques, notamment le doublement des seuils et le temps en vertu duquel il est possible d’accéder aux seuils.
Aujourd’hui, l’article 37 ne semble donc plus poser de difficultés. Il prévoit au contraire un certain nombre d’améliorations techniques que l’on peut partager, certaines étant d’ailleurs favorables aux artisans, comme la possibilité pour les SARL dont le dirigeant unique est une personne physique de bénéficier du régime « micro ».
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Requier, l’amendement n° 530 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Nous voterons contre cet amendement.
Quand une entreprise connaît une croissance rapide de son chiffre d’affaires, elle bascule du statut de micro-entreprise au statut fiscal et social d’entreprise de plein droit, ce qui lui pose un certain nombre de difficultés. Nous voulons encourager le développement de ces entreprises et nous sommes donc favorables au lissage des seuils tel qu’il figure dans le texte modifié par l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 37.
(L'article 37 est adopté.)
Article additionnel après l'article 37 (priorité)
Mme la présidente. L'amendement n° 398 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Anziani et Sueur et Mme Tasca, est ainsi libellé :
Après l’article 37
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le II de l’article 24 de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est applicable quelle que soit la date de création, pour les entreprises bénéficiant des dispositions de l’article 9 de l’ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 relative à l’évolution de la sécurité sociale à Mayotte dans le cadre de la départementalisation. »
II. – Seront appliqués des taux de cotisations sociales spécifiques tenant compte des exonérations prévalant sur le département de Mayotte comme prévu par l’ordonnance n° 2011-1923 du 22 décembre 2011 relative à l’évolution de la sécurité sociale à Mayotte dans le cadre de la départementalisation.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Quelques mois après la remise du rapport « Égalité réelle outre-mer », proposant de stimuler l’accès au microcrédit et à la création d’entreprises, nous considérons souhaitable que la dynamique entrepreneuriale dans le département de Mayotte soit soutenue par la simplification des démarches de création et d’officialisation d’activités.
Cet amendement, auquel tient beaucoup notre collègue Thani Mohamed Soilihi, vise donc à rendre effective cette simplification en transposant au département mahorais le régime micro-social, adopté en 2008 dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie et renforcé par la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises de 2014.
Ce régime micro-social prévoit en particulier une procédure d’enregistrement simplifiée et une meilleure lisibilité des cotisations sociales qui sont indexées sur le chiffre d’affaires et payées mensuellement ou trimestriellement. Pourtant, il n’est toujours pas en vigueur à Mayotte, alors même que le territoire est un département français depuis 2011 et qu’il connaît des difficultés économiques que chacun peut mesurer. L’adoption de cet amendement serait donc très positive pour le développement économique de Mayotte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. On ne méconnaît pas les difficultés économiques de Mayotte, mais cet amendement de nature exclusivement fiscale aurait davantage sa place en loi de finances. Nous suggérons donc qu’il soit retiré et débattu lors du projet de loi de finances pour 2017.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l’amendement n° 398 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, je le maintiens à ce stade, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 398 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 38 (priorité)
L’article 2 de la loi n° 82-1091 du 23 décembre 1982 relative à la formation professionnelle des artisans est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
1° bis Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase, les mots : « articles L. 920-2 et L. 940-1 du code du travail » sont remplacés par les mots : « articles L. 6122-1 et L. 6122-3 du code du travail » ;
b) L’avant-dernière phrase est complétée par les mots : « et sur la responsabilité sociale et environnementale de celle-ci » ;
c) Il est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La chambre de métiers, l’établissement ou le centre saisi d’une demande de stage est tenu de faire commencer celui-ci sous trente jours. Passé ce délai, l’immatriculation du futur chef d’entreprise ne peut être refusée ou différée, sans préjudice des autres obligations conditionnant l’immatriculation. » ;
2° Le quatrième alinéa est complété par les mots : « dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l’artisanat » ;
3° Après le même quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – s’il a bénéficié d’un accompagnement à la création d’entreprise d’une durée minimale de trente heures délivré par un réseau d’aide à la création d’entreprise, sous réserve que cet accompagnement dispense une formation à la gestion d’un niveau au moins équivalent à celui du stage et qu’il soit inscrit à l’inventaire mentionné au II de l’article L. 335-6 du code de l’éducation. La liste des actions d’accompagnement concernées est arrêtée par le ministre chargé de l’artisanat ; »
4° À l’avant-dernier alinéa, les mots : « suivi par les créateurs et les repreneurs d’entreprise artisanale » sont remplacés par les mots : « , dans le cas où il est suivi par les futurs chefs d’entreprise artisanale ».
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l’article.
M. Éric Bocquet. Le moins que l’on puisse dire est que les articles 38 et 43 ont suscité un certain nombre de réactions ces derniers temps, puisqu’est apparue la crainte de voir mise en question la réalité de la qualification des personnes souhaitant se lancer dans une activité artisanale.
Nous sommes parfaitement convaincus que l’existence d’un maillage d’entreprises artisanales est tout à fait essentielle pour maintenir une forme « d’économie de proximité » et pour répondre au mieux à la demande de ce que l’on appelle « le marché domestique ».
Tout métier de l’artisanat – plombier, boulanger, coiffeur, etc. – est un authentique métier, riche d’une tradition et d’une culture propres, produit aussi de plusieurs centaines d’années d’évolution des techniques et des outils.
Le nombre d’artisans est en effet en contraction récurrente – on le constate régulièrement –, d’autant que certaines évolutions juridiques favorisent la « sociétisation » des activités artisanales en lieu et place des modes antérieurs de gestion directe.
Cela étant, dans une période où l’emploi salarié est de plus en plus précarisé et attaqué, le choix de devenir artisan se présente aussi comme une solution pour un certain nombre de salariés qui viennent de perdre leur emploi.
La solution préconisée par les articles 38 et 43, portant entre autres sur les dispenses de stage préparatoire à la profession d’artisan, n’est sans doute pas la meilleure, puisqu’elle tend surtout à permettre d’apporter une solution assez rapide aux problèmes existants.
Ne nous voilons pas la face : le souci existe, entre autres, de procéder à la quasi-disparition des auto-entrepreneurs, en les incitant fortement à intégrer le régime « micro », dans un premier temps, et de faire en sorte que quelques dizaines de milliers de nouveaux artisans déclarés viennent réduire opportunément le nombre des privés d’emploi…
Toutefois, nous devons nous poser, une fois encore, la question de la validation de l’expérience des salariés aspirant à devenir artisans. Quand on connaît la pénurie de professionnels dans de nombreux secteurs de l’artisanat, notamment dans les métiers de bouche ou pour nombre de qualifications dans le second œuvre du bâtiment, on doit procéder à tout effort permettant de renouveler quelque peu l’offre de services.
Une vraie sécurité sociale professionnelle, passant par un compte de formation plus largement doté, serait, selon nous, un pas décisif dans ce sens.
Nous ne voterons pas les amendements de suppression des articles 38 et 43, mais nous ne pouvons pas accepter non plus les termes actuels de ces articles, qui auraient dû disposer d’un autre contenu.
Mme la présidente. L'amendement n° 531 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Guérini et Hue, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’article 38 permet à un créateur d’entreprise de s’immatriculer au répertoire des métiers sans suivre le stage préalable d’installation.
Or ce stage délivre des informations importantes dans les domaines de la comptabilité, de la gestion et du droit du travail…
Relâcher cette obligation de stage, c’est, d’une part, prendre le risque de créer la confusion entre ceux qui seront tenus de suivre le stage et ceux qui en seront dispensés, d’autre part, fragiliser les TPE-PME à moyen terme, en les privant d’informations précieuses pour la gestion de leurs affaires.
Il est donc proposé de revenir sur cette mesure.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Après m’être enrichi des avis des nombreuses personnes que j’ai auditionnées, je pense que le travail de l’Assemblée nationale est vraiment équilibré sur ce point et permet de sauver l’essentiel. Il serait dangereux de le remettre en cause.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Les artisans sont très attachés à ces stages d’installation, aucun frein ne sera mis à la réalisation des engagements qui ont été pris et un stage sera proposé à chaque candidat à l’installation dans un délai d’un mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 616, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 10, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à effectuer une modification technique.
La publication par arrêté de la liste des accompagnements à l’entrepreneuriat ouvrant droit à la dispense du stage de préparation à l’installation est redondante avec leur inscription à l’inventaire. Il s’agit donc de ne pas recopier la liste de l’inventaire dans un arrêté.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
L’accompagnement figure déjà à l’inventaire spécifique établi par la Commission nationale de la certification professionnelle. Dans ces conditions, l’arrêté serait en effet redondant.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 38, modifié.
(L'article 38 est adopté.)
Article 38 bis (priorité)
(Supprimé)
Article 39 (priorité)
(Non modifié)
À l’article L. 133-6-8-4 du code de la sécurité sociale, après le mot : « tenu », sont insérés les mots : « , au plus tard douze mois après la déclaration de la création de son entreprise, ». – (Adopté.)
Article 40 (priorité)
(Non modifié)
La section 2 du chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce est ainsi modifiée :
1° L’article L. 526-8 est ainsi modifié :
aa) Le 1° est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La valeur déclarée est la valeur vénale ou, en l’absence de marché pour le bien considéré, la valeur d’utilité ; »
a) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « d’évaluation et » sont supprimés ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’entrepreneur individuel n’a pas opté pour l’assimilation à une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée ou à une exploitation agricole à responsabilité limitée au sens de l’article 1655 sexies du code général des impôts, il déclare soit la valeur nette comptable des éléments constitutifs du patrimoine affecté telle qu’elle figure dans les comptes du dernier exercice clos à la date de constitution du patrimoine affecté s’il est tenu à une comptabilité commerciale, soit la valeur d’origine de ces éléments telle qu’elle figure au registre des immobilisations du dernier exercice clos diminuée des amortissements déjà pratiqués s’il n’est pas tenu à une telle comptabilité. » ;
2° Au début de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 526-10, sont ajoutés les mots : « Sauf dans les cas prévus au dernier alinéa de l’article L. 526-8, » ;
3° Les deuxième à cinquième alinéas de l’article L. 526-12 sont supprimés ;
4° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 526-14 est supprimée.
Mme la présidente. L'amendement n° 679, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Après le mot :
impôts
insérer les mots :
à la date de constitution du patrimoine affecté
et supprimer les mots :
à la date de constitution du patrimoine affecté
II. – Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Outre apporter une clarification rédactionnelle concernant la simplification du régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, cet amendement tend à maintenir la transmission au greffe du tribunal de commerce des comptes de tous les entrepreneurs individuel à responsabilité limitée, les EIRL, qui relèvent en effet des procédures du livre VI du code de commerce.
Cette disposition a été introduite sur l’initiative de Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat de la loi de 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Il ne s’agit pas seulement d’une précision rédactionnelle, monsieur le rapporteur. Vous entendez revenir sur la volonté de simplification du Gouvernement, laquelle se traduit, à l’article 40, par la suppression de l’obligation de transmettre au registre spécial des EIRL ou au registre du commerce et des sociétés un double des comptes déposés par les entrepreneurs immatriculés au répertoire des métiers. Cette obligation inutile est aussi source de coûts pour ces petits entrepreneurs.
Cet amendement, qui vise à réintroduire ce doublon, serait de nature à affaiblir l’effet de la réforme que nous proposons. Ce serait dommage, car cet effort de simplification me semble nécessaire. De surcroît, ces procédures sont défendues par les corporations intéressées, mais il ne faut pas confondre celles-ci avec les entreprises et les entrepreneurs. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Si notre objectif est de créer de l’activité et de la valeur ajoutée, essayons d’agir de façon proportionnée : évitons les doublons, simplifions les choses. Suivez-nous, mesdames, messieurs les sénateurs !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 40, modifié.
(L'article 40 est adopté.)
Article 41 (priorité)
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° A (nouveau) Au sixième alinéa de l’article L. 124-1, les mots : « , par dérogation à l’article L. 144-3, » sont supprimés ;
1° L’article L. 141-1 est abrogé ;
1° bis (nouveau) Les deux premiers alinéas de l’article L. 141-2 sont ainsi rédigés :
« Au jour de la cession, le vendeur et l’acheteur visent un document présentant les chiffres d’affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant celui de la vente.
« Pour une durée de trois ans à partir de l’entrée de l’acquéreur en jouissance du fonds, le cédant met à sa disposition, sur sa demande, tous les livres de comptabilité qu’il a tenus durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente. » ;
2° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 141-21, après la référence : « L. 236-22 », sont insérés les mots : « ou s’il est fait à une société détenue en totalité par le vendeur ».
3° (nouveau) Les articles L. 144-3 à L. 144-5 sont abrogés ;
4° (nouveau) Au début de l’article L. 144-8, les mots : « Les dispositions des articles L. 144-3, L. 144-4 et L. 144-7 ne s’appliquent » sont remplacés par les mots : « L’article L. 144-7 ne s’applique » ;
5° (nouveau) L’article L. 642-14 est ainsi rédigé :
« L’article L. 144-7 n’est pas applicable. » ;
6° (nouveau) Les articles L. 911-7, L. 931-8, L. 941-8 et L. 951-6 sont abrogés.
Mme la présidente. L'amendement n° 620, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du I de l’article L. 141-1, après la seconde occurrence du mot : « commerce, », sont insérés les mots : « sauf si l’apport est fait à une société détenue en totalité par le vendeur, » ;
2° Les deux premiers alinéas de l’article L. 141-2 sont ainsi rédigés :
« Au jour de la cession, le vendeur et l’acquéreur visent un document présentant les chiffres d’affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant celui de la vente.
« Pour une durée de trois ans à partir de l’entrée de l’acquéreur en jouissance du fonds, le vendeur met à sa disposition, sur sa demande, tous les livres de comptabilité qu’il a tenus durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente. » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 141-21, après la référence : « L. 236-22 », sont insérés les mots : « ou s’il est fait à une société détenue en totalité par le vendeur ».
La parole est à M. le ministre.
M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement vise à supprimer certaines dispositions introduites par la commission des lois supprimant, d’une part, les mentions obligatoires dans l’acte de vente d’un fonds de commerce, d’autre part, le délai d’exploitation de deux ans d’un fonds avant sa mise en location-gérance.
La commission a proposé d’alléger certaines formalités obligatoires le jour de la vente d’un fonds de commerce, comme l’établissement d’un inventaire de tous les livres de comptabilité tenus par le vendeur pendant les trois exercices comptables précédant celui de la vente. L’allégement de ces formalités constitue une simplification bienvenue et appelle donc un avis favorable du Gouvernement.
Les mentions aujourd’hui obligatoires dans l’acte de vente d’un fonds de commerce restent utiles pour garantir la bonne information du tiers acquéreur du fonds, d’autant que la formalité de visa des livres de comptabilité est parallèlement supprimée. La suppression de ces mentions pose donc un problème à nos yeux.
Enfin, la suppression du délai de deux ans d’exploitation du fonds de commerce comme préalable à la mise en location-gérance changerait l’usage de la location-gérance, aujourd’hui conçue comme un outil de transmission du fonds, et pourrait générer une hausse du prix des fonds. Elle n’est donc pas souhaitable, comme l’a également souligné le dernier comité de suivi sur la réforme de la transmission d’entreprise que nous avons tenu avec Martine Pinville.
Pour l’ensemble de ces raisons, cet amendement tend à rétablir l’article 41 dans sa version initiale, en conservant l’allégement des formalités obligatoires le jour de la cession du fonds, mais en corrigeant les deux points sur lesquels je viens d’insister.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Le 1° et le 3° de cet amendement visent à supprimer l’essentiel des mesures de simplification adoptées à l’unanimité par la commission des lois sur la proposition de Thani Mohamed Soilihi. Ces paragraphes sont donc contraires à la position de la commission.
Quant au 2° de cet amendement, il est identique au texte de la commission, sous réserve d’une nuance terminologique : l’acheteur devient l’acquéreur et le cédant le vendeur. La commission préfère s’en tenir aux formulations actuelles du code de commerce.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 680, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer le mot :
sixième
par le mot :
septième
II. – Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa du III de l’article L. 526-17, la référence : « L. 141-1 » est remplacée par la référence : « L. 141-2 » ;
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le II de l’article 5 de la loi n° 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur est abrogé.
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
5
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux projets de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif à une liaison ferroviaire entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle et du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-462 du 14 avril 2016 portant création de l’Agence nationale de santé publique et modifiant l’article 166 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale le 6 juillet 2016.
6
Organisme extraparlementaire
Mme la présidente. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration du Fonds national des aides à la pierre.
La commission des affaires économiques a été invitée à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; ils seront repris à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique – Orientation et protection des lanceurs d’alerte
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte.
projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (suite)
Mme la présidente. Dans la discussion du texte de la commission, nous sommes parvenus, au chapitre Ier du titre V, appelé en priorité.
Titre V
DE L’AMÉLIORATION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES ENTREPRISES AGRICOLES ET DU FINANCEMENT DES ENTREPRISES
Chapitre Ier (priorité)
Mesures relatives à l’amélioration de la situation financière des exploitations agricoles
Article 30 AA (priorité)
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime, après le mot : « refuge », sont insérés les mots : « , un établissement d’abattage ou de transport d’animaux vivants ».
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.
M. Joël Labbé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article complète l’article L. 21-11 du code rural et de la pêche maritime définissant l’infraction pénale afférente à la maltraitance sur animaux, afin d’y ajouter les établissements d’abattage et de transport d’animaux vivants.
C’est un sujet qui est pleinement d’actualité : le respect du bien-être et de la dignité des animaux, de la naissance à la mort, doit être pris en compte. Se pose aussi la question des élevages hyper-industriels et hyper-productivistes.
Certains plaident pour l’arrêt complet de la consommation de viande. Il est vrai que, dans nos sociétés occidentales, nous en consommons trop. C’est dur à entendre, lorsque l’on est confronté à une crise de l’élevage, mais il faut le dire clairement, en particulier dans la perspective des conférences sur le climat et de la COP21. Cette situation ne touche cependant qu’une partie de la population, celle qui a encore les moyens de consommer de la viande de qualité, car une autre partie ne peut même plus le faire…
En tout état de cause, il devient important de réduire drastiquement la consommation et d’opter, en tout cas de la part de ceux qui continuent d’en consommer, pour de la viande de qualité. Certes, celle-ci a un prix et sa valeur ajoutée doit, évidemment, revenir aux éleveurs. C’est la raison pour laquelle nous plaidons depuis longtemps – et nous plaiderons toujours – pour un modèle de polyculture d’élevage dans le cadre d’une agriculture familiale et paysanne.
Cet article rassemble, au fond, toutes ces problématiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 30 AA.
(L'article 30 AA est adopté.)
Article 30 AB (priorité)
(Non modifié)
L’article L. 143-4 du code rural et de la pêche maritime est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Les cessions de droits sociaux mentionnées au deuxième alinéa du I de l’article L. 143-15-1 au profit d’un associé qui exerce son droit de préférence, dès lors qu’il est associé exploitant de la société depuis au moins dix ans. »
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l’article.
M. Michel Le Scouarnec. Nous nous félicitons du renforcement du droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER. Nous regrettons toutefois que le Gouvernement n’ait pas fait le choix d’un projet de loi dédié à cette question cruciale, qui aurait mérité un débat approfondi, ce que les conditions d’examen du présent texte ne permettent pas.
Cependant, il était important d’obliger toute société souhaitant acheter des terres agricoles à créer un groupement foncier agricole à même d’être contrôlé par les SAFER.
En effet, en 2014, lors des débats sur la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous avions déjà proposé une extension du droit de préemption des SAFER sur les transferts partiels de parts de sociétés possédant du foncier agricole. En ce sens, le projet de loi va dans le bon sens, car de récents montages ont permis le développement de projets agricoles industriels, comme la ferme des mille vaches, en 2014, dans les Hauts-de-France, ou l’acquisition, voilà quelques mois, par une société chinoise, de 1 700 hectares dans l’Indre, à un prix bien supérieur au marché.
Comme l’ont relevé de nombreux observateurs, ces exemples ont démontré que le droit de préemption agricole des SAFER, instauré dès leur création au début des années 1960, n’est plus adapté. Notre agriculture n’échappe plus à la financiarisation de la terre, avec l’arrivée d’investisseurs étrangers, russes, chinois ou autres, notamment dans de nombreux vignobles.
Comme le soulignent plusieurs articles, cela concerne aussi bien des coteaux du Languedoc ou des terres en Bourgogne ou dans le Bordelais que des rizières de Camargue ou des plaines céréalières de Champagne-Ardenne. Aucun domaine n’est épargné !
Les sociétés d’exploitation agricole rachètent des terres soit pour s’agrandir, soit pour les louer, parfois dans une logique de spéculation à long terme dans l’attente d’une augmentation des cours. Tout cela, sans la moindre transparence !
À cet égard, l’arrivée massive de fonds étrangers a même conduit la cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, souvent appelée TRACFIN, à tirer le signal d’alarme dans son rapport d’activité de 2012. Elle pointait le risque de blanchiment d’argent par le biais de ces transactions.
C’est pourquoi, si nous saluons la mesure, elle arrive bien tard et de nombreuses acquisitions purement financières auraient pu être évitées. Nous soutiendrons toutes les dispositions en faveur du renforcement de la lutte contre la spéculation sur les terres agricoles. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.
M. Joël Labbé. Nous amorçons ici une longue discussion sur la question du foncier agricole, problématique qui est devenue, elle aussi, essentielle.
Dans nos sociétés, comme sur l’ensemble de la planète, tout se financiarise ! Si ces sujets sont largement juridico-techniques, ils restent, au fond, politiques. Ainsi, le politique doit continuer de considérer que la terre nourricière, qui est certes une propriété privée, est d’abord un bien commun. Le droit à l’alimentation se pose de manière fondamentale à l’échelle planétaire et il faut absolument aller de l’avant sur ces questions.
Je tiens à saluer les avancées que nous connaissons ce soir, en particulier sur l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Daniel Gremillet, en lien avec le ministre de l’agriculture et les sénateurs de toutes les travées. Ce sujet doit faire consensus.
Les écologistes soutiendront bien évidemment les amendements qui iront en ce sens. Nous vivons un moment historique : nous allons véritablement progresser, alors même que l’on nous opposait que de telles mesures seraient anticonstitutionnelles…
Si jamais les mesures que nous allons adopter ce soir étaient contraires à la Constitution, il faudra bien trouver des solutions, car il y va d’un intérêt général supérieur.
Mme la présidente. L’amendement n° 139, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. L’article 30 AB est en lien avec le mécanisme, adopté par l’Assemblée nationale à l’article 30 A. Il prévoit que, lorsqu’une société acquiert des terres agricoles, elle doit identifier de manière spécifique dans son capital social ce qui correspond à ces terres. Ainsi, les SAFER peuvent disposer d’un droit de préemption sur ces droits sociaux particuliers, lorsqu’ils sont cédés.
L’article 30 AB a été adopté pour créer une exception à ce droit de préemption des SAFER, uniquement pour les cessions au profit d’un associé-exploitant agricole depuis plus de dix ans. Le dispositif proposé est trop contraignant, ce qui justifie sa suppression par cet amendement.
J’ajoute – en particulier à l’attention des orateurs qui viennent de s’exprimer – qu’un autre amendement, que j’ai élaboré avec plusieurs partenaires, tend à instaurer un autre mécanisme, plus opérationnel : plutôt que d’identifier des parts sociales particulières attachées aux terres agricoles, il sera proposé d’obliger à créer une société de portage foncier spécifique, en cas de cession de terres agricoles, de manière à permettre aux SAFER d’intervenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Le débat sur le foncier est très important.
Le problème des achats de terres par des investisseurs chinois a été évoqué et je précise, au risque d’anticiper sur un débat à venir, que le contrôle des structures, qui existe aujourd’hui, fonctionne. En effet, nous avons adressé des mises en demeure aux acheteurs, afin qu’ils nous transmettent leur projet d’exploitation. Ce projet ne nous ayant toujours pas été transmis, la mise en demeure va nous conduire à stopper tout droit d’exploitation sur les 1 700 hectares évoqués. Nous disposons donc bien, aujourd’hui, d’outils pour contrôler les structures.
Le sujet qui nous intéresse ce soir concerne la manière dont les SAFER peuvent agir au sein des sociétés collectives. Joël Labbé parle de modifier la Constitution, mais, avant cela et comme l’a dit le rapporteur, des opportunités importantes s’offrent à nous, en particulier par la création de sociétés spécifiquement dédiées à l’achat de terres. Les SAFER pourront alors disposer d’un droit de préemption, qui n’existe pas aujourd’hui, et surveiller les différents mouvements.
Ce dispositif très important complète celui que nous avons mis en place dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l'alimentation et la forêt et permettra de mener des actions beaucoup plus fermes pour éviter certains transferts internes à des sociétés, qui pouvaient jusqu’à présent échapper aux SAFER.
Le rapporteur, qui a mené un travail important, formulera des propositions, qui complètent ce que nous avions décidé dans le cadre de la loi d’avenir et qui donnent encore plus de droits aux SAFER, dans le but de préserver le foncier.
Je suis donc favorable à cet amendement, qui porte certes sur un sujet un peu différent, mais qui entame ce débat.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Les SAFER sont un outil exceptionnel, qu’il est nécessaire de faire évoluer. Certes, le mouvement a déjà commencé, de manière positive, dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, l'alimentation et la forêt, notamment en termes de transparence, d’objectifs – avec l’affichage très clair de la priorité à l’installation – ou de gouvernance partagée.
Il restait la question des parts de sociétés. L’article 30 AB, que le rapporteur propose de supprimer, limite le droit de préemption lors de cessions entre associés depuis plus de dix ans. Cette suppression étend donc le droit de préemption des SAFER, qui est essentiellement dissuasif, mais qui permet de négocier des conditions qui soient favorables à l’exercice de leurs missions de service public.
Cette mesure entre bien dans le champ d’une société d’aménagement effectuant une tâche d’intérêt général et exécutant des missions de service public, tout en préservant son équilibre budgétaire. D’ailleurs, la question des moyens financiers du portage se pose évidemment ; nous en parlerons peut-être au fil des amendements.
Vous l’aurez compris, nous voterons cet amendement !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 30 AB est supprimé.
Article 30 AC (priorité)
(Non modifié)
L’article L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« S’il s’agit d’un apport en société et que la condition suspensive est satisfaite, l’apporteur doit s’engager à conserver la totalité de ses droits sociaux reçus en contrepartie pendant au moins dix années à compter de la date de l’apport. Cet engagement doit être joint à la notification préalable de l’opération d’apport. En cas de méconnaissance de l’engagement ainsi souscrit, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural peut, dans un délai de six mois à compter du jour où elle en a eu connaissance, demander l’annulation de l’apport au président du tribunal de grande instance. »
Mme la présidente. L’amendement n° 140, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer l’article 30 AC, qui prévoit que, lorsque des terres sont apportées pour former le capital d’une société agricole, l’associé apporteur de ces terres doit conserver la totalité des droits sociaux détenus en contrepartie pendant au moins dix ans, sous peine de nullité de l’apport.
Ne pas permettre d’évolution dans une société pendant dix ans constitue une contrainte extrêmement lourde. Remettre en cause l’apport en société peut conduire à mettre en danger l’intégrité économique de la société ainsi constituée.
Certes, il convient d’éviter des apports en société de pure opportunité, visant à échapper au droit de préemption des SAFER. Nous en parlerons, de manière plus approfondie, un peu plus tard. L’objet de cet amendement s’insère dans une démarche globale, qui répond aux objectifs que nous partageons, en particulier en faveur de l’agriculture paysanne.
Ainsi, le dispositif proposé par l’amendement que j’ai déposé à l’article 30 A conduit justement à faire face au risque de contournement du droit de préemption des SAFER par des montages sociétaires : il prévoit la création de sociétés spécifiques de portage foncier, lorsque des sociétés autres que des groupements fonciers agricoles, les GFA, ou des groupements agricoles d’exploitation en commun, les GAEC, font l’acquisition de terres.
Cette nouvelle disposition se combine avec l’amendement du Gouvernement, qui donne aux SAFER un droit de préemption sur les cessions partielles de parts sociales des sociétés de portage foncier.
Dès lors, il n’y a nul besoin d’imposer une obligation de détention de dix ans des parts sociales, sous peine de remise en cause de l’apport. Les SAFER pourront préempter les cessions de parts de groupements fonciers agricoles, hors droit de préférence des associés, ou d’autres types de sociétés de portage du foncier agricole, et elles pourront le faire à tout moment, même lorsque la détention des parts est de courte durée.
L’article 30 AC n’est donc pas nécessaire. C’est pourquoi la commission propose de le supprimer.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. De nombreux amendements prévoient d’apporter des précisions sur ce sujet.
En l’état actuel, il nous semble important d’éviter que des associés puissent acquérir des parts de capital juste pour échapper aux dispositifs dont nous parlions tout à l’heure.
Certes, on peut considérer qu’une durée minimale du maintien de la détention du capital de dix ans est trop longue, mais supprimer complètement cette règle peut aussi présenter des inconvénients. C’est vrai, même si le reste du dispositif est renforcé. Je souhaite vous alerter sur ce point.
C’est pourquoi je ne suis pas favorable à la suppression de toute durée de détention. Peut-être faut-il réfléchir à une durée moins longue, donc moins contraignante – cinq ans, par exemple. La supprimer purement et simplement peut poser problème. Il faut donc conserver une durée minimale obligatoire de détention.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.
Mme Frédérique Espagnac. Dans le droit fil des propos du ministre, le groupe socialiste et républicain ne votera pas l’amendement de suppression, car cet article permet aux SAFER d’intervenir, si un associé, ayant fait un apport, ne respecte pas l’engagement de détenir les parts acquises pendant au moins dix ans, et ainsi, de lutter contre la spéculation.
Comme le ministre, je crois que nous pourrions trouver un accord avec le rapporteur sur une durée plus réduite, par exemple cinq ans.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Nous partageons l’avis du ministre et, contrairement à la discussion précédente, le groupe écologiste n’est pas favorable à la suppression pure et simple de cet article. Nous préférons à celle-ci un assouplissement de nature à ménager l’objectif recherché, sans toutefois corseter définitivement les associés apporteurs dans un délai excessivement long.
Pour éviter des montages financiers par lesquels une société ou un particulier apporte des terres à une autre société et cède ensuite ses parts rapidement afin de retirer le bénéfice pécuniaire de la vente, tout en ayant contourné le droit de préemption des SAFER, il est indispensable de préserver cet article.
C’est pourquoi, comme d’autres collègues, nous proposons un assouplissement de cet article, plutôt que sa suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. La durée de dix ans est bien trop longue et fragilisera grandement les exploitations agricoles. Il me semble que la commission mixte paritaire pourra examiner ce sujet et trouver un compromis entre l’objectif d’éviter des détournements de procédure et la reconnaissance de ce qu’est la vie d’une exploitation.
Une durée de cinq ans aurait peut-être plus de sens. C'est la raison pour laquelle je propose d’adopter cet amendement de suppression et de renvoyer le débat à la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 30 AC est supprimé et les amendements identiques nos 217 rectifié quinquies, 274 rectifié et 488 n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.
L'amendement n° 217 rectifié quinquies, présenté par MM. Longeot, L. Hervé, Luche, Médevielle, Cigolotti, Kern, Bonnecarrère, Canevet, Guerriau et Roche, l’amendement n° 274 rectifié, présenté par M. Bizet, Mme Troendlé, MM. Milon, Vasselle, César, Grosperrin et Kennel, Mme Morhet-Richaud, M. Danesi, Mmes Lopez et Gruny, MM. de Raincourt, Trillard, Carle, Cardoux, del Picchia, Cornu, Vaspart, Dufaut, Emorine et B. Fournier, Mme Cayeux et MM. Cambon, Doligé, Rapin, Longuet, Chaize, Grand, Allizard, Lefèvre, P. Leroy, Laménie, J.P. Fournier, Bonhomme, Charon, Masclet, Revet et Husson, et l’amendement n° 488, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, sont ainsi libellés :
Alinéa 2, dernière phrase
Après le mot :
souscrit
insérer les mots :
et sauf accord exprès de sa part
Articles additionnels après l'article 30 AC (priorité)
Mme la présidente. L’amendement n° 675, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 30 AC
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre II du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase de l’article L. 322-2 est supprimée ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 322-22 est supprimé.
La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement vise à supprimer la limitation actuelle, qui empêche les SAFER de détenir plus de 30 % des parts d’un GFA. Il s’agit toujours du même principe, donner aux SAFER les outils et les moyens pour agir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’article L. 322-2 du code rural et de la pêche maritime interdit aux SAFER de détenir plus de 30 % des parts d’un groupement foncier agricole. L’article L. 322-22 pose la même interdiction pour les groupements fonciers ruraux.
Une telle disposition peut faire obstacle à l’objectif consistant à permettre aux SAFER de préempter des parts de tels groupements, lorsque cette acquisition peut permettre d’avoir le contrôle de l’exploitation agricole ou une minorité de blocage.
La disposition prévue par cet amendement constitue donc le complément nécessaire du dispositif proposé à l’article 30 A et lève un frein au plein exercice par les SAFER de leurs missions. Pour autant, les autres conditions existantes continueront de s’appliquer : par exemple, les SAFER ne peuvent pas rester dans le capital d’un GFA plus de cinq ans, sauf exception.
Par conséquent et même si cet amendement nous a été communiqué tardivement, la commission des affaires économiques est favorable à son adoption.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je salue l’initiative du Gouvernement, qui reprend ici l’amendement que nous avions déposé et qui avait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Cette mesure complète utilement le dispositif d’acquisition amiable, par les SAFER, de parts dans les GFA et les GFR, en leur permettant d’acquérir la totalité des parts d’un groupement, sans limiter cette prise de participation à 30 % du capital. Est donc opéré un alignement des modalités d’acquisition amiable des SAFER entre toutes les sociétés.
Cette disposition participe au renforcement de la mission agricole des SAFER en faveur de la protection des espaces agricoles. Elle s’articule pleinement avec les amendements nos 502, déposé par le rapporteur pour avis, Daniel Gremillet, à l’article 30 A, et 633, déposé par le Gouvernement après l’article 30 A.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.
Mme Frédérique Espagnac. Le groupe socialiste et républicain a aussi déposé un amendement dont l’objet était identique. Je reprends donc à mon compte les propos tenus à l’instant par Joël Labbé.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 30 AC.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 301 rectifié bis est présenté par Mme Espagnac, MM. Guillaume et Botrel, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 495 est présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 30 AC
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 322-8 du code rural et de la pêche maritime est complété par les mots : « , sous réserve pour l’apporteur de prendre l’engagement de conserver ses parts sociales dans les conditions et délais prévus au second alinéa de l’article L. 143-5 ».
La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 301 rectifié bis.
Mme Frédérique Espagnac. Le dispositif proposé, qui répond à une demande des SAFER, est en cohérence avec les règles rendues applicables aux apports en société, prévues à l’article 30 AC, qui introduit une obligation de conservation des parts sociales durant au moins dix années à compter de la date de l’apport. Il vise à rendre ces règles applicables aux apports de biens à un groupement foncier agricole ou à un groupement foncier rural.
Il s’agit ainsi d’assurer une égalité de traitement entre les apporteurs de biens immobiliers agricoles, quelle que soit la forme juridique de la société.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 495.
M. Joël Labbé. Il est défendu, madame la présidente. Frédérique Espagnac a très bien présenté l’objet de ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’article L. 322-8 du code rural et de la pêche maritime prévoit que le droit de préemption des SAFER ne s’applique pas sur les apports de terres effectués dans des groupements fonciers agricoles ou dans des groupements fonciers ruraux de caractère familial, c’est-à-dire associant des membres d’une même famille jusqu’au quatrième degré de parenté. Il est important de préciser qu’il n’est nullement porté atteinte au lien de parenté, qui est si précieux.
Le droit de préemption des SAFER ne s’applique pas non plus pour les cessions dans le cadre familial jusqu’au quatrième degré de parenté.
Il est proposé que l’exemption de droit de préemption ne soit valable que si les parts de GFA ou de GFR sont conservées dix ans. Dès lors que l’on adopterait l’amendement n° 633, qui vise à étendre le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles de parts de société dont l’objet principal est la propriété agricole, une telle obligation de durée de détention n’apporterait rien.
Toute cession partielle de parts de GFA ou de GFR serait susceptible de préemption, lorsque l’acquisition de ces parts aurait pour effet de donner, au nouvel acquéreur, une majorité ou même une minorité de blocage au sein de la société.
L’objectif des auteurs de ces amendements identiques est donc satisfait par l’amendement n° 633. C’est pourquoi la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 301 rectifié bis et 495.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 302 rectifié est présenté par Mme Espagnac, MM. Guillaume et Botrel, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 496 est présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 30 AC
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 142-4 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pendant la même période transitoire, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural sont également autorisées, par dérogation aux dispositions applicables aux sociétés civiles de personnes visées notamment aux articles L. 322-1, L. 323-1 et L. 324-1, à maintenir, dans le but de les rétrocéder, leurs participations dans le capital de ces sociétés au titre des acquisitions de droits sociaux faites à l’amiable en application du 3° de l’article L. 141-1 ou après exercice du droit de préemption en application de l’article L. 143-1. »
La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 302 rectifié.
Mme Frédérique Espagnac. L'article additionnel que tend à insérer cet amendement répond aussi à une demande des SAFER. Il est en cohérence avec les dispositions actuellement en vigueur qui permettent aux SAFER d’acquérir à l’amiable ou, sous certaines conditions, par voie de préemption, des parts de sociétés agricoles formées uniquement entre personnes physiques, qu’il s’agisse des groupements fonciers agricoles, GFA, des groupements fonciers ruraux, GFR, des groupements agricoles d’exploitation en commun, GAEC, ou des entreprises agricoles à responsabilité limitée, les EARL.
Cette mesure permet ainsi à une SAFER de maintenir, dans le but de rétrocéder les droits sociaux ainsi acquis, sa participation au capital d’une société de personnes pendant une période qui ne peut excéder cinq ans.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 496.
M. Joël Labbé. Là encore, il est défendu, madame la présidente. Frédérique Espagnac a très bien présenté l’objet de ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’article L. 142-4 du code rural et de la pêche maritime indique que les SAFER peuvent conserver les terres agricoles acquises pendant cinq ans au maximum, avant de les rétrocéder. Par extension, les acquisitions d’exploitations sous formes sociétaires, qui sont aussi possibles, ne doivent pas être conservées plus de cinq ans.
Ces amendements identiques visent à appliquer cette règle des cinq ans pour les parts sociales acquises par les SAFER : elles devront les rétrocéder avant expiration de ce délai. Cette mesure va dans le bon sens. J’ajoute simplement qu’il convient de rectifier la dernière phrase du dernier alinéa de ces amendements, en visant non pas le 3° de l’article L.141-1 du code rural et de la pêche maritime, mais le 3° du II de ce même article.
Sous réserve de cette modification, la commission émet un avis favorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Madame Espagnac, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens préconisé par M. le rapporteur pour avis ?
Mme Frédérique Espagnac. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Monsieur Labbé, acceptez-vous également de rectifier votre amendement dans le même sens ?
M. Joël Labbé. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de deux amendements identiques nos 302 rectifié bis et 496 rectifié ainsi libellés :
Après l’article 30 AC
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 142-4 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pendant la même période transitoire, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural sont également autorisées, par dérogation aux dispositions applicables aux sociétés civiles de personnes visées notamment aux articles L. 322-1, L. 323-1 et L. 324-1, à maintenir, dans le but de les rétrocéder, leurs participations dans le capital de ces sociétés au titre des acquisitions de droits sociaux faites à l’amiable en application du 3° du II de l’article L. 141-1 ou après exercice du droit de préemption en application de l’article L. 143-1. »
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 302 rectifié bis et 496 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 30 AC.
Article 30 A (priorité)
(Non modifié)
La section 3 du chapitre III du titre IV du livre Ier du code rural et de la pêche maritime est complétée par un article L. 143-15-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 143-15-1. – I. – Toute nouvelle acquisition ou tout nouvel apport de droits ou biens immobiliers agricoles mentionnés au II de l’article L. 141-1 par ou au bénéfice d’une société, quelle qu’en soit la forme ou l’organisation juridique, doit faire l’objet d’une affectation particulière au sein de son capital social.
« Les parts ou actions résultant de cette affectation sont assimilées aux biens qu’elles représentent pour l’exercice du droit de préemption de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural lors de toute cession de ces droits. Le cas échéant, l’exercice du droit de préemption par cette société d’aménagement foncier et d’établissement rural est regardé comme un retrait d’actifs immobiliers.
« II. – Lorsqu’une des opérations mentionnées au I est réalisée en violation du même I, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural peut, dans un délai de six mois à compter de la publication de l’acte de cession ou, à défaut, dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la cession lui est connue, demander au tribunal de grande instance soit d’annuler la cession, soit de la déclarer acquéreur en lieu et place de la société. »
Mme la présidente. L’amendement n° 502, présenté par M. Gremillet, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 2
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 143-15-1. – I. – Lorsqu’ils sont acquis par une personne morale de droit privé ou font l’objet d’un apport à une telle personne, les biens ou droits mentionnés à l’article L. 143-1 sur lesquels les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent exercer leur droit de préemption, sont rétrocédés par voie d’apport au sein d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole. Cette obligation s’applique uniquement lorsque, à la suite de l’acquisition ou de l’apport, la surface totale détenue en propriété par cette personne morale de droit privé et par les sociétés au sein desquelles les biens ou droits sont apportés excède le seuil fixé par le schéma directeur régional des exploitations agricoles mentionné à l’article L. 312-1.
« En cas de cession de la majorité des parts ou actions de la personne morale de droit privé mentionnée au premier alinéa, les parts ou actions des sociétés au sein desquelles les biens ou droits ont été apportés sont réputées cédées.
« Le premier alinéa ne s’applique pas aux acquisitions effectuées par un groupement foncier agricole, un groupement foncier rural, une société d’aménagement foncier et d’établissement rural, un groupement agricole d’exploitation en commun, une exploitation agricole à responsabilité limitée, ou une association dont l’objet principal est la propriété agricole. Il en est de même des apports effectués à ces sociétés, groupements et associations.
B. – Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
C. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le I en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Il s’agit de compléter l’articulation du dispositif mis en place pour faire face à la spéculation et à la financiarisation du foncier agricole.
Nous avons dû étudier ce sujet dans un temps limité et dans des conditions complexes. C’est pourquoi la commission des affaires économiques a souhaité se limiter à ces amendements, estimant que le sujet du foncier dans son ensemble méritait de faire l’objet d’une proposition de loi à part entière, afin de replacer le statut de l’activité agricole au cœur du débat sur le foncier et le fermage.
Plutôt que de supprimer l’article 30 A, cet amendement vise à créer un mécanisme imposant que l’acquisition de foncier agricole par une société se fasse par l’intermédiaire d’une société de portage foncier, ce qui revient à interdire à une société d’acquérir en propre des terres agricoles.
Ce faisant, la capacité d’intervention des SAFER est préservée pour faire face à des phénomènes comme celui qui a été constaté récemment dans le Berry, c’est-à-dire l’acquisition par un fonds d’investissement de 1 700 hectares de terres agricoles.
J’ai déposé cet amendement en mon nom personnel, car la solution n’était pas prête lors de la réunion de la commission du mercredi 29 juin ; je prie mes collègues de la commission des affaires économiques de bien vouloir m’en excuser. Ce sujet compliqué nécessitait de procéder à l’examen technique approfondi des différentes options envisageables. La solution proposée aujourd’hui semble plus satisfaisante, en imposant une transparence accrue des transactions sur le foncier agricole.
Permettez-moi de décrire brièvement le mécanisme qui serait mis en œuvre.
Lorsqu’une société acquiert des terres agricoles, elle doit le faire par l’intermédiaire d’une structure spécialisée dans le portage foncier. On évite ainsi les biais introduits par le mécanisme que prévoit la rédaction actuelle de l’article 30 A, qui impose d’identifier spécifiquement dans le capital social les parts correspondant au foncier, ce qui est très difficile en pratique.
Le dispositif que je propose ne s’applique pas dans tous les cas. Il ne concerne pas les petites opérations, tant que la société acquéreuse détient une surface agricole inférieure au seuil requis pour le contrôle des structures, pas plus que les sociétés agricoles telles que les GAEC, EARL, GFA et GFR qui pourront acquérir directement du foncier.
Cette solution permettra aux SAFER, grâce à l’amendement n° 633 que nous examinerons sous peu, d’exercer un droit de préemption sur toutes les cessions de foncier agricole, hors des cas où la loi exclut déjà l’intervention des SAFER, comme les cessions dans le cadre familial ou l’apport de terres par un exploitant à sa propre société.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. M. Gremillet vient d’exposer le sujet du point de vue technique. L’adoption de cet amendement permettra aux SAFER de jouer pleinement leur rôle d’acteur sur le foncier.
Aujourd’hui, nous devons essayer de trouver une solution qui soit conforme à la Constitution. Quand une société détient du foncier, elle a aussi un capital, et on ne peut pas demander aux SAFER d’agir sur les transferts à l’intérieur de ces sociétés. Nous essayons de clarifier les choses en créant ces sociétés dédiées au foncier, ce qui permettra aux SAFER d’agir.
C’est bien là le cœur du débat. On peut toujours discuter, comme tout à l’heure, sur la durée de détention – dix ans, cinq ans, etc. ? – ou le niveau de participation dans le capital – plus ou moins 30 % –, mais ce n’est pas le plus important.
Aujourd’hui, il s’agit d’essayer de donner aux SAFER ce qu’elles n’ont pas pu obtenir avec l’adoption de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, car les dispositions votées par le Parlement ont été déclarées anticonstitutionnelles.
Grâce à ces sociétés dédiées au foncier, les SAFER pourront agir et maîtriser les transferts de foncier. Cet amendement est donc le plus important concernant cette partie du projet de loi et il va de soi que j’y suis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Quand nous ne sommes pas contents du ministre ou du Gouvernement, nous ne manquons pas de le faire savoir, c’est notre rôle ! Quand nous ne sommes pas contents du rapporteur ou de ses positions, nous le disons aussi !
Dans le cas présent, cette convergence entre le ministre et le rapporteur, qui trouve un soutien sur toutes les travées de notre Haute Assemblée, grandit la politique, qui en a parfois besoin !
Mme Françoise Gatel. Bravo !
M. Joël Labbé. Nous sommes heureux de constater que le Gouvernement, le rapporteur et les représentants de l’ensemble des groupes politiques ont pu collaborer afin d’améliorer le dispositif adopté par l’Assemblée nationale et de répondre aux craintes légitimes de la commission des affaires économiques. Le mécanisme ainsi mis au point permettra une application effective du droit de préemption des SAFER aux parts de sociétés.
Effectivement, monsieur le rapporteur pour avis, vous avez dû travailler dans l’urgence, mais vous avez considéré qu’il fallait avancer. Or, si vous vous étiez contenté d’adopter une posture, nous en serions restés au même point.
L’idée d’une proposition de loi globale est intéressante. Peut-être un texte pourra-t-il être examiné avant la fin de la législature, monsieur le ministre ? Ce serait un acte extrêmement fort !
Je conclurai en évoquant le bien commun, comme je l’ai fait au début de ce débat. Edgard Pisani estimait que l’on ne parviendrait pas à assurer l’alimentation de l’ensemble de l’humanité sans mettre en place une gouvernance mondiale dans ce domaine. Avançons donc sur la maîtrise du foncier comme sur la maîtrise de l’alimentation !
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l’article 30 A, modifié.
(L’article 30 A est adopté.)
Articles additionnels après l’article 30 A (priorité)
Mme la présidente. L’amendement n° 633, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 30 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le sixième alinéa de l’article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles peuvent également, pour le même objet ainsi que pour le maintien et la consolidation d’exploitations agricoles, exercer leur droit de préemption en cas de cession partielle des parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole, lorsque l’acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions, ou une minorité de blocage au sein de la société, sous réserve, le cas échéant, de l’exercice des droits mentionnés aux articles L. 322-4 et L. 322-5 par un associé en place depuis au moins dix ans. »
La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Il s’agit encore une fois de renforcer les outils mis à disposition des SAFER. Cet amendement vise à leur permettre d’exercer leur droit de préemption « en cas de cession partielle de parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole, lorsque l’acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions, ou une minorité de blocage au sein de la société ».
Nous avons abordé ce sujet lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, mais il était difficile à régler. Les dispositions introduites par cet amendement, complétées par celles que vous venez d’adopter avec l’amendement précédent, permettront aux SAFER d’agir, afin d’éviter que des transferts n’interviennent au sein de sociétés de manière invisible, aboutissant à des agrandissements de fait qui réduisent le foncier disponible pour l’installation. Il s’agit donc d’une disposition également très importante.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Comme vient de le souligner M. le ministre, cette mesure s’inscrit dans la droite ligne des dispositions que nous venons de voter. L’adoption de cet amendement est nécessaire pour permettre d’atteindre les objectifs que nous nous fixons pour la gestion du foncier et la lutte contre la financiarisation.
Il s’agit d’étendre le droit de préemption des SAFER aux cessions partielles de parts de société ayant pour objet principal la propriété agricole. Un dispositif similaire existe au profit des communes pour l’exercice du droit de préemption urbain sur les parts de société civile immobilière. Il est complémentaire du dispositif prévu à l’amendement n° 502, qui vient d’être adopté.
Les cas dans lesquels les SAFER peuvent exercer leur droit de préemption sont prévus par les articles L. 141-1 et L. 143-1-1 du code rural et de la pêche maritime. Sont concernées toutes les cessions de terres agricoles, de fermes ou de bâtiments agricoles, mais aussi, depuis la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la pêche de 2014, les cessions avec démembrement de propriété entre usufruit et nue-propriété et les cessions de parts de sociétés agricoles, à condition que la cession soit totale.
La loi prévoit aussi une liste de cas dans lesquels la SAFER ne peut pas exercer son droit de préemption. L’article L. 143-4 du code rural et de la pêche maritime exclut notamment la préemption pour les cessions dans le cadre familial, qui est ainsi protégé ; il est important de le préciser. Par ailleurs, l’utilisation du droit de préemption est limitée aux cas où il s’agit de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs ou de conforter des exploitations existantes ; cette utilisation est exclue lorsque la SAFER vise un autre but.
Ensuite, le droit de préemption ne peut pas s’appliquer aux cessions de parts effectuées en application du droit de préférence d’un associé. Par rapport à la première mouture du texte, cette rédaction a le mérite de ne pas casser les outils existants, GAEC ou EARL.
Enfin, tous les cas d’exception au droit de préemption des SAFER continuent à s’appliquer, notamment pour les cessions dans le cadre familial.
La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Le dispositif prévu complète utilement celui qu’a défendu M. le rapporteur et que nous venons d’adopter. Il garantit le droit de préemption des SAFER lors de la prise de contrôle du capital d’une société foncière par l’un des actionnaires.
Encore une fois, il ne faut pas se méprendre : le droit de préemption n’est utilisé que dans une minorité de cas par les SAFER. En revanche, il permet de négocier – c’est le mot important – avec les sociétés afin de garantir leur mission de service public.
Je me suis permis d’insister sur ce point, parce que j’ai entendu parler de « régime bolchevique »… (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.) Il s’agit de donner aux SAFER un moyen de pression fort sur les sociétés intéressées par la spéculation. Nous serons tous d’accord pour dire qu’il s’agit de dynamiser l’agriculture et l’activité forestière, de favoriser l’installation des jeunes, de protéger l’environnement, les paysages et les ressources naturelles et d’accompagner le développement de l’économie locale. Il est donc important de parachever le mécanisme que nous avons commencé à mettre en place lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
Mme Cécile Cukierman. Vive les kolkhozes ! (Sourires.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 30 A.
Par ailleurs, je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 275 rectifié est présenté par M. Bizet, Mme Troendlé, MM. Milon, Vasselle, César, Grosperrin et Kennel, Mme Morhet-Richaud, M. Danesi, Mmes Lopez et Gruny, MM. de Raincourt, Trillard, Carle, Cardoux, del Picchia, Cornu, Vaspart, Dufaut, Emorine et B. Fournier, Mme Cayeux, MM. Delattre, Doligé, Rapin, Chasseing, Longuet, Chaize, Grand, Allizard, Lefèvre et Laménie, Mme Primas et MM. J.P. Fournier, Bonhomme, Charon, Masclet et Revet.
L’amendement n° 295 est présenté par Mme Espagnac, MM. Guillaume et Botrel, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 30 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifiée :
1° L’intitulé est ainsi modifié :
a) Le mot : « répertoire » est remplacé par le mot : « barème » ;
b) Après le mot : « valeur », il est inséré le mot : « vénale » ;
2° L’article L. 312-3 est abrogé ;
3° L’article L. 312-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 312-4. – Un barème de la valeur vénale moyenne des terres agricoles est publié chaque année par décision du ministre chargé de l’agriculture.
« Ce barème est établi pour chaque département, par région naturelle et nature de culture, en tenant compte notamment des valeurs retenues à l’occasion des mutations intervenues au cours de l’année précédente et au besoin au cours des cinq dernières années.
« Les informations figurant au barème de la valeur vénale des terres agricoles constituent un élément d’appréciation du juge pour la fixation du prix des terres.
« Les modalités d’établissement du barème prévu au présent article sont fixées par décret. »
La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° 275 rectifié.
M. Jean Bizet. Cet amendement de clarification vise à institutionnaliser et pérenniser un barème indicatif qui permettrait d’éviter un développement de la spéculation foncière et d’assurer une meilleure transparence du marché foncier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 295.
Mme Frédérique Espagnac. J’ajoute aux propos de mon collègue qu’il existe aujourd’hui, en pratique, deux outils : un répertoire dont le code rural et de la pêche maritime prévoit la mise en place, mais qui, dans les faits, n’existe pas, et un barème indicatif, qui devait être provisoire en attendant la mise en place du répertoire.
Ce barème indicatif de la valeur vénale des terres agricoles fait déjà l’objet d’une publication annuelle régulière. Il convient donc de lui donner un caractère permanent et d’en préciser le cadre.
Mme la présidente. L’amendement n° 214 rectifié quinquies, présenté par MM. Longeot, L. Hervé, Luche, Médevielle, Cigolotti, Kern, Bonnecarrère, Canevet, Guerriau et Roche, est ainsi libellé :
Après l’article 30 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section III du chapitre II du titre Ier du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifiée :
1° Dans l’intitulé, le mot : « répertoire » est remplacé par le mot : « barème » ;
2° L’article L. 312-3 est abrogé ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 312-4 est ainsi rédigé :
« Un barème de la valeur vénale moyenne des terres agricoles est publié chaque année par décision du ministre chargé de l’agriculture. »
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Connaître le prix des terres agricoles permet de suivre les dynamiques territoriales, dans un contexte où la question foncière se pose de façon cruciale : il est donc indispensable de disposer de données adéquates. Celles-ci aident en effet à la mise en place de politiques d’aménagement adaptées et constituent un signal donné aux agriculteurs. Il faut donc en assurer la qualité.
Cet amendement vise à mettre à jour les mesures relatives au barème de la valeur des terres agricoles, publié chaque année par le ministère de l’agriculture, barème qui se substituerait définitivement au répertoire de la valeur des terres prévu dans les textes, mais qui n’a jamais été mis en œuvre. Ce barème permettrait une information efficace et une meilleure évaluation de la valeur des terres.
En résumé, il s’agit de mettre en place un outil de gestion efficace et pertinent des valeurs foncières.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’article L. 312-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit un répertoire de la valeur vénale des terres agricoles dans chaque département, établi par la commission départementale d’aménagement foncier. Ce barème porte sur la valeur vénale, la valeur locative et la valeur de rendement des terres.
Dans l’attente de la mise en place de ce répertoire, un barème indicatif est établi par arrêté du ministre chargé de l’agriculture. Cet arrêté donne des valeurs maximales et minimales, ainsi que des valeurs moyennes par département.
Le répertoire établi par la commission départementale d’aménagement foncier prévu à l’article L. 312-3 n’a jamais été mis en place et seul le barème indicatif ministériel fait aujourd’hui référence.
Les trois amendements visent donc à le supprimer et à ne plus faire référence qu’au barème ministériel, dans un souci de clarification et de simplification. Ce barème ministériel doit être précis, avec déclinaison au sein des départements par région naturelle et par nature de culture, j’insiste sur ce point qui devrait rassurer tout le monde.
Le barème de la valeur vénale doit constituer une référence pour les juges lors des contestations sur les prix, par exemple en cas de préemption des SAFER avec révision de prix. De plus, nous avons la certitude qu’il est opérationnel.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 275 rectifié et 295 et demande le retrait de l’amendement n° 214 rectifié quinquies, moins complet. Or il serait dommage d’appauvrir ce répertoire national.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Parfois, le provisoire devient définitif. Tel est le cas ce soir. En outre, cette pérennisation permettra de clarifier les choses. Le Gouvernement émet le même avis que la commission : les deux amendements identiques sont plus précis que l'amendement n° 214 rectifié quinquies.
Mme la présidente. Monsieur Longeot, l’amendement n° 214 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Compte tenu des explications qui viennent d’être données, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 214 rectifié quinquies est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 275 rectifié et 295.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 30 A.
Par ailleurs, je constate que ces amendements identiques ont été adoptés à l'unanimité des présents.
L’amendement n° 501, présenté par M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 30 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les prises de participation ou modifications de la participation au sein d’une exploitation agricole d’une personne physique ou morale qui aboutit à ce que celle-ci exerce un contrôle effectif et durable dans cette exploitation en termes de décisions liées à la gestion, aux bénéfices et aux risques financiers. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Il s’agit de rétablir le texte issu des travaux de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.
Le contrôle des structures est un dispositif qui a été mis en place en France pour éviter la concentration des terres agricoles. Il consiste notamment en une autorisation préfectorale pour des installations, agrandissements ou réunions d’exploitations agricoles.
En vue de contrecarrer l’action des logiques spéculatives de certaines sociétés, d’origine étrangère ou non – on parle beaucoup des Chinois ; en fait, nous sommes contre les fonds d’investissement chinois, mais nous n’avons rien contre les Chinois, je tenais à le préciser ! –, cet amendement vise à rendre plus transparentes les prises de participation significatives par des personnes physiques ou morales dans des exploitations agricoles sociétaires existantes qui font l’objet d’une transmission par vente de parts sociales. Il est prévu de soumettre à autorisation d’exploiter les prises de participation qui aboutissent à un contrôle effectif et durable en termes de décisions liées à la gestion, aux bénéfices et aux risques financiers des exploitations agricoles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à étendre le contrôle des structures aux opérations qui, sans entraîner de modification dans l’activité de l’exploitation agricole, en modifient la propriété. Ainsi, les prises de participation qui amèneraient une personne physique à prendre le contrôle d’une exploitation agricole seraient soumises à cette autorisation administrative.
Si les députés ont initialement adopté une telle disposition, ils ont préféré un mécanisme d’extension du droit de préemption des SAFER, car la modification proposée de l’article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime posait deux problèmes.
Le premier problème est juridique, car le contrôle des structures porte sur les agrandissements d’exploitations. Il existe un vrai risque constitutionnel, en étendant le contrôle des structures aux évolutions du capital sans lien avec l’impact sur les conditions de l’exploitation. Permettre de remettre en cause une autorisation, alors qu’une exploitation ne s’agrandit pas, serait contraire au principe constitutionnel de liberté du commerce.
Le second problème est pratique. La loi énumère une liste limitée de cas où le préfet peut refuser une autorisation d’exploiter. Or une modification des associés ou de la répartition des parts sociales au sein d’une exploitation ne saurait, en cas de contentieux, justifier un refus.
Par ailleurs, effectuer un contrôle des structures systématique sur les mouvements du capital social des exploitations augmenterait considérablement le nombre des dossiers à traiter par l’administration de l’État et risquerait de ralentir l’ensemble du processus, au détriment des agriculteurs.
D’une certaine manière, l’adoption d’une telle disposition pourrait réduire l’intérêt du contrôle. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Pour reprendre une expression familière, monsieur le sénateur, vous voulez avoir « ceinture et bretelles » ! (Sourires.) Or les dispositions déjà prises sont suffisantes. Évidemment, on veut toujours vouloir aller plus loin et estimer que la loi doit tout régler. Je pense cependant que nous disposons désormais d’outils qui ont permis de progresser énormément : les SAFER peuvent maintenant exercer leur droit de préemption en cas de cessions de parts.
Ajouter un contrôle des structures, en pensant que cela réglera tous les problèmes n’est pas utile : ils seront réglés avant. En effet, comme je l’ai souligné tout à l’heure, le contrôle des structures est déjà opérationnel. Dans l’affaire des achats chinois qui a fait tant de bruit, nous avons mis en demeure l’acquéreur de demander à l’administration le droit d’exploiter, ce qu’il n’a pas fait : nous allons donc interdire l’exploitation. C’est la preuve que le système fonctionne.
L’objectif est de laisser les SAFER intervenir. Laissons de côté le droit des structures, parce que nous risquons de tout mélanger et d’ajouter des dispositions qui ne sont pas nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.
Mme Frédérique Espagnac. Compte tenu du risque constitutionnel lié à la remise en cause de la liberté d’entreprendre, nous voterons contre cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Jusqu’à maintenant, j’étais très satisfait de la tenue des débats ! M. le ministre a raison de dire que nous sommes exigeants quant à la nécessité de « border » ces dispositifs, même si, pour lui, cela revient à vouloir « ceinture et bretelles ».
Quoi qu’il en soit, la qualité du débat crée un climat de confiance entre nous. Je retire donc cet amendement.
Sachez cependant que ce fameux principe constitutionnel de liberté du commerce devra, un jour ou l’autre, être remis en question pour ce qui concerne les biens alimentaires et les terres nourricières.
Mme Sophie Primas. C’est dans la Constitution !
Mme Éliane Assassi. La Constitution peut être remise en cause !
Mme la présidente. L’amendement n° 501 est retiré.
L’amendement n° 228 rectifié quater, présenté par MM. Longeot, Luche, Médevielle, Cigolotti, Kern, Canevet, Guerriau et Roche, est ainsi libellé :
Après l’article 30 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° L’article L. 411-35 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « Sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et », sont supprimés ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« De même, et pour les baux conclus à compter du 29 septembre 2017, la cession peut également être consentie lorsqu’elle intervient au profit de l’installation d’un nouvel agriculteur hors du cadre familial répondant aux critères mentionnés à l’article L. 330-1 permettant de bénéficier du dispositif d’aide à l’installation. Dans ce cas, en l’absence d’agrément du bailleur, le tribunal paritaire ne pourra autoriser la cession. » ;
2° Le chapitre VIII est abrogé.
II. – Les baux consentis en vertu du chapitre VIII du titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime antérieurement à son abrogation demeurent régis par les dispositions du code rural et de la pêche maritime en vigueur avant la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à améliorer le régime de la cessibilité des baux hors du cadre familial.
En effet, il est prévu d’y substituer un mécanisme de cession pour les jeunes hors du cadre familial dans tous les nouveaux contrats, plus judicieux et respectueux des droits du bailleur. Avec cette modification, toutes les mesures relatives à la cessibilité, qu’elle intervienne dans le cadre familial ou hors de ce cadre, réintégreront le droit commun du statut du fermage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement intéressant, mais aborder ce soir le dispositif qu’il prévoit sans avoir cerné l’ensemble de la problématique foncière nous expose à commettre des erreurs.
Les auteurs de cet amendement ont le mérite d’ouvrir le débat sur l’installation, le renouvellement des générations, l’accès au foncier, y compris hors du cadre familial. Il me semble cependant que ce débat trouverait toute sa place dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi sur le foncier et le fermage, en relation avec le statut de l’exploitant et la place de l’activité agricole.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous avons longuement débattu de ce sujet lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt et essayé de trouver un équilibre général sur la question de la cessibilité des baux, qui n’est pas un sujet simple.
Je comprends les intentions des auteurs de cet amendement. Je leur fais observer cependant que ce projet de loi a pour objet la transparence ; il vise à éviter que des cessions puissent se produire sans que personne ait la possibilité de les empêcher. Cet amendement porte sur un autre sujet.
Rouvrir le débat sur la suppression de la cessibilité des baux dans le cadre familial mérite que l’on prenne beaucoup de précautions. De telles mesures peuvent paraître simples à prendre sur le papier, mais pourront avoir des conséquences indésirables. J’estime que l’équilibre atteint lors de l’adoption de la loi d’avenir pour l’agriculture doit être préservé.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. J’ai bien entendu les arguments de M. le ministre et de M. le rapporteur pour avis. Je considère qu’il s’agit d’un amendement d’appel et le retire donc, car cette question devrait en effet être traitée dans le cadre d’une proposition de loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 228 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 218 rectifié quater, présenté par MM. Longeot, Luche, Médevielle, Cigolotti, Kern, Canevet, Guerriau et Roche, est ainsi libellé :
Après l’article 30 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’avant-dernier alinéa de l’article L. 732-39 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Un arrêté du ministre chargé de l’agriculture détermine la superficie maximale dont un agriculteur est autorisé à poursuivre l’exploitation ou la mise en valeur sans que cela ne fasse obstacle au service des prestations d’assurance vieillesse liquidées par un régime obligatoire. Cet arrêté prévoit des équivalences inférieures en superficie pour certaines cultures ou productions. »
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er février 2017. Les superficies retenues par arrêtés préfectoraux, le cas échéant successifs, au titre de l’article L. 732-39 dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeurent applicables aux liquidations qui précèdent l’entrée en vigueur du I.
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Il s’agit de modifier la disposition du code rural relative à la conservation des parcelles de subsistance par un agriculteur retraité. Par mesure de simplification, l’arrêté préfectoral prévoyant la fixation de ces surfaces par département est remplacé par un arrêté du ministre de l’agriculture, fixant une surface maximale nationale unique, accompagnée le cas échéant d’équivalences par production. Cette mesure a pour vocation de limiter la rétention foncière qui nuit à l’installation et au développement économique de l’activité des jeunes agriculteurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement s’inscrit dans le même esprit que le précédent et ses auteurs posent une bonne question.
À l’inverse du débat que nous avons eu tout à l’heure sur le répertoire national des valeurs vénales, il s’agit ici d’un sujet très sensible. La surface des terres n’a pas forcément la même signification en fonction des territoires. Vouloir uniformiser la parcelle de subsistance au moyen d’une règle nationale ne me semble pas indiqué.
Cette question aurait toute sa place dans le cadre de l’examen d’une proposition de loi consacrée à la question du foncier. Il faut vraiment être en mesure de bien appréhender toutes les dimensions du problème et d’adopter une approche territoriale, prenant en compte les valeurs réelles des terres et les contextes agricoles locaux, car l’agriculture ne se pratique pas de manière uniforme sur nos territoires.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je suis moi aussi défavorable à ce que soient décidées à l’échelon national des surfaces de subsistance, qui sont aujourd’hui adaptées à chaque département. Il y a déjà eu suffisamment de débats sur la décentralisation ici au Sénat.
En plus, imaginez que le ministre serait obligé de faire lui-même les calculs… On a assez de travail comme cela ! (Sourires.)
Les choses se passent bien ainsi, il n’est nul besoin de faire remonter les procédures à l’échelon national. En outre, M. le rapporteur l’a souligné : les situations sont totalement différentes selon les départements et il vaut mieux que les préfets agissent au plus près de ceux qui en seront les bénéficiaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.
M. Jean-François Longeot. Je m’en voudrais de surcharger M. le ministre de l’agriculture ! (Nouveaux sourires.)
Trêve de plaisanterie, je pense également que ce sujet pourrait faire l’objet d’une réflexion beaucoup plus approfondie. Je retire donc mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 218 rectifié quater est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 287 est présenté par Mme Espagnac, MM. Guillaume et Botrel, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 303 rectifié quinquies est présenté par MM. Longeot, L. Hervé, Luche, Médevielle, Cigolotti, Kern, Canevet, Guerriau et Roche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 30 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 221-2 du code de l’urbanisme est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, lorsque les terres concédées sont à usage agricole, il ne peut être mis fin à ces concessions que moyennant préavis :
« - soit d’un an au moins, dès lors qu’une indemnisation à l’exploitant est prévue au contrat de concession en cas de destruction de la culture avant la récolte ;
« - soit de trois mois avant la levée de récolte ;
« - soit de trois mois avant la fin de l’année culturale. »
La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 287.
Mme Frédérique Espagnac. Il s’agit d’assouplir le régime de concession temporaire prévu à l’article 221-2 du code de l’urbanisme, ce qui répond à une demande du monde agricole.
Actuellement, les immeubles acquis par une personne publique pour la constitution de réserves foncières peuvent faire l’objet de concessions temporaires afin de ne pas laisser une terre à l’abandon en attendant la réalisation de travaux. Pour les terres agricoles, la fin de cette concession temporaire est subordonnée actuellement à la délivrance d’un préavis d’un an.
Nous proposons d’apporter des assouplissements à ce délai en prévoyant la possibilité qu’il soit délivré trois mois avant la levée de récolte ou trois mois avant la fin de l’année culturale.
Cette mesure irait autant dans le sens des agriculteurs, puisqu’elle leur apporterait une sécurité pour leur récolte, que dans celui des personnes publiques, car elle leur permettrait de réduire le délai en fonction de la date de la récolte.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 303 rectifié quinquies.
M. Jean-François Longeot. Il est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Ces amendements partent du constat que certaines collectivités hésitent à accorder des concessions temporaires aux agriculteurs sur les terres situées dans leur réserve foncière, de peur de ne pas pouvoir les récupérer rapidement. Un préavis d’un an est en effet actuellement prévu.
Aussi s’agit-il de réduire les délais de fin de concession à trois mois avant la levée de récolte ou à trois mois avant la fin de l’année culturale, et d’en rester à un an dans les autres cas, mais uniquement lorsqu’une indemnisation est prévue en cas de destruction de récolte.
À mon sens, le dispositif proposé risque de poser d’autres problèmes, même si l’idée semble généreuse. Le risque est grand que les collectivités, ne connaissant pas forcément les dates de levée des récoltes et les limites de l’année culturale,…
Mme Frédérique Espagnac et M. Claude Bérit-Débat. Tout de même !
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. D’expérience, je sais que des collectivités peuvent être amenées à payer la destruction de récoltes.
J’en suis persuadé, ces amendements, s’ils étaient votés, pourraient avoir un effet inverse à celui qui est recherché, les collectivités se gardant d’accorder des concessions temporaires à des agriculteurs sur des terrains devant faire l’objet d’aménagements.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour les élus locaux ici présents, ce sujet présente un intérêt certain.
Je distingue bien la finalité de ce dispositif, qui peut toutefois présenter quelques inconvénients, selon les cas et les interprétations qui peuvent être faites par les uns et par les autres.
Aussi, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée. Les nombreux élus locaux qui la composent sont à même de bien mesurer les conséquences du vote de ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le rapporteur, il me semble injurieux de dire que les représentants des collectivités, c’est-à-dire les maires, les conseillers départementaux, les conseillers régionaux, que nous sommes pour la plupart, ne connaissent pas les dates de récolte. Votre argumentation est trop lapidaire.
Je voterai ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Moi aussi, je soutiendrai ces amendements identiques. Nous avons encore la chance d’avoir des expériences d’élus locaux – M. le ministre vient de le rappeler à juste titre –, autant en profiter ! (Sourires.)
Pour l’avoir vécu dans un certain nombre de dossiers, je sais exactement ce qui se passe. Des opérations sont assez souvent bloquées par des procédures administratives, qui peuvent durer des années. Aussi, il vaut toujours mieux faire des concessions pour permettre l’exploitation. Cependant, les élus locaux ont besoin de récupérer l’utilisation de ces terres dans les meilleurs délais quand la situation se débloque ou que les investissements sont trouvés.
Certes, ces concessions sont aussi faites dans l’intérêt des exploitants agricoles et évitent d’avoir des terres inutilisées, mais l’intérêt général commande de donner un peu plus de liberté aux collectivités. C’est tout à fait pertinent.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je trouve moi aussi qu’il s’agit d’amendements de très bon sens. Or il importe de remettre le bon sens à sa juste place.
En tant que maire de ma commune, il m’est arrivé de mettre des terres à disposition sans signer aucun papier, juste sur le fondement de la parole donnée, qui a encore une valeur pour moi. (M. Jean Bizet s’exclame.)
Nous soutiendrons donc ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Nous avons tous l’expérience de nos territoires et j’ai bien entendu vos arguments, mes chers collègues.
Cependant, monsieur Mézard, le système fonctionne bien aujourd’hui. On voit rarement des terres en friche, car des accords sont en général trouvés entre les maires et les exploitants.
Parler d’indemnités dans la loi peut devenir un frein. Il y a en effet un risque, car les représentants des collectivités ne savent pas à l’instant t quand ils pourront récupérer ces terres. Il est préférable d’avoir un accord amiable ; c’est ce qui se passe en général de façon satisfaisante, respectueuse et efficace sur nos territoires.
Tel a été le souci de la commission des affaires économiques, qui a préféré émettre un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 287 et 303 rectifié quinquies.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 30 A.
Article 30 C (priorité)
I. – Le I de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du quatrième alinéa, sont insérées trois phrases ainsi rédigées :
« Les critères et modalités de détermination du prix font référence à un ou plusieurs indicateurs publics d’évolution des coûts de production en agriculture et à un ou plusieurs indices publics du prix de vente des principaux produits fabriqués par l’acheteur, qui peuvent être établis par accords interprofessionnels ou par l’Observatoire de la formation des prix et des marges. Ces indicateurs et indices peuvent être régionaux, nationaux et européens. L’évolution de ces indicateurs et indices est communiquée sur une base mensuelle par l’acheteur à l’organisation de producteurs ou à l’association d’organisations de producteurs signataire de l’accord-cadre mentionné au présent I. »
1° bis (nouveau) Après le dixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où, pour l’exécution du contrat, l’établissement de la facturation par l’acheteur est déléguée à un tiers, elle fait l’objet d’un acte écrit et séparé du contrat. Le mandat de facturation ne peut avoir une durée supérieure à un an. »
2° L’avant-dernier alinéa est remplacé par sept alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la conclusion ou la proposition de contrats écrits a été rendue obligatoire soit par un décret mentionné au cinquième alinéa du présent I soit par un accord interprofessionnel mentionné au III et qu’une organisation de producteurs ou une association d’organisations de producteurs est habilitée, conformément au droit de l’Union européenne, à négocier les contrats au nom et pour le compte de ses membres en vertu d’un mandat donné à cet effet, la conclusion des contrats est subordonnée à la conclusion d’un accord-cadre écrit entre cette organisation ou association et l’acheteur.
« Cet accord-cadre porte sur l’ensemble des clauses mentionnées au quatrième alinéa du présent I. Il précise en outre :
« a) La quantité totale et la qualité à livrer par les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association ainsi que la répartition de cette quantité entre les producteurs ;
« b) Les modalités de cession des contrats et de répartition des quantités à livrer entre les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association ;
« c) Les règles organisant les relations entre l’acheteur et l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs.
« Les modalités de la négociation annuelle sur les volumes et le prix ou les modalités de détermination du prix entre l’acheteur et l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs.
« d) Il peut également préciser les modalités de gestion des écarts entre le volume ou la quantité à livrer et le volume ou la quantité effectivement livré par les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association. » ;
3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque la conclusion ou la proposition de contrats écrits a été rendue obligatoire par le décret mentionné au cinquième alinéa du présent I ou par un accord interprofessionnel mentionné au III, l’acheteur doit transmettre mensuellement à l’organisation de producteurs ou à l’association d’organisations de producteurs avec laquelle un accord-cadre a été conclu les éléments figurant sur les factures individuelles des producteurs membres ayant donné un mandat de facturation à l’acheteur et les indices et données utilisés dans les modalités de détermination du prix d’achat aux producteurs. Les modalités de transmission de ces informations sont précisées dans un document écrit. »
II (Non modifié). – Le sixième alinéa de l’article L. 631-25 du même code est ainsi rédigé :
« – ou de remettre au producteur une proposition de contrat non conforme à l’accord-cadre prévu au I de l’article L. 631-24 ; ».
III (Non modifié). – La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 631-27 du même code est complétée par les mots : « ou à un accord-cadre prévu au I de l’article L. 631-24 du présent code ».
IV (Non modifié). – Le premier alinéa de l’article L. 631-28 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il en est de même pour tout litige entre professionnels relatif à l’exécution d’un accord-cadre mentionné au I de l’article L. 631-24. »
Mme la présidente. Je suis saisie de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 268, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Un ou plusieurs indices nationaux et européens prenant en compte la situation du marché, rendus publics par accords interprofessionnels ou par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, peuvent servir de référence à la négociation du prix. »
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit de modifier la rédaction de l’alinéa 3 pour répondre aux inquiétudes des coopératives agricoles, qui ont pu observer que la rédaction actuelle est en fait la mise en œuvre de l’article L 441-8 du code de commerce. Ce dernier ayant suscité de nombreuses difficultés dans la formalisation des accords commerciaux en 2015 est très peu utilisé par les opérateurs économiques.
Cela est d’autant plus difficile à concevoir pour les coopératives que celles-ci prennent d’ores et déjà en considération les coûts de production de leurs adhérents, eux-mêmes propriétaires de la coopérative, notamment à travers l’affectation du résultat en assemblée générale et le versement de ristournes.
La référence obligatoire aux indices pourrait constituer une difficulté supplémentaire dans l’achat de produits agricoles bruts français par les entreprises de transformation françaises, qui sont elles-mêmes soumises à une concurrence mondiale dans le référencement de leurs produits finis, donc favoriser les importations.
En clair, monsieur le ministre, ma préoccupation est de veiller à ce que les coopératives agricoles ne soient pas pénalisées par le nouveau système, alors même que leur façon de prendre en compte les coûts de production est assez spécifique à leur statut.
Mme la présidente. L'amendement n° 537 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les critères et modalités de détermination du prix font référence à un ou plusieurs indicateurs publics des coûts de production en agriculture et à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires, qui peuvent être établis par accords interprofessionnels ou par l'Observatoire de la formation des prix et des marges. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement a pour objet de rétablir l’objectif initial de l’article, qui visait à faire référence, dans les contrats passés entre producteurs et industriels, à des indicateurs de coût de production et à des indices de prix de marché des produits agricoles.
Nous connaissons tous la situation actuelle : les relations commerciales restent encore très défavorables aux producteurs – je pense notamment à la question du prix du lait, sur laquelle je reviendrai
L’article 30 C originel proposait de nombreuses avancées, notamment la prise en compte des coûts de production dans les formules de prix, ce qui est très demandé par les producteurs.
Il est préférable de prendre en compte les coûts de production en valeur absolue plutôt qu’en termes d’évolution. En effet, si l’on regarde la situation actuelle de l’agriculture en général, on constate que ses coûts baissent, sans pour autant être couverts par des prix rémunérateurs. La notion d’évolution est donc restrictive et insuffisante.
J’ajouterai, et j’y reviendrai en explication de vote, que la situation actuelle, en particulier au niveau du prix de lait, révèle une situation extrêmement difficile pour les producteurs. Il y a notamment des raisons européennes, qui tiennent aux surproductions consécutives à la suppression des quotas, mais il faut savoir que, en ce moment, des industriels achètent à 257 euros la tonne, alors que, voilà un an, nos agriculteurs se battaient pour essayer de faire fixer le prix à 360 euros la tonne.
Aujourd’hui, M. le ministre le sait, à 260 euros la tonne, des milliers d’exploitations agricoles ne peuvent pas tenir le coup. Il importe donc de faire évoluer notre législation. Nous connaissons la position de la commission, mais il me semble qu’il faut aller plus loin, éventuellement dans un autre texte, car il y a une véritable urgence.
Mme la présidente. L'amendement n° 142, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
1° Supprimer les mots :
d’évolution
2° Remplacer les mots :
du prix de vente des principaux produits fabriqués par l’acheteur
par les mots :
des prix des produits agricoles ou alimentaires
La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L'article 30 C vise à obliger, dans les contrats passés entre producteurs et industriels, à faire référence à des indicateurs de coût de production et à des indices de prix de marché des produits agricoles.
Nous souhaitons que les indices de prix fassent référence aux principaux produits fabriqués par l’acheteur. Ainsi, la clause jouerait différemment selon l’évolution du marché de l’acheteur. Nous proposons donc que la référence au mix produits de l’industriel soit retirée, car elle reconnecterait le prix payé au producteur au prix de vente du produit fabriqué par l’industriel, à la hausse comme à la baisse, selon ses négociations avec la grande distribution.
En outre, le mécanisme est plus complexe à mettre en œuvre qu’une simple référence à un indicateur public de coût de production. En tout état de cause, comme l’a dit M. Mézard, nous y reviendrons lorsque nous aborderons les prix moyens dans le cadre des contrats passés.
Mme la présidente. L'amendement n° 280, présenté par Mme Espagnac, MM. Guillaume et Botrel, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, Camani, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
coûts de production en agriculture
insérer les mots :
représentatifs des bassins de production
Mme Frédérique Espagnac. Il s’agit de préciser que les indicateurs publics de coût de production en agriculture pris en compte dans les critères et modalités de détermination des prix sont représentatifs des bassins de production.
Nous estimons en effet que chaque territoire a ses particularités. Attachés à cette diversité, qui fait la force de notre agriculture, il nous semble indispensable que les indicateurs ou indices prennent en compte les bassins de production afin de refléter au mieux la réalité des coûts de production sur un territoire donné. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 281, présenté par Mme Espagnac, MM. Guillaume et Botrel, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
, qui peuvent être établis par accords interprofessionnels ou par l'Observatoire de la formation des prix et des marges
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Cet amendement vise à préciser l’alinéa 3 de l’article 30 C. Il s’agit de proposer une vision moins restrictive des indicateurs ou indices pouvant servir de référence à la détermination des prix dans les contrats agricoles. En effet, la rédaction actuelle confie le soin d’établir cette référence aux accords interprofessionnels ou à l’Observatoire de la formation des prix et des marges. Si ces derniers sont bien évidemment pertinents pour le faire, il paraît regrettable d’exclure toute une série d’établissements ou organismes pouvant apporter, eux aussi, leur expertise. Je pense notamment à FranceAgriMer, au service statistique public ou encore aux instituts techniques agricoles.
Afin de n’exclure aucune source, et par là même de s’assurer d’indicateurs ou indices fiables et adaptés, il semble nécessaire de ne pas préciser la liste des organismes pouvant fournir de telles données. En tout état de cause, ces indices devront rester publics, ce qui permettra de garantir une certaine fiabilité.
Mme la présidente. L'amendement n° 282, présenté par Mme Espagnac, MM. Guillaume et Botrel, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
qui peuvent
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
notamment être établis par accords interprofessionnels et par l'Observatoire de la formation des prix et des marges.
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Il s’agit d’un amendement de repli.
Mme la présidente. L'amendement n° 24 rectifié bis, présenté par MM. Vasselle, Houel, Milon, Morisset et Lefèvre, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, B. Fournier et Bizet, Mmes Deromedi, Duchêne et Cayeux, M. Laménie, Mme Gruny et MM. Pellevat et Chaize, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, deuxième et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
II. – Alinéa 15, première phrase
1° Remplacer les mots :
acheteur et
par le mot :
acheteur,
2° Compléter cette phrase par les mots :
et les évolutions des ventes en volume et en valeur des principaux produits fabriqués par l’acheteur
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Un amendement adopté à l’Assemblée nationale fait référence, dans les contrats en amont, aux indices publics du prix de vente des principaux produits fabriqués par l’acheteur. En d’autres termes, on reconnecte le prix payé au producteur au prix de marché du produit fabriqué par l’industriel, à la hausse comme à la baisse, selon les négociations avec la grande distribution.
Cette disposition semble contradictoire avec la première partie de l’article 30 C, dont l’objectif est la prise en compte des coûts de production, le risque étant de faire du prix payé au producteur une résultante de la négociation en aval.
En revanche, il pourrait être intéressant que les évolutions des ventes en volume et en valeur des principaux produits fabriqués par l’acheteur soient mises à disposition de l’organisation de producteurs mensuellement, comme un élément essentiel de transparence. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 15 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Morisset, Milon, Lefèvre, Houel et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. B. Fournier et Bizet, Mmes Deromedi et Duchêne, M. Laménie, Mmes Cayeux et Gruny et M. Chaize.
L'amendement n° 176 rectifié bis est présenté par MM. Cigolotti, Pellevat, Roche, Bonnecarrère, Kern, Canevet et Luche, Mme Loisier et MM. Lasserre, Gabouty, Médevielle et Guerriau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une négociation sur les volumes et le prix ou les modalités de détermination du prix contenus dans le contrat est conclue avant le 30 novembre de chaque année, y compris pour les contrats pluriannuels.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié bis.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Il s’agit de renverser le mécanisme de construction du prix : celui-ci doit se construire d’abord au stade de la production, pour ensuite être pris en compte dans les négociations effectuées en aval de la filière.
Ainsi, il serait prévu un temps de négociation devant se terminer avant le 30 novembre entre les producteurs et leurs acheteurs, afin de précéder l’envoi des conditions générales de vente, les CGV, des industriels aux distributeurs.
Cette négociation permettrait aux parties de négocier un prix objectif et les volumes d’achat. Actuellement, des négociations ont lieu en cours d’année pour requalifier les volumes et le prix payé au producteur. L’instauration d’une date limite de négociation aurait pour but de clarifier des pratiques de renégociation, souvent sollicitées par les transformateurs au gré de la conjoncture.
Cette nouvelle obligation a également pour objet de donner plus de lisibilité et de visibilité aux producteurs en termes de prix et de volume.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour présenter l’amendement n° 176 rectifié bis.
M. Olivier Cigolotti. Madame la présidente, considérons qu’il a été défendu par ma collègue !
Je précise cependant qu’à la transparence, évoquée par M. le ministre comme un objectif fondamental de ce texte, nous proposons d’ajouter la logique et le bon sens.
Mme la présidente. L'amendement n° 240, présenté par M. Canevet, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Par l’amendement n° 268, Mme Lienemann propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 3 de l’article 30 C n’exigeant plus que des critères et modalités de détermination des prix dans les contrats entre agriculteurs et industriels, dits contrats LMA, fassent référence à des indicateurs d’évolution des coûts de production en agriculture. L’adoption de cet amendement permettrait simplement que des indicateurs de marché connus servent de référence à la négociation des prix, mais il n’y aurait aucune obligation d’utiliser de tels indicateurs, si bien que le dispositif ne serait absolument pas contraignant. Les parties pourraient tout aussi bien utiliser d’autres indicateurs. Finalement, ce dispositif fonctionnerait moins bien pour protéger les agriculteurs que le texte de l’article 30 C.
Je veux rassurer Mme Lienemann : l’article 30 C ne s’applique qu’à la contractualisation agricole entre producteurs et industriels. Les coopératives ne sont pas dans le champ d’application du dispositif et conservent leur statut propre.
L’amendement n° 537 rectifié vise à supprimer plusieurs ajouts de l’article 30 C apparus en cours de discussion : la mention précisant que les indices publics de prix utilisés dans les formules de prix des contrats agricoles peuvent être régionaux, nationaux ou européens ; l’obligation pour les acheteurs de communiquer chaque mois aux organisations de producteurs les évolutions des indicateurs et indices servant de base de calcul au prix payé aux agriculteurs. Ces suppressions affaibliraient la portée de l’article 30 C, mais nous y reviendrons plus tard. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’adoption de l’amendement n° 280 complexifierait la rédaction des « contrats LMA » entre agriculteurs et industriels. Elle obligerait à prendre en compte les indicateurs de coût de production en agriculture dans les formules de prix, à condition que ces indicateurs soient représentatifs des bassins de production. L’intention est louable, mais le risque, en introduisant cette exigence supplémentaire, est qu’il n’existe aucun indicateur utilisable en pratique dans les contrats agricoles. D’ailleurs, la notion de bassin de production peut être elle-même sujette à débat.
Finalement, je pense préférable que nous nous en tenions à l’exigence de faire référence à des coûts de production en laissant les acteurs de la contractualisation choisir ces indicateurs. Il s’agit déjà d’une avancée par rapport aux contrats actuels, qui ne doivent pas faire référence à une telle variable. Là encore, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 281 a pour objet de supprimer la référence au rôle que peuvent jouer les accords interprofessionnels ou l’Observatoire des prix et des marges dans l’établissement d’indicateurs pouvant être utilisés dans la contractualisation agricole. L’exposé des motifs de l’amendement précise qu’en citant les accords interprofessionnels ou l’observatoire on introduirait une dimension restrictive des indices et indicateurs pouvant servir de référence dans les contrats. C’est inexact : les parties peuvent librement choisir les indicateurs, du moment que ceux-ci sont publics et connus de tous. Citer les accords interprofessionnels et l’Observatoire des prix et des marges revient à encourager ces organismes à publier de tels indicateurs et à inciter les parties au « contrat LMA » à les utiliser. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 282 ne tend pas, quant à lui, à remettre en cause le fait que les indices publics de prix de vente des produits agricoles devront figurer dans les formules de prix des contrats entre agriculteurs et industriels. Il a simplement pour but de préciser que ces indices pourront notamment être établis par accord interprofessionnel ou par l’Observatoire des prix et des marges. Or l’alinéa 3 de l’article 30 C prévoit déjà qu’il ne s’agit là que d’une simple possibilité, et non pas d’une obligation. La rédaction proposée n’apporte donc rien de nouveau. C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 24 rectifié bis a pour objet de supprimer l’obligation, prévue à l’alinéa 3, de communiquer mensuellement aux organisations de producteurs les évolutions des indices de prix et des coûts de production qui ont servi au calcul du prix payé au producteur dans le cadre de la contractualisation agricole. En contrepartie, les auteurs de l’amendement demandent que le contrat-cadre passé entre l’organisation de producteurs, l’OP, et l’acheteur prévoie la communication à l’OP, sur une base mensuelle, des ventes en volume et en valeur réalisées par l’acheteur.
Or la communication à l’OP des bases de calcul du prix est indispensable pour vérifier que la facturation est correctement effectuée. Il convient de ne pas affaiblir l’information des OP, qui sont une garantie pour les agriculteurs. Il serait intéressant que l’acheteur communique sur ses ventes aux producteurs auprès desquels il se fournit. Ces échanges peuvent d’ailleurs être prévus dans le contrat-cadre, comme le permet le b) du 2° de l’article 30 C. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Les amendements identiques nos 15 rectifié bis et 176 rectifié bis ont pour objet de demander une négociation annuelle entre producteurs et acheteurs soumis à l’obligation de contractualisation en vertu de l’article L. 631-24 du code rural. Le principal secteur concerné est celui du lait. L’idée est intéressante, puisqu’il s’agirait de définir des prix payés au producteur avant de passer à la négociation des prix entre l’industriel et la grande distribution.
Néanmoins, le mécanisme proposé présente aussi quelques défauts.
D’abord, les contrats agricoles étant pluriannuels, ils sont négociés selon une fréquence qui n’est pas annuelle.
Ensuite, les mouvements des prix agricoles peuvent être importants sur une année, si bien qu’il faut des temps de rencontre pour discuter des prix à un rythme infra-annuel.
En outre, l’alinéa 12 de l’article 30 C dispose déjà que les contrats-cadres entre industriels et organisations de producteurs doivent prévoir une discussion sur les volumes et les prix entre ces deux acteurs selon des modalités qu’ils peuvent librement décider.
Enfin, l’article 31 bis C prévoit un mécanisme de prise en compte des prix agricoles dans les contrats commerciaux de la loi de modernisation de l’économie ou les appels d’offres de la grande distribution pour la fabrication de produits sous marque de distributeur.
Il n’est donc pas indispensable de créer une nouvelle obligation assez rigide de négociation avant le 30 novembre de chaque année, qui ne serait d’ailleurs assortie d’aucune obligation de conclure effectivement un accord.
Là encore, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je vois bien, étant donné le nombre d’amendements présentés, que chacun cherche à compléter, à corriger ou à changer radicalement le dispositif prévu à l’article 30 C.
À quoi correspondent les indices de prix que nous avons souhaité introduire lors du débat à l’Assemblée nationale ?
Que se passe-t-il dans le domaine du lait aujourd’hui, au-delà de la question de la surproduction ?
La LMA a entrepris de réguler les rapports, au travers d’un contrat, entre un industriel laitier et les producteurs de lait. Quel est le sujet fondamental ? Certaines laiteries peuvent valoriser le lait – c’est ce que l’on appelle le mix d’une laiterie – avec des produits transformés à haute valeur ajoutée, alors que d’autres ont un mix comprenant moins de produits à haute valeur ajoutée et plus de produits à moindre valeur ajoutée – je pense en particulier à la poudre de lait.
Plus le mix laitier contient de produits à haute valeur ajoutée par rapport aux produits à faible valeur ajoutée, plus le prix payé par l’industriel au producteur devrait être élevé. En clair, l’enjeu est le suivant : nous devons chercher à définir un prix indicatif qui soit fonction du mix produit d’une industrie. Aujourd’hui, on ne le sait pas.
À ce propos, j’ai en tête des situations extrêmement précises.
Ainsi, certaines grandes entreprises laitières du Grand Ouest sont les premières au monde pour ce qui concerne les produits transformés. Dans le secteur des produits transformés, tels que les yaourts, les fromages, je peux vous affirmer que le lait est très bien valorisé ! On peut d'ailleurs se demander pourquoi ces entreprises ne veulent pas publier leurs chiffres…
Dans le même temps, d’autres entreprises, des coopératives, en particulier, ont des mix laitiers moins bons et souffrent plus. L’indicateur de prix qui figure dans la loi de modernisation de l’agriculture tend à donner une visibilité à l’agriculteur qui, aujourd'hui, reçoit un papier et ne sait pas ce que l’industriel fait avec son lait – il ignore s’il le valorise ou non, s’il produit ou non plus de poudre. Au bout du compte, il touche 27 centimes d’euro, comme son voisin, qui travaille pourtant pour une industrie laitière différente. Nous voulons mettre en place un système clairement lisible par l’agriculteur.
Cela étant, les auteurs des amendements ont évoqué plusieurs questions.
Je commencerai par celle des coopératives. Madame Lienemann, je veux vous le dire en toute franchise, aujourd'hui, au marché au cadran de Plérin, le prix du porc a dépassé 1,43 euro le kilogramme ! Et c’est le marché !
Or que fait la coopérative ? Elle quitte le marché de Plérin, comme elle l’avait fait l’an dernier quand le prix était à 1,40 euro, parce qu’elle anticipe les conséquences du Brexit et de la météo maussade qui n’incite pas les consommateurs à se tourner vers les grillades. La vérité, c’est qu’elle prend ces éléments en compte. Et comme elle en déduit que les prix devraient baisser, elle quitte donc le marché de Plérin !
Cela montre bien que les coopératives font, elles aussi, un raisonnement en termes économiques. Je ne vais pas réduire le débat à ce sujet spécifique. Je viens de vous donner la preuve qu’il n’y a pas les vertueux d’un jour et les vertueux de toujours, ce n’est pas vrai ! Et j’invite les Bretons présents dans cet hémicycle à regarder ce qui s’est passé aujourd'hui à Plérin !
Autre question, vous aurez toujours tous l’envie de me faire entendre, mesdames, messieurs les sénateurs, que le prix, pour l’agriculteur, c’est le coût de production.
Je reprends l’exemple du cochon dont le prix se situe aujourd'hui à 1,43 euro, son niveau le plus élevé depuis trois ou quatre ans. Pourtant, les coûts de production, qui sont liés à ceux de l’énergie et de l’alimentation animale, ont baissé. Si je suivais ce raisonnement, que j’ai également entendu à l’Assemblée nationale et contre lequel je me bats depuis le début, un raisonnement qui consiste à indexer les prix de vente des produits agricoles sur les coûts de production, en ce moment, les prix devraient baisser. (Protestations.) Je me contente de faire de l’économie !
En fait, vous anticipez l’idée de l’effet ciseau, les coûts de production augmentant avec des prix qui baissent. Cela nous ramène au débat ouvert par la loi de modernisation de l’économie, la LME, et à l’opportunité de renégociations obligatoires lorsque les coûts de production augmentent. En mettant en place des indices visant à indexer les prix agricoles uniquement sur les coûts de production, je suis désolé de vous le dire, vous obtiendrez un résultat contraire à vos souhaits ! Car la chute du prix du pétrole se conjugue malheureusement avec la baisse du prix des céréales et de l’alimentation ! Le système que nous avons mis en place vise à lisser les choses.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à ces amendements sur les indicateurs des coûts de production. Je connais les arguments en faveur du fameux coefficient multiplicateur et vous invite à y réfléchir encore une fois ensemble : s’il s’agit d’appliquer un coefficient multiplicateur aux coûts de production pour obtenir le prix de base, la baisse de ces derniers se répercutera évidemment sur le prix. Au lieu de résoudre le problème, vous ne faites que l’aggraver !
D’autres questions ont été posées, notamment sur les négociations annuelles et l’intérêt de prévoir une seule date au cours de l’année. Moi, je suis pour la souplesse, car il y a des personnes qui s’installent à des dates différentes. On ne va pas tout figer à la date du 30 novembre !
En conclusion, le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements nos 268, 537 rectifié et 142.
Sur les amendements nos 280, 281 et 282, qui ne modifient pas les objectifs que nous nous sommes fixés, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Quant aux amendements nos 24 rectifié bis, 15 rectifié bis, 176 rectifié bis, le Gouvernement rejoint l’avis défavorable de la commission.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je retire l’amendement n° 268.
Mme la présidente. L'amendement n° 268 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 537 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. J’ai entendu la démonstration faite par M. le ministre sur les différentes dispositions que nous proposions d’introduire dans le texte.
Il nous a expliqué que les agriculteurs n’ont pas intérêt à prendre en référence les coûts de production parce que la baisse des matières premières ferait chuter les prix agricoles et que seules les entreprises ou la grande distribution en tireraient avantage.
Nous défendons une logique. Elle demande, en premier lieu, de toujours prendre en compte la réalité des coûts de production, qu’ils soient à la hausse ou à la baisse. Ce que les producteurs ne veulent pas, c’est vendre à perte !
Elle demande, en second lieu, qu’il y ait un partage de la valeur ajoutée entre le producteur, le transformateur et la grande distribution. Or tel n’est pas le cas aujourd'hui. Quand les prix baissent à la production, la grande distribution ne répercute jamais cette baisse sur les prix de vente. Donc, la marge profite soit au transformateur, soit au distributeur, mais jamais au producteur !
Il faut par conséquent trouver une rédaction qui permette de faire en sorte que le partage de la valeur ajoutée s’effectue entre les trois niveaux. On s’y essaie depuis des années, mais aucun gouvernement n’a réussi à trouver une issue !
Je ne sais pas, monsieur le ministre, si vous avez la solution miraculeuse. Nous tentons de nous en rapprocher. Je fais confiance au rapporteur, en espérant qu’il a su prendre en considération tous les éléments que les représentants de la profession agricole ont fait valoir auprès de lui.
Cela étant, nous nous en remettons à l’avis de la commission et retirons les amendements nos 24 rectifié bis et 15 rectifié bis.
Mme la présidente. Les amendements nos 24 rectifié bis et 15 rectifié bis sont retirés.
M. Olivier Cigolotti. Je retire l’amendement n° 176 rectifié bis, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 176 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 143, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans le cas où l’établissement de la facturation par le producteur est déléguée à un tiers, elle fait l’objet d’un acte écrit et séparé du contrat. Le mandat de facturation est renouvelé chaque année par tacite reconduction. Le producteur peut renoncer à ce mandat à tout moment sous réserve d’un préavis d’un mois. »
La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de simplifier le mandat de facturation, qui sera renouvelé chaque année par tacite reconduction. Cette solution présente l’avantage d’éviter de demander une autorisation annuelle et d’alourdir la partie administrative des relations entre les producteurs et les entreprises.
Mme la présidente. L'amendement n° 283, présenté par Mme Espagnac, MM. Guillaume et Botrel, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Cet amendement vise à supprimer la limitation dans le temps des mandats de facturation à un an introduite par le rapporteur lors des travaux de la commission.
À l'heure où les contrats pluriannuels sont encouragés pour donner de la visibilité aux acteurs économiques, il semble contre-intuitif de procéder à une telle limitation.
De plus, cette mesure ne va pas dans le sens de la simplification administrative souhaitée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques sur l’amendement n° 283 ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Si cet amendement était adopté, il mettrait un terme à la simplification que la commission souhaite introduire avec la tacite reconduction. Il complexifierait les relations entre les producteurs et les entreprises, sans rien apporter ! Pour nous, l’essentiel, c’est de permettre au producteur de renoncer au mandat de facturation à tout moment sous réserve d’un préavis d’un mois.
J’émets donc, au nom de la commission des affaires économiques, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements, qui ne prêtent pas à discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je ne suis pas persuadé que le producteur tire grand-chose de l’adoption de l’amendement n° 143 de la commission des affaires économiques ! La disposition proposée concerne un intermédiaire et vise une simple modalité. Et, à mon avis, ce n’est pas une modalité qui permettra au producteur d’être mieux payé et de s’en sortir beaucoup mieux ! Je ne vois pas du tout ce que peut apporter une telle modalité de relations entre le producteur, le tiers et l’acheteur. Cela dit, je vais voter en faveur de cet amendement, car qui peut plus peut le moins !
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 283 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 144, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Avant les mots :
Les modalités de cession
insérer les mots :
Sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 631-24-1,
La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à éviter toute erreur d’interprétation sur la gestion des cessions de contrats au sein des organisations de producteurs.
Il tend à préciser que s’il est possible de prévoir des modalités de cession dans l’accord-cadre entre l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs et l’acheteur, cet accord-cadre ne peut pas autoriser des cessions de contrats à titre onéreux interdites par le nouvel article L.631-24-1 du code rural et de la pêche maritime créé à l’article 30 du présent projet de loi.
L’interdiction de cessions à titre onéreux s'impose donc, y compris pour les cessions effectuées entre membres d'une même organisation de producteurs, afin d'éviter un contournement de la règle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 284, présenté par Mme Espagnac, MM. Guillaume et Botrel, Mme Bataille, MM. Camani, F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 12 de l’article 30 C, introduit en commission, relatif à l’inscription dans l’accord-cadre d’une négociation annuelle sur les volumes et les prix.
Cet alinéa précise que l’accord-cadre détermine les modalités d’une telle négociation annuelle. Or cette précision est inopérante, étant donné que les contrats agricoles sont pluriannuels et que l’ajustement des prix et des volumes doit pouvoir se faire pendant l’année pour s’adapter à la réalité des différents marchés couverts par la contractualisation.
Il semble en conséquence difficile de figer cette négociation à un moment précis et unique dans l’année.
En outre, cette négociation annuelle pourrait s’avérer contre-productive dans la recherche d’apaisement des relations entre l’acheteur et le vendeur. Il nous paraît préférable d’encourager une contractualisation pluriannuelle, qui permet davantage de visibilité, en termes de volumes, voire de prix.
Nous proposons de supprimer l’intégralité de l’alinéa 12, car, en l’absence du terme « annuel » sur lequel nous sommes en désaccord, cet alinéa est satisfait par le droit en vigueur, autrement dit l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime qui prévoit déjà le principe d’une clause relative « aux prix ou aux critères et modalités de détermination du prix ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer l’obligation de prévoir des clauses de négociation annuelle entre acheteurs et organisations de producteurs dans les contrats-cadres.
Ce faisant, il ne tend pas à obliger à organiser un temps de discussion sur les prix. Or il est important que le contrat-cadre précise la manière dont les prix sont discutés. L’idée d’un rendez-vous de discussion est bonne, même si des rendez-vous en cours d’année peuvent aussi être organisés.
La suppression de cette mention serait regrettable. C'est la raison pour laquelle j’émets, au nom de la commission des affaires économiques, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement a un mérite : permettre d’éviter l’encadrement en figeant une date de négociation annuelle. Comme nous en avons discuté avec M. Bérit-Débat et avec les organisations de producteurs, il vise à donner la possibilité de choisir des dates pour négocier et s’adapter à chaque fois que la situation du marché évolue. Je pense qu’une telle souplesse peut être très utile.
Nous le verrons au cours de la suite de la discussion, les organisations de producteurs auront un rôle de plus en plus important à jouer, notamment dans la gestion des volumes de lait.
Les accords-cadres vont fixer aux organisations de producteurs des enjeux par bassin laitier qui vont se substituer à la territorialisation en vigueur au moment des quotas laitiers.
Il me paraît important de donner aux organisations de producteurs de la souplesse et une capacité pour négocier en fonction de leurs intentions par rapport à la réalité du marché.
Par conséquent, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis favorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 30 C, modifié.
(L'article 30 C est adopté.)
Article 30 (priorité)
Après l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 631-24-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 631-24-1. – Pendant une période de sept ans à compter de la publication de la loi n° … du … relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, les contrats entre producteurs et acheteurs mentionnés à l’article L. 631-24 et les obligations qui en découlent, lorsqu’ils portent sur l’achat de lait de vache, ne peuvent, à peine de nullité, faire l’objet d’une cession à titre onéreux, totale ou partielle.
« Les dispositions du présent article sont d’ordre public. »
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, sur l'article.
M. Michel Le Scouarnec. Nous abordons l’article 30 relatif au secteur laitier gravement touché par la crise agricole et les filières agroalimentaires.
Dans un contexte de surproduction et de crise laitière, je souhaite vous rappeler en cet instant, mes chers collègues, la nécessité d’un nouveau plan d’aide européen.
Monsieur le ministre, à l’occasion du conseil des ministres européens de l’agriculture qui s’est tenu au Luxembourg, vous avez rappelé « l’urgence de trouver une solution au déséquilibre persistant entre l’offre et la demande sur le marché laitier ». Vous avez également plaidé pour que « des fonds européens soient urgemment mobilisés pour inciter les opérateurs à maîtriser leur production ».
Cet engagement va dans le bon sens au regard de la situation particulièrement inquiétante sur le marché du lait.
La surproduction est avérée en Europe et le rétablissement tant attendu de la situation n’arrive pas. La collecte européenne a augmenté de 5,6 % sur les quatre premiers mois de la présente année. Le prix moyen du lait payé aux producteurs au mois d’avril était de 27,3 centimes d’euro par litre et il devrait de nouveau reculer dans les mois à venir.
Les articles 221 et 222 du règlement européen sur l’organisation commune des marchés autorisent la Commission européenne à imposer une réduction obligatoire de la production laitière à tous les producteurs européens. Cette attente est très forte chez les producteurs, leurs représentants syndicaux et même chez les élus.
Je profite de ma prise de parole pour vous indiquer la démarche du conseil régional de Bretagne, qui a voté à l’unanimité un vœu « pour une régulation européenne urgente de la production laitière ».
En réunissant tous les acteurs concernés, le conseil régional de Bretagne appelle à des mesures d’urgence pour réduire les volumes de production et faire remonter les prix payés aux producteurs.
C’est, me semble-t-il, le véritable levier sur lequel nous devons nous appuyer pour agir en faveur d’une nouvelle politique agricole commune, capable de stabiliser les marchés agricoles.
Le présent article et les suivants, spécifiques aux contrats laitiers, ne régleront pas tout, même s’ils vont dans le bon sens.
Dommage qu’ils ne prévoient pas la mise en œuvre rapide et urgente d’une régulation européenne basée sur les quotas afin d’apporter de l’espoir à tous nos producteurs laitiers, comme à leurs collègues des autres filières !
Monsieur le ministre, je pense que nous pouvons compter sur toute votre force de conviction pour intervenir en ce sens lors des prochaines échéances européennes en la matière. (M. Joël Labbé applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, sur l'article.
Mme Frédérique Espagnac. Je tenais à intervenir sur cet article pour souligner l’importance du dispositif proposé par le Gouvernement.
La filière laitière traverse depuis plusieurs années une crise importante, qui se caractérise par une diminution progressive du nombre des exploitations de l’ordre de 3,5 % par an en moyenne sur la période 2010-2014.
Les prix ont été bas. Vous le savez, en 2015, année de suppression des quotas laitiers, ils ont chuté de 15 % pour atteindre 58 euros par mille litres.
Cette baisse est la double conséquence d’une forte augmentation de la production laitière et d’un ralentissement de la demande mondiale.
Les revenus sont mécaniquement en diminution, de l’ordre de 26 300 euros par an pour les exploitations laitières sur la période s’étalant de 2012 à 2014, soit un montant inférieur à la moyenne générale des exploitations agricoles.
L’Institut de l’élevage précise que cette situation s’est fortement dégradée en 2015, année au cours de laquelle un quart des éleveurs laitiers auraient dégagé un revenu avant impôt et cotisations sociales inférieur à 10 000 euros.
Dans la filière lait, la contractualisation a été permise par la loi de 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, la LMAP. Elle apparaissait comme une solution à la fin des quotas laitiers programmée en 2015 en offrant une stabilité tant aux producteurs par des débouchés assurés qu’aux entreprises de transformation par un approvisionnement garanti.
Elle a été rendue obligatoire pour la première transaction d’achat de lait cru de vache par un décret de décembre 2010. De plus, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, votée en 2014, a porté la durée minimale de ces contrats à cinq ans, afin de sécuriser les producteurs en leur donnant de la visibilité.
Cette même loi a également autorisé les acheteurs de lait à permettre à des vendeurs de céder leur contrat à d’autres producteurs. Or les spécificités de la filière française du lait, à savoir la volonté du maintien d’une maîtrise des volumes, notamment par les contrats écrits limitatifs dans la plupart des entreprises privées, ont débouché sur un phénomène de marchandisation des contrats par des producteurs limités dans leur développement par les laiteries.
Ce phénomène est venu accentuer la crise actuelle déstabilisant encore davantage la filière, notamment par le renchérissement du coût de l’installation des jeunes agriculteurs ou la tendance à l’agrandissement des exploitations au détriment des territoires en déprise agricole.
Au vu de cette situation et de la nécessité d’y apporter des réponses, j’apporte mon soutien total à cet article fondamental.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.
M. Claude Bérit-Débat. Je veux témoigner de l’importance pour un secteur comme celui de l’élevage laitier de se structurer.
J’ai accompagné, il y a quelques mois, un certain nombre d’organisations de producteurs qui ont souhaité créer une AOP, une association d’organisations de producteurs, à l’échelle nationale dont la reconnaissance par décret du ministère de l’agriculture interviendra rapidement. Cette AOP regroupera 2 700 producteurs, elle représentera 1,2 milliard de litres de lait et elle couvrira les besoins d’un transformateur laitier à hauteur de 40 %.
En procédant à cette structuration, les producteurs ont fait face à la disparition des quotas laitiers ; ils ont réussi à négocier avec leurs transformateurs et à avoir des prix. Actuellement, l’exemple me semble particulièrement intéressant : un accord local des producteurs leur a permis de faire baisser leur production de 6 %, alors même que nous sommes en situation de très grosse surproduction ! Ils ont obtenu, en contrepartie, une augmentation du prix de leur lait.
Je veux en témoigner, il s’agit d’un très bon exemple dont d’autres secteurs agricoles qui, aujourd’hui, se lamentent devraient s’inspirer. À l’instar de ce qui a été fait par le secteur de la viticulture à un moment donné – cela a été rappelé à plusieurs reprises par M. Cabanel –, ces producteurs laitiers ont pris eux-mêmes l’initiative, sans attendre que cela vienne d’une quelconque force publique, de créer cet outil de restructuration qui leur permet, si ce n’est de trouver une solution à la crise, du moins d’améliorer quand même leurs revenus.
Le sens de mon témoignage est de souligner que la contractualisation est un outil assez extraordinaire dès lors qu’il est utilisé de façon intelligente et rationnelle.
M. Jean Bizet. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 296, présenté par M. Botrel, Mme Espagnac, M. Guillaume, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
entre producteurs et acheteurs
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Il s’agit d’un amendement rédactionnel : les contrats passés au titre de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime sont forcément des contrats entre producteurs et acheteurs.
La précision figurant à l’alinéa 2 du présent article est superfétatoire et alourdit la rédaction.
Nous en proposons donc la suppression dans un souci de lisibilité, d’autant que la formulation retenue et la structure de la phrase, si elles ont le mérite de la précision, sont déjà assez longues et complexes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques souhaite maintenir cette précision de contrats entre producteurs et acheteurs. On se rend compte que l’absence de cette précision peut parfois poser des problèmes dans l’exécution future des contrats. C'est la raison pour laquelle j’émets, au nom de la commission des affaires économiques, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Gouvernement est favorable à cette précision, certes rédactionnelle, mais qui peut être utile !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 213 rectifié quinquies est présenté par MM. Longeot, L. Hervé, Luche, Médevielle, Cigolotti et Kern, Mme Gourault et MM. Bonnecarrère, Canevet, Guerriau, Gabouty et Roche.
L'amendement n° 262 rectifié bis est présenté par MM. Chasseing, Milon, César et Nougein, Mme Deseyne, M. Laménie, Mmes Micouleau et Gruny, MM. Trillard, Doligé, Lefèvre et P. Leroy, Mme Primas et MM. Charon et G. Bailly.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
1° Après la référence :
L. 631-24
insérer les mots :
, dès lors qu'ils sont effectivement rendus obligatoires par décret ou par accord interprofessionnel,
2° Supprimer les mots :
de vache
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 213 rectifié quinquies.
M. Jean-François Longeot. L'objectif est de ne pas limiter l’interdiction en cause à la filière lait de vache, mais de l'étendre à l'ensemble des filières lait – notamment à celle du lait de chèvre qui entre également dans un modèle de contractualisation par accord interprofessionnel signé le 17 mai dernier et qui est dans l'attente d'une homologation et d'une extension par le ministère de l'agriculture.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l'amendement n° 262 rectifié bis.
M. Daniel Chasseing. Il s’agit de mieux protéger les producteurs de lait en général, dont la situation est actuellement très inquiétante.
L’incessibilité onéreuse des contrats laitiers doit être clairement reconnue. Le texte adopté rendait incessibles les obligations qui découlent de ces contrats, et non les contrats eux-mêmes de manière suffisamment explicite, ce qui laissait une porte ouverte à des interprétations pouvant donner lieu à un contournement de la volonté du législateur et de la profession agricole.
De plus, l’objectif est non de limiter cette interdiction à la filière lait de vache, mais de l’étendre à l’ensemble des filières lait – notamment à celle du lait de chèvre qui entre également dans un modèle de contractualisation par accord interprofessionnel signé le 17 mai dernier et qui est dans l’attente d’une homologation et d’une extension par M. le ministre de l’agriculture.
Il me paraît important de protéger tous les producteurs de lait face aux risques de marchandisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Le Sénat, lors de l’examen de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, avait voté l’incessibilité des contrats laitiers.
Les deux amendements identiques qui sont en discussion tendent à enrichir ce positionnement à l’égard des producteurs de lait de vache vis-à-vis de ceux de lait de chèvre.
J’émets, au nom de la commission des affaires économiques, un avis favorable, même si les situations des deux secteurs sont aujourd'hui différentes : il y a déjà marchandisation pour la filière du lait de vache, alors que la contractualisation est toute récente pour celle du lait de chèvre.
Cette extension de l’incessibilité des contrats à l’ensemble de la filière laitière est vraiment une demande des producteurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. On touche en l’espèce à une question manifestement importante. D’ailleurs, je me souviens que c’est ici même, au Sénat, qu’avait d’abord été évoquée, par M. Bizet, la question de la cession des contrats à titre onéreux.
M. Jean Bizet. Absolument !
M. Stéphane Le Foll, ministre. J’avais alors déclaré être favorable à cette incessibilité pour la filière lait de vache ; il se trouve que le présent projet de loi nous permet de mettre en œuvre cette mesure.
Je tiens néanmoins à vous expliquer, mesdames, messieurs les sénateurs, de la manière la plus claire qui soit la raison pour laquelle l’extension de cette mesure à l’ensemble de la filière est impossible. Un contrat commercial conclu entre deux acteurs économiques est un contrat de droit privé. On ne peut justifier l’incessibilité de ce type de contrat que dans le cas précis du lait de vache : en effet, pour les sept ans à venir, la sortie des quotas laitiers constitue un élément spécifique qui permet un tel dispositif.
En revanche, si vous étendez cette incessibilité à l’ensemble des contrats possibles dans la filière laitière en général, un tel dispositif tombera face au principe élémentaire de la liberté contractuelle. Le Conseil d’État, que nous avons saisi sur ce point, a été très clair : il est impossible d’interdire aussi largement la cessibilité à titre onéreux. Les choses sont donc simples : une telle interdiction ne peut s’appliquer qu’au lait de vache.
Le Gouvernement est par conséquent défavorable à ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Je comprends bien votre argument, monsieur le ministre. Je propose néanmoins que nous adoptions ces amendements, issus d’une demande des producteurs. La commission mixte paritaire aura de toute façon la possibilité de séparer le secteur du lait de vache du reste de la filière laitière.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je ne comprends pas, monsieur le ministre, pourquoi il serait impossible que la loi interdise la cessibilité à titre onéreux de contrats de droit privé. Je peine à saisir votre argumentation juridique : selon vous, un tel dispositif est possible dans le secteur du lait de vache du fait de la sortie des quotas laitiers, mais il est impossible pour le reste de la filière. Eu égard à la pratique du droit privé, un tel argument me laisse perplexe.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suivrai la position de M. le rapporteur pour avis. Pour autant, il serait tout de même intéressant de savoir si ce sont des dispositions du droit européen qui posent ici difficulté. En effet, comme l’a dit M. Mézard, la difficulté n’est pas évidente si l’on s’en tient au droit français. Vous avez fait référence, monsieur le ministre, à la sortie des quotas laitiers, ce qui renvoie bien à des dispositions européennes et non pas seulement françaises.
À ce moment de la discussion, je ne vois pas sur quel fondement le Conseil d’État pourrait annuler un tel dispositif étendu aux secteurs du lait de brebis et du lait de chèvre. Il faudrait tout de même y regarder à deux fois, afin de ne pas persévérer dans l’erreur et mettre ainsi les producteurs de lait dans une situation contraire à ce que nous défendons.
Par ailleurs, réserver le bénéfice de ce dispositif aux producteurs de lait de vache constituerait un traitement inéquitable pour les producteurs d’autres types de lait.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je veux bien tout entendre, mais il me faut rappeler certains éléments de droit. En droit constitutionnel français, les contrats sont garantis, y compris les contrats de droit privé, dont il est question en l’espèce.
Nous avons décidé de quitter le système des quotas, qui était en effet organisé à l’échelle européenne et transmis par voie administrative. Au sein de ce système, la France, à la différence de beaucoup d’autres pays européens, n’avait pas mis en place la marchandisation des quotas pour ce qui concerne le lait de vache. Nous ne faisons que poursuivre ce principe de non-marchandisation : les contrats qui se substituent, pour les agriculteurs, aux quotas laitiers, ne seront pas plus cessibles à titre onéreux que ne l’étaient ces quotas.
L’essentiel dans ce débat est que la Constitution garantit la liberté contractuelle et, par conséquent, la liberté de valoriser ou non un contrat. Je ne détaillerai pas les implications de ce principe quant aux pas-de-porte et aux autres moyens de valoriser un contrat au travers d’une valeur commerciale. Nous ne pouvons justifier la présente exception à cette liberté que parce que, dans le système antérieur fondé sur une règle européenne de maîtrise de la production, la France avait décidé de ne pas permettre le transfert de quotas à titre onéreux. Nous allons prolonger cette règle pour sept ans : fixer une durée est essentiel, sans quoi il n’y a pas de règle juridique valable.
Par ailleurs, si j’ai cité le Conseil d’État en particulier, c’est parce qu’il nous a donné son avis juridique sur la question. Et je suis persuadé que, en cas d’adoption de ces amendements, si le Conseil constitutionnel était saisi de ce texte, une telle disposition serait déclarée inconstitutionnelle et tout serait perdu. Là est le risque : à force de vouloir aller le plus loin possible, on peut finir par perdre ce que nous entendons faire pour la sortie des quotas laitiers.
J’ai le plus grand respect pour la représentation nationale. Mon argumentation serait de la rigolade ? C’est votre droit de le penser ; en revanche, si vous voulez toujours étendre le dispositif à la filière laitière tout entière, c’est de votre responsabilité : je vous aurai prévenus !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 213 rectifié quinquies et 262 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 270, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après la référence :
à l’article L. 631-24
insérer les mots :
, sans préjudice de l’application de l’article L. 521-1-1 du code rural et de la pêche maritime,
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les règles spécifiques régissant les coopératives agricoles ne permettent pas d’autonomiser le contrat laitier, puisque celui-ci est inhérent à la double qualité d’associé et de coopérateur prévue à l’article L.521-1-1 du code rural et de la pêche maritime.
Toute cession de parts sociales est soumise à autorisation du conseil d’administration, les modalités de rémunération des apports devant être définies par chaque coopérative.
Afin de s’assurer de la prise en compte de la spécificité des règles applicables aux sociétés coopératives agricoles, il est donc proposé par cet amendement d’ajouter cette précision.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Mme Lienemann désire que l’interdiction de la cession à titre onéreux des contrats laitiers ne fasse pas obstacle au fonctionnement des coopératives agricoles.
On ne peut qu’être d’accord avec ce principe. Il faut toutefois rappeler que les associés coopérateurs ne sont pas dans une situation juridique identique à celle des non-coopérateurs. En particulier, les livraisons de lait à la coopérative sont régies non par l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, mais par les statuts et le règlement intérieur de la coopérative.
Dès lors, l’adoption de cet amendement risquerait fort de semer la confusion, en laissant penser qu’il est aussi nécessaire pour les associés coopérateurs de disposer d’un contrat au sens de l’article L. 631-24 du code précité.
Or, pour les coopératives, la gestion collective des volumes est organisée par les textes qui régissent ces organisations, ce qu’il ne faudrait pas remettre en cause.
L’adoption de cet amendement fragiliserait donc les coopératives, dont le fonctionnement est très spécifique, en les plaçant dans une situation non conforme au droit. Par conséquent, la commission des affaires économiques émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je ne comprends pas l’argumentaire de M. le rapporteur. Je rappelle bien que l’article L. 521-1-1 du code rural et de la pêche maritime s’applique au seul cas des associés coopérateurs. En adoptant cet amendement, loin d’ouvrir une boîte de Pandore, nous clarifierions la compatibilité de ce dispositif avec les règles coopératives. Par conséquent, je maintiens mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 239, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La cession des contrats de vente conclus entre producteurs et acheteurs mentionnés à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, lorsqu’ils portent sur l’achat de lait de vache, est autorisée entre les producteurs adhérents à une organisation de producteurs ou à une association d’organisations de producteurs, définies au titre V. »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Nous le savons bien, la situation du secteur laitier est particulièrement difficile et les producteurs sont extrêmement dépendants des laiteries. Il importe d’organiser le marché différemment : en l’occurrence, il serait souhaitable que les éleveurs puissent former des organisations de producteurs pour pouvoir peser effectivement face à l’ensemble des distributeurs.
Nous proposons donc, par cet amendement, que les cessions de contrats, dans le cas du lait de vache, puissent s’effectuer entre éleveurs rassemblés au sein d’une organisation de producteurs. Cela ferait évoluer les conditions de production, ce qui permettrait d’organiser le marché au sein d’une organisation de producteurs ou d’une association d’organisations de producteurs.
Cet amendement vise par conséquent à favoriser la contractualisation, mais dans un marché bien maîtrisé par l’ensemble des producteurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement est satisfait. En effet, l’ensemble de notre schéma repose sur une gestion collective des producteurs.
En revanche, la rédaction du présent amendement pose problème : elle peut laisser penser que la cession des contrats peut se faire à titre onéreux. Or l’objet de cet article est justement d’empêcher de telles cessions.
Pour cette raison, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi l’avis de la commission des affaires économiques serait défavorable. Quoi qu’il en soit, vous êtes satisfait quant à la gestion collective au sein d’une organisation de producteurs : ce point est très important.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Si je ne m’abuse, monsieur le rapporteur pour avis, le Sénat a adopté tout à l’heure votre amendement n° 144, dont l’objet était justement de préciser que l’interdiction de cession de ces contrats à titre onéreux ne souffrait pas d’exception pour les organisations de producteurs ou les associations d’organisations de producteurs.
Or l’objet du présent amendement est exactement à l’opposé. Permettre à des organisations de producteurs qui peuvent détenir jusqu’à 1,2 milliard de litres de lait de céder ces contrats à titre onéreux serait indéfendable devant les autres producteurs qui n’auraient pas cette possibilité : il y aurait rupture d’égalité. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Canevet, l’amendement n° 239 est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 239 est retiré.
Je mets aux voix l’article 30, modifié.
(L’article 30 est adopté.)
Article 30 bis (priorité)
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 285, présenté par Mme Espagnac, MM. Guillaume et Botrel, Mme Bataille, MM. Camani, F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité de favoriser fiscalement et réglementairement :
1° En matière agroalimentaire, la mise en place de contrats tripartites et pluriannuels entre les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs ;
2° L’agriculture de groupe ;
3° Le financement participatif dans le foncier agricole ;
4° Le développement de pratiques commerciales éthiques et équitables.
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Cet amendement vise à rétablir l’article 30 bis, supprimé par la commission à la demande de M. le rapporteur pour avis.
Je sais que la Haute Assemblée n’est pas favorable, en règle générale, aux demandes de rapports. Néanmoins, celui dont il est question présenterait un intérêt important en matière de rééquilibrage des rapports de force dans les négociations commerciales, de développement de pratiques commerciales vertueuses, ou encore de maîtrise du foncier agricole.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rétablir une demande de rapport du Gouvernement au Parlement sur de multiples sujets. Certes, ces derniers sont intéressants, mais la multiplication de demandes de rapports dans les textes législatifs n’est pas souhaitable.
Par ailleurs, on peut s’interroger sur l’opportunité de commander aujourd’hui des rapports dont la remise interviendrait au lendemain des échéances électorales de l’année prochaine.
L’avis de la commission des affaires économiques sur cet amendement est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Pour la raison même que vient d’évoquer M. le rapporteur pour avis, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. (Sourires.)
Mme Frédérique Espagnac. Merci, monsieur le ministre !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je peux comprendre que M. le rapporteur pour avis se montre défavorable à cette demande de rapport. On sait bien que, souvent, les rapports s’empoussièrent dans les ministères sans avoir la suite qu’on attend d’eux.
Cela étant, il faudra bien qu’un jour une réponse soit apportée à la question que nous posons depuis longtemps, sans que personne ait encore su y répondre, sur la mise en place, dans le secteur agroalimentaire, de contrats tripartites et pluriannuels entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs.
Selon certains, de tels contrats ne seraient pas une solution, car ils se retourneraient contre les producteurs ; il vaudrait mieux par conséquent conclure des contrats bipartites. Selon d’autres, en revanche, il faudrait bien mettre les trois types d’acteurs autour de la table pour décider ensemble du partage de la valeur ajoutée.
Le Parlement s’intéresse à ce sujet depuis des décennies. Pour autant, personne n’a été encore capable, à droite comme à gauche, d’apporter une réponse à cette question. Faudra-t-il un rapport pour y parvenir ? Je n’en sais rien, mais il n’en reste pas moins que nous devrons bien un jour nous attaquer à ce véritable problème.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous avons actuellement fixé le cadre des contrats tripartites : je vous le communiquerai, monsieur le sénateur, de même que les dossiers présentés dans ce cadre.
Ces contrats vont encore plus loin que ce que vous pouvez imaginer : ils permettent de créer des caisses de sécurisation défiscalisées. Chacun des contractants concernés peut ainsi défiscaliser une partie de son épargne en la plaçant dans une telle caisse. Dès lors, lorsque le prix des denrées est élevé, ce dont l’industriel ou le distributeur pâtit, la caisse lui permet de poursuivre ses investissements. À l’inverse, lorsque les prix sont plus bas, la caisse aiderait le producteur.
Le cadre de ces contrats est parfaitement défini ; certains sont mis en œuvre dès aujourd’hui.
M. Alain Vasselle. Alors, il ne faut pas émettre un avis de sagesse !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je rejoins les remarques de M. Vasselle sur l’intérêt que peuvent présenter certains rapports qui permettent de mesurer la pertinence ou le degré de mise en place de ce type de dispositifs.
D’un autre côté, je comprends la position de M. le rapporteur pour avis. En effet, j’ai moi-même été, dans d’autres temps, rapporteur de la commission des affaires économiques sur certains textes : nous avions une propension très forte à refuser les demandes de rapports.
Cela dit, il peut y avoir des rapports plus intéressants que d’autres ; celui qui est en l’espèce demandé me semble particulièrement digne d’intérêt. Profitons donc de l’avis de sagesse donné par le Gouvernement pour exprimer la sagesse positive du Sénat !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 30 bis demeure supprimé.
Article 30 ter (priorité)
(Non modifié)
L’article L. 514-2 du code rural et de la pêche maritime est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. – Les chambres d’agriculture publient les procès-verbaux de leurs séances. »
Mme la présidente. L’amendement n° 297, présenté par M. Botrel, Mme Espagnac, M. Guillaume, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
sept jours maximum après la tenue de la session suivante
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Le présent amendement a pour objet de préciser la portée de l’article 30 ter, qui rend obligatoire la publication des comptes rendus des sessions des chambres d’agriculture, ce qui n’était pas nécessairement le cas jusque-là.
Cette précision est de nature temporelle : il convient en effet d’encadrer dans le temps cette publication pour que la disposition soit pleinement utile.
Vous savez bien, mes chers collègues, qu’un procès-verbal est très généralement validé par les membres de l’assemblée en question à l’occasion de la réunion suivante. C’est le cas, par exemple, dans notre Assemblée, mais aussi dans le domaine associatif.
Ainsi, le présent amendement tend à laisser sept jours après la session suivante pour la publication d’un tel procès-verbal, afin que ce soit un procès-verbal validé et non pas provisoire qui soit publié, et ce dans des délais rapides.
Il s’agit, vous l’aurez compris, de généraliser des bonnes pratiques qui permettent plus de transparence et renforcent le lien de confiance entre les institutions agricoles et les agriculteurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser que les procès-verbaux des séances des chambres d’agriculture sont publiés au plus tard sept jours après la tenue de la session suivante.
Je ne vois pas trop ce que cela apporte. L’essentiel, selon moi, est la publicité de ces procès-verbaux. Aller plus loin reviendrait à tomber dans une approche trop administrative et réglementaire. Certes, l’agriculture est habituée à vivre avec de telles contraintes, mais n’en rajoutons pas !
Par ailleurs, il peut arriver que des soucis techniques empêchent de disposer d’un procès-verbal dès la session suivante. La rédaction proposée par le biais du présent amendement empêcherait alors toute souplesse.
Je préfère donc conserver la rédaction initiale de l’article 30 ter, qui préserve le principe de la publication des procès-verbaux sans instaurer un délai rigide, lequel empêcherait de tenir compte de circonstances particulières qui peuvent toujours arriver.
La commission des affaires économiques émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est bien un ancien président de chambre d’agriculture qui vient de parler ! (Sourires.)
Je pense néanmoins pour ma part que cet amendement est relativement stimulant. Il doit bien être possible, normalement, de rendre publics les procès-verbaux après sept jours.
Je suis donc favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 30 ter.
(L’article 30 ter est adopté.)
Article 31 (priorité)
I. – Le troisième alinéa de l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l’outre-mer du code rural et de la pêche maritime, est complété par une phrase ainsi rédigée : « La liste des établissements refusant de communiquer les données nécessaires à l’exercice des missions de l’observatoire fait l’objet d’une publication par voie électronique. » ;
II. – Au 8° de l’article L. 621-3 et aux premier et dernier alinéas de l’article L. 621-8 du même code, la référence : « L. 692-1 » est remplacée par la référence : « L. 682-1 ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 286, présenté par Mme Espagnac, MM. Guillaume et Botrel, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l'outre-mer du code rural et de la pêche maritime, est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour ce faire, il peut demander directement aux entreprises les données nécessaires à l'exercice de ces missions. » ;
2° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il examine la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation des produits agricoles. » ;
3° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il compare, sous réserve des données disponibles équivalentes, ces résultats à ceux des principaux pays européens. » ;
4° Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les dirigeants d'une société commerciale transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires n'ont pas procédé au dépôt des comptes dans les conditions et délais prévus aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce, le président de l'observatoire peut saisir le président du tribunal de commerce afin que ce dernier adresse à la société une injonction de le faire à bref délai sous astreinte. Le montant de cette astreinte ne peut excéder 2 % du chiffre d'affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France par la société au titre de cette activité, par jour de retard à compter de la date fixée par l'injonction.
« L’observatoire remet chaque année un rapport au Parlement.
« L’observatoire procède, par anticipation au rapport annuel, à la transmission des données qui lui sont demandées par les commissions permanentes compétentes et par les commissions d’enquête de l’Assemblée nationale et du Sénat sur la situation des filières agricoles et agroalimentaires. »
II. – Au 8° de l'article L. 621-3 et aux premier et dernier alinéas de l'article L. 621-8 du même code, la référence : « L. 692-1 » est remplacée par la référence : « L. 682-1 ».
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Cet amendement vise à rétablir l’article 31 dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale.
La commission des affaires économiques, à la demande de M. le rapporteur pour avis, a en effet profondément réduit la portée du dispositif en supprimant la possibilité, pour le président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, de saisir le président du tribunal de commerce en cas de refus de dépôt des comptes annuels. Elle a également supprimé la mise en place de sanctions en cas de non-respect de ce dépôt de comptes.
Je tiens à préciser que nous sommes très étonnés de cette position, qui ne semble aller dans le sens ni de la transparence ni, en conséquence, de l’intérêt des agriculteurs.
Par ailleurs, la commission a également supprimé plusieurs alinéas, introduits à l’Assemblée nationale par différents groupes politiques, visant à compléter les missions de cet observatoire dans un sens souhaitable.
En somme, si cet article restait en l’état, il serait totalement vidé de sa substance. Le groupe socialiste et républicain souhaite donc son rétablissement.
Mme la présidente. L’amendement n° 456, présenté par M. Le Scouarnec, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l’outre-mer du code rural et de la pêche maritime, est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour ce faire, il peut demander directement aux entreprises les données nécessaires à l’exercice de ces missions. » ;
2° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il examine la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation des produits agricoles. » ;
3° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il compare, sous réserve des données disponibles équivalentes, ces résultats à ceux des principaux pays européens. » ;
4° Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les dirigeants d’une société transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires n’ont pas procédé au dépôt des comptes dans les conditions et délais prévus aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce, le président de l’observatoire peut saisir le président du tribunal de commerce afin que ce dernier adresse à la société une injonction de le faire à bref délai sous astreinte. Le montant de cette astreinte ne peut excéder 2 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France par la société au titre de cette activité, par jour de retard à compter de la date fixée par l’injonction.
« L’observatoire remet chaque année un rapport au Parlement.
« L’observatoire procède, par anticipation au rapport annuel, à la transmission des données qui lui sont demandées par les commissions permanentes chargées des affaires économiques et par les commissions d’enquête de l’Assemblée nationale et du Sénat sur la situation des filières agricoles et agroalimentaires. »
II. – Au 8° de l’article L. 621-3 et aux premier et dernier alinéas de l’article L. 621-8 du même code, la référence : « L. 692-1 » est remplacée par la référence : « L. 682-1 ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Comme le souligne le Conseil économique, social et environnemental, à travers la guerre des prix dans la grande distribution, la plupart des acteurs perçoivent la violence et l’absurdité d’un système qui déséquilibre la chaîne de valeurs, fragilise tous les acteurs économiques, sape la cohésion sociale et entraîne défiance et suspicion.
Depuis le milieu des années 1970, l’indice des prix alimentaires a diminué de 10 %, alors que celui des prix agricoles à la production a perdu 40 % de sa valeur. Dans le secteur de la transformation, plusieurs marchés sont entre les mains d’un nombre très restreint d’acteurs. Dans le secteur de la viande bovine, notamment, le groupe Bigard domine en réalisant plus de 50 % des abattages en France. Dans le secteur des produits laitiers, dix grands groupes industriels ou coopératifs collectent plus de 85 % du lait de vache produit.
Aussi l’article 31 avait-il pour vocation de favoriser la transparence et la lisibilité à toutes les étapes de la relation entre le producteur et l’industriel transformateur. En effet, comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, à l’occasion de la crise du lait, il est apparu qu’un certain nombre de transformateurs utilisaient la possibilité qui leur est donnée par la loi, moyennant une amende, de ne pas publier leurs comptes annuels. À titre d’exemple, les comptes des groupes Lactalis et Bigard ne sont pas publiés : pour Lactalis, il s’agit de près de 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires, comme cela a été souligné lors des débats à l’Assemblée nationale.
Il y a clairement une distorsion de marché. Cette situation induit une défiance qui nuit aux négociations entre, d’une part, les producteurs et les transformateurs et, d’autre part, les transformateurs et les distributeurs. L’article 31 tendait à remédier à cette situation par un mécanisme financier coercitif d’astreintes renforcées visant à assurer le dépôt des comptes annuels des sociétés transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires.
Mme la présidente. L’amendement n° 541 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Hue, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l’outre-mer du code rural et de la pêche maritime, est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour ce faire, il peut demander directement aux entreprises les données nécessaires à l’exercice de ces missions. » ;
2° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il examine la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation des produits agricoles. » ;
3° Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les dirigeants d’une société commerciale transformant des produits agricoles ou commercialisant des produits alimentaires n’ont pas procédé au dépôt des comptes dans les conditions et délais prévus aux articles L. 232-21 à L. 232-23 du code de commerce, le président de l’observatoire peut saisir le président du tribunal de commerce afin que ce dernier adresse à la société une injonction de le faire à bref délai sous astreinte. Le montant de cette astreinte ne peut excéder 2 % du chiffre d’affaires journalier moyen hors taxes réalisé en France par la société au titre de cette activité, par jour de retard à compter de la date fixée par l’injonction.
« L’observatoire remet chaque année un rapport au Parlement.
« L’observatoire procède, par anticipation au rapport annuel, à la transmission des données qui lui sont demandées par les commissions permanentes chargées des affaires économiques et par les commissions d’enquête des assemblées parlementaires sur la situation des filières agricoles et agroalimentaires. »
II. – Au 8° de l’article L. 621-3 et aux premier et dernier alinéas de l’article L. 621-8 du même code, la référence : « L. 692-1 » est remplacée par la référence : « L. 682-1 ».
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’objet de cet amendement est similaire à celui des deux amendements précédents. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous avoue que nous comprenons mal la position de la commission des affaires économiques sur cet article.
Notre amendement vise à revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale : cela arrive ! Je tiens à rappeler que la création, en 2010, de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires a constitué sans aucun doute une avancée, dans la mesure où elle a permis de mieux percevoir la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne alimentaire. C’est ainsi, d’ailleurs, que l’on peut constater, hélas – et ce n’est pas une surprise –, la faible part de l’agriculture dans la valeur finale de la consommation alimentaire. Le dernier rapport de l’Observatoire a établi cette part à 18,3 %.
Il est donc absolument primordial d’avoir les données les plus précises sur la formation du prix pour détecter l’origine des déséquilibres dans les relations commerciales. Dans cette perspective, l’article 31 étend les missions de l’Observatoire. La commission a choisi de revenir sur cet élargissement pour mettre en place un mécanisme de mauvaise publicité.
Notre amendement vise donc à rétablir en grande partie la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Il était notamment – cela vient d’être rappelé, à juste titre – permis à l’Observatoire de demander des données directement aux entreprises.
Cet amendement tend également à rétablir le renforcement des sanctions en direction des entreprises qui ne déposeraient pas leurs comptes dans les délais légaux. Nous avons dans ce pays, à l’échelon des producteurs, un grand problème de suspicion. Nous examinons un texte de transparence. Il paraît donc absolument nécessaire d’obtenir une avancée sur ce point. Nous n’apportons pas toujours nos suffrages au mot de « transparence », tellement il est galvaudé, mais dans le cas présent, il faut absolument rétablir la confiance envers nos producteurs. Les entreprises qui, dans ce secteur, ne déposent pas leurs comptes – Lactalis est un exemple parmi d’autres – ont un comportement inadmissible, qui entraîne des réactions négatives, que l’on peut parfaitement comprendre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’amendement n° 286 vise à rétablir l’article 31 du projet de loi dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
En commission, nous avions souhaité privilégier une procédure de publicité des non-réponses à l’Observatoire de la formation des prix et des marges, ce afin d’inciter les entreprises à la transparence.
En effet, le code de commerce prévoit déjà une procédure permettant au président du tribunal de commerce de faire injonction aux entreprises de publier leurs comptes. Cette procédure avait été mise en place pour la prévention des difficultés des entreprises.
Nous ne voyons pas trop l’intérêt de créer un deuxième dispositif donnant, lui aussi, au président du tribunal de commerce, la possibilité d’enjoindre les entreprises de publier leurs comptes, sous astreinte.
Par ailleurs, la rédaction à laquelle souhaitent revenir les auteurs de cet amendement accroît les demandes vis-à-vis de cet observatoire et prévoit également qu’un pré-rapport soit adressé au Parlement. Donner du travail en plus à l’Observatoire, qui reste une petite structure avec des moyens modestes, risque de perturber sa tâche et, au final, de casser un outil qui fonctionne aujourd’hui plutôt bien.
Ces considérations ont amené la commission à modifier l’article 31. Je souhaite que ces modifications soient conservées et non pas remises en cause par l’adoption de l’un des trois amendements que nous examinons.
La commission des affaires économiques est donc défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce sujet relève des engagements que j’avais pris et qui ont été intégrés dans ce projet de loi. Rappelez-vous la crise de l’élevage qui sévit encore : certaines entreprises expliquent qu’elles répercutent des prix bas aux éleveurs du fait de leurs propres difficultés. Pourtant, quand on leur demande quelle est la réalité de leur situation économique, elles répondent que ce point doit rester secret. Il y a tout de même là un problème !
Vous connaissez ce sujet par cœur. Comment rétablir la confiance sans transparence ?
Les agriculteurs se plaignent de ne pas obtenir les prix désirés. Ils se tournent vers le ministre pour connaître la répartition de la valeur ajoutée. Bonne question : une fois que les flux entrent dans l’entreprise, les comptes disparaissent !
L’industriel, quant à lui, prétend que la grande distribution lui prend tout. Et la grande distribution affirme avoir payé ce qu’elle devait conformément aux accords passés avec ses partenaires.
Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons vraiment besoin de cette transparence. C’est une bonne chose que l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires soit bien informé. Mais si les entreprises ont la possibilité de ne pas déposer leurs comptes sans que cela leur coûte rien, elles ne s’en priveront pas.
Comment voulez-vous discuter des prix, de la vente à perte, entre autres sujets, si nous ne disposons pas de ces informations ?
Même si je ne remets pas en cause les propositions du rapporteur pour avis sur l’Observatoire, je suis donc tout à fait favorable à ces trois amendements, dont le premier tend à revenir à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je suis désolé pour M. le rapporteur pour avis, mais je voterai en faveur de l'amendement n° 286. Il me paraît en effet tout à fait pertinent, pour les raisons développées par M. le ministre.
En outre, la rédaction du présent article par la commission des affaires économiques, qui tend à privilégier la publicité à la sanction en faisant valoir que cette dernière existe déjà, pourvu qu’elle soit appliquée par le président du tribunal de commerce, mérite d’être revue.
Intégrer la publicité dans cet article n’est pas une mauvaise idée, mais les amendements dont nous discutons me semblent aller dans le sens recherché par tous : vers plus de transparence. Nous saurons ainsi peut-être enfin comment se partage la valeur ajoutée entre les trois acteurs de la filière.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je suis moi aussi désolé pour M. le rapporteur pour avis, mais il y a tant de suspicion autour du partage de la valeur ajoutée que je ne peux qu’être favorable à ces trois amendements.
Je ne crois pas que les entreprises dévoileront spontanément leurs comptes, si elles sont seulement incitées à le faire.
Je voterai donc ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Nous voterons bien sûr l'amendement n° 286, dont le dispositif est proche de celui que j’ai présenté.
Je suis assez souvent d’accord avec vous, monsieur le rapporteur pour avis, mais je dois dire que je ne comprends absolument pas la motivation des avis défavorables que vous venez d’exprimer.
Vous l’avez rappelé, le président du tribunal de commerce peut dans tous les cas convoquer les dirigeants d’une entreprise qui ne dépose pas ses comptes.
Le présent amendement vise seulement à donner au président de l'Observatoire la possibilité de « saisir le président du tribunal de commerce afin que ce dernier adresse à la société une injonction de le faire à bref délai sous astreinte », laquelle ne peut excéder 2 % du chiffre d’affaires journalier. C’est un moyen de disposer des comptes !
Vous connaissez parfaitement la situation des producteurs de lait. J’ai rappelé il y a un instant que le groupe Lactalis payait la tonne de lait 257 euros – rendez-vous compte ! – et qu’il était réticent à produire ses comptes, alors que c’est une obligation légale.
Nous connaissons tous, au-delà de nos étiquettes politiques, l’étendue de la crise qui frappe le monde agricole. Le Gouvernement essaie de faire face à ces difficultés, qui sont considérables : des milliers d’entreprises sont à la limite du déséquilibre, et certaines vont devoir cesser leur activité.
Il n’est pas raisonnable, dans ces conditions, d’envoyer le message que nous voulons maintenir la situation actuelle. C’est le meilleur moyen de susciter non seulement l’incompréhension, mais aussi une véritable colère des exploitants.
J’ai sous les yeux un courrier en date d’aujourd'hui qui m’a été envoyé par la Fédération nationale des producteurs de lait. Elle n’est pas du tout contente de la situation ! Cela ne veut pas dire qu’il faut systématiquement l’écouter, bien sûr, mais cela témoigne d’un véritable problème.
Peut-être avez-vous des arguments importants à faire valoir pour défendre vos avis sur ces amendements, mais je persiste à penser que ne pas les voter ne serait pas un bon signal. (M. Michel Le Scouarnec applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je voterai moi aussi l’amendement n° 286.
Le prix du lait baisse en France et en Europe. Il est aujourd'hui de 257 euros la tonne. Dans certains départements comme le Cantal, l’Ain ou en Bretagne, il approche même les 200 euros. En deux ans, la baisse est de plus de 100 euros : c’est dramatique !
Les entreprises transformatrices, quant à elles, s’en sortent bien ; certaines font des profits, parfois records.
Pour rétablir la confiance entre les producteurs et les transformateurs, je trouve tout à fait normal d’instituer la vérité des prix et des comptes. Le présent projet de loi est « relatif à la transparence » : appliquons donc ce principe aux entreprises. Sans publication de leurs comptes, celles-ci se verront imposer des astreintes. C’est un moyen coercitif, mais efficace.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour explication de vote.
Mme Frédérique Espagnac. Nous l’avons tous dit : les temps sont difficiles pour les agriculteurs, et laissent place à beaucoup de suspicion. Nous avons parlé des groupes Lactalis, Bigard…
Pour y faire face, il est important de mettre nos actes en adéquation avec les principes que nous défendons. Il est temps de voter l’amendement n° 286, si possible à l’unanimité. C’est important pour les producteurs, qui ne comprendraient pas qu’il en aille autrement.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Je ne voudrais pas qu’il y ait d'ambiguïté. En rédigeant le présent article, la commission des affaires économiques avait en tête le même objectif que les auteurs de ces amendements : la transparence.
Le vote de la commission sur cet article s’explique par la volonté de donner toute sa place à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, mais sans faire d’amalgame, sans vouloir donner à ce dernier un rôle ou des missions qu’il n’a pas. Son rôle n’est pas de sanctionner, il est de fournir des informations.
Je voudrais vous lire deux articles très précis, mes chers collègues.
Le premier, l’article L. 611-2 du code de commerce que Jacques Mézard connaît mieux que moi dispose : « Lorsque les dirigeants d'une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut, le cas échéant sur demande du président d'un des observatoires mentionnés à l'article L. 910-1 A, leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte.
« Si cette injonction n'est pas suivie d'effet dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, le président du tribunal peut également faire application à leur égard des dispositions du deuxième alinéa du I », autrement dit procéder à la convocation des dirigeants ou demander des informations aux commissaires aux comptes et aux administrations. Tout est déjà prévu !
Le second, l’article L. 123-5-1 du code précité, va encore plus loin, mais on ne l’a jamais utilisé : « À la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires.
« Le président peut, dans les mêmes conditions et à cette même fin, désigner un mandataire chargé d'effectuer ces formalités. »
Pourquoi créer une procédure spécifique au secteur agroalimentaire ? Il suffit d’appliquer le droit commun !
Autre argument : est-ce vraiment le rôle du président de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de déclencher des procédures de publication de comptes et de prendre parti entre des acteurs de filière ?
M. Alain Vasselle. Oui !
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Lors de son audition par notre commission, le président de l’Observatoire nous a indiqué que son institution ne pouvait en outre se fonder uniquement sur les comptes sociaux – c’est ce dont nous parlons – pour obtenir des éléments sur la formation des prix et des marges. C’est parce qu’il a des relations avec des entreprises qui acceptent d’aller plus loin et de lui fournir des informations sur les prix et les marges qu’il peut produire ce rapport annuel si intéressant.
Ne faisons pas jouer à l’Observatoire un rôle qui n’est pas le sien ! L’Observatoire nous renseigne en nous fournissant des éléments objectifs dans son domaine. Lui accorder un pouvoir de contrainte n’enrichira pas son expertise, cela l’appauvrira plutôt.
Je le répète, l’esprit qui nous anime est le même que le vôtre. Seulement, chacun doit rester à sa place. Faire sortir l’Observatoire de son rôle serait un signe de faiblesse. Les dispositions existantes n’ont jamais été appliquées, alors que tout intéressé peut déclencher la procédure menant à la publication des comptes des entreprises. Mais il est vrai que peu d’acteurs de la filière connaissent les deux moyens d’action que j’ai évoqués.
Moi aussi, monsieur Mézard, j’ai reçu hier soir un texto du président de la Fédération nationale des producteurs de lait, qui me remerciait du travail déjà effectué, et espérait que cet article serait voté aujourd'hui par le Sénat.
Alors, n’entretenons pas la confusion sur le rôle de l’Observatoire, qui doit seulement fournir des éléments sur la formation des prix.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je vais être le plus clair possible. Tout ce que vous venez de dire est exact, monsieur le rapporteur pour avis. L'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires doit bien fournir des informations, et les entreprises sont bien tenues de transmettre leurs comptes.
Mais il se trouve que certaines d’entre elles ne le font pas. La seule question à se poser, c’est : pourquoi ? La réponse est simple : parce que l’amende sur injonction est de 1 500 euros.
M. Alain Marc. C’est cela !
M. Stéphane Le Foll, ministre. On peut toujours invoquer les articles du code de commerce. Mais restons simples, faisons « agricole » : si la sanction est tellement faible qu’une entreprise n’encourt en réalité aucun risque à ne pas publier ses comptes, elle ne les publiera pas.
Certaines, bien sûr, procèdent à une publication. Les sociétés cotées par exemple, car elles ont besoin de capitaux.
L’absence de transparence m’a suffisamment mis en difficulté, pendant la crise de la viande, par exemple. Et la question se pose toujours des prix et du transfert des marges. Les transformateurs disent ne pas pouvoir payer plus cher les producteurs, et en reportent la responsabilité à la grande distribution.
Comment puis-je en juger ? Comment expliquer que Lactalis, qui a un mix produits laitiers à haute valeur ajoutée, baisse ses prix d’achat ? Lactalis peut très bien expliquer perdre de l’argent, mais rien ne permet de le vérifier : aucun compte n’est disponible ! Si nous ne renforçons pas les sanctions, nous n’aurons jamais les résultats de ces entreprises.
Nous avons tous déposé des amendements relatifs à la prise en compte des coûts de production dans les prix, à la formation des prix, à la répartition de la valeur ajoutée… La moindre des choses pour y voir clair est que les comptes soient transparents ! Cela permet de discuter, d’aider les entreprises en difficulté.
Nous avons besoin de voir cet amendement adopté. Sans sanction, je le répète les entreprises n’ont aucun intérêt à publier leurs comptes. En augmentant les sanctions, nous augmentons aussi nos chances qu’elles le fassent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Je crois que vous ne m’avez pas bien écouté. Deux moyens existent déjà pour exiger la publication des comptes : la sanction, qui est effectivement d’un montant ridicule, mais il y a aussi l’astreinte, qui s’additionne à la sanction, et qui s’applique sur une base quotidienne.
Il ne faut pas raconter d’histoire aux producteurs, les laisser croire qu’une sanction plus importante résoudra leurs problèmes. Les outils juridiques existent déjà !
M. Alain Vasselle. Pourquoi ne sont-ils pas utilisés ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. La publication ne changera pas fondamentalement la donne pour les producteurs.
Nous allons mettre en place des organisations de producteurs, nous voulons aller plus loin en matière de contrats, ajouter des références dans les formules de prix retenues entre agriculteurs et transformateurs, entre transformateurs et distributeurs. Mais rien ne dit, monsieur le ministre, que la publication des comptes entraînera une augmentation des prix.
Un amendement que nous examinerons dans un instant vise à comparer les résultats obtenus par l’Observatoire de formation des prix et des marges des produits alimentaires aux résultats obtenus dans les principaux pays européens. C’est très important, car l’Observatoire a besoin d’un maximum d’informations pour remplir correctement sa mission, ce que ne permettent pas, vous le savez, les comptes sociaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.
M. Michel Le Scouarnec. La crise est si profonde qu’il faut envoyer un signal aux producteurs. On peut très bien faire de grands discours et avancer que tous les dispositifs existent déjà, mais à quoi servent-ils s’ils sont dans les tiroirs depuis des années sans que personne s’en serve ? Nous devons faire ce petit effort, adopter une solution qui s’ajoute à ce qui existe déjà ; c’est urgent.
Vous connaissez tous cette situation, particulièrement vive en Bretagne. Les hypermarchés sont envahis par les syndicalistes ; les journaux sont remplis de témoignages de producteurs, qui se plaignent du manque de transparence : les prix à la vente sont toujours plus élevés, les produits viennent d’ailleurs, les productions locales ne se vendent plus ou alors à des prix très bas. La crise est immense !
Il est urgent, mes chers collègues, d’envoyer un signal aux producteurs. C’est pour eux que nous nous battons !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Le nombre d’entreprises qui ne publient pas leurs comptes en France est considérable, pour des raisons multiples.
Je suis un peu réservé sur les arguments avancés par M. le rapporteur pour avis à propos des mécanismes juridiques applicables pour y faire face. L’amende est extrêmement faible et, à ma connaissance, le pouvoir de prononcer des astreintes, sans entrer dans un débat juridique sur la notion d’astreinte provisoire, n’a jamais été exercé.
J’aurai deux remarques supplémentaires à formuler.
La première a trait à l’information nécessaire pour pouvoir apprécier la situation agricole, et qui passe par l’accès aux comptes des entreprises. À mon sens, il ne devrait pas y avoir de difficultés, pour un organisme public, de se voir communiquer ces données par l’administration, qu’il s’agisse du ministère de l’agriculture ou de Bercy.
M. Philippe Bonnecarrère. Je me permets néanmoins d’insister sur l’intérêt qu’il y aurait à trouver une solution juridique de ce type.
Seconde remarque : le dispositif prévu par ces trois amendements, si l’un d’entre eux est adopté, n’aura probablement pas le résultat escompté.
Les entreprises ne déposent pas leurs comptes, car elles ne veulent pas que leurs clients aient accès à ces informations. Il faut essayer de comprendre, non pas seulement les producteurs, que vous voulez protéger, mais également la logique de la grande distribution.
Les premiers à regarder les comptes que vous aurez demandé aux entreprises de publier seront non pas les producteurs de lait, mais les centrales de grande distribution. Si les résultats des entreprises sont plus importants qu’estimés, comme vous semblez le subodorer, ces centrales s’estimeront légitimes à donner un tour de pressoir supplémentaire, dont seront victimes les entreprises. Telles sont les conséquences pratico-pratiques du schéma que vous voulez mettre en place.
Dès lors, si un problème juridique se pose bien en matière de transparence des comptes, je me permets de vous inciter à une certaine prudence dans le mode opératoire retenu pour le résoudre, qui pourrait avoir l’effet inverse à celui recherché.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je soutiens les arguments développés par M. le rapporteur pour avis. Nous disposons déjà des outils juridiques nécessaires pour agir.
La question n’est pas de faire de la politique spectacle, cher collègue,…
M. Michel Le Scouarnec. Je n’ai jamais fait de politique spectacle !
Mme Sophie Primas. … elle est de voter une loi solide, sur laquelle on puisse s’appuyer.
Les éléments de droit fournis par le rapporteur pour avis témoignent de la nécessité de faire appliquer les dispositions existantes, de faire respecter la loi. Pourquoi des astreintes ne sont-elles pas prononcées ? C’est le cœur du problème.
Par ailleurs, je suis là aussi d’accord avec M. le rapporteur pour avis : les comptes sociaux intéressent moins l’Observatoire de la formation des prix et des marges que les prix qui sont derrière. Dans le cas d’une société avec un mix produit à haute valeur ajoutée, pour reprendre l’expression du ministre, il est difficile de voir où les marges se font sur la base de ces seuls comptes.
Dès lors, tout en étant adepte de la transparence dans la formation des prix et des marges, je ne voterai pas ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Je ne me suis pas encore exprimé sur les différents amendements déposés.
Pour les trois dont nous discutons actuellement, je tiens à dire que nous avons tous le même but : créer de la confiance, susciter davantage de transparence.
Dans une société inquiète, comme la nôtre, livrer les comptes des entreprises au public, chose qui n’est pas dans la culture française, risque d’avoir des effets négatifs.
J’ai beaucoup apprécié les propos de Philippe Bonnecarrère : utilisons et rationalisons les outils qui sont d'ores et déjà à notre disposition, l'Observatoire de la formation des prix et des marges et les deux moyens relevés par M. le rapporteur pour avis.
Si ces moyens sont insuffisants, durcissons-les. Mais je ne pense pas qu’il soit bénéfique de mettre sur la place publique les comptes des entreprises,…
M. Jacques Mézard. Mais c’est la loi !
M. Jean Bizet. … car, dans un monde extrêmement tendu sur le plan économique, cela aura l’effet inverse à celui qui est escompté.
Je suivrai donc les avis de la commission des affaires économiques.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun d’entre vous, y compris M. le rapporteur pour avis, a déposé des amendements visant à ce que les prix intègrent les coûts de production ou à connaître la répartition de la valeur ajoutée. Tout le monde est d’accord sur tout, jusqu’au moment où il s’agit de demander à une entreprise de publier ses comptes.
M. Jean Bizet. Mais pas n’importe comment !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez dit quelque chose de surprenant, monsieur le sénateur : il faudrait vivre caché, ne pas révéler la réalité des comptes !
M. Jean Bizet. Si, mais pas n’importe comment !
Mme Cécile Cukierman. Évidemment !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cela pose-t-il un problème quand le groupe Danone le fait ? Sodiaal, une coopérative, publie également ses comptes.
M. Michel Le Scouarnec. Tout à fait !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cette coopérative connaît des difficultés financières. Mais grâce à la publication de ses comptes, je sais de quoi je parle quand j’échange avec elle pour analyser et résoudre ses problèmes.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est bien, les coopératives !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Pas toutes…
D’autres entreprises refusent de déposer leurs comptes ; elles refusent de respecter la loi. C’est que les astreintes, madame la sénatrice Primas, sont tellement faibles qu’elles n’ont aucun intérêt à le faire.
Rappelez-vous les pénalités infligées aux sociétés pétrolières qui dégazaient en mer : il a fallu les augmenter sensiblement pour qu’elles acceptent de dégazer dans les ports et cessent de polluer. C’est la même chose en l’occurrence.
Le dispositif de ces amendements prévoit d’augmenter l’astreinte à 2 % du chiffre d’affaires journalier. Cela va faire réfléchir.
J’ai eu des dizaines de discussions au sujet des marges. La grande distribution prétend que ce sont les industriels qui empochent la valeur ajoutée et la cachent ; les industriels disent la même chose de la grande distribution ; les agriculteurs, quant à eux, n’en pensent pas moins des industriels et de la grande distribution.
Mme Sophie Primas. Cela fait trente ans que cela dure !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Comment savoir qui a raison quand des entreprises, comme les deux dont nous avons parlé, ne publient pas leurs comptes ?
Un amendement que nous allons examiner a trait à la mise en place d’une réunion de filière pour discuter des grandes orientations du secteur. Vous allez probablement adopter cet amendement et vous ne voudriez pas connaître la vérité des prix, arguant de la nécessité pour certaines entreprises de cacher leurs comptes ?
M. Jean Bizet. Mais non, ce n’est pas cela !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous l’avez dit, monsieur le sénateur, la France ne fait pas comme les autres.
M. Jean Bizet. Ce n’est pas la même culture, oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais il faudrait peut-être voir ce qui marche à l’étranger, de temps en temps.
Je m’adresse à ceux qui se considèrent comme des défenseurs du monde agricole : vous assumerez auprès des producteurs la responsabilité de n’avoir pas voulu renforcer les sanctions et les astreintes pour la publication des comptes des entreprises.
Mme Sophie Primas. Vous n’avez jamais actionné les dispositifs existants !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je répète donc que le Gouvernement est favorable à ces trois amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 31 est ainsi rédigé et les amendements nos 456 et 541 rectifié n'ont plus d'objet.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est zéro heure trente. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à une heure trente.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Nous allons néanmoins interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à zéro heure trente, est reprise à zéro heure quarante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
L’amendement n° 238, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le quatrième alinéa de l’article L. 682-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l'outre-mer du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il compare, sous réserve des données disponibles équivalentes, ces résultats à ceux des principaux pays européens. »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Cet amendement vise à permettre à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de comparer les prix à l’échelon européen. Il est, en effet, important, dans un contexte de concurrence internationale, d’observer la situation que connaissent les autres pays de l’Union européenne. Des démarches doivent être faites afin d’obtenir ces informations.
Tel est le sens de cet amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. La commission partage tout à fait le point de vue de l’auteur de l’amendement. Nous avions d’ailleurs défendu cette position lors de l’examen de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire, car il est nécessaire de disposer d’informations à l’échelon européen.
Je remercie Michel Canevet d’enrichir et de compléter cette réflexion sur la nécessité de l’information. Il est en effet important de comparer la compétitivité de notre agriculture à celle des différents pays européens et de disposer d’éléments objectifs à cette fin.
Cette proposition n’est pas de nature à poser des problèmes à l’Observatoire, dans la mesure où celui-ci a d’ores et déjà développé une méthodologie sur la décomposition de l’euro alimentaire.
L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 27 rectifié ter est présenté par MM. Vasselle, B. Fournier, Milon, Morisset, Lefèvre et Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent et Bizet, Mmes Deromedi et Duchêne, M. Laménie, Mmes Cayeux et Gruny et MM. D. Robert, Chaize et Pellevat.
L’amendement n° 174 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Pellevat, Roche, Bonnecarrère, Kern, Luche, Canevet, Delcros, Capo-Canellas, Médevielle et Guerriau.
L’amendement n° 551 rectifié est présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Hue.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’adéquation des moyens alloués à l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires afin de mener à bien ses missions.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié ter.
M. Alain Vasselle. L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires est aujourd’hui unanimement reconnu et utilisé par les différents acteurs comme une source fiable de la répartition de la valeur dans la chaîne alimentaire. Ses missions ont été renforcées à la suite de l’adoption de dispositions par l’Assemblée nationale, notamment du présent article 31.
Cependant, les moyens de l’Observatoire étant déjà très limités, cet amendement tend à prévoir une évaluation de ceux-ci au regard des missions qui lui sont confiées.
Cet argument avait d’ailleurs été présenté par M. le rapporteur pour avis, lequel craignait que l’on ne surcharge l’Observatoire en lui imposant de réaliser des analyses supplémentaires, ce qui allait le mettre en difficulté. Cet amendement devrait donc répondre à ses attentes.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 174 rectifié.
M. Michel Canevet. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 551 rectifié.
M. Jacques Mézard. Il est également défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. J’ai appris, au début de mon mandat de sénateur, que les demandes de rapports n’étaient pas toujours vues d’un œil favorable dans cet hémicycle.
Fidèle à cette tradition sénatoriale, j’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je rappelle que toutes les demandes de rapports formulées lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture ont été satisfaites par le Gouvernement.
Pour ce qui concerne le renforcement des moyens de l’Observatoire, je m’en remets à la sagesse du Sénat. Mais il est évident que, si on demande à cette instance davantage de travail, il faudra bien discuter des moyens nécessaires à son fonctionnement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 rectifié ter, 174 rectifié et 551 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 31, modifié.
(L'article 31 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 31 (priorité)
Mme la présidente. L'amendement n° 457, présenté par M. Le Scouarnec, Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 31
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 442-2 du code de commerce, il est inséré un article L. 442-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 442-2-… – Le fait, pour tout professionnel, d’acheter un produit agricole en l’état à un prix inférieur à son prix de revient effectif est interdit et puni de 75 000 € d’amende. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Comme nous l’avons indiqué à l’occasion de la présentation de notre précédent amendement, les différentes réformes des relations entre industrie et commerce ont conduit à une guerre des prix, avec un effet particulièrement dévastateur sur le secteur de l’agroalimentaire et, au-delà, sur les filières agricoles dont les industries agroalimentaires représentent 70 % des débouchés. Le rapport de force entre la grande distribution et les entreprises de la filière agroalimentaire est nettement défavorable à ces dernières et à leurs fournisseurs agricoles : sept grands acteurs achètent la production de plus de 13 000 entreprises du secteur de l’agroalimentaire.
Pourtant, l’interdiction de la vente à perte est un principe consacré par l’article L. 442-2 du code de commerce qui dispose : « Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d’annoncer la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif est puni de 75 000 euros d’amende. »
Pour les producteurs agricoles, il n’existe pas d’équivalent en droit de cette disposition, alors que le coût de revient unitaire des productions peut être parfaitement établi. De plus, dans les faits, il est désormais possible de vendre à prix coûtant et la grande distribution s’arrange, en utilisant certaines dispositions de la loi de modernisation de l’économie, pour faire payer à ses fournisseurs ses propres coûts de fonctionnement. Il en résulte une situation catastrophique, la destruction de valeur ajoutée se répercutant sur toute la chaîne.
Nous avons, certes, déjà eu ce débat lors de l’examen de la loi d’avenir pour l’agriculture. Vous nous rétorquerez donc certainement que, en l’état actuel du droit, nous ne pouvons pas prévoir des dispositions commerciales portant uniquement sur les produits alimentaires qui soient différentes de celles qui s’appliquent à tous les autres produits fabriqués en France ou en Europe. Mais nous pensons qu’il faut faire en la matière preuve de volontarisme politique.
C’est pourquoi nous proposons d’étendre le principe de l’interdiction de la vente à perte aux agriculteurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à créer un parallélisme avec le mécanisme de sanction de la revente à perte. Il vise à interdire et à sanctionner par une amende de 75 000 euros le fait d’acheter un produit agricole en l’état à un prix inférieur à son prix de revient effectif.
Je comprends évidemment l’idée sous-jacente, que je partage : il s’agit de mettre fin à la vente à perte par les agriculteurs de leur production. Mais je ne vois pas comment le dispositif pourrait fonctionner réellement, ne serait-ce que parce que le prix de revient sera très difficile à calculer en pratique, fluctuant très fortement au gré des périodes.
Je rappelle que, aux termes du code général des impôts, ce prix de revient est, pour les biens produits par une entreprise, le coût de production, lequel comprend les coûts directement engagés pour la production ainsi que les frais indirects de production, variables ou fixes, et des coûts d’emprunt.
Et, pour un même produit agricole, il sera différent d’une exploitation à l’autre, avec le risque d’une concurrence renforcée des exploitations entre elles et d’une recherche d’une réduction drastique des coûts de production conduisant potentiellement à la disparition des petites unités agricoles familiales… Je crois donc que le remède proposé est inadapté.
La commission des affaires économiques émet par conséquent un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Comme M. le rapporteur pour avis, je comprends tout à fait l’objectif poursuivi. Selon les auteurs de l’amendement, il y aurait un prix en deçà duquel on ne pourrait pas assurer la production et le coût de revient.
Aujourd’hui, la revente à perte est interdite : on ne peut revendre un produit à un prix inférieur au prix d’achat.
Pour ce qui concerne le coût de revient, il est tout à fait différent selon la situation, la taille de l’entreprise, les investissements réalisés.
À qui s’appliquera la mesure que vous proposez, madame la sénatrice ?
Vous parlez d’un prix garanti au niveau du coût de revient. Or la situation d’un agriculteur qui vient d’investir et de s’installer n’est pas du tout la même que celle d’un autre qui est en fin de carrière et a remboursé tous ses emprunts ; pour celui-ci, en effet, le coût de revient sera plus faible !
Si vous vous basez sur le coût de revient que connaît un agriculteur ayant peu de charges opérationnelles, vous allez mettre tous les autres exploitants dans une situation catastrophique.
Si, en revanche, vous prenez comme référence le coût de revient d’un agriculteur ayant beaucoup investi et rencontrant de nombreuses difficultés, vous allez faire bénéficier tous les autres d’une rente indue.
La solution que vous préconisez n’est pas opérationnelle compte tenu de la réalité et de la diversité des situations. Il est très difficile de régler ce problème avec ce type de disposition. Le risque est de s’aligner sur le coût de revient le plus bas, ce qui fera exploser l’ensemble du système.
M. Michel Le Scouarnec. Ou plutôt l’idée est bonne, mais on n’a pas les moyens de l’appliquer !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Dans de petites exploitations – disant cela, je pense au Pays basque, cher à Mme Espagnac –, où les investissements sont faibles, les coûts de revient sont inférieurs à ceux d’exploitations plus importantes qui ont eu besoin de capital pour investir.
La solution que vous proposez pourrait donc avoir un effet contre-intuitif.
J’émets par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. J’entends bien vos remarques, monsieur le ministre, mais si le principe de la revente à perte est si mauvais, mieux vaudrait franchement le supprimer !
Vos explications pourraient tout à fait s’appliquer à l’industrie du textile. Cette problématique des investissements à rythme différencié selon les exploitations ou les entreprises existe dans tous les secteurs économiques. Mais la question que nous posons au travers de cet amendement, et de bien d’autres, est la suivante : comment garantir réellement, de façon sûre et définitive, le prix aux paysans et, plus largement, aux producteurs ?
Il s’agit non pas de dire que notre proposition est l’alpha et l’oméga réglant tous les problèmes, mais de travailler à la recherche d’une solution.
Mme la présidente. L’amendement n° 219, présenté par M. Poniatowski et Mme Duranton, n’est pas soutenu.
Article 31 bis A (priorité)
Le deuxième alinéa du I de l’article L. 310-2 du code de commerce est ainsi rédigé :
1° La première phrase est complétée par les mots : « ni dans un même arrondissement » ;
2° La dernière phrase est complétée par les mots : « dont une copie est adressée concomitamment à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation dans le département du lieu de vente. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Tandonnet, César, Bonnecarrère, Capo-Canellas, Guerriau et Roche, Mme Férat, M. Détraigne, Mme Gatel, MM. Gabouty, Cornu, Vaspart et Lefèvre, Mme Lopez, MM. Milon, Chasseing, Nougein, Commeinhes, A. Marc, Genest et Darnaud, Mmes Lamure et Des Esgaulx, MM. B. Fournier, Houpert et D. Bailly, Mme Gruny et MM. Houel, P. Leroy, Raison, Mouiller, Laménie, Huré, Luche, Rapin, Mandelli, Charon et Masclet, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
ni dans un même arrondissement
par les mots :
dans la même région
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Cet amendement vise à renforcer le caractère exceptionnel des ventes au déballage de fruits et légumes frais en limitant cette possibilité pour chaque commerçant au maximum à deux mois par an dans la même région, et non dans le même arrondissement.
En effet, l’arrondissement est une circonscription géographique trop petite pour que le renforcement de la législation sur les ventes au déballage de fruits et légumes frais soit véritablement effectif. En pratique, avec l’article 31 bis A introduit par l’Assemblée nationale en première lecture et réécrit par la commission des affaires économiques du Sénat, la situation restera inchangée pour les vendeurs au déballage que l’on retrouve en nombre au bord des routes ou sur les parkings, proposant leurs produits à des prix cassés. C’est pourquoi l’échelle de la région semble être une limite géographique plus pertinente et, en tout état de cause, de nature à protéger le petit commerce de proximité de fruits et légumes.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 55 rectifié est présenté par MM. Tandonnet, César, Bonnecarrère, Capo-Canellas, Guerriau, Roche et Gabouty, Mme Férat, M. Détraigne, Mme Gatel, MM. Cornu, Vaspart et Lefèvre, Mme Lopez, MM. Milon, Chasseing, Nougein, Commeinhes, A. Marc, Genest et Darnaud, Mmes Lamure et Des Esgaulx, MM. B. Fournier, Houpert et G. Bailly, Mme Gruny et MM. Houel, P. Leroy, Raison, Mouiller, Laménie, Huré, Luche, Rapin, Mandelli, Charon et Masclet.
L’amendement n° 229 est présenté par M. Camani et Mme Espagnac.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
ni dans un même arrondissement
par les mots :
dans le même département et les départements limitrophes
La parole est à M. Alain Marc, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.
M. Alain Marc. Il s’agit de limiter les ventes au déballage de fruits et légumes frais pour chaque commerçant au maximum à deux mois par an, non pas dans chaque arrondissement, comme l’a proposé l’Assemblée nationale en première lecture, puis comme l’a confirmé la commission des affaires économiques du Sénat, mais dans le même département et les départements limitrophes, afin de protéger le petit commerce de proximité.
Cet amendement tient compte de la zone de chalandise réelle des vendeurs de fruits et légumes au bord des routes et dans les parkings, dans la mesure où leurs clients potentiels peuvent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres pour effectuer leurs achats alimentaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 229.
Mme Frédérique Espagnac. Dans nos territoires transfrontaliers, nous avons pu observer de nombreux arrivages ; c’est le cas dans mon département, en provenance d’Espagne.
Il s’agit d’empêcher efficacement le contournement de la réglementation actuelle en évitant que les vendeurs de fruits et légumes ne puissent vendre en permanence sur un même territoire et de protéger les commerces de proximité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’amendement n° 54 rectifié vise à accroître le périmètre territorial de l’interdiction des ventes au déballage au-delà de deux mois par an.
Au vu de la dimension nouvelle des régions, consécutive à la réforme territoriale, étendre ce périmètre à la région semble aujourd’hui disproportionné.
Eu égard au principe constitutionnel et européen de la liberté du commerce et de l’industrie, il est important qu’une mesure d’interdiction reste proportionnée.
Je demande donc le retrait de cet amendement, ainsi que des amendements identiques nos 55 rectifié et 229. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Ces amendements visent à répondre à la problématique à laquelle doivent faire face des départements frontaliers.
Nous avons voulu répondre de manière proportionnée aux situations de désordre qui y sont organisées, et le périmètre de l’arrondissement nous a paru le plus adapté à l’objectif recherché.
Choisir le périmètre de la région, compte tenu de la taille actuelle des régions, ou du département d’ailleurs, n’aurait pas de sens ! L’autorisation de ce type de vente durant deux mois dans l’arrondissement oblige justement les vendeurs à se déplacer, ce qui est l’objectif des auteurs des amendements. Le territoire concerné couvrira trois arrondissements dans les Pyrénées-Atlantiques, deux dans le Tarn, quatre dans le Lot.
Nous devons donner une réponse proportionnée à ce problème. À défaut, la mesure prise irait à l’encontre du but que l’on cherche à atteindre.
M. Alain Marc. Dans ces conditions, je retire mes amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 54 rectifié et 55 rectifié sont retirés.
Mme Frédérique Espagnac. Je retire également le mien.
Mme la présidente. L’amendement n° 229 est retiré.
L’amendement n° 145, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
arrondissement
insérer les mots :
ou dans les arrondissements limitrophes
La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à étendre aux arrondissements limitrophes d’un même arrondissement l’impossibilité de procéder à des ventes au déballage au-delà de deux mois par année civile.
La référence à un seul arrondissement ne semble pas suffisante pour prévenir d’éventuels contournements de la réglementation.
Nous avons déposé cet amendement après avoir entendu en commission les acteurs concernés. Il nous permet aussi de reprendre une partie des demandes formulées par le biais des amendements examinés précédemment.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 298, présenté par M. Botrel, Mme Espagnac, MM. Camani et Guillaume, Mme Bataille, MM. F. Marc, Miquel, Sueur, Vincent, Yung, M. Bourquin, Cabanel, Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, M. S. Larcher, Mme Lienemann, MM. Montaugé, Rome, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le fait de ne pas transmettre copie de la déclaration à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation dans le département du lieu de vente est passible de l’amende prévue par l’article R. 310-19 du code de commerce.
La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. L’article 31 bis A prévoit l’obligation de transmettre copie de la déclaration de vente au déballage, par le vendeur, à l’autorité administrative chargée de la concurrence. C’est une bonne chose, car cela permettra sans conteste un meilleur suivi de cette activité qui, si elle est légitime et utile, doit néanmoins être encadrée.
Cependant, nous le savons tous, en l’absence de dispositifs de sanction, cet acte administratif n’est dans la pratique que très peu réalisé. Il convient donc de prévoir une sanction en cas de non-respect de cette obligation.
L’article R. 310-9 du code de commerce régit, d’ores et déjà, les sanctions applicables en matière de vente au déballage. Il y a donc lieu de rattacher cette disposition nouvellement créée à cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Je suis sensible à l’objet de cet amendement qui est de prévoir une contravention de cinquième classe, actuellement fixée dans la partie réglementaire du code de commerce, lorsque le demandeur ne transmet pas la copie de sa déclaration préalable.
Pour que le dispositif fonctionne, il faut en effet que la direction départementale de la protection des populations puisse assurer au maire, qui a seul le pouvoir de s’opposer à la déclaration, que le demandeur n’a pas déjà effectué des ventes dans d’autres communes de l’arrondissement.
En revanche, il n’est pas possible juridiquement que la loi renvoie au décret. Pour cette raison, il n’est pas envisageable d’accepter cet amendement. Mais peut-être obtiendra-t-on de M. le ministre l’assurance qu’une telle mesure réglementaire sera prise, l’article R. 310-19 du code de commerce étant modifié à cet effet ?
Dans l’attente de l’avis du Gouvernement, la commission des affaires économiques souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, rien n’empêche d’inscrire une sanction dans la loi. Je vais faire vérifier ce point par mes services : relève-t-il du domaine réglementaire ? Il faudra bien prévoir un moyen de contrainte, comme nous l’avons dit précédemment, sinon la transmission de la copie de la déclaration ne sera pas effective. La DGCCRF et les maires ont besoin des moyens qui leur permettent de faire appliquer cette disposition.
Je suis donc favorable à cet amendement. Sur la question précise du rapporteur pour avis, je le répète, mes services vont se pencher sur ce point.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 31 bis A, modifié.
(L'article 31 bis A est adopté.)
Article 31 bis B (priorité)
(Supprimé)
Articles additionnels après l’article 31 bis B (priorité)
Mme la présidente. L'amendement n° 56 rectifié bis, présenté par MM. Tandonnet, César, Bonnecarrère, Capo-Canellas, Guerriau et Roche, Mme Gatel, M. Gabouty, Mme Férat, MM. Détraigne, Cornu, Vaspart et Lefèvre, Mme Lopez, MM. Milon, Chasseing, Nougein, Commeinhes, A. Marc, Genest et Darnaud, Mmes Lamure et Des Esgaulx, MM. B. Fournier, Houpert et G. Bailly, Mme Gruny et MM. Houel, P. Leroy, Raison, Mouiller, Laménie, Huré, Luche, Rapin, Mandelli, Charon et Masclet, est ainsi libellé :
Après l'article 31 bis B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article L. 310-5 du code de commerce, après le mot : « déballage », sont insérés les mots : « d’une durée supérieure à deux mois par année civile, dans les conditions prévues à l’article L. 310-2, ainsi que ».
La parole est à M. Alain Marc.
M. Alain Marc. Le présent amendement vise à tirer les conséquences de l’article 31 bis A introduit par l’Assemblée nationale, qui limite les ventes au déballage de fruits et légumes frais à deux mois par année civile et par commerçant, dans chaque arrondissement, et à prévoir une amende de 15 000 euros pour le non-respect de cette disposition. Il ne peut y avoir de mesure efficace et dissuasive sans sanction, comme cela a déjà été dit.
Il convient de rappeler que l’article L. 310-5 du code de commerce punit déjà d’une amende de 15 000 euros tout contrevenant procédant à une vente au déballage sans la déclaration préalable auprès du maire de la commune dont dépend le lieu de vente prévue par l’article L. 310-2 du même code, ou en méconnaissance de cette déclaration.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques est favorable à cet amendement qui tend à rendre plus dissuasive la sanction du non-respect de la durée autorisée de deux mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je ne suis pas favorable à cet amendement : je n’ai pas les chiffres en tête, mais prévoir une sanction de 15 000 euros en matière de vente au déballage va permettre de vite régler le problème ! Des amendes de cinquième classe à répétition sont préférables : leur application régulière force chacun à respecter la règle.
Prévoir une sanction si lourde nous renvoie à la question de la nature du délit et à celle de l’aléa moral – une personne peut dire qu’elle ne savait pas que la durée autorisée était de deux mois. De surcroît, une telle sanction est beaucoup plus difficile à appliquer.
J’y insiste, le niveau de sanction est extrêmement élevé par rapport au problème de ces ventes au déballage sur les marchés : 15 000 euros, cela doit représenter quelques semaines de chiffre d’affaires…
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 31 bis B.
L'amendement n° 208 rectifié, présenté par Mme Estrosi Sassone, n'est pas soutenu.
Article 31 bis C (priorité)
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le sixième alinéa du I de l’article L. 441-6 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les conditions générales de vente relatives à des produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles non transformés devant faire l’objet d’un contrat écrit, en application soit du décret en Conseil d’État prévu au I de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, soit d’un accord interprofessionnel étendu prévu au III du même article, indiquent le prix prévisionnel moyen proposé par le vendeur au producteur de ces produits agricoles pendant leur durée d’application. » ;
2° Il est ajouté un article L. 441-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 441-10. – Le contrat d’une durée inférieure à un an entre un fournisseur et un distributeur portant sur la conception et la production de produits alimentaires selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur mentionne le prix ou les critères et modalités de détermination du prix d’achat des produits agricoles non transformés entrant dans la composition de ces produits alimentaires lorsque ces produits agricoles doivent faire l’objet d’un contrat écrit soit en application du décret en Conseil d’État prévu au I de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, soit d’un accord interprofessionnel étendu en application du III du même article. »
Mme la présidente. L'amendement n° 271, présenté par Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est retiré.
Mme la présidente. L'amendement n° 271 est retiré.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 20 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Lefèvre, Milon, Morisset, Houel et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. B. Fournier et Bizet, Mmes Deromedi et Duchêne, M. Laménie, Mme Cayeux, M. Rapin, Mme Gruny et MM. Chaize et Pellevat.
L'amendement n° 178 rectifié bis est présenté par MM. Delcros, Bonnecarrère, Lasserre, Gabouty, Roche, Luche et Kern.
L'amendement n° 533 rectifié est présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Guérini et Hue.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Pour les produits alimentaires, le barème des prix unitaires doit prendre en compte un ou plusieurs indicateurs publics de coûts de production en agriculture et un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires publiés par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Les modalités de prise en compte des coûts de production dans les conditions générales de vente et la liste des produits concernés sont fixées par décret en Conseil d’État.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l'amendement n° 20 rectifié bis.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Il est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 178 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 533 rectifié.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à compléter la disposition adoptée par l’Assemblée nationale et à rendre réellement efficace le système des négociations commerciales en deux temps, à savoir d’abord entre producteurs et transformateurs, puis entre transformateurs et distributeurs.
Mme la présidente. L'amendement n° 146, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le sixième alinéa du même I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les critères et modalités de détermination du prix prévisionnel mentionné au sixième alinéa du présent I font référence à un ou plusieurs indicateurs publics de coût de production en agriculture et à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires, qui peuvent être établis par accords interprofessionnels ou, à défaut, par l’Observatoire de la formation des prix et des marges. »
La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission des affaires économiques sur les deux amendements précédents.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. Le présent amendement vise à préciser la méthode pour prendre en compte les prix agricoles dans la négociation des contrats. Les députés ont souhaité que les contrats conclus entre industriels et grande distribution comportent une référence à un « prix prévisionnel » versé au producteur.
Il faut éviter que ce prix, qui n’engage pas à grand-chose, ne soit établi sans référence à un objectif de juste rémunération de l’agriculteur. Cet amendement tend à préciser que ce prix prévisionnel devra intégrer des indicateurs de coûts de production. Il s'agit d'encourager un processus de formation des prix prenant en compte, dans un premier temps, les coûts de production agricoles. La négociation entre industriels et grande distribution intervient dans un second temps.
Je demande donc le retrait des autres amendements au bénéfice de celui que je viens de présenter, au nom de la commission des affaires économiques. Ce dernier reprend l’idée d’indicateur pour établir une référence dans les contrats conclus entre les producteurs et les entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je ne suis pas favorable à ces amendements, comme je l’ai déjà indiqué. On en revient à la question du coût de production. Si on prend l’exemple du porc, le prix de marché a augmenté, alors que les coûts de production ont plutôt baissé. Au moment où les prix remontent enfin après quatre ou cinq années de baisse, si on les indexait sur les coûts de production, on les ferait baisser, alors que le marché est prêt à mieux rémunérer les producteurs !
Je le répète, avec l’indexation directe entre prix et coûts de production, même si j’ai bien compris l’objectif poursuivi, le risque est de provoquer un effet négatif sur les prix en cas de baisse des coûts de production, comme c'est le cas aujourd'hui. C’est le contraire de ce que nous souhaitons !
Pourquoi avoir prévu un prix indicatif dans le contrat LME ? Ce prix n’est pas indicatif au sens où il s’agirait simplement de donner une indication. Nous avons discuté du prix de valorisation pour ce qui concerne le contrat LMA entre producteurs et industriels. Mais le contrat LME est conclu entre industriels et distributeurs. Il doit y avoir un lien entre ce que va payer l’industriel à l’agriculteur, et le prix qui découle des négociations commerciales entre la grande distribution et l’industriel doit être mentionné.
Pour le producteur, cette visibilité est très importante. Que se passe-t-il aujourd’hui dans les fameux box commerciaux ? Des négociations entre industriels et grands distributeurs. Personne ne parle des conséquences en termes de prix pour le producteur. Quand il y a des interprofessions, le système fonctionne. Justement, on va renforcer le rôle des interprofessions puisqu’il faudra obligatoirement faire figurer des indications de prix, que ce soit entre grands distributeurs et industriels, ou industriels et agriculteurs. À ce moment-là, on pourra avoir des discussions d’orientation. C'est la raison pour laquelle je préfère les positions qui vont en ce sens. À l'Assemblée nationale, je n’ai cessé de répéter qu’il fallait faire attention à la question des indices liés uniquement aux coûts de production.
Mme la présidente. Madame Morhet-Richaud, l'amendement n° 20 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Patricia Morhet-Richaud. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié bis est retiré.
Monsieur Mézard, l'amendement n° 533 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 533 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 146.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 175 rectifié bis est présenté par MM. Cigolotti, Pellevat, Roche, Bonnecarrère, Kern, Canevet, Luche, Gabouty, Médevielle et Guerriau.
L'amendement n° 534 rectifié est présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall, Guérini et Hue.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le troisième alinéa du I de l’article L. 441-9, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les produits alimentaires, le prix ou les modalités de détermination du prix doivent prendre en compte un ou plusieurs indicateurs publics de coûts de production en agriculture et un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires publiés par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Les modalités de prise en compte des coûts de production et la liste des produits concernés sont fixées par décret. »
La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l'amendement n° 175 rectifié bis.
M. Michel Canevet. Cet amendement vise à compléter le dispositif retenu par l’Assemblée nationale pour rendre réellement efficace le système des négociations en deux temps, d’abord entre producteurs et transformateurs, puis entre transformateurs et distributeurs.
Rédigé de cette manière, il permet de ne concerner que les produits agricoles et alimentaires. L’articulation entre indicateurs de coût de production prenant notamment en compte le coût de la main-d’œuvre et de prix sur les marchés permet d’envisager une rémunération des producteurs au-dessus de leur coût de production.
La loi de modernisation de l’économie régit les négociations commerciales annuelles sur les produits à marques. Les marques de distributeurs, ou MDD, font, pour leur part, l’objet d’appels d’offre et donc de contrats de sous-traitance. Par exemple, pour la filière laitière, les négociations commerciales ne concernent que 19 % du lait français vendu sous marques nationales.
Par conséquent, pour les MDD sous contrats de sous-traitance, cet amendement tend à ce que les clauses de détermination du prix fassent référence à des indicateurs de coût de production des producteurs et de prix de marché.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 534 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Il s’agit aussi de mieux garantir le lien entre le prix payé à l’agriculteur et le prix final des produits alimentaires au niveau du contrat aval en intégrant les produits sous marque de distributeur.
Si les parts de marché des MDD ont globalement tendance à stagner actuellement, elles sont prépondérantes pour certains secteurs. C’est le cas pour le lait.
Cet amendement vise donc à englober les contrats de sous-traitance conclus par les MDD.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Je demande le retrait de ces amendements au profit de l'amendement n° 147, qui sera présenté dans quelques instants.
Nous voulons appliquer la même procédure dans le cadre de la détermination du prix, y compris pour les produits sous MDD.
Monsieur le ministre, il faut bien avoir une base. Or le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale ne prévoit aucune référence en matière de prix. Placer cela sous la responsabilité de l’interprofession, c’est au contraire aller bien plus loin en matière de responsabilité des producteurs, notamment pour ce qui concerne l’aspect contractuel des relations entre producteurs, entreprises et grande distribution.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Canevet. Dans ces conditions, je retire mon amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 175 rectifié bis est retiré.
M. Jean-Claude Requier. Je retire également mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 534 rectifié est retiré.
L'amendement n° 147, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les critères et modalités de détermination des prix mentionnés au premier alinéa font référence à un ou plusieurs indicateurs publics de coût de production en agriculture et à un ou plusieurs indices publics des prix des produits agricoles ou alimentaires, qui peuvent être établis par accords interprofessionnels ou, à défaut, par l’Observatoire de la formation des prix et des marges. »
La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. L’article L. 441-10 du code de commerce créé par l’article 31 bis C dispose que les prix payés aux agriculteurs figurent dans les contrats passés pour la fabrication des produits sous marques de distributeur. Il s’agit ainsi d’établir un lien entre le prix agricole et le prix final payé par le consommateur.
L’amendement vise à sécuriser le dispositif et à prévoir que dans les contrats passés pour la fabrication d’un produit sous marque de distributeur les prix fassent référence à des indicateurs publics de coûts de production en agriculture. Il s’agit d’éviter que les prix agricoles mentionnés dans les contrats MDD soient trop bas et sans lien avec les coûts de production constatés en agriculture.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. Même si nous sommes d’accord sur la ligne à suivre, je ne suis pas favorable à cet amendement, car le présent projet de loi va plus loin pour ce qui concerne l’obligation qui est faite à la grande distribution de définir sa responsabilité. Comme c'est cette dernière qui fait fabriquer par l’industrie des produits qu’elle vend par la suite, nous sommes allés jusqu’à définir le prix lui-même.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 236, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’article L. 430-3 du code de commerce, il est inséré́ un article L. 430-3- … ainsi rédigé́ :
« Art. L. 430-3-… – En matière de produits agroalimentaires, l’Autorité de la concurrence fixe, pour chaque marché pertinent, la part de marché maximale applicable à chaque groupement. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Je présenterai en même temps l'amendement n° 237, madame la présidente, car ils sont analogues.
La grande distribution concentre aujourd’hui 90 % des parts de marché, puisqu’il y a essentiellement quatre centrales d’achat. Il convient d’organiser les choses pour éviter que ces centrales ne prennent une part encore plus prépondérante dans la distribution des produits et qu’elles ne puissent davantage faire pression sur les transformateurs et les producteurs.
Il est proposé au travers de ces amendements de se fier à l’Autorité de la concurrence pour établir des seuils au-delà desquels il serait considéré qu’il y aurait un risque de concentration et donc de cartellisation. L’objectif est de favoriser une plus grande transparence et d’éviter que le marché ne se retrouve entre quelques mains, mettant ainsi les producteurs, notamment les agriculteurs, en très grande difficulté. On a pu observer ces derniers temps combien ceux-ci ont du mal à joindre les deux bouts, car ils ne parviennent plus à vendre leurs produits à un prix correct.
Il faut donc, j’y insiste, organiser les choses. C'est le sens de la régulation proposée avec ces amendements, comme au travers des précédents d’ailleurs.
Mme la présidente. L'amendement n° 237, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’article L. 430-3 du code de commerce, il est inséré́ un article L. 430-3-… ainsi rédigé́ :
« Art. L. 430-3-… – L’Autorité de la concurrence fixe un pourcentage maximum de parts de marché applicable aux groupements d’achats au niveau national et par catégorie d’activités. »
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Ces amendements tendent à ce que, en matière de produits agroalimentaires, l’Autorité de la concurrence fixe, pour chaque marché pertinent, la part de marché maximale applicable à chaque groupement.
Ils visent à corriger la situation de regroupement par concentration ou par voie d’accords des centrales d’achat de la distribution. Ce processus renforce plus que jamais la position des distributeurs, avec quatre centrales d’achat qui réalisent 90 % des achats de produits alimentaires, vis-à-vis de leurs fournisseurs, dans un contexte exacerbé de course aux prix bas. L’Autorité de la concurrence s’est bornée, dans un avis rendu sur le sujet au mois d’avril 2015, à constater des risques, mais n’a pas préconisé de prendre des sanctions, faute de relever un abus de position dominante, ou une entente à effet ou objet anticoncurrentiels… Ceux qui souhaitaient voir l’étau sur les fournisseurs se desserrer ont été déçus !
Pour autant, le dispositif proposé romprait totalement avec notre conception du droit de la concurrence depuis 1986 et serait en délicatesse avec le droit européen. En outre, on voit mal comment l’Autorité de la concurrence pourrait, elle-même, fixer une part maximale : à quoi correspondrait-elle ? Il serait difficile de la calculer pour l’ensemble des marchés pertinents.
En matière de concurrence, on oppose souvent le « grand droit de la concurrence », que l’on appelle aussi le « droit du marché » et dont l’acteur dominant est l’Autorité de la concurrence, et le « petit droit de la concurrence », c'est-à-dire le droit des pratiques restrictives, régulé par la DGCCRF. Or, selon moi, pour les relations commerciales dans la distribution, le « petit droit » est l’instrument le plus efficace : les notions de déséquilibre significatif, d’avantage sans contrepartie ou disproportionné sont très opérationnelles. Elles caractérisent les excès d’acteurs en position de domination, et pas forcément en situation de position dominante sur un marché au sens du « grand droit de la concurrence ».
La voie à suivre, c’est d’appliquer réellement et concrètement ces dispositifs de sanction des pratiques restrictives de concurrence, plutôt que de définir des parts de marché maximales.
Encore faut-il, et c’est là que le bât blesse de nouveau, que l’autorité administrative soit dotée des moyens nécessaires et exerce pleinement ses prérogatives. La DGCCRF doit avoir davantage de moyens pour que les comportements qui déséquilibrent la relation contractuelle fournisseur-distributeur soient effectivement sanctionnés.
Vous le comprendrez, je ne suis pas favorable à ces amendements, dont les dispositions me semblent peu applicables. Leur adoption ne résoudrait pas les situations de déséquilibre que nous constatons.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. L’avis est le même que celui du rapporteur pour avis. Au-delà de toutes les questions juridiques qui se posent, il ne me semble pas opportun de donner à l’Autorité de la concurrence la capacité de définir des parts maximales de marché. Cette instance fait son travail, qui soulève déjà quelques interrogations. Imaginez les conséquences si on lui confiait cette responsabilité…
M. Michel Canevet. Dans ces conditions, je retire mes amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 236 et 237 sont retirés.
Je mets aux voix l'article 31 bis C, modifié.
(L'article 31 bis C est adopté.)
Article 31 bis D (priorité)
Le II de l’article L. 442-6 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le e, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« f) De soumettre un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « huitième alinéa ».
Mme la présidente. L'amendement n° 148, présenté par M. Gremillet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 442-6 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure. » ;
2° Au dernier alinéa du II, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « huitième alinéa du I ».
La parole est à M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis.
M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à donner une plus grande portée au dispositif permettant de sanctionner la pratique qui consiste à soumettre un partenaire commercial à des pénalités pour retard de livraison en cas de force majeure.
Il s'agit de prendre en considération non pas seulement les clauses contractuelles, mais plus généralement tout comportement, en l'absence même de stipulation contractuelle, d'un partenaire commercial qui tenterait d'imposer à un autre la prise en charge de frais liés à des circonstances qui ne relèvent pas de sa responsabilité puisqu'elles sont constitutives de force majeure.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'article 31 bis D est ainsi rédigé et l'amendement n° 234 n'a plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de cet amendement.
L'amendement n° 234, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le deuxième alinéa de l’article L. 442-2 du code de commerce est complété par les mots : « , et coûts inhérents à la distribution du produit ».
Mes chers collègues, nous avons examiné 138 amendements au cours de la journée ; il en reste 210.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 6 juillet 2016, une décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les conditions tenant à l’exercice de certaines fonctions ou activités en France pour l’accès à la profession d’avocat (n° 2015-551 QPC).
Acte est donné de cette communication.
9
Communication du conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 6 juillet 2016, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui a adressé des arrêts de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité portant :
- Sur l’article L. 621-15 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 (Pouvoir de sanction de l’Autorité des marchés financiers) (2016-572 QPC) ;
- Sur les dispositions des articles L. 654-2, 2°, L. 654-5, 2°, et L. 654-6 du code de commerce (Banqueroute - Cumul de poursuites devant la juridiction pénale et devant la juridiction civile ou commerciale) (2016-573 QPC) ;
- Sur l’article 792 alinéa 2 du code civil (Successions - Extinction des créances en cas d’absence de déclaration dans le délai prescrit) (2016-574 QPC, 2016-575 QPC, 2016-576 QPC et 2016-577 QPC).
Les textes de ces arrêts de renvoi sont disponibles à la direction de la séance.
Acte est donné de ces communications.
10
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 7 juillet 2016 :
À dix heures trente :
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces ;
Rapport de M. Jeanny Lorgeoux, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 734, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 735, 2015-2016).
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (n° 691, 2015-2016) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte (n° 683 rectifié, 2015-2016) ;
Rapport de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois (n° 712, tomes I et II, 2015-2016) ;
Textes de la commission (nos 713 et 714, 2015-2016) ;
Avis de M. Daniel Gremillet, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 707, 2015-2016) ;
Avis de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 710, 2015-2016).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir :
Débat sur l’orientation des finances publiques et projet de loi de règlement, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, du budget et d’approbation des comptes de l’année 2015 (n° 756, 2015-2016) ;
Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (n° 759, tomes I et II, 2015-2016).
Suite de l’ordre du jour du matin.
En outre : sous réserve de la transmission du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté, transformation en commission spéciale du groupe de travail chargé d’examiner ce projet de loi.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 7 juillet 2016, à une heure vingt-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD