Mme Marie-France Beaufils. En cohérence avec l’amendement n° 446, présenté par Patrick Abate à l’article 8, cet amendement tend à instaurer une obligation de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre à l’égard de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs.
L’adoption d’une telle disposition est un impératif à la fois politique, juridique et économique. Elle vise en effet à concrétiser les engagements récurrents du Gouvernement en faveur de la responsabilité des maisons mères vis-à-vis des agissements de leurs filiales à l’étranger, lorsque celles-ci provoquent des dommages environnementaux et sanitaires.
L’amendement vise par ailleurs à rendre juridiquement transparente la réalité économique moderne des groupes multinationaux, de leurs activités et de leurs impacts.
À la suite de notre discussion de tout à l’heure, je voudrais ajouter que nous avons suffisamment d’exemples, qui sont catastrophiques pour notre environnement, et pas uniquement en France, pour souhaiter que de telles démarches soient affirmées avec force au travers de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 490 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement a déjà été très bien défendu. J’ajoute qu’il vise à rendre effectif le devoir de vigilance des multinationales dans leurs relations commerciales et de sous-traitance, notamment en inversant la charge de la preuve. C’est bien aux sociétés mises en cause de prouver qu’elles ont mis en œuvre leurs obligations de vigilance et les mécanismes de prévention adéquats.
On ne peut pas décemment demander à un tiers, victime, de prouver qu’une entreprise n’a pas mis en œuvre son devoir de vigilance. En revanche, il sera plus aisé pour les entreprises de montrer qu’elles ont bien identifié les risques inhérents à leurs activités et qu’elles ont mis en œuvre les actions nécessaires pour les réduire.
Par ailleurs, le positionnement de cette disposition dans le code de commerce, comme nouvel article L. 210-10, est tout à fait pertinent, car elle suit ainsi la définition de ces sociétés. En adoptant cet amendement, nous pourrons nous enorgueillir de leur avoir, enfin, confié la conscience éthique, qui leur faisait défaut depuis que nous leur avions attribué la personnalité morale. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 465 rectifié et 490 rectifié ?
M. François Pillet, rapporteur. Le débat a eu lieu tout à l’heure, et ces amendements sont en cohérence avec ceux qui ont déjà été présentés.
Comme elle est elle-même cohérente, la commission y est défavorable.
Mme Marie-France Beaufils. C’est dommage !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 465 rectifié et 490 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 8 bis
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 409 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Une association agréée auprès du ministère de la justice pour la lutte contre la corruption ou auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique peut saisir l’agence mentionnée à l’article 1er à des fins de contrôle de la qualité et de l’efficacité des procédures mentionnées à l’article 3. L’agence informe l’association qui la saisit de la suite donnée à sa demande ; sa réponse est obligatoirement motivée.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent projet de loi ne fait nulle mention de la société civile, qui se trouve pourtant être l’une des premières victimes directes ou indirectes des faits de corruption. Pourtant, l’expertise de certaines organisations est reconnue en matière de lutte contre la corruption et de transparence de la vie publique.
Nous considérons donc que ce texte devrait prévoir la possibilité, pour les associations agréées auprès du ministère de la justice pour la lutte contre la corruption ou auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, de saisir l’agence de faits de corruption ou d’atteinte à la probité commis par des entités économiques ou publiques. Bien entendu, cette saisine ne ferait pas obstacle aux recours judiciaires que pourraient exercer ces mêmes associations.
Finalement, l’objet de cet amendement est bien de reconnaître le rôle et la participation de la société civile au sein du niveau dispositif de lutte contre la corruption. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Il est toujours plus agréable pour un rapporteur de dire à celui ou celle de ses collègues qui vient de présenter un amendement que le texte lui donne déjà satisfaction !
En effet, le texte de la commission ne nie absolument pas le rôle de la société civile. Il a simplement intégré cette faculté donnée aux associations au 3° de l’article 3 du présent projet de loi, relatif aux contrôles réalisés par l’agence, en précisant que ces contrôles peuvent être demandés « par une association agréée par le ministre de la justice ».
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, chère collègue.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 409 rectifié est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 409 rectifié est retiré.
En conséquence, l’article 8 bis demeure supprimé.
Article 9
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article 131-37 est complété par les mots : « et la peine prévue à l’article 131-39-2 » ;
2° La sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre Ier est complétée par un article 131-39-2 ainsi rédigé :
« Art. 131-39-2. – Lorsque la loi le prévoit à l’encontre d’une personne morale, un délit peut être sanctionné par l’obligation de se soumettre à un programme de mise en conformité, pour une durée de cinq ans au plus, destiné à vérifier l’existence et la mise en œuvre en son sein des mesures mentionnées à l’article L. 23-11-2 du code de commerce et, s’il y a lieu, à les renforcer, afin de prévenir et de détecter la commission de faits de corruption ou de trafic d’influence. » ;
3° Après l’article 433-25, il est inséré un article 433-26 ainsi rédigé :
« Art. 433-26. – Les personnes morales reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 des infractions prévues aux articles 433-1 et 433-2 encourent également la peine prévue à l’article 131-39-2. » ;
4° Après l’article 434-47, il est inséré un article 434-48 ainsi rédigé :
« Art. 434-48. – Les personnes morales reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l’article 121-2 des infractions prévues au huitième alinéa de l’article 434-9 et à l’article 434-9-1 encourent également la peine prévue à l’article 131-39-2. » ;
5° L’article 435-15 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° La peine prévue à l’article 131-39-2. » ;
6° L’article 445-4 est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° La peine prévue à l’article 131-39-2. » ;
7° Au premier alinéa de l’article 434-43, après la référence : « 131-39 », sont insérés les mots : « ou la peine prévue à l’article 131-39-2 » ;
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le 7° de l’article 705, il est inséré un 8° ainsi rédigé :
« 8° Délits prévus aux articles 434-43 et 434-47 du code pénal, concernant la peine prévue à l’article 131-39-2 du même code. » ;
2° Après le titre VII quater du livre V, il est inséré un titre VII quinquies ainsi rédigé :
« TITRE VII QUINQUIES
« DE L’EXÉCUTION DE LA PEINE DE MISE EN CONFORMITÉ
« Art. 764-44. – I. – Le procureur de la République, lors de la mise à exécution de la peine, ou le juge de l’application des peines peut solliciter le concours de l’Agence de prévention de la corruption pour assurer le suivi de la peine prévue à l’article 131-39-2. Dans ce cas, l’agence rend compte de sa mission, au moins annuellement, au procureur de la République et au juge de l’application des peines.
« Pour assurer le suivi du programme de mise en conformité, l’agence peut recourir à des experts, personnes ou autorités qualifiés pour l’assister dans la réalisation d’analyses juridiques, financières, fiscales et comptables. Les frais ainsi occasionnés sont supportés par la personne morale condamnée, sans que le montant de ces frais ne puisse excéder le montant de l’amende encourue pour le délit au titre duquel cette peine est prononcée. Les règles déontologiques applicables à ces experts, personnes ou autorités qualifiés sont précisées par décret en Conseil d’État.
« II. – Lorsque la peine prévue à l’article 131-39-2 du code pénal a été prononcée à l’encontre d’une société mentionnée à l’article L. 23-11-1 du code de commerce ou d’un établissement public mentionné à l’article 41-1 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, il est tenu compte, dans l’exécution de la peine, des mesures déjà mises en œuvre en application de l’article L. 23-11-2 du code de commerce.
« III. – Lorsque la peine prononcée en application de l’article 131-39-2 du code pénal a été exécutée pendant au moins un an, la personne morale condamnée peut demander au juge de l’application des peines à ce qu’il soit mis fin à la peine de façon anticipée, par jugement motivé conformément à l’article 712-6 du présent code, si elle démontre qu’elle a mis en œuvre les mesures appropriées mentionnées à l’article L. 23-11-2 du code de commerce. Le juge statue au vu, s’il y a lieu, après avis de l’Agence de prévention de la corruption. »
M. le président. L’amendement n° 659, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 20, première phrase :
Compléter cette phrase par les mots :
du code pénal
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 660, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 23, seconde phrase
Remplacer les mots :
après avis
par les mots :
des rapports de suivi
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Article 10
Le titre III du livre IV du code pénal est ainsi modifié :
1° AA (nouveau) À l’intitulé du paragraphe 4 de la section 3 du chapitre II, les mots : « délégations de service public » sont remplacés par les mots : « contrats de concession » ;
1° A Après le mot : « susmentionnées », la fin de l’article 432-14 est ainsi rédigée : « , d’avoir en connaissance de cause et en vue de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié, octroyé cet avantage injustifié, par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics ou les contrats de concession. » ;
1° L’article 432-17 est ainsi modifié :
a) Au 4°, les références : « par les articles 432-7 et 432-11 » sont remplacées par les références : « aux articles 432-7, 432-10, 432-11, 432-12, 432-13, 432-14, 432-15 et 432-16 » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 1° du présent article, le prononcé de la peine complémentaire d’inéligibilité mentionnée au 2° de l’article 131-26 et à l’article 131-26-1 est obligatoire à l’encontre de toute personne coupable de l’une des infractions définies à la section 3 du présent chapitre. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » ;
2° L’article 433-22 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au 1° du présent article, le prononcé de la peine d’inéligibilité mentionnée au 2° de l’article 131-26 est obligatoire à l’encontre de toute personne coupable de l’une des infractions définies aux articles 433-1 et 433-2. Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
M. le président. L’amendement n° 273 rectifié septies, présenté par MM. M. Bourquin, Vaugrenard et Madec, Mme Bonnefoy, M. J. Gillot, Mmes Lienemann, Emery-Dumas, Bataille, Yonnet, Guillemot et Tocqueville et MM. Vincent, Courteau, Labazée, F. Marc, Lalande, Duran, Vergoz, Raoul, Cabanel, Mazuir et Filleul, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
candidats
insérer les mots :
, notamment celles prévoyant le rejet des offres anormalement basses,
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Cet amendement vise à inciter au déclenchement, par les pouvoirs adjudicateurs, de l’article 55 du code des marchés publics, dès lors que les prix proposés par un candidat semblent anormalement bas.
Le volume financier de la commande publique représente environ 400 milliards d’euros par an. Les PME représentent environ 35 % du chiffre d’affaires de la commande publique, mais elles ne sont titulaires que de 25 % des marchés. Souvent, elles sont victimes d’une concurrence déloyale, au moyen d’offres anormalement basses émanant d’entreprises qui utilisent des travailleurs détachés.
Cette concurrence absolument déloyale fait appel au moins-disant social et met gravement en difficulté nos PME et TPE. La Fédération française du bâtiment a relevé cette situation, mais de nombreuses autres professions sont touchées par ces offres anormalement basses. Les trois directives européennes récentes relatives aux marchés publics et aux concessions représentent un grand progrès dans ce domaine. Leur transposition dans le droit des marchés publics est efficace.
C’est pourquoi nous proposons d’ajouter la lutte contre les offres anormalement basses dans le texte de cet article, pour défendre nos PME et faire échec à la tentative actuelle de délocalisation de l’industrie du bâtiment grâce au recours aux travailleurs détachés. J’ai remarqué que M. le Premier ministre avait pris une position courageuse sur cette question, en menaçant de ne pas appliquer la directive européenne relative au détachement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Je crains que l’adoption de cet amendement ne provoque, à terme, l’extinction des vocations pour la fonction de président d’une commission d’appel d’offres. En effet, mon cher collègue, vous voulez créer une sanction pénale pour un acheteur public qui ne rejetterait pas une offre anormalement basse.
Une telle mesure pourrait avoir un effet non désiré. On peut envisager, par exemple, que des acheteurs publics qui n’ont pas réussi à démontrer que l’offre est anormalement basse soient sanctionnés. Une telle situation n’est donc pas de nature à participer au climat de confiance que le Sénat souhaite instaurer dans la commande publique.
Je vous indique par ailleurs, pour vous rassurer, que la lutte contre les offres anormalement basses sera évoquée lors de l’examen de l’article 16 bis du présent projet de loi et recevra alors un accord de principe de ma part.
Cher collègue, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour explication de vote.
M. Patrick Abate. Je ne sais pas si cet amendement sera retiré, mais il me semble de pur bon sens, en tout état de cause.
En tant que maires, nous sommes souvent confrontés à des situations difficiles, où nous ne pouvons pas écarter des offres anormalement basses, fondées sur des dumpings environnementaux ou sociaux. Permettez-moi de rappeler qu’un dispositif adopté dans le cadre de la loi Travail permet à une entreprise, en privilégiant la négociation d’entreprise au détriment de l’accord de branche, beaucoup plus protecteur, de pratiquer un véritable dumping social par rapport à une autre. Cette petite parenthèse visait simplement à vous rappeler un petit point d’histoire !
Sur le fond, nous voterons en faveur de cet amendement de notre collègue du groupe socialiste et républicain.
M. le président. Monsieur Bourquin, l’amendement n° 273 rectifié septies est-il maintenu ?
M. Martial Bourquin. Je suis quelque peu surpris par l’explication de M. le rapporteur.
Dans sa décision du 29 mai 2013, le Conseil d’État a considéré que « le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l’égalité entre les candidats à l’attribution d’un marché public ».
Mes chers collègues, je veux bien que l’on tergiverse sur ces questions, mais je ne sais pas si vous avez une idée précise de la concurrence que doivent affronter les PME-TPE sur nos territoires. Aujourd’hui, une véritable machine de guerre est mise en place contre elles, grâce à un système bien rodé !
Je suis maire d’une ville. J’ai rejeté à plusieurs reprises des offres anormalement basses et je n’ai jamais été inquiété ! Avec tout le respect que je dois à notre rapporteur, je ne vois pas pourquoi l’adoption de cet amendement ferait que plus personne n’oserait être candidat à la présidence d’une commission d’appel d’offres, puisque ces pratiques ont déjà cours !
La directive européenne d’octobre 2015 prévoit explicitement que l’on agisse contre les offres anormalement basses. Je ne comprends pas cette argumentation et je maintiens donc évidemment mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 273 rectifié septies.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. L’amendement n° 90 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mmes Monier et Meunier, M. Vaugrenard, Mmes Ghali et Emery-Dumas, M. Lalande, Mme Claireaux, M. Botrel, Mmes Lepage et D. Gillot, MM. Raoul, Vergoz et Labazée, Mme Yonnet, MM. Durain, Duran et M. Bourquin, Mmes Perol-Dumont et Schillinger, MM. Courteau et Mazuir, Mme Lienemann, M. Filleul et Mme Tocqueville, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 154 du code électoral est ainsi complété :
« Est également joint un bulletin n° 2 du casier judiciaire.
« Nul ne peut être candidat si ce bulletin comporte la mention d’une condamnation pour manquement au devoir de probité.
« Les condamnations pour manquement à la probité sont :
« 1° Les infractions traduisant un manquement au devoir de probité, réprimées aux articles 432-10 à 432-15 du code pénal ;
« 2° Les infractions de corruption et trafic d’influence, réprimées aux articles 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 du même code ;
« 3° Les infractions de recel ou de blanchiment, réprimées aux articles 321-1, 321-2, 324-1 et 324-2 dudit code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;
« 4° Les infractions réprimées aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral ;
« 5° Les infractions fiscales. »
La parole est à M. Henri Cabanel.
M. Henri Cabanel. Je salue le renforcement, à l’article 10, de la répression de certains manquements à la probité. Cet article élargit les possibilités de publication des condamnations et rend obligatoires les peines complémentaires d’inéligibilité. Nous souhaitons cependant aller plus loin.
Alors que la démocratie est ébranlée par des affaires concernant des élus de tous bords politiques, cet amendement a pour objet de renforcer la confiance des citoyens envers leurs représentants.
De même qu’un citoyen ne peut être candidat à une fonction publique si son casier judiciaire comporte des mentions incompatibles avec l’exercice de cette fonction, de même il ne doit pas pouvoir se porter candidat à une fonction élective. La probité des représentants du peuple doit être au-dessus de tout soupçon.
L’inéligibilité n’est pas constitutionnelle et le caractère automatique de ce type de sanction pourrait être jugé contraire à la Constitution. En 2010, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a jugé que « la peine d’inéligibilité ne peut être rendue automatique et ne peut être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée ». Le caractère fortement automatisé de la sanction est contraire au principe d’individualisation des peines. Toutefois, les conditions d’éligibilité peuvent être modifiées.
C’est donc la solution que je propose, avec mes collègues. Il s’agit de prévoir que, lors du dépôt d’une candidature à une élection, le candidat fournisse le bulletin n° 2 du casier judiciaire. Nul ne doit pouvoir être candidat si ce bulletin comporte la mention d’une condamnation pour manquement au devoir de probité.
Les condamnations visées font l’objet d’une liste limitative : il s’agit des infractions traduisant un manquement au devoir de probité, des infractions de corruption et de trafic d’influence, des infractions de recel ou de blanchiment et des infractions fiscales. (Mme Gisèle Jourda applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement tend à priver du droit d’éligibilité les candidats condamnés pour un délit de manquement au devoir de probité, même lorsque la juridiction n’aurait pas prononcé de peine.
Or le Conseil constitutionnel a fixé les hypothèses dans lesquelles une candidature ne doit pas être retenue. Il a estimé que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l’éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n’en sont pas exclus pour une raison d’âge, d’incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l’électeur ou l’indépendance de l’élu ». Vous ajoutez donc une cinquième condition, qui n’est pas retenue par le Conseil constitutionnel.
Permettez-moi d’insister enfin sur un point. Vous prenez comme référence un bulletin du casier judiciaire sur lequel figure une condamnation à laquelle le juge n’a pas ajouté de peine d’inéligibilité. Vous savez que, depuis quelque temps, le Parlement n’adopte plus de lois d’amnistie : la condamnation figurera donc ad vitam aeternam sur le casier judiciaire. Il s’agira donc d’une inéligibilité à vie, ce qui est contraire à la Constitution et aux règles définies par le Conseil constitutionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Sapin, ministre. Ce débat a également lieu à l’extérieur de cet hémicycle. Une telle proposition est défendue par de nombreux acteurs politiques et montre l’intérêt que nous voyons tous à garantir que les candidats sont irréprochables, ce qui nous assurerait, par définition, que les élus le sont également.
Malgré tout, il me semble que l’adoption de cet amendement ne serait pas sans inconvénient. M. le rapporteur a évoqué une forme de peine automatique, qui serait contraire à la Constitution. On pourrait lui opposer que votre amendement tend à créer une nouvelle condition d’éligibilité, ce qui relève d’un autre débat que celui portant sur la peine.
Compte tenu de l’intérêt que présente cet amendement, et malgré les difficultés que suscite sa rédaction, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La décision du Conseil constitutionnel de 1982 trouve des fondements très forts dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ainsi que dans les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Quand quelqu’un subit une condamnation, il n’est pas condamné à perpétuité : il est sanctionné, il purge sa peine et il redevient un citoyen normal. C’est la raison pour laquelle le juge constitutionnel n’admet pas de restrictions à l’éligibilité au-delà de quatre motifs : l’âge, c’est-à-dire la minorité ; l’incapacité – une personne atteinte de désordres psychiques graves peut être écartée pendant la durée, parfois définitive, de ses troubles de la possibilité d’être électeur ; la nationalité, mais, dans ce cas, on ne porte pas atteinte aux droits d’un citoyen français ; enfin, le Conseil constitutionnel a ajouté des raisons relatives à la préservation de la liberté et à l’indépendance de l’électeur.
En l’espèce, nous ne sommes pas dans l’un de ces quatre cas. Nous devons être attentifs, en dépit du caractère très séduisant de cet amendement, à ne pas introduire de dérogations à ces grands principes.
Enfin, j’insiste sur un point : pourquoi rendre inéligibles uniquement les personnes faisant l’objet d’une condamnation pour manquement à la probité ? Bien sûr, il est très grave d’avoir manqué à la probité, mais pourquoi ne pas étendre cette exclusion aux personnes ayant fait l’objet d’une condamnation pour attouchements sexuels sur des enfants, ou pour participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre un attentat terroriste, ou que sais-je encore ?
De très nombreuses condamnations peuvent nous paraître rendre une personne indigne d’être élue, mais en distinguant, pour l’éligibilité, les condamnés pour manquement à la probité des autres, nous créerions une différenciation entre citoyens ayant purgé leur peine et dont nous pouvons espérer qu’ils aient repris leur place au sein de la société et se comportent désormais en citoyens à part entière. Or cette différenciation ne repose sur rien de solide !
C’est la raison pour laquelle nous devons écarter toute tentation démagogique et rejeter cet amendement.