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Prise d’effet de nominations à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de modernisation du droit du travail.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du jeudi 23 juin 2016 prennent effet.

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Modalités d'inscription sur les listes électorales

Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi et de deux propositions de loi organique dans les textes de la commission

 
 
 

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales, de la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales et de la proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France, adoptées par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.

Discussion générale commune (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Christophe-André Frassa. (M. Jackie Pierre applaudit.)

M. Christophe-André Frassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est rare que les Français de l’étranger soient directement concernés par un texte. Pourtant, en moins d’un an, il aura été débattu à plusieurs reprises dans notre hémicycle de l’inscription sur les listes électorales des Français de l’étranger.

Avant d’aborder la question de nos compatriotes vivant à l’étranger, je souhaiterais tout d’abord saluer le travail de notre rapporteur, Pierre-Yves Collombat,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il le mérite !

M. Christophe-André Frassa. … qui, sur ces sujets, porte toujours un œil vigilant. Comme tout praticien expérimenté, il a posé le bon diagnostic et apporté les bons remèdes.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera ces trois textes en discussion commune.

Ces propositions de loi ont en effet le mérite de corriger plusieurs défauts du système actuel : ceux des écarts persistants entre les listes communales et le fichier des électeurs détenu par l’INSEE, celui de l’annualité de l’inscription sur une liste, alors même que nos concitoyens ne sont plus figés dans leur commune ad vitam.

Comme vous l’avez judicieusement remarqué, monsieur le rapporteur, il ne faudrait pas que ces nouvelles modalités deviennent trop lourdes à supporter pour les communes, tant au niveau pratique qu’au niveau budgétaire.

C’est pourquoi, et nous nous en satisfaisons, les remèdes que vous nous avez prescrits dans le cadre général du texte permettront de concilier modernisation du système et non-alourdissement des procédures pour les communes.

Il s’agit d’allonger le délai de mise en œuvre de cette réforme, non pas au 31 décembre 2018 mais au 31 décembre 2019, pour donner davantage de souplesse à l’INSEE qui devra constituer le répertoire électoral unique national ainsi qu’aux communes qui devront former les agents à la maîtrise des nouveaux outils informatiques qui seront élaborés.

Vous avez également modifié l’articulation du travail du maire, responsable de l’inscription, et de la commission de contrôle des décisions d’inscription et de radiation, nouvellement créée, ainsi que la composition de celle-ci, afin de lui permettre d’exercer plus efficacement sa mission de vérification des décisions du maire.

Vous avez ramené de deux à cinq ans, comme dans le droit positif, la durée d’inscriptions sur le rôle fiscal d’une commune, permettant de renforcer l’intensité du lien avec une commune.

J’en reviens aux Français de l’étranger et à ce que vous avez nommé comme un défaut du système : le fait que les Français établis hors de France puissent être doublement inscrits.

Je ne suis toujours pas convaincu que l’inscription unique soit la panacée. Je l’avais déjà signalé en commission ; permettez-moi de le redire en séance. Contrairement à ce que certains laissent accroire, la double inscription donnait lieu à très peu de dysfonctionnements et de contentieux.

Le problème est, en fait, le manque de volonté et d’organisation du ministère des affaires étrangères pour mettre en place un système, somme toute assez simple, selon lequel les Français de l’étranger votent à l’étranger pour les scrutins nationaux – élections européennes, présidentielle, législatives, consulaires et référendums – et votent en France pour les scrutins locaux, et ce sans leur laisser le choix.

C’est une position que j’ai souvent défendue. Vous vous souvenez – je ne vous en tiendrai pas rigueur dans le cas contraire – des combats que notre ancien collègue Christian Cointat et moi-même avons menés pour que vive effectivement cette collectivité d’outre frontière, puisque nous n’avons effectivement qu’une collectivité de fait et non une collectivité territoriale de rattachement.

Il est donc nécessaire, pour nous Français de l’étranger, d’être rattachés à une commune en France, pour de nombreuses raisons que je ne développerai pas ici, faute de temps et dans la mesure où nous l’avons fait à l’occasion de l’examen d’autres textes, ne serait-ce que pour prévoir – deux choses importantes – le retour et la réinsertion en France. D’où la nécessité, pour nous Français de l’étranger, d’être inscrits dans une commune.

Je crains, en outre, que le nouveau système n’encourage un certain « tourisme électoral ». C’est en cela que le dispositif mis en place par cette proposition de loi ne me convainc pas tout à fait.

Rien n’interdira en effet à une personne inscrite sur une liste électorale à l’étranger de s’inscrire sur les listes de sa dernière commune de résidence en France, au moins trente jours avant le scrutin, comme l’ont si bien rappelé M. le ministre et M. le rapporteur, en étant désinscrite dans son ambassade d’origine, de voter dans la commune par exemple pour les élections municipales, puis de se réinscrire sur les listes de l’ambassade une fois l’élection passée. (M. Robert del Picchia opine.)

Vous me rétorquerez que tous les Français de l’étranger n’auront pas l’esprit aussi facétieux, mais le fait est là : ce texte crée une sorte de petite « usine à gaz » qui peut être tout aussi aisément répliquée en France pour un Français qui a sa résidence secondaire dans la Creuse alors qu’il réside à Bordeaux.

Pour conclure, malgré ces réserves ou peut-être à cause de celles-ci – pour rester dans la facétie –, parce que nous en avons trouvé les faiblesses et que nous continuerons à les utiliser pour garder de manière différente cette double inscription, le groupe Les Républicains et moi-même voterons ces trois textes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – Mme Françoise Férat et M. Yves Détraigne applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis de cette proposition de loi qui s’inscrit dans le droit fil de la proposition de loi n° 141 que j’avais déposée en novembre 2015 pour améliorer les conditions d’inscription sur les listes électorales.

Force est en effet de constater que le dispositif actuel ne favorise pas la participation au scrutin.

La clôture de la révision des listes électorales intervient en effet le 31 décembre, vous le savez tous, à un moment où, même lorsque les élections ont lieu en mars, beaucoup d’électeurs n’ont pas encore en tête cette échéance.

Très souvent, lors de scrutins locaux, j’ai entendu vers les mois de janvier ou février des citoyens manifester leur volonté d’aller s’inscrire sur les listes électorales, alors que c’est trop tard. C’est encore plus vrai lorsque le scrutin a lieu plus tardivement, en mai lors de l’élection présidentielle ou en juin lors des élections législatives ou européennes.

Cette situation a d’ailleurs conduit le Gouvernement à rouvrir à titre exceptionnel, pour les élections régionales de 2015, la période d’inscription sur les listes électorales. Le Sénat, et tout particulièrement son rapporteur, Pierre-Yves Collombat, s’était montré défavorable à un tel texte de circonstance.

Ce délai explique également en grande partie qu’il y ait, selon le rapport des députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, 3 millions de non-inscrits et 6,5 millions de mal-inscrits. Il se justifiait peut-être à l’époque où la révision des listes ne devait pas être informatisée. Ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui.

La présente proposition de loi, comme celle que j’avais déposée en novembre dernier, offre la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales jusqu’à trente jours avant le scrutin. C’est positif et de nature à permettre à un plus grand nombre de personnes de voter.

Au-delà, la proposition de loi permet l’inscription de personnes qui figurent sur le rôle fiscal non en leur nom propre, mais en qualité d’indivisaire, de gérant ou au travers d’une société. Cette disposition est positive, car elle permet que des personnes impliquées dans la vie de la collectivité – je pense notamment à des commerçants – puissent y voter s’ils ne sont pas habitants de la commune.

Je trouve également très positifs le fait que les enfants puissent rester électeurs dans la même commune que leurs parents jusqu’à 26 ans, le fait de renforcer le rôle du maire en matière d’inscription et de radiation, et bien sûr, la création d’un répertoire électoral unique.

En revanche, je regrette que la commission des lois soit revenue sur une disposition qui figurait dans ma proposition de loi et qui était dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, à savoir la réduction à deux ans du délai d’inscription au rôle des contributions pour être électeur. Je ne trouve pas logique qu’en France on puisse être plus rapidement éligible qu’électeur. Vous le savez, pour être éligible, il suffit d’être inscrit au rôle des contributions au 31 décembre précédant l’élection. Je ne vois pas pourquoi, pour être électeur, il serait nécessaire d’attendre cinq ans. Je proposerai donc, dans l’un de mes amendements, de revenir au délai de deux ans adopté par l’Assemblée nationale.

Dans le même esprit, celui de faciliter l’accès au scrutin et la possibilité de voter, je proposerai que tout nouvel arrivant dans une commune puisse s’inscrire dans le délai réduit prévu aujourd’hui uniquement si le déménagement a eu lieu pour un motif professionnel.

Je proposerai également que le décret prévu à l’article 7 et relatif à la consultation des listes électorales permette d’accéder à celles-ci dans le cadre de la recherche d’héritiers. Vous le savez, des dispositions ont été votées notamment pour favoriser la réduction du nombre de contrats d’assurance vie non réclamés. Cette mesure va dans le même sens.

En revanche, cet amendement ayant été déclaré irrecevable, je ne proposerai pas une information des jeunes lors de la journée défense et citoyenneté sur l’exercice du droit de vote et les effets d’un changement d’adresse.

Tels sont les éléments que je souhaitais vous indiquer sur cette proposition de loi dans le temps qui m’était imparti. Les membres du groupe de l’UDI-UC estiment à l’unanimité que ce texte doit être adopté, même si nous tenterons de l’améliorer au travers des amendements que nous présenterons tout à l’heure. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si, comme le remarque notre collègue Pierre-Yves Collombat dans son rapport, « penser endiguer la croissance de l’abstentionnisme électoral simplement en améliorant les conditions d’inscription sur les listes électorales serait un leurre coupable », nous considérons que faciliter ces inscriptions est malgré tout utile à notre démocratie.

Aussi, nous soutenons la principale disposition contenue dans ces textes visant à élargir l’ouverture des inscriptions sur les listes électorales.

En faisant disparaître le principe d’une révision annuelle au profit d’une inscription ouverte en permanence, nous faciliterons cette démarche administrative souvent jugée trop lourde par nos concitoyens. Nous faciliterons donc l’exercice du droit de vote.

En effet, combien de fois, au cours des diverses campagnes électorales que nous avons pu conduire, avons-nous rencontré des citoyens qui regrettaient, souvent trop tard, de ne pas être inscrits ou de l’être dans une commune d’origine éloignée et avec laquelle ils n’avaient plus d’attache.

Cette mesure s’avère donc très utile et favorisera sans nul doute la participation de ceux qui souhaitent voter, ce qui constitue déjà une avancée.

À nous, responsables politiques, d’intéresser ensuite, par nos propositions et nos débats, l’ensemble de nos concitoyens, pour les inciter à voter et faire alors reculer l’abstentionnisme.

Pour être franc, nous regrettons même que cette disposition ne puisse s’appliquer dès les prochaines élections. Certes, nous comprenons la nécessité de donner du temps aux services communaux et à l’INSEE pour mettre en place les outils permettant la mise en œuvre de cette nouvelle disposition. Nous comprenons même l’avis de la commission et de son rapporteur demandant un délai supplémentaire pour son application.

Cela dit, nous avons su prendre les mesures nécessaires pour faciliter les inscriptions dans le cadre des dernières élections régionales. Aussi, nous aurions pu en faire autant pour les prochaines élections présidentielle et législatives, sans pour autant mettre en œuvre l’ensemble des autres dispositions contenues dans ces propositions de loi qui sont plus d’ordre technique et découlent en fait de la mesure d’élargissement des périodes d’inscriptions que nous venons d’examiner. Ces nouvelles procédures étant plus complexes à mettre en place, leur installation nécessite un certain temps. Ainsi, la constitution d’un répertoire électoral unique tenue par l’INSEE est, nous semble-t-il, une bonne préconisation.

Cela dit, nous sommes aussi sensibles aux écarts existant actuellement entre le fichier national détenu par l’INSEE et la réalité des listes communales, qui ne sont pas le seul reflet des doubles inscriptions. Comme l’a noté M. le rapporteur au cours de ses déplacements et auditions, il est apparu que des inscrits sur les listes communales étaient inconnus par l’INSEE, ce qui, chacun en conviendra, est très problématique. En effet, il ne faudrait pas que la mise en place d’un répertoire unique se solde par la radiation d’électeurs qui se verraient alors privés de leur droit de vote.

Quant à ceux qui sont actuellement inscrits au fichier INSEE sans l’être sur les listes communales, il semble que cette situation devrait disparaître à l’avenir, puisque les listes communales seront extraites du fichier national. Le risque de perte d’inscrits dans ce sens est donc faible.

La seconde conséquence de ce répertoire national concerne bien entendu, et ce point vient d’être évoqué, nos concitoyens « Français de l’étranger ».

Ce dispositif mettra fin à leur double inscription qui n’était pas sans poser problème, et pas seulement lors des élections nationales. En effet, les dispositifs électoraux qui ont été mis en place ces dernières années concernant la représentation au Parlement des Français de l’étranger sont tels que ceux-ci sont doublement représentés au Sénat. Ils le sont en effet par les sénateurs élus par les élus locaux qu’ils ont désignés par leur vote aux élections locales, étant inscrits sur les listes électorales communales, et par les sénateurs élus représentants les « Français de l’étranger ». Pour toutes ces raisons, nous sommes satisfaits de la fin de cette double inscription dont ils pouvaient disposer.

Une autre disposition majeure de ces textes porte sur la transformation des commissions administratives électorales en commissions de contrôle. Cette proposition prend en compte à la fois l’élargissement du temps d’inscription sur les listes électorales et les pouvoirs élargis des maires qui en découlent.

Si nous soutenons l’essentiel des modifications portées par M. le rapporteur et proposées par la commission, nous resterons attentifs au fonctionnement de ces commissions de contrôle, craignant des rythmes de réunions trop espacés, et des délais restreints laissés aux citoyens pour aller devant le juge s’ils estiment leurs droits mis en cause.

Vous l’aurez compris, malgré ces quelques remarques, nous soutiendrons ces propositions de réformes en pensant tout particulièrement aux 6 millions de citoyens qui seraient mal inscrits, mais aussi bien sûr aux 3 millions de Français qui ne sont pas inscrits du tout.

Certes, avec ces dispositions nous faisons un pas qui améliorera la vie démocratique, mais cela ne réglera pas l’enjeu majeur de notre démocratie, qui voit malheureusement de plus en plus de Français exprimer leur manque de confiance dans nos institutions en s’abstenant. Cette réforme est, nous semble-t-il, de nature à favoriser une meilleure participation aux élections, tout en garantissant la sécurisation du processus électoral. C’est la raison pour laquelle nous la voterons. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous pouvons tous nous satisfaire, cela a déjà été dit, du travail de fond qui a été mené à l’Assemblée nationale sur ce sujet, en particulier par les deux rapporteurs, Mme Élisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann, qui ont remis un rapport en décembre 2015 pour tenter de proposer des solutions à la « mal-inscription » sur les listes électorales.

Avec notre système actuel, les inscriptions étant finalement closes au 31 décembre de l’année précédente, au cours de l’année, ce sont progressivement 6,5 millions de personnes qui sont mal inscrites et 3 millions qui ne sont pas inscrites. Comparés aux 26 millions de votants aux élections régionales et aux 45 millions d’inscrits sur les listes électorales, ces chiffres sont considérables et peuvent changer le résultat d’un vote. En effet, il y a des votes qui changent l’avenir et des votes qui changent la vie. Nous l’avons vu jeudi dernier en Grande-Bretagne.

Par conséquent, cet enjeu d’inscription sur les listes électorales, même s’il ne va pas tout changer, qu’il s’agisse du débat sur le vote obligatoire ou du débat sur la prise en compte du vote blanc – on peut être pour ou contre –, permettra néanmoins de faire évoluer notre démocratie, le rôle et le fonctionnement de nos élections. En l’occurrence, sur la façon de s’inscrire sur les listes électorales, se posait un problème majeur, et cette proposition de loi a pour objet de le corriger.

Le schéma général de la réforme se résume ainsi : plutôt que de clore les inscriptions sur les listes électorales au 31 décembre de l’année précédant le scrutin, enregistrons les souhaits d’inscription en permanence au cours de l’année, jusqu’à trente jours avant l’élection.

De cette transformation résulte un décalage. Auparavant, une commission administrative était tenue, une fois par an, d’enregistrer les sorties et les entrées constatées sur les listes électorales. À l’avenir, ces flux seront continus : le maire sera donc chargé de ce travail. Dès lors, la commission administrative pourra réagir au travail effectué par le maire.

Monsieur le rapporteur, vous avez veillé à confier un rôle complémentaire à cette instance : elle sera chargée de traiter les éventuels recours administratifs que la décision du maire aura suscités. Dans ce cadre, ces recours administratifs seront nécessairement préalables. En effet, il faut veiller à ne pas encombrer les tribunaux d’instance.

Ainsi, les maires ou, pour les Français de l’étranger, les chefs de poste diplomatique ou consulaire seront placés au centre du dispositif. Quant aux commissions administratives, elles conserveront une mission, mais elles ne seront plus chargées des inscriptions ou désinscriptions sur les listes électorales. Je le répète, elles seront tenues de contrôler l’action du maire, avant d’éventuels recours contentieux faisant suite à des difficultés.

Parallèlement, la mise en œuvre du répertoire électoral unique constitue une innovation significative. Aujourd’hui, les traitements informatiques permettent cette transformation. Il aurait été dommage de s’en priver.

Certains disent que les listes électorales seront, à l’avenir, contrôlées par Bercy. Non ! Au total, l’INSEE ne fera qu’enregistrer les décisions des maires. Et, quoi qu’il en soit, toute cette procédure restera placée sous le contrôle du juge.

De plus, cette réforme nous rapprochera du mode de fonctionnement choisi par de nombreux pays européens. En règle générale, les autres États d’Europe permettent une inscription relativement tardive. À cet égard, j’en suis convaincu : qu’il s’agisse des élections municipales ou des élections européennes, cette transformation permettra d’augmenter la participation. En particulier, elle ouvrira la voie à de nouvelles inscriptions de ressortissants communautaires qui souhaiteraient voter dans nos communes lors de ces deux types de scrutins.

Ce constat a été rappelé : il s’agit d’une révolution pour les Français de l’étranger. Le système en vigueur est assez difficile à comprendre. On peut même dire qu’il n’est compréhensible que par les initiés. Il laisse ouvertes trois options.

Premièrement, on peut voter simplement à l’étranger sans être inscrit dans une commune en France, au motif que l’on ne veut ou que l’on ne peut pas le faire.

Deuxièmement, on peut voter à l’étranger pour les seules élections consulaires et en France pour toutes les autres élections.

Troisièmement, on peut voter dans les consulats pour toutes les élections nationales et dans une commune de France pour les seules élections locales.

Bref, je le répète, seuls les spécialistes comprennent ce qui se passe ! Bien souvent, les électeurs eux-mêmes ignorent où ils sont inscrits. Ainsi, au cours des précédents scrutins présidentiels, de nombreux ressortissants français sont revenus dans leur commune sans pouvoir voter, car ils étaient déjà inscrits à l’étranger. En conséquence, en 2007 et en 2012, des dizaines de milliers de cas ont posé problème au Conseil constitutionnel.

Avec cette simplification, le système deviendra compréhensible pour tout le monde : on vote là où l’on vit, là où l’on a une attache, un point c’est tout. Il n’y aura qu’une seule inscription par citoyen : voilà qui clarifie les choses !

Mes chers collègues, je ne vous cache pas que, pour quelques centaines de milliers de Français de l’étranger, cette réforme posera malgré tout une difficulté : les intéressés sont attachés au système en vigueur. Mais, à cet égard, Christophe-André Frassa a bien indiqué qu’une entourloupe restait possible.

M. Christophe-André Frassa. Je n’ai pas employé ce terme ! (Sourires.)

M. Jean-Yves Leconte. Dès lors que les élections consulaires et municipales n’auront pas lieu dans un intervalle de trente jours, on pourra toujours s’inscrire d’un côté, puis de l’autre.

En outre, je tiens à rendre hommage au travail mené sur ce front, depuis une quinzaine d’années, par l’Assemblée des Français de l’étranger. En effet, en quinze ans, les Français de l’étranger ont acquis le droit de voter à l’étranger pour les élections européennes, et ils ont obtenu une représentation complète à l’Assemblée nationale.

Il y a quelques années encore, les Français de l’étranger ne pouvaient pas prendre part à ces deux scrutins nationaux sans disposer d’une inscription en France.

Avant 2012, les Français qui n’étaient inscrits qu’à l’étranger ne pouvaient être représentés par un député.

À présent, grâce à des dispositions que l’Assemblée des Français de l’étranger a défendues des dizaines d’années durant, la représentation de nos concitoyens résidant hors de France est devenue complète. En conséquence, il est désormais possible de remettre en cause le principe de double inscription. Je m’en réjouis, même si cette évolution pourra faire mal au cœur à ceux des Français de l’étranger qui sont particulièrement attachés à un territoire en France.

De surcroît, je salue l’initiative de notre collègue députée Claudine Schmid. Grâce à elle, ceux qui ont la possibilité de s’inscrire dans une commune en France auront toujours une sépulture de droit dans un cimetière communal. Cette disposition mérite d’être saluée.

Puisqu’il me reste un peu de temps de parole, je précise qu’il peut être utile de disposer d’une inscription en France lorsqu’on réside à l’étranger. Hors de France, le bureau de vote est parfois à des centaines, voire à des milliers de kilomètres de votre lieu de résidence.

M. Robert del Picchia. Des milliers ?

M. Jean-Yves Leconte. En pareil cas, on ne connaît pas nécessairement une personne de confiance à qui donner procuration.

M. Robert del Picchia. Ah, la confiance en politique…

M. Jean-Yves Leconte. Aussi, il est parfois plus tranquillisant, plus sûr de voter en France. Il est donc utile de préserver cette possibilité.

Bien sûr, il existe le vote électronique, mais ce dernier n’est possible que pour les élections consulaires et les élections législatives. Pour un certain nombre de scrutins, en particulier l’élection présidentielle, il faut donc aller jusqu’au bureau de vote.

Je le répète, ce déplacement est parfois très long. Il représente parfois des centaines de kilomètres. Au surplus, il faut tenir compte des situations locales particulières : au Caire, on travaille le dimanche. J’ajoute qu’il n’est pas toujours facile de traverser cette grande agglomération. Même si le bureau de vote est dans la ville où vous résidez, il peut être situé à des heures de route de votre logement.

Bien sûr, cette réforme constituera une révolution pour les Français de l’étranger. Pour certains d’entre eux, elle sera douloureuse. Toutefois, pour l’ensemble des raisons que j’ai indiquées, il me semble nécessaire d’aller dans ce sens : c’est celui de la clarification et de la simplification. En procédant ainsi, nous irons donc vers plus de démocratie.

M. le rapporteur propose de repousser d’un an la mise en œuvre de ces mesures. Nous pourrons en débattre.

Cela étant, cette réforme permet de moderniser les listes électorales. Les citoyens mobiles au cours de l’année ne seront plus handicapés dans l’exercice de leur droit de vote. Voilà pourquoi il faut, à mon sens, soutenir ces trois propositions de loi avec les améliorations apportées par M. le rapporteur, excepté quelques-unes dont nous débattrons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. le rapporteur et Mme Ester Benbassa applaudissent également.)