M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. L’article 50 concerne les conditions d’organisation du travail dans les entreprises de travaux agricoles, forestiers ou maritimes qui feraient appel aux services de travailleurs de nationalité étrangère.
Le secteur agricole a, certes, des contraintes de fonctionnement très particulières. Il constitue de longue date l’un des secteurs d’activité économique où certaines entreprises s’affranchissent trop facilement du respect des droits les plus élémentaires des salariés.
Ces dernières années, le recours aux travailleurs détachés a de plus en plus nourri une forme de moins-disant social particulièrement destructeur : importer dans notre pays la logique commerciale et économique qui préside aux destinées de nos principaux concurrents sur les productions agricoles grand public.
En France, le recours au travail détaché dans les secteurs maraîcher ou viticole revient à importer des modalités d’exploitation qui sont pratiquées en Andalousie, dans le sud de l’Italie ou en Grèce. Comme la valeur ajoutée demeure faible sur nombre de productions où le coût de main-d’œuvre est la variable d’ajustement de la marge la plus utilisable, l’objectif du recours au travail détaché est clairement d’en jouer et, parfois, d’en abuser.
Le problème des donneurs d’ordre est évidemment directement posé. Il concerne les groupes de la distribution, qui exercent une pression constante sur les producteurs agricoles, pour les contraindre à accepter les pires conditions de vente.
Cette inégalité majeure entre parties prenantes est l’une des sources les plus évidentes de recours au travail détaché et l’un des vecteurs de la fraude, celle-ci demeurant l’ultime recours pour un exploitant en difficulté.
C’est dans sa résolution, par la fixation de prix suffisamment rémunérateurs pour les productions, et non par cet article 50, que nous trouverons la meilleure garantie contre le moins-disant social dans le secteur agricole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. J’informe la Haute Assemblée que je travaille sur chacun des secteurs concernés. J’ai établi une convention avec la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, ou CAPEB, la Fédération française du bâtiment et Michel Sapin.
Nous souhaitons que les organisations patronales puissent dénoncer certaines pratiques et, surtout, se constituer partie civile pour aider les services du ministère du travail dans certaines affaires de travail illégal ou dissimulé.
Je vais bientôt signer une convention de ce type avec les organisations syndicales et patronales du secteur agricole, afin de permettre une meilleure transmission d’informations.
L’article 50 est important. L’hébergement est un sujet central de la problématique du travail détaché. Dans le cadre des contrôles que nous avons effectués, nous avons découvert des conditions d’hébergement indignes. Je pourrais aussi évoquer le repos hebdomadaire.
Comme vous l’avez indiqué, le recours au détachement dans le secteur agricole se développe. Cela représente à peu près 5 % des demandes préalables. Au total, il y a près de 30 000 travailleurs détachés dans ce secteur ; nous parlons de personnes qui sont déclarées.
Nous sommes confrontés à ce défi et, encore une fois, l’hébergement est une question centrale.
M. le président. Je mets aux voix l'article 50.
(L'article 50 est adopté.)
Article 50 bis
L’article L. 1262-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du chapitre Ier du titre V relatives au travail temporaire sont applicables aux salariés détachés dans le cadre d’une mise à disposition au titre du travail temporaire, à l’exception des articles L. 1251-32 et L. 1251-33 pour les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée dans leur pays d’origine. »
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Ainsi que je l’ai souligné en m’exprimant sur l’amendement n° 821, les contrôles qui sont effectués aujourd'hui présentent certaines limites, et les fraudeurs ont toujours un coup d’avance. Pour autant, nous avons des moyens d’action. Il n’est pas nécessaire d’attendre la directive européenne et sa révision.
L’amendement n° 821 visait à limiter le nombre de sous-traitants à trois, comme cela se pratique en Allemagne. Je pense qu’il y a un moment où il faut passer aux actes ! Nous regrettons d’avoir été aussi isolés sur cette question.
Je vous soumets une autre proposition ; vous voyez que nous ne sommes pas seulement dans la critique, comme l’insinuent certains.
Il existe une définition d’un prix anormalement bas pour les appels d’offres, mais elle ne concerne que le secteur des transports routiers. Il me semblerait pertinent – nous sommes évidemment disposés à apporter notre contribution à cet égard – de travailler à l’élaboration d’un référentiel pour d’autres activités.
Nous le voyons, les collectivités territoriales qui lancent des appels d’offres sont parfois désarmées pour refuser un marché. Elles savent très bien ou subodorent qu’il y a parfois une chaîne de sous-traitants derrière et que les bénéficiaires du marché seront peut-être des travailleurs détachés en situation illégale.
Il faut évidemment modifier la directive européenne. Il y a un vrai combat à mener. Je vous renvoie aux propositions que défend notre collègue Éric Bocquet.
M. le président. L'amendement n° 824, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions d’emploi, de travail et le cas échéant d’hébergement applicables aux salariés mentionnés au premier alinéa sont identiques à celles des salariés des entreprises exerçant sur le territoire national. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous proposons de compléter l’article 50 bis, pour garantir aux travailleurs détachés les mêmes conditions de vie, de travail et d’hébergement que les travailleurs résidents.
Reprenons l’exemple de la construction de la ligne Tours-Bordeaux. On peut noter d’importantes inégalités, qu’il s’agisse de rémunération ou de conditions de travail, notamment de durée de travail.
Le fait que l’entreprise organise le déplacement du logement vers le chantier pour les travailleurs détachés lui permet d’imposer la durée de la journée de travail. Elle peut ainsi faire partir tôt l’équipe en camion et la ramener tard le soir. D’une certaine manière, ces travailleurs sont assignés à résidence, sans relation avec les salariés autochtones. Ils ne peuvent donc pas comparer leurs salaires et conditions de travail avec ceux des autres.
Les travailleurs détachés vivent mal l’éloignement vis-à-vis de leur famille, si bien que le droit au retour de voyages périodiques est un sujet très important pour eux. Les employeurs ne manquent pas de tirer parti de la situation, par exemple en liant le droit au retour régulier à l’acceptation d’heures supplémentaires nombreuses et souvent non payées.
Les travailleurs détachés étant littéralement exploités dans certains secteurs, il nous semble primordial de rappeler dans le code du travail le traitement égal dont ils doivent bénéficier en termes de conditions de travail et de vie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Cet amendement vise essentiellement l’hébergement.
Les salariés détachés, comme tous les salariés en France, ont droit à des conditions d’hébergement décentes. Les règles qui leur sont applicables sont les mêmes que pour les salariés habituellement installés en France. Certes, il faut vérifier que c’est bien le cas en pratique, mais, sur le fond, cet amendement est satisfait par le droit en vigueur.
La commission en demande donc le retrait, faute de quoi son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Notre droit du travail, contrairement à ce qui peut exister dans d’autres pays, prévoit effectivement un tel principe. Comme je l’ai indiqué, il y a un noyau dur de règles essentielles qui doivent obligatoirement s’appliquer de la même manière aux salariés français et aux travailleurs détachés.
Mme Assassi a évoqué les trois domaines où l’on constate le plus d’infractions : le salaire minimum, les heures supplémentaires et l’hébergement. Des sanctions sont prévues à l’article R. 4231-1 du code du travail. Certes, les choses ne se passent pas toujours ainsi en pratique. Les quelque 300 amendes et le 1,8 million d’euros que j’évoquais tout à l’heure concernent ces trois infractions.
Nous voulons faire entrer l’hébergement dans le noyau dur des domaines visés par la directive. Il ne suffit pas de proclamer : « À travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail ». Sinon, les employeurs peuvent se livrer à une manipulation : payer le salaire minimum français en défalquant les conditions d’hébergement. Nous voulons intégrer la question de l’hébergement et celle des transports dans le noyau dur fixé à l’échelon européen.
Il est vrai qu’il s’agit d’une question centrale au plan européen. Néanmoins, je sollicite le retrait de cet amendement, qui est déjà satisfait.
M. le président. Madame Assassi, l'amendement n° 824 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. J’entends les explications de Mme la ministre, à défaut d’être convaincue par elles.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 824 est retiré.
L'amendement n° 826, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« La rémunération applicable aux salariés mentionnés à l’article L. 1262-1 et au présent article comprend tous les éléments rendus obligatoires par les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. La directive européenne n° 96/71/CE du 16 décembre 1996 prévoit que les travailleurs détachés perçoivent le taux de salaire minimal du pays dans lequel ils interviennent. Ainsi, un salarié roumain détaché en France doit être rémunéré au SMIC horaire.
Or cela ne conduit pas à une égalité de traitement avec les salariés résidents, dont le salaire est plus élevé, notamment parce qu’il est calculé sur la base des minima conventionnels. Ainsi, la Commission européenne estime que l’application du taux de salaire minimal peut créer un écart compris entre 30 % et 70 % par rapport au salaire moyen applicable dans l’État d’accueil.
Outre qu’elle est injuste – j’espère que tout le monde en convient ! –, une telle inégalité de traitement contribue à justifier le recours massif aux salariés détachés, à des fins de dumping social.
Nous prônons donc une nouvelle définition de la rémunération, issue de la proposition de directive présentée à la Commission européenne le 8 mars 2016. Il s’agit de remplacer la notion de taux minimal par celle de rémunération, avec une vision plus large de la rémunération. Les minima conventionnels devraient ainsi s’appliquer.
Notre pays soutient l’adoption de la directive au plan européen. En retenant dès maintenant une telle définition de la rémunération, la France enverrait, me semble-t-il, un message fort à Bruxelles – cela peut être utile, ces temps-ci ! – et montrerait sa détermination à lutter contre le détachement abusif de travailleurs et le dumping social au sein de l’Europe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Les dispositions de cet amendement semblent en grande partie satisfaites par la rédaction de l’article L. 1262-4 du code du travail, qui concerne aussi bien les travailleurs détachés intérimaires que les autres travailleurs détachés.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Là encore, un tel dispositif est déjà prévu par le code du travail, en l’occurrence à l’article L. 1262-4.
Si la commissaire Marianne Thyssen a proposé, le 8 mars dernier, de retenir la notion de rémunération, et non de taux de salaire minimal, c’est précisément en raison de l’engagement de notre pays, qui défend cette idée.
Nous prônons même la rémunération conventionnelle, car il est assez difficile de dire : « À travers égal, salaire égal », au niveau européen. C’est un véritable combat. Certains pays européens ne sont absolument pas sur notre ligne, à plus forte raison lorsque nous réclamons également l’intégration de l’hébergement dans le noyau dur.
Même si je suis tout à fait d'accord avec vous, puisque j’ai défendu les mêmes idées au plan européen, je vous propose donc de retirer votre amendement, madame Assassi.
M. le président. Madame Assassi, l'amendement n° 826 est-il maintenu ?
Mme Éliane Assassi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 826 est retiré.
Je mets aux voix l'article 50 bis.
(L'article 50 bis est adopté.)
Article 50 ter (nouveau)
L’article 45 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Les personnes coupables des infractions prévues aux articles L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8231-1, L. 8241-1 et L. 8256-2 du code du travail et pour lesquelles le juge a prononcé une peine complémentaire de diffusion dans les conditions prévues à la dernière phrase du 4° des articles L. 8224-3 et L. 8256-3 ainsi qu’au dernier alinéa des articles L. 8224-5, L. 8234-1, L. 8234-2, L. 8243-1, L. 8243-2 et L. 8256-7 du même code, pendant toute la durée de la peine complémentaire. » – (Adopté.)
Article 50 quater (nouveau)
Le titre II de la première partie de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est complété par une section 12 ainsi rédigée :
« Section 12
« Résiliation en raison d’une suspension d’activité prononcée par l’autorité administrative
« Art. 58 bis. – Lorsque l’autorité administrative a prononcé la suspension d’activité dans les conditions prévues aux articles L. 1263-4 ou L. 1263-4-1 du code du travail, le marché public peut être résilié par l’acheteur. »
M. le président. L'amendement n° 1057, présenté par MM. Gabouty, Lemoyne et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Au début, remplacer les mots :
Le titre II
par les mots :
Le chapitre II du titre II
La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Il s'agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 50 quater, modifié.
(L'article 50 quater est adopté.)
Articles additionnels après l'article 50 quater
M. le président. L'amendement n° 359 rectifié bis, présenté par M. Bouvard, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 448 rectifié, présenté par MM. Darnaud, Genest, Raison, Perrin et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, M. Cornu, Mme Cayeux, MM. Mouiller, Bouchet, Retailleau et Magras, Mme Gruny, MM. Charon, Rapin, de Legge, Houpert et G. Bailly, Mmes Deromedi et Lopez, MM. J.P. Fournier, Lefèvre et Longeot et Mmes Canayer et Billon, est ainsi libellé :
Après l’article 50 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 38 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les acheteurs peuvent imposer l’emploi de la langue française par les salariés travaillant sur un chantier pour l’exécution d’un marché public, ou à défaut la présence d’un interprète rémunéré par leur employeur. »
La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Cet amendement vise à garantir la sécurité des travailleurs sur les chantiers, ainsi qu’une parfaite compréhension des directives de la direction technique des travaux. Tous les ouvriers présents sur le chantier devront comprendre le français ou bénéficier des services d’un interprète. C’est aujourd’hui loin d’être le cas, notamment avec la multiplication du recours au travail détaché.
D’ores et déjà, les pièces d’un marché public, les règles de sécurité et les conclusions des réunions de chantiers sont rédigées en français. Il y a donc une nécessité à faire en sorte que toutes les personnes présentes sur un chantier puissent comprendre le français, soit en étant francophones, soit en bénéficiant du recours d’un interprète rémunéré par l’employeur.
Le droit en vigueur précise la responsabilité du maître d’ouvrage, notamment pour la mise en œuvre des principes généraux de sécurité et de protection de la santé. Cela commence par garantir que toute personne sur le chantier ait la capacité d’en comprendre les consignes de sécurité.
Cette mesure est utilisée par des structures publiques diverses ; je pense aux villes d’Angoulême ou de Chalon-sur-Saône, au conseil départemental de la Charente, aux conseils régionaux des Pays de la Loire et des Hauts-de-France, ainsi qu’à plusieurs offices HLM ou sociétés d’économie mixte… Introduire une telle obligation dans le texte permettrait de lui donner une base législative. L’emploi de la langue française est un outil efficace qui permet aux maîtres d’ouvrage d’assumer leur responsabilité en matière de sécurité au travail.
Cette disposition est conforme aux règles constitutionnelles relatives à l’emploi de la langue française. Ainsi, la décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994 prévoit explicitement qu’il est « loisible au législateur d’imposer dans les cas et conditions qu’il a prévus l’usage de la langue française, ce qui n’exclut pas l’utilisation de traductions ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Cet amendement, dont les dispositions se fondent principalement sur des arguments de sécurité, tend à soulever un certain nombre de difficultés.
Tout d’abord, le fait d’obliger des travailleurs salariés à employer le français serait incompatible avec le principe de liberté individuelle et, peut-être, avec le droit de l’Union européenne.
Surtout, il sera pratiquement impossible de vérifier qui, sur un chantier, parle, lit et comprend bien, peu ou pas du tout, le français.
En outre, la France est le troisième pays d’envoi de travailleurs détachés. Imaginez que nos partenaires demandent la réciprocité ! Je ne suis pas certain que nos techniciens en Roumanie, en Bulgarie ou en Hongrie soient effectivement en mesure d’apprendre et de maîtriser rapidement la langue de ces pays.
Mme Nicole Bricq. Bonne remarque !
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Le dispositif proposé me paraît donc peu opérationnel.
Néanmoins, je souhaite soumettre une idée en matière de sécurité, car je reconnais qu’il s’agit d’un enjeu important. On pourrait remettre avec la carte de travailleur détaché un petit lexique des différents panneaux de sécurité que l’on peut trouver sur un chantier. Pourquoi pas un document de huit pages en format 10/15 ? En l’éditant dans sept ou huit langues, nous devrions pouvoir couvrir à peu près 80 % des travailleurs détachés présents dans notre pays. Une telle mesure me semblerait nettement plus efficace que le dispositif proposé.
La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Une telle disposition n’a effectivement aucune chance de passer les obstacles du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de l’Union européenne.
Par ailleurs, comme vous l’avez signalé, monsieur Darnaud, la législation actuelle permet déjà de prendre les mesures que vous proposez, par exemple dans le cas d’un marché public, pour des raisons impérieuses de sécurité.
Nous avons introduit trois principes importants dans le projet de loi.
Premièrement, avant le détachement, l’employeur doit désigner un représentant en France chargé d’assurer la liaison avec les agents de contrôle. Ce représentant doit nécessairement être en mesure de parler français.
Deuxièmement, l’article 49 du projet de loi permet aux inspecteurs du travail de se faire accompagner d’un interprète dans les entreprises lors des contrôles. Cela les rendra plus efficaces.
Troisièmement, et cela répond à la suggestion de M. le rapporteur, la version issue de l’Assemblée nationale prévoyait l’obligation pour l’employeur – je souhaite rétablir cette disposition – d’afficher les règles essentielles du droit du travail français dans toutes les langues des salariés détachés sur les grands chantiers du bâtiment. Cela devrait permettre aux salariés détachés de mieux connaître leurs droits et les consignes de sécurité.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Darnaud, l'amendement n° 448 rectifié est-il maintenu ?
M. Mathieu Darnaud. La dernière partie de la réponse de Mme la ministre montre combien il est important que les salariés et les employés présents sur un chantier maîtrisent le français.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je soutiens l’amendement de mon collègue. J’ai visité dernièrement un lycée qui a fait l’objet de nombreuses malfaçons, notamment parce que les travailleurs étrangers présents sur le chantier ne parlaient absolument pas le français et ne comprenaient pas les instructions qui leur étaient données, à tel point que, même lors du constat, la compréhension entre les parties n’était pas bonne. Tout cela pose des difficultés en termes de sécurité.
J’entends qu’une telle mesure n’est pas facile à prendre, que nous sommes confrontés à des problèmes de discrimination et qu’une telle position n’est pas aisée à défendre du point de vue européen.
Néanmoins, il est discutable que des entreprises étrangères puissent intervenir en France sans que les personnes employées sur les chantiers ne comprennent un mot de français. Cela pose des problèmes au niveau de la sécurité. Il conviendrait au minimum d’exiger qu’une personne sur le chantier maîtrise la langue et puisse transmettre l’ensemble des consignes.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je suis étonné par cet amendement. Si des personnes sur le chantier ne parlent pas français, adressez-vous à celui qui a passé la commande. C’est lui qui est responsable de la présence des ouvriers sur le chantier.
À l’évidence, une telle mesure constituerait une entrave à la circulation des travailleurs au sein de l’Union européenne. Le groupe UDI-UC groupe votera contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Sur le fond, je ne change rien à l’avis émis par la commission des affaires sociales.
Simplement, sur le plan pratique, comme l’a souligné Mme Gruny, il serait effectivement souhaitable qu’au moins un responsable parle français sur le chantier. Toutefois, il n’est peut-être pas nécessaire que l’ensemble des personnes comprenne notre langue. Mettons-nous à la place des entreprises françaises qui travaillent en Bulgarie, en Roumanie ou en Hongrie. Si ces pays prennent une mesure similaire, nous allons pleurer !
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Madame la ministre, je ne défends aucun intérêt particulier, mais il me semble que la carte individuelle serait une modalité plus efficace que l’affichage sur un chantier, qui peut faire l’objet de dégradations. Nous devons réfléchir à un dispositif, mais la remise d’un additif à la carte individuelle me paraît la meilleure solution.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je suis tout à fait favorable à votre proposition, monsieur le rapporteur, au sujet de la remise d’un feuillet résumant dans plusieurs langues les consignes de sécurité des chantiers.
Dans la mesure où il s’agit en quelque sorte d’un mélange entre la rédaction de la commission des affaires sociales du Sénat et de celle issue des travaux de l’Assemblée nationale, je vous propose de les faire figurer toutes deux dans le même article.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 448 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 403 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Pour l’adoption | 142 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Titre VII
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 51
I. – Pendant une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi, le corps de l’inspection du travail est accessible, sans préjudice des voies d’accès prévues par le statut particulier de ce corps, par la voie d’un concours ouvert aux agents relevant du corps des contrôleurs du travail, dans la limite d’un contingent annuel de 250 postes chaque année. Ce concours est ouvert aux contrôleurs du travail justifiant, au 1er janvier de l’année au titre de laquelle le concours est organisé, de cinq ans de services effectifs dans leur corps.
Les candidats ainsi recrutés sont nommés inspecteurs du travail stagiaires. Pendant la période de stage d’une durée de six mois au moins, ils suivent une formation obligatoire. Seuls les inspecteurs du travail stagiaires dont le stage a été considéré comme satisfaisant, le cas échéant après une prolongation d’une durée maximale de trois mois, sont titularisés dans le corps de l’inspection du travail. Les stagiaires qui, in fine, n’ont pas été titularisés sont réintégrés dans leur corps d’origine. La durée du stage est prise en compte pour l’avancement, en dehors des périodes de prolongation éventuelle.
I bis. – La quatrième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° Après le chapitre II du titre Ier du livre IV, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE II BIS
« Risques d’exposition à l’amiante : repérages avant travaux
« Art. L. 4412-2. – En vue de renforcer le rôle de surveillance dévolu aux agents de contrôle de l’inspection du travail, le donneur d’ordre, le maître d’ouvrage ou le propriétaire d’immeubles par nature ou par destination, d’équipements, de matériels ou d’articles y font rechercher la présence d’amiante préalablement à toute opération comportant des risques d’exposition des travailleurs à l’amiante. Cette recherche donne lieu à l’élaboration d’un document mentionnant, le cas échéant, la présence, la nature et la localisation de matériaux ou de produits contenant de l’amiante. Le cas échéant, ce document est joint aux documents de la consultation remis aux entreprises candidates ou transmis aux entreprises envisageant de réaliser l’opération.
« Les conditions d’application, ou d’exemption selon la nature de l’opération envisagée, du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 4741-9, après la référence : « L. 4411-6 », est insérée la référence : «, L. 4412-2 ».
3° Le titre V du livre VII est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Manquements aux règles concernant les repérages avant travaux
« Art. L. 4754-1. – Le fait pour le donneur d’ordre, le maître d’ouvrage ou le propriétaire de ne pas se conformer aux obligations prévues à l’article L. 4412-2 et aux dispositions réglementaires prises pour son application est passible d’une amende maximale de 9 000 €. »
II. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa du II de l’article L. 1233-30, au second alinéa de l’article L. 1253-6, à la fin du deuxième alinéa de l’article L. 2143-7, à l’article L. 2313-11, à la fin du second alinéa de l’article L. 2314-10, au dernier alinéa de l’article L. 2315-12, à l’article L. 2323-18, au second alinéa de l’article L. 2323-24, à la seconde phrase du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 2324-8, à la fin du dernier alinéa de l’article L. 2324-12, au 4° de l’article L. 2326-5, à la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 2392-2, au 2° de l’article L. 3172-1, au second alinéa de l’article L. 4132-3, à la fin de la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 4154-2, au premier alinéa de l’article L. 4526-1, au second alinéa de l’article L. 4613-1, au dernier alinéa de l’article L. 4614-8, à l’article L. 4614-11, à la première phrase du 3° de l’article L. 4616-2, au premier alinéa de l’article L. 4721-1, au second alinéa de l’article L. 4721-2, au premier alinéa de l’article L. 6225-4, à l’article L. 7413-3, à la fin du second alinéa de l’article L. 7421-2 et à l’article L. 7424-3, les mots : « inspecteur du travail » sont remplacés par les mots : « agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 » ;
2° Au second alinéa de l’article L. 2325-19, au premier alinéa des articles L. 6361-5 et L. 6363-1, à l’article L. 7122-18, à la première phrase de l’article L. 7232-9, aux premier et dernier alinéas de l’article L. 8113-1, aux articles L. 8113-2 et L. 8113-4, au premier alinéa de l’article L. 8113-5, à l’article L. 8271-14 et au premier alinéa de l’article L. 8271-17, les mots : « inspecteurs et contrôleurs du travail » sont remplacés par les mots : « agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 3171-3 et à l’article L. 4612-7, les mots : « inspecteur ou du contrôleur du travail » sont remplacés par les mots : « agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 » ;
4° Aux articles L. 3221-9, L. 4711-3, L. 4744-7 et L. 5424-16, au second alinéa de l’article L. 5213-5, à l’article L. 8112-3, au premier alinéa de l’article L. 8113-3, au second alinéa de l’article L. 8113-8 et au dernier alinéa de l’article L. 8123-6, les mots : « inspecteurs du travail » sont remplacés par les mots : « agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 4311-6 et au 1° de l’article L. 8271-1-2, les mots : « inspecteurs et les contrôleurs du travail » sont remplacés par les mots : « agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 » ;
6° À l’article L. 4721-4 et au premier alinéa de l’article L. 4721-5, les mots : « l’inspecteur et le contrôleur du travail » sont remplacés par les mots : « les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 » ;
7° À la fin de l’article L. 8114-2, les mots : « inspecteurs du travail et des contrôleurs du travail » sont remplacés par les mots : « agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 du présent code » ;
8° Au second alinéa de l’article L. 8271-19, les mots : « inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail » sont remplacés par les mots : « agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 » ;
9° À l’article L. 8223-1-1, les mots : « inspecteur ou le contrôleur du travail » sont remplacés par les mots : « agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 du présent code » ;
10° Au premier alinéa de l’article L. 1263-3, à la fin du premier alinéa de l’article L. 1263-6 et au deuxième alinéa de l’article L. 8291-2, les références : « aux articles L. 8112-1 ou L. 8112-5 » sont remplacées par la référence : « à l’article L. 8112-1 » ;
11° Au III de l’article L. 4624-3, les mots : « inspecteur ou au contrôleur du travail » sont remplacés par les mots : « agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 » ;
12° Au second alinéa de l’article L. 8123-1, les mots : « les inspecteurs du travail » sont remplacés par les mots : « les agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8112-1 ».
III. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° À la fin de la troisième phrase de l’article L. 1324-10, les mots : « inspecteur du travail » sont remplacés par les mots : « agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 du code du travail » ;
2° À l’article L. 5243-2-3, les mots : « inspecteurs et les contrôleurs » sont remplacés par les mots : « agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 du code » ;
2° bis Le chapitre Ier du titre IV du livre V de la cinquième partie est complété par un article L. 5541-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 5541-3. – Le titre VI du livre II de la première partie du code du travail n’est pas applicable aux salariés employés sur des navires. » ;
3° À la fin de la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 5544-18 et à la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 5544-31, les mots : « inspecteur du travail » sont remplacés par les mots : « agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 du code du travail » ;
4° Le chapitre VIII du titre IV du livre V de la cinquième partie est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa et au deuxième alinéa de l’article L. 5548-1, les mots : « l’inspecteur ou le contrôleur du travail » sont remplacés par les mots : « l’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 du code du travail » ;
b) Au début de l’article L. 5548-2, les mots : « L’inspecteur ou le contrôleur du travail » sont remplacés par les mots : « L’agent de contrôle de l’inspection du travail mentionné à l’article L. 8112-1 du code du travail » ;
c) Au premier alinéa de l’article L. 5548-3, les mots : « inspecteurs et contrôleurs du travail » sont remplacés par les mots : « agents de contrôle de l’inspection du travail » ;
d) À l’article L. 5548-4, les mots : « inspecteurs, contrôleurs » sont remplacés par les mots : « agents de contrôle de l’inspection du travail » ;
5° L’article L. 5641-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– au début, les mots : « Ses agents » sont remplacés par les mots : « Les agents de contrôle de l’inspection du travail » ;
– après le mot : « bord », sont insérés les mots : « des navires immatriculés au registre international français » ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « inspecteurs et contrôleurs » sont remplacés par les mots : « agents de contrôle de l’inspection ».
IV. – (Supprimé)