Article 32 A (nouveau)
I. – L’article L. 6211-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « éducatifs », sont insérés les mots : « et économiques » ;
2° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il a également pour objet de favoriser l’insertion professionnelle de ces jeunes travailleurs et leur capacité à occuper un emploi au regard de l’évolution des métiers, des technologies et des organisations. » ;
II. – Après l’article L. 6211-2 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 6211-2-1. – Le pacte national pour l’apprentissage a pour objet de développer les formations par l’apprentissage, l’insertion professionnelle, l’amélioration des conditions de vie et la mobilité des apprentis.
« Le pacte est signé par l’État, les régions volontaires, les chambres consulaires et les organisations patronales d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi professionnel, après avis des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel. Il est conclu dans les six mois suivant le renouvellement des conseils régionaux et pour la durée de leur mandat. Au cours de cette période, une révision peut être demandée par l’un des signataires.
« Il est arrêté par le ministre chargé de la formation professionnelle.
« Dans le respect des compétences des signataires, le pacte comporte des dispositions visant à :
« 1° Établir des objectifs nationaux de développement de l’apprentissage ;
« 2° Fixer les engagements de l’État et des chambres consulaires pour encourager le développement de l’apprentissage dans les entreprises ;
« 3° Établir les engagements des régions en matière de développement de l’apprentissage ;
« 4° Déterminer les engagements des branches professionnelles en matière d’embauche d’apprentis et d’objectifs de maintien et de développement des métiers pouvant contribuer à l’attractivité du territoire régional ;
« 5° Définir des actions de promotion de l’apprentissage ;
« 6° Fixer les engagements de chaque signataire en matière de stabilité des règles applicables à l’apprentissage.
« Le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles mentionné à l’article L. 6123-1 est chargé d’assurer le suivi de la mise en œuvre du pacte et d’établir un bilan annuel et public des actions engagées. Il fournit toutes les analyses permettant de préciser les objectifs nationaux et les engagements fixés par le pacte. »
III. – Après le 2° de l’article L. 6123-1 du même code, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis D’assurer le suivi de la mise en œuvre du pacte national pour l’apprentissage défini à l’article L. 6211-2-1, d’établir un bilan annuel des actions engagées à ce titre, et de fournir toutes les analyses permettant de préciser les objectifs nationaux et les engagements définis dans ce pacte. Il publie des statistiques consolidées à partir des données transmises en matière de financement régional de l’apprentissage par les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles mentionnés à l’article L. 6121-1 ; »
IV. – L’article L. 122-6 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 122-6. – L’apprentissage est une forme d’éducation alternée, définie aux articles L. 6211-1 et L. 6211-2 du code du travail, qui concourt aux objectifs éducatifs et économiques de la Nation. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.
Mme Élisabeth Lamure. Je me réjouis que les mesures suggérées par Michel Forissier et moi-même dans le cadre de la proposition de loi visant à développer l’apprentissage comme voie de réussite figurent dans le texte de la commission des affaires sociales. Je tiens à présenter deux observations au nom des signataires de cette proposition de loi.
D’abord, tous les acteurs rencontrés sur le terrain ou lors de la table ronde que M. Forissier et moi-même avons organisée le 1er octobre dernier ont déploré l’absence de pilotage de la politique d’apprentissage. De ce point de vue, il faut tout faire pour éviter de multiplier les acteurs et les interlocuteurs, afin de ne plus segmenter, et donc diluer, les responsabilités.
Ensuite, les professionnels et même les jeunes rencontrés ont, de façon unanime, regretté le décalage entre l’approche théorique de l’éducation nationale et la réalité de la vie professionnelle. La vie professionnelle, ce n’est pas Zola, ce n’est pas l’asservissement des salariés ! C’est aussi la chance donnée à des jeunes de trouver du travail en se formant auprès des grands professionnels reconnus que sont les maîtres d’apprentissage.
J’ajoute que Mme Deroche défendra un amendement n° 259 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l’article 32 K, qui reprend l’un des articles de la proposition de loi visant à développer l’apprentissage comme voie de réussite. Il s’agit de supprimer le dispositif du contrat de génération, ce qui mettra fin à un échec et allégera utilement le code du travail. (Mme Catherine Deroche applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l’article.
M. Dominique Watrin. Avant que ne s’engage, article par article, le débat sur l’apprentissage, je voudrais vous livrer quelques réflexions générales en la matière.
Nous ne sommes pas contre l’apprentissage, une voie complémentaire qui, en effet, peut permettre à certains jeunes d’accéder à des pratiques pédagogiques plus ancrées dans la réalité des métiers. Il faut néanmoins rappeler que l’apprentissage est d’abord une formation initiale ; de ce point de vue, nous, législateurs, devons veiller à ce que l’on forme des jeunes capables d’évoluer dans leur métier tout au long de leur carrière, mais aussi des citoyens. C’est pourquoi nous refuserons toutes les mesures qui visent en réalité – nous l’avons bien compris – à déconnecter totalement l’éducation nationale de l’apprentissage.
En fait, on le voit bien, l’apprentissage est devenu un véritable marqueur idéologique sur nombre de nos travées. C’est à qui annoncera les meilleurs chiffres en la matière : le nombre le plus élevé d’apprentis ou les aides les plus importantes pour les employeurs. C’est vrai du Président de la République comme des présidents de région, même si l’examen des efforts nets consentis par les régions fait souvent apparaître un décalage entre l’affichage et la réalité.
Pour résoudre les problèmes de plusieurs ordres qui se posent, il faudrait, selon nous, s’attaquer d’abord au gâchis que nous avons souligné il y a quelques instants : les ruptures de contrat, qui atteignent 40 %, voire 50 %, dans certains secteurs et dans certaines régions. C’est là qu’il faudrait prioritairement faire porter l’effort.
Il faut aussi rappeler que les besoins de formation initiale passent aussi par une revalorisation de l’enseignement professionnel. Il importe d’offrir de vrais choix aux élèves en recréant des sections d’apprentissage pertinentes dans les lycées professionnels, dotées des moyens pédagogiques nécessaires.
Je fais observer, chemin faisant, que les taux de réussite sont meilleurs dans les lycées professionnels que dans l’apprentissage. Plus précisément, ils sont supérieurs de neuf points en CAP et de vingt points en baccalauréat professionnel par rapport à l’apprentissage.
En tout cas, mes chers collègues, ne comptez ni sur moi ni sur le groupe CRC pour approuver les propositions de la majorité sénatoriale, qui entend rétablir l’apprentissage dès quatorze ans et faire travailler les apprentis jusqu’à dix heures par jour et quarante heures par semaine – et même la nuit, pendant qu’on y est… Ce n’est pas un gage de progrès, mais un retour en arrière que nous dénoncerons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. L'amendement n° 745, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et sont ajoutés les mots : « sous la responsabilité du ministère de l’éducation nationale »
II. – Alinéa 20
Compléter cet alinéa par les mots :
sous la responsabilité du ministère de l’éducation nationale
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les faits, nous les connaissons : à la fin de l’année 2015, notre pays comptait un peu plus de 400 000 apprentis préparant des diplômes allant du certificat d’aptitude professionnelle au master professionnel et 670 000 lycéens scolarisés dans les lycées d’enseignement professionnel, les LEP. Chaque année, on dénombre 200 000 candidats au baccalauréat professionnel, et au moins 400 000 jeunes poursuivant leurs études en IUT, les instituts universitaires de technologie, en section BTS ou en licence professionnelle.
Ces chiffres témoignent de l’effort particulier consenti par l’ensemble de la Nation en direction de la formation des jeunes. Personne ne conteste le fait que l’une des clés de l’élévation – si nécessaire – des connaissances pour toutes et tous, et donc de l’amélioration de l’efficacité de notre économie, réside dans le développement multiforme des outils de la formation initiale comme continue.
Au regard des chiffres que je viens de rappeler, il est cependant manifeste que l’apprentissage ne constitue pas, quoi qu’on en dise, la voie privilégiée par les jeunes et leurs familles pour accéder à une formation professionnelle.
Les adolescents de notre pays préfèrent effectuer leurs études au lycée général ou technologique et les poursuivre dans les filières professionnelles de l’enseignement supérieur, dont les débouchés se révèlent relativement pertinents, à en juger par les études publiées sur le sujet.
Par conséquent, nous avons devant nous un important travail à réaliser pour comprendre les raisons pour lesquelles le dispositif de l’apprentissage s’est passablement détérioré, après que l’on a recentré la formation sur les TPE et PME pendant plusieurs années. La proportion de contrats rompus de manière précoce demeure encore assez élevée, privant de toute perspective à court terme plus du quart de leurs signataires chaque année.
J’ajoute que les conditions d’un accueil favorisant la bonne transmission des savoirs ne sont pas toujours réunies. Il arrive parfois que le chef d’entreprise n’ait pas le temps d’accorder à un jeune en formation toute l’attention qu’il requiert. Quelquefois, c’est le salarié investi de cette mission qui ne dispose pas des outils pédagogiques pour l’assumer pleinement. Assez souvent, le conflit éclate au cours de la période pendant laquelle l’apprenti se trouve dans un centre de formation d’apprentis pour suivre la partie théorique de sa formation qui est un élément clé de son apprentissage.
Franchement, tout cela nécessiterait une véritable évaluation. Il faudrait parvenir à mettre en évidence la nature des difficultés que rencontrent les apprentis, en vue de les résoudre. Selon nous, seule l’éducation nationale dispose des moyens d’assumer cette mission.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Les différents orateurs qui se sont exprimés se sont en fait lancés dans un débat de fond sur l’apprentissage et se sont écartés quelque peu des questions que soulèvent leurs amendements.
Puisque l’on m’interroge au sujet de l’apprentissage, je répondrai en partie aux propos qui ont été tenus, tout comme Mme la secrétaire d’État exposera certainement la position du ministère sur le sujet.
Nous sommes plusieurs à avoir rencontré – certains d’entre vous, mes chers collègues, ont en effet participé à ces réunions – aussi bien les représentants du ministère de l’éducation nationale que ceux du ministère du travail. Ces personnes sont d’ailleurs présentes aujourd’hui dans l’hémicycle.
Il en ressort que, aujourd’hui, tout le monde souhaite un copilotage du dispositif de l’apprentissage pour davantage d’efficacité. Les amendements que la commission a déposés vont tous dans ce sens. Je veux établir une gouvernance bicamériste, en quelque sorte ! Les sénateurs seraient mal fondés de s’y opposer, car cela correspond peu ou prou au principe constitutif de nos assemblées à l’échelon national. Cette organisation ne fonctionne d’ailleurs pas si mal, puisqu’elle permet d’établir un équilibre ! Nous souhaitons rapprocher non seulement le ministère de l’éducation nationale et les entreprises, mais aussi le ministère du travail, qui a toute sa place dans cette démarche.
La commission est donc défavorable à un amendement qui tend à recentrer la totalité du dispositif de la formation professionnelle sous l’égide du ministère de l’éducation nationale, alors même que ce dernier préférerait un partenariat.
Les lignes semblent commencer à bouger, même si la position que vous défendez, ma chère collègue, est davantage dogmatique et conservatrice que progressiste. Notre rôle aujourd'hui est de faire progresser le monde du travail et l’apprentissage, et d’obtenir des résultats. Si nous ne bougeons pas ces lignes, nous n’avancerons pas !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Je le répète, l’apprenti évolue sous une double responsabilité. D’abord, celle de l’éducation nationale, dans la mesure où sa préparation ressort de la formation initiale. Ensuite, il relève parallèlement du code du travail – je ne vois pas comment il pourrait y échapper, puisqu’il est aussi salarié –, qui représente pour lui une protection.
M. Jean Desessard. Évidemment !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Ce fait est la preuve que le ministère du travail est également impliqué !
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je souhaite réagir, car personne dans cette enceinte n’a affirmé que l’apprenti devait échapper à la compétence du ministère du travail !
Il existe un véritable problème de pilotage du dispositif. Quand on l’observe dans le détail, on s’aperçoit que « le développement quantitatif récent de l’apprentissage […] s’accompagne d’une transformation qualitative importante. Stagnant sur le premier niveau de formation, il se renforce dans le supérieur. Ce mouvement ascendant va de pair avec une diversification de ses publics et, en conséquence, de la variété de ses rôles dans la transition entre formation initiale et emploi. L’usage, dans les politiques publiques, de l’apprentissage comme outil de lutte contre le chômage juvénile se trouve donc ici […] interrogé.
« Interrogé d’abord, parce qu’il tend à se développer dans les niveaux de formation les moins exposés au risque de chômage, ainsi que dans des filières offrant déjà des débouchés plutôt favorables.
« Interrogé aussi par le fait [de] la crise […] l’offre de contrats de la part des employeurs se raréfie et l’insertion des apprentis est rendue plus compliquée.[…]
« Interrogé enfin parce que l’entrée en apprentissage est sélective. De ce fait, certaines populations socialement défavorisées risquent de peu bénéficier des avantages procurés par cette voie de formation. »
Autant dire que les publics que nous visons, c’est-à-dire ceux qui sortent du système sans aucun diplôme ou qualification, ne sont pas correctement pris en compte par le dispositif. Nous aurions donc intérêt à y regarder de plus près. Et ce n’est pas moi qui le dis, mais le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, dans sa note du mois de mai dernier !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je ne voterai pas cet amendement, car je suis favorable au copilotage de l’apprentissage, dont nous avons récemment pu mesurer les bénéfices au cours d’un voyage en Allemagne et en Autriche.
M. Robert del Picchia. Voilà !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Je soutiens évidemment la position défendue par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État.
J’irai cependant encore un peu plus loin. En effet, les apprentis ne dépendent pas tous de l’éducation nationale, madame la secrétaire d’État. Beaucoup d’entre eux font aussi leurs études dans des établissements qui ne relèvent pas de celle-ci.
En réalité, je verrai même un danger considérable à ce que l’apprentissage soit totalement rattaché à l’éducation nationale, car cette dernière était jusqu’à présent relativement réticente en la matière, même si elle a récemment évolué sur le sujet.
L’apprentissage n’est pas une idéologie (M. Michel Forissier, rapporteur, opine.) ; il s’agit d’un moyen extraordinaire d’entrer dans la vie active avec des compétences et un certain dynamisme. L’apprentissage ne concerne pas que des jeunes peu diplômés. Aujourd’hui, certains jeunes deviennent ingénieurs par la voie de l’apprentissage. C’est quelque chose d’extrêmement important et positif !
Encore récemment, j’ai eu une discussion avec un enseignant qui se plaignait du fait que les apprentis n’apprenaient rien lorsqu’ils n’étaient pas en cours. Ce n’est pas vrai ! J’ai d’ailleurs trouvé ce propos méprisant à l’égard des maîtres d’apprentissage : ceux-ci enseignent énormément de choses aux jeunes, pas seulement sur le volet technique de la formation, mais également sur ce qu’est la vie. Cela s’apparente même parfois à de la philosophie !
Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Là où je vis, en Autriche, l’apprentissage est un système très développé et il est intégré dans le cursus scolaire normal.
Collégiens et lycéens passent une ou deux années en apprentissage puis reviennent à l’école. Ils sont donc soumis à un double examen.
Par la suite, nombre de ces apprentis deviennent ingénieurs et créent des petites entreprises. Il existe ainsi beaucoup de patrons d’entreprise ayant connu l’apprentissage.
C’est intéressant, parce que l’économie autrichienne ne fonctionne pas si mal que cela et que le taux de chômage y est assez bas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. L’apprentissage ne fonctionne pas ou fonctionne mal en France, parce que l’on s’évertue depuis des années à faire en sorte que l’entreprise s’adapte à l’apprentissage. Or il serait préférable que ce soit l’inverse. Un seul exemple : pourquoi ne pas calquer les horaires de travail de l’apprenti sur ceux de son maître d’apprentissage ? C’est une aberration que ce ne soit pas déjà le cas !
Mme la présidente. L'amendement n° 746 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Un observatoire paritaire de l’apprentissage, rassemblant des représentants de collectivités territoriales et des partenaires sociaux investis dans la formation professionnelle initiale, est constitué sous l’égide du ministère de l’éducation nationale.
« Cet observatoire convoque tous les cinq ans, à compter de la parution de la présente loi, des assises de l’apprentissage afin de rendre un avis sur les orientations et la répartition des moyens concernant la formation professionnelle initiale. Cette consultation de tous les acteurs de la filière guidera les travaux des collectivités territoriales, de l’État et des centres de formations. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement se situe dans le droit fil d’une démarche globale sur la question de l’apprentissage. Il tend à mettre en place un observatoire national de l’apprentissage associant l’ensemble des parties en présence sur cette thématique essentielle.
Que peut-on attendre de l’activité d’un tel organisme ?
L’observatoire doit être le lieu de l’évaluation des pratiques, des méthodes pédagogiques, de la qualité de la formation, de la réalité de l’insertion professionnelle au terme du contrat. Il faut aussi qu’il soit le lieu où l’on dresse le bilan quantitatif des données recueillies, sous tous leurs aspects, et que les partenaires soient impliqués dans l’approche critique de ce bilan.
Cet organisme doit également s’interroger sur le devenir des apprentis à moyen terme et sur leur faculté à s’insérer dans le marché du travail.
Enfin, il faut qu’il puisse transposer à la formation et à l’enseignement les éléments positifs de l’alternance qui pourraient l’être.
Voilà le sens que nous donnons à cet observatoire, que nous vous invitons, mes chers collègues, à soutenir en votant en faveur de cet amendement !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Je serais tenté de vous poser une question, madame David : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Vous savez sans doute que Mme Élisabeth Lamure et moi-même avons déposé une proposition de loi sur le sujet de l’apprentissage. Je ne doute pas que vous l’ayez tous lue avec attention, mes chers collègues.
Aujourd’hui, une arborescence d’organisations exerce les missions que vous souhaitez attribuer à cet observatoire : à l’échelon national, le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CNEFOP et, au plan régional, des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, les CREFOP. Il existe donc déjà des lieux d’évaluation.
Je suis d’accord avec vous sur le principe d’une évaluation de l’apprentissage, madame David. Cependant, au moment où l’on parle de faire des économies, je ne me sens pas en droit de réclamer de nouveaux observatoires, de nouvelles études et de nouvelles analyses au Gouvernement !
Nous savons tous pourquoi l’apprentissage ne fonctionne pas. Simplement, il faut avoir le courage de s’attaquer aux causes, car ce sont non pas les effets qui importent, mais bien les causes !
Au travers de nos débats, mais aussi au cours de nos travaux préparatoires en commission, nous avons pour une fois le sentiment qu’une majorité assez importante de sénateurs semblant s’accorder sur l’essentiel se dégage. Évidemment, nous ne serons jamais d’accord sur tout, faute de quoi nous ne serions pas en démocratie !
La commission est donc défavorable à cet amendement, non pas sur le principe, mais parce qu’il faut utiliser les outils qui sont déjà à notre disposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, nous disposons déjà d’instances qui remplissent un tel rôle. Il est donc inutile d’en créer de nouvelles.
En l’espèce, la loi du 5 mars 2014 a mis en place le CNEFOP, organisme dans lequel les partenaires sociaux sont représentés. En sont également membres des élus régionaux, qui possèdent des compétences en matière à la fois de formation professionnelle et d’apprentissage, un député et un sénateur.
Au sein du CNEFOP, un certain nombre de commissions travaillent sur tous ces sujets. Il existe notamment une commission d’évaluation qui a pour mission de fournir des rapports sur la mise en œuvre des outils mis en place par la loi. Son dernier rapport concerne le compte personnel de formation, le CPF, et le conseil en évolution professionnelle, le CEP.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. En effet, le CNEFOP peut jouer le rôle que nous souhaitions voir exercer par cet observatoire. Contrairement à ce que certains laissent entendre, nous sommes nous aussi favorables à l’apprentissage, dès lors qu’il s’exerce dans de bonnes conditions.
Il est vraiment fondamental – j’espère que le CNEFOP et les CREFOP dans les régions pourront jouer ce rôle – d’entourer l’apprenti tout au long de sa formation.
Je viens d’entendre Mme Billon déclarer que le décalage entre les horaires de l’apprenti et de son maître d’apprentissage constituait une aberration. Heureusement que l’apprenti n’a pas les mêmes horaires que le maître d’apprentissage, ma chère collègue !
Le maître travaille selon une amplitude horaire beaucoup plus importante que celle que peut assumer un apprenti au cours de son immersion dans l’entreprise. Je vous rappelle qu’un apprenti peut être âgé de seize ou dix-sept ans ! À cet âge-là, on ne peut pas imposer à un jeune de supporter les conditions de travail qu’il aura à connaître lorsqu’il sera salarié à part entière (Mme Annick Billon proteste.) ou qu’il aura créé sa propre entreprise, puisqu’il aura sans doute l’opportunité de le faire ! Il faut respecter les conditions de vie des apprentis pendant leur période de formation.
Monsieur le rapporteur, vous affirmiez connaître les raisons de l’échec de l’apprentissage. Pour ma part, je pense que c’est malheureusement sur ce point que nous pourrions avoir un désaccord. Je crains en effet que nous n’arrivions pas à nous entendre sur la réalité de ces causes. C’était d’ailleurs le sens de notre amendement et de l’observatoire.
Cela étant, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, je vais vous faire confiance : le CNEFOP jouera sans doute le rôle de l’observatoire.
Je regrette que l’on ne puisse pas aller au-delà du simple constat d’échec en matière d’apprentissage. Malgré cela, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 746 rectifié est retiré.
L'amendement n° 747, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le pacte est signé par l’État, les régions volontaires, les chambres consulaires, les organisations patronales d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi professionnel et les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. La rédaction actuelle de l’article 32 A prévoit que le pacte national pour l’apprentissage, chargé de développer les formations par apprentissage, l’insertion professionnelle des apprentis et d’assurer l’amélioration des conditions de vie des apprentis, est signé par l’État, les régions volontaires, les chambres consulaires et les organisations patronales représentatives.
Les organisations syndicales de salariés ne sont sollicitées que pour avis, sans être signataires du pacte. Pourtant, il semblerait pertinent de les impliquer davantage, compte tenu du rôle majeur qu’elles jouent dans le monde de l’entreprise, notamment en matière de négociations sur les conditions de travail et de vie des salariés. En effet, les organisations syndicales ont vocation à défendre l’ensemble des salariés de l’entreprise, quel que soit leur statut en son sein.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur. Nous avons fait le choix de limiter le nombre des signataires du pacte, afin d’éviter d’avoir à en déplorer l’inertie.
En effet, il est tout à fait possible de mettre en œuvre un pacte efficace, mais il existe aussi des pactes qui ne servent qu’à « meubler » et qui s’inscrivent uniquement dans une perspective médiatique.
Nous nous sommes donc concentrés sur les acteurs et les financeurs de l’apprentissage. Les syndicats ne seront certes pas signataires, mais seront consultés. Une telle consultation est prévue. Je pense que le règlement intérieur l’indiquera et que cette mesure sera appliquée.
Si les syndicats souhaitent s’impliquer davantage, c’est en revanche tout à fait possible. Néanmoins, nous ne sommes pas en Allemagne où il existe une fédération de syndicats de salariés, d’une part, et une fédération de syndicats patronaux, d’autre part, qui sont capables de parler de la même voix et de s’entendre.
Si l’on impliquait davantage les syndicats et que cela créait une certaine confusion intersyndicale, le Gouvernement connaîtrait quelques difficultés pour arrêter les modalités de ce pacte ! Aujourd’hui, il faut travailler dans ce sens. Nous ne sommes pas du tout hostiles à l’idée d’associer les syndicats. Il faut simplement évaluer le niveau adéquat.
Pour notre part, nous avons fait le choix de retenir les payeurs parmi les décideurs, de sorte que nous soyons sûrs que la signature du pacte équivale à un engagement des régions et des patrons. Je vous prie de m’excuser d’être grossier en évoquant régulièrement tous ces aspects financiers, mes chers collègues !
Comme vous l’avez déclaré, madame Didier, il faut défendre l’apprentissage en France, car c’est une voie de réussite. Cependant, aujourd’hui, la principale raison de son échec – il faut en parler –, c’est que l’on oriente toujours les jeunes par défaut !
Mme Annie David. C’est vrai !
M. Michel Forissier, rapporteur. Tant qu’il en sera ainsi, cela ne marchera pas !
Mme Annie David. Nous sommes d’accord sur ce point !
M. Michel Forissier, rapporteur. Je sais que Mme la secrétaire d’État et moi-même sommes relativement d’accord sur la politique à conduire pour faire de l’apprentissage une formation initiale qui corresponde à un vrai choix d’activité dans la vie d’une personne.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Comme je l’ai évoqué tout à l’heure, les organisations syndicales, et plus largement les partenaires sociaux, sont déjà présents dans les instances qui sont aujourd’hui prévues par la loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.