M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.
M. Dominique Watrin. Je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles nous critiquons ce projet de loi dans sa globalité.
Cependant, dans cet ensemble, le compte personnel d’activité apparaît comme une mesure en demi-teinte.
Certes, il inclut désormais un compte d’engagement citoyen. Certes, les jeunes décrocheurs pourront en bénéficier pour se former. Pour le reste, le compte personnel d’activité est simplement le regroupement de dispositifs actuels, dont certains remontent à la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Nous sommes bien loin de la revendication des organisations syndicales en faveur d’une sécurité sociale professionnelle !
Avec la révolution numérique, il y a urgence à créer un nouveau statut du travail salarié, consistant en un socle de droits individuels garantis collectivement, opposables à tout employeur et transférables d’une entreprise à l’autre et d’une branche à l’autre.
Ces droits garantiraient la continuité et la progressivité des droits au salaire, à la formation, à la protection sociale, etc. – en clair, à ce que certains appellent « une sécurité sociale professionnelle ».
Ces droits universels permettraient aussi des passerelles de la formation initiale à l’entreprise, en intégrant le droit à la formation tout au long de la vie, levier indispensable au projet de la personne, à la réussite de son parcours, au choix de mobilité, au changement d’orientation professionnelle, ainsi qu’à une vraie égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes.
En conclusion, le compte personnel d’activité est encore très éloigné du projet de sécurité sociale professionnelle qui permettrait de garantir aux salariés, jeunes et moins jeunes, l’épanouissement et l’émancipation par le travail.
Notons enfin que l’amendement adopté par la commission, sur l’initiative de la majorité sénatoriale, ne fait que reprendre les critères de pénibilité déjà identifiés. Il s'agit donc là aussi d’un recul par rapport à ce que l’on pouvait espérer.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.
M. Yves Daudigny. Les membres du groupe socialiste et républicain revendiquent avec fierté et enthousiasme l’avancée sociale importante que représente le compte personnel d’activité, clé de voûte, dans le monde du travail, d’un nouveau modèle social, plus universel et plus individualisé – je reprends vos propos, madame la ministre.
Le rattachement des droits à la personne et non plus au statut permet bien de créer l’instrument d’une liberté protectrice pour tous les actifs.
Le compte personnel d’activité, c’est d’abord une protection universelle, avec le regroupement du compte personnel de formation, du compte personnel de prévention de la pénibilité et du compte d’engagement citoyen, du moins dans sa version adoptée à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale. Il permettra à chacun, quel que soit son statut – salarié, à la recherche d’un emploi, artisan, commerçant ou entrepreneur –, d’accumuler et de conserver des droits tout au long de sa vie et de les utiliser en fonction de ses besoins et de ses aspirations.
Le compte personnel d’activité, c’est aussi l’instrument d’une liberté professionnelle renouvelée pour ceux qui en ont le plus besoin : les salariés qui n’ont pas eu accès à un premier niveau de qualification, les demandeurs d’emploi, les jeunes « décrocheurs » ou en situation de précarité, mais aussi les entrepreneurs, les indépendants, les créateurs d’entreprise.
L’objectif, c’est d’aider chacune et chacun de nos concitoyens à construire un parcours professionnel en phase avec ses aspirations, c'est-à-dire de faire évoluer notre modèle social pour que les grands principes de solidarité qui ont été posés à la Libération, en 1945, gardent toute leur réalité et toute leur vigueur en se modernisant dans le monde qui est celui du XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. L'amendement n° 245 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Je voudrais à mon tour féliciter le rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne de la qualité de son travail et de son écoute. Certes, la recherche du consensus n’a pas permis de suivre jusqu’au bout la logique vers laquelle nous devrions tendre, mais des pas en avant ont d’ores et déjà été accomplis.
Le compte personnel d’activité, ou CPA, n’est pas une mauvaise idée en soi.
Mme Nicole Bricq. C’est même une très bonne idée !
M. Michel Canevet. Force est de constater, néanmoins, que ce projet n’est pas du tout abouti : en l’état de sa présentation, nous doutons qu’il puisse satisfaire les attentes véritables des acteurs de terrain.
Nous en avons déjà fait l’expérience à propos du compte personnel de prévention de la pénibilité : toutes les entreprises sont vent debout contre sa mise en œuvre,…
Mme Catherine Génisson. Non, pas toutes !
M. Michel Canevet. … qui se révèle particulièrement difficile : son élaboration n’a tout simplement pas fait l’objet d’une réflexion suffisante.
La situation est analogue concernant le compte personnel d’activité : à supposer qu’il s’agisse d’une bonne idée, celle-ci mérite d’être approfondie ; à défaut, le risque est de construire une usine à gaz dont les entreprises, en définitive, ne pourront se dépêtrer.
L’amendement qui vous est proposé, mes chers collègues, ne vise donc qu’à prolonger la phase de réflexion : ce dispositif doit être mis au point avant d’être mis en œuvre. Si tel n’est pas le cas, nous nous heurterons, une fois encore, aux mêmes difficultés ; nous compliquerons la création d’emplois, ainsi que l’installation et le développement des entreprises dans notre pays. C’est vers la simplicité, au contraire, que nous devons tendre ; or nous échouons à y concourir.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à soutenir notre amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, la commission partage totalement votre point de vue ; j’attire cependant votre attention sur le fait que nous avons complètement réécrit cet article, en le simplifiant, précisément.
Nous conservons la partie relative au compte personnel de formation, en la perfectionnant. En dépit des belles envolées lyriques de ceux de nos collègues qui soutiennent le nouveau dispositif, le régime du DIF, le droit individuel à la formation, a permis, en son temps, que soient accomplies 530 000 formations ; avec le passage au CPF, le compte personnel de formation, ce chiffre est retombé à 60 000 : on ne peut donc pas dire que c’est une réussite.
Concernant le compte personnel de prévention de la pénibilité, nous vous proposerons de ne conserver que les quatre premiers critères. Quant au CEC, le compte d’engagement citoyen, nous vous proposerons de le supprimer.
Nous vous proposerons également de limiter l’ouverture du CPA à la période d’activité, en partant du principe que dans la vie se succèdent la période des apprentissages, celle de la vie active et celle de la retraite.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Sans surprise, l’avis du Gouvernement sera tout à fait défavorable sur cet amendement.
Notre pays possède des forces, mais aussi de véritables faiblesses. On n’entre plus dans une entreprise à 18 ans pour en sortir à 60 ans : ce monde du travail n’est plus. Chacun sait qu’il aura, au cours de sa vie professionnelle, plusieurs statuts, plusieurs employeurs. Or on constate que près de 82 % des Français ont peur de la reconversion professionnelle, dont ils trouvent l’idée difficile à affronter. Il faut donc que nous changions de méthode : tout en édifiant une forme de garantie collective, nous devons attacher les droits à la personne.
C’est pourquoi je promeus le compte personnel d’activité. Il s’agit évidemment d’un projet à très long terme, dont nous poserons les premières briques (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.), dans le cadre de l’application de ce texte, dès le 1er janvier 2017. Il ne s’agit absolument pas d’une dédicace de ma part, madame Nicole Bricq ! (Sourires.)
Nous procédons pas à pas. Toutefois, la mise en place du compte personnel d’activité représente, dans le monde du travail actuel, une véritable nécessité. Pourquoi le défendre avec tant d’enthousiasme ? Parce que – ce point est essentiel – il est universel !
Monsieur Watrin, je sais que vous avez du mal à dire du bien de ce projet de loi, mais je vous ai entendu affirmer qu’il ne s’agissait que d’un conglomérat des comptes existants. C’est faux, et vous le savez bien !
Voilà trente ans, dans notre pays, que l’on dit que la formation professionnelle ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin ; avec le compte personnel d’activité, les heures de formation doublent pour les salariés les moins qualifiés ! Avec le compte personnel d’activité, un jeune décrocheur pourra revenir gratuitement en formation. Et les travailleurs indépendants sont intégrés au dispositif : c’est un compte universel, destiné à chacun, artisan, agent public, travailleur indépendant, salarié, chômeur. Il ne s’agit donc pas d’un conglomérat de comptes existants !
Notre pays a besoin de retrouver le sens du collectif. Néanmoins, les Françaises et les Français doivent être eux-mêmes acteurs de leur parcours professionnel. Or, aujourd’hui, nous ne leur donnons pas suffisamment de clés pour rebondir eux-mêmes en cas de rupture dans leur parcours. Il y va donc d’une forme de responsabilisation, évidemment.
Au-delà même de cette dimension, j’estime que le CPA représente vraiment l’avenir : nous savons bien que des droits attachés à un statut ne sont plus adaptés au monde du travail d’aujourd’hui. C’est pourquoi je précise qu’au 1er janvier 2017, le dispositif ne sera pas livré dans son intégralité ; dans cinq ans, voire dans dix ans, beaucoup de choses auront été ajoutées autour du CPA. Pourquoi, par exemple, la question de l’assurance chômage n’entrerait-elle pas dans ce cadre ? Beaucoup de portes, après coup, pourront donc s’ouvrir.
Lorsque l’on observe, aujourd’hui, la difficulté de rebondir après une rupture dans le parcours professionnel, nous constatons que nous ne sommes pas bons, ni en termes de mobilité géographique ni en termes de formation en direction de ceux qui en ont le plus besoin. C’est pourquoi nous devons parvenir à donner au citoyen lui-même les clés de son parcours professionnel.
Nous travaillons, dans cette perspective, avec la Caisse des dépôts et consignations. Nous avons lancé des « hackathons », notamment à l’École 42, pour réfléchir à tous les services – ils sont très nombreux – qui pourraient être disponibles autour du CPA : nous testons les choses avec des usagers, représentants de demandeurs d’emploi ou de salariés, étudiants d’écoles de commerce, élèves de l’ENA, pour essayer, précisément, de développer, sur de nombreux pans de l’action publique relatifs à la transition professionnelle, de nouveaux services numériques.
Cependant, il ne s’agit pas simplement d’un outil numérique : de nombreux services se nichent derrière l’outil numérique, et ils visent à rendre les personnes véritablement actrices de leur parcours professionnel. J’aurai l’occasion, bien entendu, à l’occasion de l’examen des différents amendements, d’approfondir mon propos, et je répondrai sur le compte personnel de prévention de la pénibilité – loin de moi l’idée d’occulter ce sujet.
En attendant, l’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement, et je suis persuadée que, un jour, dans cinq ans peut-être, vous direz tous, mesdames, messieurs les sénateurs, non seulement que le CPA est une très bonne idée, mais qu’il se concrétise très bien pour les Français.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Monsieur Canevet, vous avez dit, et les auteurs de cet amendement de suppression ont écrit, que ce n’était pas une mauvaise idée. Vous permettrez que je dise que c’est une très bonne idée ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Alain Vasselle. Ah !
Mme Nicole Bricq. Pour nous, socialistes, cette idée est grosse de ce que nous souhaitons depuis longtemps, et que nous appelons, peut-être un peu pompeusement, une sécurité sociale professionnelle. C’est une innovation !
Ce n’est pas tous les jours que la loi innove. Elle innove, en l’occurrence, en matière sociale, pour accompagner, notamment, des innovations technologiques, sachant que nous serons tous – nous commençons d’ailleurs à l’être, l’économie comme les personnes – numérisés !
Cette mutation technologique entraînera, et entraîne déjà, une mutation des modes de production et des modes de management, mais aussi un bouleversement de la vie elle-même. Nous devons donc armer du mieux possible les individus, quel que soit leur statut, salarié ou indépendant, pour qu’ils puissent affronter ces bouleversements. C’est cela, l’idée, et l’on ne peut que s’en satisfaire !
Mme la ministre a parfaitement expliqué que ce dispositif, dont je rappelle tout de même que le principe a été créé il y a un an, a vocation à être enrichi. Peut-être démarrons-nous un peu modestement ; du reste, certains, parmi nous, au sein du groupe socialiste et républicain, regrettent que le compte épargne-temps n’y ait pas été intégré ; nous y reviendrons au travers de nos amendements. (M. Michel Forissier, rapporteur, manifeste son désaccord.)
Monsieur le rapporteur, je sais bien que cela fait beaucoup, mais nous souhaitons dire, par le biais d’un amendement d’appel, que ce dispositif a vocation à être enrichi !
Pour ma part, j’utilise une métaphore, celle du sac à dos. C’est la mode, vous le savez : les jeunes ont tous leur sac à dos. Eh bien, nous voulons qu’ils aient un sac à dos pour mener leur parcours, et nous l’agrémentons, pour commencer, de divers éléments.
Nous y mettons tout d’abord le compte personnel de formation, qui existe déjà et qui fonctionne bien ; nous renforçons même cette dimension, parce que nous savons que les indépendants comme les salariés, qui iront d’un statut à un autre, auront besoin de formations qualifiantes.
Nous y mettons également le compte personnel de prévention de la pénibilité, dont nous savons qu’il a créé bien des soucis dans la partie droite de l’hémicycle… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pas seulement !
Mme Nicole Bricq. Nous avons entendu les critiques, et le Gouvernement a modifié le décret, peut-être pas suffisamment à votre goût, chers collègues de la majorité sénatoriale, mais il faut bien commencer quelque part.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Nicole Bricq. Quoi qu’il en soit, si l’on est pour l’individualisation des droits et pour la prise en compte de la société telle qu’elle est, le CPA est une bonne arme !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. À regarder du côté de l’Autriche, où les choses fonctionnent bien – un compte individuel de droits rechargeables à l’assurance chômage y a été mis en place –, le CPA pourrait ressembler à une bonne idée.
Mme Nicole Bricq. Pourquoi ne fonctionnerait-il pas bien en France ?
M. Olivier Cadic. Toutefois, comme notre rapporteur vient de le souligner, il faudra bien, un jour, évaluer la réussite des dispositifs que nous mettons en place ! Il est facile de prendre des décisions ; quant à évaluer si, sur le terrain, cela fonctionne, c’est une autre histoire !
Prenez le compte personnel de formation : les choses fonctionnent-elles mieux avec un tel outil, si l’on compare notre situation avec celle des autres pays, qui n’en sont pas dotés ? La réponse est non !
Quant au compte personnel de prévention de la pénibilité, il faudra bien également, un jour, que nous arrêtions de délirer, et que nous revenions là-dessus – cela prendra le temps qu’il faudra. Les effets de manche sont possibles ; mais ils finissent toujours par s’effondrer devant la réalité, surtout lorsque les dérives apparaissent dès le départ.
Avec le compte d’engagement citoyen, enfin, une brique est ajoutée. Il s’agit d’une innovation. Dans ce domaine, nous sommes les premiers : il ne me semble pas que d’autres pays nous aient devancés…
Mme Nicole Bricq. L’idée était déjà défendue par Tony Blair !
M. Olivier Cadic. Il s’agit en réalité d’une « nouvelle pierre dans le sac à dos », pour reprendre la formule utilisée par les entrepreneurs français eux-mêmes, qui trouvent, en effet, leur chargement bien lourd ! Après les 35 heures, voici effectivement une nouvelle innovation.
Vous dites, madame la ministre, que, dans cinq ans, les autres pays nous l’envieront. Je le souhaite : cela voudrait dire que vous avez eu raison. Malheureusement, il est probable que, comme cela s’est passé pour les 35 heures, nous en serons toujours, dans quinze ans, à tenter de nous sortir de ce système. Mais j’espère que ce ne sera pas le cas !
Notre taux de chômage est supérieur à 10 % ; les pays qui nous environnent sont peu nombreux à être dans ce cas. Faire baisser le chômage : c’est cet objectif, aujourd’hui, que nous devons avoir en ligne de mire. Apparemment, lorsque l’on n’y parvient pas, on imagine des tas de mesures. Voilà donc une nouvelle idée,…
M. Alain Néri. Et même une bonne idée !
M. Olivier Cadic. … qui n’est peut-être qu’une fausse bonne idée !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. La première révolution a eu lieu en 1970 : Jacques Delors, alors conseiller de Jacques Chaban-Delmas, invente, avec la « nouvelle société », la formation professionnelle continue.
Tout découle de là ! Je puis vous le dire, pour l’avoir vécu, d’abord au sein d’une entreprise, puis dans un centre des formations industrielles. Aujourd’hui, nous en sommes à tenter d’améliorer ce dispositif. Je crois beaucoup à ce compte personnel d’activité, qui accompagnera chaque individu tout au long de sa vie. Personne n’en conteste d’ailleurs le principe, et nous avons déjà voté, dans cet hémicycle, le compte personnel d’activité.
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Comme l’ont dit nos collègues Cadic et Canevet, le risque est d’échouer à mettre en place le dispositif simple, auquel par ailleurs je crois, en péchant par excès de complexité : qui trop embrasse mal étreint, dit le proverbe. Mes chers collègues, gardons-nous d’aller trop vite ! Avançons pas à pas, avec sérieux et maîtrise.
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
M. Michel Forissier, rapporteur. Oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Compte personnel de formation, oui, bien entendu ! Compte personnel de prévention de la pénibilité, oui, mais sous conditions. Car qui n’a pas conscience que la mise en œuvre des dix critères sera difficile ?
M. Alain Vasselle. C’est une usine à gaz !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Qui n’a pas reçu, dans sa permanence, des chefs d’entreprise venus se plaindre de cette difficulté ? Je pense notamment au secteur du bâtiment, qui est sans doute le plus concerné, au quotidien, par la pénibilité. Vous feriez bien, madame la ministre, d’écouter notre rapporteur, qui est très compétent en ce domaine et qui propose, avec une grande sagesse, que nous amendions le dispositif sur ce point.
Quant au compte d’engagement citoyen, nous n’y sommes pas du tout hostiles ; mais, là encore, ce n’est pas maîtrisé : on mélange l’action bénévole et l’action civique et citoyenne, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je m’apprêtais à dire que certains de nos collègues manquent parfois singulièrement de sens de la nuance, mais les propos du dernier orateur modèrent quelque peu mon appréciation.
J’ai entendu un certain nombre d’affirmations, non démontrées, laissant entendre que le CPA était une bonne idée, mais que cette idée n’était pas totalement aboutie. Toutefois, quelle loi traite par le menu l’ensemble de ses dispositions ? Il est simplement prévu l’ouverture d’un droit ; reste désormais à définir les conditions de sa mise en œuvre !
Qui contestera, dans un monde qui a changé, et dans lequel, entre 18 et 60 ans, chacun sera sans doute amené à changer cinq voire dix fois de métier, la nécessité d’une formation continue permettant la maîtrise de nouvelles techniques ?
Je suis Breton. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. Michel Canevet. Moi aussi !
Mme Françoise Gatel. Nous aussi !
M. Jean-Louis Tourenne. Certes, mais certains, peut-être, l’oublient ! (Protestations amusées sur les mêmes travées.) Nous avons tous des titres de noblesse à revendiquer ; le fait d’être Breton en est un. (Sourires.)
À ce titre, je n’oublie pas que l’industrie agroalimentaire a connu d’importantes difficultés. Lorsqu’il a fallu reconvertir les salariés de cette industrie, on s’est aperçu qu’une telle reconversion requerrait le suivi de formations complémentaires, parfois importantes.
Quant au compte personnel de prévention de la pénibilité, chers collègues, nous ne devons pas rencontrer les mêmes personnes : vous nous dites qu’elles sont toutes vent debout contre ce compte, mais ce n’est pas ce que j’entends ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UDI-UC.)
Sans doute avez-vous l’oreille sélective, chers collègues ! J’entends des chefs d’entreprise dire, certes, que c’est compliqué, mais que, en même temps, il est nécessaire de tenir compte de la pénibilité du travail d’un certain nombre de nos concitoyens, dont l’espérance de vie est largement inférieure à la moyenne. Ils s’opposent non pas au « compte pénibilité », mais à la complexité du dispositif, et ils demandent en effet que celui-ci soit simplifié.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Voilà un Breton qui sort les rames ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Louis Tourenne. Néanmoins, c’est une belle innovation que de donner à chacun des droits qu’il pourra utiliser pour évoluer, pour avancer, pour s’adapter ! C’est aussi une belle innovation pour l’entreprise, dont les employés seront capables de s’engager dans des conversions professionnelles. C’est une belle innovation, enfin, que la reconnaissance de l’engagement civique !
M. le président. Monsieur Canevet, l'amendement n° 245 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 975 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il permet la reconnaissance de l’engagement citoyen.
II. – Alinéa 14
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 4° Personne ayant fait valoir ses droits à la retraite.
III. – Alinéa 16
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes âgées d’au moins seize ans mais ne relevant pas des situations mentionnées aux 1° à 3° du présent article peuvent ouvrir un compte personnel d’activité afin de bénéficier du compte d’engagement citoyen et d’accéder aux services en ligne mentionnés à l’article L. 5151-6.
« Le compte est fermé à la date de décès du titulaire. À compter de la date à laquelle son titulaire a fait valoir ses droits à la retraite, le compte personnel de formation cesse d’être alimenté, sauf en application de l’article L. 5151-9. Les heures inscrites sur le compte personnel de formation au titre du compte d’engagement citoyen, à l’exclusion des autres heures inscrites sur ce compte, peuvent être utilisées pour financer les formations destinées à permettre aux bénévoles et aux volontaires en service civique d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice de leurs missions mentionnées à l’article L. 6313-13.
IV. – Alinéa 22
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 3° Du compte d’engagement citoyen.
V. – Après l’alinéa 30
Insérer vingt-six alinéas ainsi rédigés :
« Section 2
« Compte d’engagement citoyen
« Art. L. 5151-7. – Le compte d’engagement citoyen recense les activités bénévoles ou de volontariat de son titulaire. Il permet d’acquérir :
« 1° Des heures inscrites sur le compte personnel de formation à raison de l’exercice de ces activités ;
« 2° Des jours de congés destinés à l’exercice de ces activités.
« Art. L. 5151-8. – Les activités bénévoles ou de volontariat sont recensées dans le cadre du traitement de données à caractère personnel mentionné au II de l’article L. 6323-8.
« Le titulaire du compte décide des activités qu’il souhaite y recenser.
« Art. L. 5151-9. – Les activités bénévoles ou de volontariat permettant d’acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation sont :
« 1° Le service civique mentionné à l’article L. 120-1 du code du service national ;
« 2° La réserve militaire mentionnée à l’article L. 4211-1 du code de la défense ;
« 3° La réserve communale de sécurité civile mentionnée à l’article L. 724-3 du code de la sécurité intérieure ;
« 4° La réserve sanitaire mentionnée à l’article L. 3132-1 du code de la santé publique ;
« 5° L’activité de maître d’apprentissage mentionnée à l’article L. 6223-5 du présent code ;
« 6° Les activités de bénévolat associatif, lorsque les conditions suivantes sont remplies :
« a) L’association fait partie des associations mentionnées au cinquième alinéa de l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association ;
« b) Le bénévole siège dans l’organe d’administration ou de direction de l’association ou participe à l’encadrement d’autres bénévoles, dans des conditions, notamment de durée, fixées par décret ;
« 7° Le volontariat dans les armées mentionné aux articles L. 4132-11 et L. 4132-12 du code de la défense et aux articles 22 et 23 de la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
« Toutefois, les activités mentionnées au présent article ne permettent pas d’acquérir des heures inscrites sur le compte personnel de formation lorsqu’elles sont effectuées dans le cadre des formations secondaires mentionnées au code de l’éducation.
« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du 6° du présent article.
« Art. L. 5151-10. – Un décret définit, pour chacune des activités mentionnées à l’article L. 5151-9, la durée nécessaire à l’acquisition de vingt heures inscrites sur le compte personnel de formation.
« Les heures acquises au titre du compte d’engagement citoyen sont inscrites dans la limite d’un plafond de soixante heures.
« Art. L. 5151-11. – La mobilisation des heures mentionnées à l’article L. 5151-10 est financée :
« 1° Par l’État, pour les activités mentionnées aux 1° , 2° , 5° , 6° et 7° de l’article L. 5151-9 ;
« 2° Par la commune, pour l’activité mentionnée au 3° du même article ;
« 3° Par l’établissement public chargé de la gestion de la réserve sanitaire, mentionné à l’article L. 1413-1 du code de la santé publique, pour l’activité mentionnée au 4° de l’article L. 5151-9 du présent code.
« Art. L. 5151-12. – L’employeur a la faculté d’accorder des jours de congés payés consacrés à l’exercice d’activités bénévoles ou de volontariat. Ces jours de congés sont inscrits sur le compte d’engagement citoyen. »
VI. – Alinéas 43 et 44
Rétablir ces alinéas dans la rédaction suivante :
« 12° Une commune ;
« 13° L’établissement public chargé de la gestion de la réserve sanitaire, mentionné à l’article L. 3135-1 du code de la santé publique. » ;
VI. – Alinéa 62
Rétablir le 5° bis dans la rédaction suivante :
5° bis Le second alinéa de l’article L. 6323-11 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’accord ou une décision unilatérale de l’employeur peut en particulier porter l’alimentation du compte personnel de formation des salariés à temps partiel jusqu’au niveau de celui des salariés à temps plein. » ;
La parole est à Mme la ministre.