M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 572 et 911 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 573, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 28 à 58
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise à supprimer les dispositions relatives au congé de solidarité familiale. En effet, l’article L. 3142-16 de l’actuel code du travail prévoit un congé de solidarité familiale, qui permet à un salarié de s’absenter pour assister un proche souffrant d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou s’il est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause.
À l’heure actuelle, le salarié doit informer l’employeur de son intention d’utiliser ce congé au moins quinze jours avant son départ, et ce par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en mains propres contre décharge, accompagnée, dans l’un et l’autre cas, d’un certificat médical attestant que le proche souffre effectivement d’une pathologie risquant d’entraîner sa disparition. Ce congé est de droit : il ne peut être ni reporté ni refusé.
Les dispositions en vigueur sont donc à l’avantage du salarié, puisqu’elles lui permettent d’accompagner dignement un proche en fin de vie.
Or, une fois de plus, une inversion de la hiérarchie des normes nous est proposée, au travers d’une disposition qui réduit considérablement le droit des salariés au profit de l’employeur. Nous refusons que les délais d’information de l’employeur par le salarié sur la prise de congé soient déterminés par une convention ou un accord collectif d’entreprise.
Dans les faits, nous pourrions être confrontés à la situation suivante : un salarié dont le conjoint est victime d’une maladie foudroyante et un délai d’information qui aurait été fixé à un mois par accord d’entreprise. Le salarié serait ainsi contraint de travailler, alors que son conjoint aurait besoin de tout son soutien.
Cette disposition d’inversion de la hiérarchie des normes nous semble très contestable, car ce salarié, absorbé par d’autres préoccupations que son travail en ces moments particulièrement difficiles, pourrait se mettre lui-même en danger et mettre en danger la santé de ses collègues.
M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 109 rectifié ter est présenté par Mme Canayer, MM. de Legge, Houel, Bonhomme, D. Laurent, Pellevat, César, Husson et Savin, Mmes Garriaud-Maylam, Imbert et Deseyne, MM. Masclet, Gilles, D. Robert, Commeinhes et Lefèvre, Mmes Gruny et Keller, MM. Revet, Longuet, Mouiller et Grand, Mmes Micouleau et Primas et M. Laménie.
L'amendement n° 110 rectifié bis est présenté par Mmes Cayeux et Hummel, M. Huré, Mme Duchêne, MM. Pierre et Nougein, Mme Lamure et MM. Magras et Legendre.
L'amendement n° 158 rectifié bis est présenté par MM. Vasselle, Laufoaulu et B. Fournier.
L'amendement n° 273 est présenté par M. Courteau.
L'amendement n° 574 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 45 à 58, 91 à 104 et 242 à 252
Supprimer ces alinéas.
Les amendements nos 109 rectifié ter, 110 rectifié bis, 158 rectifié bis et 273 ne sont pas soutenus.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 574.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le problème que pose cet article 3, dans les différentes situations de congé évoquées par notre amendement, est qu’il s’agirait de débattre des conditions d’application de congés non rémunérés, aujourd’hui simplement régies par accord entre employeurs et salariés.
Le problème, aussi, est que la question du soutien familial, de l’assistance et de la présence auprès des personnes âgées en perte d’autonomie fait depuis plusieurs années l’objet de négociations dans les entreprises et les branches, y compris sur le maintien de la rémunération des salariés concernés.
Nombre d’accords ont comme objet d’organiser le don de jours de repos au bénéfice des salariés dont un membre de la famille a besoin d’une présence particulière – enfant malade ou descendant frappé d’une affection grave. On pourrait, pour illustrer nos débats, examiner le cas de la convention collective de la restauration rapide, ou encore l’exemple de nombre d’entreprises des secteurs de la banque, de la mutualité et des assurances.
Dans ce contexte, il nous est apparu bienvenu de maintenir en l’état les procédures en vigueur pour bénéficier des congés non rémunérés que sont le congé de solidarité familiale, le congé pour proche aidant et le congé de représentation, c’est-à-dire la simple passation d’un accord entre le salarié et l’employeur.
Le code du travail, tel qu’il est aujourd’hui rédigé, donne suffisamment de garanties pour un juste exercice de ces droits, d’autant qu’il est toujours préférable de laisser la négociation collective intégrer progressivement ces problématiques et procéder à l’évaluation des accords déjà existants, pour avancer sur le champ de la qualité des dispositions d’ordre public que nous pourrions conserver.
Il y va tout de même des efforts que la société dans son ensemble doit faire face au vieillissement et de la place que nous souhaitons donner, en particulier, à l’engagement collectif et associatif. Ne compliquons pas les choses, mes chers collègues !
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 575, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 47
Remplacer les mots :
une convention ou un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, un accord de branche
par les mots :
un accord de branche ou, à défaut, une convention ou un accord collectif d’entreprise
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Cet amendement vise, au fond, à permettre l’effectivité de l’égalité de traitement entre les salariés en matière de congés de solidarité familiale. De fait, donner un cadre au niveau de la branche, auquel ne peut déroger que positivement l’accord d’entreprise, permet tout à la fois d’assurer cette égalité de traitement et de garantir des minima suffisamment solides aux salariés.
Cet amendement ne vise d’ailleurs pas n’importe quel congé. La solidarité familiale relève d’une logique tant humaniste qu’économique. Peut-on réellement penser qu’un salarié dont un proche est en fin de vie soit en capacité d’effectuer son travail en toute sécurité et efficacité ? Nous ne le pensons pas.
De fait, placer cette question si personnelle à l’échelle de l’entreprise, c’est prendre le risque que des conflits de personnes, comme il en existe dans toutes les entreprises, viennent nuire à un traitement digne de la question. La loi et la branche ont en commun le fait d’être impersonnelles. La structuration actuelle de la négociation collective oblige l’entreprise à être plus avantageuse que la branche en cas de dérogation. Il nous semble que maintenir le droit actuel en l’état est la meilleure solution.
M. le président. L’amendement n° 576, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 59 à 104
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les dispositions prévues aux alinéas 59 à 104 de cet article 3 modifient les textes concernant les congés de proches aidants. Il s’agit ici, comme dans le reste du texte, de créer trois dimensions de normes applicables, en favorisant l’accord d’entreprise ou de branche.
Pour rappel, ce type de congé exceptionnel est pris par les salariés pour assurer une assistance et un dévouement total à un proche en perte d’autonomie ou en situation de handicap grave. Il correspond, dans la vie du salarié, comme dans celle de toute sa famille, à un choix lourd : il s’agit tout à la fois d’assurer au proche aidé des conditions de vie les plus correctes possible, ce qui représente un engagement de tous les instants, a fortiori quand la dépendance est mentale, et, en même temps, de se familiariser avec un environnement tout à fait nouveau pour l’aidant, sans même compter la dégradation de son niveau de vie.
Ainsi, et paradoxalement, le congé du proche aidant correspond à une période de fragilité pour ce dernier : les dispositifs d’aide et d’accompagnement pour les aidants sont rares, mal connus et, par là même, peu accessibles.
Dans ces conditions, le fait de renvoyer la définition du cadre légal entourant le congé de proche aidant à des négociations d’entreprises ou de branche créera une multitude de cadres légaux, compliquant d’autant la lisibilité du droit pour les salariés. Ainsi, à la difficulté de se priver de revenus, cette inversion de la hiérarchie des normes ajoute une insécurité législative pour les salariés.
C’est pourquoi nous souhaitons que ces alinéas soient retirés de l’article 3.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 577 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 902 rectifié est présenté par MM. Collombat, Amiel, Bertrand et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 63
Remplacer les mots :
deux ans
par les mots :
un an
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 577.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à rendre effectif le droit au congé de proche aidant pour les salariés.
Permettre l’exercice d’une solidarité, notamment familiale, dans les moments les plus difficiles est évidemment positif. Mais, pour être efficace et surtout équitable, cette mesure devrait s’accompagner d’une obligation d’ancienneté minimale. Or, établir à deux ans l’ancienneté nécessaire pour « débloquer » cette possibilité est selon nous une vraie limite, discriminante, à l’égard notamment des centaines de milliers de salariés qui, dans la précarité, ne bénéficieront jamais de ce congé.
Le salarié précaire, c’est celui qui enchaîne stage, CDD et intérims, contrat précaire sur contrat précaire ; c’est le jeune diplômé qui galère pendant dix ans pour trouver un emploi stable ; c’est le salarié âgé qui, victime des plans de licenciement à quelques années de la retraite, ne parvient pas à retrouver un emploi.
En définitive, c’est toute cette population de précaires, qui représente aujourd’hui l’essentiel des embauches, puisque 90 % d’entre elles sont réalisées dans le cadre de CDD et intérims. Dans de nombreuses entreprises, notamment dans les domaines de l’assistance téléphonique ou de la restauration, le turn-over est extrêmement important.
Subissant des contrats courts, précaires, mal payés et des conditions de travail difficiles, les salariés abandonnent très facilement ces emplois : dans le domaine de la restauration rapide, ce sont, dans certains cas, plus de la moitié des effectifs qui sont renouvelés chaque année. Ce critère d’ancienneté écarte en conséquence toute cette population, et pourtant ils ne sont pas les moins touchés par les maladies des proches.
Ce critère doit donc être élargi, pour réellement permettre à tous les salariés de bénéficier de l’une des seules avancées prévues par ce texte. Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 902 rectifié, présenté par MM. Collombat, Amiel, Bertrand et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Vall, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 578, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 77
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. L’article 3 de ce projet de loi prévoit de maintenir la durée des congés pour les proches aidants à un an sur l’ensemble de la carrière. C’est méconnaître la réalité des proches aidants que de limiter leur possibilité de congé à une durée prédéfinie, qui plus est d’une année.
Comment imaginer qu’un salarié accompagnant un proche en fin de vie puisse se voir dans l’obligation de reprendre son travail avant le décès de ce proche, le laissant ainsi sans possibilité d’accompagnement ?
Il en va de même pour les personnes aidant des proches en situation de handicap, pour qui une durée d’un an de congé ne satisfait en aucun cas aux obligations d’accompagnement que nécessite une telle situation. Limiter les congés de proches aidants au travers de durées maximums constitue donc une réponse inadéquate à des situations de vie difficiles.
C’est la responsabilité du législateur d’agir afin de mettre tout en œuvre pour faciliter la vie des proches aidants. C’est aussi l’intérêt des entreprises, car, sans cela, celles-ci continueront à constater absentéisme et désinvestissement au travail. Or mieux vaut un congé dont les termes sont clairement définis que des arrêts à répétition.
Dans un contexte de vieillissement de la population, les cas de dépendance des personnes âgées vis-à-vis de leurs proches augmentent. Il est donc nécessaire d’adapter notre droit du travail en conséquence.
M. le président. L’amendement n° 579, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 93
Remplacer les mots :
une convention ou un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, un accord de branche
par les mots :
un accord de branche ou, à défaut, une convention ou un accord collectif d’entreprise
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous proposons, au travers de cet amendement, de tenter de sauver le congé de proche aidant. C’est un dispositif innovant, répondant à un besoin particulier, et qui va se révéler de plus en plus utile compte tenu du vieillissement de la population.
Malheureusement, comme toutes les précédentes dispositions que nous avons examinées jusqu’ici, le congé de proche aidant n’échappe pas à la règle de la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche. Cette logique est mortifère pour les droits des salariés. Nous le répétons inlassablement, mais le projet de loi n’a de cesse de vouloir modifier le code du travail en ce sens.
Comment peut-on imaginer qu’un salarié doive batailler – il n’y a pas d’autre mot – auprès de son employeur pour obtenir ce congé spécifique ? Il faut bien voir le contexte quelque peu délicat dans lequel se trouve ce salarié, qui est en demande de temps pour s’occuper de l’un de ses proches.
Il est particulièrement anxiogène, dans ce cas précis, d’être soumis au bon vouloir de l’employeur, et cela risque également d’entraîner des disparités de situation d’une entreprise à l’autre, sur la durée de ce congé de proche aidant, sur le nombre de renouvellements possibles, etc.
Pour nous, ces sujets ne doivent pas être négociables par convention ou par accord collectif d’entreprise, mais, a minima, par accord de branche. Tel est le sens de cet amendement.
Mes chers collègues, vous avez enrichi ce congé spécifique à l’occasion de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Ne réduisez pas cette avancée à peau de chagrin !
M. le président. L’amendement n° 592, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 229 à 252
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Au travers de cet amendement, nous souhaitons intervenir sur l’un des aspects les plus contradictoires du texte.
Le congé de représentation est de création relativement récente et il a la particularité de permettre au salarié le faisant jouer de participer pleinement aux activités des organismes où se trouvent appelées ses compétences et qualités.
La liste des organismes où ces compétences sont appelées est strictement déterminée par voie réglementaire, dans le cadre de l’application du dispositif législatif en vigueur. Et voici donc que, après avoir défini des critères d’ordre public pour le moins généraux, le projet de loi propose de soumettre à la négociation et, à défaut, aux décisions de l’employeur la participation effective de ces salariés aux activités des organismes où ils sont appelés à siéger.
Pour un projet de loi qui en appelle au développement du dialogue social, c’est, à n’en point douter, une belle avancée ! Voilà en effet que les « impératifs » de la production de telle ou telle PME pourraient priver d’un représentant des usagers un comité régional de l’organisation sanitaire et sociale…
Le congé de représentation est pourtant un élément essentiel de l’évolution de la concertation en matière sociale et hospitalière. Soumettre son exercice à l’arbitraire d’un accord d’entreprise ou de branche revient, en fait, à donner à ces dispositifs un poids plus important que celui conféré à toute décision administrative.
Je le rappelle, lorsque l’on est appelé à siéger dans un tel organisme, c’est parce que l’on a été choisi par une association, une mutuelle ou un autre type d’organisation, et parce que cette disposition a été validée par un acte émanant de l’autorité de l’État. En un sens, l’intérêt particulier d’une entreprise pourrait primer sur l’expression de l’intérêt général.
Nous ne pouvons donc que vous inviter, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 590, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 244
Remplacer les mots :
une convention ou un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, un accord de branche
par les mots :
un accord de branche ou, à défaut, une convention ou un accord collectif d’entreprise
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Actuellement, tout salarié du privé ou agent public peut bénéficier d’une autorisation spéciale pour représenter une association aux réunions d’une commission ou d’une instance placée auprès des pouvoirs publics. Ce congé est appelé congé de représentation.
La loi prévoit que les droits à congé de représentation sont de neuf jours ouvrables par personne et par année civile. Ces droits peuvent être utilisés de façon fractionnée, par journée entière ou par demi-journée. Ainsi, pour chaque réunion, le salarié réalise sa demande de congé à son employeur par écrit au moins quinze jours à l’avance. Ce dernier doit indiquer la date, la durée de l’absence envisagée et l’instance au sein de laquelle il siège. La convocation doit être jointe.
La décision de l’employeur est communiquée dans les quatre jours qui suivent la réception de la demande. S’il y a refus, celui-ci doit être motivé par l’une au moins des deux raisons suivantes : l’absence du salarié serait préjudiciable à la bonne marche de l’entreprise ; trop de salariés ont déjà bénéficié d’un congé de représentation dans l’année en cours.
Le premier motif de refus n’est d’ailleurs recevable que si le comité d’entreprise ou les délégués du personnel, s’ils existent, ont été consultés pour donner leur avis.
Le second motif n’est admis, quant à lui, que si la part de salariés de l’établissement dans lequel travaille le demandeur bénéficiaire d’un congé de représentation excède les proportions définies par la loi.
Vous le voyez, mes chers collègues, ce type de congés est donc déjà extrêmement encadré par la loi, et il ne nous apparaît pas nécessaire de faire en sorte qu’une convention ou un accord collectif d’entreprise prime sur un accord de branche et puisse ainsi mettre en danger la dynamique de ces instances, qu’elles soient ou non consultatives, alors même qu’elles ont été instituées par des dispositions législatives ou réglementaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements restant en discussion ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement n° 573 vise à supprimer la disposition relative au congé de solidarité familiale.
Sans revenir sur le débat de fond, je rappelle que nous avons, en commission, collectivement ajouté un droit à l’entretien individuel au retour dans l’entreprise, mesure favorable au salarié selon nous. Ce droit existe déjà pour le congé de proche aidant, mais pas pour le congé de solidarité familiale, qui peut être amené à durer trois mois, voire six mois. Il est donc opportun qu’un échange puisse avoir lieu entre l’employeur et le salarié pour prévoir les modalités de réinsertion de ce dernier dans cette communauté humaine qu’est l’entreprise.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l’amendement n° 574, qui vise à supprimer du champ de la négociation les dispositions relatives aux congés de solidarité familiale, de proche aidant et de représentation, la commission est défavorable, pour des raisons de fond.
Je rappelle qu’un accord sera nécessaire et j’imagine que les organisations représentatives qui signeront un tel accord seront, tout de même, attentives à ne pas porter atteinte aux droits des salariés. Chacune et chacun aura à cœur, lors des négociations, d’avoir un comportement humaniste. Bien sûr, on ne peut pas préjuger de l’avenir, mais le fait que l’accord doive être conclu avec une majorité relativement importante empêchera toute révision drastique à la baisse des droits des salariés.
C’est en tout cas le pari que nous faisons, avec le Gouvernement d’ailleurs !
En ce qui concerne les amendements nos 575 et 576, l’avis de la commission est défavorable.
Je voudrais dire quelques mots de l’amendement n° 577, pour lequel la commission souhaite recueillir l’avis du Gouvernement. Cet amendement vise à abaisser à un an, au lieu de deux, la condition d’ancienneté requise pour pouvoir bénéficier du congé de proche aidant.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, je pense que le Gouvernement devrait regarder attentivement cet amendement. En effet, aucune condition d’ancienneté n’est requise pour le congé de solidarité familiale. Or le congé de proche aidant s’inscrit dans une philosophie similaire.
Certes, les conditions qui permettent d’y prétendre sont distinctes, en ce sens que le congé de solidarité familiale s’adresse à un proche souffrant d’une pathologie mettant en jeu son pronostic vital, c’est-à-dire à un moment critique. Cela étant, au regard de la philosophie du congé de proche aidant, le fait de devoir attendre deux ans nous paraît peut-être excessif.
Si le Gouvernement acceptait de considérer cet amendement d’un œil favorable, la commission en serait fort aise.
Mme Laurence Cohen. C’est quasiment un avis favorable… Et c’est joliment dit ! (Sourires.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Chère collègue, vous voyez que nous essayons de faire les choses correctement…
En revanche, je ne pourrai pas avoir la même souplesse pour les amendements qui suivent ! (Sourires.)
Notre avis est ainsi défavorable sur les amendements nos 578, 579, 592 et 590. Les raisons peuvent facilement se comprendre, puisque nous sommes, là, dans le même débat que celui que nous avons depuis le début de l’examen de ce texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Pour ma part, je vais distinguer deux groupes d’amendements.
En ce qui concerne les amendements nos 573, 574, 575, 576, 592 et 590, l’argumentation globale a déjà été développée par Mme la ministre et par moi-même, puisqu’ils concernent la place que nous voulons donner, à travers ce texte, à l’accord d’entreprise, c’est-à-dire à la négociation au plus près du terrain. Vous comprendrez donc que nous leur donnons un avis défavorable.
Les dispositions des amendements nos 577, 578 et 579, qui visent la situation des proches aidants, appellent en revanche quelques précisions, en particulier à la suite de l’argumentation du rapporteur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous posez la question, importante, de la durée d’ancienneté nécessaire pour bénéficier d’un congé. Nous connaissons tous la problématique de ces aidants, qui soutiennent des personnes âgées ou handicapées. Cependant, le Parlement a adopté, en décembre dernier, la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. L’ensemble du dispositif a été rebâti à cette occasion, ce qui a permis une amélioration de la situation des aidants.
C’est pour cette raison que le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause, aujourd’hui, des dispositions qui ont été adoptées par le Parlement au mois de décembre dernier, et cela sur des questions qui dépassent les clivages.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. La commission mixte paritaire a été très positive, en effet !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 573.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 307 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 311 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l’amendement n° 574.
Mme Laurence Cohen. Le moins que l’on puisse dire est que nous n’avons pas l’originalité du dépôt de cet amendement, puisque plusieurs parlementaires, de sensibilités diverses, ont déposé les mêmes dispositions, en les motivant de manière identique.
Je dois avouer que nous avons été quelque peu perplexes devant l’apparente contradiction, qui anime certains, entre la prise en compte, et pour tout dire, l’acceptation, de la philosophie générale du texte et cette subite poussée d’égalité législative, illustrée par l’existence de ces propositions alternatives.
D’une manière plus ou moins confuse, ce qui est finalement ressenti est bel et bien que l’inversion de la hiérarchie des normes et cette ouverture, quasi sans limites, du champ de la négociation d’entreprise, ainsi « privatisée », ne vont pas avoir d’autres effets durables que de créer des distorsions de traitement injustifiées dans des situations comparables.
Finalement, mes chers collègues, de quoi parlons-nous ici ?
Avant tout, de l’attention que des parents peuvent accorder à la maladie, notamment quand elle présente un caractère évident de gravité et qu’elle touche des enfants en bas âge. On se souviendra que le principe des jours de congé pour enfant malade accordés aux agents de la fonction publique le fut, entre autres mesures, après le grand mouvement social de 1968.
La mesure s’inscrivait dans l’évolution normale des choses, notamment en raison de la progression de l’emploi féminin, si présent aujourd’hui dans un secteur public où il est largement majoritaire. Que nous soyons en 2016 et que nous n’ayons pas encore tout à fait avancé dans l’extension de ces dispositifs aux salariés du secteur privé n’est pas forcément pour nous surprendre !
Certes, nous avons noté que la question était appréhendée dans de nombreuses entreprises sous des formes diverses et variées. Mais il n’est pas possible – tel est d’ailleurs le sens de cet amendement – que la même situation soit traitée de manière différenciée à raison de la qualité du dialogue social dans telle ou telle entreprise.
Si tant est que l’on reconnaisse quelques vertus à la solidarité familiale ou que l’on donne quelque sens à la présence des usagers du service public dans les instances de consultation mises en place par la loi, il faut faire en sorte que rien ne puisse être opposé à l’exercice de ces qualités.
C’est pourquoi j’insiste sur l’adoption de cet amendement.