Sommaire
Présidence de M. Thierry Foucaud
Secrétaires :
MM. Bruno Gilles, Serge Larcher.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
3. Communications du Conseil constitutionnel
5. Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 456 de M. Dominique Watrin. – Rectification.
Amendement n° 241 rectifié de M. Olivier Cadic. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 456 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 185 rectifié bis de M. Gaëtan Gorce. – Rejet.
Amendement n° 458 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 457 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 459 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 460 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 141 de Mme Jacky Deromedi. – Retrait.
Amendement n° 186 rectifié de M. Gaëtan Gorce. – Rejet.
Amendement n° 187 rectifié de M. Gaëtan Gorce. – Rejet.
Amendement n° 462 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
6. Hommage à deux fonctionnaires de police assassinés à Magnanville
7. Questions d'actualité au Gouvernement
tuerie d'orlando et assassinat de deux policiers à magnanville
Mme Catherine Tasca ; M. Manuel Valls, Premier ministre.
M. François Zocchetto ; M. Manuel Valls, Premier ministre.
situation politique et terrorisme
M. Bruno Retailleau ; M. Manuel Valls, Premier ministre.
Mme Mireille Jouve ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur.
soutien à l'animation de la filière bio
M. Joël Labbé ; M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; M. Joël Labbé.
M. Patrick Abate ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle ; M. Patrick Abate.
Mme Samia Ghali ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur.
euro : sécurité au stade vélodrome de marseille
M. Bruno Gilles ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur.
Mme Caroline Cayeux ; M. Manuel Valls, Premier ministre ; Mme Caroline Cayeux.
adaptation de la société au vieillissement
M. Georges Labazée ; Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
8. Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 465 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 466 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 463 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 988 de M. Alain Joyandet. – Retrait.
Amendement n° 989 de M. Alain Joyandet. – Retrait.
Amendement n° 242 rectifié de M. Olivier Cadic. – Retrait.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
Articles additionnels avant l’article 1er bis
Amendement n° 248 rectifié de M. Olivier Cadic. – Précédemment retiré.
Amendement n° 1003 de la commission. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 246 rectifié de M. Olivier Cadic. – Précédemment retiré.
Adoption de l’article.
Amendement n° 247 rectifié de M. Olivier Cadic. – Précédemment retiré.
Adoption de l’article.
Amendement n° 249 rectifié de M. Olivier Cadic. – Précédemment retiré.
Amendement n° 467 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 1er quinquies
Amendement n° 470 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Amendement n° 468 de M. Dominique Watrin. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 469 de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Articles additionnels après l'article 2 A
Amendement n° 901 rectifié de M. Jean-Claude Requier. – Retrait.
Amendement n° 471 rectifié de M. Dominique Watrin. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
Secrétaires :
M. Bruno Gilles,
M. Serge Larcher.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Communications du Conseil constitutionnel
M. le président. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 14 juin 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation lui avait adressé deux arrêts de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les articles 691-11 et 696-19 du code de procédure pénale (Placement sous écrou extraditionnel ; 2016-561 QPC et 2016-562 QPC).
Les textes de ces arrêts de renvoi sont disponibles à la direction de la séance.
Acte est donné de ces communications.
4
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.
Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde sur les termes de l’article relatif à l’organisation de nos travaux.
Madame la ministre, vous avez jugé utile de nous rappeler, hier après-midi, en exergue de votre démonstration, qu’un accord d’entreprise pouvait, en soi, constituer une bonne chose. Et de citer, en répondant à notre collègue Desessard, l’exemple de la société Renault, pour indiquer que c’est dans cette entreprise que l’on avait inventé la troisième semaine de congés payés.
Que la chose fît tousser hier était tout à fait logique, puisqu’il me faut vous rappeler ici quelques éléments de situation.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale fut terminée, madame Bricq, la société Renault fut nationalisée, pour sanctionner, d’une certaine manière, les faits de collaboration avérés de Louis Renault, celui que l’on appelait le « Saigneur de Billancourt » – vous aurez entendu le « ai » dans « Saigneur » –, partie ouvrière de la commune de Boulogne où l’on trouvait les usines Renault, notamment sur le site de l’île Seguin. Renault devint « la Régie nationale des Usines Renault », dont l’usine de Billancourt était le symbole le plus éclatant.
Une sorte de forteresse ouvrière, comme on disait à l’époque, dans cette usine gigantesque, haute comme une cathédrale dédiée à la métallurgie, où Georges Séguy, un jour de mai 1968, fit applaudir les points positifs des accords de Grenelle et siffler ceux qui ne correspondaient pas à l’image que nous souhaitons laisser.
Dans son livre Renault, regards de l’intérieur, paru en 1983 aux Éditions sociales, Claude Poperen, militant politique et syndical de la Régie, rappelle les faits : après avoir été la première usine du pays, après avoir connu, en 1936, une grève d’une rare ampleur, Renault fut marquée par de puissants et réguliers mouvements revendicatifs qui aboutirent à des avancées sociales significatives.
Dès 1955, la troisième semaine de congés payés fut ainsi accordée, après une grève de longue durée.
Pour le coup, vous auriez alors pu, madame la ministre, rappeler que, en 1962, la grande communauté des travailleurs de Renault obtint aussi la quatrième semaine de congés payés et que c’est à la suite d’un autre mouvement revendicatif, notamment suivi au niveau confédéral par Henri Krasucki, que fut signé un accord créant le premier dispositif de retraite complémentaire du pays.
Nulle avancée sociale dans notre pays ne trouve sa source dans le fait du prince ou la subite générosité du monde de l’entreprise, au sens du patronat !
Faisons peut-être une exception pour la participation aux bénéfices, un dispositif qui traduit la vieille chimère de la réunion du capital et du travail dans un intérêt commun, dont on peut penser qu’il fut inspiré par l’action d’un Marcel Bloch Dassault dont l’entreprise était florissante et d’autant plus profitable qu’elle répondait à des commandes publiques !
Le code du travail lui-même, dont la première page fut écrite en 1910 et l’édition complétée pendant les dix-sept années suivantes, n’était, à l’origine, que la scrupuleuse compilation des lois ouvrières arrachées par la lutte au fil des combats du XIXe siècle industriel et du début du XXe siècle. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure, madame David.
Mme Annie David. Pour prendre la parole et négocier, il faut d’abord agir, madame la ministre !
M. le président. Acte est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
5
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (projet n° 610, texte de la commission n° 662, rapport n° 661).
Titre ier (Suite)
Refonder le droit du travail et donner plus de poids à la négociation collective
Chapitre Ier (suite)
Vers une refondation du code du travail
M. le président. Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre Ier, l’examen de l’article 1er.
Article 1er (suite)
Une commission d’experts et de praticiens des relations sociales est instituée afin de proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail.
Cette refondation a pour objet de :
1° Simplifier les règles du code du travail, notamment en compensant la création d’une disposition par la suppression d’une disposition obsolète ;
2° Protéger les droits et libertés fondamentales des travailleurs ;
3° Renforcer la compétitivité des entreprises, en particulier de celles qui emploient moins de deux cent cinquante salariés.
Cette refondation attribue une place centrale à la négociation collective et prévoit que la loi fixe les dispositions qui relèvent de l’ordre public et celles supplétives en l’absence d’accord collectif. La commission présente, pour chaque partie du code du travail, l’intérêt d’accorder la primauté à la négociation d’entreprise ou à celle de branche.
La commission associe à ses travaux les organisations professionnelles d’employeurs aux niveaux interprofessionnel et multiprofessionnel et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national. Elle peut entendre toute autre institution, association ou organisation de la société civile.
La composition de la commission tend à respecter l’objectif de parité entre les femmes et les hommes.
Le président de la commission est entendu avant sa nomination par le Parlement.
Au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi, la commission présente l’état d’avancement de ses travaux devant les commissions compétentes du Parlement.
Elle remet au Gouvernement ses travaux, qui portent sur les dispositions relatives aux conditions de travail, à l’emploi et au salaire, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 456, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
III. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Comme le précise l’objet de cet amendement, si nous ne sommes pas opposés à une recodification du code du travail qui respecte l’ordre public social et aille vers une meilleure protection des droits des salariées, les objectifs ajoutés par l’article 1er, après passage en commission, sont en contradiction totale avec la réalité, voire avec le sens de l’histoire.
En effet, aucune corrélation sérieuse n’a été établie entre le code du travail et la compétitivité des entreprises, si ce n’est peut-être des dérogations trop nombreuses qui mettent en cause le principe de sécurité juridique.
On nous affirme que le code du travail est trop complexe, trop épais. C’est oublier que depuis la fin de la révolution industrielle, ce code n’a fait que prendre acte des évolutions de la société, de l’acceptabilité sociale des conditions de travail. D'ailleurs, s’il y a eu complexification, c’est avant tout du fait des demandes répétées du patronat pour obtenir des dérogations.
Ainsi, ceux qui se plaignent de la multiplication des textes y ont eux-mêmes contribué, puisque, depuis le début des années quatre-vingt-dix, les employeurs ont réclamé et obtenu dérogation sur dérogation. Pourtant, les licenciements d’aujourd'hui ne feront pas les emplois de demain. Cette fiction, répétée à l’envi par le patronat depuis plus de trente ans, ne résiste pas à l’analyse : le chômage n’a jamais été aussi important en France.
De même, en réponse à une prétendue complexité du licenciement, a été instaurée en 2008 la rupture conventionnelle. Le résultat, c’est que, en 2014, on a compté plus d’un million de ruptures conventionnelles non compensées par des embauches en CDI ! Que dire encore des mutations forcées ou des baisses de salaire pour éviter un plan social ? Je ne vais pas multiplier les exemples. Je pense simplement, avec mon groupe, que le discours sur la compétitivité des entreprises est éculé.
La détérioration des conditions de travail de salariés est en réalité néfaste pour leurs performances et leur productivité. Elle est même néfaste pour la bonne marche de l’entreprise.
Mes chers collègues, telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons la suppression des alinéas 5 et 6 de cet article, ainsi que la suppression de l’alinéa 11, lequel vise à élargir les champs des compétences dévolues à la commission.
M. le président. L'amendement n° 241 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau, Longeot et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
de deux ans
par les mots :
d'un an
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. Je voudrais tout d’abord, au nom de mes collègues, saluer la mémoire du commandant de police et celle de sa compagne qui ont été assassinés hier soir à Magnanville. J’adresse toutes nos pensées solidaires à leurs proches et à leurs collègues. (Applaudissements.)
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il y a un an, lors des débats sur le projet de loi Macron, j’avais déposé un amendement visant à proposer une inversion de la hiérarchie des normes.
Cet amendement avait trois ambitions : premièrement, replacer au niveau conventionnel – d’entreprise, de groupe ou de branche – l’ensemble des règles applicables en matière de droit du travail, d’emploi et de formation professionnelle ; deuxièmement, adapter les règles du droit du travail au plus près de la réalité du monde du travail, en tenant compte de la diversité des secteurs d’activité et des tailles d’entreprise ; troisièmement, simplifier le droit du travail pour le rendre plus lisible, plus praticable, et pour diminuer les contentieux, le code du travail devant ainsi se limiter aux dispositions d’ordre public social qui s’imposent au champ conventionnel.
Afin de donner à cette inversion de la hiérarchie des normes sociales le temps de se mettre en place, j’avais proposé que le Gouvernement crée, par décret, un Conseil de la simplification du droit du travail, charge à ce Conseil de déterminer ce qui relève de l’ordre public social dans le code du travail et ce qui n’en relève pas.
Parmi les neuf priorités du pacte fondateur de l’UDI, nous souhaitons que les négociations entre les partenaires sociaux se passent à l’échelon de l’entreprise.
L’an dernier, nous étions seuls à défendre cet amendement. Je vous remercie d’être allés tous – ou presque ! – dans ce sens. Cependant, il nous semble que deux ans pour travailler sur les seules dispositions relatives aux conditions de travail, à l’emploi et aux salaires, c’est beaucoup trop long.
L’objet de cet amendement est donc de ramener ce délai à une année.
M. le président. Monsieur Cadic, un hommage aux deux fonctionnaires de police assassinés sera rendu par M. le président du Sénat, avant les questions d’actualité au Gouvernement.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 456, présenté par M. Watrin et ses collègues, vise la corrélation entre le code du travail et la compétitivité. Vous la remettez en cause, considérant qu’elle n’est pas suffisamment établie.
Pourtant, dans le monde d’aujourd'hui, au XXIe siècle, le succès des entreprises est assuré de fait par leur rapidité à redéployer leurs moyens pour répondre à l’évolution d’un contexte très changeant ; on le voit, tout va toujours plus vite.
La capacité à se réorganiser dans le cadre de l’entreprise et à modifier un certain nombre de dispositions qui figurent dans le code du travail a naturellement un impact majeur sur la compétitivité. C'est la raison pour laquelle il nous a semblé important de faire figurer cet aspect dans la feuille de route de la commission d’experts et de praticiens des relations sociales.
Je vais prendre un exemple très concret pour illustrer ce trait bien français, qui consiste à attendre que Peugeot soit au bord du gouffre pour accepter de réfléchir à la réorganisation du groupe ! Aujourd'hui, l’on voit bien que le groupe est en train de se tirer d’affaire et, de surcroît, de fort belle manière ! Et l’on voit aussi qu’il y a un lien entre cette capacité à se réorganiser – celle-ci figure pour partie dans le code du travail – et la compétitivité.
Dans cet esprit, désireuse de réaffirmer cet objectif d’adaptation, la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement n° 456.
L’amendement n° 241 rectifié est ambitieux, puisque le délai qui serait imparti à la commission d’experts et de praticiens des relations sociales serait réduit à un an. Cette proposition aurait pour conséquence de permettre au gouvernement qui sera en place à l’automne 2017, quel qu’il soit, de disposer d’un rapport sur lequel il pourrait s’appuyer afin de proposer des réformes à la nouvelle majorité.
Cette idée m’a paru d’abord séduisante. Puis, en lisant les propositions de Jean-Denis Combrexelle, auteur du rapport que vous connaissez, la nécessité de consacrer à cette tâche ardue un temps un peu plus long m’est apparue. Ainsi, l’article 2, par exemple, toilette et refonde 115 articles du code du travail, qui en comprend plusieurs milliers ! On le voit bien, une seule année, cela risque d’être un peu court.
Je propose donc, au nom de la commission des affaires sociales, d’en rester au délai de deux ans, qui était prévu par le texte de la commission. Deux ans, cela me paraît un bon compromis entre les quatre ans qui étaient demandés par M. Combrexelle et votre ambitieuse proposition de ramener le délai à douze mois, monsieur Cadic.
Cela étant, puisque nous allons auditionner le président de la commission d’experts et de praticiens des relations sociales, nous pourrons lui faire part de notre souhait de le voir, lors de la première année d’exercice, focaliser ses travaux sur tel ou tel aspect important, afin de rendre des premières propositions dont le Gouvernement pourra s’emparer.
Je vous suggère donc, mon cher collègue, de retirer l’amendement n° 241 rectifié. À défaut, je serais contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le prolongement des échanges que nous avons eus hier soir et en totale cohérence avec ce que j’ai indiqué à ce moment-là, je veux réaffirmer l’enjeu et la volonté du Gouvernement : nous voulons que la commission créée procède à la refondation du code du travail à droit constant.
Je l’ai suffisamment répété hier pour expliquer mon avis défavorable sur certains amendements qui étaient en discussion, si je ne souhaite pas que nous assignions des objectifs à cette commission, c’est parce qu’il ne relève pas d’une commission d’experts, même après concertation avec les partenaires sociaux, de faire évoluer le droit. Ce rôle revient au Gouvernement et au Parlement.
Conformément à ce que j’ai dit lors de la précédente séance et pour être parfaitement cohérente, je devrais, monsieur Watrin, même si je ne suis pas du tout d’accord avec la démonstration que vous avez faite, émettre un avis favorable, au nom du Gouvernement, sur l’amendement que vous avez présenté.
Par ailleurs, je n’oppose pas la protection des salariés et la compétitivité. Ce que souhaite faire ce projet de loi, c’est, à mon sens, développer de nouvelles formes de régulation, parce que la performance économique et la performance sociale sont en partie liées et que la compétitivité n’est pas un tabou.
Je l’ai dit à maintes reprises en réponse à de nombreuses questions au Gouvernement au sujet de la mise en œuvre du plan « 500 000 actions de formation supplémentaires », investir humainement dans la formation des salariés, notamment les moins qualifiés de notre pays, oui, cela améliore la compétitivité de notre économie ! Pour moi, la compétitivité n’est donc pas un mot tabou.
Il me paraît néanmoins essentiel de protéger les salariés face aux dérogations qui se multiplient, face à quantité de contournements du droit du travail, qu’il s’agisse de certaines formes de travail indépendant ou de la prolifération du travail détaché. Si notre code du travail est devenu tellement volumineux, c’est bien parce qu’il a fallu répondre aux nombreuses dérogations demandées au fil des ans par la partie patronale. Bien évidemment, le code du travail est là pour protéger les salariés dans une relation déséquilibrée.
Je considère toutefois que, lorsque des organisations syndicales sont présentes, le verrou de l’accord majoritaire constitue la meilleure garantie pour trouver un juste équilibre au sein des entreprises.
Je n’oppose donc pas la compétitivité à la performance sociale. Pour moi, l’enjeu, c’est de trouver de nouvelles formes de régulation. Et s’il n’y a pas d’accord, c’est le droit actuel qui s’applique.
Pour toutes ces raisons, je m’en remets à la sagesse du Sénat pour l’amendement n° 456.
J’en viens à l’amendement n° 241 rectifié. Je partage tout à fait le sentiment du rapporteur sur le délai. La commission d’experts et de praticiens ne peut pas mener à bien cette tâche de refondation de la partie législative du code du travail en une seule année. C’est, en effet, un travail technique extrêmement important, auquel le rapport de Jean-Denis Combrexelle préconisait de consacrer jusqu’à trois ans, voire quatre.
À l’issue de ce travail, il reviendra bien sûr au Parlement d’apporter des modifications. Il le fera après concertation avec tous les partenaires sociaux, avec des représentants de la société civile, avec les personnes qui travaillent au sein de l’entreprise, avec des représentants syndicaux anciennement ou encore en poste. Tous ces sujets demandent du temps. C’est un autre travail titanesque !
Il nous a fallu près de cinq mois pour trouver le niveau le plus pertinent de toilettage sur chacune des 125 pages du code du travail que nous avons examinées.
J’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° 241 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la ministre, par cohérence avec ce que vous nous avez déclaré hier, vous auriez dû accepter notre amendement visant à supprimer l’article 1er et la commission qu’il institue.
En effet, cet article, dans sa rédaction actuelle, qui n’a rien à voir avec celle que vous présentiez dans le projet de loi initial, puisqu’elle a été en partie revue par l’Assemblée nationale et très largement modifiée par la commission des affaires sociales du Sénat, prévoit bien que la nouvelle commission va « proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail », refondation dont sont ensuite énumérés les différents objets.
Vous nous dites que, dans votre esprit, cette commission devait formuler des propositions selon les modalités que vous nous aviez expliquées hier et que vous venez de nous réexpliquer, mais cela ne correspond absolument pas à cet article 1er, car ce dernier fixe des objectifs, notamment – objectif ajouté par la commission des affaires sociales – le « renforcement de la compétitivité des entreprises », en particulier – assez bizarrement – « de celles qui emploient moins de deux cent cinquante salariés ».
Du coup, dans cette refondation de la partie législative du code du travail, il faudra insister particulièrement sur une catégorie d’entreprises.
La commission qu’institue l’article 1er ne correspond donc plus du tout aux réalités que vous nous avez exposées hier après-midi et, à nouveau, aujourd'hui, madame la ministre. (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Louis Carrère. Mais il y a eu avis de sagesse !
Mme Annie David. J’ai bien entendu que Mme la ministre avait émis un avis de sagesse, monsieur Carrère, mais j’espère que l’on a tout de même encore la possibilité de parler au Parlement ! Je voudrais expliquer mon vote et je dispose encore d’une minute cinquante pour le faire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
Chers collègues, si vous voulez nous empêcher de prendre la parole, dites-le ! Monsieur Carrère, nous examinons des dispositions importantes qui vont toucher des millions de salariés, et il me semble normal que ces millions de salariés qui essaient de se faire entendre dans la rue aient un relais dans cet hémicycle ! (Brouhaha.)
Je pense, madame la ministre, que vous auriez tout bonnement dû accepter la suppression de cette commission d’experts, dont sont notamment écartés les représentants des salariés.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Mes chers collègues, gardons le même esprit de cohérence que celui qui a prévalu hier ! Je le répète pour ceux qui arrivent en cours de discussion, l’article 1er confie à une commission d’experts le soin de fixer les principes fondateurs du code du travail. Ce n’est donc pas à nous de demander à cette commission d’écrire les lois ! Or c’est ce qu’a fait la commission des affaires sociales.
Nous sommes donc favorables à la suppression de l’alinéa 5, qui revient à dire que la rédaction sortant des travaux de la commission d’experts devra fixer comme objectif au code du travail d’assurer la productivité et la compétitivité des entreprises.
Nous sommes favorables à la suppression de la seconde phrase de l’alinéa 6 pour les mêmes raisons, puisqu’elle fixe le périmètre de l’intervention de la commission.
Enfin, nous sommes également favorables à la suppression de l’alinéa 11, avec une réserve. En effet, l’amendement n° 456 vise la suppression de tout l’alinéa, qui prévoit, dans la rédaction initiale comme dans celle de la commission des affaires sociales, que la commission d’experts remet au Gouvernement le produit de ses travaux dans un délai de deux ans. Si cet alinéa est entièrement supprimé, il n’y aura plus de délai.
Je suggère donc à nos collègues de rectifier leur amendement en ne demandant plus que la suppression de la partie centrale de l’alinéa, qui fait référence « aux conditions de travail, à l’emploi et au salaire ».
Il faut en effet bien prévoir un délai de remise. Sinon, M. Cadic risque d’avoir raison en proposant au travers de l’amendement suivant un délai d’un an ! Pour ma part, je considère qu’il faut un délai de deux ans au moins, et il faut de toute façon préciser que la commission d’experts « remet au Gouvernement ses travaux ».
Voilà ma proposition, et je vous assure, mes chers collègues, qu’elle est sincère (Exclamations amusées au banc des commissions.), car nous sommes vraiment prêts à voter votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Je veux attirer l’attention, en particulier celle de la partie de l’hémicycle où je me situe, sur le calendrier. Je l’ai dit hier, je suis très inquiet de la manière dont cette affaire a été conçue. Je ne reviens pas sur la question de fond, celle du rôle de la commission et les raisons pour lesquelles on engage cette négociation, ayant déjà exprimé mes doutes, mais je suis plus inquiet encore s’agissant du calendrier.
Si le délai est de deux ans, cela signifie que nous aurons alors une nouvelle majorité parlementaire et une nouvelle majorité présidentielle.
M. Jean-Claude Lenoir. Dont acte !
M. Gaëtan Gorce. Je forme évidemment des vœux pour qu’il s’agisse encore alors de préserver les garanties fondamentales du droit du travail, comme Mme la ministre nous l’a indiqué, mais j’ai quelques craintes que ce ne soit pas le cas… Et quand je vois le débat que suscite ce texte et les manifestations qu’il provoque à l’extérieur de cet hémicycle aujourd'hui encore, je me demande si tout cela va nous aider à rassembler ceux qui entendent défendre le code du travail, tel que nous le concevons.
C’est pourquoi je tiens à dire que nous jouons, tout comme, pardonnez-moi, madame la ministre, le Gouvernement, aux apprentis sorciers.
Lancer un tel processus lorsque l’on sait que la pression est très forte – et le texte de la droite nous montre qu’elle l’est – pour remettre en question le code du travail, ouvrir ce débat alors que nous sommes à la veille d’élections et en laisser la conclusion à une autre majorité… Autant dire que nous mettons délibérément en danger les principes que nous prétendons défendre.
Je serais donc partisan de réduire au maximum le délai et de faire en sorte que le calendrier soit aussi resserré que possible, car engager un tel processus aussi tard dans un mandat peut poser des problèmes de cohérence si le délai est raccourci. Quoi qu’il en soit, il y a là, me semble-t-il, une légère contradiction dans la stratégie qui est menée.
Je pourrais d’ailleurs en dire autant du plan de formation des chômeurs. Mieux vaut tard que jamais, certes, mais, si l’on n’avait pas entendu le début 2016 pour se rendre compte que l’on avait un problème de formation des chômeurs de longue durée et que l’on s’y était pris un peu plus tôt, on aurait sans doute plus de résultats aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je voudrais rappeler à nos collègues qui n’ont pas assisté au débat hier ou qui n’ont pas complètement suivi l’évolution du projet de loi que l’article 1er concerne la formation d’une commission d’experts, qui doit proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail.
L’alinéa 5 dont M. Watrin propose la suppression est extrêmement important, puisqu’il vise à renforcer la compétitivité des entreprises. S’il est supprimé, je ne vois pas à quoi servira la mise en place de la commission d’experts !
Quant à l’alinéa 11, que Mme la ministre n’a pas lu complètement, il prévoit que cette commission fera son rapport dans les deux ans. Si l’on supprime cette précision, il n’y a plus de rapport !
Pour ces deux raisons, je demanderai un scrutin public sur l'amendement n° 456, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous allons accepter ce qui est proposé (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.), pour ne pas avoir l’air d’être complètement agrippés à une posture,…
Mme Nicole Bricq. Il faut bien un délai !
Mme Laurence Cohen. … puisque c’est ce que l’on nous rabâche depuis hier. Les autres groupes, il est vrai, n’ont aucune posture : ils réfléchissent, puis changent de position… (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Nous allons donc, nous aussi, bouger, mais je veux tout de même procéder à quelques rappels.
Tout d’abord, on nous dit qu’il ne s’agit que de quelques principes, mais nous avons bien vu dans le débat d’hier, qui a été très politique et extrêmement intéressant, que ces principes étaient fondamentaux.
Ensuite, M. Milon considère que la suppression de l’alinéa 5 est inacceptable, parce qu’il faut renforcer la compétitivité des entreprises de moins de 250 salariés. Mais est-ce le rôle du code du travail d’affirmer cela ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Non, c’est celui de la commission, qui fait des propositions !
Mme Laurence Cohen. Toutefois, qu’est-on en train de faire ? On pose un certain nombre de principes triés sur le volet. On crée une commission d’experts, qui n’a prétendument pas de pouvoir, ou qui tout en ayant des pouvoirs n’en a pas. On nous dit que nous sommes aptes à légiférer, mais – on l’a bien vu hier pour l’égalité entre les femmes et les hommes – toutes nos propositions de modification sont repoussées.
Nous allons accepter ce qui nous est proposé, mais sans illusion aucune et en espérant que chacun ici a conscience de l’atmosphère qui règne, parce que c’est très important. Nous sommes peut-être en train de travailler dans cet hémicycle, mais je vous assure que, dans la rue, il y a des millions de personnes qui luttent contre cette mauvaise loi !
Mme Nicole Bricq. Pas contre l’article 1er !
M. le président. Monsieur Cadic, l'amendement n° 241 rectifié est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Madame la ministre, ne pas s’assigner d’objectifs est le moyen le plus sûr de n’en atteindre aucun !
Comme je l’ai expliqué, notre objectif était que la commission d’experts soit chargée du soin de déterminer ce qui relève de l’ordre public et ce qui n’en relève pas.
Dans le texte proposé par la commission des affaires sociales, il est indiqué que la refondation a pour objet de « simplifier les règles du code du travail, notamment en compensant la création d’une disposition par la suppression d’une disposition obsolète ». Si l’on procède ainsi, le code du travail sera toujours aussi volumineux ! (L’orateur brandit un exemplaire dudit code.)
Si la commission d’experts se contente de définir ce qui est d’ordre public, on pourra aller beaucoup plus vite. S’il faut réécrire, évidemment, cela prendra du temps.
Notre objectif est de simplifier les règles du code du travail. C’est pourquoi nous voulions poser les principes pour la commission d’experts s’agissant de ce que nous voulons conserver dans le code du travail pour pouvoir rapidement le réécrire.
Si j’entends bien, la commission d’experts rendra son avis en 2018. Ensuite, il faudra commencer à réécrire. On voit où cela peut mener. Ah, j’oubliais : il n’est pas plus nécessaire de fixer un délai que de fixer des objectifs…
Dans ces conditions, nous retirons notre amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 241 rectifié est retiré.
Monsieur Watrin, acceptez-vous de modifier l’amendement n° 456 dans le sens suggéré par Mme Nicole Bricq ?
M. Dominique Watrin. Oui, monsieur le président, mais nous souhaiterions une brève suspension de séance, afin de rédiger notre amendement rectifié.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures, est reprise à quinze heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Je suis saisi d’un amendement n° 456 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, qui est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 6, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
III.- Alinéa 11
Supprimer les mots :
, qui portent sur les dispositions relatives aux conditions de travail, à l'emploi et au salaire,
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. L’avis de la commission reste défavorable, monsieur le président, et je maintiens ma demande de scrutin public.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Le Gouvernement s'en remet toujours à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 456 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 246 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 154 |
Contre | 188 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 185 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Lutter contre le « dumping social » en encadrant les pratiques sociales d’entreprises françaises exerçant sur les salariés à l’étranger une pression contraire à leur sécurité et à leur protection sociale. Pour prévenir cette situation, chaque année, le comité d’entreprise est saisi, dans le cadre du bilan social, d'un rapport faisant état des conditions de travail, de salaire et de protection sociale des salariés des entreprises situées en dehors de l'Union européenne contrôlées par le groupe ou dépendant principalement de ses commandes.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Comme nombre d’orateurs de tous les bords politiques l’ont déjà fait remarquer hier durant la discussion générale, la mondialisation a profondément transformé les conditions de la concurrence internationale, notamment en matière sociale et environnementale.
Voilà pourquoi nous vous proposons, par cet amendement, de lutter contre le dumping social en encadrant les pratiques sociales d’entreprises françaises exerçant sur les salariés à l’étranger une pression contraire à leur sécurité et à leur protection sociale. Concrètement, nous entendons créer un droit de regard des salariés sur les politiques sociales conduites par leur groupe dans ses éventuelles filiales extraeuropéennes. Ainsi, on fera en sorte que la délocalisation des activités et des investissements s’accompagne d’une délocalisation des droits sociaux.
L’objet de cet amendement est comparable à celui de la proposition de loi de M. Dominique Potier, que nous avons eu la chance de pouvoir étudier voici quelques mois au Sénat, même si elle a été assez maltraitée par la majorité sénatoriale. Il s’agit dans les deux cas de tirer toutes les conséquences de l’effondrement du Rana Plaza et, plus largement, de mieux contrôler des chaînes de sous-traitance qui peuvent compter jusqu’à huit niveaux.
Notre amendement vise également à exprimer l’esprit de la dernière session de la Conférence internationale du travail, au cours de laquelle Mme la ministre a pu réitérer les demandes du Gouvernement français de voir des négociations déboucher sur la définition précise de principes directeurs devant s’appliquer sur les chaînes d’approvisionnement mondiales en matière de rémunérations, de temps de travail, de conditions de travail et de dialogue social.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La régulation de la concurrence et la lutte contre la concurrence déloyale sont bien présentes à l’article 13. J’en cite la rédaction issue de nos travaux en commission : « La branche définit par la négociation les garanties applicables aux entreprises relevant de son champ d'application et régule la concurrence entre ces entreprises. »
Or il se trouve que, à l’article 1er, nous demandons à la commission d’experts de présenter, pour chaque partie de ce code, « l’intérêt d’accorder la primauté à la négociation d’entreprise ou à celle de branche ». La commission pourra donc se pencher sur la régulation du secteur. Cette mention suffit à nos yeux.
Par ailleurs, monsieur Durain, vous suggérez que le comité d’entreprise puisse être saisi, dans le cadre du bilan social, d’un rapport faisant état des conditions de travail et des salaires dans les filiales situées hors de l’Union européenne. Or il se trouve qu’un certain nombre de consultations, notamment la consultation annuelle stratégique, permettent déjà d’évoquer ce type de sujets au sein du comité d’entreprise.
Compte tenu de ces éléments, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur Durain, vous vous inquiétez à juste titre du dumping social, notamment dans le cadre des pratiques européennes et internationales de nos entreprises. En cohérence avec mes déclarations antérieures, je réitère mon opposition à l’assignation d’objectifs à la commission d’experts. Ce n’est pas à elle de faire évoluer le droit du travail. C’est pourquoi l’avis du Gouvernement sur cet amendement sera défavorable.
Vous soulevez néanmoins deux sujets majeurs autour de la question du dumping social. Le premier est le devoir de vigilance des entreprises donneuses d’ordre, qui fait l’objet de la proposition de loi de Dominique Potier que vous avez citée.
Ce principe n’a de sens que si nous sommes en capacité de le mettre en œuvre de manière internationale et, d’abord, à l’échelon européen. J’ai expliqué la semaine dernière à l’Organisation internationale du travail, l’OIT, combien ces plans de vigilance sont importants. Un grand mouvement est nécessaire sur cette question : j’y tiens à l’extrême et le travail que nous avons eu à Genève avec les organisations syndicales et patronales était particulièrement intéressant dans cette perspective.
La lutte contre les fraudes au détachement constitue le second sujet majeur. Le Gouvernement français est en pointe aujourd’hui pour demander la révision ciblée de la directive du 16 décembre 1996 sur le détachement de travailleurs. Nous entendons faire inscrire dans le droit européen le principe « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail ». Il nous importe en particulier que ce soit le salaire de la convention collective qui s'applique alors.
Or si nous prenons aujourd’hui cette initiative européenne, c’est bien parce qu’il existe des pratiques de dumping social et que l’érosion de notre modèle social est en jeu. Ce n’est pas le travail détaché lui-même qui pose problème : la France est en Europe le troisième pays d’envoi de travailleurs détachés et la libre circulation des travailleurs dans l’espace européen représente bien sûr un atout pour nos entreprises, pour ces salariés, mais aussi pour nos étudiants. En revanche, les abus de ce dispositif doivent être combattus.
Je partage donc tout à fait, monsieur Durain, votre volonté de lutter contre le dumping social, non seulement, à l’échelon international, dans le cadre de la proposition de loi de Dominique Potier – il faut imposer le devoir de vigilance et la responsabilisation des donneurs d’ordres –, mais aussi sur la question du travail détaché, dont le cadre légal devrait évoluer dans les prochains mois.
Cela dit, tel n’est pas l’objectif de la commission d’experts ; plus largement, il ne faut pas assigner d’objectifs à cette commission, à qui il n’appartient pas de refaire le cadre du droit puisque cette refondation doit se faire à droit constant.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Notre collègue Jérôme Durain vient de faire allusion à la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, texte dont aura bientôt lieu la deuxième lecture au Sénat.
À l’écoute de vos explications à ce sujet, madame la ministre, je me demande si vous tenez compte de ce qui se trame – car c’est bien le terme qui convient – aujourd’hui autour du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, ou TTIP, de l’accord économique et commercial global, ou CETA, et de l’accord sur le commerce des services, ou TISA.
On aura beau adopter toutes les mesures possibles, même à l’échelon européen, pour une telle vigilance, tous ces travaux seront caducs si ces trois traités sont mis en œuvre. En effet, les entreprises pourront alors considérer que toute mesure de protection, quelle qu’elle soit, des salariés, de l’environnement ou de nos appellations d’origine contrôlée, constitue une entrave à leur business : elles pourront donc décider d’attaquer l’État à l’origine de ces mesures. J’aimerais obtenir une explication à ce sujet.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 185 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 458, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après les mots :
négociation collective
insérer les mots :
, au respect du principe de faveur et de la hiérarchie des normes
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Notre amendement vise à rétablir la portée du principe de faveur, garantie de notre ordre social.
Ce texte consacre en effet une évolution entamée, en réalité, depuis une trentaine d’années et qui s’accélère depuis quinze ans et, singulièrement, depuis la crise de 2008. Votre texte s’inscrit ainsi dans les pas de la loi Fillon de 2004 et de la loi Bertrand de 2008. Il est éclairant, madame la ministre, que vous soyez sur ce point en accord complet avec la majorité sénatoriale. Les arguments que vous utilisez sont d’ailleurs les mêmes : il s’agirait de favoriser la flexibilité des entreprises et la démocratie dans l’entreprise.
De fait, vous faites appel au bon sens pour imposer des mesures régressives et faire accepter des reculs en matière de droits. Ce bon sens et cette pédagogie consistent en vérité à revenir sur la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation et du Conseil d’État, établie en application des principes contenus dans le code du travail.
Vous revenez surtout sur le principe de faveur, disposition qui, en définitive, constitue le ciment de l’édifice du droit du travail. Rappelons que ce principe offre aux salariés la garantie que tout accord négocié au plus près d’eux sera conclu dans un sens favorable. C’est une garantie contre l’arbitraire, contre le chantage et contre les pressions.
Bien sûr, vous arguez que notre vision des entreprises est caricaturale et que nous raisonnons en termes de rapports de force. Nous faisons pourtant simplement le constat d’un déséquilibre sur le marché du travail, dont vous niez l’existence, et d’une dissymétrie dans le rapport contractuel entre salariés et employeurs.
Il faudrait plutôt s’attaquer à la sacro-sainte concurrence sciemment engagée et organisée entre les salariés : c’est elle en effet qui fait baisser les droits ; c’est elle qui justifie, dans toutes les entreprises où elle a inspiré des accords compétitivité-emploi, toutes les politiques de précarisation. C’est cela qu’il faut combattre !
À nos yeux, rétablir le principe de faveur et la hiérarchie des normes, ou encore faire primer la loi sur la dérogation, ce n’est pas, contrairement aux affirmations de M. le rapporteur, entamer les facultés d’adaptation des entreprises – il y a déjà beaucoup de flexibilité, et même trop, dans le droit du travail. Au contraire, c’est asseoir l’efficacité économique sur son meilleur levier, à savoir le progrès social.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La hiérarchie des normes est au cœur du débat qui se tiendra lors de la discussion de l’article 2.
Naturellement, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, compte tenu de son attachement à la philosophie globale exprimée à l’article 2. Nous sommes constants depuis plusieurs années sur cette philosophie : nos lois de 2004 et de 2008 ont affirmé ce principe de primauté de l’accord d’entreprise.
En réalité, à faire un peu de généalogie, on se rend compte que le principe de faveur n’existe plus à l’état pur depuis longtemps. En 1982 déjà, une ordonnance prise par M. Auroux permettait à l’accord de branche étendu de déroger, dans un sens favorable ou défavorable, à un certain nombre de dispositions légales.
Nous pourrions certes rejouer, cent cinquante ans plus tard, le débat entre Proudhon et Marx, où le premier défendait la subsidiarité, alors que le second préférait la conflictualité. Je vous propose plutôt, mes chers collègues, d’en rester là et de suivre l’avis défavorable de la commission sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Notre échange sur ce sujet, monsieur Watrin, a commencé hier ; il s’agit évidemment d’un point essentiel.
Je crois pour ma part qu’il faut prendre en compte l’évolution qui s’est produite dans notre pays durant les trente dernières années, depuis que, dans le cadre des lois Auroux, on a procédé à une première dérogation au principe de faveur, notamment sur le contingent des heures supplémentaires.
Cette question précise se pose d’ailleurs encore aujourd’hui. En effet, augmenter le contingent des heures supplémentaires peut être perçu comme une évolution défavorable par les salariés qui préféreraient des horaires fixes ; en revanche, il s’agit d’une évolution extrêmement favorable pour ceux qui y voient une source supplémentaire de pouvoir d’achat.
L’enjeu de ce projet de loi est justement de permettre de telles évolutions. En vérité, dans le système actuel, comme vous l’avez vous-même rappelé, l’hyperprécarité existe, les contrats courts existent, l’intérim existe… Le chantage à l’emploi existe bien, parfois, dans le monde du travail. Ces difficultés concernent potentiellement tous les actifs. Il faut donc réformer notre système.
Pour ma part, comme je l’ai dit hier, je n’oppose pas le droit au travail et le droit du travail. Nous avons choisi avec ce texte la voie de la négociation collective et du renforcement des syndicats. En effet, lorsque les syndicats sont influents dans l’entreprise et que celle-ci a intérêt à négocier, les salariés obtiennent des droits et ceux-ci sont respectés. Je rappellerai en outre que, lors de l’adoption des lois Auroux, un syndicat pouvait signer un accord d’entreprise même s’il représentait à peine 5 % des salariés.
Le développement des accords d’entreprise est inéluctable. En effet, il correspond à des besoins exprimés à la fois par des salariés et des entreprises. La société fordiste a vécu, et il faut aujourd’hui améliorer cette capacité d’adaptation. L’inéluctabilité de ce mouvement est évidente quand on constate que près de 40 000 accords d’entreprise ont été signés à ce jour.
Nous ne nous sommes pas contentés d’élargir l’objet des négociations d’entreprise ; nous avons aussi tenu à instaurer le principe de l’accord majoritaire. La règle des 30 % avait été instaurée en 2008. Aujourd’hui, le principe de l’accord majoritaire représente la meilleure garantie pour les salariés. C’est donc un élément déterminant de ce projet de loi. Dès lors, si nous voulons élargir l’objet de la négociation, c’est bien pour qu’il existe le maximum de possibilités de trouver un compromis et des contreparties.
Pour conclure, j’ai envie de citer Philippe Martinez. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) On l’interrogeait hier, sur Europe 1, à propos de l’accord d’entreprise en discussion à la SNCF. Or voici ce qu’il a répondu : « C’est aux salariés de dire ce qui est bon et ce qui n’est pas bon pour eux. » Voilà justement l’esprit de ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. Nous reprendrons évidemment ce débat fondamental à l’article 2. Nous l’avons d’ailleurs déjà eu sous la précédente majorité gouvernementale, en 2004 et en 2008, lors de l’examen des lois Fillon et Bertrand.
Les arguments que j’emploierai aujourd’hui sont ceux que les sénateurs socialistes utilisaient alors, y compris certains membres du gouvernement actuel, tels que M. Alain Vidalies, aujourd’hui secrétaire d’État en charge des transports. À cette fonction, il ne lui appartient pas de s’exprimer sur le présent texte ; cela vaut sans doute mieux pour la cohérence de ses prises de position.
Si nous évoquons ainsi la question du principe de faveur, c’est parce que ce dernier est fondamental. Que nous réfléchissions à la négociation et aux progrès à apporter à celle-ci, en théorie, c’est formidable. En effet, on ne peut que souhaiter que les décisions soient prises à l’échelle la plus proche des salariés et des patrons.
M. Jean-Louis Carrère. Cela vous va bien !
M. Gaëtan Gorce. À vous aussi, monsieur Carrère !
M. Jean-Louis Carrère. Les Landes vous appelleront quand elles auront besoin de vous, cher collègue !
M. Gaëtan Gorce. Voilà bien l’esprit moutonnier… Sachez en tout cas que la Nièvre ne s’est jamais laissé impressionner par les Landes !
Pour en revenir au fond de mon propos, nous souhaitons naturellement, en principe, que la négociation soit menée le plus près possible du terrain. La réalité est toutefois bien différente de cette théorie : nous sommes dans un pays dans lequel le syndicalisme représente à peine 7 % des salariés du secteur privé. Cela signifie que la capacité à négocier dans l’entreprise est extrêmement faible.
En acceptant une dérogation au principe de faveur, on crée donc une situation qui va faire pression sur les salariés au sein de l’entreprise. Dans le contexte économique difficile que nous connaissons, la pression sur l’emploi, voire le chantage à l’emploi, est inéluctable. Dans ces conditions, on fragilise nécessairement la négociation si on la décentralise dans l’entreprise, sans même évoquer le recours désormais possible au référendum.
Il ne nous faut pas adapter le droit du travail à une individualisation des salaires ou du temps de travail qui, de fait, favorise la précarisation et débouche sur une rupture du collectif de travail. Nous devons au contraire nous préoccuper de renforcer ce collectif, pour lui permettre non seulement de se défendre, mais encore de négocier des avancées.
Je considère effectivement que l’on peut envisager un véritable progrès social sous certaines conditions. Ce n’est pourtant pas ce que fait ce projet de loi ; il encourage plutôt des pratiques qui ne cessent de se développer et vont se traduire par un morcellement accru.
Qu’est-ce qui incitera les entreprises à négocier, sinon la nécessité ou l’envie de se différencier, par la compétition, des entreprises voisines du même secteur ? On incite donc ainsi à une compétition, à une concurrence sur le terrain social. Il est pour le moins paradoxal, à un moment où l’on a besoin de rétablir de l’ordre social, d’encourager une telle balkanisation !
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous nous associons aux arguments que vient de défendre brillamment Gaëtan Gorce.
Madame la ministre, au moment des lois Auroux, les accords pouvaient être signés même par un syndicat minoritaire. Toutefois, à cette époque, la hiérarchie des normes et le principe de faveur s’appliquaient dans un plus grand nombre de domaines que ce que prévoit ce texte.
Mme Annie David. Vous avez rappelé que, en 2008, sont nés les accords majoritaires à 30 %. En effet ! C’était une contrepartie à une première remise en cause de la hiérarchie des normes. Par effet de balancier, on avait donné aux organisations syndicales la possibilité de signer des accords à condition qu’elles revendiquent une représentativité de 30 % au sein de l’entreprise.
Si Philippe Martinez, que vous aimez tant citer, madame la ministre, souligne que ce sont les salariés qui sont les mieux à même de défendre leurs intérêts, c’est parce que, chaque année – vous l’avez rappelé lors de votre audition par la commission des affaires sociales –, plus de 30 000 accords sont signés dans les entreprises. La possibilité de signer des accords dans l’entreprise, au plus près des décisions qui se prennent, existe donc déjà.
Dans ces conditions, pourquoi voulez-vous changer la loi, sinon pour favoriser l’inversion de la hiérarchie des normes et l’abandon du principe de faveur ? C’est cela qui est dangereux dans votre texte !
Vous allez en effet pousser à la négociation des salariés qui n’auront pas forcément la possibilité de se défendre au plus près de leurs intérêts, d’autant que les accords qui seront signés pourront comporter des dispositions moins favorables que ce que prévoit la législation. C’est cela que nous contestons par le biais des amendements que nous présentons.
Vous n’avez de cesse de citer les lois Auroux et les accords majoritaires, madame la ministre. Nous les connaissons. Reste que ce que vous proposez est une atteinte grave au droit du travail et une régression. Vous ne pourrez pas nous convaincre du contraire, même en répétant ce que vous avez déjà dit hier. C’est bien le sujet des discussions que nous aurons encore dans les jours qui viennent.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. La question du principe de faveur comme celle de la hiérarchie des normes sont fondamentales dans notre République, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler hier. Nous pensons que le droit des parties, c'est-à-dire le contrat, ne saurait s’opposer à ce que l’on considère être l’intérêt général, lequel doit être fixé par la loi.
Or l’intérêt général, c’est qu’il n’y ait pas de reculs sociaux dans notre pays. Rien ne légitime que le développement des techniques et l’enrichissement de nos capacités productives permettent des réductions de nos droits sociaux. Je ne parle pas d’acquis sociaux, j’entends par là l’organisation et le fondement de ces droits, notamment le niveau des rémunérations, l’organisation du temps de travail et le temps de travail.
Bien sûr, nous respectons les accords d’entreprise et sommes favorables à leur développement et à leur élargissement. Nous avons formulé hier des propositions en ce sens sur la formation, la mutation technologique, notamment numérique. Cependant, il faut être certain que la négociation ne remette pas en cause l’intérêt général.
Prenons un exemple dans le champ du politique. On fait voter la population qui habite tout autour du site de Notre-Dame-des-Landes. Son intérêt est-il le même que celui du département de la Loire-Atlantique, celui de la région, celui du pays ? (Exclamations amusées.) Vous voyez bien que le lieu où se prend la décision conditionne les résultats !
Ce qui est gênant, c’est que nous évoluons dans un système concurrentiel. Si une entreprise accepte des reculs sociaux, les entreprises de la même branche auront beau jeu de dire à leurs salariés qu’elles peuvent encore gagner des « parts de compétitivité », quand il s’agit de sous-traitants, qu’elles peuvent coûter moins cher à leurs donneurs d’ordre, mais que cela suppose qu’elles décident les mêmes reculs sociaux. L’intérêt général, c’est donc bien que le cadre soit permanent.
À l’échelle européenne, nous sommes les premiers à dire qu’il n’est pas normal que le salaire minimum dans certains pays soit si bas : cela crée de la concurrence et nous voilà menacés par des délocalisations là où le coût du travail est anormalement bas et très décalé par rapport à celui que nous connaissons. Un accord majoritaire sous la pression des événements, de la difficulté des entreprises, de l’intérêt des salariés de cette entreprise peut donc être signé, déstabilisant l’ensemble de notre modèle social.
C’est en cela que la clause de faveur et la hiérarchie des normes sont fondamentales. Quand on se dit progressiste, on n’imagine pas que la négociation puisse affaiblir les conditions sociales qui ont été fixées. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Évelyne Didier. Chers collègues de la majorité sénatoriale, il n’y a qu’un président de séance !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je rappelle par ailleurs que nous ne sommes pas les seuls à être contre. L’Union professionnelle artisanale se sent menacée.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 457, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après les mots :
ordre public
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
tels le principe de faveur, la hiérarchie des normes, l’égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée, la durée maximale du travail à trente-cinq heures, une rémunération minimale égale au salaire minimal de croissance, à mettre en place pour les salariés de nouvelles protections face aux mutations du travail au XXIe siècle.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous avons déjà débattu de l’inversion de la hiérarchie des normes et de la mise à mal du principe de faveur. Nous y sommes hostiles. Ce « changement de paradigme », comme vous le qualifiez dans l’étude d’impact, madame la ministre, aura des conséquences sur les conditions de vie et de travail des salariés, sur leur santé, leur sécurité et leur pouvoir d’achat.
Cette inversion de la hiérarchie des normes, en instaurant un principe de défaveur, introduit un nouvel élément dans la course à la compétitivité au sein d’une même branche. Nous l’avons déjà souligné, elle favorisera du même coup le dumping social par le chantage sur le temps de travail et l’intensification de l’activité, puisque la négociation d’entreprise s’effectuera toujours sous la contrainte d’accords socialement les plus défavorables !
En outre, madame la ministre, comme l’a rappelé Dominique Watrin, dans la droite ligne de la loi de 2008, défendue à l’époque par Xavier Bertrand, vous finissez d’institutionnaliser l’individualisation des relations sociales, le « gré à gré », au détriment de la loi, pourtant protectrice.
Force est de le constater, l’objectif ici est la recherche du seul intérêt de l’entreprise, censé correspondre à l’intérêt général. On retrouve, dans ce raisonnement, le modèle économique de la « main invisible » d’Adam Smith, fondé sur l’idée que la recherche de l’intérêt individuel conduit à la réalisation de l’intérêt général.
Pourtant, depuis plus de deux siècles, l’histoire nous a enseigné que c’était le contraire qui était vrai : ce sont les progrès sociaux, acquis à travers les luttes, qui créent une société viable, parce qu’ils permettent une amélioration pour le plus grand nombre.
Nous ne sommes pas opposés à la négociation collective. Pour autant, celle-ci ne peut se dédouaner, au profit de tous les salariés, du respect de l’ordre public social et des principes essentiels en matière de droit du travail tels qu’ils sont énumérés dans cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 459, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après les mots :
ordre public
insérer les mots :
tels que la durée maximale du travail à trente-cinq heures et le salaire minimum,
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet article a été fortement modifié depuis sa version initiale, qui comportait les soixante et un principes de la commission Badinter, à sa nouvelle version proposée par la droite sénatoriale. Son objet est d’accorder une place particulière à la négociation collective, notamment à l’échelon de l’entreprise.
Nous ne sommes pas contre la négociation d’entreprise – Annie David a rappelé le nombre d’accords d’entreprise signés chaque année –, à condition toutefois qu’elle ne remette pas en cause les droits des salariés et qu’elle continue de s’appliquer en respectant le principe de faveur, c'est-à-dire, je le répète, ce qui est le plus favorable aux salariés.
Nous souhaitons donc affirmer que, en plus de la négociation collective, la durée légale du travail à 35 heures et le salaire minimum doivent être des principes fondamentaux pour guider la refondation du code du travail que vous appelez de vos vœux, madame la ministre. En effet, temps de travail et rémunération sont liés. Remettre en cause la durée légale hebdomadaire de travail revient à diminuer le salaire horaire, donc le pouvoir d’achat des salariés.
Nos concitoyens sont, à juste titre, particulièrement attachés à leurs conditions de rémunération et aux 35 heures, et cela est justifié. C’est cet attachement qu’ils ont exprimé dans la rue ou sur les réseaux sociaux depuis quatre mois maintenant et qu’ils expriment de nouveau en nombre cet après-midi.
Il n’est pas concevable que le respect de ces deux éléments ne guide pas la refondation du code du travail.
Un avis défavorable sur cet amendement serait une preuve supplémentaire de votre souhait de revenir sur les droits des salariés, madame la ministre, sous couvert de refondation ou de « réécriture » du code du travail.
M. le président. L'amendement n° 460, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après les mots :
ordre public
insérer les mots :
telles l’égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée,
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Il s’agit d’un amendement de repli.
Le sixième alinéa de l'article indique que la refondation du code du travail attribuera une place centrale à la négociation collective ; il faut entendre une place plus importante qu’actuellement.
Nous sommes favorables à la négociation collective, elle est évidemment essentielle. Or, madame la ministre, vous voulez inverser l’ordre public social existant et faire primer les accords d’entreprise sur les deux autres niveaux. C’est précisément ce que nous dénonçons, parce que nous sommes conscients des rapports de force qui se jouent au sein des entreprises, parce que nous savons que des accords pourront être plus défavorables aux salariés et que des inégalités de traitement existeront d’une entreprise à une autre.
C’est un véritable désaccord de fond que nous avons avec vous sur ce sujet, madame la ministre. En affirmant que, « en matière de dialogue social, l’entreprise est le niveau, le lieu le plus abouti », vous niez en quelque sorte les difficultés et les tensions existantes et le déséquilibre des forces entre les salariés et les employeurs.
J’en viens plus précisément à l’objet de cet amendement. Nous souhaitons a minima préciser les dispositions qui devront relever, pour nous, de l’ordre public, à savoir l’égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée.
Il ne faudrait pas que la refondation du code du travail dont il est question dans cet article et dont nous ne comprenons pas d'ailleurs si elle se fait à droit constant ou non, omette ces thèmes pour les salariés ; en effet, loin d’être anodins, ils sont au contraire de véritables enjeux. Comme tous les mots ont un sens, nous préférons inscrire dans le texte ce qui est encadré par la loi.
Sur ces sujets, les employeurs peuvent ne pas vouloir ouvrir de négociations. Par conséquent, autant prévoir des garde-fous et des obligations. Sinon, nous risquons de réduire la loi à une coquille vide.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ces trois amendements visent chacun à décliner le principe du précédent amendement et à le compléter.
J’en profite pour rendre un hommage appuyé à la constance du groupe CRC, à celle de Gaëtan Gorce, mais également à celle de la majorité sénatoriale ! En effet, en 2008, lorsque le texte portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, qui affirmait la primauté de l’accord d’entreprise dans un certain nombre de domaines, était en discussion au Sénat, la droite et le centre avaient naturellement approuvé ces nouvelles règles, ainsi que les nouvelles règles de majorité.
M. Alain Néri. C’est bien ce qui nous inquiète, monsieur le rapporteur !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Si Gaëtan Gorce, qui avait à l’époque voté contre ce texte, vote contre le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui, nous, qui avions voté pour en 2008, sommes constants !
Qu’en est-il du très grand nombre de sénateurs du groupe socialiste et républicain qui, eux aussi, avaient voté contre, mais qui se rallient aujourd’hui à ce texte qui est tout à fait conforme à la philosophie que nous avions défendue à l’époque ?
M. René-Paul Savary. Tout à fait !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cohérence contre cohérence, nous sommes droits dans nos bottes.
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes conservateurs !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous assumons tout. Nous n’avons pas la réforme honteuse.
M. Alain Néri. Vous ne nous rassurez pas !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Je constate en revanche que certains refusent d’assumer.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. Le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je n’ai absolument pas la réforme honteuse. Je l’assume à 200 % !
Cette réforme comprend trois éléments qui fonctionnent ensemble : élargissement de l’objet de la négociation, renforcement des moyens syndicaux dans les entreprises – sur ce point, nous avons une vraie divergence : il est nécessaire si nous voulons plus de négociateurs formés et en mesure de jouer leur rôle –, principe majoritaire – là aussi, nous avons une divergence.
Je partage évidemment l’objectif de maintien des 35 heures et du salaire minimum dans le futur code du travail.
M. Alain Néri. Bravo !
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il s’agit d’acquis majeurs. Il en est de même de l’égalité professionnelle, ainsi que des conditions de santé et de sécurité. Il faut même toujours aller plus loin pour les garantir ; voilà ma vision.
Le but de cet article n’est pas de dresser la liste de tout ce qui doit rester dans l’ordre public. Il s’agit, permettez-moi d’y revenir, de créer une commission, qui doit formuler des propositions, notamment à droit constant, afin de définir le niveau le plus pertinent pour développer la négociation collective. D’ailleurs, dans la version initiale de ce texte, les 35 heures font partie de l’ordre public.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. Le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Madame la ministre, je vous écoute avec attention depuis le début de nos travaux et j’avoue ne pas comprendre comment vous pouvez parler de renforcement de la capacité syndicale à l’intérieur des entreprises, alors que les salariés voient s’affaiblir leur capacité d’intervenir dans un grand nombre de structures.
C’est pour les entreprises de moins de 250 salariés, dont il a été question tout à l’heure, que la situation est la plus fragile. La plupart du temps, dans ces structures, quand des salariés décident de constituer leur propre organisation syndicale, le patronat trouve toutes les solutions possibles pour que le salarié ait une forme de fin de contrat ou soit licencié pour des raisons diverses et variées et que l’organisation syndicale ne puisse être créée !
Affirmer que, aujourd’hui, on pourrait donner plus de moyens à l’activité syndicale dans les entreprises grâce à ce texte est incompréhensible au regard de la réalité du terrain. Nous pensons au contraire qu’il faut donner tous les moyens dans les textes pour que les salariés ne soient pas sous la coupe de la seule négociation dans l’entreprise et pour que celle-ci se fasse dans le cadre d’accords de branche qui les protègent.
M. le président. L'amendement n° 141, présenté par Mme Deromedi, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Chasseing, Doligé, Frassa et Gremillet, Mme Gruny, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Magras, Masclet, Morisset, Pellevat, Soilihi et Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Elle attribue également une place majeure aux dispositions tendant à favoriser l’emploi, à enrayer le chômage, à adapter le droit du travail aux évolutions techniques, notamment à l’ère du numérique, à renforcer la formation professionnelle et l’apprentissage, à simplifier les démarches des entreprises, à tenir compte de la situation particulière des très petites et moyennes entreprises, au développement du commerce extérieur de la France.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Les principes de refondation du droit du travail ne peuvent se limiter à la négociation collective, dont l’importance est évidente, mais ils doivent s’étendre aux préoccupations essentielles des Français : l’emploi, l’accompagnement et la réinsertion des chômeurs, l’adaptation du droit aux évolutions techniques, la simplification des démarches des entreprises. Il est important de ne pas multiplier les démarches nouvelles coûteuses, alors que l’on prétend simplifier.
Ce projet est très hexagonal et ne comporte pratiquement aucune mesure spécifique tendant au développement de notre commerce extérieur, lequel constitue pourtant l’un des ressorts majeurs de notre économie. Les seules dispositions relatives au travail à l’étranger ont trait au congé de solidarité internationale. Les dispositions au détachement que le projet de loi contient concernent les entreprises situées à l’étranger qui détachent des salariés en France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Par le biais de cet amendement sont énoncés un certain nombre de principes qui – je m’exprime sous le contrôle des autres rapporteurs de ce texte – nous ont utilement inspirés. C’est aussi à leur aune que nous avons réécrit l’article 1er, qui inclut désormais la simplification des règles du code du travail.
Il est demandé qu’une attention toute particulière soit prêtée aux TPE et aux PME. C’est tout à fait l’état d’esprit qui prévaut lorsqu’il est question de « renforcer la compétitivité des entreprises, en particulier celles qui emploient moins de deux cent cinquante salariés ».
Par conséquent, les dispositions prévues sont pour partie satisfaites par la réécriture de l’article. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. En totale cohérence avec ce que j’ai indiqué tout à l’heure, je ne souhaite pas assigner d’objectif à cette commission.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je remercie mon collègue Daniel Chasseing d’avoir soutenu cet amendement, même s’il sera probablement amené à le retirer, compte tenu des explications que vient de donner M. le rapporteur. En effet, cette disposition est importante, car elle reflète bien la philosophie de la majorité du Sénat.
Nous sommes actuellement en pleine mutation. Le monde change considérablement, notamment du fait de l’apparition de l’économie numérique et collaborative. Comme cela a été dit la nuit dernière, dans dix ans, entre 50 % et 60 % des emplois n’auront rien à voir avec ceux d’aujourd'hui, notamment à cause de l’économie collaborative, ou peut-être grâce à elle.
Face à cela, que proposons-nous ? Une refondation de la partie législative du code du travail, avec la création d’une commission d’experts. À entendre les uns et les autres, on a parfois l’impression de revenir à la lutte des classes ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. Elle est toujours là, la lutte des classes !
M. René-Paul Savary. On a l’impression d’examiner une loi pour le travail du XXe siècle, et non pas du XXIe siècle.
C'est la raison pour laquelle il est tout à fait important de rappeler que ce texte est fait aussi pour ceux qui n’ont pas de travail. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Monsieur Chasseing, l'amendement n° 141 est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 141 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 186 rectifié, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
La commission se fixe comme priorité d’établir des règles pour favoriser la réinsertion des demandeurs d’emploi. À ce titre, elle évalue l’opportunité de créer, dans chaque bassin d'emploi, une Maison du travail, avec le statut d’une association relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association. Dans le cadre de ses travaux, la commission examine notamment les principes énoncés ci-après.
Son président est le directeur afférent de Pôle emploi.
Son conseil d'administration est composé des représentants du ou des Pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et de délégués élus par les salariés et les employeurs des entreprises situées sur le territoire couvert.
La Maison du travail signe, dans les conditions fixées par son conseil d'administration, les contrats de retour à l'emploi dont la mise en œuvre est assurée par Pôle emploi ou tout autre organisme défini par ses soins.
Les bénéficiaires de ces contrats élisent chaque année trois délégués qui siègent au conseil d'administration avec voix consultative.
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. À la suite des autres amendements que j’ai déjà présentés et qui visaient à offrir des perspectives différentes en matière de formation, de lutte contre les mauvaises pratiques, en particulier le dumping social, ou encore de qualification des salariés en cas de sous-traitance, cet amendement vise à proposer des possibilités d’insertion à ceux qui sont sans emploi.
Ces personnes sont aujourd'hui victimes d’un système qui n’est pas universel. Ce dernier est en effet cloisonné : le traitement dont bénéficient les personnes sans emploi et sa durée varient en fonction de leur situation. Ils ne sont pas les mêmes si celles-ci entrent sur le marché du travail ou si elles ont exercé une activité pendant une certaine durée. Ils sont différents selon le secteur d’activité.
Il est donc souhaitable de remplacer le système variable en fonction du statut qui existe aujourd'hui, lequel accroît la précarisation de certains demandeurs d’emploi, par un dispositif commun, adapté à la situation concrète dans laquelle se trouvent ces personnes.
Cet amendement, qui ne s’inscrit pas directement dans la logique du texte, vise à contribuer au débat et à permettre de réfléchir à une autre démarche. Ses dispositions reposent sur la signature d’un contrat entre une maison du travail et les demandeurs d’emploi, comme cela se pratique dans certains pays, afin de placer ces derniers dans une situation de sécurité et de stabilité juridiques.
Permettez-moi pour finir de revenir sur l’incident survenu précédemment, car je tiens beaucoup à la sérénité du débat. Il était parfaitement malvenu de ma part de m’en prendre de manière personnelle à un collègue. J’ai le droit de penser ce que je pense, mais je n’avais pas à le dire. Aussi je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir m’en excuser. (M. Jean-Louis Carrère fait un geste de la main en signe d’apaisement.)
M. le président. L'amendement n° 187 rectifié, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
La commission évalue l’opportunité d’établir des règles pour favoriser la réinsertion des demandeurs d’emploi. À ce titre, elle définit les conditions dans lesquelles, dès son inscription à Pôle emploi, tout demandeur d'emploi âgé au moins de 18 ans se voit proposer, par la Maison du travail dont il relève, un contrat de retour au travail pour une durée d'un an renouvelable par trimestre dans la limite de douze mois.
La commission examine l’hypothèse d’une allocation plafonnée. Ses propositions devront s'inscrire dans le cadre des moyens disponibles et n'induire aucune dépense supplémentaire.
Ce contrat implique l'exécution des missions précisées d'un commun accord avec la Maison du travail, à savoir : recherche d'emploi, bilan de compétence, formations, activités d'utilité collective. Ces missions sont définies dans le but de faciliter le retour rapide à l'emploi de leurs bénéficiaires et s'inscrivent dans un parcours cohérent.
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission n’a pas eu l’occasion d’examiner ces amendements, qui tendent à créer des maisons du travail et à définir leurs missions.
Un certain nombre de structures doivent être coordonnées et retravaillées. Il faut éviter la création de nouvelles institutions.
À titre personnel, j’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je partage bien sûr le point de vue de M. Gorce sur la nécessité d’un meilleur accès à l’emploi et sur la notion de parcours, qui me paraît en effet essentielle.
À cet égard, le projet de loi met en œuvre un parcours d’accès à l’emploi, notamment pour les plus jeunes, et prévoit différents dispositifs d’accompagnement et des contrats donnant-donnant. Je pense à la Garantie jeune, au contrat d’insertion dans la vie sociale, le CIVIS, etc. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire hier, le plan de formation repose sur la notion de parcours de formation et d’emploi.
Quant à la question des maisons de l’emploi, nous en avons débattu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Nous nous sommes interrogés sur la manière de leur assurer un meilleur positionnement, à la fois pour les demandeurs d’emploi et pour les chefs d’entreprise, et sur l’amélioration de la coordination de tous les acteurs à l’échelon local. La création de ces maisons n’a pas grand-chose à voir, et vous le dites vous-même, monsieur le sénateur, avec l’article 1er, lequel porte sur la création d’une commission de refondation du code du travail.
Cela étant, je suis prête, si vous le souhaitez, à entamer avec vous un travail sur cette question. Mon administration me soumet depuis quelques mois des propositions sur la notion de parcours. Je partage le constat que vous faites s’agissant de la trop grande segmentation et de la nécessité de mettre en place un accompagnement beaucoup plus précis et personnalisé pour certains chômeurs, notamment les chômeurs de longue durée.
En attendant, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. L’amendement de M. Gorce tombe à point nommé, au moment où M. Savary s’inquiétait que l’on ne s’occupe pas des gens en situation de retour à l’emploi. Je n’irai pas jusqu’à parler de coordination, voire de collaboration entre M. Gorce et M. Savary, mais je constate que les choses se coordonnent d’elles-mêmes !
Vous avez raison, madame la ministre, les amendements de M. Gorce n’ont pas de lien direct avec l’article 1er. Les dispositions de ces amendements me rappellent la réflexion sur la création des comités de bassin d’emploi, en 1981.
Aujourd'hui, force est de constater que Pôle emploi, en dépit de ses efforts et de la qualification de ses personnels, ne connaît pas de véritable succès en matière de retour à l’emploi. Sinon, nous ne compterions pas autant de chômeurs de longue durée et de nombreux jeunes trouveraient plus facilement un emploi à l’issue de leur formation ou après une expérience malheureuse.
Madame la ministre, la proposition de M. Gorce me paraît fondée. Je vous remercie de nous avoir proposé de discuter et de travailler avec vous sur le projet de création de maisons de l’emploi. Je sollicite donc l’assemblée pour qu’elle soutienne l’amendement de M. Gorce, comme je le soutiens moi-même, et je compte bien sûr sur l’appui de M. Savary. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je rappelle que j’ai émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Monsieur Néri, je ne peux pas vous laisser dire ici que, si nous avons des chômeurs dans notre pays, c’est de la faute de Pôle emploi.
Mme Marie-France Beaufils. Ce n’est pas ce qu’il a dit !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Non, c’est de la faute de François Hollande ! (Sourires.)
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’année 2015 a été importante pour Pôle emploi. En effet, quelque 4 000 postes de conseillers dédiés aux relations avec les entreprises ont été créés, afin de permettre à cet organisme d’accéder au marché caché des offres d’emploi. Auparavant, Pôle emploi ne disposait pas en effet de l’intégralité des offres d’emploi disponibles.
M. Alain Gournac. Est-ce que c’est efficace ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Par ailleurs, quel accompagnement prévoir pour les demandeurs d’emploi, notamment pour les demandeurs de très longue durée, pour qui se pose la question de la qualification ? Je pense également aux seniors qui souhaitent entreprendre une reconversion professionnelle, ce qui est particulièrement long.
Notre pays est mauvais en matière de formation professionnelle. Nous formons un demandeur d’emploi sur dix, contre deux sur dix en Allemagne et quatre sur dix en Autriche. Un rattrapage s’imposait en la matière. Nous n’avons pas formé pour former, nous avons choisi de former utile, à partir des besoins de chaque bassin d’emploi. Tel est le sens du plan pour l’emploi lancé par le Président de la République.
Ces mesures commencent à porter leurs fruits, c’est l’essentiel. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. En somme, « ça va mieux » !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, n’ironisez pas sur le « ça va mieux ». Certains indicateurs sont parlants ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Louis Carrère. Laissez-les organiser leur primaire, madame la ministre… Vous avez le bonjour d’Henri Guaino, chers collègues de la majorité sénatoriale !
Mme Myriam El Khomri, ministre. En 2012, nous perdions 50 000 emplois par an. Je vous parle de personnes qui sont en grande difficulté. Si nous disons que cela va mieux, c’est parce que les indicateurs économiques le montrent.
Reconnaissez-le, nous avons créé 100 000 emplois en 2015, après plusieurs années de destructions d’emplois. Nous devons tous nous en réjouir, mais cela ne signifie pas pour autant que l’ensemble des Français va mieux. Nous nous battons pour que cela aille bien. N’ironisez pas sur ces sujets importants ! Nous menons une stratégie d’ensemble.
Mme Nicole Bricq. Vous ne voyez que le négatif, chers collègues de la majorité sénatoriale !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur Gorce, la question des maisons de l’emploi nous a beaucoup occupés lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Aujourd'hui, nous travaillons avec l’association Alliance Villes Emploi, afin de positionner les maisons de l’emploi sur ce qui fait leur force sur le territoire.
Si j’ai émis un avis défavorable sur ces amendements, c’est parce que des coordinations sont encore nécessaires, parce que ces amendements n’ont pas grand-chose à voir avec l’article 1er et parce qu’ils visent à créer un nouvel acteur, la maison du travail. Je le répète, si vous souhaitez que nous menions un travail en commun sur ces sujets, j’y suis tout à fait prête.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Madame la ministre, nous sommes d’accord avec vous pour dire que cela va mieux. Ne vous en prenez donc pas à nous. Tout le monde a d’ailleurs pu constater que cela allait mieux ! ( Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Les bruits que l’on entend dans la rue montrent également à quel point un certain nombre de nos concitoyens sont satisfaits de la politique qui est proposée. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
L’amendement de M. Gorce n’est pas incohérent. Je vous remercie, monsieur Néri, de m’avoir tendu la perche. Certaines propositions sont en effet intéressantes et sont proches de certaines de celles que nous avions formulées dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Je pense par exemple au transfert de la politique de l’emploi à la région. Souvenez-vous, mes chers collègues, nous avions alors proposé un plan de cohérence pour que l’emploi soit pris en compte à l’échelon de la région. Nous avions même proposé que la présidence du CREFOP, le comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, soit assurée à la fois par le préfet, qui aurait été chargé de vérifier le caractère régalien de la politique de l’emploi, et le président de région, qui aurait décliné cette dernière à l’échelon territorial.
Nous étions dans une logique de formation, de développement économique et d’apprentissage, vers l’emploi. Vous avez alors émis des doutes, madame la ministre, sur la cohérence de notre proposition, pourtant pleine de bon sens.
Naturellement, monsieur Néri, je ne soutiendrai pas l’amendement de M. Gorce, car je me rallie à l’avis défavorable de M. le rapporteur. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote.
M. Gaëtan Gorce. L’inconvénient majeur du transfert de la compétence de l’emploi à la région, mais ce n’est pas l’objet du débat aujourd'hui, est qu’il y aurait alors autant de politiques de l’emploi qu’il y a de régions.
Or il faut évidemment déterminer des priorités, et c’est à l’État de le faire. Alors que notre pays compte aujourd'hui plus de trois millions de chômeurs, nous devons évidemment nous donner tous les moyens d’atteindre un objectif central. Si déconcentration ou décentralisation il doit y avoir, il faut l’envisager au niveau des bassins d’emplois, dans un cadre contractuel.
Je souhaite, et il est toujours possible de le faire, que l’on brise les habitudes prises en matière de politique de l’emploi et que l’on concentre les moyens sur les bassins d’emploi les plus touchés, autour d’une seule autorité, c'est-à-dire le commissaire à l’emploi. Cela permettrait de fondre l’ensemble des financements disponibles et d’adapter les politiques à la situation de terrain, sur une base contractuelle, avec des objectifs définis et régulièrement évalués. Une telle politique aurait des effets au niveau national.
En fait, c’est une véritable révolution de nos politiques de l’emploi qu’il faudrait mener, par une fusion d’une grande partie des crédits de l’assurance chômage et de la formation professionnelle. La priorité centrale de nos politiques doit être le retour à l’emploi par la formation et par l’accompagnement.
Tel est le projet que j’ai essayé de défendre au travers de mes amendements. Cela dit, je suis d’accord avec Mme la ministre pour considérer que ces dispositions ne s’inscrivent pas dans le cadre de ce débat. Je le regrette d’ailleurs, car j’aurais préféré que nous ayons à débattre d’un texte tourné vers ces questions plutôt que vers le principe de faveur.
M. le président. Monsieur Gorce, les amendements nos 186 rectifié et 187 rectifié sont-ils maintenus ?
M. Gaëtan Gorce. Oui, je les maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 275 rectifié est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Lasserre, Longeot et Capo-Canellas, Mme Hummel et MM. Laménie et Cigolotti.
L'amendement n° 415 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 461 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
La commission comprend un nombre égal de femmes et d’hommes.
La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 275 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Cette disposition résulte des travaux de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Elle vise à prévoir que la composition de la future commission en charge de la refondation de la partie législative du code du travail sera paritaire, et non pas seulement « tendra à » respecter l’objectif de parité entre les femmes et les hommes.
Nous l’avons constaté, les commissions ayant servi de base à la préparation du présent projet de loi, à savoir la commission Combrexelle et le comité Badinter, n’étaient pas paritaires, loin de là. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les femmes y étaient très faiblement représentées !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 415.
Mme Corinne Bouchoux. Alors que de nombreux points nous opposent – dans certains cas, c’est l’angle entrepreneurial qui domine, dans d’autres, c’est la défense des droits des salariés –, cet amendement devrait faire consensus. Nous avons bien compris, madame la ministre, vos arguments hier soir et tout au long de nos travaux : nous discutons de la commission, et de rien de plus.
Nous sommes évidemment enchantés qu’il faille tendre vers la parité. Néanmoins, si l’on examine la composition de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, on se rend compte que cela peut parfois prendre beaucoup de temps de tendre vers la parité.
Or la répartition du travail étant extrêmement genrée, comme la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes l’a constaté lors des auditions auxquelles elle a procédé, la parité ne nuirait pas au sein de la commission.
Nous demandons donc ardemment que cette commission soit composée de personnes compétentes, évidemment – nous ne doutons pas que tel sera le cas –, avec d’autant d’hommes que de femmes. Nous sommes en 2016 !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l'amendement n° 461.
Mme Laurence Cohen. Je rappelle à notre assemblée que c’est grâce à un amendement de nos collègues députées Marie-Noëlle Batistel et Catherine Coutelle que le texte prévoit que la parité entre les hommes et les femmes doit être respectée au sein de cette commission.
J’avoue que je suis particulièrement choquée que la commission des affaires sociales revienne sur cet acquis, sur ce que nous devrions toutes et tous, quelles que soient nos sensibilités politiques, considérer comme une exigence première.
Or nous avons vu hier, lors de l’examen de l’amendement de notre collègue Maurice Antiste sur l’égalité professionnelle, que c’était très compliqué. Je prie tout de même le Sénat d’adopter cet amendement, afin que nous ne fassions pas moins que l'Assemblée nationale.
En 2016, il est temps non pas de viser la parité et l’égalité, mais de les exiger. L’adoption de cet amendement serait véritablement profitable à toutes et à tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il est vrai que, lorsque nous avons réécrit l’article 1er, nous avons prévu que la composition de la commission devait « tendre à respecter l’objectif de parité entre les femmes et les hommes ». Pourquoi « tendre à » ?
Mme Laurence Cohen. Oui, pourquoi ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. C’est parce que nous avons envisagé la possibilité que les femmes puissent être plus nombreuses que les hommes ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. C’est petit !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ce cas de figure est possible. L’exigence de parité jouera un jour dans les deux sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Chers collègues, laissez-moi aller au bout de mon raisonnement. Tout va bien se terminer !
La commission, par cohérence avec ses travaux initiaux, avait rendu un avis défavorable sur ces amendements. Cela étant, nous nous retrouvons sur l’objectif et sur l’essentiel, et je pense que nous pouvons, effectivement, adopter ces derniers d’un seul élan.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur le président, je suis particulièrement favorable à ces amendements identiques. C’est un sujet important. D'ailleurs, vous noterez qu’il y a plus de femmes que d’hommes aujourd'hui au banc du Gouvernement, ainsi que dans mon cabinet, et cela fonctionne très bien ainsi.
M. François Grosdidier. Et la parité ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je ne me prononcerai pas sur la composition du Sénat, mais la question est essentielle. Celle de la féminisation au sein des organisations syndicales et patronales est un véritable enjeu pour la ministre du travail que je suis.
M. le président. La parole est à Mme Hermeline Malherbe, pour explication de vote.
Mme Hermeline Malherbe. Je tiens à préciser que ces amendements ont bien pour objet la composition de la commission, ce qui n’était pas le cas de l’amendement concernant l’égalité entre les hommes et les femmes hier soir.
Dans ces conditions, bien évidemment, l’ensemble du groupe du RDSE votera en faveur de ces trois amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Carrère. Aïe !
M. Jean Louis Masson. Le texte de la commission est tout de même quelque peu en retard sur l’évolution des mœurs. Nous avons vécu cette situation pendant une vingtaine d’années en politique, appelant de nos vœux la parité, mais sans vraiment la mettre en œuvre.
Cela étant, ces trois amendements posent un problème de forme, voire de mesure.
Sur la forme, aucune loi concernant la parité en matière électorale ne comprend une telle disposition, le nombre de membres d’une commission pouvant être pair ou impair. Comme dans les diverses dispositions législatives en matière électorale, la rédaction, pour être pertinente, devrait spécifier qu’il ne peut y avoir un écart supérieur à un entre le nombre d’hommes et de femmes.
En effet, avec la rédaction qui nous est proposée, on peut aboutir à un blocage ou imposer un nombre pair de membres de la commission. Il serait pourtant préférable que la commission compte un nombre impair de membres, comme c’est le cas dans plusieurs assemblées électives, les conseils municipaux, par exemple.
Ma seconde remarque porte sur le fond. Je suis tout à fait favorable à la parité, mais il faut conserver un minimum de souplesse. Les deux députés à l’origine de la loi dite « Copé-Zimmermann » en matière économique l’avaient bien compris, en prévoyant au minimum 40 % de chaque sexe, ce qui permet des ajustements et une moindre rigidité au sein des conseils d’administration du CAC 40. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Imposer un minimum de 40 % de chaque sexe dans cette commission serait, selon moi, la meilleure solution. À défaut, je souhaiterais vivement que les amendements soient rectifiés, afin de prévoir un nombre impair de membres de la commission. Dans cette hypothèse, il conviendrait de limiter à un l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le rapporteur, en vertu du principe de réalité, a compris qu’il serait battu s’il maintenait la version de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pas du tout ! J’ai même recueilli des soutiens sur vos travées !
Mme Nicole Bricq. Bien évidemment, nous voterons des deux mains le rétablissement de la version de l’Assemblée nationale.
M. Alain Joyandet. Vous pourriez remercier le rapporteur !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 275 rectifié, 415 et 461.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 462, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le présent projet de loi ne peut être mis en application avant la remise du rapport de la commission.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Avant d’achever l’examen de l’article 1er, nous demandons, au travers de cet amendement, de ne mettre en application le présent projet de loi qu’après la remise du rapport de la commission dite « d’experts et de praticiens des relations sociales ».
Pendant des jours, nous allons examiner les mesures de ce projet de loi, sans savoir si celles-ci seront remises en cause par la commission, qui doit rendre ses conclusions dans un délai de deux ans. C’est en quelque sorte l’obsolescence programmée pour nos travaux !
Nous demandons par conséquent que ce texte, dont je préférerais d'ailleurs qu’il ne soit pas adopté, ne puisse entrer en application tant que la commission d’experts instituée à l’article 1er n’a pas rendu ses avis et son rapport au Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet amendement vise à subordonner l’entrée en vigueur de la loi à la remise au Gouvernement du rapport de la commission, remise qui est prévue dans deux ans.
Nous considérons qu’il existe un état d’urgence sociale et que les travaux conduits sont notamment de nature à lever un certain nombre de freins psychologiques au recrutement. Il est urgent, au contraire, que la loi ambitieuse qui, je l’espère, sera adoptée par le Sénat, puisse entrer en vigueur, dans cette version, dans les meilleurs délais.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Au-delà de l’article 2 et de la négociation collective, il est impératif que, au 1er janvier 2017, soit mis en œuvre le compte personnel d’activité, le doublement des droits à la formation pour les salariés les moins qualifiés, la garantie jeune, le droit à la déconnexion, le cadre du contrat saisonnier et, le plus rapidement possible, les nouveaux outils pour lutter contre le travail détaché. Sur tous ces sujets, il ne faut absolument pas attendre.
J’émets donc également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. J’entends bien les arguments qui sont avancés, mais c’était aussi le sens de notre précédent amendement, que nous avons modifié pour prendre en compte nos discussions.
Nous ne souhaitions pas que la commission d’experts mise en place précisément pour revoir les dispositions législatives rende son avis aussi tardivement, c'est-à-dire dans deux ans, tout en prenant dès à présent des mesures législatives : convenez que la méthode est assez tortueuse !
Je persiste à dire, et nous ne sommes pas les seuls à le penser fortement, que cette commission n’a aucun sens. En tout cas, il n’y a aucun sens à mettre en œuvre un texte si des conclusions qui peuvent le remettre en cause doivent être rendues dans deux ans.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Lors de la discussion générale, certains orateurs, y compris vous-même, madame la ministre, ont fait état des postures politiques adoptées par certains parlementaires, qui empêcheraient de réformer le code du travail.
Il faudrait « moderniser » le dialogue social, pouvoir « adapter » les effectifs et le temps de travail à l’état réel des carnets de commandes, donner de la « souplesse » aux entreprises, avancer en matière de « flexibilité » pour « garantir des libertés » aux chefs d’entreprises face au « conservatisme » et aux « blocages » en tous genres, « faciliter » la négociation au plus près de la réalité « concrète » du terrain, dans un pays qui ne « parviendrait plus à se réformer », sans parler d’autres termes prétendument très à la mode.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce discours que l’on nous rabâche beaucoup ces derniers temps est, de mon point de vue et de celui de mon groupe, plutôt usé. Ce ne sont pas des idées nouvelles. Cela fait maintenant trente ans que l’on entend les mêmes discours, employant les mêmes termes.
Je vous pose la question : comment peut-on prétendre incarner la modernité quand le projet que l’on défend est celui d’un recul social, démontré par l’intervention de mon collègue Dominique Watrin en discussion générale et lors de la défense de nos amendements ?
Comment prétendre être « innovant » quand les orientations politiques retenues sont les mêmes depuis des décennies ? Comment peut-on prétendre « simplifier » le code du travail, alors que ce projet apportera complexité et déréglementation ? Comment peut-on prétendre être « efficace » et « pragmatique » quand les solutions préconisées échouent depuis trente ans ?
Vous allez me dire que ces remarques sont relativement globales, mais elles reflètent nos discussions depuis hier sur ce projet de loi. Je voulais montrer en quoi ce qui nous est proposé à l’article 1er manque de modernité, afin que mes collègues sachent de quel côté celle-ci se trouve en réalité.
L’article 1er affirme des principes contre lesquels nous nous sommes élevés. C’est pourquoi nous voterons contre cet article.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Le groupe CRC votera, bien sûr, contre l’article 1er. Prévoir un travail de réflexion, de conceptualisation avant que les parlementaires puissent se saisir de ce sujet, pourquoi pas ? La majorité sénatoriale a d'ailleurs renforcé la prééminence du politique dans le processus ; cela nous va plutôt bien.
Deux raisons principales nous conduisent à nous opposer à cet article.
D’une part, nous pouvons partager au-delà de nos rangs l’idée selon laquelle il était plus judicieux, efficace et démocratique de faire appel, plutôt qu’à une commission d’experts, aux forces vives, à ceux qui sont confrontés au quotidien à la réalité du travail, acteurs syndicaux et professionnels.
D’autre part, vous en conviendrez, les recommandations de cette commission seront forcément étroitement liées à la feuille de route qui aura été tracée. À ce sujet, ma collègue Laurence Cohen a rappelé notre inquiétude concernant l’introduction de la notion de compétitivité à l’article 1er. Le code du travail n’est pas un instrument de flexibilité à l’usage des employeurs ; c’est un outil de protection des salariés.
Je profiterai moi aussi de ce moment, chers collègues, puisque le débat va être long, pour vous dire qu’il est quelque peu méprisant de nous accuser de posture.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Vous êtes cohérents…
M. Dominique Watrin. Dans la suite du débat, il conviendrait d’éviter ce terme.
Je m’étonne en revanche que personne ici n’ait relevé la posture, évidente celle-là, de M. Rachline, qui a prétendu hier être du côté des salariés aujourd'hui fortement mobilisés contre ce projet de loi. En réalité, il s’est contenté d’évoquer des textes européens, que j’ai moi-même cités, se gardant bien de critiquer la nature même du texte.
D'ailleurs, les dix amendements déposés par les deux sénateurs Front national et subrepticement retirés avant la séance valent leur pesant d’or. Ils épousaient les surenchères de la droite et les dépassaient même très largement : doublement des seuils sociaux, défiscalisation des heures supplémentaires, nouvelles exonérations sociales sur les contrats d’apprenti, facilitation plus poussée des licenciements économiques,…
M. François Grosdidier. C’était Marion, pas Marine ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Dominique Watrin. … suppression totale du compte pénibilité, du monopole syndical et de l’article facilitant la preuve par les victimes du harcèlement sexuel !
Eh bien, les syndicalistes, les salariés et les concitoyens massivement mobilisés ce jour contre le projet de loi jugeront d’eux-mêmes. M. Rachline, présent depuis quelques instants, pourra s’exprimer. Je tenais d’autant plus à préciser ce point.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste et républicain est amené à voter contre l’article 1er, tel qu’il a été rédigé par la commission des affaires sociales et modifié par l’amendement présenté notamment par le groupe communiste et auquel nous nous étions joints.
Vous avez modifié singulièrement l’objet de cet article et n’êtes plus ni dans l’esprit du Gouvernement ni dans celui de nos collègues socialistes à l’Assemblée nationale, car vous avez tenu à encadrer la commission, en fonction de vos valeurs et de votre philosophie, ce qui ne correspond plus du tout ni au point de départ ni au point d’arrivée du texte qui nous est venu de l’Assemblée nationale et du Gouvernement. Vous l’avez fait à trois reprises. Dès lors, nous ne pouvons souscrire à votre rédaction.
L’objet était de mettre en place cette commission, de faire en sorte qu’elle participe à la refondation, en donnant une place centrale à la négociation collective. Vous avez singulièrement modifié cet objet. Nous ne pouvons donc souscrire à la rédaction qui nous est présentée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires sociales et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 247 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 155 |
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
6
Hommage à deux fonctionnaires de police assassinés à Magnanville
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, hier soir, à Magnanville, un policier et sa compagne, également fonctionnaire du ministère de l’intérieur, ont été lâchement assassinés, l’un devant leur domicile et l’autre à l’intérieur de ce dernier, par un homme se réclamant de l’État islamique. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)
L’émotion que j’ai ressentie avec mes collègues des Yvelines ce matin, je la sais partagée par le Sénat tout entier. Avec M. le ministre de l’intérieur, je me suis rendu au commissariat des Mureaux, puis à celui de Mantes-la-Jolie. Je tiens à remercier M. Cazeneuve de sa présence auprès des policiers et policières ce matin.
Nos pensées vont à l’enfant, âgé de trois ans et demi, des deux victimes de cet assassinat atroce, ainsi qu’à leur famille et à leurs proches endeuillés.
Nos pensées vont également à leurs collègues de ce commissariat, à la police et, plus généralement, à nos forces de sécurité, symboles de cette France qui ne doit pas plier face à la terreur.
En votre nom à tous, je tiens à saluer et soutenir leur action inlassable, éprouvante et efficace au service de la population. Quand on touche à un membre des forces de l’ordre, c’est la République que l’on atteint.
Je vous invite maintenant, mes chers collègues, en leur mémoire et pour exprimer notre solidarité, à observer un instant de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent un moment de recueillement.)
7
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges cette valeur essentielle qu’est le respect des uns et des autres, particulièrement en ces instants où notre pays a besoin d’être rassemblé.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
tuerie d'orlando et assassinat de deux policiers à magnanville
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, il y a deux jours, nous étions frappés d’horreur à l’annonce du carnage survenu à Orlando dans un club gay, horrifiés par l’ampleur de la tuerie et par le fait qu’elle était explicitement ciblée contre la communauté LGBT.
Ces faits confirment, s’il en était besoin, que l’État islamique et ses prolongements s’en prennent, bien au-delà des considérations religieuses, à un certain mode de vie dit « occidental » et aux libertés que nous défendons.
Hier, c’est chez nous que la terreur a frappé, en France, à Magnanville dans les Yvelines, par le massacre à leur domicile de deux fonctionnaires de police, qui fait aussi un petit orphelin.
Au nom de mon groupe, je veux exprimer notre solidarité et adresser nos condoléances profondément émues aux familles des victimes et à la communauté policière. Le 8 avril dernier, M. le ministre de l’intérieur était venu inaugurer le nouveau commissariat des Mureaux. Tous les personnels avaient vécu l’arrivée de cet équipement comme une juste reconnaissance de leur travail. Ils sont maintenant dans le deuil. Nos pensées vont aussi aux élus de Magnanville et des Mureaux.
Au-delà, tous les citoyens sont également atteints par ce drame et par la peur que suscitent ces attaques commises au nom d’une interprétation dévoyée de l’islam.
Monsieur le Premier ministre, nous savons tous l’attention que vous portez à la difficile mission des forces de l’ordre, trop souvent décriées, et à leurs conditions de travail.
Pouvez-vous nous dire où en est l’enquête sur ces deux meurtres abominables, sur la personnalité du tueur, son parcours, la nature de ses liens avec les organisations terroristes, et quelles mesures vous envisagez de prendre pour mieux protéger celles et ceux qui œuvrent avec tant de courage pour défendre nos libertés, tout en protégeant efficacement les citoyens ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Tasca, oui, le terrorisme a de nouveau frappé, à Orlando, le 12 juin, où 49 personnes ont perdu la vie dans ce terrible attentat terroriste et homophobe. Hier, par notre présence à l’ambassade des États-Unis, nous avons, le Président de la République et moi-même, marqué notre solidarité à l’égard de ce peuple ami une nouvelle fois éprouvé par le terrorisme.
À Magnanville, hier, un individu a tué dans des conditions atroces un fonctionnaire de police et sa compagne, elle-même fonctionnaire dans un commissariat, laissant deux enfants orphelins.
N’oublions pas non plus que le terrorisme frappe chaque jour en Irak et en Syrie.
Vous m’interrogez plus précisément sur le double assassinat de Magnanville. Bien sûr, nos pensées vont d’abord à Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, à leurs proches et à cet enfant qui devra grandir sans son père ni sa mère.
Ce policier a été attaqué et tué simplement parce qu’il représentait la Nation. En retour, comme vient de le dire avec force le président Gérard Larcher, c’est bien entendu toute la Nation qui se joint à nous pour rendre hommage à ce policier, à cette fonctionnaire et à leur famille, et plus largement pour rendre hommage à notre police et à notre gendarmerie, ainsi qu’à tous ceux qui, quotidiennement, sont prêts à payer de leur vie pour défendre les Français contre le terrorisme.
Cet hommage, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, ce soutien et cette solidarité vis-à-vis de la police ne doivent pas s’exercer uniquement lors de tels événements, mais quotidiennement. En effet, ce sont les mêmes policiers et gendarmes qui font face à la violence de notre société. Il ne peut pas y avoir la moindre complaisance à l’égard de la violence exercée à l’encontre des forces de l’ordre, policiers et gendarmes, comme nous en avons encore une illustration cette après-midi.
La police de la République forme un tout : ce sont les mêmes qui sont victimes du terrorisme et qui sont victimes de la violence. Nous le redisons une nouvelle fois, nous serons, le ministre de l’intérieur et moi-même, d’une intransigeance absolue à l’égard de ceux qui ne respectent pas les forces de l’ordre, lesquelles incarnent l’État de droit, la démocratie et la France aujourd’hui touchés en leur cœur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Madame Tasca, les éléments de l’enquête demeurent encore parcellaires, et nous devons respecter le rythme décidé par le Procureur de la République, François Molins, qui s’est exprimé voilà un instant.
D’ores et déjà, nous savons que le meurtrier était lié aux filières djihadistes. Interpellé en mai 2011, il a été incarcéré et condamné en 2013 pour participation à une association de malfaiteurs à caractère terroriste, sans avoir lui-même quitté le territoire national. Il a bien entendu été suivi et a d'ailleurs respecté les différentes obligations auxquelles il était soumis.
Depuis août 2015, il avait de nouveau fait l’objet d’une judiciarisation, et il faudra attendre les conclusions de cette enquête pour tirer éventuellement les enseignements qui s’imposent et, surtout, pour comprendre, car nous devons toute la vérité aux victimes, à leurs proches, mais aussi à nos compatriotes.
Chaque fois que des éléments le permettent, des investigations et des surveillances judiciaires sont lancées. Je rappelais tout à l’heure à l’Assemblée nationale que 295 dossiers judiciaires, concernant 1 216 individus, sont actuellement ouverts à la Direction générale de la sécurité intérieure. Au cours des seuls quinze derniers jours, seize personnes soupçonnées d’activités terroristes ont été interpellées et présentées aux magistrats antiterroristes.
Il faut laisser à la justice le temps de mener l’enquête avec méthode, pour établir comment et quand l’assassin a conçu son projet, avec quel degré de planification, de complicité ou de soutien il a agi, et le cas échéant avec quelles méthodes de dissimulation il est parvenu à en cacher l’existence.
Madame Tasca, la menace est élevée, diffuse et protéiforme, mais, je veux le rappeler, le Gouvernement a mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour y répondre : des moyens financiers et humains, bien sûr, avec la création de 1 680 emplois supplémentaires et l’allocation de 425 millions d’euros de crédits supplémentaires sur trois ans pour nos services de police, de renseignement et pour la justice ; des moyens procéduraux, également, puisque deux lois ont été adoptées pour renforcer notre arsenal antiterroriste, afin de l’adapter au niveau de menace : une loi visant à renforcer la procédure pénale et deux lois sur le renseignement.
Toutefois, il faudra du temps pour lutter contre la radicalisation, car c’est l’affaire d’une génération. Les terroristes n’ont qu’un seul objectif : imposer la peur, et nous devons répondre avec la plus grande force et la plus grande détermination, avec des moyens, bien entendu, mais aussi dans le respect de l’État de droit et de la démocratie, de nos valeurs qui sont touchées et attaquées par le terrorisme.
Parce que nos compatriotes sont forts face à l’épreuve, nous devons l’être nous aussi, dans l’unité et dans le rassemblement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
actes terroristes
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour le groupe UDI-UC.
M. François Zocchetto. Monsieur le Premier ministre, notre pays, une fois encore, est la cible d’un crime abject. Deux de nos compatriotes ont été sauvagement assassinés à leur domicile par un terroriste. Nos pensées vont vers les proches de ce commandant de police et de son épouse, vers leur jeune enfant, sauvé par les policiers du RAID et vers leurs collègues, qui exposent leur vie chaque jour pour assurer notre sécurité.
C’est un sentiment terrible que nous ressentons : personne n’est à l’abri. Daech nous frappe, il frappe nos alliés, avec cette tuerie atroce survenue aux États-Unis, il frappe nos symboles, il frappe des innocents avec toujours plus de barbarie et toujours plus de violence.
L’assassin était connu de la justice, ayant été condamné à trois ans de prison. On nous dit que le tueur avait respecté l’ensemble des obligations édictées par le tribunal, qu’il était suivi par les services de renseignement, qu’il était sur écoutes téléphoniques, et pourtant tout cela n’a pas empêché son passage à l’acte…
Dans une telle situation, la France est plongée dans un abîme de perplexité et d’inquiétude. Malgré les nombreuses dispositions que nous avons votées, ici même, au Sénat, ce nouvel événement n’est-il pas le signe que la surveillance et les moyens de renseignement, notamment concernant les 13 000 individus radicalisés, sont encore largement insuffisants ?
De surcroît, les forces de sécurité, exténuées, ne semblent plus en mesure de faire leur travail. À Paris, à Rennes, à Nantes, à Marseille, elles sont harcelées par les contestataires de toutes sortes, casseurs, zadistes et hooligans.
Quelle politique, monsieur le Premier ministre, allez-vous maintenant proposer aux Français, en accord avec le Président de la République, pour que cesse l’escalade de la violence, pour que notre pays retrouve la sérénité, le calme et la fraternité républicaine sans lesquels il ne sera pas possible de combattre les assassins barbares ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Zocchetto, je vais vous répondre, comme à l’ensemble des groupes, à propos de ce drame. Évidemment, le ministre de l’intérieur aurait également pu le faire.
Nous faisons face à une menace globale, à un ennemi extérieur que nous combattons en Irak et en Syrie. La France y est pleinement engagée, et l’État islamique recule, mais nous savons qu’il a encore des capacités de frapper partout dans le monde, comme vous l’avez d'ailleurs vous-même rappelé. En outre, nous combattons cet ennemi intérieur sur notre sol. Ce sont d’ailleurs les mots que j’avais moi-même prononcés, ici au Sénat, à l’automne 2015. C’est une guerre, un combat de très longue haleine qui, évidemment, secoue en profondeur la société française.
Face à cette menace globale, il faut faire preuve de beaucoup de détermination, de sang-froid, d’unité et de rassemblement. C’est pour cela que les sénateurs dans leur immense majorité ont voté, comme leurs collègues députés, l’ensemble des textes proposés : trois lois en matière d’antiterrorisme et deux sur le renseignement. C’est aussi pour cela que nous avons augmenté les moyens en faveur de la police, de la gendarmerie, des forces armées et du renseignement.
C’est pour cela encore que nous travaillons ensemble, quand nous nous rencontrons, tous les quinze jours à Matignon, pour faire le point sur ces questions. Les ministres, en particulier Bernard Cazeneuve, sont évidemment à votre disposition, comme ils sont – je le suis également – à la disposition de la délégation parlementaire au renseignement, dont est membre le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui l’a présidée en 2015.
Toutefois, c’est un combat de longue haleine ! On me l’a parfois reproché, monsieur Zocchetto, mais j’ai dit, ici même, comme devant les Français, qu’il y aurait d’autres répliques.
Nous faisons face à un ennemi particulièrement déterminé, qui ne craint pas la mort et qui agit sous des formes différentes : des attentats organisés depuis la Syrie ; des personnes seules, qui n’ont pas besoin d’aller à l’extérieur, en Syrie ou en Irak, se dissimulent, décident de passer à l’acte et agissent, parce qu’elles sont fanatisées.
Vous avez repris, presque mot pour mot, la description de cet individu et de son parcours de ces dernières années qu’a fournie le procureur François Molins. Comme d’habitude, ce dernier, qui, je le rappelle, a la responsabilité de cette enquête, a fait une intervention extrêmement détaillée et il ne manquera pas d’intervenir chaque fois que nécessaire.
Nous avons été frappés et nous savions que nous le serions. En effet, il n’y a pas de risque zéro, et nous sommes engagés à 100 %. Nous savons que nous pouvons être frappés et que nous le serons de nouveau ! Croyez bien d'ailleurs, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il me coûte de prononcer ces mots.
Bien sûr, le ministre de l’intérieur et moi-même, ainsi que le Président de la République, nous partageons cette angoisse, parce qu’elle concerne directement nos compatriotes.
Dans ces moments-là, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’inventer de nouvelles mesures. Il faut que les moyens que nous avons décidés, que vous avez décidés, soient clairement mis en œuvre. Il faut que tous les moyens soient donnés, comme nous l’avons fait. En effet, pour suivre autant d’individus, il faut que les services de renseignement soient dotés de plusieurs dizaines, de plusieurs centaines de postes supplémentaires. C’est ce dispositif qui est en train d’être mis en œuvre et qui monte en puissance.
C’est cela notre responsabilité collective, devant les Français, qui sont, évidemment, touchés et effrayés par ce qui se passe en Tunisie, aux États-Unis, à Bruxelles il y a quelques mois et, de nouveau, sur le sol national.
Il nous faut faire preuve d’unité, pas simplement parce qu’il faut le faire dans ces moments-là, pas pour prononcer des mots qui seraient vides de sens, mais parce que le terrorisme veut nous diviser, nous fracturer et jeter les Français les uns contre les autres. Je suis convaincu que vous êtes parfaitement réceptif à ce que je suis en train de dire et que vous le partagez au plus profond de vous-même.
Dans ce moment-là, nous devons faire preuve de sang-froid, de maîtrise, et combattre cet ennemi par tous les moyens de l’État de droit et de la démocratie, au nom même des libertés que, dans cette Haute Assemblée, vous chérissez. C’est comme cela que nous vaincrons cet ennemi, mais ce sera long et difficile, parce que c’est la fragilité des démocraties qu’il cherche à atteindre.
Forcément, il y a le goût d’en faire plus, les mots qui vont plus loin. Regardez ce qui se passe aux États-Unis ! Je l’ai dit tout à l’heure à l’Assemblée nationale, il n’y aura jamais, en France, le retour de la peine de mort. Il n’y aura pas de distribution d’armes ou de Guantanamo ! En effet, la meilleure arme pour lutter contre le terrorisme, c’est l’État de droit et ce que nous avons mis en œuvre.
Bien sûr, cela doit être évalué, amélioré, approfondi. Le Gouvernement se tient toujours à la disposition du Parlement pour essayer de faire évoluer les choses et être plus efficace.
Nous savions que nous pouvions être frappés et que ce type d’individus existe. Nous devons des explications aux Français et nous devons aussi être fermes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est ce que je vous invite à continuer de faire avec nous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
situation politique et terrorisme
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains.
M. Bruno Retailleau. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Après la tuerie d’Orlando, je voudrais, au nom de mon groupe, dire au peuple américain, que nous aimons, notre soutien le plus total.
La France vient d’être, de nouveau, frappée en son cœur par la barbarie islamiste. Il faut avoir le courage de le dire et de qualifier ces actes. Mais je veux dire aussi que ce drame de Magnanville est un double crime.
C’est d’abord un crime contre une famille française, un père, une mère, un enfant dont le regard est blessé à jamais. Bien sûr, les mots sont dérisoires, mais je voudrais dire, encore une fois et au nom de mon groupe, notre sympathie et notre compassion à leurs proches, à leurs amis et à leurs familles.
C’est aussi un crime contre un pays, le nôtre, la France. Quand on attaque des policiers, c’est la France, c’est la Nation tout entière que l’on attaque, ce sont ses valeurs, ce sont ses couleurs.
Vous me permettrez de redire, au nom de tous, j’en suis sûr, notre soutien aux membres des forces de l’ordre, qui sont, c’est vrai, fatigués, épuisés, et qui doivent faire face, depuis un an et demi, à l’horreur. Ils nous protègent et ils doivent affronter, en ce moment même, une violence anti-flics que je veux dénoncer, car elle est absolument inadmissible ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
Ce crime est signé par l’État islamique, qui est en recul territorial au Levant, mais qui jette son venin aux quatre coins du monde, avec le même message : nous voulons et allons vous détruire, pour ce que vous êtes et pour les valeurs auxquelles vous croyez !
D’autres modalités sont utilisées, avec des opérations moins sophistiquées et des individus isolés. Ils sont isolés, mais pas inconnus de vos services, monsieur le Premier ministre.
M. Bruno Retailleau. Alors oui, il faut éviter deux écueils : celui de l’autosatisfaction – il n’y aurait ni remise en cause ni remise en question – et celui d’une critique facile, rapide et systématique.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Retailleau. À ceux qui veulent nous détruire, il n’y a d’autres réponses à apporter que la valeur de nos convictions, la force de notre résistance et l’arme du droit ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Retailleau, il faut toujours, en effet, nommer les choses. Je l’ai d’ailleurs fait constamment. L’islamisme radical et le djihadisme nous mènent une guerre et veulent toucher ce que nous sommes.
À chaque fois, les cibles sont choisies. Les journalistes, qui exercent leur liberté d’expression et de caricature. Les policiers, de nouveau, parce qu’ils incarnent l’autorité et l’État. Les juifs, tout simplement parce qu’ils sont Français juifs. La jeunesse de Paris, parce qu’elle représente un art de vivre. Les homosexuels, à Orlando – je le dis, c’est un crime, une attaque terroriste homophobe –, tout simplement parce qu’ils représentent la liberté d’aimer. La Tunisie, parce qu’elle est un modèle de démocratie dans le monde arabo-musulman et parce qu’elle épouse la laïcité que nous chérissons.
À chaque fois, ce sont ces symboles, ces valeurs universelles et les civilisations avec lesquelles nous les partageons qui sont visés.
Il faut combattre cet État islamique, ce djihadisme, avec la plus grande force, sans aucune naïveté et en nous remettant en cause. Vous avez parfaitement raison, bien sûr : comment voulez-vous que nous puissions, Bernard Cazeneuve et moi, éprouver la moindre autosatisfaction ? Ce serait totalement dérisoire et vulgaire par rapport à ce que nos concitoyens éprouvent. Mais il faut agir dans la continuité, ne pas changer de cap, rassembler et ne pas fracturer notre société.
Bien sûr, une nouvelle fois et comme pour toutes les victimes de ces actes terroristes, nous penserons en permanence à Jessica Schneider et à Jean-Baptiste Salvaing. Nous penserons aussi à cet enfant de moins de quatre ans, qui a vécu l’horreur.
Nous devons également penser aux fonctionnaires de ce pays, notamment aux fonctionnaires de police. J’en parlais tout à l’heure, et le ministre de l’intérieur a eu des mots forts, encore, à l’Assemblée nationale, lui qui vit quotidiennement avec ces policiers, qui sont certes éprouvés, fatigués, mais qui remplissent leurs missions avec beaucoup de courage et d’abnégation.
Avec mon gouvernement, je suis fier d’avoir présenté, monsieur le président, les textes qui ont été adoptés par une très grande majorité des parlementaires.
Je suis fier également de pouvoir dénoncer ici, avec une grande majorité d’entre vous, tous les actes, mots et tracts contre les policiers. Nous avons sans doute la police qui est la plus surveillée parmi les démocraties. C’est une police exemplaire, dont nous devons être fiers.
On ne peut pas s’apitoyer, aujourd’hui, sur le sort de policiers attaqués par des terroristes et, ensuite, ne rien dire quand on s’attaque à eux ou être complaisant à l’égard de ceux qui, au moment même où nous parlons, s’attaquent aux forces de l’ordre et tiennent un discours hostile à l’état d’urgence, aux policiers et aux gendarmes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Une cohérence existe, et elle doit rassembler tous les républicains et tous les démocrates de ce pays !
On ne peut pas partager son émotion vis-à-vis des policiers. Ce sont les mêmes qui, sur le terrain, comme le rappelait Catherine Tasca, dans ces villes que nous connaissons bien, Les Mureaux, Mantes-la-Jolie ou Mantes-la-Ville, dans ces quartiers que je connais bien, comme à Évry, font face aux trafiquants de drogue et à la violence de tous les jours et qui sont tués par des terroristes. Oui, nous leur devons ce soutien, cette solidarité et cette affection.
C’est au nom même des principes qui sont attaqués et de notre conception de l’État de droit que nous sommes, avec vous, déterminés à lutter contre le terrorisme et à gagner cette guerre. Et nous la gagnerons !
Nous le devons aux policiers de France et nous le ferons avec l’État de droit, la démocratie et nos valeurs, celles de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
euro : violence des hooligans
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour le groupe du RDSE.
Mme Mireille Jouve. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, à l’occasion du match de l’Euro 2016 de football entre l’Angleterre et la Russie ce week-end, Marseille a été le théâtre d’affrontements d’une extrême violence entre des hooligans des deux pays.
Ces scènes de guérilla urbaine, dont les images ont fait le tour du monde, ont littéralement ensanglanté le Vieux-Port. Les nombreux touristes et les Marseillais qui se trouvaient sur place sont encore sous le choc ! Comment cela est-il possible dans notre pays et alors que l’état d’urgence a été prolongé pour l’Euro ?
Cette rencontre avait été classée à risque – 3 sur une échelle de 4 –, mais les débordements ont clairement dépassé les prévisions, puisque 150 hooligans russes, extrêmement entraînés, ont mené « un raid comme un commando paramilitaire », pour reprendre une expression que j’ai entendue.
Aujourd’hui, plusieurs interrogations se posent, alors que la compétition est encore longue et que l’image de Marseille est, une nouvelle fois, entachée par des scènes de violence et de multiples dégradations.
La première concerne l’anticipation de pareils affrontements : ne peut-on prévoir le pire pour ce type de rencontres, donc s’y préparer en mettant les moyens nécessaires ?
Comment expliquer aux Marseillais, qui ont vu déferler ces bandes ultra-violentes, que les autorités n’aient pas pu les stopper avant le passage à l’acte ? Force est de constater que, contrairement à ses déclarations, la Division nationale de lutte contre le hooliganisme a fait preuve d’impréparation et d’une absence de stratégie face à un phénomène qu’elle semblait méconnaître.
De quelle manière rectifier le tir et empêcher que les hooligans fassent à nouveau parler d’eux, à Marseille ou ailleurs ?
Monsieur le ministre de l’intérieur, quels enseignements tirez-vous, concernant le maintien de l’ordre public, de ce qui s’est passé à Marseille, dans la ville, mais aussi au Stade Vélodrome ?
Les Marseillais attendent des réponses et ne veulent pas que leur ville puisse à nouveau vivre de pareilles scènes de violence. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question. Elle me permet d’apporter des réponses très précises aux interrogations que vous formulez.
Tout d’abord, il y a eu, depuis le début de cette compétition qu’est l’Euro 2016, plus d’une dizaine de matchs, c’est-à-dire, dans de multiples fan zones ou stades, des opérations de contrôle et de sécurisation, qui ont bien fonctionné, à l’exception de Marseille.
À Marseille, il y avait des supporters de deux équipes, ivres de bière et violents. Cela avait déjà été le cas en 1998, également à Marseille, à l’occasion de l’Euro 2000 ou lors du match Ukraine-Pologne. Je regrette de devoir le dire, mais c’est une réalité, il y a, autour de ce sport et d’un certain nombre de clubs, des individus qui préfèrent la violence aux valeurs sportives, qui s’enivrent et qui commettent les exactions que l’on sait.
Y a-t-il eu une anticipation de ces violences ? Je veux tout de même rappeler, madame la sénatrice, que, contrairement à ce que laisse entendre votre question, nous avons empêché la venue en France de 3 000 supporters britanniques, auxquels les autorités de ce pays, au terme d’une concertation avec la France, ont retiré leur passeport. En outre, nous avons inscrit au fichier des personnes recherchées, le FPR, près de 2 500 personnes, dont certaines ont été contrôlées à la frontière et empêchées de venir.
Vous vous demandez ce que nous pouvions faire pour les empêcher de commettre ces actes. Madame la sénatrice, pour judiciariser des actes, il faut qu’ils aient été commis. Par ailleurs pour que l’on puisse empêcher des individus de se livrer à ces exactions, il faut qu’il y ait la certitude qu’ils les commettront. Or, compte tenu des précautions que nous avions prises, nous ne pouvions pas imaginer que cela se produirait.
Ensuite, vous évoquez les forces de l’ordre. Il y avait dix unités des forces mobiles dans Marseille, plus de mille policiers. Et face à ces exactions, il n’a pas fallu plus d’une heure aux CRS pour rétablir l’ordre.
Dans le contexte qui prévaut parmi les forces de l’ordre et compte tenu de ce que nous vivons, je préfère, en ce qui me concerne, leur rendre hommage, plutôt que les critiquer, lorsque, en une heure, ils rétablissent l’ordre face à des hordes barbares. Pourquoi, madame la sénatrice ? Pour une raison très simple.
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si, à chaque fois qu’il y a des violents dans des villes, et il y en a eu souvent dans l’histoire de France, ce ne sont pas eux que l’on dénonce, mais ceux qui rétablissent l’ordre, on entretiendra, dans ce pays, une inversion des valeurs dont la police de France, qui donne le meilleur d’elle-même, croyez-moi, n’a nul besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.
M. Joël Labbé. Ma question s'adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Je voudrais tout d’abord dire que les écologistes partagent l’indignation et la peine, qui ont été exprimées ici, et ont entendu, avec respect, les réponses du Gouvernement.
Ma question concerne le soutien à l’agriculture biologique.
Tout d’abord, je donnerai quelques chiffres récents publiés par l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique. Le marché français de produits issus de l’agriculture biologique est en forte croissance, de l’ordre de 14,5 % entre 2014 et 2015.
On constate aussi une croissance du nombre d’installations et de conversions en agriculture biologique : 9 % sur la même période, soit une augmentation de 23 % de terres exploitées en bio.
La France a, enfin, dépassé le seuil des 5 % de surface agricole utile en agriculture biologique, qui représente ainsi 10 % de l’emploi agricole. Et les premiers chiffres de 2016 en matière de demandes d’aide à la conversion confirment et confortent cette tendance, notamment en réaction à la crise agricole.
Cette croissance nécessite une animation territoriale et un accompagnement technique à la hauteur. Or, paradoxalement, on assiste, dans certaines régions, à une réduction drastique des budgets dédiés à l’animation. Il semblerait aussi que le financement de 2,5 millions d’euros prévu pour l’animation des filières bio en 2016 ne soit pas encore totalement assuré.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est double. Cet engagement pour 2016 pourra-t-il être assuré ? Par ailleurs, pour 2017 et les années suivantes, envisagez-vous de revoir les arbitrages budgétaires en matière de développement de la filière bio, au vu de cet essor sans précédent ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mmes Chantal Jouanno et Sylvie Goy-Chavent applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué le développement de l’agriculture biologique.
Il est vrai que, aujourd’hui, les conversions et les surfaces en agriculture biologique ne cessent de s’accroître. Nous n’allons pas doubler ces surfaces, comme le prévoyaient les objectifs que nous nous étions fixés dans le plan « Ambition bio », mais elles vont augmenter d’une fois et demie par rapport à 2012.
Cette évolution est liée à un marché, qui existe pour le bio et qui cherche à être comblé, mais aussi – vous l’avez rappelé – à une crise agricole. Celle-ci fait durement souffrir les éleveurs, en particulier, et explique leur volonté d’aller chercher, pour leurs productions, une rémunération et des prix plus élevés.
Il a donc été nécessaire de réévaluer le budget dédié à la bio. Quand je suis arrivé aux responsabilités en 2012, les crédits consacrés à l’agriculture biologique étaient de 90 millions d’euros et, comme nous avions comme objectif le doublement des surfaces, ils ont été doublés pour atteindre 180 millions d’euros.
Cependant, j’ai toujours rappelé que le doublement des surfaces ne suffisait pas à organiser la filière bio pour répondre aux besoins du marché et qu’il fallait donc soutenir cette organisation. C’est pourquoi nous avons un budget spécifique pour l’Agence bio de 4 millions d’euros.
En même temps se pose la question de l’animation et du développement de la bio. À cet effet, il convient de s’appuyer sur les établissements publics existants, à savoir les chambres d’agriculture, lesquelles doivent s’engager à élaborer des plans de soutien de la bio en recourant aux fonds du CASDAR, c'est-à-dire du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », qui a pour objet de financer ce développement.
J’ajouterai que la FNAB, la Fédération nationale de l’agriculture biologique, comme les GRAB, les Groupes de recherche en agriculture biologique, et les GAB, les Groupements d’agriculteurs biologiques, ont été définis comme des ONVAR, des Organismes nationaux à vocation agricole et rurale, c’est-à-dire comme des organismes de développement. La FNAB verra son budget CASDAR passer de 350 000 euros à 700 000 euros de 2015 à 2020.
Monsieur le sénateur, vous avez raison de vous faire le porte-parole de ceux qui réclament des moyens. Notre réponse n’est peut-être pas suffisante à vos yeux, mais, en tout cas, vous ne pouvez pas nier que l’État et l’ensemble des acteurs prennent en compte le développement et l’animation de l’agriculture biologique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.
M. Joël Labbé. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous savez que nous veillerons à ce que vous teniez vos engagements.
Mes chers collègues, si vous souhaitez rafraîchir votre pensée sur la terre et sur le monde, je vous informe que Pierre Rabhi sera au Sénat, pour la première fois, jeudi prochain dans l’après-midi. Il évoquera le concept de la sobriété heureuse, qu’il défend depuis des années, et qui va si bien avec l’agriculture biologique et l’agroécologie. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
projet de loi travail
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour le groupe CRC.
M. Patrick Abate. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Toutefois, avant toute chose, je souhaite, au nom du groupe CRC, faire part de notre plus vive émotion et témoigner de notre plus grande solidarité envers les familles endeuillées et les forces de l’ordre après l’assassinat odieux d’hier soir.
Madame la ministre, plus de trois mois, c’est la durée de la contestation du projet de loi Travail à laquelle le Gouvernement doit faire face. Cet après-midi encore se déroule une immense manifestation. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. Avec des violences !
M. Patrick Abate. Notre pays a perdu assez de temps et d’énergie. Il faut maintenant sortir des postures. Il y a urgence, et la balle est dans votre camp. Aujourd’hui, vous le savez bien, pour retrouver le chemin de la négociation et sortir de cette impasse, vous devez envoyer un signe. Le Gouvernement ne peut plus s’exonérer de revenir sur l’inversion de la hiérarchie des normes.
Il ne s’agit pas de faire insulte à la démocratie dans l’entreprise et d’être contre le dialogue social sur le terrain, mais, vous en conviendrez, c’est bien au plus près du terrain que la fragilité des acteurs est la plus grande et le rapport de forces le plus déséquilibré. C’est tout l’intérêt des accords de branche et de la loi que d’y remédier.
Surtout, cet article 2 d’inversion des normes est contre-productif pour les chefs d’entreprise les plus vertueux, c’est-à-dire les plus nombreux, qui considèrent le travailleur comme la première richesse de leur entreprise et qui ne profitent pas de ce déséquilibre. Vous les mettriez en concurrence déloyale avec ces entreprises dans lesquelles l’éthique est reléguée au dernier plan.
Madame la ministre, êtes-vous prête à prendre vos responsabilités pour permettre une réelle ouverture des négociations, dans l’intérêt des travailleurs, comme dans celui de l’immense majorité des entreprises, notamment des PME ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Robert Hue applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Abate, nous avons effectivement commencé le débat sur le projet de loi Travail ici même depuis hier.
Il y a une divergence de fond, qui traverse non seulement le monde politique, mais également le champ syndical. Je suis d’accord, il faut sortir des postures, mais il faut aussi sortir des caricatures. Vous ne pouvez pas contester que le Gouvernement n’a eu de cesse de dialoguer pour améliorer ce projet de loi.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Permettez-moi de revenir trois mois en arrière. Vous le savez, un avant-projet de loi a cristallisé de forts mécontentements, notamment dans le champ syndical.
À partir de là, le Premier ministre a repris l’ensemble des négociations avec les organisations syndicales et patronales. Certaines sont venues à la table des négociations et ont reçu des propositions concrètes. D’ailleurs, depuis lors, une partie des organisations syndicales soutient ce texte. Il ne faut pas le nier, et il est même important de le rappeler à chaque fois.
Mme Éliane Assassi. Combien de personnes sont dans la rue aujourd’hui ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Par la suite, à l’occasion de la discussion devant l’Assemblée nationale, le Gouvernement a pris la responsabilité d’intégrer près de 800 amendements au texte.
Nous n’avons donc eu de cesse de dialoguer et de faire évoluer le texte. Cependant, nous considérons qu’il faut revitaliser le dialogue social dans notre pays et que la performance sociale et la performance économique doivent aller de pair. Nous considérons également qu’il faut revitaliser le syndicalisme dans notre pays et que le verrou de l’accord majoritaire est la meilleure garantie que nous pouvons apporter aux salariés.
Ma porte a toujours été ouverte à qui veut bien la franchir.
Mme Michelle Demessine. Au million de manifestants ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il n’y a qu’une seule organisation syndicale qui n’a pas souhaité venir me faire part de ses propositions. Aujourd’hui, elle a évolué, et, vendredi prochain, je rencontrerai Philippe Martinez. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Toutefois, tous les leaders des organisations syndicales ont été reçus, et la position du Gouvernement est connue : oui à des améliorations, mais nous ne reviendrons pas sur la philosophie de ce texte, incarnée notamment par l’article 2. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Éliane Assassi. Retirez la loi !
M. le président. La parole est à M. Patrick Abate, pour la réplique.
M. Patrick Abate. Je n’ai pas fait de caricature : quand j’évoquais le dialogue social, je citais en fait le président de la CFE-CGC.
Par ailleurs, je note, madame la ministre, que vous n’avez pas répondu à mon argument sur la concurrence déloyale. C’est pourtant un aspect particulièrement important en termes de compétitivité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Samia Ghali. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Avant même le coup d’envoi de l’Euro 2016, Marseille a été le théâtre de scènes d’une rare violence. Ce moment sportif et festif s’est transformé en chaos provoqué par des affrontements de hooligans anglais et russes, fortement alcoolisés et décidés à en découdre.
Ayant moi-même assisté aux premiers affrontements, j’ai vu Marseille se paralyser, les Marseillais inquiets et les commerçants échaudés. Je tiens à saluer l’action des forces de l’ordre, ainsi que le sang-froid et le courage des commerçants.
J’ai très rapidement appelé à prendre une première mesure d’urgence : interdire la vente au détail de boissons alcoolisées dans les périmètres sensibles, les bouteilles ayant malheureusement servi d’armes pendant ces échauffourées.
Monsieur le ministre, vous avez souscrit à cette demande, et je vous en remercie au nom de tous les Marseillais. Je salue ici le bon sens et la sagesse qui ont déterminé votre décision, que vous avez d’ailleurs généralisée aux autres villes concernées par l’Euro.
Alors que la ville de Marseille accueillera le 21 juin prochain le match Pologne-Ukraine, autre rencontre à haut risque, nous devons faire preuve d’anticipation et d’une grande vigilance. Nous devons agir dans la concertation et avec précaution en réajustant avec les pays concernés, que ce soit la Pologne ou l’Ukraine, les organisateurs et les pouvoirs publics, notre stratégie face à ces groupuscules violents, qui n’ont pas leur place au sein de l’Euro 2016. Les commerçants et les Marseillais attendent d’être rassurés, afin de vivre un Euro 2016 festif et serein.
Monsieur le ministre, je pense donc nécessaire de réunir en urgence, en amont du match, l’UEFA, les représentants des pays concernés, la ville de Marseille et les commerçants, afin de sécuriser l’accueil.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Samia Ghali. Ensuite, il faudrait prévoir un comité d’indemnisation, sous l’égide du préfet de région, pour réparer les préjudices commerciaux et matériels subis en marge du match Angleterre-Russie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, je vous remercie d’abord d’avoir salué le travail des forces de l’ordre, comme l’a fait d’ailleurs, de façon tout à fait digne, le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, en conseil municipal.
Comme l’a dit M. le Premier ministre avec beaucoup de force et de solennité, compte tenu de la grande difficulté de la mission des forces de sécurité, nous sommes las de voir des policiers, des gendarmes et des préfets, qui donnent des instructions pour rétablir l’ordre, être constamment remis en cause par des théoriciens patentés des violences policières et par d’autres qui, chaque fois qu’une opération de maintien de l’ordre vient faire cesser des troubles à l’ordre public, alors que des hordes d’individus violents sont dans les rues, considèrent que ce sont les forces de l’ordre et non les fauteurs de troubles qui sont en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, du RDSE, du groupe UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
À un moment donné, il faut remettre les choses à leur place. Je remercie donc de nouveau les policiers et les gendarmes du travail qu’ils font. Je sais à quel point leur mission est difficile et à quel point ils sont éprouvés par ces violences qu’ils subissent. Cela ne doit susciter sur ces travées, comme seule et unique réaction, que de la reconnaissance.
Madame Ghali, vous me parlez de prévention, mais vous devez savoir que nous avons empêché 3 000 supporters anglais de venir. Nous avons par ailleurs procédé à l’inscription de 2 500 supporters sur le fichier des personnes recherchées.
Il appartient aux autorités du football, c’est-à-dire à l’UEFA, en liaison avec les clubs, de communiquer les informations dont eux seuls disposent, pour que nous puissions prendre des mesures complémentaires. J’attends de ces mêmes autorités qu’elles mettent de l’ordre dans leurs rangs. Le président de l’UEFA a pris des décisions que je soutiens totalement, et il a rappelé aujourd’hui que la Russie ferait l’objet de sanctions si le calme n’était pas rétabli parmi ses supporters.
Au moment où il faisait cette déclaration, nous interpellions avec nos forces de police, dans un bus, près de quarante supporters turcs, hooligans présumés, afin qu’ils fassent l’objet d’un traitement judiciaire.
Madame Ghali, je le dis avec beaucoup de fermeté, il n’y aura aucune complaisance à l’égard de ces acteurs violents. Le ministère de l’intérieur, comme l’UEFA, a pris ses responsabilités.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous poursuivrons ce travail dans la perspective des prochains matchs, qui n’ont pas à être livrés aux débordements de supporters ivres de bière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
euro : sécurité au stade vélodrome de marseille
M. le président. La parole est à M. Bruno Gilles, pour le groupe Les Républicains.
M. Bruno Gilles. Ma question s'adresse également à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, après mes deux collègues de Bouches-du-Rhône, qui vous ont interpellé sur les incidents à l’extérieur du stade, je voudrais évoquer les incidents, à mon avis encore plus graves, puisqu’ils ont mis en danger des familles et des enfants, qui ont eu lieu à l’intérieur du Stade Vélodrome, à la fin de la rencontre Angleterre-Russie.
Ce match, pourtant identifié comme à haut risque, a révélé de nombreuses défaillances dans le dispositif de sécurité.
Ainsi, le filtrage à l’entrée, mais également à l’intérieur du stade, réalisé par des sociétés de sécurité privées sous la responsabilité de l’UEFA, s’est révélé défaillant, avec notamment une mauvaise répartition des stadiers.
Comme tout le monde a pu le voir sur les images, des fumigènes et une fusée ont été introduits et tirés dans l’enceinte même du stade. Plus inquiétante encore, une bombe agricole a explosé à la fin de la rencontre.
Les supporters russes et anglais, situés dans le virage sud du stade, étaient uniquement séparés par une rangée de stadiers et une simple corde. Après le tir d’une fusée en direction des supporters anglais, les supporters russes ont très facilement franchi ce cordon de sécurité afin d’envahir les tribunes anglaises, au milieu de familles paniquées. Dans notre tête tournent encore les images de la détresse d’un père, portant son enfant dans les bras et assailli par des supporters.
Même si je tiens à mon tour, bien sûr, à saluer le travail de nos services de police, plus particulièrement lors des incidents dans le centre-ville, il faut se rendre à l’évidence : le dispositif de filtrage et de sécurité à l’entrée et à l’intérieur du stade était trop léger et inapproprié pour une telle rencontre, d’autant que nous avions pleinement connaissance de la haine réciproque de ces deux camps à la suite des affrontements qui avaient eu lieu la veille et l’après-midi même dans le centre-ville. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Gilles. Il est donc quasiment miraculeux qu’il n’y ait pas eu d’incident plus dramatique impliquant des familles et des enfants.
Aussi, monsieur le ministre, je m’associe au sénateur-maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, pour vous interroger. Quelles conclusions comptez-vous tirer de cet épisode inquiétant ? Quelles mesures allez-vous demander à l’UEFA de prendre, afin que ces incidents ne se reproduisent plus aux abords de nos stades ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Par souci de précision, je voudrais tout d’abord procéder à une correction de mes propos antérieurs : nous avons interpellé des supporters non pas turcs, mais russes ! Je ne voudrais pas ajouter aux difficultés intérieures du moment des problèmes diplomatiques (Sourires.), ce qui serait pour moi une faute désagréable. Je le répète, il s’agissait de supporters russes.
Monsieur Gilles, vous me parlez de la sécurité à l’intérieur du stade. Vous le savez, et vous l’avez rappelé à juste titre, la sécurité interne des stades relève, aux termes des documents contractuels signés avec les organisateurs, de la responsabilité de l’UEFA.
Cela étant, appliquant à cette répartition des responsabilités le proverbe, bien connu des sénateurs normands, selon lequel « une grande confiance ne doit pas exclure une petite méfiance »,…
M. Philippe Bas. C’est bien vrai ! (Sourires.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … j’ai procédé à une vérification de ces dispositifs. Et je puis vous dire que, s’il n’y a pas eu de drame, comme vous l’indiquez, cela n’est pas le fruit du hasard, mais bien parce que des unités de forces mobiles étaient positionnées dans le stade, à ma demande, afin de suppléer les agents de sécurité privée en cas de défaillance.
J’ai bien entendu pris contact immédiatement avec Jacques Lambert au terme de ces événements, pour lui rappeler la responsabilité de l’UEFA. À la suite de cet échange, les dispositifs de sécurité privée ont été renforcés.
Comme on ne peut pas vivre constamment dans le dénigrement des efforts faits par les uns et les autres pour réussir une grande épreuve sportive, je veux également dire que, après plus de dix matches, alors que beaucoup avaient prédit les pires catastrophes, il n’y a eu aucun autre dérapage grave, même si nous devons rester concentrés.
M. André Trillard. Restons prudents !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela ne veut pas dire qu’il ne se passera rien, mais que notre vigilance a permis d’éviter de tels événements pour l’instant. Bien entendu, celle-ci doit demeurer constante et même s’amplifier, compte tenu du contexte auquel nous sommes confrontés.
Monsieur le sénateur, nous faisons de notre mieux,…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. … en améliorant constamment les dispositifs. Malheureusement, sur des sujets aussi complexes, même en faisant au mieux, on ne fait pas nécessairement aussi bien que l’on pourrait le souhaiter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
poursuite des grèves
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour le groupe Les Républicains.
Mme Caroline Cayeux. Monsieur le ministre de l’intérieur, notre pays traverse une période très difficile liée aux intempéries, aux attentats, aux grèves à répétition. Les Français subissent de plein fouet une crise économique et morale. Cette situation exige solidarité, mais aussi efficacité. La solidarité s’exprime chaque jour dans nos départements et dans nos communes et nous attendons des actes du Gouvernement.
Quelle image de la France donnons-nous aujourd’hui au monde ? Le monde en effet nous observe, et ce regard m’attriste profondément.
Comment une minorité peut-elle entraîner un pays entier dans le discrédit et le déshonneur ? En ce moment même, nous avons encore des casseurs dans la rue, et croyez bien que je m’associe aux propos du président Retailleau pour soutenir les forces de l’ordre et saluer leur engagement.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, la France perd de son attractivité. Le nombre de projets d’investissements étrangers a reculé en 2015, alors que, dans l’ensemble de l’Europe, il a progressé de 14 %. Seuls 11 projets de décisions ont été présentés en France, contre 150 en Grande-Bretagne. Le tourisme chute également de plus de 30 %. Même les agents de la tour Eiffel se mettent en grève !
Dans ces conditions, comment comptez-vous défendre notre candidature aux jeux Olympiques et à l’Exposition universelle ?
Monsieur le ministre, comment allez-vous passer aux actes qu’attend la représentation nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, toute question est légitime, surtout dans cette enceinte, mais je regrette ce mélange des sujets. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Prenons-en un seul, celui du tourisme. Si le tourisme, comme on peut en effet le constater, a baissé au cours de ces derniers mois – c’est d’ailleurs l’une des rares activités économiques qui n’est pas en phase de reprise –, notamment à Paris et au mont Saint-Michel, où je me suis rendu voilà quelques mois avec M. Philippe Bas, c’est lié, et vous le savez parfaitement, aux attentats, à ce qui s’est passé au mois de novembre dernier.
Les chiffres du tourisme doivent être analysés en considération de ces événements. Croyez-moi, c’est pour nous un véritable sujet. Les Japonais ont ainsi décidé du jour au lendemain de ne plus venir en France. Voilà pour ce qui concerne le tourisme.
Par ailleurs, je regarde les chiffres avec le plus de lucidité possible. Je constate, madame la sénatrice, que la croissance a été plus importante au premier trimestre que ce qui avait été annoncé, que les prévisions de croissance pour cette année 2016 se confirment – autour de 1,5 %, peut-être davantage –, que l’investissement revient, que le moral des ménages, malgré la situation que nous connaissons depuis plusieurs mois, est à la hausse, notamment par rapport à l’emploi. Même si nous sommes et modestes et prudents, je note que l’on a enregistré une baisse du nombre des chômeurs de l’ordre de 70 000.
Madame la sénatrice, j’entends toutes les critiques – c’est le rôle de l’opposition –, mais je constate que, malgré toutes les difficultés, malgré tous les défis, les choses vont plutôt dans le bon sens.
M. Alain Gournac. Bref, « ça va mieux » ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous évoquez la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2024 : nous pouvons partager cette volonté de voir cette candidature aboutir, et je vous rappelle que la France a été capable, quelques jours après les attentats terroristes, d’accueillir plus de 180 chefs d’État et de gouvernement étrangers lors de la COP 21.
Dans les conditions que nous connaissons aujourd’hui, en particulier en plein état d’urgence, et avec les difficultés malheureusement inhérentes à une telle compétition sportive, nous avons pu organiser l’Euro de football, qui n’est pas encore terminé, même si je déplore profondément les difficultés auxquelles sont confrontés les Français. Je le sais d’autant plus que, pour ne citer que cet exemple, en Île-de-France, c’est la ligne D du RER qui est la plus touchée par ces grèves incompréhensibles et inadmissibles.
Mme Éliane Assassi. C’est une obsession !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Les taux de grévistes dans les transports, aujourd’hui et demain – nous avons constaté la même chose dans le secteur aérien, chez Air France –, sont extrêmement faibles.
Il faut faire front face à ces événements. Nous tenons bon et nous ne changerons pas – nous l’avons déjà dit – les principaux articles de ce projet de loi, notamment son article 2, parce qu’il est bon pour les entrepreneurs et pour les entreprises.
Mme Éliane Assassi. Pas pour les salariés !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mon rôle à moi, j’en suis désolé, madame la sénatrice, c’est de défendre la France, son attractivité, de faire en sorte qu’elle gagne des marchés à l’extérieur. C’est cela que je veux retenir. Pour ma part, que je sois dans l’opposition ou dans la majorité, je dis toujours du bien de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour la réplique.
Mme Caroline Cayeux. Monsieur le Premier ministre, j’entends votre réponse, mais je ne partage ni votre optimisme ni votre confiance. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Daniel Raoul. C’est dommage !
Mme Caroline Cayeux. Je crains, malheureusement, que la France ne doive dire adieu aux jeux Olympiques, adieu à l’Exposition universelle, adieu aux touristes américains et asiatiques, adieu à la relocalisation et à l’installation d’entreprises, adieu à l’emploi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je remercie La Chaîne parlementaire, qui a accepté de diffuser jusqu’à son terme cette séance de questions d’actualité au Gouvernement.
La parole est à M. Georges Labazée, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Georges Labazée. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie.
Madame la secrétaire d'État, à la fin de l’année 2015 était promulguée la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Vous le savez, le Sénat a joué un rôle majeur de coconstruction de ce texte ambitieux et responsable, puisqu’il s’est attelé, aux côtés du Gouvernement, à consacrer un principe fort, celui du choix de la personne âgée : choix de son logement, de son consentement, de sa représentation.
Près de six mois après, de nombreux décrets sont parus, mettant ainsi en application ces mesures nouvelles. Je tiens à saluer votre action, madame la secrétaire d'État, car les initiatives que vous avez prises ces derniers mois montrent que le Gouvernement prend ses responsabilités en s’assurant que cette loi soit mise en œuvre dans les délais les plus brefs. Une loi qui, je vous le rappelle, est financée à hauteur de plus de 700 millions d’euros annuels via la CASA, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie.
Cette loi, tant attendue depuis plus de dix ans, apporte enfin à chaque personne âgée et à ses proches un service à la hauteur de leurs besoins ; elle répond véritablement aux attentes des associations et des élus et aux enjeux de nos territoires.
Oui, je le pense sincèrement, l’engagement est tenu : cet immense chantier qu’est l’autonomie avance désormais à grands pas.
Aussi, qu’il s’agisse de la mise en œuvre des décrets, du financement des mesures nouvelles pour anticiper, pour adapter, pour accompagner – je pense à l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, je pense au logement, je pense à la conférence des financeurs, je pense aussi à l’unification des régimes des services d’aide et d’accompagnement à domicile, au profit du régime de l’autorisation –,…
M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.
M. Georges Labazée. … ma question est simple, madame la secrétaire d'État : quelles sont les mesures concrètes prises actuellement par le Gouvernement pour appliquer la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement de la population ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes âgées et de l’autonomie.
Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez indiqué, l’application de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement est une priorité, et je puis vous dire que, aujourd’hui, l’ensemble des décrets relatifs à l’aide à l’accompagnement à domicile, ainsi que les textes relatifs au financement des mesures prévues par la loi, a été publié.
Ces nouvelles mesures sont intégralement financées par l’État, à hauteur de plus de 700 millions d’euros. Quelque 25 millions d’euros ont aussi été débloqués pour venir en appui au secteur de l’aide à domicile : ce sont des milliers d’emplois qui étaient en péril. Les fonds consacrés à l’APA ont été revalorisés, et ce sont désormais 453 millions d’euros qui, chaque année, viennent améliorer le quotidien des personnes âgées dépendantes.
Les versements pour tous les départements ont été effectués en avril dernier. Toujours pour accompagner les départements, il est prévu que les conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées, inscrites dans la loi, fédèrent les acteurs de ces territoires et coordonnent les dépenses de manière efficace.
Dès le mois d’avril dernier, également, ces conférences des financeurs ont bénéficié d’un concours financier de 102 millions d’euros, et, la semaine dernière, avec Marisol Touraine, j’ai débloqué une enveloppe supplémentaire de 5,58 millions d’euros pour accompagner davantage les départements.
Enfin, je participais ce matin au congrès de l’Union sociale pour l’habitat et, à cette occasion, j’ai annoncé que l’engagement d’adapter 80 000 logements pour les personnes âgées au cours du quinquennat sera tenu dès cette année.
Monsieur le sénateur, nous tenons à continuer ce travail pour les personnes âgées, parce que c’est un sujet crucial pour notre société, aujourd’hui, mais aussi pour les vingt ans qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
8
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, du chapitre Ier, aux amendements portant articles additionnels après l’article 1er.
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L'amendement n° 465, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Dispositions communes » et comprenant les articles L. 1134-1 à L. 1134-5 ;
2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :
« Section 2
« Dispositions spécifiques à l’action de groupe
« Art. L. 1134-6. – Sous réserve des articles L. 1134-7 à L. 1134-10, le chapitre Ier du titre V de la loi n° … du … de modernisation de la justice du XXIe siècle s’applique à l’action de groupe prévue à la présente section.
« Art. L. 1134-7. – Une organisation syndicale de salariés représentative au niveau national interprofessionnel, au niveau de la branche ou au niveau de l’entreprise peut agir devant une juridiction civile afin d’établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif parmi ceux mentionnés à l’article L. 1132-1 et imputable à un même employeur privé.
« Une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans pour la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, en faveur de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise.
« Art. L. 1134-8. – Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement, soit de l’engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d’obtenir la réparation des préjudices subis, soit de ces deux fins.
« Art. L. 1134-9. – Par dérogation à l’article 22 de la loi n° … du … de modernisation de la justice du XXIe siècle, préalablement à l’engagement de l’action de groupe mentionnée à l’article L. 1134-7, les personnes mentionnées à ce même article L. 1134-7 demandent à l’employeur de faire cesser la situation de discrimination collective.
« Dans un délai d’un mois à compter de cette demande, l’employeur en informe le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. À la demande du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, ou à la demande d’une organisation syndicale représentative, l’employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.
« L’auteur de la demande mentionnée au premier alinéa du présent article peut exercer l’action de groupe mentionnée à l’article L. 1134-7 lorsque, dans un délai de trois mois à compter de cette demande, l’employeur n’a pas pris les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective en cause.
« Art. L. 1134-10. – L’action de groupe suspend, dès la mise en demeure mentionnée à l’article L. 1134-9, la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant du manquement dont la cessation est demandée.
« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, soit à compter du jour où le demandeur s’est désisté de son action, soit à compter du jour où le jugement tendant à la cessation du manquement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Les discriminations entre les femmes et les hommes liées à l’état de santé, à l’âge ou encore à l’origine, sans oublier les discriminations syndicales, n’ont pas faibli dans l’histoire du travail et dans la relation de subordination du salarié à son employeur.
Vous le savez, mes chers collègues, les ressources juridiques existant aujourd’hui sont d’une efficacité limitée pour faire reconnaître, de façon générale, les discriminations individuelles, notamment à l’embauche.
L’arsenal répressif est largement inopérant et l’arsenal préventif, de type « CV anonyme », est d’une utilité malheureusement limitée.
Pour les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen, l’action de groupe en matière de discrimination au travail s’inscrit dans la reconquête du principe républicain d’égalité.
C’est pourquoi, dans le prolongement du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, nous souhaitons introduire dans ce projet de loi Travail le principe d’une réparation intégrale du préjudice lié à une discrimination professionnelle.
Il s’agit non seulement de réprimer les employeurs, mais surtout de dissuader et de prévenir les comportements qui donnent le sentiment à nombre de nos concitoyens d’être mis au ban de la société.
En conséquence, nous proposons qu’une organisation syndicale de salariés représentative au niveau national interprofessionnel, au niveau de la branche ou au niveau de l’entreprise puisse agir devant une juridiction civile afin d’établir que plusieurs candidats à un emploi, un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l’objet d’une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif parmi ceux qui sont mentionnés à l’article visé et imputable à un même employeur privé.
Nous proposons également qu’une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans en vue de lutter contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap puisse agir aux mêmes fins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission estime que ce sujet relève non du présent projet de loi, mais du projet de loi Justice du XXIe siècle actuellement en cours de navette, comme le reconnaissent d’ailleurs les auteurs de l’amendement puisqu’ils y font référence. Certes, ce dispositif est quelque peu différent des mesures figurant dans le projet de loi Justice du XXIe siècle, concernant notamment les délais existants. Il ne nous semble toutefois pas de bonne pratique de multiplier les véhicules législatifs.
Afin que la discussion se poursuive dans le cadre de l’examen du texte dans lequel elle a commencé, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, je partage bien sûr avec vous l’objectif de lutter contre toutes les formes de discrimination, qui sont inacceptables et constituent un véritable cancer pour notre cohésion sociale. Les actions en justice, vous l’avez dit, sont l’une des voies pour les combattre. À ce titre, je ne peux que souscrire à votre volonté de renforcer le rôle des syndicats sur ce point.
Il existe plusieurs types de discriminations. Le Défenseur des droits a encore remis récemment un rapport sur la question des discriminations liées à l’origine dans le cadre du comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté.
Le Gouvernement, vous l’aurez noté, a lancé voilà moins d’un mois une grande campagne de sensibilisation intitulée « Les compétences d’abord ». Pourquoi ? Parce que, à diplôme égal, les jeunes issus de quartiers populaires ont deux fois moins de chances de trouver un emploi. Nous développons également le parrainage pour les jeunes issus de ces quartiers afin que la République organise le réseau qui leur manque.
Cela fait près de quinze ans que nous soulevons la question du testing, qui ne concernait auparavant que des entreprises volontaires. J’ai pris la décision de lancer un testing au sein de plusieurs dizaines d’entreprises représentant des groupes de plus de 1 000 salariés, notamment sur la question des discriminations liées à l’origine, puisqu’un rapport de l’Institut Montaigne publié au mois de septembre dernier montrait qu’un demandeur d’emploi prénommé Mohamed avait quatre fois moins de chances d’avoir un entretien d’embauche. Tout cela est inacceptable et je suis particulièrement mobilisée sur cette question. Ce testing est un vrai testing, car il ne sera pas effectué dans les entreprises volontaires. C’est pourquoi je le revendique.
Par ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, m’a remis la semaine dernière un rapport, après saisine du Premier ministre, sur le développement de la culture du dialogue social en France, dont l’une des recommandations préconise la saisine du Défenseur des droits afin qu’il rédige un rapport sur les discriminations syndicales, sujet également extrêmement important.
J’en reviens à votre amendement, monsieur Watrin.
Comme l’a dit M. le rapporteur, c’est dans le cadre du projet de loi Justice du XXIe siècle, qui a été examiné en première lecture à la fois à l’Assemblée nationale et au Sénat, que nous avons décidé de mettre en place cette action de groupe à la main des syndicats, mais aussi des associations, comme vous le suggérez.
Comme vous le proposez, cette action sera précédée d’un dialogue social préalable pour faire disparaître la situation de discrimination. En revanche, contrairement à ce que vous suggérez, le Gouvernement a souhaité que la réparation du préjudice, dans le cadre de cette action collective, ait lieu à partir de la saisine d’un juge, car l’action collective doit avant tout servir à faire cesser la discrimination. Mais bien entendu, dans ce cadre, tous les salariés qui auront été victimes d’une discrimination auront le droit à une réparation individuelle de leur préjudice devant le juge des prud’hommes.
Ce sujet est central, essentiel, monsieur le sénateur, mais il est traité dans un autre projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1321-2 du code du travail, il est inséré un article L. 1321-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1321-2-… – Le règlement intérieur peut, par accord d’entreprise, contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. »
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de liberté et d’expression en particulier, et de libertés en général, repose sur l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, ratifiée par la France et qui nous contraint. Or celle-ci traite des libertés individuelles.
Le problème qui est posé ici en matière de code du travail, et qui n’est pas nouveau, c’est que l’on veut étendre ces principes touchant aux libertés individuelles à une collectivité, l’entreprise. Quelle conception en avons-nous ? Est-ce simplement un lieu de rencontres quotidiennes entre des individus – actionnaires, dirigeants, salariés – engagés dans un système d’autorité et d’obéissance ? Est-ce un lieu de rapports de force et de confrontations ? Est-ce une communauté de destins où, par le biais de la négociation, des compromis s’élaborent au quotidien.
C’est dans ce cadre, celui d’une collectivité et non pas d’un rassemblement d’individus, que peut être posée la question de neutralité, possible et non pas obligatoire, de l’entreprise, neutralité au sens des convictions politiques, religieuses ou philosophiques.
L’espace de l’entreprise est privé et ne peut donc pas être régi par le principe de laïcité. Mais ce n’est pas non plus un espace civil où s’exerceraient des libertés sans limites : il est circonscrit et organisé par des règles.
La neutralité n’est d’ailleurs pas étrangère au droit social, puisque l’entreprise est tenue à la neutralité, mais dans un sens différent de celui qui s’applique au service public ; la neutralité en entreprise passe par l’indifférence de l’employeur aux convictions de ses salariés.
On peut donc concevoir que la neutralité soit organisée dans une structure privée pour son personnel, si elle figure dans un règlement intérieur, après négociation d’un accord d’entreprise – on rejoint là la philosophie du projet de loi –, si elle est justifiée par la nature de l’activité exercée et invoquée de façon non arbitraire et non discriminatoire.
Tel est l’objet du présent amendement : ouvrir la porte facultative, et non obligatoire, de la neutralité de l’entreprise dans des conditions précisées par la loi.
Cette disposition qui viserait à reconnaître la possibilité d’inscrire dans le règlement intérieur des restrictions de l’expression des convictions au sein de l’entreprise est un outil de gestion managériale. Elle permettrait d’éviter des affaires comme celle de la crèche Baby Loup ou de consolider le choix des entreprises comme le groupe Paprec, qui a adopté une charte utile mais fragile juridiquement. (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet amendement très intéressant porte sur des sujets qui interpellent nombre de nos concitoyens.
Ce débat avait déjà été engagé à l’Assemblée nationale dès la première lecture au sein de la commission des affaires sociales, puisque l’amendement de M. Arnaud Richard s’inscrivait un peu dans le même état d’esprit que le vôtre, madame la sénatrice. Nous devons progresser dans la voie de la promotion de ce principe de neutralité, dès lors qu’un accord se dégagerait autour de cette idée.
Nul ne peut nier qu’un certain nombre de problèmes se posent. Or on ne peut les recouvrir d’un voile pudique ; il faut traiter la question. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement, car elle est également consciente que des interrogations peuvent porter sur l’articulation de ce principe avec nos engagements européens ou internationaux. Madame la ministre, peut-être pourrions-nous avancer en ce sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Madame la sénatrice, je partage tout à fait votre objectif de lutter contre les communautarismes, y compris dans l’entreprise, qui est, vous l’avez dit, un collectif où les opinions doivent pouvoir s’exprimer, mais dans le respect de la liberté de chacun et sans que cela nuise au bon fonctionnement de l’entreprise.
Lors d’une séance de questions au Gouvernement, je vous avais répondu en vous indiquant tout le travail que je menais avec les partenaires sociaux, les organisations patronales et syndicales, sur la gestion du fait religieux en entreprise, notamment sur la difficulté pour les uns et les autres de se sentir parfois un peu démunis face à une situation, qu’ils se trouvent du côté des salariés ou de celui des employeurs.
C’est dans ce cadre, et je salue le directeur général du travail, Yves Struillou, aujourd’hui à mes côtés, que nous avons établi un guide pratique du fait religieux comportant toutes les questions que l’on peut se poser en la matière.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Dès que mon agenda sera plus souple, je réunirai l’ensemble des partenaires sociaux pour que nous diffusions ce guide à la fois aux salariés et aux employeurs, car les éléments qu’il contient visent à s’adresser autant aux premiers qu’aux seconds. À l’occasion de la rédaction de ce guide, nous avons demandé de nous faire remonter différentes situations face auxquelles les uns et les autres peuvent se trouver sans réponses.
Aller jusqu’à poser le principe de neutralité dans l’entreprise est parfois justifié, pour éviter certaines tensions et assurer au sein de l’entreprise un véritable vivre ensemble. Il ne saurait toutefois s’agir d’un principe général.
Monsieur le rapporteur, de ce point de vue, je comprends vos craintes selon lesquelles ces dispositions seraient contraires à nos engagements internationaux et à notre Constitution. Ce n’est pas le débat de cette loi, mais celle-ci est là pour promouvoir la négociation collectivement. Le fait que l’affirmation du principe de neutralité au sein d’une entreprise doive d’abord passer par un accord d’entreprise, c’est-à-dire par la négociation, me semble donc particulièrement adapté et tout à fait conforme à la philosophie de ce projet de loi.
C’est pourquoi j’émets un avis favorable sur cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Nous voterons l’amendement n° 2 rectifié. Nous savons Mme Laborde très attachée au principe de laïcité. L’évolution qu’elle nous propose est compatible avec le refus d’en faire une règle générale, conformément à la philosophie de ce projet de loi. Par conséquent, la discussion qui aurait lieu dans l’entreprise permettrait, dans le champ de la discussion et de la négociation, d’introduire dans le secteur privé des entreprises le principe de neutralité.
Jusqu’à présent, autant c’est clair dans l’ensemble du service public, autant on est quelque peu paralysé au sein des entreprises, notamment parce que la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE, dans son arrêt de 2000, avait bien opéré une distinction entre le public et le privé. Au demeurant, la position de la CJUE est en train d’évoluer, même si celle-ci n’a pas encore rendu un nouvel arrêt en la matière, puisqu’elle précise que, à partir de cas particuliers, une règle interne de neutralité du travail propre à l’entreprise pourrait être adoptée.
Nous voterons donc cet amendement, pour permettre cette évolution du droit.
Ainsi, nous préviendrons bien des difficultés : aujourd’hui, nombre d’entreprises sont confrontées à des problèmes de cette nature sans savoir comment y répondre.
À ce titre, gardons à l’esprit le précédent de Baby Loup en 2013 ! Cette affaire était à mi-chemin du public et du privé : c’est une entreprise privée qui gérait la crèche considérée, mais elle assumait une délégation de service public.
Mes chers collègues, en adoptant cet amendement, le Sénat tout entier fera œuvre utile.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je comprends bien le souci exprimé par Françoise Laborde. Cependant, avec l’ensemble des membres du groupe CRC, je m’interroge : de telles dispositions relèvent-elles du domaine de la loi ? À nos yeux, elles sont plutôt de l’ordre du règlement intérieur.
On nous répète sans cesse dans cet hémicycle que nous ne devons pas alourdir la loi, qu’il ne faut pas la rendre bavarde, que le code du travail est déjà trop volumineux. Mais cet amendement tend bien à ajouter de nouvelles dispositions législatives.
En outre, le principe de neutralité est déjà garanti dans les règlements intérieurs au niveau des entreprises.
Nous ne voterons pas contre cet amendement. Mais, pour ces deux raisons, qui justifient notre position et notre étonnement, nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pour ma part, je soutiens notre collègue Françoise Laborde et je fais mienne, en la matière, la position défendue par le Gouvernement.
Madame la ministre, en cherchant à clarifier les droits et les devoirs de chacun dans l’entreprise face aux évolutions à l’œuvre, vous avez engagé une excellente démarche. Ce travail était nécessaire, et les partenaires sociaux l’attendaient.
En l’occurrence, la réalité de l’entreprise permet de définir la bonne application d’un principe fondamental, la laïcité, pour assurer la mise en œuvre du droit et le respect de chacun dans notre société. Parallèlement, on garde à l’esprit l’existence de communautés humaines qui, dans certains cas, lorsqu’elles le souhaitent, doivent garantir la neutralité au sein de l’entreprise.
Selon moi, ces dispositions relèvent bel et bien du domaine législatif : nous vivons des périodes où les équilibres sont difficiles à définir. Pour les atteindre, il est parfois nécessaire que la loi fixe un cadre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Compte tenu de l’avis exprimé par le Gouvernement, il me semble que nous pouvons nous engager dans cette voie.
Nous en sommes conscients, dans une certaine mesure les accords d’entreprise constituent une nouveauté au regard du règlement intérieur, qui est en principe un acte unilatéral. Mais face au défi posé à la République, dans toutes ses composantes, par un certain nombre de communautarismes, nous devons enjamber cette légère difficulté technique.
Je saisis cette occasion pour rendre hommage au travail accompli par Françoise Laborde et, plus largement, par le groupe du RDSE. En la matière, nos collègues font preuve d’une remarquable constance.
En adoptant comme je l’espère le présent amendement, le Sénat franchira un grand pas : je le répète, à l’aune des débats qui peuvent agiter notre société, le principe de laïcité, ce n’est pas rien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Après l’assentiment donné par Mme la ministre, et à l’instar de M. le rapporteur, je tiens à rappeler l’attachement du RDSE tout entier aux principes de laïcité et de neutralité.
Compte tenu de ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays comme dans d’autres États, nous devons plus que jamais être fermes sur un certain nombre de valeurs.
Le principe de neutralité, y compris dans l’entreprise, c’est avant tout un principe de liberté. En l’appliquant ainsi, le but est simple : empêcher que le communautarisme ne se développe au sein des sociétés privées, en employant évidemment des moyens compatibles avec les normes, avec la législation de notre pays.
Il est tout à fait indispensable d’inscrire cette disposition dans la loi. Ne nous voilons pas la face !
M. Yves Daudigny. C’est le cas de le dire !
M. Jacques Mézard. Vous l’avez bien compris, chers collègues, il ne s’agit pas d’un lapsus. Nous savons que certaines entreprises subissent des difficultés à cet égard.
M. Bruno Retailleau. M. Mézard a raison !
M. Jacques Mézard. Il faut le reconnaître et avoir conscience de ce qui se passe sur le terrain. Dans certaines entreprises, de véritables problèmes se font jour. Aussi devons-nous faire preuve de fermeté : mettons-nous à la place des chefs d’entreprise et des salariés qui sont confrontés à ces situations.
Notre pays est fort d’une valeur essentielle : la laïcité. Ce principe n’est pas opposé aux religions, au contraire, il permet à chacun d’exercer sa religion en toute liberté.
Dans ce contexte, non seulement cette disposition est un pas en avant, mais elle est indispensable face au communautarisme qui, malheureusement, se développe !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je souhaite simplement répondre en quelques mots à Mme Cohen : nous sommes bien face à la problématique règlement ou pas règlement.
Souvenons-nous de l’affaire Baby Loup. J’en ai véritablement été partie prenante et j’ai déposé, à ce sujet, une proposition de loi. Ce texte n’a pas encore totalement abouti. Soit ! L’essentiel c’est que la négociation au sein des entreprises permette l’application effective du règlement.
À l’époque, certains m’avaient dit qu’il n’y avait aucun souci puisqu’il existait un règlement. Or, dans ce cas précis, celui-ci a été bafoué !
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
Mme Françoise Laborde. L’affaire Baby Loup a fini en Cour de cassation. Au total, beaucoup d’énergie, beaucoup d’argent ont été dépensés.
Dans un autre domaine, le groupe Paprec a signé une charte de la laïcité ; mais ce document reste juridiquement très fragile.
Dès lors que les négociations seront reconnues par la loi, ces fragilités disparaîtront.
Mes chers collègues, pour cette simple raison, je vous invite à voter le présent amendement.
Mme Hermeline Malherbe. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. On nous annonçait que le présent texte susciterait un certain nombre de débats : je suis très heureux d’entendre les divers orateurs affirmer, les uns après les autres, que nous pourrions nous unir et voter tous ensemble pour ce principe de neutralité. Bien entendu, je salue leur propos.
Par ailleurs, l’actualité donne à cette discussion un éclairage un peu particulier. Nous sommes en guerre. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Nos ennemis s’en prennent à nos valeurs, s’attaquent à ce que nous sommes.
Divers individus ne manqueront pas de mettre les entreprises à l’épreuve. Ils tenteront de s’engouffrer dans toutes les portes qui leur seront ouvertes.
Face à cette menace, il faut graver dans le marbre de la loi une règle d’endiguement !
Certains souhaiteraient transformer la France en un vaste champ de bataille. Dans ce contexte, l’entreprise, comme toutes nos institutions, doit être préservée.
Voilà pourquoi les membres du groupe Les Républicains voteront cet amendement. Alors même que, vous l’aurez observé, la jurisprudence est en train d’évoluer, nous devons donner des outils à nos entreprises pour qu’elles puissent se protéger de tous les extrémismes, de tous les radicalismes !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Madame Laborde, je vous remercie d’avoir déposé cet amendement avec les membres du groupe auquel vous appartenez, et surtout d’avoir opté pour cette rédaction. En effet, ces dispositions ne se limitent pas aux exigences du bon fonctionnement de l’entreprise. Elles s’étendent à l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux.
La neutralité est certes étroitement associée à la laïcité. Mais, parmi les droits fondamentaux, figure également l’égalité, notamment l’égalité entre les femmes et les hommes.
En votant cet amendement, nous permettrons aux entreprises de garantir cette égalité via diverses mesures de neutralité. C’est là un sujet que la délégation sénatoriale aux droits des femmes a particulièrement travaillé.
Enfin, mes chers collègues, ces dispositions rejoignent des conclusions que nous porterons très prochainement.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.
M. Didier Guillaume. Je ne veux pas prolonger le débat, même s’il s’agit là d’une question fondamentale.
Je remercie Mme Laborde et les membres du groupe du RDSE d’avoir déposé cet amendement. L’inscription de ces dispositions dans la loi peut être juridiquement discutable, mais elle est essentielle pour la République.
Cher Bruno Retailleau, permettez-moi simplement de reprendre un mot de votre intervention. Certes, un jour comme aujourd’hui, la République ne peut qu’être secouée. Mais gardons-nous de tout amalgame ! (M. Marc Daunis et Mme Evelyne Yonnet applaudissent.) Il n’y a pas lieu d’applaudir. Je suis certain que nous travaillons tous dans la même direction.
Je tenais simplement à apporter cette précision, car la neutralité concerne tout le monde.
M. Marc Daunis. Tout à fait !
M. Didier Guillaume. Mme Jouanno a insisté avec raison sur l’égalité, en particulier entre les femmes et les hommes. J’ajoute que la laïcité, valeur fondatrice de notre pacte républicain, garantit à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire tout en assurant la neutralité dans la sphère publique.
À ce titre, Mme Laborde a très bien fait de déposer le présent amendement : ces dispositions bénéficieront aux citoyens, aux salariés, aux organisations syndicales et aux chefs d’entreprise. Elles nous aideront tous à aborder, demain, ces sujets d’une meilleure manière encore.
Je tenais à formuler cette remarque en toute sérénité. Tant que nous, parlementaires, nous accorderons sur toutes les travées pour que la laïcité demeure tel un drapeau claquant au vent, nous pourrons rester fiers de notre engagement ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Yonnet, pour explication de vote.
Mme Evelyne Yonnet. Mes chers collègues, je serai brève : je souscris pleinement aux propos du président Guillaume.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 466, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
Le code du travail est ainsi modifié :
1° À la première phrase de l’article L. 2251-1, les mots : « peut comporter » sont remplacés par les mots : « ne peut comporter que » ;
2° L’article L. 2252-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « interprofessionnel », est inséré le mot : « ne » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
3° Le second alinéa de l’article L. 2253-1 est ainsi rédigé :
« Cet accord ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés. » ;
4° Les articles L. 2253-4 et L. 3122-6 sont abrogés.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement tend à préciser que la convention ou l’accord ne peuvent qu’améliorer les dispositions en faveur des salariés.
Dans le contexte actuel, il est indispensable que les salariés bénéficient de conditions de travail optimales. Il n’est pas possible de continuer à dégrader des situations qui, pour certains individus, sont devenues invivables.
De plus, avec cet amendement, nous réaffirmons notre attachement à la hiérarchie des normes, et nous nous opposons donc avec force à l’inversion des normes !
M. le président. L'amendement n° 463, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° La seconde phrase de l’article L. 2251-1 est ainsi rédigée :
« Ils ne peuvent en aucune façon avoir pour objet ou pour effet de restreindre ou de limiter l’exercice des droits reconnus aux salariés par la loi. » ;
2° L’article L. 2252-1 est abrogé.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Dans la logique exposée à l’instant par Annie David, nous proposons de clarifier le présent article en y écrivant explicitement que les conventions ou accords collectifs ne peuvent en aucun cas avoir pour objet ou pour effet de restreindre les droits des salariés.
À nos yeux, il est essentiel de réaffirmer la démocratie au cœur de l’entreprise.
En obtenant des dispositions plus favorables aux salariés et mieux adaptées à la réalité de leur travail, les syndicats eux-mêmes seront renforcés et la démocratie sociale s’en trouvera grandie.
Notre collègue Patrick Abate l’a souligné cet après-midi même lors des questions d’actualité au Gouvernement : il y a d’un côté les entreprises vertueuses, qui respectent effectivement les règles, et de l’autre celles qui infligent de graves manquements aux droits des salariés. Malheureusement, cette distinction n’est pas opérée.
De surcroît, on persiste à sous-estimer le lien de subordination existant au sein de l’entreprise.
Les représentants des salariés ne sauraient arriver à la table des négociations en étant contraints de défendre systématiquement des droits durement acquis, en étant constamment victimes d’un chantage à l’emploi. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’amendement n° 466 tend à rouvrir un débat que nous avons déjà largement abordé, à savoir celui de la hiérarchie des normes. Par cohérence avec l’esprit du texte qu’elle a adopté, la commission ne peut qu’émettre à son sujet un avis défavorable.
Quant aux dispositions de l’amendement n° 463, elles ne nous paraissent pas nécessaires : par définition, tous les accords et toutes les conventions doivent respecter la loi. Cet impératif va de soi. Aussi, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 466.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 248 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 29 |
Contre | 313 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 463.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 988, présenté par MM. Joyandet, J.P. Fournier, D. Laurent, Dufaut, Huré, B. Fournier, Nougein, Masclet et Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, les articles 244 quater C, 199 ter C, 220 C, 223 O du code général des impôts, et le dernier alinéa de l’article L. 172 G du livre des procédures fiscales sont abrogés à compter du 1er juillet 2016.
La parole est à M. Alain Joyandet.
M. Alain Joyandet. Cet amendement vise à rétablir la « TVA compétitivité ». Je vais peut-être me voir rétorquer que je ne suis pas dans l’ordre du jour, mais si j’ai bien compris, madame la ministre, à travers ce projet de loi vous essayez de faire en sorte de créer le plus grand nombre d’emplois possible le plus rapidement possible.
Nous avons voté l’article 1er dont l’objet est la création d’une commission qui nous expliquera en 2018 ce qu’il faut faire pour modifier le code du travail dans l’espoir que cela créera des emplois. Permettez-moi d’en douter, et de rappeler que vous disposez d’un outil, la « TVA compétitivité », utilisable tout de suite.
Voté hélas trop tard à la fin du quinquennat précédent – cela aurait sans doute dû être fait beaucoup plus tôt –, ce dispositif a été abrogé par le président Hollande, qui a déclaré avoir regretté cette abrogation. Il n’en a malheureusement pas tiré les conclusions, bien que tous les spécialistes s’accordent aujourd'hui pour y voir l’outil le plus efficace et le plus rapide pour créer des emplois.
Ce dispositif consiste à baisser les prix de revient de tous les produits fabriqués en France, et à transférer cette charge notamment sur les produits fabriqués à l’étranger. Tandis que le prix TTC des produits fabriqués en France ne changera pas dans les gondoles des grandes surfaces, celui des produits qui sont fabriqués à l’étranger augmentera de 2 à 3 %. Ce dispositif permet ainsi de restaurer la compétitivité des entreprises françaises, et cela sans augmenter les prix des produits de première nécessité puisque les taux de TVA auxquels ils sont soumis restent inchangés. Il s’agit donc véritablement d’une opération gagnant-gagnant, qui permettrait, sans attendre 2018 et puisque les textes existent, de créer des milliers d’emplois à toute vitesse.
Mon amendement vise donc à supprimer l’abrogation, et à rétablir cette « TVA compétitivité » également appelée « TVA sociale ». Nous redonnerions ainsi d’un seul coup plusieurs points de compétitivité aux entreprises. Je rappelle que l’Allemagne et le Danemark l’ont fait, que ce dispositif ne pose absolument aucun problème de conformité aux règlements européens, qu’il s’agit d’un outil qui est déjà à notre disposition.
Madame la ministre, le président François Hollande a regretté d’avoir retiré la « TVA compétitivité » de sa boîte à outils. Je vous propose de rétablir cet outil, et de nous donner ainsi les moyens d’être efficaces très rapidement en matière de création d’emplois.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Notre collègue Alain Joyandet a présenté deux amendements : le premier vise à supprimer le CICE, et le second à redéployer les sommes qui lui sont allouées afin de rétablir la « TVA compétitivité emploi ».
Sur le fond, je partage totalement l’analyse d’Alain Joyandet.
M. Alain Néri. Le contraire nous aurait étonnés !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Cet outil a fait ses preuves dans un certain nombre de pays, et, nous le savons, le financement de notre protection sociale ne peut plus durablement reposer autant que c’est le cas aujourd’hui sur le travail. Nous sommes tous conscients qu’à un certain moment les petits ajustements consistant à augmenter certains éléments de 10 % et à en diminuer d’autres d’autant afin de réunir un panier de recettes permettant de financer les dépenses de la sécurité sociale ne suffiront plus.
En réalité, il y a quelques big bang à faire, et celui-là en est sûrement un. C’est pourquoi je rejoins bien volontiers sur le fond Alain Joyandet et les cosignataires de ces deux amendements.
Mais est-ce bien le texte où faire ce big bang ? Ces deux amendements pourraient être présentés lors de la discussion de la loi de finances. Je conçois que ce ne soit pas une réponse satisfaisante pour Alain Joyandet, à qui l’on a déjà dit que d’autres vecteurs étaient possibles…
M. Alain Joyandet. Ce n’est jamais le moment !
Mme Éliane Assassi. Comme pour l’égalité hommes femmes !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Mais j’ai tendance à dire qu’un compte à rebours est enclenché, et que chaque jour qui passe nous rapproche peut-être de la mise en œuvre de cette mesure.
La commission demande le retrait de ces deux amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. Mais, je le répète, cette réflexion est indispensable, et elle est d’ailleurs assez partagée sur différentes travées.
Je me souviens notamment que Jean Arthuis était très mobilisé sur cette question avec la commission des finances. Je crois que le souhait de trouver de nouveaux modèles de financement de notre protection sociale sans pénaliser la compétitivité des entreprises est partagé de manière assez transpartisane.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. J’émets pour ma part un avis défavorable, à la fois pour une question de forme et une question de fond.
Depuis son lancement en 2013, le CICE a déjà permis de redonner près de 30 milliards d’euros de marges aux entreprises, notamment aux TPE-PME qui en ont bénéficié à 50 %. Vous citez dans votre amendement l’étude de l’OFCE selon laquelle le CICE aurait déjà permis la création ou la sauvegarde 120 000 emplois. À cela, il faut ajouter l’évolution favorable du taux de marge des entreprises – il y a quelques instants, certains ironisaient lorsque je disais que ça allait mieux –, qui a augmenté de 2,2 points en 2015 pour atteindre 31,4 %, son plus haut niveau depuis 2011. Il faut également y ajouter la progression de l’investissement des entreprises, qui est bien sûr central, lequel a crû de 2,7 % en 2015, ce qui constitue sa plus forte hausse depuis 2011.
Le CICE est donc efficace pour redonner des marges de manœuvre à nos entreprises, stimuler l’investissement, la croissance et la création d’emplois. Son remplacement par une « TVA compétitivité emploi », qui n’a pas sa place dans ce projet de loi – c’est la question de forme –, puisqu’elle relève d’une loi de finances, serait à mon sens un coup très dur porté au pouvoir d’achat des ménages (M. Alain Joyandet hoche la tête en signe de dénégation.), alors que nous avons réussi à faire progresser, 1,6 % en 2015, ce qui constitue sa plus forte hausse depuis 2009. Elle serait en outre inéquitable, car, vous le savez, la TVA n’est pas progressive, et s’applique uniformément à l’ensemble des ménages quels que soient leurs revenus.
M. Alain Néri. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je ferai juste deux observations rapides.
D’une part, j’ai le souvenir, lors de la mise en place d’un certain nombre de modifications en direction des entreprises, que vous avez été les premiers à vous récrier sur la nécessité de maintenir une certaine stabilité en matière fiscale et sociale et de ne pas changer en permanence les règles du jeu.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Cela ne vous a pas gêné pour la loi Santé !
M. Jean-Louis Tourenne. Il serait regrettable d’annoncer aux entreprises que nous avons remplacé le CICE par la TVA sociale au détour d’un amendement.
D’autre part, si ce que vous avez dit est vrai, je m’étonne que ce dispositif n’ait pas été appliqué beaucoup plus rapidement. Il serait en effet miraculeux !
En réalité, une petite erreur s’est tout de même glissée dans votre raisonnement : lorsqu’on augmente le taux de TVA, on pratique certes une TVA « sociale » mais celle-ci pèse néanmoins sur les Français, qui voient les prix d’achat augmenter, et par conséquent, leur pouvoir d’achat rogné alors que celui-ci est aujourd’hui l’un des moteurs essentiels de la croissance.
Le seul avantage, il n’est pas mince, je vous le concède, est qu’en exportant hors taxe nous vendons nos produits moins cher, et qu’en appliquant la TVA sur les produits qui entrent sur notre territoire nous exerçons une forme de protectionnisme qui ne dit pas son nom et qui est relativement doux. Mais malgré cet avantage que présente ce dispositif, son rétablissement nous rendrait responsables de la perte de pouvoir d’achat d’un certain nombre de nos concitoyens, ce qui n’est pas un petit inconvénient.
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Monsieur Joyandet, on ne peut qu’être d’accord avec le début de votre exposé des motifs, où vous précisez qu’il convient de « favoriser le recrutement par les entreprises et d’endiguer le cataclysme du chômage qui touche de façon endémique notre pays depuis de nombreuses années ». Vous acceptez donc de partager la responsabilité de ce chômage endémique.
M. Alain Joyandet. Bien sûr !
M. Alain Néri. Vous poursuivez en nous disant que nos entreprises ont besoin de collaborateurs sereins, qui soient en mesure d’avoir un avenir lisible et en capacité de construire des projets personnels. Je partage totalement votre affirmation.
J’en profite pour dire à Mme la ministre que, il y a quelques instants, je n’ai pas du tout mis en cause le travail des fonctionnaires de Pôle emploi. Ce sont des gens de très grande qualité qui font un travail remarquable. Malheureusement, les résultats ne sont pas au rendez-vous, parce que si c’était le cas nous ne serions pas en train de débattre ! C’est pourquoi, comme l’avait fait Gaëtan Gorce, je propose de nouvelles formules, de nouvelles pistes.
Vous nous dites faire en sorte que les travailleurs aient un avenir lisible. Les travailleurs auront un avenir lisible à partir du moment où ils disposeront d’une garantie de l’emploi. Cette garantie de l’emploi ne peut être obtenue que grâce à une bonne formation.
Mme Nicole Bricq. C’est vrai !
M. Alain Néri. Mais les entreprises nous le disent, les formations qui sont données à leurs employés, à leurs salariés ne correspondent pas à leurs besoins. Pour que les formations correspondent aux besoins des entreprises, je crois qu’il faut développer et encourager la formation en alternance. Or, les chiffres des mois de juin, de juillet et d’août prochains nous le confirmeront sans doute, les entreprises ne prennent pas beaucoup de jeunes en alternance.
Madame la ministre, puisque le CICE a permis aux entreprises de récupérer plus de 27 milliards d’euros sous forme de crédits d’impôt, ce qui constitue tout de même un effort considérable de l’État en direction des entreprises, je vous propose, pour reprendre une des expressions préférées de la droite, de faire du gagnant-gagnant.
En reprenant une formule qui a été assez efficace pour l’emploi des personnes handicapées, l’on pourrait imaginer que les entreprises seraient bénéficiaires du CICE à partir du moment où elles auraient pris un certain pourcentage de jeunes en contrat d’alternance. Le quota était de 6 % pour les personnes handicapées, je ne sais pas s’il faut le fixer pour les jeunes en alternance à 6, 5, 7 ou 4 %. Nous pourrons en discuter, madame la ministre, mais je vous propose d’assortir le CICE de l’obligation pour les entreprises de prendre des jeunes en contrat d’alternance. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nicole Bricq. Bon, on vote ?
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Avec nos collègues des finances nous sommes un peu étonnés à la lecture de ces deux amendements de certains de nos collègues du groupe Les Républicains qui recommandent la disparition du CICE. Pour autant, madame la ministre, je ne partage pas votre vision sur cette mesure qui est coûteuse pour les finances publiques et, de surcroît, économiquement inefficace, prise par le gouvernement auquel vous appartenez dans le souci de restaurer les marges de nos entreprises, une restauration passant par un crédit d’impôt sans aucune obligation.
L’exposé des motifs des amendements de nos collègues nous confirme la nécessité de sortir de ces politiques d’aide aux entreprises fondées sur une conception qui considère que le coût du travail pénalise l’activité économique sans jamais s’interroger sur le coût du capital, sans s’inquiéter des conséquences d’une politique bancaire qui privilégie la finance plutôt que les secteurs créateurs d’emploi.
Le rapport de l’OFCE sur le CICE dont fait état cet exposé des motifs est beaucoup plus prudent. En effet, ce ne sont pas 120 000 emplois qui ont été créés grâce au CICE, ce sont 150 000 emplois qui devraient être créés sur une période de cinq ans. Le conditionnel n’est pas l’indicatif. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Et si ces emplois avaient été créés, ce sont 130 000 euros par an, Mme la ministre vient de rappeler le chiffre, pour la création d’un emploi avec le concours du CICE qui auraient été nécessaires. Quelle somme, dans un pays où la moyenne des salaires bruts mensuels peine à dépasser 2 200 euros !
Et nos collègues pensent qu’il n’y en a pas encore assez ! Pour financer la précarité grandissante du travail, ils nous appellent même à appliquer tout de suite une TVA à 25 % au taux normal ! Au-delà l’Europe ne le permettrait pas, donc on s’arrête à 25 %
Seulement voilà, cela ne suffira pas, et quand on voit le piteux résultat obtenu par le CICE au regard de la situation de l’emploi, l’on comprend que la TVA « compétitivité » n’est rien d’autre qu’une nouvelle charge fiscale transférée sur les ménages modestes, et c’est d’autant plus intolérable que ce sont ces ménages qui payent ensuite la facture en qualité de consommateurs.
Nous ne voterons donc pas ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Je voudrais remercier mon collègue Alain Joyandet pour son rappel de l’intérêt de transférer de la fiscalité de la production vers la consommation. Le coût du travail est en partie responsable du chômage dans notre pays.
Mme Éliane Assassi et M. Jean-Pierre Bosino. C’est le travail qui crée la richesse !
M. Olivier Cadic. Je remercie également notre rapporteur d’avoir rappelé l’action de Jean Arthuis dans ce domaine, notamment à travers son rapport de 1993. Les frontières de l’Union européenne venaient d’être ouvertes, et il expliquait que le monde avait changé, qu’il ne fallait pas que nos entreprises produisant en France soient en difficulté parce que les charges y étaient plus lourdes, et qu’il fallait donc transférer la fiscalité de la production vers la consommation.
C’était il y a vingt ans, et je m’en rappelle très bien parce que mon entreprise d’électronique était l’une des premières confrontées à cette vague, et que j’ai dû partir pour faire en sorte qu’elle résiste. Évoquer cela revient toutefois à retourner le couteau dans la plaie, puisque, en 2007, un certain Jean-Louis Borloo, ministre des finances éphémère du premier gouvernement de Nicolas Sarkozy, avait justement défendu cette approche, mais cela avait été reporté avant d’être finalement voté hélas, et je vous remercie de l’avoir dit, monsieur Joyandet, sans doute un peu trop tard.
Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, chaque jour nous rapproche de ce mouvement. Je suis également d’accord avec vous pour dire que cet amendement relève de la loi de finances. Soyons patients, le coût du travail est responsable, mais il n’est pas le seul responsable de notre chômage, la complexité de notre droit l’est aussi et c’est pour cela et à cela que nous travaillons maintenant.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Je ne dirai que quelques mots pour soutenir l’amendement d’Alain Joyandet. Nous sommes dans cet hémicycle non pas pour dire quel est le gouvernement qui aurait le plus fauté en matière de chômage, mais, sachant que personne ici ne détient « la » vérité ni ne prétend trouver « la » solution, pour essayer de trouver des leviers permettant d’enrayer le mal qui frappe notre pays.
La TVA sociale qui a été expérimentée dans d’autres pays est un levier efficace. Il n’est pas parfait, mais il s’inscrit dans une logique permettant de faire en sorte que les produits importés payent une petite partie de nos charges sociales, tandis que les prix des produits fabriqués dans notre pays n’augmenteront pas puisque l’on diminuera d’autant le coût de production par la réduction des charges sociales.
C’est un système logique, qui a fait ses preuves dans d’autres pays et que je soutiens donc très fortement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Bosino. M. Raison est logique dans sa logique,…
M. Jean-Claude Lenoir. Il a raison !
M. Jean-Pierre Bosino. … qui est aussi celle de MM. Cadic et Joyandet. Comme l’a dit Annie David, ce sont toujours les mêmes recettes qui sont préconisées. Vous souhaitez baisser le coût du travail, car vous considérez que le travail est d’abord un coût.
M. Michel Raison. Je n’ai pas dit ça !
M. Jean-Pierre Bosino. Nous, nous considérons que le travail est d’abord une richesse, et qu’il est créateur de richesse. Là est toute la différence.
Le CICE n’est déjà pas une bonne mesure. Il coûte cher pour des résultats quasi nuls en termes d’emploi. Mais vous voulez transférer encore davantage de charges vers les consommateurs avec ce que vous appelez « la TVA sociale ».
C’est quand même fort en termes d’abus des mots ! Vous parlez de coût du travail plutôt que de richesse, de plan de sauvegarde de l’emploi plutôt que de licenciements, et maintenant la TVA devient « sociale » alors que c’est l’impôt le plus injuste qui puisse exister, puisqu’il frappe les gens quels que soient leurs revenus. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine.)
Les dispositions que vous proposez vont toujours dans le même sens, parfaitement injuste. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. J’ai entendu les arguments du rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne : sans débattre sur le fond du dispositif que veut promouvoir notre collègue Alain Joyandet, ce n’est peut-être pas le lieu de voter la TVA compétitivité ou TVA sociale.
Toutefois, j’ai la conviction que le dispositif décrit et soutenu par notre collègue sera positif pour la France. (M. Jean-Claude Lenoir opine.) Mes chers collègues, nous pouvons au moins nous en tenir à observer la situation existant au Danemark ou en Allemagne : dès lors que les systèmes sociaux sont en compétitivité, si vous êtes contre le dumping social, vous pouvez défendre l’idée de « déporter » les recettes dont a besoin la sécurité sociale, pas uniquement celles qui portent sur le travail intégré dans les produits français vendus en France et ailleurs, mais surtout en France, mais aussi celles qui concernent les produits étrangers vendus en France, afin que ceux-ci puissent contribuer à l’équilibre de nos comptes sociaux.
Je ne vois pas quel parlementaire pourrait s’opposer à l’idée d’une compétitivité au moins sociale. Si, demain, la sécurité sociale n’a pour assiette que le travail, alors, vous le verrez, elle sera confrontée à de graves difficultés. (M. Jean-Claude Lenoir opine de nouveau.)
M. Jean-Pierre Bosino. Il faut faire contribuer davantage le capital !
M. Bruno Retailleau. Le Sénat avait commis un rapport il y a quelques années sur ce sujet. L’un de nos collègues nous a alertés sur le fait que la TVA compétitivité allait accroître le prix des produits français. C’est faux !
Dans un monde dans lequel sévit une extrême concurrence, on n’a pas observé d’inflation, ni d’augmentation des prix dans les pays ayant baissé les cotisations sociales, mais, en revanche, le chômage a baissé…
M. Jean-Pierre Caffet. C’est magique !
M. Bruno Retailleau. … et la balance commerciale a augmenté positivement, ce qui a eu des effets sur l’emploi. Pour la sécurité sociale, pour l’emploi, pour la balance commerciale, la TVA sociale est une mesure positive. On y reviendra. Je me rallierai évidemment à l’avis du rapporteur, mais Alain Joyandet a eu raison d’engager le débat ici au Sénat.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je veux rappeler quelques points essentiels qui ont été soulevés.
Madame la ministre, on peut dresser aujourd'hui le bilan du CICE.
Mme Nicole Bricq. Non, nous avons les chiffres de 2013 !
M. René-Paul Savary. On voit bien que le calcul est particulièrement compliqué : c’est au fil des années que cette mesure a pu être productive. Elle a créé un effet d’aubaine pour un certain nombre d’entreprises – tout le monde sait lesquelles sont ici visées ! Le CICE a donc ses limites.
D’ailleurs, des mesures avaient été prises pour combler les distorsions qui sont apparues. Le CICE posait un certain nombre d’autres problèmes, notamment des distorsions de concurrence, pour l’économie sociale et solidaire.
Même s’il a permis aux entreprises de récupérer sous forme de crédit d’impôt 27 milliards d’euros, ce n’est là que leur rendre leur argent ! Depuis quelques années, elles ont été ponctionnées bien plus largement que cela ! Cette mesure a été prise en catastrophe…
Mme Nicole Bricq. Non !
M. René-Paul Savary. … quand on s’est rendu compte que les entreprises n’étaient plus compétitives tant elles étaient ponctionnées.
Pour conclure, je veux dire qu’une telle mesure doit être prise en début de mandat et non pas en fin de mandat.
Mme Nicole Bricq. C’est ce que l’on a fait avec le CICE !
M. René-Paul Savary. On le voit bien, madame la ministre, les mesures prises en fin de mandat, telles que celles que vous défendez dans ce projet de loi, sont de nature à créer des difficultés. Dans le cas contraire, vous n’en récolterez même pas les fruits.
Tout cela mérite donc d’être discuté dans le cadre d’une stratégie et d’un projet novateur. (M. Olivier Cadic applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Madame la ministre, je serai bref, car tout a été dit.
Le CICE présente un avantage, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un crédit d’impôt perçu après le bilan. Pour créer des emplois ou soumissionner pour des marchés, les petites entreprises notamment tiennent compte de leurs frais, dont leurs charges actuelles : elles ne projettent pas de bénéficier du CICE un an et demi plus tard.
La TVA sociale défendue par M. Alain Joyandet est une bonne décision : elle permet de faire baisser immédiatement les charges, en particulier pour les petites entreprises qui n’ont pas beaucoup de trésorerie, et pourront alors créer tout de suite des emplois, sans attendre de percevoir le CICE un an et demi après.
Je ne reviendrai pas sur les effets engendrés sur les produits importés, M. Raison les a évoqués. L’augmentation de la TVA sur les produits importés peut être une bonne mesure, notamment pour l’agriculture.
Concernant les créations d’emploi, cela a été dit précédemment, elles ont peut-être été au rendez-vous, je n’en connais pas exactement le nombre. Mais, il faut le dire, grâce au CICE, certaines entreprises ont pu maintenir leur trésorerie, et ainsi conserver des emplois : elles avaient tout de même été massacrées au cours des deux premières années du quinquennat.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler. Je suivrai l’avis du rapporteur, tout en affirmant de nouveau que la TVA sociale est une bonne décision.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Je soutiens sans réserve la proposition de notre collègue Alain Joyandet.
Permettez-moi d’insister sur un point. Nous le savons, notre pays souffre d’une absence d’attractivité, et ce à deux niveaux.
Une attractivité pour les jeunes, pour ceux qui veulent créer.
Nous avons entendu précédemment un témoignage extrêmement intéressant de notre collègue Olivier Cadic, qui a rappelé qu’il avait choisi d’aller à l’étranger pour développer son activité.
Une attractivité pour les investissements étrangers en France.
Voilà trois semaines, le quotidien Les Échos a publié une étude extrêmement intéressante et très significative. Alors que les trois ou quatre pays majeurs qui nous entourent – il n’est pas nécessaire de les désigner ! – ont vu leur taux d’investissements étrangers progresser de 14 % au cours des cinq dernières années, le taux d’investissements étrangers en France s’est maintenu au même niveau pendant quatre ans, …
M. Jean-Pierre Caffet. Quel rapport avec la TVA sociale ?
M. Jean-Claude Lenoir. … et a connu un fléchissement de 2 % en 2015.
Il y a un décalage extraordinaire, malheureusement pour nous, entre les investissements réalisés en France et ceux qui sont réalisés dans les pays qui nous entourent. Pourquoi cette situation ? Les dirigeants des entreprises qui ont à choisir entre plusieurs pays le disent, cela est dû à la lourdeur du code du travail, au coût du travail, avec des effets très pénalisants.
Jean-Pierre Bosino nous a expliqué que le travail était non pas une charge, mais une richesse.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mais oui !
M. Jean-Claude Lenoir. Soit ! Mais la richesse est partagée par beaucoup de pays. Les gisements d’emplois sont à la fois plus nombreux et se sont étendus au cours des dernières années. On ne peut pas faire abstraction de l’attractivité exercée par des pays voisins, qui offrent une main-d’œuvre qualifiée et des conditions de travail satisfaisantes, avec, dans le même temps, des charges financières et administratives moins lourdes.
Pour ma part, je plaide pour une plus grande attractivité si l’on veut créer des emplois en France.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Je serai bref. Je suis très favorable à la TVA sociale pour financer notre protection sociale. (M. Patrick Abate s’exclame.)
Je veux m’adresser à nos collègues communistes qui nous objectent que les classes sociales les moins fortunées paieront. Un ménage avec un revenu de 1 500 euros par mois s’acquittera sans doute d’une TVA à 7 % et à 10 %. Mais un ménage gagnant 6 000 euros par mois et au-delà paiera quatre fois plus de TVA…
Mme Éliane Assassi. Forcément ! Il gagne quatre fois plus !
M. Gérard Bailly. …, sauf s’il place beaucoup d’argent. Mais, à mon avis, il dépensera ! Et, chers amis, il sera assujetti non pas à une TVA à 7 %, mais à une TVA beaucoup plus élevée, à 10 % et à 20 %.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas comme ça que cela se passe !
M. Gérard Bailly. Ce sont donc ceux qui auront les plus gros salaires qui paieront trois ou quatre fois plus pour la protection sociale.
M. Alain Néri. Quel rapport avec le chômage ?
M. Gérard Bailly. Essayez de me prouver le contraire ! Je ne pense pas que vous puissiez…
Enfin, s’agissant des produits importés, on voit bien la provenance de tous les produits que l’on trouve dans les grandes surfaces. Aujourd'hui, il faut bien aussi faire payer la protection sociale à ceux qui nous envahissent de produits.
Personnellement, je suis vraiment favorable à la TVA sociale. Que l’on me démontre que les classes sociales les moins aisées paieront davantage ! Ce n’est pas vrai. Elles paieront au maximum une TVA à 7 % ; alors que les autres paieront quatre fois plus. Et tant mieux si c’est ainsi !
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. Je suis un peu surpris par le débat. Je me demande si nous discutons encore du code du travail.
Mme Éliane Assassi. On a changé de texte !
M. Martial Bourquin. L’ordre du jour est suffisamment copieux pour que nous ne nous perdions pas dans un débat comme celui-ci, qui viendra en son temps. Je note que les chantres de la diminution des impôts proposent un impôt supplémentaire (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.),…
M. Alain Néri. Très bien !
M. Martial Bourquin. … qui sera payé par tout le monde. Dont acte !
M. François Grosdidier. Nous voulons diminuer les charges, ce que vous n’avez pas fait !
M. Martial Bourquin. Vous le savez très bien, avec la TVA sociale,…
M. François Grosdidier. Vous avez augmenté la TVA sans diminuer les charges !
M. Martial Bourquin. … la réduction des prix est hypothétique. Elle entraînera des dépenses supplémentaires pour celles et ceux qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts.
Dans une interview – je n’ai pas pour habitude de lire ses écrits ! (Sourires.) –, Alain Madelin s’étonne de voir la purge libérale qui se prépare (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) : « C’est du Robin des Bois à l’envers où l’on va prendre de l’argent aux pauvres pour le donner aux riches. » (Bravo ! sur les travées du groupe CRC.)
M. François Grosdidier. Quel rapport avec le code du travail ?
M. Martial Bourquin. J’aimerais bien que l’on en revienne à notre ordre du jour. Le débat sur la TVA sociale viendra en son temps ; nous avons aussi des arguments sur ce point. Pour l’heure, revenons-en à notre débat ! (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.
M. Dominique Watrin. Je serai assez bref, mais je veux répondre aux interpellations : à raisonnement idiot, raisonnement idiot et demi…
Si le travail est vraiment un coût, pourquoi voulez-vous augmenter sa durée ?
Mme Annie David. Eh oui !
M. Dominique Watrin. Voilà qui n’est pas très logique.
Sur le fond, il faut le savoir, quand une entreprise française verse un euro de cotisations sociales, elle verse en moyenne deux euros de dividendes aux actionnaires et d’intérêts aux sociétés financières. (M. Patrick Abate et Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudissent.)
Mme Annie David. Et voilà !
M. Dominique Watrin. On voit qu’une forme de consensus se dégage sur le CICE. Sans refaire le débat, notre collègue Annie David a montré que cette mesure coûtait cher. Est-ce là le meilleur moyen de relancer l’économie ? Avec 130 000 euros par emploi, on peut mieux utiliser l’argent public, l’argent des contribuables.
Un autre point me paraît important. L’idée qui semble sous-jacente à toutes ces propositions, quelles qu’elles soient, c’est que notre système de protection sociale serait devenu en quelque sorte financièrement insupportable.
Je l’avais dit dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et je le redis ici, le déficit de la sécurité sociale représente un découvert de quelques dizaines d’euros pour un salarié qui gagne 1 500 euros par mois. Ce n’est donc pas catastrophique.
Vous êtes tous des élus locaux, ou vous l’avez été. Aussi, avec la suppression de la taxe professionnelle, vous avez pu constater les dégâts provoqués par la déconnexion entre les impôts et les lieux de création de la richesse. On voit bien aujourd'hui la diminution des dotations de l’État. Il faut qu’il y ait un lien très serré entre les ressources de l’État, en l’occurrence celles de la sécurité sociale, et le lieu de création des richesses.
Dans le cadre du financement de la sécurité sociale, le problème réside dans les exonérations massives accordées aux entreprises. Je vous le rappelle, dans le budget de la branche famille de la sécurité sociale, les exonérations massives de cotisations sociales jusqu’à 1,8 SMIC, la suppression de la C3S, la contribution sociale de solidarité des sociétés, et bien d’autres encore.
Pour en revenir au code du travail, et j’en terminerai par là, on observe actuellement une évolution du statut des actifs : de moins en moins de salariés (MM. Jean-Noël Cardoux et Rémy Pointereau ainsi que Mme Marie-Annick Duchêne frappent sur leur pupitre en signe d’impatience.), avec les ubérisés et les faux indépendants. Redonner à la sécurité sociale toutes ses ressources fait partie du débat relatif au code du travail. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je serai bref, car je ne suis pas du tout un technicien des finances.
M. Martial Bourquin. Cet amendement est un cavalier législatif !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Que je sache, le CICE est un crédit d’impôt ; il ne s’agit donc pas d’un impôt supplémentaire. Il est prélevé directement sur le budget de l’État. C’est plutôt l’État qui fait des crédits d’impôt aux entreprises.
La TVA sociale a été mise en place par le président Sarkozy à la fin du quinquennat précédent, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2013. Cette mesure a été abrogée en août 2012. De nombreuses modifications ont été apportées depuis 2012 concernant les cotisations sociales ; la TVA a même augmenté sous la présidence Hollande. On ne sait donc pas très bien quelles seraient les conséquences de la TVA sociale, puisqu’elle a été abrogée.
Comme l’a relevé le rapporteur, l’idée n’est pas mauvaise. J’ai entendu certains d’entre vous dire que cette mesure pourrait être une bonne idée pour financer la protection sociale. Mais la décision n’a pas été prise : la protection sociale peut être financée par les cotisations sociales, ou par la TVA ou par la CSG. Or, à ce stade, personne n’a encore pris de décision sur ce sujet aussi important.
L’idée est bonne. Mais l’amendement ne prévoit pas les modalités d’application de cette mesure et on ne sait pas les effets de celle-ci.
C’est pourquoi le rapporteur a demandé le retrait de cet amendement, dans l’attente d’engager une réflexion plus approfondie sur cette question. Je le répète, on ne sait pas aujourd'hui comment on pourrait appliquer cette mesure. Voilà tout simplement ce qu’a dit le rapporteur, et je vous demande de le suivre.
M. le président. Monsieur Joyandet, l’amendement n° 988 est-il maintenu ?
M. Alain Joyandet. Je tiens tout d’abord à dire que nous sommes au cœur de l’ordre du jour : « nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s. », comme le précise l’intitulé du présent projet de loi.
Permettez-moi de formuler quelques observations.
Chacun doit reconnaître la bonne foi de l’autre. Dans cette affaire, point de caricature. Madame la ministre, vous l’avez vu lorsque j’ai présenté mon amendement, tout en rendant hommage au CICE, j’ai regretté qu’il ne s’agisse que d’un crédit d’impôt, car ce n’est pas facile à vivre pour les entreprises. Aussi, j’ai proposé de le remplacer par une baisse de charges structurelles (Mme Nicole Bricq s’exclame.) visible, facile à constater pour les entreprises. C’est un chef d’entreprise qui vous parle. Je vous demande simplement de croire en ma bonne foi. J’estime que cette mesure peut être utile, rapide et créatrice de nombreux emplois.
Je vois aujourd'hui combien les PME galèrent pour récupérer leur crédit d’impôt, et c’est pire encore pour les entreprises plus importantes ; je puis vous soumettre, madame la ministre, des exemples d’entreprises à qui vous refusez par écrit de verser ce crédit d’impôt pour moult raisons – elles sont nombreuses.
Le CICE a créé des emplois, je ne le nie pas. Mais je dis simplement que si nous transformions cette mesure en baisse de charges, celle-ci serait beaucoup plus efficace et durable, et le nombre d’emplois créé serait, selon moi, bien plus important.
À cet égard, j’apporterai plusieurs précisions.
Ne croyez pas, mes chers collègues, que notre position relève d’un libéralisme échevelé. Car oui, bien sûr, quoi que certains en disent, la TVA sociale est sociale !
Prenons un exemple concret – un exemple qui devrait vous être agréable, mon cher collègue qui êtes élu du pays de Montbéliard : si l’on augmente la TVA mais que l’on baisse les charges, le prix d’une Peugeot 508 reste inchangé pour celui qui l’achète ; en revanche, le prix d’une grosse Mercedes achetée par un Français augmente, car, grâce à la TVA sociale, cette voiture contribue au financement de notre modèle social. Preuve que la TVA sociale est bien sociale !
En outre, comme l’a expliqué Gérard Bailly, la TVA est aussi progressive, puisque celui qui achète une Peugeot 206 ne paie pas le même montant de TVA que celui qui achète une grosse Mercedes, surtout si la TVA sociale est instaurée. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Comme j’ai besoin d’une minute supplémentaire pour terminer ma démonstration, je vous propose, monsieur le président, de renoncer à mon temps de parole sur l’amendement n° 989, pour que vous m’autorisiez à poursuivre.
M. le président. Je regrette, mon cher collègue, mais nous examinons présentement l’amendement n° 988.
M. Alain Joyandet. C’est entendu, monsieur le président, mais je suis également l’auteur de l’amendement suivant, l’amendement n° 989. Je vous propose donc de défendre les deux ensemble pour nous faire gagner du temps.
M. le président. Monsieur Joyandet, nos collègues se sont déjà exprimés sur l’amendement n° 988. Il doit être mis aux voix avant que l’amendement n° 989 ne soit appelé en discussion.
M. Alain Joyandet. Je ne crois pourtant pas avoir abusé de mon temps de parole. Hier, nous avons passé toute la nuit sur cinq amendements ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Voilà trois quarts d’heure que nous débattons de celui-ci !
M. Alain Joyandet. Toutefois, puisque vous êtes aussi formel, monsieur le président, je reprendrai la parole dans quelques instants pour défendre l’amendement n° 989.
Mme Éliane Assassi. C’est le règlement !
M. le président. Monsieur Joyandet, qu’advient-il de l’amendement n° 988 ?
M. Alain Joyandet. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 988 est retiré.
L'amendement n° 989, présenté par MM. Joyandet, J.P. Fournier, D. Laurent, Dufaut, Huré, B. Fournier, Nougein, Masclet et Vasselle, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1er de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est abrogé.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Joyandet.
M. Alain Joyandet. Dans ma recherche de législateur, et de législateur qui n’est pas plus libéral que vous, chers collègues de l’opposition sénatoriale, j’essaie simplement de trouver une solution pour créer des emplois et pour réformer la vie interne des entreprises, sans que cela se fasse sur le dos des travailleurs. Or, voyez-vous, je préfère la TVA sociale à l’article 2 de Mme El Khomri !
En effet, moi qui, comme chef d’entreprise, ai des collaborateurs de quarante ans qui se lèvent à deux heures du matin pour faire des heures supplémentaires majorées de 25 %, je n’ai pas envie que, à cause d’une loi, il y ait un risque que j’aille leur expliquer que, peut-être, dans un mois, dans deux ou dans six, leurs heures supplémentaires ne seront plus majorées que de 10 %. Je trouverais cela beaucoup plus antisocial que la TVA sociale ! (M. Michel Le Scouarnec applaudit.)
Les sénateurs de mon groupe le savent bien ; c’est le parti socialiste qui nous propose l’article 2 du projet de loi, monsieur Bourquin ! Hier, nous avons passé toute la nuit, pour ceux qui étaient là, sur cinq amendements qui n’avaient aucune chance d’aboutir, et alors que la réforme du code du travail qu’une commission est censée préparer ne verra jamais le jour. Au passage, mes chers collègues, je me demande à quoi nous servons, nous parlementaires, si nous ne sommes pas capables de réformer nous-mêmes le code du travail… C’est pourquoi j’ai pris, en m’abstenant sur l’article 1er, une position qui n’était pas totalement celle de mon groupe.
Je vais également retirer l’amendement n° 989, parce que j’entends ce que me dit M. le rapporteur ; mais je maintiens que je préfère la TVA sociale, qui soutiendrait la compétitivité des entreprises et faciliterait la création d’emplois sans que cela se fasse sur le dos des travailleurs, à ce que nous propose le Gouvernement, car si la petite loi qu’on nous annonce devait voir le jour, ce qui est hautement improbable, ce serait la première fois que le parti socialiste proposerait une telle régression sociale. Moi, en tant qu’employeur, je ne soutiens pas ce machin-là et je prétends que la TVA sociale est sociale ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Mmes Élisabeth Doineau et Françoise Gatel applaudissent également.)
M. François Grosdidier. Voilà !
M. Alain Joyandet. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 989 est retiré.
Chapitre Ier bis
Renforcer la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes
M. le président. L’amendement n° 242 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cette division et son intitulé.
La parole est à M. Olivier Cadic.
M. Olivier Cadic. En vue de simplifier le code du travail, nous vous proposons de supprimer le chapitre Ier bis du projet de loi, intitulé « Renforcer la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ».
Nous parlons en effet du code du travail. Or le harcèlement est déjà défini par le code pénal, qui s’applique à tous et dans toutes les situations. Plus précisément, l’article L. 222-33-2 de ce code punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Si nous devons modifier l’état du droit en matière de harcèlement, de discriminations ou d’agissements sexistes, il faut le faire dans le code pénal !
Aujourd’hui, notre droit est dupliqué : il faut se référer à la fois au code pénal et au code du travail, dont, de surcroît, les définitions du harcèlement moral ne sont pas identiques, puisque, selon celui que l’on applique, on ne doit pas établir les mêmes preuves pour constituer le délit. Selon moi, le harcèlement et la discrimination au sens large doivent être poursuivis de la même façon partout où il y a des victimes, que ce soit dans la rue, les transports ou les entreprises.
Mes chers collègues, faisons un droit simple, cohérent et, surtout, appliquons-le !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement, dans la mesure où elle a adopté les articles 1er bis à 1er quinquies du projet de loi. Supprimer la division chapitre Ier bis et son intitulé présupposerait que nous allons supprimer l’ensemble de ces articles. Nous discuterons du fond à propos de chacun des articles.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je suis résolument défavorable à cet amendement, puisque vous souhaitez supprimer l’ensemble des articles du projet de loi qui renforcent la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
Je vous avoue, monsieur Cadic, que votre proposition m’inspire un certain étonnement. En effet, la situation actuelle dans ce domaine est préoccupante, ce que nous ne pouvons tolérer. Le combat est donc loin d’être fini et nous devons tout mettre en œuvre pour le mener. (Mmes Annie David et Laurence Cohen opinent.)
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Il serait dommage que cet amendement ne soit pas adopté, car notre objectif doit être de simplifier le code du travail. Chacun sait que celui-ci est extrêmement épais et quasiment incompréhensible pour beaucoup. Le simplifier est donc indispensable.
Des dispositions relatives au harcèlement figurent également dans le statut général des fonctionnaires. Il est temps que l’on s’en tienne à une seule référence, sans doute celle du code pénal, appliquée de façon systématique. Ainsi, nous éviterons la coexistence d’approches différentes et, surtout, nous simplifierons le droit, ce qui n’empêche pas bien sûr de devoir respecter les uns et les autres et en particulier réprimander ces types d’agissements. (Plusieurs sénatrices du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain s’indignent de l’emploi du verbe « réprimander ».)
M. le président. Monsieur Cadic, l’amendement n° 242 rectifié est-il maintenu ?
M. Olivier Cadic. Comment appliquons-nous les lois que nous votons dans ce domaine ? Tel est le fond du problème. Ce n’est pas parce qu’on écrit une règle trois fois qu’on la fait mieux appliquer !
De jeunes Français vont parfois chercher un emploi dans un autre pays, où ils ne sont pas discriminés à cause de leur nom, alors qu’ils ont le sentiment de l’être en France.
En ce qui concerne le harcèlement, pensons à celui qu’exercent sur certains jeunes leurs propres parents. Nous avons fait un beau texte sur le mariage forcé. Résultat : trois condamnations ont été prononcées en 2013 et trois autres en 2014. Quand je vais au Maroc, tous les mariages sont arrangés ! Il y a là aussi une pression de la part des parents sur les enfants.
Le harcèlement et les discriminations sont une réalité dans la rue, le métro et dans nombre d’autres endroits. Je ne vois vraiment pas pourquoi il faudrait dupliquer le droit ; on doit appliquer le code pénal, et voilà tout !
Comme il paraît que nous aurons du mal à faire comprendre notre démarche et que nous n’arriverons pas à parler du vrai sujet, nous avons décidé de retirer l’amendement n° 242 rectifié, ainsi que les amendements nos 248 rectifié, 246 rectifié, 247 rectifié et 249 rectifié. Reste que, en discutant de tout cela, on se fait surtout beaucoup plaisir…
M. le président. Les amendements nos 242 rectifié, 248 rectifié, 246 rectifié, 247 rectifié et 249 rectifié sont retirés.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. J’avertis nos collègues membres de la commission des affaires sociales que nous nous réunirons à vingt heures trente, soit une heure avant la reprise de la séance publique.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.)
PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus aux amendements portant articles additionnels avant l’article 1er bis.
Articles additionnels avant l’article 1er bis
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 286 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Longeot, Capo-Canellas et Roche, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Deromedi, M. Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 424 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1142–2–1 du code du travail, il est inséré un article L. 1142–2–2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-2-2. – Nul ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements sexistes ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, y compris lorsque l’agissement sexiste n’est pas répété ».
La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l’amendement n° 286 rectifié bis.
M. Gérard Roche. Cet amendement proposé par Mme Chantal Jouanno vise à insérer dans le code du travail un article relatif à l’interdiction de tout agissement sexiste dans les entreprises, à l’image des articles du même code protégeant les salariés contre des mesures de discrimination, de harcèlement moral et sexuel.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 424.
Mme Corinne Bouchoux. J’attire votre attention sur le fait que cet amendement est identique à celui qui a été déposé par Mme Jouanno et défendu par des collègues de toutes les travées de l’hémicycle.
Le code du travail prévoit des dispositions visant à protéger les personnes contre des mesures de rétorsion dont elles pourraient faire l’objet pour avoir subi, refusé de subir, témoigné ou encore relaté des faits de harcèlement sexuel, moral ou de discrimination. Ces dispositions contribuent à aider les femmes, qui en sont le plus fréquemment victimes, à lutter contre des faits de harcèlement et de discrimination qui participent à l’inégalité entre les hommes et les femmes.
Le présent amendement a pour objet d’étendre ces outils juridiques à tout agissement sexiste. En effet, pour rendre effective la lutte contre les agissements sexistes, les salariés doivent être en mesure de s’opposer à un tel comportement sans craindre d’en subir les conséquences dans leur vie professionnelle.
Nous sommes convaincus que la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes est subordonnée à la lutte contre les agissements sexistes dans tous les milieux professionnels. C’est pourquoi il convient d’aligner le régime juridique relatif aux agissements sexistes, et en particulier les dispositions relatives à la protection des salariés, sur celui de la discrimination, du harcèlement moral et sexuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’agissement sexiste est évidemment une forme de discrimination fondée sur le sexe. M. de La Palice en aurait dit autant !
Or cette forme de discrimination est déjà explicitement visée à l’article L. 1132–1 du code du travail, qui dispose qu’aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement en raison de son sexe, notamment.
L’article L. 1132–3 du même code couvre quant à lui l’ensemble des personnes qui pourraient témoigner de tels agissements, puisqu’il prévoit qu’« aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis à l’article L. 1132-1 ». Par conséquent, nous estimons qu’un régime juridique protégeant les personnes qui relatent de tels agissements discriminatoires s’applique d’ores et déjà.
Au bénéfice de ces explications, la commission vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir retirer vos amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Plusieurs amendements ont été déposés sur le thème des agissements sexistes. Je m’efforcerai d’y apporter une réponse globale et précise, dans la mesure où ce sujet a fait l’objet de nombreuses préoccupations lors de l’examen du texte en commission à l’Assemblée nationale.
Je tiens tout d’abord à dire que je partage totalement l’intention des auteurs des amendements, à savoir lutter contre les agissements sexistes dans le monde du travail. Il est vrai que ce type de comportement est particulièrement inacceptable : toutes les femmes doivent pouvoir se rendre au travail sans être intimidées, moquées ou rabaissées par certains de leurs collègues qui font preuve d’une mentalité d’un autre temps.
C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans la lutte contre cette forme d’agissements, comme aucun gouvernement ne l’a fait jusqu’à présent.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de revenir un peu en arrière et de vous parler de la loi Rebsamen du 17 août 2015. Dans le cadre de la loi relative au dialogue social et à l'emploi, nous avons introduit la notion d’agissement sexiste – cette notion n’existait pas dans le droit du travail jusqu’alors – pour l’interdire. Il s’agissait d’une mesure essentielle et d’un pas en avant extrêmement important, car c’est en nommant les choses que l’on peut agir sur la réalité.
Aujourd’hui, grâce à ce projet de loi, nous faisons des avancées positives sur la question des agissements sexistes. En effet, le texte prévoit que le règlement intérieur de chaque entreprise devra rappeler l’interdiction des agissements sexistes dans l’entreprise, que les risques liés à ces agissements feront désormais partie intégrante du champ des mesures de prévention qui incombent à l’employeur, et que le CHSCT, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, devra désormais proposer des actions de prévention des agissements sexistes.
C’est toute la communauté de travail qui sera ainsi mobilisée pour prévenir de telles dérives.
Ensuite, je veux dire ici de manière très claire que les agissements sexistes, si nuisibles soient-ils – et je ne suis pas du tout là pour en minorer l’importance –, ne peuvent être qualifiés de harcèlement sexuel. En effet, la loi définit de manière précise ce qu’est le harcèlement sexuel : il s’agit d’actes répétés ou d’une pression grave en vue d’obtenir un acte de nature sexuelle. Ce n’est donc pas la même chose que les agissements sexistes, même si nous devons également combattre ce type de comportement !
Le harcèlement implique des atteintes à l’intégrité physique et morale de la personne qui en est victime. Il légitime l’existence d’un régime de sanctions particulièrement sévères comme la nullité de tous les actes qui sanctionneraient une personne témoignant ou relatant de tels faits, des sanctions pénales pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement, des amendes dont le montant peut s’élever jusqu’à 30 000 euros ou encore, en amont, un régime de preuve aménagé pour faciliter la preuve du harcèlement, introduit par le présent projet de loi.
L’agissement sexiste, aussi condamnable soit-il, ne remet pas en cause cette intégrité physique. Si c’était le cas, on basculerait alors dans une situation que l’on peut qualifier de harcèlement.
Je crois qu’il est important de dire dans cet hémicycle que vouloir étendre aux agissements sexistes le régime juridique applicable au harcèlement, c’est nier le fait qu’une échelle des peines, qui soit évidemment proportionnée aux manquements constatés, est nécessaire. C’est quelque part contribuer à banaliser le harcèlement.
Cela ne veut pas pour autant dire que les agissements sexistes ne seront pas sanctionnés. Les juges pourront prononcer des sanctions civiles et pénales lorsque, par exemple, les agissements sexistes se traduisent par des faits de discrimination.
Concrètement, si un salarié était licencié, il pourrait voir son licenciement annulé. Si ce salarié demandait par ailleurs à être réintégré, il le serait de droit dans le poste ou l’emploi équivalent à celui qu’il occupait et se verrait verser les salaires qu’il aurait dû toucher dans la période comprise entre son licenciement et sa réintégration.
Dans le cas où il subirait une sanction sans licenciement, il verrait sa sanction annulée, le préjudice qu’il aurait subi réparé par le conseil des prud’hommes et, le cas échéant, pourrait demander qu’une sanction pénale soit appliquée à l’employeur.
Voilà ce qu’il m’apparaissait important d’expliquer à propos de tous ces amendements sur les agissements sexistes. Même s’il est évident qu’il nous faut combattre ces agissements et même si le projet de loi prévoit d’améliorer le régime juridique caractérisant ces agissements, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 286 rectifié bis et 424.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 287 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Longeot, Roche et Capo-Canellas, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Deromedi, M. Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 425 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Avant l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1142-2-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1142-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1142-2-… – Toute disposition ou tout acte contraire aux articles L. 1142-2-1 et L. 1142-2-2 est nul. »
La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l’amendement n° 287 rectifié bis.
M. Gérard Roche. Cet amendement a pour objet d’aligner le régime juridique relatif aux agissements sexistes sur celui de la discrimination, du harcèlement moral et sexuel. Il s’agit d’instaurer un régime de la nullité applicable aux actes et pratiques contraires au principe d’interdiction de tout agissement sexiste.
Selon l’adage « pas de nullité sans texte », il faut considérer les actes pris à l’égard d’un salarié ou d’une salariée en méconnaissance des dispositions relatives à l’interdiction de tout agissement sexiste comme nuls.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 425.
Mme Corinne Bouchoux. Je vous remercie, madame la ministre, de votre explication longue, relativement pédagogique et convaincante.
Néanmoins, compte tenu des auditions menées par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale et des personnes auditionnées par la délégation aux droits des femmes du Sénat, il nous a semblé important d’étendre le régime de la nullité aux agissements sexistes. Les actes pris en méconnaissance des dispositions relatives aux agissements sexistes seraient de fait annulés. Nous sommes convaincus qu’il s’agit là de l’un des principaux moyens pour limiter de tels agissements dans l’entreprise.
Je conçois parfaitement que M. le rapporteur et Mme la ministre ne partagent pas notre position. Cependant, je maintiendrai mon amendement dans un souci de cohérence et par respect pour le travail conduit par la délégation aux droits des femmes. Pour l’histoire, il sera consigné au Journal officiel que nous avons tenu bon sur ce point !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. L’article L. 1132–4 du code du travail prévoit déjà que « toute disposition ou tout acte pris à l’égard d’un salarié pris en méconnaissance » des articles relatifs à la discrimination est nul. Par conséquent, il en est de même pour les agissements sexistes.
Nous partageons naturellement les préoccupations des auteurs des amendements. Néanmoins, au regard de ces explications, la commission leur demande, comme elle l’a fait pour les précédents amendements, de bien vouloir retirer leurs amendements, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Défavorable, conformément à l’explication que j’ai fournie à l’occasion de l’examen des deux amendements précédents.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 287 rectifié bis et 425.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 292 est présenté par Mmes Meunier, Blondin, Lepage et Génisson, M. Courteau, Mmes Monier, Conway-Mouret, D. Michel et Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas et Féret, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 428 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 464 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 927 rectifié est présenté par Mme Laborde, MM. Barbier, Bertrand et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Vall.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Avant l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 1144-1 du code du travail, les mots : « et L. 1142-2 » sont remplacés par les mots : « , L. 1142-2 et L. 1142-2-1 ».
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 292.
Mme Michelle Meunier. Malgré les explications données par Mme la ministre, je tiens à présenter cet amendement de coordination, qui vise à modifier l’article L. 1144–1 du code du travail et à préciser clairement que le régime de l’aménagement de preuve, aujourd’hui applicable dans l’entreprise aux discriminations à raison du sexe, s’applique également aux actions en justice engagées sur le fondement de l’article L. 1142–2–1 relatif aux agissements sexistes.
Outre le fait que cet amendement s’inscrit dans le droit fil des dispositions prévues par la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, son adoption s’impose d’autant plus, à nos yeux, que le présent projet de loi prévoit d’harmoniser le régime de la preuve applicable en matière de discrimination et de harcèlement sexuel et moral, et conforte l’importance du principe de l’interdiction de tout agissement sexiste au travail.
Madame la ministre, vous nous avez dit que nommer un fait ou en parler, c’était déjà agir. Je vous rejoins à 100 % sur ce point. J’ai gardé très distinctement en mémoire le témoignage d’une femme venue faire part de son expérience du monde du travail devant la délégation aux droits des femmes du Sénat. Elle nous avait alors appris qu’à une époque, quelqu’un déposait tous les jours sur son bureau un calendrier à caractère pornographique, qui contenait des images sans aucune ambiguïté.
Sans pour autant établir un lien de cause à effet, on peut tout de même reconnaître un continuum entre agissements sexistes à l’égard des femmes et violences. Plus on est dans la prévention et plus tôt on sanctionne ce type de comportement, mieux c’est !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 428.
Mme Corinne Bouchoux. En matière de discrimination, le régime de la preuve obéit à des règles particulières.
En effet, par définition, il est complexe de démontrer qu’une discrimination a eu lieu. C’est pourquoi la charge de la preuve est généralement facilitée pour les salariés qui doivent présenter des éléments de fait qui laissent supposer l’existence d’une discrimination. Il appartient à l’employeur de démontrer que sa décision résulte de causes étrangères à toute discrimination.
La loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations a assimilé les agissements sexistes à une forme de discrimination fondée sur le sexe. La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi en a ensuite codifié le principe.
Le présent amendement vise à tirer les conséquences de cette assimilation des agissements sexistes à des faits de discrimination. Il convient, selon nous, d’appliquer à ces agissements les mêmes règles en matière de charge de la preuve que pour les faits de discrimination. Nous proposons une modification rédactionnelle à l’article L. 1144–1 du code du travail pour préciser que le régime de l’aménagement de la preuve, aujourd’hui applicable aux discriminations, doit aussi s’appliquer aux agissements sexistes.
Comme l’a dit notre collègue Michelle Meunier, un certain nombre d’études ont montré que les faits, même s’ils sont disjoints et différents, obéissent très souvent en pratique à un continuum entre sexisme et agissements coupables.
Mes chers collègues, même si l’amendement n’est pas adopté aujourd’hui, nous devrons un jour le voter, parce que la réalité est implacable et que la situation n’avance malheureusement pas ! Madame la ministre, la prudence dont vous faites preuve ce soir est compréhensible. Toutefois, nous ne la partageons pas et aimerions vraiment que les choses bougent sur ce point !
M. le président. La parole est à Mme Annie David pour présenter l'amendement n° 464.
Mme Annie David. Je vais joindre ma voix à celles de mes deux collègues…
M. Jean Desessard. … féministes.
Mme Annie David. … féministes, en effet, Mmes Corinne Bouchoux et Michelle Meunier.
Mon amendement de coordination tend à préciser la rédaction de l’article 20 de la loi Rebsamen du 17 août 2015 qui définit l’agissement sexiste comme « tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » En cas de litige, c’est à la partie défenderesse, c’est-à-dire à la personne accusée, de prouver son innocence, et non à la victime de prouver la culpabilité de son agresseur.
Il semble essentiel pour plusieurs raisons de faire appliquer ce régime dans tous les cas de litiges relatifs aux agissements sexistes. En l’état du droit, seuls les cas de discrimination sexuelle au recrutement sont soumis à ce principe d’exception.
Mon amendement doit contribuer à l’harmonisation du régime juridique de la charge de la preuve en la matière. Il vise aussi à augmenter l’efficacité de la lutte contre les agissements sexistes. En effet, malgré la rareté des chiffres, le constat est accablant. Selon le rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, 80 % des femmes ont déjà rencontré un comportement sexiste dans leur carrière. On parle ici de toutes les formes de sexisme, de la remarque déplacée au harcèlement ou au viol.
La question du sexisme dans l’entreprise est encore taboue. Ainsi, Marie Pezé, psychanalyste et experte à la cour d’appel de Versailles, estime que seules 10 % des victimes d’agressions sexuelles en entreprise portent plainte. Peur du licenciement et du chômage, pressions extérieures, sentiment de honte, peur de ne pas être cru, les raisons sont nombreuses.
Inverser la charge de la preuve en matière d’agissements sexistes constituerait un signal fort en direction de toutes les victimes. Cela permettrait – je l’espère – que les comportements évoluent et que la justice puisse faire son travail. Évidemment, cela ne réglera pas tout : il faudra encore beaucoup de temps pour que l’on reconnaisse aux femmes leurs compétences et leur apport dans le monde du travail, et ce quelles que soient les sphères de la société concernées.
Cela étant, mes chers collègues, en adoptant cet amendement aujourd’hui, nous ferions un vrai pas en avant !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 927 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Arrivant en quatrième position, je serai tentée d’annoncer cet amendement défendu. Mais j’ajouterai tout de même qu’il s’agit ici de préciser que le régime de l'aménagement de la preuve aujourd'hui applicable aux discriminations en raison du sexe dans l'emploi s'applique également aux actions en justice engagées sur le fondement de l'article L. 1142-2-1 relatif à l'agissement sexiste. Je tenais à insister fortement sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Encore une fois, tout en partageant certaines des orientations évoquées ici, la commission a formulé une demande de retrait ; à défaut, son avis sera défavorable.
Les agissements sexistes entrent, la plupart du temps, dans le régime de la discrimination. S’ils ont un réel caractère répétitif, ils peuvent être considérés – de manière exceptionnelle, comme l’a précisé Mme la ministre – comme du harcèlement. Pour chacune des formes, effectivement, le régime de la preuve est distinct.
Il nous a donc semblé que le droit existant prenait toutes les possibilités en compte. Mais j’entends les attentes exprimées et le Gouvernement, je pense, pourra utilement nous éclairer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Mon argumentation ira dans le même sens que celle que j’ai exposée précédemment.
Nous évoquons ici une notion tout à fait récente (Mme Françoise Laborde opine.), puisqu’elle a été mise en œuvre dans le cadre de la loi relative au dialogue social et à l’emploi. De ce fait, nous ne cernons pas encore la pratique des tribunaux.
Vous avez raison, madame Bouchoux, lorsque vous dites que des amendements de cette nature seront tôt ou tard adoptés. Mais à ce stade, je reste très prudente. Le cas du viol, par exemple, qui a été évoqué, ne correspond en rien à un cas d’agissement sexiste.
La frontière entre viol, harcèlement sexuel et agissement sexiste doit donc être établie, et nous devons parvenir à une gradation des sanctions pour ne banaliser aucun d’entre les trois.
Donc, observons la mise en œuvre de la loi du 17 août 2015 et faisons évoluer le droit si le dispositif juridique s’avère insatisfaisant.
La distinction entre le régime des agissements sexistes et celui du harcèlement tient à la gravité toute particulière de ce dernier, comme je l’expliquais précédemment – le harcèlement porte effectivement atteinte à l’intégrité morale ou physique de la personne. Pour autant, les agissements sexistes sont bien évidemment condamnables, même si, à ce stade, il est sans doute excessif de permettre un régime de la preuve dérogatoire comme pour le harcèlement.
Les notions, je le répète, sont différentes et l’une d’entre elles a été mise en œuvre très récemment dans notre droit.
C’est pourquoi, invitant encore à un peu de prudence, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Jusqu’à présent, seules des collègues femmes se sont exprimées ; je tiens donc à signaler que je soutiens ces amendements, et ce pour au moins deux raisons.
Tout d’abord, les femmes sont aujourd'hui de plus en plus nombreuses à vouloir s’engager dans des métiers assez inhabituels pour elles. Or certaines traditions propres aux univers masculins peuvent, malheureusement, créer un milieu parfaitement hostile pour toute femme qui souhaiterait intégrer l’entreprise en question.
L’adoption de cet amendement offrirait une protection à cet égard.
Par ailleurs, l’agression sexiste peut prendre des formes très variées. J’ai par exemple été conduit à dénoncer une publicité affichée dans les établissements d’une chaîne de salons de beauté – je ne citerai pas la marque. Le slogan, tout à fait désastreux, comporte des propos épouvantables concernant les femmes. Celles qui travaillent dans ces salons de beauté doivent le subir tous les jours, et c’est une véritable agression sexiste.
Voilà donc un amendement d’appel, dont l’importance est certaine : dans les entreprises, les femmes ne doivent plus être inquiètes à l’idée d’intégrer des milieux masculins, portant parfois, malheureusement, certains désordres ; dans des professions organisées en franchisés, tenus à l’obligation de publicité, elles ne doivent pas subir des publicités franchement désagréables.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Après que la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi a prévu cette notion d’agissements sexistes, le présent projet de loi tend à préciser trois points, répondant, en ce sens, à votre préoccupation : un, le règlement intérieur de chaque entreprise devra rappeler l’interdiction des agissements sexistes ; deux, les risques liés aux agissements sexistes feront désormais partie intégrante du champ de mesures de prévention incombant à l’employeur ; trois, le CHSCT devra désormais proposer des actions de prévention des agissements sexistes.
Ici, nous évoquions la question spécifique du régime de la preuve, d’où la frontière entre agissements sexistes et harcèlement sexuel. (Mme Françoise Laborde opine.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Il ne nous avait pas échappé que le présent projet de loi comportait des mesures nouvelles, notamment l’introduction, dans le règlement intérieur de l’entreprise, d’un rappel de l’interdiction des agissements sexistes. Toutefois, aucune mesure coercitive n’est prévue derrière !
Certes, c’est marqué dans le règlement intérieur, mais que se passe-t-il si les agissements continuent ?
Je rappelle que les agissements sexistes prennent de nombreuses formes, certaines très violentes. Jean-Pierre Godefroy évoquait des publicités, mais cela peut être, quotidiennement, des plaisanteries (M. Jean-Pierre Godefroy opine.), attitudes ou comportements inacceptables de la part de certains collègues.
L’inscription dans le règlement intérieur n’est donc pas suffisante, et l’inversion de la preuve permettrait que les femmes concernées puissent se faire entendre, sans être mises en accusation et tenues de prouver les agissements.
Nous sommes favorables aux dispositions que vous avez insérées dans le texte à ce sujet, madame la ministre. Nous proposons simplement une mesure complémentaire, qui ne les bride en rien.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 292, 428, 464 et 927 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 1er bis
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 1154-1 du code du travail, les mots : « établit des faits qui permettent de présumer » sont remplacés par les mots : « présente des éléments de fait laissant supposer ».
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Une fois n’est pas coutume, l’insertion de cet article 1er bis dans notre code du travail représente une avancée pour notre législation en matière de lutte contre le harcèlement sexuel.
Il s’agit, avec cet article, de créer un régime commun aux discriminations et aux harcèlements, afin de permettre aux plaignants d’apporter des éléments de faits constituant un faisceau de présomptions.
Aujourd’hui, le régime diffère selon qu’il s’agisse d’un contentieux lié à une discrimination ou à un harcèlement, moral ou sexuel. Dans le cas d’une discrimination, la personne doit présenter les faits, alors que dans le cas d’un harcèlement, elle doit les établir. Cela, bien évidemment, amoindrit les chances du plaignant de voir sa plainte aboutir car il est généralement très difficile d’apporter des preuves tangibles et directes dans les cas de harcèlement.
L’actualité récente nous enseigne que les « mœurs » évoluent, et que la société s’emploie désormais à dénoncer tout comportement abusif ayant trait à toute forme de harcèlement.
Pour encourager les victimes à dénoncer de tels délits, il est absolument nécessaire de faire évoluer notre législation en vue de libérer la parole et punir des comportements parfois trop longtemps tus, voire admis.
En outre, malgré les dispositions existant en la matière, la jurisprudence a procédé ces dernières années à un renversement de la charge de la preuve. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante qu’il suffit que le salarié ou la salariée apporte « des éléments laissant présumer » le harcèlement.
Ainsi, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt en date du 30 avril 2009, que « le salarié n’est tenu que d’apporter des éléments qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ». Dès lors que le salarié ou la salariée établit des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
C’est pourquoi il nous paraît très important d’introduire cet article 1er bis, que nous soutenons.
Nous allons revenir sur ces éléments au cours du débat, mais il convient de noter qu’ils occupent relativement peu de temps, comparés à d’autres éléments de notre discussion. Il importe de s’y arrêter car encore beaucoup trop de femmes souffrent dans un certain nombre d’entreprises.
M. le président. L'amendement n° 248 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été précédemment retiré.
L'amendement n° 1003, présenté par MM. Lemoyne, Gabouty et Forissier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 1154-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les références : « et L. 1153-1 à L. 1153-4 » sont supprimées ;
b) Est ajouté le mot : « moral » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement sexuel. » ;
3° Au deuxième alinéa, le mot : « tel » est supprimé.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nos collègues députées qui sont à l’origine de cet article 1er bis souhaitaient « aligner le régime probatoire du harcèlement sexuel sur celui des discriminations ». Mais la modification introduite par l’article porte sur le régime probatoire commun au harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel.
C’est pourquoi le présent amendement de la commission vise à clarifier les régimes probatoires applicables au harcèlement moral et au harcèlement sexuel.
Si nous ne revenons pas sur la volonté de l’Assemblée nationale d'assouplir le régime probatoire du harcèlement sexuel afin de mieux protéger les victimes, nous souhaitons en revanche conserver les règles en vigueur relatives au régime probatoire du harcèlement moral.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Vous proposez, monsieur le rapporteur, de distinguer le régime de la preuve applicable en cas de harcèlement sexuel et celui qui s’applique en cas de harcèlement moral.
Je comprends l’objectif. Il me semble, bien sûr, indispensable d’aligner le régime de la preuve en matière de harcèlement sexuel sur le régime de la discrimination.
Vous expliquez en quoi le même alignement du régime probatoire pour le harcèlement moral ne semble pas souhaitable. J’entends vos remarques et vous propose que nous prenions le temps, avec mes services, de les analyser, afin de nous assurer que nous ne retenons aucune mesure susceptible d’avoir un effet déstabilisateur.
À ce stade de la discussion, je préfère donc m’en remettre à la sagesse de votre assemblée.
M. le président. En conséquence, l'article 1er bis est ainsi rédigé.
Article 1er ter
(Non modifié)
Au 2° de l’article L. 1321-2 du code du travail, après le mot : « sexuel », sont insérés les mots : « et aux agissements sexistes ».
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article est issu d’un travail de l’Assemblée nationale, notamment sous l’action de Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes.
Il s’agit de prévoir le rappel obligatoire de l’interdiction d’agissements sexistes dans le règlement intérieur de l’entreprise. Nous y sommes bien entendu très favorables.
L’enquête sur les relations professionnelles entre les femmes et les hommes lancée, en juin 2013, dans 9 grandes entreprises françaises a mis en évidence une forte prévalence d’un sentiment de sexisme au travail, avec des répercussions en termes d’impact sur la confiance en soi, la performance et le bien-être au travail.
Ainsi, 80 % des femmes salariées considèrent que, dans le monde du travail, elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes. Près de 40 % des femmes en situation de management ont le sentiment qu’il existe à leur égard des attentes de comportements managériaux spécifiques. En outre, 90 % des femmes considèrent qu’il est plus facile de « faire carrière » pour un homme. Enfin, s’agissant de l’articulation des temps de vie, 50 % des femmes à temps partiel ont déjà entendu des remarques culpabilisantes.
À l’évidence, rappeler dans le règlement intérieur l’interdiction de tels agissements va dans le bon sens et pourra se révéler utile dans bien des cas.
Toutefois, notons que si cet article est nécessaire, il n’est pas suffisant dans le sens où le code du travail, à l’article L. 1311–2, ne rend le règlement intérieur obligatoire qu’en cas d’emploi habituel de 20 salariés au moins. Or sans règlement intérieur, pas de sanction !
En ce sens, il est nécessaire de rappeler que les agissements sexistes figurent dans la loi. La base législative repose sur l’article L. 1142–2–1 du code du travail, duquel résulte que « nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
Rappelons en outre que l’employeur, indépendamment de la taille de son entreprise, a une obligation de sécurité, physique et mentale, à l’égard des salariés. Dès lors qu’il a failli à son obligation, il engage sa responsabilité.
À cet égard, il convient de préciser que l’employeur répond de ses agissements, mais également de ceux de l’un de ses salariés sur ses collègues.
M. le président. L'amendement n° 246 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été précédemment retiré.
Je mets aux voix l'article 1er ter.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article 1er quater
(Non modifié)
Le 7° de l’article L. 4121-2 du code du travail est complété par les mots : «, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ».
M. le président. L'amendement n° 247 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été précédemment retiré.
Je mets aux voix l'article 1er quater.
(L'article 1er quater est adopté.)
Article 1er quinquies
(Non modifié)
À la fin de la deuxième phrase de l’article L. 4612-3 du code du travail, les mots : « et du harcèlement sexuel » sont remplacés par les mots : «, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ».
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cet article est également issu d’un amendement de Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’élargir les compétences des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, afin de leur permettre de mener des actions de prévention des agissements sexistes.
D’un sexisme ouvertement hostile, à un sexisme « subtil », puis à un sexisme ambivalent, l’histoire du sexisme dans le monde du travail s’est déroulée « entre déni et réalité », comme le relève le rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes publié le 6 mars 2015.
Les effets du sexisme sur la santé ont été notamment mis en évidence par le centre pour le leadership éthique de Melbourne, qui a réalisé une méta-analyse portant sur 103 travaux en psychologie sociale dans le monde.
Indépendamment des méthodologies utilisées, les études montrent que plus les femmes sont exposées à des événements sexistes, plus elles connaissent de hauts niveaux de détresse psychologique.
Les répercussions du sexisme sur les employés qui en sont victimes au sein des entreprises ne sont plus à prouver, mais, hélas, nous devons continuer à les dénoncer.
Faire en sorte que les CHSCT participent à cette démarche et puissent apporter leur contribution en matière de lutte contre les agissements sexistes est une chose tout à fait positive.
Notons toutefois que l’impact ne sera pas forcément celui que l’on escompte, compte tenu de la réduction importante des moyens d’action de cette instance, résultant de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi – la loi Rebsamen –, qui est venue modifier son fonctionnement.
Cette loi, nous le déplorons, réduit considérablement les prérogatives des représentants du personnel siégeant au CHSCT, ainsi que leurs moyens d’action, notamment en instaurant des délais préfixés au niveau de la procédure d’information-consultation obligatoire pour le CHSCT ou en donnant la possibilité aux employeurs de rassembler toutes les institutions représentatives du personnel au sein d’une délégation unique du personnel.
Malgré ces remarques, nous sommes favorables à cet article, et nous allons donc le voter.
M. le président. L'amendement n° 249 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été précédemment retiré.
L'amendement n° 467, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 4612-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 4612-3. – Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l’établissement et suscite toute initiative qu’il estime utile dans cette perspective. Il peut proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1. À sa demande, l’employeur est tenu de mettre à disposition des salarié-e-s une instance d’écoute et de prévention du harcèlement moral et sexuel dans les entreprises et sur les sites regroupant plus de cinquante salarié-e-s. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article du projet de loi n’était pas, compte tenu de sa numérotation, compris dans le texte initial. Le fait qu’il y figure désormais marque au moins deux choses.
La première est sans doute liée au fait que l’existence de ce projet de loi a soulevé beaucoup d’interrogations et d’oppositions venant de larges secteurs de la population de notre pays. En effet, entre l’inversion de la hiérarchie des normes, la possibilité de licencier plus aisément en cas de simple réorganisation du processus de production, le recours au référendum, le chantage à l’emploi et la redéfinition du licenciement économique, il n’y avait jusque-là pas de quoi satisfaire les attentes des salariés.
C’est là que sont apparus, par la voie d’amendements, acceptés par le Gouvernement, mais, hélas, non votés par l’Assemblée nationale, ces articles, dont le présent article 1er quinquies, lequel prévoit de renforcer la faculté laissée au CHSCT d’organiser toute initiative ayant trait à la prévention et au repérage du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis au fil des articles précédents.
La première raison de l’existence de cet article est donc claire : il s’agit de modifier la donne sur l’ensemble de la loi en concédant, dans une actualité marquée par une affaire impliquant une personnalité publique, quelques avancées, limitées, mais de valeur exemplaire.
La seconde raison, c’est qu’il reste et demeure d’une portée normative limitée. Il ne fait que renforcer les facultés du CHSCT, sans accroître d’aucune manière les responsabilités de l’employeur sur ces questions essentielles.
La réalité du harcèlement moral et sexuel sur le lieu du travail a longtemps été déniée, alors même que nombre de situations complexes ont été observées et que le chantage sexuel a constitué, de tout temps, l’une des armes transgressives les plus puissantes utilisées par les employeurs pour faire valoir leur autorité.
Il importe donc que soient mises en place, partout où elles sont nécessaires, des structures d’accueil, d’écoute, de prévention du harcèlement. C’est le cas évidemment pour les entreprises dotées d’un CHSCT ou d’un comité d’entreprise, mais cela compte aussi pour les sites – je pense ici aux zones d’activités économiques, artisanales ou industrielles – pouvant rassembler au moins cinquante salariés en plusieurs établissements ou entreprises.
Là, nous aurions évidemment une véritable avancée du droit positif, profitable à tous.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Sur cet amendement n° 467, qui vise notamment à autoriser le CHSCT à demander la création d’une instance d’écoute et de prévention du harcèlement moral et sexuel, il me semble que le ou la salariée éventuellement confronté à ce type de comportement peut naturellement se rapprocher de ses représentants, des membres du CHSCT ou de l’inspecteur du travail.
S’il fallait aller au-delà et mettre en place un pouvoir d’alerte spécifique, j’avoue que ma préférence irait à un dispositif tel qu’un numéro vert.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement tendant à proposer la création d’une instance dédiée. Pour autant, cela n’empêche pas de réfléchir à d’autres pistes, comme celle que je viens d’évoquer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je vais émettre un avis défavorable et vous en expliquer les raisons précises.
Le Gouvernement a œuvré dans le sens souhaité par les auteurs de l’amendement en faisant voter la loi du 6 août 2012, qui a précisé la définition du harcèlement sexuel, les obligations de l’employeur, ainsi que les missions des services de santé au travail.
Aujourd'hui, le délégué du personnel dispose d’un véritable droit d’alerte.
Consultés sur les mesures de prévention, les CHSCT peuvent aussi proposer eux-mêmes des actions de prévention du harcèlement moral et sexuel. De plus, le refus de l’employeur de mettre en œuvre ces mesures doit être motivé.
Faut-il aller plus loin et généraliser, comme vous le proposez dans cet amendement, les cellules d’écoute ? Je ne le crois pas parce qu’il convient, me semble-t-il, de développer les réponses propres à chaque situation.
Je voudrais vous donner un exemple très précis pour illustrer ma position. Actuellement, nous le savons bien, il faut non seulement prévenir mais aussi accompagner les victimes, démarche dans laquelle l’inspection du travail prend vraiment sa part.
Si je regrette que les remontées m’arrivent souvent tardivement, j’ai obtenu les données chiffrées concernant l’année qui a suivi le vote de la loi de 2012. En 2013, il y a eu 2 143 rappels à la loi, 57 % étaient relatifs à l’obligation pour l’employeur d’agir en vue de prévenir les faits de harcèlement, 26 % concernaient la protection du salarié contre le harcèlement sexuel, 17 % visaient l’absence de sanctions contre des agissements coupables. L’inspection du travail, qui a rendu de nombreux avis, a pris 105 décisions relatives à la suspension ou l’interdiction de recours à l’emploi d’apprentis, par exemple.
Les situations rencontrées par l’inspection du travail sont très diverses. Elles montrent l’intérêt de l’exercice du devoir d’alerte par les délégués de personnel.
Je vais vous donner un exemple très concret, celui d’une entreprise de reprographie de cinquante salariés située à Alfortville qui venait d’être rachetée. Elle illustre l’éventail de réponses proposées par l’Agence nationale d’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, qui peuvent être mises en œuvre dans une situation de ce type.
À l’issue du rachat, les effectifs de l’entreprise ont révélé un vrai déséquilibre entre les hommes et les femmes, les hommes étant surreprésentés. La nouvelle présidente s’est alors trouvée confrontée à un conflit sexiste entre des salariés. Certaines jeunes salariées se plaignaient d’être l’objet de propos particulièrement dégradants de la part de leurs homologues masculins.
L’entreprise a mis en place un éventail d’actions. Outre un rappel des règles de conduite auprès des salariés et une campagne d’affichage sur le thème de la tolérance zéro, la direction a fait preuve de fermeté en procédant au licenciement des deux salariés à l’origine du conflit. Le personnel encadrant a également reçu une formation incitant à ne tolérer aucune incivilité dans chacune des équipes.
Une communication spécifique a permis de diffuser des notes sur le harcèlement dans tous les espaces et de conduire des actions de formation à destination de l’ensemble du personnel encadrant. Les effectifs de l’entreprise ont été rééquilibrés pour parvenir à une certaine parité entre les femmes et les hommes. Dans le cadre d’un travail avec l’ANACT, les fiches de postes ont été refaites. Vous le voyez, c’est un vrai éventail de réponses qui a été mis en place, en lien avec la médecine du travail.
Je pense, contrairement aux auteurs de l’amendement qui proposent de généraliser une cellule d’appui au sein de l’entreprise, que chaque situation demande une réponse spécifique et un appui particulier. Pour ma part, je ne suis pas pour la généralisation. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Votre argument, madame la ministre, me laisse perplexe.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Moi aussi !
M. Jean Desessard. En réponse aux auteurs de l’amendement, qui proposent la création d’une structure dédiée à la prise en charge de la prévention, vous citez l’exemple d’une entreprise – une entreprise formidable ! – où tous les moyens adéquats sont mis en œuvre. Et vous concluez qu’il faut savoir adapter les moyens à chaque situation.
Franchement, quelle entreprise a la capacité d’agir comme cette entreprise de reprographie ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Exactement !
M. Jean Desessard. Nos collègues du groupe CRC proposent la création d’une structure d’écoute et de prévention du harcèlement, laquelle structure pourrait mettre en place différents moyens, notamment ceux que vous avez évoqués. Vous rejetez cette proposition au motif qu’elle présente un caractère trop général par rapport à l’exemple que vous donnez. Vraiment, madame !
Quant au rapporteur, qui donne la préférence aux accords d’entreprise sur les accords de branche, il propose de régler les problèmes de harcèlement dans l’entreprise en mettant en place un numéro vert. C’est encore plus haut que la branche ! (Rires sur les travées du groupe CRC.) C’est général. Voilà qui est formidable pour quelqu’un qui considère que c’est au niveau de l’entreprise que cela se règle ! Là, franchement, vous avez botté loin, monsieur le rapporteur !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je ne vais pas laisser sans réponse le propos du sénateur Desessard.
Aux termes de cet amendement, « l’employeur est tenu de mettre à disposition des salarié-e-s une instance d’écoute et de prévention du harcèlement moral et sexuel… ». Je souhaite bien évidemment que les victimes puissent être accompagnées. Je n’ai absolument pas dit le contraire ! J’ai seulement voulu attirer l’attention sur le fait qu’il faut voir, selon chacune des situations, quelle est la meilleure réponse.
Je vous ai donné un exemple très concret qui montre qu’il y a plusieurs problématiques. Or si vous lisez attentivement l’amendement, monsieur le sénateur, vous voyez que l’employeur est tenu de mettre en place de façon systématique une instance d’écoute. C’est, comme je l’ai dit, la généralisation qui me pose une difficulté.
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Madame la ministre, dans une réponse précédente – je ne parle pas de celle que vous venez de faire à Jean Desessard –, vous avez contesté l’installation d’une cellule « d’appui ». Or, j’ai bien lu ce que proposent nos collègues et je constate qu’ils suggèrent la création d’une cellule « d’écoute et de prévention ».
Quand le rapporteur dit préférer un dispositif sous la forme d’un numéro vert, il lui donne une dimension nationale. Imaginons que le CHSCT propose un numéro spécial dédié auquel seraient affectées telles et telles personnes de cette instance, il apporterait la réponse variable qui conviendrait.
Donc, c’est un amendement modéré, raisonnable, intelligent,…
M. Jean Desessard. Pragmatique et formateur !
Mme Marie-Christine Blandin. … très pragmatique et non coûteux.
Le Sénat a écarté quantité d’amendements exigeants. S’il efface à son tour cet amendement modéré, totalement respectueux du champ de compétences des CHSCT, il va commencer à envoyer de très mauvais messages !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quand j’écoutais Mme la ministre, je me prenais à rêver : quel monde merveilleux ! Tant mieux si une entreprise a eu la réponse intelligente que vous citez, il faut s’en féliciter !
Notre problématique n’est pas de proposer une réponse unique. Le problème auquel nous sommes confrontés, c’est d’oser aider ces femmes qui sont victimes au quotidien d’un harcèlement à la fois violent et très pernicieux à trouver un endroit où parler, à trouver quelqu’un avec qui parler. Le fait de savoir qu’il existe dans l’entreprise une structure, cela participerait déjà à la libération de la parole !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je pense qu’il n’y a pas forcément de quoi s’enflammer. Je veux dire à nos collègues du groupe CRC que, quelque part, ils n’ont pas confiance dans les outils dont disposent déjà les salariés.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas nous !
Mme Nicole Bricq. C’est vraiment le rôle du CHSCT d’être à l’écoute des salariés.
Mme Éliane Assassi. Il n’y en a pas partout !
Mme Nicole Bricq. Madame Assassi, vous avez rédigé votre amendement de telle manière que c’est le CHSCT qui demande à l’employeur de mettre en place cette structure d’écoute. Je l’ai lu ! C’est vraiment son travail ! Sans compter que vous ne nous dites pas ce qu’est cette instance. Vous voulez créer une nouvelle instance supplémentaire par rapport à ce qui existe déjà.
Mme Sophie Primas. Avec des permanents et des heures de délégation !
Mme Nicole Bricq. Vous avez aussi la médecine du travail, qui est très importante. Nous allons en parler.
Mme Éliane Assassi. On va en parler, en effet !
Mme Nicole Bricq. Un salarié peut, à sa demande, se confier à la médecine du travail, à une infirmière ou à un infirmier. Vous ajoutez une instance dont on ne sait pas à quoi elle va servir.
Le problème n’est ni politique ni idéologique. Il s’agit de se prononcer avec bon sens par rapport à la vie quotidienne des entreprises.
Pour ma part, je fais confiance au CHSCT. Contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure, madame Cohen, il n’a pas vu ses fonctions amoindries ou n’a pas disparu dans la loi Rebsamen. Au contraire !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je le réaffirme, j’assume et je signe : depuis la loi Rebsamen, les moyens attribués au CHSCT sont moindres !
Ce n’est pas ce que je voulais dire en priorité. Ce que je veux dire surtout, c’est que, quand on parle de harcèlement, d’agissements sexistes dans les entreprises,…
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas pareil !
Mme Laurence Cohen. … une réalité cruelle, qui est dénoncée – mais pas suffisamment – par des femmes qui la vivent, et qu’on essaie de trouver des outils ou d’améliorer des outils qui existent, eh bien, finalement, on nous rétorque que ce n’est pas possible.
Quand on intervient pour essayer de construire des solutions à l’intérieur de cet hémicycle, tout a déjà été pensé, prévu et il n’y a rien à améliorer !
Je trouve que nous sommes dans un paradoxe : lorsque l’on travaille et que l’on essaie d’apporter des solutions concernant les femmes et les inégalités qu’elles subissent, eh bien, pratiquement chaque fois – il suffit de voir la précarité et la flexibilité qu’elles subissent, nous en parlerons dans les prochains articles, notamment l’article 2 –, on se heurte aux mêmes réponses : ce n’est pas le moment ; ce n’est pas le bon véhicule ; cela a déjà été fait ; il faut voir ; il faut évaluer…
En attendant, il y a des femmes qui souffrent. Comme je l’ai dit, les conséquences sont très importantes aussi bien sur leur santé physique que sur leur santé morale.
Quand on me dit qu’il y a la médecine du travail, si ce n’était pas aussi triste, je me permettrais d’éclater de rire ! C’est tellement triste que je ne le fais pas ! Les moyens se réduisent comme peau de chagrin. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) C’est exactement la même chose que pour les inspections du travail : vous détruisez des outils qui pourraient être utiles à l’ensemble des salariés, notamment aux femmes.
Arrêtez de citer des choses qui n’existent pas dans les entreprises ! (Mme Brigitte Gonthier-Maurin ainsi que MM. Bernard Vera et Michel Le Scouarnec applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er quinquies.
(L'article 1er quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er quinquies
M. le président. L'amendement n° 470, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2146-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le montant : « 3 750 » est remplacé par le montant : « 45 000 » ;
2° Au second alinéa, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « trois ans » et le montant : « 7 500 » est remplacé par le montant : « 90 000 ».
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. À travers cet amendement, nous abordons la question de la lutte contre les discriminations syndicales.
Nous permettons ainsi d’élargir le champ de la répression pénale de la discrimination à tous les actes discriminatoires dont peuvent être victimes les travailleurs.
Selon l’Observatoire de la discrimination et de la répression syndicales, les discriminations et répressions à l’égard des syndicalistes sont des réalités largement sous-estimées par les pouvoirs publics et contre lesquelles il faut agir fortement.
Que ce soit à l’embauche ou au cours de leur carrière, aujourd'hui, les militants syndicaux savent qu’en faisant le choix du syndicalisme leur parcours professionnel ne s’en trouve pas facilité, bien au contraire.
Mme Françoise Gatel. Oh là là !
M. Bernard Vera. La répression est de plus en plus prégnante. D'ailleurs, pour cette raison, nous avons demandé l’amnistie à de très nombreuses reprises.
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Bernard Vera. Aujourd'hui, l’article L. 2146-2 du code du travail prévoit, en cas de discrimination syndicale, une amende de 3 750 euros pour les employeurs et, lorsqu’ils récidivent, une amende de 7 500 euros et un an d’emprisonnement.
Cette disposition nous semble insuffisante pour être réellement dissuasive. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, une peine de 45 000 euros portée à 90 000 euros en cas de récidive, et la peine de prison serait portée à trois années.
Bien entendu, nous savons que d’autres mesures sont à prendre, mais il s’agirait d’un premier signe envoyé aux syndicalistes afin de leur montrer la détermination des pouvoirs publics pour lutter contre toute forme de discrimination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, car elle considère qu’un certain nombre de dispositions d’ordre public existent déjà. Du point de vue du quantum, la peine en euros s’élève à 3 750 euros. Elle est potentiellement assortie d’un an de prison.
De plus, j’ai envie de mettre cet amendement en regard de l’amendement n° 469, que nous examinerons plus loin. D’un côté, vous demandez de relever des peines quand il s’agit de discrimination syndicale. D’un autre côté, vous demandez une sorte d’impunité pour des personnes ayant participé à un conflit et ayant commis des délits punis d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement. Vous demandez que les empreintes de ces personnes ne soient pas conservées.
Quand je vois ce qui s’est passé cet après-midi…
Mmes Éliane Assassi et Brigitte Gonthier-Maurin. Cet après-midi, ce n’étaient pas des syndicalistes, c’étaient des casseurs !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Votre amendement tel qu’il est rédigé parle de personnes participant à des manifestations sur la voie publique. Quand je vois tous ces actes, que nous ne pouvons que condamner,…
M. Michel Canevet. Oui !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. … ces vitrines complètement cassées sur le boulevard du Montparnasse,…
Mme Éliane Assassi. Pas par des syndicalistes !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. … je me dis que c’est suffisamment grave. D'ailleurs, cela ne crédibilise pas forcément le mouvement dans son ensemble.
Je trouve qu’il faut être cohérent. La commission a émis un avis défavorable. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Canevet applaudit également.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 470 est défavorable pour une raison simple : la semaine dernière, le Conseil économique, social et environnemental, qui avait été saisi par le Premier ministre d’une question sur le développement de la culture du dialogue social, m’a remis son avis. L’une des propositions figurant dans cet avis fait l’objet d’un amendement du Gouvernement, visant à ce que le Défenseur des droits remette un rapport sur la discrimination syndicale sous toutes ces formes. C’est Jean-François Pilliard et Luc Bérille, secrétaire général de l’UNSA, qui m’ont remis l’avis élaboré par la section du travail et de l’emploi du CESE.
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur la question des discriminations syndicales. La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social a d’ailleurs instauré un mécanisme de non-discrimination salariale. Il subsiste néanmoins des problématiques : aujourd’hui, certains salariés n’osent pas se syndiquer pour ne pas être pénalisés dans leur carrière et dans leur emploi. Voilà ce qui justifie notre amendement visant à demander au Défenseur des droits un rapport sur la question, ce qui permettra alors de prendre de vrais engagements en la matière. Je ne souhaite donc pas aujourd’hui devancer les enseignements à venir de ce rapport.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Ce n’est pas sur l’amendement en tant que tel que je souhaite intervenir. Monsieur le rapporteur, non que je vous aie dans le viseur ce soir (Sourires.), mais je ne peux vous laisser imputer la faute des casseurs à nos collègues du groupe CRC.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !
M. Jean Desessard. Presque !
M. André Reichardt. Il n’a pas dit cela !
M. Jean Desessard. Alors, je l’ai mal compris !
Mme Éliane Assassi. On subit cela depuis trois mois ! Ce ne sont pas les syndicalistes qui cassent !
M. Jean Desessard. À ne pas respecter les syndicats qui manifestent, à ne pas les entendre… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Les syndicats ne sont pas très respectueux !
M. Jean Desessard. J’ai quand même le droit de parler de ce que je veux ! J’ai mes propres lecteurs, qui ne sont pas les vôtres.
M. François Grosdidier. Ici, on parle de l’intérêt général !
M. Jean Desessard. Je parle pour l’intérêt général !
Je ne veux pas laisser dire que la violence qui s’observe dans les manifestations lycéennes, étudiantes et syndicales est la responsabilité des manifestants. Cette violence découle plutôt de la désespérance sociale (Mme Éliane Assassi s’exclame.)…
M. André Reichardt. Non !
M. Jean Desessard. … de ceux qui trouvent qu’il n’y a plus aujourd’hui de moyens démocratiques – aussi bien syndicaux que politiques – de s’exprimer dans notre pays. (Mme Nicole Bricq fait un geste dubitatif.)
Ceux et celles qui créent la violence ne sont donc pas obligatoirement ceux qui manifestent ; il s’agit plutôt de ceux qui créent la désespérance sociale et l’impression de ne pas être entendu. Voilà pourquoi je ne peux accepter qu’on associe la violence à ces travées-ci de l’hémicycle, alors que c’est le patronat qui persiste sans écouter personne… (Applaudissements sur certaines travées du groupe CRC. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Cela s’appelle la lutte des classes !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Le grand soir arrive !
M. Jean Desessard. Eh oui, et il s’agit quand même du projet de loi Travail. Comme si certains emplois n’étaient pas supprimés pour que les actionnaires en profitent, comme s’il n’y avait pas des gens virés pour améliorer les profits ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Qui crée la désespérance sociale, sinon les gens qui mettent les travailleurs dehors ?
Mme Sophie Primas. Vous n’avez pas créé une entreprise de votre vie, pour dire des choses pareilles !
M. Jean Desessard. La désespérance sociale, elle n’apparaît pas le jour de la manifestation ; ces désespérés utilisent la manifestation mais ce ne sont pas les manifestations qui créent les désordres et les casseurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Protestations redoublées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Honteux !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je ne peux pas laisser dire que les moyens démocratiques de s’exprimer n’existent plus ! (Mme Nicole Bricq fait un geste d’approbation.)
Alors que nous sommes en plein état d’urgence, la liberté de manifester, prévue par la Constitution, est à l’évidence tout à fait garantie, tout comme le droit de grève. Nous le montrons depuis plusieurs semaines. C’est tout à fait légitime. Les moyens démocratiques sont donc là.
Pour ma part, je respecte tout à fait le combat syndical, mais je condamne bien évidemment les violences.
M. Jean Desessard. Eux aussi ! (M. Jean Desessard désigne les travées du groupe CRC.)
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il faut savoir faire la part des choses.
Monsieur Desessard, vous affirmez que certains n’ont pas eu l’occasion de s’exprimer. Ma porte a toujours été ouverte. La franchit qui veut la franchir.
Mme Éliane Assassi. Vous vous répétez en boucle !
Mme Myriam El Khomri, ministre. J’ai rencontré le numéro un de chacune des organisations syndicales et je verrai vendredi le responsable de la CGT, après plusieurs semaines pendant lesquelles il a préféré la politique de la chaise vide…
Mme Éliane Assassi. C’est faux ! Retirez le projet de loi, et il n’y aura plus de manifestations !
Mme Hermeline Malherbe. Ce n’est pas ça, la démocratie, madame Assassi !
Mme Éliane Assassi. Si, c’est cela aussi !
Mme Hermeline Malherbe. C’est honteux !
M. Alain Joyandet. Calmez-vous, la gauche ! On ne s’insulte pas, la gauche !
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande de ne pas perdre votre calme. Nous écoutons Mme la ministre.
Madame la ministre, vous avez la parole, et vous seule.
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous sommes dans un État de droit, même si nous sommes en état d’urgence. Bien évidemment, la liberté de manifester et le droit de grève sont consacrés. C’est là le signe, bien sûr, d’une démocratie. Ne laissons donc pas dire ici qu’il n’y a pas de moyens démocratiques de s’exprimer !
En revanche, manifester ou faire la grève, ce n’est pas casser ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.) Il faut savoir distinguer les choses. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Puis-je parler sereinement ? Comme je vous le disais à l’instant, j’ai rencontré les dirigeants de toutes les organisations syndicales. Un seul syndicat a refusé pendant de nombreux mois…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … de venir à ma rencontre et de déposer des propositions ; aujourd’hui, après trois semaines, il l’accepte. Je verrai donc son numéro un vendredi et j’attends avec beaucoup d’attention les propositions qu’il portera. Je suis en charge du dialogue social. Vous pouvez interroger les autres organisations syndicales : j’ai eu l’occasion de les rencontrer et nous allons continuer à travailler ensemble.
Mme Sophie Primas. C’est une question de survie !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Voilà quelle est la question ; ne laissons pas dire en tout cas que nous n’avons pas les moyens démocratiques de nous exprimer dans ce pays. Alors que nous sommes en plein état d’urgence, le Gouvernement a suffisamment montré à mon sens sa volonté de pouvoir encadrer des manifestations de façon aussi apaisée. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Je souhaiterais, mes chers collègues, que le débat se poursuive dans le respect des expressions des uns et des autres.
M. Alain Joyandet. Ce ne sont pas les uns et les autres, mais la gauche et la gauche !
M. le président. Nous sommes au Sénat : on se respecte les uns les autres, quelles que soient les idées exprimées, et on ne gagne rien à s’emporter dans le débat.
Mme Éliane Assassi. On a aussi le droit d’être passionné !
M. le président. Je vous demande donc de respecter ces valeurs afin de donner une bonne image de notre institution.
M. Alain Joyandet. De la gauche, pas de l’institution !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Pourquoi ce débat est-il passionné ? C’est bien parce que, depuis des semaines, nous entendons systématiquement certains amalgames.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pas d’amalgame ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Cohen. Quant au groupe CRC, au cas où cela aurait échappé à un certain nombre de mes collègues et de membres du Gouvernement, je tiens à préciser que nous ne faisons pas de confusion entre les manifestants et les casseurs. Nous condamnons sans aucune ambiguïté tous les actes de violence commis par les casseurs. Si cela vous avait échappé, je le redis ici tout à fait tranquillement et avec le sourire.
Cela étant dit, le droit de manifester est garanti par la Constitution, état d’urgence ou non. Quand on parle de dialogue social, il faut non seulement dire que l’on écoute, mais surtout réellement entendre et faire bouger les lignes. Or, alors que, depuis des mois, un mouvement se propage dans notre pays pour affirmer que ce projet de loi est mauvais, le Gouvernement s’obstine à le maintenir sans rien y changer. Alors, dire que la porte est ouverte quand on ne bouge pas d’un iota, c’est simplement se faire plaisir ou croire à une réalité différente de celle que vivent aujourd’hui une majorité de salariés dans ce pays.
Nous avons démontré – et nous continuerons de le faire, sur les travées du groupe CRC comme en dehors de cet hémicycle – qu’il existe d’autres possibilités d’amélioration effective du code du travail. Il faudrait mieux protéger les salariés plutôt que de détricoter les acquis, comme ce texte nous y invite.
Nous sommes en désaccord avec vous, madame la ministre ; c’est pourquoi nous nous affrontons dans l’hémicycle. Pour autant, il faut respecter certaines choses. Ainsi, ne nous faites pas dire ce que nous ne disons pas. C’est trop facile et cela entrave considérablement la qualité du débat. Nous sommes contre votre loi : nous vous le disons clairement et nous vous faisons des propositions. Vous êtes contre ces propositions : nous continuons de les défendre et nous sommes solidaires de celles et ceux qui manifestent dans les rues. Nous manifestons d’ailleurs avec eux, de manière pacifique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous avons commencé les débats hier : d’un côté de l’hémicycle, on nous accuse d’avoir vidé la loi de son contenu,…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Nous l’avons musclée !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … de l’autre, on nous taxe de fermeté et on nous reproche de n’avoir pas bougé d’un pouce durant les trois derniers mois. Il faudrait savoir !
Au mois de mars, nous avons pris deux semaines pour une concertation avec les organisations syndicales et patronales. Nous en avons tiré de profondes modifications pour ce texte, ce qui nous est reproché de ce côté-là (Mme la désigne la droite de l’hémicycle.) Par la suite, lorsque le Gouvernement a engagé sa responsabilité devant l’Assemblée nationale au titre de l’article 49.3, il a retenu près de 800 amendements issus du débat parlementaire. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Vous ne pouvez donc pas nous accuser d’écouter sans rien faire ! Vous voyez bien que ce projet de loi a évolué sur les trois derniers mois.
Par conséquent, si nous souhaitons continuer ce débat de façon apaisée et sereine, et avancer de façon constructive, il faut à mon sens faire montre dans cet hémicycle d’un minimum de rigueur intellectuelle. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Alain Richard. Oh !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote. (Exclamations d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, je veux bien tout entendre. Je vous ai d’ailleurs écoutée depuis hier : vous n’avez cessé d’affirmer votre accord, à 200 %, avec ce projet de loi. Dont acte : vous êtes parfaitement d’accord avec votre texte, mais vous n’avez strictement rien entendu. Votre utilisation du 49.3, qui a été dénoncé sur toutes les travées, en est la preuve. Qu’avez-vous à répondre ? Est-ce cela, la démocratie ? Vous pouvez bien nous expliquer que vous avez accepté des amendements en commission, mais le débat en commission, ce n’est pas le débat démocratique dans les hémicycles, à l’Assemblée nationale comme ici.
Vous restez droite dans vos bottes. Dont acte ! Mais laissez-nous un peu vous opposer d’autres propositions que celles qui sont dans votre loi, que des millions de gens refusent dans le pays et contre lesquelles un million de personnes se sont encore mobilisées aujourd’hui. C’est cela qui vous embête, c’est cela que vous n’acceptez pas ! Permettez que nous soyons les porte-voix de ces manifestants ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 288 rectifié bis est présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Roche, Longeot, Capo-Canellas et L. Hervé, Mmes Hummel et Deromedi, MM. Laménie et Cigolotti et Mme Létard.
L'amendement n° 426 est présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun fonctionnaire ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « toutefois » est supprimé ;
3° Le 1° est complété par les mots : « et au deuxième alinéa ».
La parole est à M. Gérard Roche, pour présenter l’amendement n° 288 rectifié bis.
M. Gérard Roche. Le chapitre II de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose un certain nombre de garanties visant à protéger les fonctionnaires contre les discriminations, le harcèlement moral et le harcèlement sexuel. Il ne prévoit cependant aucune disposition relative à l’interdiction « de tout agissement sexiste », telle qu’elle existe désormais dans le code du travail.
Alors que la loi du 27 mai 2008 précise en son article 5–1 que l’interdiction de « tout agissement fondé sur le sexe » s’applique également à toutes personnes publiques, la loi de 1983 n’y fait aucunement référence.
Dès lors, l’objectif de cet amendement est d’insérer le principe de l’interdiction de « tout agissement sexiste » à l’article 6 bis de la loi de 1983 afin de rendre visible ce principe et de permettre ainsi aux fonctionnaires de s’en saisir et à l’administration de mettre en place des mesures de prévention en ce domaine. Nous voulons les mêmes protections pour les membres de la fonction publique que pour les salariés du privé !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 426.
Mme Corinne Bouchoux. Je me réjouissais, en préparant la défense de cet amendement, de la sérénité de nos débats et de leur tonalité studieuse lorsque nous discutions des questions de harcèlement. Au vu des dernières minutes, je passerai directement à mon argumentaire !
Cet amendement est issu des auditions de la délégation aux droits des femmes, où nous avons entendu un certain nombre de témoignages. Il nous est apparu qu’il y avait peut-être un trou dans l’édifice que nous étions en train de bâtir.
En effet, comme le disait à l’instant Gérard Roche, la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose un certain nombre de garanties dont bénéficient les fonctionnaires. Parmi ces garanties se trouvent la protection contre les discriminations ainsi que les harcèlements moral et sexuel. En revanche, contrairement au code du travail depuis la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, le statut général de la fonction publique ne prévoit aucune disposition concernant l’interdiction du sexisme, sauf erreur de notre part. Nous avons peut-être manqué une occasion avec la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires. Le présent projet de loi nous offre pourtant l’opportunité d’y remédier !
En effet, selon nous, la lutte contre le sexisme ne doit pas se limiter aux entreprises privées ; elle doit s’étendre à la fonction publique et concerner l’ensemble des actifs de ce pays. J’espère que cet amendement de bon sens recueillera l’assentiment de notre Haute Assemblée. (M. Jean Desessard applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Après nos débats passionnés, nous allons effectivement pouvoir – dans une belle unanimité, j’espère – adopter ces amendements pour lesquels la commission a émis un avis de sagesse positive. En vérité, dès lors que ce régime est prévu dans le secteur privé, il va de soi que le secteur public ne peut pas en être exempté.
J’invite donc notre assemblée à adopter ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis est très favorable, quand bien même l’objet de ces amendements est à l’origine éloigné de celui du présent projet de loi. Il est important d’aligner les secteurs public et privé sur cette question. En un an, nous aurons beaucoup avancé !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 288 rectifié bis et 426.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er quinquies.
L’amendement n° 468, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° de l’article 225-2 du code pénal, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 7° À refuser une formation d’une personne ;
« 8° À refuser une promotion d’une personne ;
« 9° À refuser une classification d’une personne. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. À travers cet amendement, nous entendons renforcer les dispositions de l’article 225–2 du code pénal, qui donne une définition des actes pouvant être le support de discriminations qui peuvent faire l’objet de sanctions pénales. Notre amendement vise à élargir cette définition au fait de refuser une formation, une promotion ou encore une classification à une personne en raison de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de son patronyme, de son lieu de résidence, de son état de santé, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelles, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion déterminée.
Dans la société apaisée que nous appelons de nos vœux, il n’est plus possible de tolérer des actes de discrimination. Le renforcement des sanctions est une chose ; une autre est de bien définir légalement les situations en cause pour permettre des actions en justice plus faciles pour les victimes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission a estimé que cet amendement était en partie satisfait par l’article 225–2 du code pénal, qui prend déjà en compte les refus de formation. Les autres éléments évoqués relèvent du droit commun de la discrimination et sont également punissables. La commission a par conséquent émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Le Gouvernement est parvenu au même avis que la commission, et sur le même fondement. Je voudrais simplement ajouter que, sur la base des préconisations faites par le Conseil économique, social et environnemental, nous avons décidé de prendre ce sujet à bras-le-corps. C’est pourquoi le Gouvernement défendra un amendement visant à demander l’établissement d’un rapport dressant l’état des discriminations syndicales dans notre pays.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 468.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 249 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 331 |
Pour l’adoption | 20 |
Contre | 311 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 469, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 706-55, il est inséré un article 706-55-1 ainsi rédigé :
« Art. 706-55-1. – Les empreintes des personnes poursuivies, condamnées ou à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis un délit ne sont pas conservées lorsque le délit est prévu aux articles 222-11 à 222-13, 222-17 et 222-18, 224-1, 322-1 à 322-14 du code pénal, que la peine encourue n’excède pas cinq ans d’emprisonnement et qu’il a été commis par des personnes participant :
« 1° À un conflit collectif du travail ou à des actions syndicales et revendicatives engagées par des salariés ou agents publics, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans les lieux publics ;
« 2° À un mouvement collectif revendicatif, associatif ou syndical, relatif aux problèmes liés au logement, à l’environnement, aux droits humains, à la santé, à la culture, à la lutte contre les discriminations, au maintien des services publics et aux droits des migrants, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics. » ;
2° Après le deuxième alinéa de l’article 706-56, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les faits ont été commis dans les circonstances prévues au 1° ou au 2° de l’article 706-55-1, le prélèvement biologique est soumis à l’accord préalable du procureur de la République compétent, donné par tout moyen. Mention en est faite au procès-verbal de la procédure.
« Lorsque les faits ont été commis dans les circonstances prévues au 1° ou au 2° de l’article 706-55-1, la personne, sur laquelle est effectué un prélèvement biologique à la demande ou avec l’accord préalable du procureur de la République est informée par l’officier de police judiciaire qui procède ou fait procéder à ce prélèvement qu’elle a le droit, à tout moment, de demander au procureur de la République compétent que ses empreintes génétiques soient effacées du fichier national automatisé des empreintes génétiques suivant la procédure prévue au deuxième alinéa de l’article 706-54 du présent code. Mention de l’information donnée est faite au procès-verbal de la procédure et émargée par la personne sur laquelle est effectué le prélèvement. En cas de refus d’émargement il en est fait mention. »
La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Si je me réfère au débat précédent, l’examen de cet amendement risque de susciter encore des passions.
Je tiens à m’exprimer de nouveau avec force sur la violence et les amalgames qui sont systématiquement faits sur ce point. Dans le droit fil des propos de Laurence Cohen, le groupe CRC est extrêmement clair sur cette question et ne confond pas manifestants et casseurs. Faire comme s’il n’y avait eu que des casseurs dans la rue aujourd’hui est d’une grande violence symbolique. Quand un million de nos concitoyens descendent dans la rue (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.),…
M. Jackie Pierre. Quelque 85 000 !
M. Pierre Laurent. … vous ne pouvez pas balayer cela d’un revers de main…
Mme Éliane Assassi. Vous considérez que ce sont un million de casseurs, c’est cela ?
M. Pierre Laurent. … et faire comme s’il n’y avait eu que quelques centaines de casseurs.
M. Jean-Pierre Grand. Il faut qu’ils aillent en prison !
M. Pierre Laurent. Cet amendement vise à exclure le fichage systématique des empreintes génétiques des militants syndicaux, d’une part, en supprimant l’automaticité de l’inscription au fichier national automatisé des empreintes génétiques des personnes poursuivies à l’occasion de conflits du travail, d’autre part, en soumettant le prélèvement ADN à l’accord préalable du procureur de la République.
Le fichier national automatisé des empreintes génétiques a été constitué au départ pour les infractions à caractère sexuel. L’utiliser pour demander le prélèvement des empreintes génétiques et le fichage de militants syndicaux est une dérive, qui s’est malheureusement développée.
C’est pourquoi nous reprenons une proposition de l’Observatoire de la discrimination et de la répression syndicales visant à mettre en cause ce durcissement et cette dérive tout à fait inacceptables. De nombreux exemples l’attestent : la condamnation de l’inspectrice du travail de Tefal (Mme Brigitte Gonthier-Maurin opine.), de la prison ferme requise pour huit militants de Goodyear, l’appel d’Air France contre certains de ses salariés dans l’affaire de la chemise – soit dit en passant, plus personne ne semble pressé de juger cette affaire, puisque le procès a encore été repoussé.
Que ce soit bien clair : il ne s’agit pas pour nous d’accorder une quelconque impunité, comme l’a laissé entendre Jean-Baptiste Lemoyne : il s’agit de faire respecter les libertés publiques fondamentales, notamment le syndicalisme, et de ne pas confondre les syndicalistes avec de grands délinquants qui devraient, eux, être inscrits au fichier national automatisé des empreintes génétiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Penchons-nous sur le dispositif législatif proposé. L’exposé des motifs parle de fichage systématique de militants syndicaux, mais le texte de l'amendement ne mentionne pas les militants syndicaux !
Mme Nicole Bricq. Il parle de personnes, ce n’est pas la même chose !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. En effet, il est question de « personnes participant :
« 1° À un conflit collectif du travail ou à des actions syndicales et revendicatives engagées par des salariés ou agents publics, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans les lieux publics ;
« 2° À un mouvement collectif revendicatif, associatif ou syndical… »
M. Michel Forissier, rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est l’impunité !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Prenons des exemples concrets. Voilà quelques jours, Joseph Thouvenel, éminent syndicaliste que la commission a auditionné, représentant de la CFTC, s’est fait boxer par les gens de Nuit debout. La photo de son visage tuméfié circule sur les réseaux sociaux. Les auteurs de tels actes devraient-ils avoir droit à l’impunité ? C’est incompréhensible !
Dans l'amendement, il est question de personnes, et non de syndicalistes, qui commettent des actions répréhensibles et qui – c’est précisé – ont parfois été condamnées.
Il est impossible d’assumer une telle disposition devant la société.
Mme Sophie Primas. Bien sûr !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Il n’est qu’à voir les réactions après qu’un certain nombre de manifestations ont dégénéré du fait de personnes dont je ne connais pas l’origine. On ne peut pas les exonérer de la loi comme cela. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
L’avis de la commission est définitivement défavorable !
Mme Sophie Primas. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. L’avis est également défavorable.
Le Gouvernement défend la liberté syndicale et la liberté de manifester, qu’il garantit. Je rappelle à cette occasion qu’il n’y a aucune criminalisation de l’action syndicale dans notre pays et que le Gouvernement souhaite maintenir la sécurité publique, assurer l’ordre public et garantir l’application de la loi. Y compris en ce moment, la volonté du Gouvernement est de garantir le droit de manifester et le droit de grève. Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur le sujet !
Par ailleurs, je rappelle que le fichier national automatisé des empreintes génétiques a été créé et mis en place dans un contexte bien particulier. Il s’agissait de poursuivre des personnes en fonction d’un critère objectif tenant à la nature de l’infraction considérée. Il s’agit de traiter non pas le statut, mais l’infraction, et de poursuivre des personnes sur la base d’infractions constatées.
Mme Nicole Bricq. Absolument !
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. C’est un critère objectif. Les militants syndicaux ne sont pas plus concernés que d’autres, puisque c’est un critère de fait qui prévaut et non un critère de catégorie ou de personne.
Il existe un principe d’égalité devant la loi, selon lequel, dès lors qu’il y a infraction, toute personne, quelle qu’elle soit, une fois l’infraction constatée, est soumise à la loi et doit se voir infliger les condamnations liées à cette infraction. En aucun cas, certaines personnes, au regard de leur statut, ne sauraient être protégées quand elles auraient commis une infraction de cette nature. (Mme Nicole Bricq opine.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je tiens à répondre à ce qui vient d’être dit. Il ne s’agit en aucun cas d’impunité pour les auteurs de telle ou telle violence. Il s’agit de savoir si l’on doit inscrire des personnes, en l’occurrence des militants syndicaux, dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques, qui a été créé dans un dessein particulier et dont la charge symbolique est extrêmement forte.
Nous parlons de cas très concrets. On a voulu obliger Xavier Mathieu, militant de Continental que tout le monde connaît, des militants syndicaux qui manifestaient contre la ferme des Mille vaches, un syndicaliste des autoroutes du sud de la France, à donner leurs empreintes génétiques, comme s’il s’agissait de vulgaires criminels. C’est de cela que nous parlons.
M. Michel Forissier, rapporteur. Mais non !
M. Pierre Laurent. C’est une question précise et extrêmement importante pour le respect du syndicalisme dans notre pays. Je regrette que vous ne l’entendiez pas ainsi.
M. Bernard Vera. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. J’avoue ne pas comprendre du tout ce qui est prévu dans cet amendement.
On peut vouloir critiquer globalement le principe des empreintes génétiques et leur conservation, mais comment excuser des violences volontaires, sous prétexte qu’elles ont été commises lors d’un conflit ou d’une action de masse (Mme Anne Emery-Dumas opine.), alors même que nous savons que c’est dans l’entraînement de masse que les notions de violence et de responsabilité individuelle perdent leur sens ?
Ce n’est pas sérieux et je suis très étonné que le groupe CRC formule une telle proposition. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Je ne veux pas que l’on s’énerve (M. Daniel Chasseing rit.), mais la rédaction de cet amendement ne vise pas particulièrement les délégués syndicaux : il est question de « personnes ».
Mme la secrétaire d'État l’a rappelé : ce qui compte, c’est non pas l’intention, mais le fait que l’acte ait été commis et constaté et qu’il y ait donc un délit.
Dans cet amendement, il est fait référence au code de procédure pénale, qui fait lui-même référence à des articles du code pénal : il s’agit de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus ou moins huit jours, d’enlèvements, de séquestrations, de détériorations, de destructions de biens appartenant à autrui, y compris par des substances explosives. Vous ne pouvez pas demander que ceux qui ont commis ces délits soient exemptés du prélèvement biologique. Pourquoi ? Nous parlons là d’actes très graves !
Vous avez le droit de présenter un tel amendement. Vous l’avez dit, il se situe dans la continuité de ce que vous aviez demandé lors de l’examen de la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives, que vous aviez déposée lors de l’affaire Continental. Reste que, quand on commet de si graves délits et que ceux-ci sont constatés, on ne peut pas se soustraire à des prélèvements biologiques. Ce n’est pas possible.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Il est loin le temps où, dans cet hémicycle, nous votions une proposition de loi pour l’amnistie syndicale qui a été depuis transmise à l’Assemblée nationale et envoyée à la commission des lois saisie au fond. Il s’agissait, nous avait-on dit à l’époque, de lui donner toute sa force et de répondre aux engagements d’un candidat devenu depuis Président de la République. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Bien évidemment, chacun peut sombrer dans l’excès et dans la caricature.
Mme Bricq répète depuis hier qu’il faut sortir des postures. C’est le moment ! Avec cet amendement, nous défendons une réalité qui semble parfois déranger, à savoir qu’un certain nombre de militants syndicaux, qui ne se reconnaissent pas dans les exemples concrets qui ont été cités, se voient contraints de se soumettre à un prélèvement ADN et soient inscrits dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques dont nous savons, Pierre Laurent l’a rappelé, qu’il est assimilé le plus souvent à un fichier des délinquants sexuels.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas le sujet !
Mme Cécile Cukierman. Je regrette ce refus catégorique de discuter.
Si cet amendement était mal rédigé, vous auriez pu nous proposer de le corriger, y compris pour faire un geste en direction du mouvement syndical. Or vous nous opposez un refus catégorique, ce qui est bien dommage.
Là encore, qu’il est loin le temps où la grande gauche rassemblée défendait les cinq de Roanne qui avaient refusé le prélèvement génétique ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Même si l’on respecte les militants syndicaux qui, comme leur nom l’indique, militent pour défendre l’intérêt général, et leur engagement, on ne peut aller jusqu’à les exclure du fichier national automatisé des empreintes génétiques. Il nous faut rester réalistes.
Nous devons faire confiance au travail de la commission et ne pouvons objectivement que nous rallier à l’avis exprimé par le rapporteur.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Merci !
M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour explication de vote.
M. Pascal Allizard. Mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur le danger auquel nous sommes aujourd’hui exposés, qui est de légiférer dans l’émotion et dans l’urgence. La journée a été extrêmement complexe et de nombreux incidents ont émaillé les manifestations dans la capitale et dans d’autres villes.
On peut comprendre le fondement de l’amendement du groupe CRC. Toutefois, je trouve un peu choquant que nous ne parvenions plus à faire la différence entre l’acte de militer – mon collègue vient de le rappeler – et un acte de délinquance.
L’attention de notre assemblée a été attirée sur ce sujet à la fin de l’après-midi. Nous sommes en train de débattre d’un texte sur le travail, la flexibilité, les droits au travail, mais nous modifions en même temps le droit pénal. Il nous faut donc être extrêmement prudents. Si le droit de grève et le droit de militer sont une chose, basculer dans la délinquance en est une autre. Dans cette matière, les nuances font sens ! Quand il s’agit de délinquance et qu’il y a des victimes, c’est un autre droit qui s’applique.
Je regrette que les membres du groupe CRC ne fassent pas la différence entre ces deux événements. Personnellement, je suivrai l’avis de la commission et voterai contre cet amendement, mais je ne souhaite pas que, dans les prochains débats, nous ayons à chaque fois le même genre de discussion.
J’ai bien conscience que nous sommes à la limite de deux codes différents. Reste que, si le droit social et le droit de grève sont une chose, basculer dans la délinquance en est une autre.
Si des élus locaux, notamment des maires, se comportaient de cette façon, ce ne serait pas accepté. De la part de syndicalistes, cela ne peut pas l’être non plus. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Les écologistes comprennent très bien l’intention de nos collègues du groupe CRC de ne pas assimiler les syndicalistes, leurs représentants, les manifestants à différents actes de délinquance très graves et de les empêcher de se retrouver dans le fichier. Prenons une comparaison historique : les gens n’ont pas envie d’être marqués au fer rouge et de subir une telle marque d’indignité.
En même temps, nous sommes sensibles aux arguments de Mme la secrétaire d’État. Ce qui est retenu, c’est non pas une qualité ou une profession, mais une infraction, un acte de violence.
Nous ne vous accompagnerons donc pas jusqu’au bout de votre démarche, chers collègues, car nous ne sommes pas à l’aise avec ce que vous proposez – peut-être s’agit-il d’une maladresse rédactionnelle ? –, même si, dans le fond, nous partageons votre préoccupation de ne pas voir les syndicalistes figurer dans ce fichier.
Par ailleurs, nous souhaitons alerter l’ensemble de nos collègues sur les prélèvements génétiques et les appeler à la plus grande vigilance à cet égard.
Je rappelle que la structure qui échantillonne les prélèvements d’ADN, qui les répertorie et les transforme en fichier numérique est non pas un service public, mais une entreprise privée. Lorsque la loi a été adoptée, il nous avait été dit que ce n’était pas grave, car il s’agissait d’ADN non codant et qu’on ne faisait figurer dans le fichier que l’identité de la personne. Or c’est faux ! Les derniers prix Nobel ont montré que l’ADN non codant est en fait de l’ADN dont on ne sait pas encore ce qu’il code.
Si je tiens à vous alerter aujourd'hui, mes chers collègues, c’est parce que si ces entreprises privées, à qui vous demanderez peut-être un jour d’être un peu plus rentables, vendaient ces données aux services assurantiels, les personnes concernées par des maladies prédictives rencontreraient alors les pires problèmes.
C’est pourquoi nous ne voterons pas non plus contre cet amendement. Nous sommes en effet contre ces prélèvements et leur classement, car, dans notre république aujourd'hui, ils ne sont pas sécurisés. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Godefroy applaudit également.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 469.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre II
Une nouvelle architecture des règles en matière de durée du travail et de congés
Article 2 A
(Supprimé)
Articles additionnels après l'article 2 A
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 1 rectifié bis est présenté par MM. Karoutchi, Joyandet, Dufaut, Emorine et Cambon, Mme Joissains, M. Magras, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu et Cantegrit, Mme Di Folco, MM. Rapin, Houel et Dallier, Mme Duchêne, M. César, Mmes Estrosi Sassone et Des Esgaulx, MM. Pointereau, Husson, Huré, A. Marc, B. Fournier, Savary, Pellevat et Béchu, Mme Canayer, MM. Fouché, Perrin, Raison et Gilles, Mme Deromedi, MM. Grand et G. Bailly, Mme Mélot, M. Bizet, Mme Troendlé, MM. Savin et P. Dominati, Mme Hummel, MM. Vasselle et Masclet, Mme Primas, MM. Vaspart, Fontaine, Chaize, Longuet, Laménie et Houpert, Mme Gruny et MM. P. Leroy et L. Hervé.
L'amendement n° 143 rectifié est présenté par Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Chasseing, de Legge, Dufaut, Frassa et Gremillet, Mme Hummel, MM. Husson, Joyandet et Laménie, Mme Lopez et MM. Magras, Masclet, Mayet, Pellevat, Pointereau, D. Robert, Doligé, Soilihi et Vasselle.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 2 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :
« Art. 81 quater. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :
« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 dudit code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.
« L’exonération mentionnée au premier alinéa du présent 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;
« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ;
« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;
« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;
« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;
« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.
« II. – L’exonération prévue au I s’applique :
« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :
« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;
« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :
« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;
« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;
« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;
« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;
« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.
« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79 du présent code, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.
« De même, ils ne sont pas applicables :
« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;
« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 241-17 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 241-17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par le même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.
« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent I.
« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peut dépasser ce montant.
« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.
« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;
2° L’article L. 241-18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.
« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quater du même code.
« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.
« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.
« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quater du code général des impôts.
« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.
« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l’article L. 241-17 du présent code. »
III. – Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2017.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Joyandet, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.
M. Alain Joyandet. Il s’agit d’un amendement d’appel, sans rapport direct avec l’ordre du jour.
Par cet amendement, nombre de nos collègues ont souhaité rappeler au Gouvernement que 9 millions de salariés dans notre pays ont bénéficié un temps des heures supplémentaires détaxées. Quatre ans plus tard, ceux qui ne bénéficient plus de ce dispositif le regrettent beaucoup.
Cet amendement vise à évoquer ce sujet, qui fait débat aujourd'hui.
Il est également l’occasion d’apporter la preuve que lorsque Nicolas Sarkozy était Président de la République, on travaillait plus pour gagner plus. Le risque de l’article 2 est que l’on travaille plus pour gagner moins !
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour présenter l'amendement n° 143 rectifié.
Mme Caroline Cayeux. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 901 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 2 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :
« Art. 81 quater. – I. – Sont exonérés de l’impôt sur le revenu :
« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 dudit code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.
« L’exonération mentionnée au premier alinéa du présent 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ;
« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l’article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ;
« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu’ils réalisent ;
« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu’ils accomplissent au-delà d’une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;
« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu’ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;
« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu’ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.
« II. – L’exonération prévue au I s’applique :
« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :
« a) Des taux prévus par la convention collective ou l’accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;
« b) À défaut d’une telle convention ou d’un tel accord :
« – pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail ;
« – pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;
« – pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l’article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d’heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;
« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;
« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.
« III. – Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.
« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article 79 du présent code, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.
« De même, ils ne sont pas applicables :
« – à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l’article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l’horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;
« – à la rémunération d’heures qui n’auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l’article L. 3122-4 du même code. »
II. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 241-17 est rétabli dans la rédaction suivante :
« Art. L. 241-17. – I. – Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par le même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d’origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.
« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent I.
« II. – La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération.
« III. – Le cumul de cette réduction avec l’application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d’assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l’application d’une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.
« IV. – Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;
2° L’article L. 241-18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-18. – I. – Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13, lorsqu’elle entre dans le champ d’application du I de l’article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.
« II. – Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l’article 81 quater du même code.
« III. – Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l’employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l’ensemble de la rémunération du salarié concerné.
« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.
« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l’article 81 quater du code général des impôts.
« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.
« IV. – Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l’article L. 241-17 du présent code. »
III. – Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2013.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
V. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement, que nous avions déjà déposé lors de la discussion de la loi de finances, vise à rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires. Nous sommes constants dans notre demande.
Cette mesure, prise lors du quinquennat précédent, répond à une aspiration profonde de la majorité de la population. Supprimée par l’article 3 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012, elle constitue pourtant une mesure essentielle pour le pouvoir d’achat et pour la réhabilitation d’une conception positive et valorisante de l’effort. Elle est également de nature à accompagner la croissance alors que nous connaissons une reprise économique qu’il faut encourager par tous les moyens en notre possession. Elle permettrait ainsi de donner un coup de fouet à l’activité des entreprises, ainsi qu’au pouvoir d’achat de nos concitoyens.
Cet amendement résulte d’une analyse réaliste des besoins de nos entreprises et des Français, qui ont exprimé un ras-le-bol fiscal. Il est de notre devoir de les entendre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Ces trois amendements ont la vertu indéniable de rappeler le dispositif qui a existé et qui a permis à de nombreux salariés de bénéficier bien des fois d’un véritable treizième mois. Nous regrettons que ce dispositif ait été supprimé d’un trait de plume en 2012.
On le sait, nombre de salariés travaillent 36, 37, voire 38 heures par semaine, soit plus que 35 heures. Ces heures supplémentaires étaient alors majorées et défiscalisées. Ce dispositif avait de nombreuses vertus.
Il est vrai que l’article 2 du texte a été modifié par la commission, qui a souhaité transformer la durée légale en durée de référence, laquelle sera discutée par entreprise ou par branche. Un amendement du groupe Les Républicains, dans le même esprit que les vôtres, tend à prévoir que la rémunération des personnes effectuant régulièrement des heures supplémentaires ne doit pas baisser.
La commission a demandé le retrait de ces amendements, présentés à titre d’appel. L’appel a été entendu, j’espère que la demande de retrait le sera également.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Ce débat sur la défiscalisation des heures supplémentaires revient à chaque fois que le Parlement est amené à débattre du code du travail. Or le Gouvernement ne souhaite absolument pas revenir sur la suppression de la défiscalisation adoptée en 2012, tout simplement parce que la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, la loi TEPA, votée en 2007, a coûté 5 milliards d’euros aux finances publiques de notre pays, qu’elle a eu les conséquences que l’on sait (MM. Michel Raison et Bruno Gilles s’exclament.) – elle en est du moins en partie responsable –, sans pour autant avoir la moindre efficacité sur la croissance…
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Et sur le pouvoir d’achat ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. … et sur l’emploi. Elle a en outre bénéficié le plus à ceux qui gagnaient déjà le plus et moins à ceux qui gagnaient moins à cause de l’effet de proportionnalité.
Il n’est donc absolument pas question pour nous de revenir sur la décision que nous avons prise en 2012 et que nous assumons pleinement, car elle correspond tout à fait à ce que nous souhaitions faire.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. L’amendement que j’ai cosigné vise à rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires. Le code du travail est bien sûr indispensable. Pour sa part, la commission a essayé de flexibiliser mais sans précariser.
Je dois dire que les rapporteurs ont réalisé un travail extraordinaire. Ils ont écouté très longuement tous les syndicats, quels qu’ils soient, ce qui est normal. Aider les entreprises afin d’accroître leur compétitivité et de faciliter le commerce, augmenter le pouvoir d’achat des travailleurs, c’est aussi tout de même pas mal.
La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires a entraîné une diminution de salaire pouvant atteindre parfois 100, voire 200 euros ou plus par mois. Cette mesure était appréciée des salariés, car elle avait entraîné une hausse du pouvoir d’achat importante pour les familles. Je pense en outre qu’elle favorisait l’emploi et qu’elle était très adaptée pour les PME.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Madame la secrétaire d’État, vous avez évoqué la loi TEPA de 2007, dans laquelle figurait cette mesure. Je m’en souviens, car j’ai été l’un des rapporteurs du texte. Cette disposition avait été examinée conjointement par la commission des finances et par la commission des affaires sociales. Nous l’avions alors adoptée avec un certain enthousiasme.
Contrairement à ce que vous affirmez, madame la secrétaire d’État, cette disposition a eu des résultats bien plus positifs que la politique conduite aujourd'hui par le Gouvernement. Compte tenu du taux de chômage dans notre pays et de la situation précaire dans laquelle se trouvent aujourd'hui nombre de salariés, vous êtes donc particulièrement mal placée pour nous donner des leçons en matière de gestion des finances publiques et de politique de l’emploi.
M. Alain Néri. Avec vous, ce n’était pas mieux !
M. Alain Vasselle. C’est une des raisons pour lesquelles, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous demandez le retrait de l’amendement que j’ai cosigné et de celui qu’a présenté Caroline Cayeux.
Nous l’annonçons dès à présent : nous redéposerons cet amendement lors de l’examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous reprendrons l’initiative, car il y a une attente forte dans ce pays, notamment de la part des salariés, lesquels ont très mal vécu la disparition de cette disposition.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Permettez-moi d’expliquer les raisons pour lesquelles je m’en tiendrai à l’avis du rapporteur et de la commission. On ne peut pas comparer la situation actuelle et celle de 2007, pour deux raisons.
En premier lieu, en 2007, les 35 heures étaient en vigueur. L’article 2 du projet de loi prévoit aujourd'hui une liberté sur les 35 heures et sur les modalités de rémunération du temps de travail dans l’entreprise, dans le cadre d’accords d’entreprise sur le temps de travail.
Dès lors, soit on consacre les 35 heures, auquel cas il faut sûrement mettre en œuvre la défiscalisation, qui est une mesure en faveur du pouvoir d’achat ; soit, comme le souhaite la commission, on assouplit le temps de travail et on sort des 35 heures, auquel cas la défiscalisation me paraît contradictoire. Je le dis clairement et nettement.
En second lieu, la situation des finances publiques n’a rien à voir aujourd'hui, mais alors rien à voir, avec ce qu’elle était en 2007. La défiscalisation est une dépense fiscale. Or, dans quelques mois, la dette publique tutoiera les 100 % du PIB. Pour redresser la France, il faut selon moi laisser une plus grande liberté à l’entreprise de s’organiser et de signer des accords d’entreprise, voire des accords de branche.
La défiscalisation doit être prise pour ce qu’elle a été : une bonne mesure, certes, mais liée à une conjoncture précise et aux choix du gouvernement de l’époque. (M. Jean-Pierre Leleux applaudit.)
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Nous voici parvenus à un moment important de notre débat.
Le projet de loi que nous examinons, qui vise à modifier le code du travail, a été adopté par l'Assemblée nationale avec le 49.3, ce qui a posé de nombreuses difficultés. Alors que ce texte nous paraissait assez complet au départ, certains d’entre nous trouvent qu’il a été un peu dénaturé après son passage à l'Assemblée nationale. Il nous arrive ici dans un contexte particulier, on l’a encore vu aujourd'hui, de révolte et de crainte.
J’essaie de tenir un discours très apaisé. La crainte que suscite ce texte tient au fait que certains sur nos travées sont encore dans une logique de lutte des classes. Même si la lutte des classes a fait ses preuves et apporté beaucoup de choses, force est de constater que le monde évolue et que des réformes sont nécessaires. On peut être réformateurs sans se situer obligatoirement du côté du profit, des patrons et contre les ouvriers.
On est réformateurs parce qu’on pense à ceux qui n’ont pas de travail. Certains ici défendent ceux qui ont un emploi, mais on peut aussi penser à ceux qui n’en ont pas. Notre travail est de réformer afin d’amener le plus de gens vers l’emploi, ceux qui sont le plus à plaindre étant les chômeurs et les plus exclus.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Très bien !
M. Gérard Roche. C’est pour cela qu’on travaille sur ce projet de loi.
Dans ce contexte particulier, le Sénat a effectué un travail sérieux, approfondi – les rapporteurs l’ont très bien fait –, qui n’a rien de provocant pour ceux qui acceptent mal ce texte.
Nous avons réfléchi à un assouplissement des heures de travail. Nous avons bien veillé à ce qu’il n’y ait pas de perte de salaire pour les gens effectuant des heures supplémentaires. Cela a été dit et sera redit lors de l’examen de l’article 2.
Dans ce contexte, nous pensons que la défiscalisation des heures supplémentaires n’a plus de sens. Dès lors, le groupe de l’UDI-UC suivra les conclusions des rapporteurs et ne votera pas pour cette défiscalisation. Ceux qui le souhaitent pourront de nouveau proposer cette mesure en d’autres temps, mais je pense que, compte tenu du contexte, ce n’est pas le moment aujourd'hui de l’adopter.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Notre collègue Alain Joyandet a dit qu’il s’agissait d’un amendement d’appel et qu’il était nécessaire. Pour ma part, je me rangerai à l’avis du rapporteur, bien sûr.
Madame la secrétaire d’État, je ne sais pas si vous vous êtes rendue dans les entreprises après la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Je peux vous dire que certains ouvriers ont alors perdu entre 100 et 150 euros par mois. Nombre d’entre eux avaient voté pour François Hollande.
Vous dites, madame la secrétaire d’État, que vous ne reviendrez jamais sur cette mesure. Cela me fait penser à cette locution que l’on apprenait en classe de latin : errare humanum est, perseverare diabolicum ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Néri. Traduisez ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Joyandet, l'amendement n° 1 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Joyandet. Je précise que cet amendement, qui a été déposé sur l’initiative de notre excellent collègue Roger Karoutchi, a été cosigné par plus de cinquante sénateurs. Il ne s’agit donc pas d’une initiative individuelle.
Par ailleurs, j’ai pris la précaution d’indiquer qu’il visait à ouvrir un débat sur cette question. Lorsque nous avons envisagé de déposer cet amendement, nous ne connaissions pas exactement le contenu de l’article 2. Il ne sert donc à rien de lier cet amendement à l’article 2.
Mme la secrétaire d’État nous explique que la défiscalisation des heures supplémentaires a coûté 5 milliards d’euros. Mais combien a donc coûté votre million de chômeurs supplémentaires ? (M. Alain Néri s’exclame.) Vous avez fait beaucoup de choses, mis en œuvre les 35 heures, persuadés que la division du temps de travail créerait des emplois. Si c’était vrai, il y aurait beaucoup moins de chômeurs – n’est-ce pas ?
Les entreprises ont besoin de souplesse. Les socialistes parlent de flexisécurité. Or, avec ce texte, vous êtes en train de nous proposer de la flexibilité pour les entreprises sans prévoir de sécurité pour les travailleurs ! (Mme Nicole Bricq s’exclame.) Cessez donc de nous donner des leçons et acceptez qu’on discute de bonne foi de ce qu’on pense être la bonne solution. Nous sommes un certain nombre à penser qu’une augmentation du temps de travail donnera du pouvoir d’achat en plus aux travailleurs tout en offrant de la flexibilité aux entreprises.
Tel est le fruit de l’excellent travail qu’ont effectué nos rapporteurs sur l’article 2, ce qui nous conduit à retirer cet amendement.
De grâce, cessez de nous donner des leçons sur tous les sujets où vous avez échoué chaque fois que vous avez fait quelque chose !
M. Alain Néri. Vous, c’était une réussite !
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis est retiré.
Madame Cayeux, l'amendement n° 143 rectifié est-il maintenu ?
Mme Caroline Cayeux. Je fais évidemment confiance à nos rapporteurs, dont l’avis est cohérent avec le texte. Il s’agit d’offrir de plus grandes possibilités de trouver du travail. À cet effet, les amendements de la commission sont plus percutants.
Dans cet esprit, et dans la droite ligne des interventions de mon collègue Joyandet et du président Retailleau, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 143 rectifié est retiré.
Monsieur Requier, l'amendement n° 901 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Nous présentons cette requête depuis longtemps, lors de chaque budget, mais me sentant désormais un peu seul (Sourires.), je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 901 rectifié est retiré.
L'amendement n° 471 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 2 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 3121-22 du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement peut prévoir un taux de majoration différent uniquement plus favorable. Ce taux ne peut être inférieur à 25 %. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. À travers cet amendement, nous souhaitons rétablir le principe de faveur en matière de majoration des heures supplémentaires.
Oui, il est nécessaire de moderniser, de fortifier même notre code du travail, mais cette modernisation ne peut se concevoir que si elle fait progresser le droit du travail. En effet, le code du travail a pour vocation de dire le droit en matière de travail, non pas de renforcer la compétitivité, comme on l’a vu à l’article 1er, ou même de créer de l’emploi.
À cet égard, une étude récente du FMI conclut que « la réglementation du marché du travail n’a pas d’effets statistiquement significatifs sur la compétitivité des entreprises ».
De plus, nous souhaitons maintenir l’effectivité de la majoration des heures supplémentaires au-delà des 35 heures, à un taux qui ne pourra être inférieur à 25 %. Contrairement à ce qu’affirmait Gérard Roche, il y aura donc bien une perte de salaire concernant les heures supplémentaires. En somme, nous souhaitons élargir la dérogation accordée aux routiers à l’ensemble des salariés, tout en revenant sur le plancher des 10 %. La preuve a d'ailleurs été donnée par M. Vidalies.
En effet, il n’est pas suffisant d’affirmer que vous reviendrez sur la majoration des heures supplémentaires et, dans le même temps, de décider un plancher obligatoire de 10 %. Le recul est évident puisque, jusqu’à présent, la norme était une majoration de 25 % assortie de dérogations. Cela est d’autant plus inacceptable que les secteurs consommateurs d’heures supplémentaires sont des secteurs à bas salaires. Pour un salarié payé au SMIC, l’employeur devra débourser moins de 1 euro par heure supplémentaire, une broutille qui le poussera à y recourir au lieu d’embaucher. Quant aux salariés, ils verront leur pouvoir d’achat baisser, mais cela ne semble pas vous choquer outre mesure.
De plus, et cela n’est pas à démontrer, le recours aux heures supplémentaires est un frein à la création d’emplois. Le Président de la République ne rappelait-il pas, il y a peu, que « Quand une entreprise pouvait payer moins cher une heure supplémentaire qu’une heure normale d’un salarié recruté, elle prenait l’heure supplémentaire au détriment de la création d’emploi » ?
Enfin, cette disposition dévalorise également la valeur travail, ce qui est une faute politique et morale pour un gouvernement de gauche ! (La gauche et la morale ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Votre position reflète votre constance, puisque vous aviez voté contre la loi portant rénovation de la démocratie sociale en 2008 prévoyant justement le dispositif de majoration compris entre 10 % et 25 %.
À travers votre amendement, vous souhaitez revenir à la situation antérieure à 2008. Pour notre part, nous faisons véritablement confiance au dialogue sur le terrain. Un entrepreneur comme Alain Joyandet affirmant vouloir s’en tenir à 25 % pourra le faire, il n’y a pas de problème. Un accord sera conclu avec ses salariés. D’autres salariés discutant avec leur employeur pourront s’entendre sur un taux de 20 % assorti d’avantages annexes. Les équilibres seront différents d’un secteur à l’autre, d’une entreprise à l’autre, et nous faisons confiance au terrain pour s’organiser.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable. Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer hier, l’objectif de l’article 2 est d’élargir au maximum l’objet de la négociation au niveau de l’entreprise, pour essayer de nouer les compromis les plus larges.
Il existe aujourd'hui la possibilité de fixer des règles au niveau de la branche, une clause de verrouillage pouvant interdire que les accords d’entreprise fixent un taux en deçà de 25 %. Par ailleurs, près d’un quart des 50 plus grandes branches n’ont pas institué de clause de verrouillage, et peu d’accords ont été conclus sur la majoration des heures supplémentaires.
La convention collective de l’audiovisuel, par exemple, a décidé d’un taux de majoration de 10 % pour les 4 premières heures, de 25 % pour les 4 suivantes et de 50 % au-delà. En contrepartie, l’accord prévoit des jours de RTT supplémentaires lorsque la durée hebdomadaire dépasse les 35 heures : 6 jours de RTT pour 36 heures, 11 jours de RTT pour 37 heures, etc.
Cette convention s’inscrit tout à fait dans l’esprit du projet de loi. Il s’agit de laisser le maximum d’espace à la négociation, sauf, bien évidemment, sur les sujets qui relèvent de la branche, comme l’accord sur le temps partiel ou la majoration des heures complémentaires. L’objectif est de faire confiance aux acteurs de terrain pour s’adapter. En outre, l’organisation du travail, du temps de travail sont des éléments structurants du quotidien.
Ce projet de loi ne prévoit pas, bien évidemment, une baisse mécanique des taux de majoration des heures supplémentaires, il offre la possibilité de nouer des compromis. Nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet lors de l’examen des amendements à l’article 2.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Madame la ministre, vous ne m’avez pas convaincue. Preuve en a été donnée par Alain Vidalies. Il a suffi que les camionneurs bloquent la France pour qu’on leur affirme qu’ils ne seraient pas concernés par la loi et que leurs heures supplémentaires ne pourraient pas être majorées de moins de 25 %. Quelques camionneurs ont bloqué en partie la France, et ils ont obtenu gain de cause. Aujourd'hui, un million de personnes sont descendues dans la rue et vous ne les entendez toujours pas. Pourtant, elles demandent, entre autres revendications, la même chose que les camionneurs : que leurs heures supplémentaires continuent d’être majorées de 25 %. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Les transporteurs routiers ont un régime spécifique en matière d’heures d’équivalence et d’heures supplémentaires lié à leur activité, notamment lors de très longs trajets. Nous n’avons pas modifié la loi Travail sur ce point, car ce régime relève d’un décret, dont Alain Vidalies a rappelé la teneur.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Je formulerai trois remarques pour abonder dans le sens de cet amendement.
D’abord, sur le fond, l’époque est-elle à l’augmentation des heures supplémentaires ? L’un de nos collègues nous rappelait qu’il ne fallait pas seulement penser à ceux qui ont du travail, mais également à ceux qui n’en ont pas. Je ne suis pas certain que la généralisation des heures supplémentaires soit le projet que nous devions nous fixer pour lutter contre le chômage.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Pierre Laurent. Ensuite, vous avez beau essayer de nous démontrer le contraire, avec cet article et le suivant, la souplesse que vous évoquez en permanence, la liberté donnée aux acteurs de terrain ne fonctionnera qu’à sens unique, dans le sens de la dégradation. L’engrenage s’étendra à l’ensemble des entreprises d’une même branche et ce sera systématiquement la porte ouverte au moins-disant social. M. le rapporteur affirmait qu’une entreprise qui le souhaiterait pourrait continuer à payer une majoration de 25 %. Cependant, lorsque le tiers des entreprises de son secteur auront passé des accords pour fixer la majoration à 10 %, l’entreprise reviendra devant ses salariés et, pour rester compétitive, leur demandera de revenir sur l’accord et de diminuer la majoration des heures supplémentaires.
Donc, on voit bien que l’engrenage dans lequel vous mettez le doigt sera systématiquement en défaveur des salariés. Le code du travail sert précisément à empêcher de tirer systématiquement vers le bas les droits sociaux et les rémunérations des salariés, en particulier en situation de chômage massif et de pauvreté. Nous devons y être extrêmement vigilants.
C’est cette logique de fragilisation, d’insécurisation généralisée que nous refusons. Nous proposons, au contraire, des mesures de protection, à travers cet amendement et d’autres que nous présenterons par la suite.
M. le président. La parole est à M. Alain Joyandet, pour explication de vote.
M. Yannick Vaugrenard. Encore ?
M. Alain Joyandet. Oui, parce que c’est un sujet qui me tient à cœur !
Au fond, sur cette question de la rémunération des heures supplémentaires, il faut s’ouvrir sur la nouvelle économie, les entreprises où il n’y a jamais eu d’heures supplémentaires, par exemple. Après tout, dans le cadre de la négociation, là où il n’y a jamais eu d’heures supplémentaires, si les salariés et le patronat se mettent d’accord pour que celles-ci soient payées avec une majoration de 10 % ou de 15 % et que cela permet de faire plus d’heures supplémentaires, tout le monde est gagnant. Ce n’est pas le sujet.
Ce que je regrette personnellement, madame la ministre, c’est que votre texte n’interdise pas, après avoir effectué des heures supplémentaires majorées à 25 % pendant des années, de revenir à un taux de 10 % contre l’avis des salariés. Si c’est une négociation et que tout le monde est d’accord, soit ! Cependant, il me semble qu’il serait de nature à apaiser la situation de prévoir que, dans des entreprises lambda, les personnes qui touchent depuis 30 ans des heures supplémentaires à 25 % n’ont aucun risque juridique de se voir imposer une diminution du taux. Vous avez évoqué le cas du patron qui souhaite maintenir les heures supplémentaires à 25 %, mais s’il ne veut pas ? C’est une situation qui me choque. Je ne l’accepterais ni pour moi ni pour mes enfants, je ne vois pas pourquoi je l’approuverais dans le projet de loi.
Si le Gouvernement pouvait lever ce doute, je pense que cela réglerait bien des inquiétudes, y compris d'ailleurs dans la rue. Les manifestations font peut-être aussi écho à des craintes qui ne sont pas complètement infondées.
M. Alain Néri. Oh !
M. Alain Joyandet. Je ne suis ni socialiste ni communiste, j’essaie d’être pragmatique.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je souhaite répondre à M. Joyandet.
Vous avez raison d’être choqué, monsieur le sénateur. Le projet de loi ne prévoit pas une baisse mécanique du taux de majoration de 25 % à 10 %. Il rappelle que le taux de majoration est à 25 % pour les quatre premières heures, 50 % au-delà, et que, si et seulement si un accord majoritaire, c'est-à-dire signé par des organisations syndicales représentant 50 % des salariés, le décide – il ne s’agit donc pas d’une décision unilatérale de l’employeur –, il peut être abaissé à 10 %.
Cette possibilité de fixer des taux de majoration à 10 % existe déjà dans de nombreuses branches. Elle n’a pas été mise en œuvre. L’objectif est d’élargir l’objet de la négociation. Il ne s’agit nullement d’une baisse mécanique. Vous nous dites qu’il faut recueillir l’accord des salariés. En tout cas, il faut obtenir l’accord des organisations syndicales représentant 50 % des salariés. Nous sommes donc tout à fait d’accord sur ce point.
Il est légitime d’avoir un questionnement sincère, puisque l’on touche à la question du pouvoir d’achat des salariés. Je tiens à rappeler qu’il ne s’agit pas d’une baisse mécanique, cela reste dans l’objet de la négociation ; c’est une possibilité qui est offerte. C’est déjà le cas aujourd'hui, sauf si la branche l’a verrouillée. Le projet de loi casse simplement le verrou de la branche. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 471 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
I. – (Supprimé)
II. – Le chapitre unique du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du code du travail est complété par un article L. 3111-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 3111-3. – À l’exception du chapitre II du titre III ainsi que des titres VI et VII, le présent livre définit les règles d’ordre public, le champ de la négociation collective et les règles supplétives applicables en l’absence d’accord. »
III. – Le titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail est ainsi rédigé :
« TITRE II
« DURÉE DU TRAVAIL, RÉPARTITION ET AMÉNAGEMENT DES HORAIRES
« CHAPITRE IER
« Durée et aménagement du travail
« Section 1
« Travail effectif, astreintes et équivalences
« Sous-section 1
« Travail effectif
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121-1. – La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
« Art. L. 3121-2. – Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l’article L. 3121-1 sont réunis.
« Art. L. 3121-3. – Le temps nécessaire aux opérations d’habillage et de déshabillage, lorsque le port d’une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l’habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l’entreprise ou sur le lieu de travail, fait l’objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière.
« Art. L. 3121-4. – Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.
« Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121-5. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir une rémunération des temps de restauration et de pause mentionnés à l’article L. 3121-2, même lorsque ceux-ci ne sont pas reconnus comme du temps de travail effectif.
« Art. L. 3121-6. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche prévoit soit d’accorder des contreparties aux temps d’habillage et de déshabillage mentionnés à l’article L. 3121-3, soit d’assimiler ces temps à du temps de travail effectif.
« Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche prévoit des contreparties lorsque le temps de déplacement professionnel mentionné à l’article L. 3121-4 dépasse le temps normal de trajet.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121-7. – À défaut d’accords prévus aux articles L. 3121-5 et L. 3121-6 :
« 1° Le contrat de travail peut fixer la rémunération des temps de restauration et de pause ;
« 2° Le contrat de travail prévoit soit d’accorder des contreparties aux temps d’habillage et de déshabillage mentionnés à l’article L. 3121-3, soit d’assimiler ces temps à du temps de travail effectif ;
« 3° Les contreparties prévues au second alinéa de l’article L. 3121-6 sont déterminées par l’employeur après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.
« Sous-section 2
« Astreintes
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121-8. – Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.
« La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
« La période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
« Les salariés concernés par des périodes d’astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.
« Art. L. 3121-9. – Exception faite de la durée d’intervention, la période d’astreinte est prise en compte pour le calcul de la durée minimale de repos quotidien prévue à l’article L. 3131-1 et des durées de repos hebdomadaire prévues aux articles L. 3132-2 et L. 3164-2.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121-10. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut mettre en place les astreintes. Cette convention ou cet accord fixe le mode d’organisation des astreintes, les modalités d’information et les délais de prévenance des salariés concernés et la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121-11. – À défaut d’accord prévu à l’article L. 3121-10 du présent code :
« 1° Le mode d’organisation des astreintes et leur compensation sont fixés par l’employeur, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent, et après information de l’agent de contrôle de l’inspection du travail ;
« 2° Les modalités d’information des salariés concernés sont fixées par décret en Conseil d’État et la programmation individuelle des périodes d’astreinte est portée à leur connaissance quinze jours à l’avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve qu’ils en soient avertis au moins un jour franc à l’avance.
« Sous-section 3
« Équivalences
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121-12. – Le régime d’équivalence constitue un mode spécifique de détermination du temps de travail effectif et de sa rémunération pour des professions et des emplois déterminés comportant des périodes d’inaction.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121-13. – Une convention ou un accord de branche étendu peut instituer une durée du travail équivalente à la durée de référence pour les professions et emplois mentionnés à l’article L. 3121-12.
« Cette convention ou cet accord détermine la rémunération des périodes d’inaction.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121-14. – À défaut d’accord prévu à l’article L. 3121-13, le régime d’équivalence peut être institué par décret en Conseil d’État.
« Section 2
« Durées maximales de travail
« Sous-section 1
« Temps de pause
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121-15. – Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121-16. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut fixer un temps de pause supérieur.
« Sous-section 2
« Durée quotidienne maximale
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121-17. – La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :
« 1° En cas de dérogation accordée par l’autorité administrative dans des conditions déterminées par décret ;
« 2° En cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret ;
« 3° Dans les cas prévus à l’article L. 3121-18.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121-18. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif, en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures.
« Sous-section 3
« Durées hebdomadaires maximales
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121-19. – Au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.
« Art. L. 3121-20. – En cas de circonstances exceptionnelles et pour la durée de celles-ci, le dépassement de la durée maximale définie à l’article L. 3121-19 peut être autorisé par l’autorité administrative, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine.
« Art. L. 3121-21. – La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3121-22 à L. 3121-24.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121-22. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée hebdomadaire de travail de quarante-quatre heures calculée sur une période de seize semaines consécutives, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée, calculée sur une période de seize semaines, à plus de quarante-six heures.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121-23. – À défaut d’accord prévu à l’article L. 3121-22, le dépassement de la durée maximale hebdomadaire prévue à l’article L. 3121-21 est autorisé par l’autorité administrative dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, dans la limite d’une durée totale maximale de quarante-six heures.
« Art. L. 3121-24. – À titre exceptionnel, dans certains secteurs, dans certaines régions ou dans certaines entreprises, le dépassement de la durée maximale de quarante-six heures prévue aux articles L. 3121-22 et L. 3121-23 peut être autorisé pendant des périodes déterminées, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 3121-25. – Le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s’ils existent, donnent leur avis sur les demandes d’autorisation formulées auprès de l’autorité administrative en application des articles L. 3121-23 et L. 3121-24. Cet avis est transmis à l’agent de contrôle de l’inspection du travail.
« Section 3
« Durée de référence et heures supplémentaires
« Sous-section 1
« Ordre public
« Art. L. 3121-26. – La durée de référence du travail effectif des salariés à temps complet est fixée par accord collectif.
« Art. L. 3121-27. – Toute heure accomplie au-delà de la durée de référence hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
« Art. L. 3121-28. – Les heures supplémentaires se décomptent par semaine.
« Art. L. 3121-29. – Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.
« Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée de référence.
« Les heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur équivalent mentionné à l’article L. 3121-27 et celles accomplies dans les cas de travaux urgents énumérés à l’article L. 3132-4 ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires.
« Art. L. 3121-30. – Dans les entreprises dont la durée collective hebdomadaire de travail est supérieure à la durée mentionnée à l’article L. 3121-34-1, la rémunération mensuelle due au salarié peut être calculée en multipliant la rémunération horaire par les cinquante-deux douzièmes de cette durée hebdomadaire de travail, en tenant compte des majorations de salaire correspondant aux heures supplémentaires accomplies.
« Sous-section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121-31. – Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer une période de sept jours consécutifs constituant la semaine pour l’application du présent chapitre.
« Art. L. 3121-32. – I. – Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche :
« 1°A (nouveau) - Fixe la durée de référence du travail effectif des salariés à temps complet ;
« 1° Prévoit le ou les taux de majoration des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée de référence ou de la durée considérée comme équivalente. Ce taux ne peut être inférieur à 10 % ;
« 2° Définit le contingent annuel prévu à l’article L. 3121-29 ;
« 3° Fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévue au même article L. 3121-29. Cette contrepartie obligatoire ne peut être inférieure à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné à l’article L. 3121-29 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.
« Les heures supplémentaires sont accomplies, dans la limite du contingent annuel applicable dans l’entreprise, après information du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.
« Les heures supplémentaires sont accomplies, au-delà du contingent annuel applicable dans l’entreprise, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.
« II. – Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut également :
« 1° Prévoir qu’une contrepartie sous forme de repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent ;
« 2° Prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent.
« III. – Une convention ou un accord d’entreprise peut adapter les conditions et les modalités d’attribution et de prise du repos compensateur de remplacement.
« Art. L. 3121-33. – Dans les branches d’activité à caractère saisonnier mentionnées à l’article L. 3132-7, une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement conclu en application de l’article L. 1244-2 ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut, dans des conditions déterminées par décret, déroger aux dispositions de la présente section relatives à la détermination des périodes de référence pour le décompte des heures supplémentaires et des repos compensateurs.
« Sous-section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121-34. – Sauf stipulations contraires dans une convention ou un accord mentionné à l’article L. 3121-31, la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.
« Art. L. 3121-34-1 (nouveau). – À défaut d’accord, la durée de référence mentionnée à l’article L. 3121-26 est fixée à trente-neuf heures par semaine.
« Art. L. 3121-35. – À défaut d’accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée de référence hebdomadaire fixée en application de l’article L. 3121-26 ou, le cas échéant, de l’article L. 3121-34-1, ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
« Art. L. 3121-36. – Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent peut être mis en place par l’employeur à condition que le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s’ils existent, ne s’y opposent pas.
« L’employeur peut également adapter à l’entreprise les conditions et les modalités d’attribution et de prise du repos compensateur de remplacement après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.
« Art. L. 3121-37. – À défaut d’accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l’article L. 3121-29 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.
« Art. L. 3121-38. – À défaut d’accord, un décret détermine le contingent annuel défini à l’article L. 3121-29 ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire sous forme de repos pour toute heure supplémentaire effectuée au-delà de ce contingent.
« Art. L. 3121-38-1. – À défaut d’accord, les modalités d’utilisation du contingent annuel d’heures supplémentaires et de son éventuel dépassement donnent lieu au moins une fois par an à la consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.
« Section 4
« Aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, horaires individualisés et récupération des heures perdues
« Sous-section 1
« Aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121-39. – Lorsqu’est mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de cette période de référence.
« Cette période de référence ne peut dépasser trois ans en cas d’accord collectif et seize semaines en cas de décision unilatérale de l’employeur.
« Si la période de référence est annuelle, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de 1 607 heures.
« Si la période de référence est inférieure ou supérieure à un an, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà d’une durée hebdomadaire moyenne de trente-cinq heures calculée sur la période de référence.
« Art. L. 3121-40. – Dans les entreprises ayant mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les salariés sont informés dans un délai raisonnable de tout changement dans la répartition de leur durée de travail.
« Art. L. 3121-41. – La mise en place d’un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine par accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail pour les salariés à temps complet.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121-42. – En application de l’article L. 3121-39, un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut définir les modalités d’aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine. Il prévoit :
« 1° La période de référence, qui ne peut excéder un an ou, si un accord de branche l’autorise, trois ans ;
« 2° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d’horaires de travail ;
« 3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et des départs en cours de période de référence.
« Lorsque l’accord s’applique aux salariés à temps partiel, il prévoit les modalités de communication et de modification de la répartition de la durée et des horaires de travail.
« L’accord peut prévoir une limite annuelle inférieure à la durée de référence fixée en application de l’article L. 3121-26 calculée sur l’année pour le décompte des heures supplémentaires.
« Si la période de référence est supérieure à un an, l’accord prévoit une limite hebdomadaire, supérieure à trente-cinq heures, au-delà de laquelle les heures de travail effectuées au cours d’une même semaine constituent en tout état de cause des heures supplémentaires dont la rémunération est payée avec le salaire du mois considéré. Si la période de référence est inférieure ou égale à un an, l’accord peut prévoir cette même limite hebdomadaire. Les heures supplémentaires résultant de l’application du présent alinéa n’entrent pas dans le décompte des heures travaillées opéré à l’issue de la période de référence mentionnée au 1°.
« L’accord peut prévoir que la rémunération mensuelle des salariés est indépendante de l’horaire réel et détermine alors les conditions dans lesquelles cette rémunération est calculée, dans le respect de l’avant-dernier alinéa.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121-43. – À défaut d’accord mentionné à l’article L. 3121-42, l’employeur peut, dans des conditions fixées par décret, mettre en place une répartition sur plusieurs semaines de la durée du travail, dans la limite de seize semaines pour les entreprises employant moins de cinquante salariés et dans la limite de quatre semaines pour les entreprises de cinquante salariés et plus.
« Art. L. 3121-44. – Par dérogation à l’article L. 3121-43, dans les entreprises qui fonctionnent en continu, l’employeur peut mettre en place une répartition de la durée du travail sur plusieurs semaines.
« Art. L. 3121-45. – À défaut de stipulations dans l’accord mentionné à l’article L. 3121-42, le délai de prévenance des salariés en cas de changement de durée ou d’horaires de travail est fixé à sept jours.
« Sous-section 2
« Horaires individualisés et récupération des heures perdues
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3121-46. – L’employeur peut mettre en place un dispositif d’horaires individualisés permettant un report d’heures d’une semaine à une autre, dans les limites et selon les modalités définies aux articles L. 3121-49 et L. 3121-50, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent. Dans ce cadre, et par dérogation à l’article L. 3121-28, les heures de travail effectuées au cours d’une même semaine au-delà de la durée hebdomadaire conventionnelle ne sont pas considérées comme des heures supplémentaires, pourvu qu’elles résultent d’un libre choix du salarié.
« Dans les entreprises qui ne disposent pas de représentant du personnel, l’inspecteur du travail autorise la mise en place d’horaires individualisés.
« Art. L. 3121-47. – Les salariés mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l’article L. 5212-13 bénéficient à leur demande, au titre des mesures appropriées prévues à l’article L. 5213-6, d’un aménagement d’horaires individualisés propre à faciliter leur accès à l’emploi, leur exercice professionnel ou le maintien dans leur emploi.
« Les aidants familiaux et les proches d’une personne handicapée bénéficient, dans les mêmes conditions, d’un aménagement d’horaires individualisés propre à faciliter l’accompagnement de cette personne
« Art. L. 3121-48. – Seules peuvent être récupérées les heures perdues par suite d’une interruption collective du travail résultant :
« 1° De causes accidentelles, d’intempéries ou en cas de force majeure ;
« 2° D’inventaire ;
« 3° Du chômage d’un jour ou de deux jours ouvrables compris entre un jour férié et un jour de repos hebdomadaire ou d’un jour précédant les congés annuels.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121-49. – Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut :
« 1° Prévoir les limites et modalités du report d’heures d’une semaine à une autre lorsqu’est mis en place un dispositif d’horaires individualisés en application de l’article L. 3121-46 ;
« 2° Fixer les modalités de récupération des heures perdues dans les cas prévus à l’article L. 3121-48.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121-50. – À défaut d’accord collectif mentionné à l’article L. 3121-49, les limites et modalités du report d’heures en cas de mise en place d’un dispositif d’horaires individualisés et de récupération des heures perdues sont déterminées par décret en Conseil d’État.
« Section 5
« Conventions de forfait
« Sous-section 1
« Ordre public
« Paragraphe 1
« Dispositions communes
« Art. L. 3121-51. – La durée du travail peut être forfaitisée en heures ou en jours dans les conditions prévues aux sous-sections 2 et 3 de la présente section.
« Art. L. 3121-52. – Le forfait en heures est hebdomadaire, mensuel ou annuel. Le forfait en jours est annuel.
« Art. L. 3121-53. – La forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit.
« Paragraphe 2
« Forfaits en heures
« Art. L. 3121-54. – Tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.
« Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en heures sur l’année, dans la limite du nombre d’heures fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121-62 :
« 1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
« 2° Les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps.
« Art. L. 3121-55. – La rémunération du salarié ayant conclu une convention individuelle de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée, le cas échéant, des majorations pour heures supplémentaires prévues aux articles L. 3121-27, L. 3121-32 et L. 3121-35.
« Paragraphe 3
« Forfaits en jours
« Art. L. 3121-56. – Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en jours sur l’année, dans la limite du nombre de jours fixé en application du 3° du I de l’article L. 3121-62 :
« 1° Les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;
« 2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
« Art. L. 3121-57. – Le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire. L’accord entre le salarié et l’employeur est établi par écrit.
« Un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l’employeur détermine le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu’il puisse être inférieur à 10 %. Cet avenant est valable pour l’année en cours. Il ne peut être reconduit de manière tacite.
« Art. L. 3121-58. – L’employeur s’assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail.
« Art. L. 3121-59. – Lorsqu’un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées, il peut, nonobstant toute clause contraire, conventionnelle ou contractuelle, saisir le juge judiciaire afin que lui soit allouée une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, eu égard notamment au niveau du salaire pratiqué dans l’entreprise, et correspondant à sa qualification.
« Art. L. 3121-60. – Les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives :
« 1° À la durée quotidienne maximale de travail effectif prévue à l’article L. 3121-17 ;
« 2° Aux durées hebdomadaires maximales de travail prévues aux articles L. 3121-19 et L. 3121-21 ;
« 3° À la durée de référence hebdomadaire prévue à l’article L. 3121-26.
« Sous-section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3121-61. – Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l’année sont mis en place par un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
« Art. L. 3121-62. – I. – L’accord prévoyant la conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours sur l’année détermine :
« 1° Les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, dans le respect des articles L. 3121-54 et L. 3121-56 ;
« 2° La période de référence du forfait, qui peut être l’année civile ou toute autre période de douze mois consécutifs ;
« 3° Le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait, dans la limite de deux cent dix-huit jours s’agissant du forfait en jours ;
« 4° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période ;
« 5° Les caractéristiques principales des conventions individuelles, qui doivent notamment fixer le nombre d’heures ou de jours compris dans le forfait.
« II. – L’accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine :
« 1° Les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié ;
« 2° Les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise ;
« 3° Les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion prévu au 7° de l’article L. 2242-8.
« L’accord peut fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l’année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en application de l’article L. 3121-57. Ce nombre de jours doit être compatible avec les dispositions du titre III relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l’entreprise et avec celles du titre IV relatives aux congés payés.
« L’accord peut également fixer les modalités selon lesquelles le salarié peut, à sa demande et avec l’accord de l’employeur, fractionner son repos quotidien ou hebdomadaire dès lors qu’il choisit de travailler en dehors de son lieu de travail au moyen d’outils numériques. L’accord détermine notamment la durée minimale de repos quotidien et hebdomadaire ne pouvant faire l’objet d’un fractionnement.
« Sous-section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3121-63-A (nouveau). – À défaut d’accord collectif prévu à l’article L. 3121-61, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, des conventions individuelles de forfaits en jours et en heures sur l’année peuvent être conclues sous réserve que l’employeur fixe les règles et respecte les garanties prévues aux articles L. 3121-62 et L. 3121-63.
« Art. L. 3121-63. – I. – À défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l’article L. 3121-62, une convention individuelle de forfait en jours peut être valablement conclue sous réserve du respect des dispositions suivantes :
« 1° L’employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l’employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;
« 2° L’employeur s’assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;
« 3° L’employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l’organisation de son travail, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.
« II. – À défaut de stipulations conventionnelles prévues au 3° du II de l’article L. 3121-62, les modalités d’exercice par le salarié de son droit à la déconnexion sont définies par l’employeur et communiquées par tout moyen aux salariés concernés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités sont conformes à la charte mentionnée au 7° de l’article L. 2242-8.
« Art. L. 3121-64. – En cas de renonciation, par le salarié, à des jours de repos en application de l’article L. 3121-57 et à défaut de précision dans l’accord collectif mentionné à l’article L. 3121-62, le nombre maximal de jours travaillés dans l’année est de deux cent trente-cinq.
« Section 6
« Dispositions d’application
« Art. L. 3121-65. – Des décrets en Conseil d’État déterminent les modalités d’application du présent chapitre pour l’ensemble des branches d’activité ou des professions ou pour une branche ou une profession particulière. Ces décrets fixent notamment :
« 1° La répartition et l’aménagement des horaires de travail ;
« 2° Les conditions de recours aux astreintes ;
« 3° Les dérogations permanentes ou temporaires applicables dans certains cas et pour certains emplois ;
« 4° Les périodes de repos ;
« 5° Les modalités de récupération des heures de travail perdues ;
« 6° Les mesures de contrôle de ces diverses dispositions.
« Ces décrets sont pris et révisés après consultation des organisations d’employeurs et de salariés intéressées et au vu, le cas échéant, des résultats des négociations intervenues entre ces organisations.
« Art. L. 3121-66. – Il peut être dérogé par convention ou accord collectif étendu ou par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement à celles des dispositions des décrets prévus à l’article L. 3121-65 qui sont relatives à l’aménagement et à la répartition des horaires de travail à l’intérieur de la semaine, aux périodes de repos, aux conditions de recours aux astreintes, ainsi qu’aux modalités de récupération des heures de travail perdues lorsque la loi permet cette récupération.
« En cas de dénonciation ou de non-renouvellement de ces conventions ou accords collectifs, les dispositions de ces décrets auxquelles il avait été dérogé redeviennent applicables.
« Art. L. 3121-67. – Un décret en Conseil d’État détermine les mesures d’application des articles L. 3121-23 à L. 3121-25.
« Chapitre II
« Travail de nuit
« Section 1
« Ordre public
« Art. L. 3122-1. – Le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.
« Art. L. 3122-2. – Tout travail effectué au cours d’une période d’au moins neuf heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures est considéré comme du travail de nuit.
« La période de travail de nuit commence au plus tôt à 21 heures et s’achève au plus tard à 7 heures.
« Art. L. 3122-3. – Par dérogation à l’article L. 3122-2, pour les activités de production rédactionnelle et industrielle de presse, de radio, de télévision, de production et d’exploitation cinématographiques, de spectacles vivants et de discothèque, la période de travail de nuit est d’au moins sept heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 5 heures.
« Art. L. 3122-4. – Par dérogation à l’article L. 3122-2, pour les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24, la période de travail de nuit, si elle débute après 22 heures, est d’au moins sept heures consécutives comprenant l’intervalle entre minuit et 7 heures.
« Dans les établissements mentionnés au premier alinéa du présent article, seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler entre 21 heures et minuit. Une entreprise ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour refuser de l’embaucher. Le salarié qui refuse de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. Le refus de travailler entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit pour un salarié ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
« Chacune des heures de travail effectuée durant la période fixée entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit est rémunérée au moins le double de la rémunération normalement due et donne lieu à un repos compensateur équivalent en temps.
« Les articles L. 3122-10 à L. 3122-14 sont applicables aux salariés qui travaillent entre 21 heures et minuit, dès lors qu’ils accomplissent durant cette période le nombre minimal d’heures de travail prévu à l’article L. 3122-5.
« Lorsque, au cours d’une même période de référence mentionnée au 2° de l’article L. 3122-5, le salarié a accompli des heures de travail entre 21 heures et le début de la période de nuit en application des deux premiers alinéas du présent article et des heures de travail de nuit en application de l’article L. 3122-5, les heures sont cumulées pour l’application de l’avant-dernier alinéa du présent article et de l’article L. 3122-5.
« Art. L. 3122-5. – Le salarié est considéré comme travailleur de nuit dès lors que :
« 1° Soit il accomplit, au moins deux fois par semaine, selon son horaire de travail habituel, au moins trois heures de travail de nuit quotidiennes ;
« 2° Soit il accomplit, au cours d’une période de référence, un nombre minimal d’heures de travail de nuit au sens de l’article L. 3122-2, dans les conditions prévues aux articles L. 3122-16 et L. 3122-23.
« Art. L. 3122-6. – La durée quotidienne de travail accomplie par un travailleur de nuit ne peut excéder huit heures, sauf dans les cas prévus à l’article L. 3122-17 ou lorsqu’il est fait application des articles L. 3132-16 à L. 3132-19.
« En outre, en cas de circonstances exceptionnelles, l’inspecteur du travail peut autoriser le dépassement de la durée quotidienne de travail mentionnée au premier alinéa du présent article après consultation des délégués syndicaux et après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 3122-7. – La durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit, calculée sur une période de seize semaines consécutives, ne peut dépasser quarante heures, sauf dans les cas prévus à l’article L. 3122-18.
« Art. L. 3122-8. – Le travailleur de nuit bénéficie de contreparties au titre des périodes de travail de nuit pendant lesquelles il est employé, sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale.
« Art. L. 3122-9. – Pour les activités mentionnées à l’article L. 3122-3, lorsque la durée effective du travail de nuit est inférieure à la durée de référence fixée en application de l’article L. 3121-26, les contreparties mentionnées à l’article L. 3122-8 ne sont pas obligatoirement données sous forme de repos compensateur.
« Art. L. 3122-10. – Le médecin du travail est consulté, selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État, avant toute décision importante relative à la mise en place ou à la modification de l’organisation du travail de nuit.
« Art. L. 3122-11. – Tout travailleur de nuit bénéficie d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail dans les conditions mentionnées à l’article L. 4624-1.
« Art. L. 3122-12. – Lorsque le travail de nuit est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, notamment avec la garde d’un enfant ou la prise en charge d’une personne dépendante, le refus du travail de nuit ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement et le travailleur de nuit peut demander son affectation sur un poste de jour.
« Art. L. 3122-13. – Le travailleur de nuit qui souhaite occuper ou reprendre un poste de jour et le salarié occupant un poste de jour qui souhaite occuper ou reprendre un poste de nuit dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ont priorité pour l’attribution d’un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent.
« L’employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.
« Art. L. 3122-14. – Le travailleur de nuit, lorsque son état de santé, constaté par le médecin du travail, l’exige, est transféré à titre définitif ou temporaire sur un poste de jour correspondant à sa qualification et aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé.
« L’employeur ne peut prononcer la rupture du contrat de travail du travailleur de nuit du fait de son inaptitude au poste comportant le travail de nuit, au sens des articles L. 3122-1 à L. 3122-5, à moins qu’il ne justifie par écrit soit de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de proposer un poste dans les conditions fixées au premier alinéa du présent article, soit du refus du salarié d’accepter le poste proposé dans ces mêmes conditions.
« Ces dispositions s’appliquent sans préjudice des articles L. 1226-2 à L. 1226-4-3 et L. 1226-10 à L. 1226-12 applicables aux salariés déclarés inaptes à leur emploi ainsi que des articles L. 4624-3 et L. 4624-4.
« Section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3122-15. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut mettre en place, dans une entreprise ou un établissement, le travail de nuit, au sens de l’article L. 3122-5, ou l’étendre à de nouvelles catégories de salariés.
« Cette convention ou cet accord collectif prévoit :
« 1° Les justifications du recours au travail de nuit mentionnées à l’article L. 3122-1 ;
« 2° La définition de la période de travail de nuit, dans les limites mentionnées aux articles L. 3122-2 et L. 3122-3 ;
« 3° Une contrepartie sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ;
« 4° Des mesures destinées à améliorer les conditions de travail des salariés ;
« 5° Des mesures destinées à faciliter, pour ces mêmes salariés, l’articulation de leur activité professionnelle nocturne avec leur vie personnelle et avec l’exercice de responsabilités familiales et sociales, concernant notamment les moyens de transports ;
« 6° Des mesures destinées à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment par l’accès à la formation ;
« 7° L’organisation des temps de pause.
« Art. L. 3122-16. – En application de l’article L. 3122-5, une convention ou un accord collectif de travail étendu peut fixer le nombre minimal d’heures entraînant la qualification de travailleur de nuit sur une période de référence.
« Art. L. 3122-17. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail prévue à l’article L. 3122-6, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 3122-18. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut, lorsque les caractéristiques propres à l’activité d’un secteur le justifient, prévoir le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail prévue à l’article L. 3122-7, à condition que ce dépassement n’ait pas pour effet de porter cette durée à plus de quarante-quatre heures sur seize semaines consécutives.
« Art. L. 3122-19. – Dans les zones mentionnées à l’article L. 3132-24, un accord collectif de branche, de groupe, d’entreprise, d’établissement ou territorial peut prévoir la faculté d’employer des salariés entre 21 heures et minuit.
« Cet accord prévoit notamment, au bénéfice des salariés employés entre 21 heures et le début de la période de travail de nuit :
« 1° La mise à disposition d’un moyen de transport pris en charge par l’employeur qui permet au salarié de regagner son lieu de résidence ;
« 2° Des mesures destinées à faciliter l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés, en particulier des mesures de compensation des charges liées à la garde d’enfants ;
« 3° La fixation des conditions de prise en compte par l’employeur de l’évolution de la situation personnelle des salariés, en particulier de leur souhait de ne plus travailler après 21 heures. Pour les salariées mentionnées à l’article L. 1225-9, le choix de ne plus travailler entre 21 heures et le début de la période de nuit est d’effet immédiat.
« Section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3122-20. – À défaut de convention ou d’accord collectif, tout travail accompli entre 21 heures et 6 heures est considéré comme du travail de nuit et, pour les activités mentionnées à l’article L. 3122-3, tout travail accompli entre minuit et 7 heures est considéré comme du travail de nuit.
« Art. L. 3122-21. – À défaut de convention ou d’accord collectif et à condition que l’employeur ait engagé sérieusement et loyalement des négociations en vue de la conclusion d’un tel accord, les travailleurs peuvent être affectés à des postes de nuit sur autorisation de l’inspecteur du travail accordée notamment après vérification des contreparties qui leur sont accordées au titre de l’obligation définie à l’article L. 3122-8 et de l’existence de temps de pause, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« L’engagement de négociations loyales et sérieuses implique pour l’employeur d’avoir :
« 1° Convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions ;
« 2° Communiqué les informations nécessaires leur permettant de négocier en toute connaissance de cause ;
« 3° Répondu aux éventuelles propositions des organisations syndicales.
« Art. L. 3122-22. – À défaut de stipulations conventionnelles définissant la période de travail de nuit, l’inspecteur du travail peut autoriser la définition d’une période différente de celle prévue à l’article L. 3122-20, dans le respect de l’article L. 3122-2, après consultation des délégués syndicaux et avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent, lorsque les caractéristiques particulières de l’activité de l’entreprise le justifient.
« Art. L. 3122-23. – À défaut de stipulation conventionnelle mentionnée à l’article L. 3122-16, le nombre minimal d’heures entraînant la qualification de travailleur de nuit est fixé à deux cent soixante-dix heures sur une période de référence de douze mois consécutifs.
« Art. L. 3122-24. – À défaut d’accord, un décret peut fixer la liste des secteurs pour lesquels la durée maximale hebdomadaire de travail est fixée entre quarante et quarante-quatre heures.
« CHAPITRE III
« Travail à temps partiel et travail intermittent
« Section 1
« Travail à temps partiel
« Sous-section 1
« Ordre public
« Paragraphe 1
« Définition
« Art. L. 3123-1. – Est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure :
« 1° À la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou à la durée du travail applicable dans l’établissement ;
« 2° À la durée mensuelle résultant de l’application, durant cette période, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée du travail applicable dans l’établissement ;
« 3° À la durée de travail annuelle résultant de l’application durant cette période de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou de la durée du travail applicable dans l’établissement.
« Paragraphe 2
« Passage à temps partiel ou à temps complet
« Art. L. 3123-2. – Le salarié qui en fait la demande peut bénéficier d’une réduction de la durée du travail sous forme d’une ou plusieurs périodes d’au moins une semaine en raison des besoins de sa vie personnelle. Sa durée de travail est fixée dans la limite annuelle prévue au 3° de l’article L. 3123-1.
« Pendant les périodes travaillées, le salarié est occupé selon l’horaire collectif applicable dans l’entreprise ou l’établissement.
« Les dispositions relatives au régime des heures supplémentaires et à la contrepartie obligatoire sous forme de repos s’appliquent aux heures accomplies au cours d’une semaine au-delà de la durée de référence fixée en application de l’article L. 3121-26 ou, en cas d’application d’un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3121-42, aux heures accomplies au-delà des limites fixées par cet accord.
« L’avenant au contrat de travail précise la ou les périodes non travaillées. Il peut également prévoir les modalités de calcul de la rémunération mensualisée indépendamment de l’horaire réel du mois.
« Art. L. 3123-3. – Les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi d’une durée au moins égale à celle mentionnée au premier alinéa de l’article L. 3123-7 ou un emploi à temps complet et les salariés à temps complet qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps partiel dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ont priorité pour l’attribution d’un emploi ressortissant à leur catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent ou, si une convention ou un accord de branche étendu le prévoit, d’un emploi présentant des caractéristiques différentes.
« L’employeur porte à la connaissance de ces salariés la liste des emplois disponibles correspondants.
« Art. L. 3123-4. – Le refus par un salarié d’accomplir un travail à temps partiel ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.
« Paragraphe 3
« Égalité de traitement avec les salariés à temps plein
« Art. L. 3123-5. – Le salarié à temps partiel bénéficie des droits reconnus au salarié à temps complet par la loi, les conventions et les accords d’entreprise ou d’établissement sous réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels, de modalités spécifiques prévues par une convention ou un accord collectif.
« La période d’essai d’un salarié à temps partiel ne peut avoir une durée calendaire supérieure à celle du salarié à temps complet.
« Compte tenu de la durée de son travail et de son ancienneté dans l’entreprise, la rémunération du salarié à temps partiel est proportionnelle à celle du salarié qui, à qualification égale, occupe à temps complet un emploi équivalent dans l’établissement ou l’entreprise.
« Pour la détermination des droits liés à l’ancienneté, la durée de celle-ci est décomptée pour le salarié à temps partiel comme s’il avait été occupé à temps complet, les périodes non travaillées étant prises en compte en totalité.
« L’indemnité de licenciement et l’indemnité de départ à la retraite du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise sont calculées proportionnellement aux périodes d’emploi accomplies selon l’une et l’autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l’entreprise.
« Paragraphe 4
« Contrat de travail
« Art. L. 3123-6. – Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.
« Il mentionne :
« 1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-42, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
« 2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
« 3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
« 4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
« L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
« Paragraphe 5
« Durée minimale de travail et heures complémentaires
« Art. L. 3123-7. – Le salarié à temps partiel peut bénéficier d’une durée minimale de travail hebdomadaire déterminée selon les modalités fixées à l’article L. 3123-19.
« Le premier alinéa du présent article n’est pas applicable :
« 1° Aux contrats d’une durée au plus égale à sept jours ;
« 2° Aux contrats à durée déterminée conclus au titre du 1° de l’article L. 1242-2 ;
« 3° Aux contrats de travail temporaire conclus au titre du 1° de l’article L. 1251-6 pour le remplacement d’un salarié absent.
« Une durée de travail inférieure à celle prévue au premier alinéa du présent article peut être fixée à la demande du salarié soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée au même premier alinéa. Cette demande est écrite et motivée.
« Une durée de travail inférieure à celle prévue au premier alinéa, compatible avec ses études, est fixée de droit au bénéfice du salarié âgé de moins de vingt-six ans poursuivant ses études.
« Art. L. 3123-8. – Chacune des heures complémentaires accomplies donne lieu à une majoration de salaire.
« Art. L. 3123-9. – Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée du travail mentionnée à l’article L. 3121-34-1, ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.
« Art. L. 3123-10. – Le refus d’accomplir les heures complémentaires proposées par l’employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement. Il en est de même, à l’intérieur de ces limites, lorsque le salarié est informé moins de trois jours avant la date à laquelle les heures complémentaires sont prévues.
« Paragraphe 6
« Répartition de la durée du travail
« Art. L. 3123-11. – Toute modification de la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou entre les semaines du mois est notifiée au salarié en respectant un délai de prévenance.
« Art. L. 3123-12. – Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée de travail, alors que le contrat de travail n’a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement.
« Lorsque l’employeur demande au salarié de modifier la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon des modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d’accepter cette modification ne constitue ni une faute ni un motif de licenciement dès lors que cette modification n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, avec l’accomplissement d’une période d’activité fixée par un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de modification des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document écrit communiqué au salarié en application du 3° de l’article L. 3123-6.
« Art. L. 3123-13. – Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines ou pendant la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3121-42 si elle est supérieure, l’horaire moyen réellement accompli par un salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé.
« L’horaire modifié est égal à l’horaire antérieurement fixé auquel est ajoutée la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement accompli.
« Paragraphe 7
« Exercice d’un mandat
« Art. L. 3123-14. – Le temps de travail mensuel d’un salarié à temps partiel ne peut être réduit de plus d’un tiers par l’utilisation du crédit d’heures auquel il peut prétendre pour l’exercice de mandats qu’il détient au sein d’une entreprise. Le solde éventuel de ce crédit d’heures payées peut être utilisé en dehors des heures de travail de l’intéressé.
« Paragraphe 8
« Information des représentants du personnel
« Art. L. 3123-15. – Dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise mentionnée à l’article L. 2323-15, l’employeur communique au moins une fois par an au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, s’ils existent, un bilan du travail à temps partiel réalisé dans l’entreprise.
« Il communique également ce bilan aux délégués syndicaux de l’entreprise.
« Art. L. 3123-16. – L’employeur informe chaque année le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, s’ils existent, du nombre de demandes de dérogation individuelle à la durée minimale de travail mentionnée au premier alinéa de l’article L. 3123-7 qui sont accordées sur le fondement des deux derniers alinéas du même article L. 3123-7.
« Sous-section 2
« Champ de la négociation collective
« Paragraphe 1
« Mise en place d’horaires à temps partiel
« Art. L. 3123-17. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la mise en œuvre d’horaires de travail à temps partiel à l’initiative de l’employeur.
« Cet accord ou cette convention peut également fixer les conditions de mise en place d’horaires à temps partiel à la demande des salariés. Dans ce cas, l’accord ou la convention prévoit :
« 1° Les modalités selon lesquelles les salariés à temps complet peuvent occuper un emploi à temps partiel et les salariés à temps partiel occuper un emploi à temps complet dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise ;
« 2° La procédure à suivre par les salariés pour faire part de leur demande à leur employeur ;
« 3° Le délai laissé à l’employeur pour y apporter une réponse motivée, en particulier en cas de refus.
« Art. L. 3123-18. – Une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité pour l’employeur de :
« 1° Proposer au salarié à temps partiel un emploi à temps complet ou d’une durée au moins égale à la durée minimale mentionnée au premier alinéa de l’article L. 3123-7 ne ressortissant pas à sa catégorie professionnelle ou un emploi à temps complet non équivalent ;
« 2° Proposer au salarié à temps complet un emploi à temps partiel ne ressortissant pas à sa catégorie professionnelle ou un emploi à temps partiel non équivalent.
« Paragraphe 2
« Durée minimale de travail et heures complémentaires
« Art. L. 3123-19. – Une convention ou un accord d’entreprise ou, à défaut, un accord de branche peut fixer la durée minimale de travail mentionnée au premier alinéa de l’article L. 3123-7.
« Art. L. 3123-20. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu peut porter la limite dans laquelle peuvent être accomplies des heures complémentaires jusqu’au tiers de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans le contrat du salarié à temps partiel et calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3121-42.
« Art. L. 3123-21. – Une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir le taux de majoration de chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite fixée à l’article L. 3123-20. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %.
« Paragraphe 3
« Compléments d’heures par avenant
« Art. L. 3123-22. – Une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par un avenant au contrat de travail, d’augmenter temporairement la durée de travail prévue par le contrat.
« La convention ou l’accord :
« 1° Détermine le nombre maximal d’avenants pouvant être conclus, dans la limite de huit par an et par salarié, en dehors des cas de remplacement d’un salarié absent nommément désigné ;
« 2° Peut prévoir la majoration salariale des heures effectuées dans le cadre de cet avenant ;
« 3° Détermine les modalités selon lesquelles les salariés peuvent bénéficier prioritairement des compléments d’heures.
« Les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l’avenant donnent lieu à une majoration salariale qui ne peut être inférieure à 25 %.
« Paragraphe 4
« Répartition de la durée du travail
« Art. L. 3123-23. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu ou agréé en application de l’article L. 314-6 du code de l’action sociale et des familles peut définir la répartition des horaires de travail des salariés à temps partiel dans la journée de travail.
« Si cette répartition comporte plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à deux heures, la convention ou l’accord définit les amplitudes horaires pendant lesquelles les salariés peuvent exercer leur activité et prévoit des contreparties spécifiques en tenant compte des exigences propres à l’activité exercée.
« Art. L. 3123-24. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche étendu peut déterminer le délai dans lequel la modification de la répartition de la durée du travail est notifiée au salarié.
« Ce délai ne peut être inférieur à trois jours ouvrés. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, ce délai peut être inférieur pour les cas d’urgence définis par convention ou accord de branche étendu ou par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement.
« La convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, la convention ou l’accord de branche étendu prévoit les contreparties apportées au salarié lorsque le délai de prévenance est inférieur à sept jours ouvrés.
« Art. L. 3123-25. – L’accord collectif permettant les dérogations prévues aux articles L. 3123-20 et L. 3123-24 comporte des garanties relatives à la mise en œuvre, pour les salariés à temps partiel, des droits reconnus aux salariés à temps complet, notamment du droit à un égal accès aux possibilités de promotion, de carrière et de formation, ainsi qu’à la fixation d’une période minimale de travail continue et à la limitation du nombre des interruptions d’activité au cours d’une même journée.
« Sous-section 3
« Dispositions supplétives
« Paragraphe 1
« Mise en place d’horaires à temps partiel
« Art. L. 3123-26. – À défaut de convention ou d’accord collectif, des horaires à temps partiel peuvent être pratiqués à l’initiative de l’employeur, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent.
« Dans les entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel, des horaires à temps partiel peuvent être pratiqués à l’initiative de l’employeur ou à la demande des salariés, après information de l’agent de contrôle de l’inspection du travail.
« À défaut de convention ou d’accord collectif, le salarié peut demander à bénéficier d’un poste à temps partiel, dans des conditions fixées par voie réglementaire.
« La demande mentionnée au troisième alinéa ne peut être refusée que si l’employeur justifie de l’absence d’emploi disponible relevant de la catégorie professionnelle du salarié ou de l’absence d’emploi équivalent ou s’il peut démontrer que le changement d’emploi demandé aurait des conséquences préjudiciables à la bonne marche de l’entreprise.
« Paragraphe 2
« Heures complémentaires
« Art. L. 3123-27. – (Supprimé)
« Art. L. 3123-28. – À défaut d’accord prévu à l’article L. 3123-20, le nombre d’heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d’une même semaine ou d’un même mois ou de la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 3121-42 ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat et calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement du même article L. 3121-42.
« Art. L. 3123-29. – À défaut de stipulations conventionnelles prévues à l’article L. 3123-21, le taux de majoration des heures complémentaires est de 10 % pour chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail et de 25 % pour chacune des heures accomplies entre le dixième et le tiers des heures prévues au contrat de travail.
« Paragraphe 3
« Répartition de la durée du travail
« Art. L. 3123-30. – À défaut d’accord prévu à l’article L. 3123-23, l’horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter, au cours d’une même journée, plus d’une interruption d’activité ou une interruption supérieure à deux heures.
« Art. L. 3123-31. – À défaut d’accord prévu à l’article L. 3123-24, toute modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois est notifiée au salarié au moins sept jours ouvrés avant la date à laquelle elle doit avoir lieu.
« Sous-section 4
« Dispositions d’application
« Art. L. 3123-32. – Des décrets déterminent les modalités d’application de la présente section soit pour l’ensemble des professions ou des branches d’activité, soit pour une profession ou une branche particulière.
« Si, dans une profession ou dans une branche, la pratique du travail à temps partiel provoque un déséquilibre grave et durable des conditions d’emploi, des décrets, pris après consultation des organisations d’employeurs et de salariés intéressées, peuvent instituer des limitations du recours à cette pratique dans la branche ou la profession concernée.
« Section 2
« Travail intermittent
« Sous-section 1
« Ordre public
« Art. L. 3123-33. – Des contrats de travail intermittent peuvent être conclus dans les entreprises couvertes par une convention ou par un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par un accord de branche étendu qui le prévoit.
« Art. L. 3123-34. – Le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée.
« Il peut être conclu afin de pourvoir un emploi permanent qui, par nature, comporte une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées.
« Ce contrat est écrit.
« Il mentionne notamment :
« 1° La qualification du salarié ;
« 2° Les éléments de la rémunération ;
« 3° La durée annuelle minimale de travail du salarié ;
« 4° Les périodes de travail ;
« 5° La répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes.
« Art. L. 3123-35. – Les heures dépassant la durée annuelle minimale fixée au contrat de travail intermittent ne peuvent excéder le tiers de cette durée, sauf accord du salarié.
« Art. L. 3123-36. – Le salarié titulaire d’un contrat de travail intermittent bénéficie des droits reconnus aux salariés à temps complet, sous réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels mentionnés à l’article L. 3123-38, de modalités spécifiques prévues par la convention ou l’accord collectif de travail étendu ou par une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement.
« Pour la détermination des droits liés à l’ancienneté, les périodes non travaillées sont prises en compte en totalité.
« Art. L. 3123-37. – Les entreprises adaptées mentionnées à l’article L. 5213-13 peuvent conclure un contrat de travail intermittent même en l’absence de convention ou d’accord collectif de travail, dès lors que ce contrat est conclu avec un travailleur handicapé, bénéficiaire de l’obligation d’emploi au sens de l’article L. 5212-13.
« Sous-section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3123-38. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche étendu définit les emplois permanents pouvant être pourvus par des salariés titulaires d’un contrat de travail intermittent.
« Cette convention ou cet accord détermine, le cas échéant, les droits conventionnels spécifiques aux salariés titulaires d’un contrat de travail intermittent.
« Il peut prévoir que la rémunération versée mensuellement aux salariés titulaires d’un contrat de travail intermittent est indépendante de l’horaire réel et détermine, dans ce cas, les modalités de calcul de cette rémunération.
« Dans les secteurs, dont la liste est déterminée par décret, où la nature de l’activité ne permet pas de fixer avec précision les périodes de travail et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, cette convention ou cet accord détermine les adaptations nécessaires, notamment les conditions dans lesquelles le salarié peut refuser les dates et les horaires de travail qui lui sont proposés. »
IV. – Le livre Ier de la troisième partie du même code est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre III est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER
« Repos quotidien
« Section 1
« Ordre public
« Art. L. 3131-1. – Tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret.
« Section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3131-2. – Une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut déroger à la durée minimale de repos quotidien prévue à l’article L. 3131-1, dans des conditions déterminées par décret, notamment pour des activités caractérisées par la nécessité d’assurer une continuité du service ou par des périodes d’intervention fractionnées.
« Section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3131-3. – À défaut d’accord, en cas de surcroît exceptionnel d’activité, il peut être dérogé à la durée minimale de repos quotidien dans des conditions définies par décret. » ;
1° bis Le premier alinéa de l’article L. 3132-26 est ainsi modifié :
a) À la fin de la deuxième phrase, le mot : « an » est remplacé par les mots : « année civile » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Elle peut être modifiée dans les mêmes formes en cours d’année, au moins deux mois avant le premier dimanche concerné par cette modification. » ;
2° Le chapitre III du titre III est ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Jours fériés
« Section 1
« Dispositions générales
« Sous-section 1
« Ordre public
« Art. L. 3133-1. – Les fêtes légales ci-après désignées sont des jours fériés :
« 1° Le 1er janvier ;
« 2° Le lundi de Pâques ;
« 3° Le 1er mai ;
« 4° Le 8 mai ;
« 5° L’Ascension ;
« 6° Le lundi de Pentecôte ;
« 7° Le 14 juillet ;
« 8° L’Assomption ;
« 9° La Toussaint ;
« 10° Le 11 novembre ;
« 11° Le jour de Noël.
« Art. L. 3133-2. – Les heures de travail perdues par suite de chômage des jours fériés ne donnent pas lieu à récupération.
« Art. L. 3133-3. – Le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire pour les salariés totalisant au moins trois mois d’ancienneté dans l’entreprise ou l’établissement.
« Ces dispositions ne s’appliquent pas aux salariés travaillant à domicile, aux salariés saisonniers, aux salariés intermittents et aux salariés temporaires.
« Sous-section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3133-3-1. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche définit les jours fériés chômés.
« Sous-section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3133-3-2. – À défaut d’accord, l’employeur fixe les jours fériés chômés.
« Section 2
« Journée du 1er mai
« Art. L. 3133-4. – Le 1er mai est jour férié et chômé.
« Art. L. 3133-5. – Le chômage du 1er mai ne peut être une cause de réduction de salaire.
« Les salariés rémunérés à l’heure, à la journée ou au rendement ont droit à une indemnité égale au salaire perdu du fait de ce chômage. Cette indemnité est à la charge de l’employeur.
« Art. L. 3133-6. – Dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus du salaire correspondant au travail accompli, à une indemnité égale au montant de ce salaire. Cette indemnité est à la charge de l’employeur.
« Section 3
« Journée de solidarité
« Sous-section 1
« Ordre public
« Art. L. 3133-7. – La journée de solidarité instituée en vue d’assurer le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées prend la forme :
« 1° D’une journée supplémentaire de travail non rémunérée pour les salariés ;
« 2° De la contribution prévue au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles pour les employeurs.
« Art. L. 3133-8. – Le travail accompli, dans la limite de sept heures, durant la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération :
« 1° Pour les salariés mensualisés dans cette limite de sept heures ;
« 2° Pour les salariés dont la rémunération est calculée par référence à un nombre annuel de jours de travail conformément à l’article L. 3121-56, dans la limite de la valeur d’une journée de travail.
« Pour les salariés à temps partiel, la limite de sept heures prévue au 1° du présent article est réduite proportionnellement à la durée contractuelle.
« Art. L. 3133-9. – Les heures correspondant à la journée de solidarité, dans la limite de sept heures ou de la durée proportionnelle à la durée contractuelle pour les salariés à temps partiel, ne s’imputent ni sur le contingent annuel d’heures supplémentaires ni sur le nombre d’heures complémentaires prévu au contrat de travail du salarié travaillant à temps partiel. Elles ne donnent pas lieu à contrepartie obligatoire sous forme de repos.
« Art. L. 3133-10. – Lorsqu’un salarié qui a déjà accompli, au titre de l’année en cours, une journée de solidarité s’acquitte d’une nouvelle journée de solidarité en raison d’un changement d’employeur, les heures travaillées ce jour donnent lieu à rémunération supplémentaire et s’imputent sur le contingent annuel d’heures supplémentaires ou sur le nombre d’heures complémentaires prévu au contrat de travail du salarié travaillant à temps partiel. Ces heures donnent lieu à contrepartie obligatoire sous forme de repos.
« Toutefois, le salarié peut aussi refuser d’exécuter cette journée supplémentaire de travail sans que ce refus constitue une faute ou un motif de licenciement.
« Sous-section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3133-11. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche fixe les modalités d’accomplissement de la journée de solidarité.
« Cet accord peut prévoir :
« 1° Soit le travail d’un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;
« 2° Soit le travail d’un jour de repos accordé au titre de l’accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-42 ;
« 3° Soit toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées en application de dispositions conventionnelles ou des modalités d’organisation des entreprises.
« Sous-section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3133-12. – À défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclu en application de l’article L. 3133-11, les modalités d’accomplissement de la journée de solidarité sont définies par l’employeur, après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s’ils existent. » ;
3° Le chapitre IV du titre III est complété par un article L. 3134-16 ainsi rédigé :
« Art. L. 3134-16. – L’accord mentionné à l’article L. 3133-11 ou la décision de l’employeur mentionnée à l’article L. 3133-12 ne peut désigner ni le premier ou le second jour de Noël ni, indépendamment de la présence d’un temple protestant ou d’une église mixte dans les communes, le Vendredi Saint comme la date de la journée de solidarité. » ;
4° Le chapitre Ier du titre IV est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER
« Congés payés
« Section 1
« Droit au congé
« Art. L. 3141-1. – Tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur.
« Art. L. 3141-2. – Les salariés de retour d’un congé de maternité prévu à l’article L. 1225-17 ou d’un congé d’adoption prévu à l’article L. 1225-37 ont droit à leur congé payé annuel, quelle que soit la période de congé payé retenue pour le personnel de l’entreprise.
« Section 2
« Durée du congé
« Sous-section 1
« Ordre public
« Art. L. 3141-3. – Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
« La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.
« Art. L. 3141-4. – Sont assimilées à un mois de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes équivalentes à quatre semaines ou vingt-quatre jours de travail.
« Art. L. 3141-5. – Sont considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé :
« 1° Les périodes de congé payé ;
« 2° Les périodes de congé de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant et d’adoption ;
« 3° Les contreparties obligatoires sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-29, L. 3121-32 et L. 3121-37 ;
« 4° Les jours de repos accordés au titre de l’accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-42 ;
« 5° Les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle ;
« 6° Les périodes pendant lesquelles un salarié se trouve maintenu ou rappelé au service national à un titre quelconque.
« Art. L. 3141-6. – L’absence du salarié ne peut avoir pour effet d’entraîner une réduction de ses droits à congé plus que proportionnelle à la durée de cette absence.
« Art. L. 3141-7. – Lorsque le nombre de jours ouvrables calculé conformément aux articles L. 3141-3 et L. 3141-6 n’est pas un nombre entier, la durée du congé est portée au nombre entier immédiatement supérieur.
« Art. L. 3141-8. – Les salariés de moins de vingt et un ans au 30 avril de l’année précédente bénéficient de deux jours de congé supplémentaires par enfant à charge. Ce congé est réduit à un jour si le congé légal n’excède pas six jours.
« Les salariés âgés de vingt et un ans au moins à la date précitée bénéficient également de deux jours de congé supplémentaires par enfant à charge, sans que le cumul du nombre des jours de congé supplémentaires et des jours de congé annuel puisse excéder la durée maximale du congé annuel prévu à l’article L. 3141-3.
« Est réputé enfant à charge l’enfant qui vit au foyer et est âgé de moins de quinze ans au 30 avril de l’année en cours.
« Art. L. 3141-9. – Les dispositions de la présente section ne portent atteinte ni aux stipulations des conventions et des accords collectifs de travail ou des contrats de travail ni aux usages qui assurent des congés payés de plus longue durée.
« Sous-section 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3141-10. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut :
« 1° Fixer le début de la période de référence pour l’acquisition des congés ;
« 2° Majorer la durée du congé en raison de l’âge ou de l’ancienneté, du handicap.
« Sous-section 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3141-11. – À défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclu en application de l’article L. 3141-10, le début de la période de référence pour l’acquisition des congés est fixé par un décret en Conseil d’État.
« Section 3
« Prise des congés
« Sous-section 1
« Période de congés et ordre des départs
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3141-12. – Les congés peuvent être pris dès l’ouverture des droits, sans préjudice des règles de détermination de la période de prise des congés et de l’ordre des départs et des règles de fractionnement du congé fixées dans les conditions prévues à la présente section.
« Art. L. 3141-13. – Les congés sont pris dans une période qui comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année.
« Art. L. 3141-14. – Les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans une même entreprise ont droit à un congé simultané.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3141-15. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche fixe :
« 1° La période de prise de congé ;
« 2° L’ordre des départs pendant cette période ;
« 3° Les délais que doit respecter l’employeur s’il entend modifier l’ordre et les dates de départs.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3141-16. – À défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclus en application de l’article L. 3141-15, l’employeur :
« 1° Définit après avis, le cas échéant, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel :
« a) La période de prise de congés ;
« b) L’ordre des départs, en tenant compte des critères suivants :
« – la situation de famille des bénéficiaires, notamment les possibilités de congé, dans le secteur privé ou la fonction publique, du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ainsi que la présence au sein du foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie ;
« – la durée de leurs services chez l’employeur ;
« – leur activité chez un ou plusieurs autres employeurs ;
« 2° Ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue.
« Sous-section 2
« Règles de fractionnement et de report
« Paragraphe 1
« Ordre public
« Art. L. 3141-17. – La durée des congés pouvant être pris en une seule fois ne peut excéder vingt-quatre jours ouvrables. Il peut être dérogé individuellement à cette disposition pour les salariés qui justifient de contraintes géographiques particulières ou de la présence au sein du foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie.
« Art. L. 3141-18. – Lorsque le congé ne dépasse pas douze jours ouvrables, il doit être continu.
« Art. L. 3141-19. – Lorsque le congé principal est d’une durée supérieure à douze jours ouvrables, il peut être fractionné avec l’accord du salarié. Cet accord n’est pas nécessaire lorsque le congé a lieu pendant la période de fermeture de l’établissement.
« Une des fractions est au moins égale à douze jours ouvrables continus compris entre deux jours de repos hebdomadaire.
« Art. L. 3141-20. – Il peut être dérogé aux règles de fractionnement des congés prévues à la présente sous-section selon les modalités définies aux paragraphes 2 et 3.
« Paragraphe 2
« Champ de la négociation collective
« Art. L. 3141-21. – Un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche fixe la période pendant laquelle la fraction continue d’au moins douze jours ouvrables est attribuée ainsi que les règles de fractionnement du congé au-delà du douzième jour.
« Art. L. 3141-22. – Si, en application d’une disposition légale, la durée du travail d’un salarié est décomptée à l’année, une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, un accord de branche peut prévoir que les congés ouverts au titre de l’année de référence peuvent faire l’objet de reports.
« Dans ce cas, les reports de congés peuvent être effectués jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle pendant laquelle la période de prise de ces congés a débuté.
« L’accord précise :
« 1° Les modalités de rémunération des congés payés reportés, sans préjudice de l’article L. 3141-24 ;
« 2° Les cas précis et exceptionnels de report ;
« 3° Les conditions dans lesquelles ces reports peuvent être effectués, à la demande du salarié après accord de l’employeur ;
« 4° Les conséquences de ces reports sur le respect des seuils annuels fixés au sixième alinéa de l’article L. 3121-42, au 3° du I de l’article L. 3121-62 et à l’article L. 3123-1. Ce report ne doit pas avoir pour effet de majorer ces seuils dans une proportion plus importante que celle correspondant à la durée ainsi reportée.
« Ces dispositions s’appliquent sans préjudice des reports également prévus aux articles L. 3142-108 et L. 3142-110 à L. 3142-114 relatifs au congé pour création d’entreprise, aux articles L. 3142-26-6 et L. 3142-26-8 relatifs au congé sabbatique et aux articles L. 3151-1 à L. 3151-3 relatifs au compte épargne-temps.
« Paragraphe 3
« Dispositions supplétives
« Art. L. 3141-23. – À défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclu en application de l’article L. 3141-22 :
« 1° La fraction continue d’au moins douze jours ouvrables est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;
« 2° Le fractionnement des congés au-delà du douzième jour est effectué dans les conditions suivantes :
« a) Les jours restant dus en application du second alinéa de l’article L. 3141-19 peuvent être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année ;
« b) Deux jours ouvrables de congé supplémentaire sont attribués lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours. Les jours de congé principal dus au-delà de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l’ouverture du droit à ce supplément.
« Il peut être dérogé à ces dispositions après accord individuel du salarié.
« Section 4
« Indemnité de congés
« Sous-section 1
« Ordre public
« Art. L. 3141-24. – I. – Le congé annuel prévu à l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
« Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :
« 1° De l’indemnité de congé de l’année précédente ;
« 2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-29, L. 3121-32 et L. 3121-37 ;
« 3° Des périodes assimilées à un temps de travail par les articles L. 3141-4 et L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l’horaire de travail de l’établissement.
« Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l’article L. 3141-3, l’indemnité est calculée selon les règles fixées ci-dessus et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.
« II. – Toutefois, l’indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
« Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :
« 1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;
« 2° De la durée du travail effectif de l’établissement.
« III. – Un arrêté du ministre chargé du travail détermine les modalités d’application du présent article dans les professions mentionnées à l’article L. 3141-32.
« Art. L. 3141-25. – Pour la fixation de l’indemnité de congé, il est tenu compte des avantages accessoires et des prestations en nature dont le salarié ne continuerait pas à jouir pendant la durée de son congé.
« La valeur de ces avantages et prestations ne peut être inférieure à celle fixée par l’autorité administrative.
« Art. L. 3141-26. – Dans les professions où, d’après les stipulations du contrat de travail, la rémunération des salariés est constituée en totalité ou en partie de pourboires, la rémunération à prendre en considération pour la détermination de l’indemnité de congé est évaluée conformément aux règles applicables en matière de sécurité sociale.
« L’indemnité de congé ne peut être prélevée sur la masse des pourboires ou du pourcentage perçu pour le service.
« Art. L. 3141-27. – Les dispositions de la présente section ne portent atteinte ni aux stipulations contractuelles ni aux usages qui assurent des indemnités de congé d’un montant plus élevé.
« Art. L. 3141-28. – Lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.
« L’indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l’employeur.
« Cette indemnité est également due aux ayants droit du salarié dont le décès survient avant qu’il ait pris son congé annuel payé. L’indemnité est versée à ceux des ayants droit qui auraient qualité pour obtenir le paiement des salaires arriérés.
« Art. L. 3141-29. – Lorsque, à l’occasion de la rupture de son contrat de travail, un salarié, par suite de l’ordre fixé pour les départs en congé, a pris un congé donnant lieu à une indemnité de congé d’un montant supérieur à celle à laquelle il avait droit au moment de la rupture, il rembourse le trop-perçu à l’employeur.
« Le remboursement n’est pas dû si la rupture du contrat de travail par le salarié est provoquée par une faute lourde de l’employeur.
« Art. L. 3141-30. – Les articles L. 3141-28 et L. 3141-29 ne sont pas applicables lorsque l’employeur est tenu d’adhérer à une caisse de congés en application de l’article L. 3141-32.
« Art. L. 3141-31. – Lorsqu’un établissement ferme pendant un nombre de jours dépassant la durée des congés légaux annuels, l’employeur verse aux salariés, pour chacun des jours ouvrables de fermeture excédant cette durée, une indemnité qui ne peut être inférieure à l’indemnité journalière de congés.
« Cette indemnité journalière ne se confond pas avec l’indemnité de congés.
« Section 5
« Caisses de congés payés
« Art. L. 3141-32. – Des décrets déterminent les professions, industries et commerces pour lesquels l’application des dispositions relatives aux congés payés comporte des modalités particulières, telles que la constitution de caisses de congés auxquelles les employeurs intéressés s’affilient obligatoirement.
« Ces décrets fixent la nature et l’étendue des obligations des employeurs, les règles d’organisation et de fonctionnement des caisses ainsi que la nature et les conditions d’exercice du contrôle de l’État à leur égard.
« Art. L. 3141-33. – Les caisses de congés payés peuvent nommer des contrôleurs chargés de collaborer à la surveillance de l’application de la législation sur les congés payés par les employeurs intéressés. Ceux-ci fournissent à tout moment aux contrôleurs toutes justifications établissant qu’ils se sont acquittés de leurs obligations.
« Pour l’accomplissement de leur mission, les contrôleurs disposent des mêmes pouvoirs que ceux attribués aux agents de contrôle de l’inspection du travail. Tout obstacle à l’accomplissement de cette mission est passible des sanctions prévues à l’article L. 8114-1.
« Les contrôleurs sont agréés. Cet agrément est révocable à tout moment.
« Les contrôleurs ne doivent rien révéler des secrets de fabrication ni des procédés et résultats d’exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l’exercice de leur mission. »
V. – Le titre III du livre IV du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 431-3 et à la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article L. 433-1, la référence : « L. 3141-21 » est remplacée par la référence : « L. 3141-22 » ;
2° Le 1° de l’article L. 432-2 est ainsi rédigé :
« 1° Le titre II du livre Ier relatif à la durée du travail, à la répartition et à l’aménagement des horaires, à l’exception de l’article L. 3121-1 relatif à la durée du travail effectif, de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre Ier relative au temps de pause et des articles L. 3122-1, L. 3122-2, L. 3122-5, L. 3122-8 à L. 3122-16 et L. 3122-19 à L. 3122-23 relatifs au travail de nuit ; ».
VI. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa et à la première phrase de l’avant-dernier alinéa du 1° bis du 1 et à la première phrase du premier alinéa du 9 de l’article 39, les références : « L. 3141-22 à L. 3141-25 » sont remplacées par les références : « L. 3141-24 à L. 3141-27 » ;
2° Au second alinéa du 2 du I de l’article 244 quater Q, la référence : « à l’article L. 3123-14-1 » est remplacée par les références : « au premier alinéa de l’article L. 3123-7 et à l’article L. 3123-19 » ;
VII. – À l’article L. 191-2 du code minier, les références : « L. 3121-52 et L. 3122-46 » sont remplacées par la référence : « L. 3121-65 ».
VIII. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Au 2° de l’article L. 712-4, la référence : « L. 3141-30 » est remplacée par la référence : « L. 3141-32 » ;
2° Au 4° de l’article L. 712-6, la référence : « L. 3123-14 » est remplacée par la référence : « L. 3123-6 » ;
3° L’article L. 713-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 713-2. – Le code du travail s’applique aux salariés mentionnés à l’article L. 713-1 du présent code, à l’exception des dispositions pour lesquelles le présent livre a prévu des dispositions particulières. » ;
4° L’article L. 713-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 713-13. – I. – Par dérogation à l’article L. 3121-21 du code du travail, pour les exploitations, entreprises, établissements et employeurs mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 722-1, aux 2° et 3° de l’article L. 722-20 et au 6° du même article L. 722-20 du présent code, pour les seules entreprises qui ont une activité de production agricole, la limite de quarante-quatre heures est calculée sur une période de douze mois consécutifs. Les mêmes exploitations, entreprises, établissements et employeurs peuvent être autorisés à dépasser le plafond de soixante heures mentionné à l’article L. 3121-20 du code du travail à la condition que le nombre total d’heures supplémentaires effectuées au-delà de ce plafond n’excède pas soixante heures au cours d’une période de douze mois consécutifs.
« II. – Pour l’application de l’article L. 3121-33 du code du travail, les branches d’activité à caractère saisonnier mentionnées à l’article L. 3132-7 du même code sont les exploitations, entreprises, établissements et employeurs mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 722-1, aux 2° et 3° de l’article L. 722-20 du présent code et au 6° du même article L. 722-20, pour les seules entreprises qui ont une activité de production agricole. » ;
5° (Supprimé)
6° Les articles L. 713-3, L. 713-4, L. 713-5, L. 713-19, L. 714-5, L. 714-6 et L. 714-8 sont abrogés ;
7° Après la seconde occurrence du mot : « article », la fin du I de l’article L. 714-1 est ainsi rédigée : « L. 3131-1 du code du travail. »
IX. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 133-5, à la première phrase du 3° du IV de l’article L. 241-13 et au premier alinéa et à la première phrase du 2° de l’article L. 243-1-3, la référence : « L. 3141-30 » est remplacée par la référence : « L. 3141-32 » ;
2° Au 1° de l’article L. 133-5-1, la référence : « L. 212-4-3 » est remplacée par les références : « L. 3123-6, L. 3123-9 à L. 3123-13, L. 3123-20, L. 3123-24, L. 3123-25, L. 3123-28, L. 3123-31 » ;
3° À la première phrase de l’article L. 241-3-1 et à l’article L. 242-8, la référence : « L. 212-4-2 » est remplacée par la référence : « L. 3123-1 » ;
4° L’article L. 241-18 est ainsi modifié :
a) Au 1° du I, la référence : « L. 3121-11 » est remplacée par les références : « L. 3121-27 à L. 3121-38 » ;
b) Au 2° du même I, la référence : « L. 3121-42 » est remplacée par la référence : « L. 3121-54 » ;
c) Au II, la référence : « à l’article L. 3121-44 » est remplacée par la référence : « au 3° du I de l’article L. 3121-62 » ;
d) Au même II, la référence : « L. 3121-45 » est remplacée par la référence : « L. 3121-57 » ;
e) Au 4° du I, la référence : « L. 3122-4 » est remplacée par la référence : « L. 3121-39 » ;
f) Au 3° du même I, la référence : « du troisième alinéa de l’article L. 3123-7 » est remplacée par la référence : « de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3123-2 » ;
5° Au deuxième alinéa de l’article L. 242-9, la référence : « au premier alinéa de l’article L. 212-4-3 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 3123-6 ».
X. – Le code des transports est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article L. 1321-6, les références : « L. 3122-34 et L. 3122-35 » sont remplacées par les références : « L. 3122-6, L. 3122-7, L. 3122-17, L. 3122-18 et L. 3122-24 » ;
2° Au dernier alinéa de l’article L. 1321-7, les mots : « dispositions de l’article L. 3122-31 » sont remplacés par les références : « articles L. 3122-5, L. 3122-16 et L. 3122-23 » ;
3° À l’article L. 1321-10, la référence : « L. 3121-33 » est remplacée par la référence : « L. 3121-16 » ;
4° L’article L. 1821-8-1 est ainsi modifié :
a) Au 3°, les références : « L. 3122-34 et L. 3122-35 » sont remplacées par les références : « L. 3122-6, L. 3122-7, L. 3122-17, L. 3122-18 et L. 3122-24 » ;
b) Au 4°, la référence : « de l’article L. 3122-31 » est remplacée par les références : « des articles L. 3122-5, L. 3122-16 et L. 3122-23 » ;
5° Au premier alinéa de l’article L. 3312-1, la référence : « de l’article L. 3122-31 » est remplacée par les références : « des articles L. 3122-5, L. 3122-16 et L. 3122-23 » ;
6° À l’article L. 3312-3, la référence : « de l’article L. 3123-16 » est remplacée par les références : « des articles L. 3123-23 et L. 3123-30 » ;
7° À l’article L. 3313-2, les mots : « dispositions des articles L. 3121-42 et L. 3121-43 » sont remplacés par les références : « articles L. 3121-54 et L. 3121-56 » ;
8° L’article L. 4511-1 est ainsi modifié :
a) Les mots : « des articles L. 3121-34 à L. 3121-36 du code du travail relatives aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire du travail » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 3121-19 du code du travail relatives à la durée maximale hebdomadaire de travail et aux dispositions réglementaires du code des transports relatives à la durée quotidienne de travail effectif et à la durée hebdomadaire moyenne de travail » ;
b) La référence : « L. 3122-2 » est remplacée par la référence : « L. 3121-42 » ;
c) À la fin, les mots : « et au plus égale à l’année » sont supprimés ;
9° À l’article L. 5544-1, les références : « L. 3121-1 à L. 3121-37, L. 3121-39, L. 3121-52 à L. 3121-54, L. 3122-1, L. 3122-4 à L. 3122-47, L. 3131-1, L. 3131-2 » sont remplacées par les références : « L. 3121-1 à L. 3121-50, L. 3121-61 et L. 3121-65 à L. 3121-68, L. 3122-1 à L. 3122-24 et L. 3131-1 à L. 3131-3 » ;
10° Le début de l’article L. 5544-3 est ainsi rédigé : « Les dispositions relatives à la période d’astreinte mentionnée aux articles L. 3121-8 à L. 3121-11, L. 3171-1 et L. 3171-3 du code du travail sont applicables aux marins… (le reste sans changement). » ;
11° L’article L. 5544-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les références : « L. 3121-22 et L. 3121-24 » sont remplacées par les références : « L. 3121-32, L. 3121-35 et L. 3121-36 » ;
b) À la seconde phrase, la référence : « L. 3121-39 » est remplacée par la référence : « L. 3121-62 » ;
12° À l’article L. 5544-10, la référence : « L. 3123-37 » est remplacée par la référence : « L. 3123-38 » ;
13° À l’article L. 6525-1, les références : « L. 3121-33, L. 3122-29 à L. 3122-45, L. 3131-1 et L. 3131-2 » sont remplacées par les références : « L. 3121-15, L. 3122-1 à L. 3122-24, L. 3131-1 à L. 3131-3 » ;
14° L’article L. 6525-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, la référence : « au premier alinéa de l’article L. 3121-10 » est remplacée par la référence : « à l’article L. 3121-26 » ;
b) À la seconde phrase, la référence : « à l’article L. 3121-22 » est remplacée par les références : « aux articles L. 3121-32 et L. 3121-35 » ;
15° L’article L. 6525-5 est ainsi modifié :
a) La référence : « L. 3122-28 » est supprimée ;
b) Les références : « L. 3123-1, L. 3123-2, L. 3123-5 à L. 3123-8, L. 3123-10, L. 3123-11, L. 3123-14 à L. 3123-23 » sont remplacées par les références : « L. 3123-1 à L. 3123-3, des premier et troisième alinéas de l’article L. 3123-5, des articles L. 3123-6 à L. 3123-11, L. 3123-13, L. 3123-17 à L. 3123-21 et L. 3123-23 à L. 3123-31 ».
XI. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 1225-9, la référence : « L. 3122-31 » est remplacée par la référence : « L. 3122-5 » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 1263-3 est ainsi modifié :
a) La référence : « L. 3121-34 » est remplacée par la référence : « L. 3121-17 » ;
b) La référence : « L. 3121-35 » est remplacée par la référence : « L. 3121-19 » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 1271-5, au 4° de l’article L. 1272-4 et au 5° de l’article L. 1273-5, la référence : « L. 3123-14 » est remplacée par la référence : « L. 3123-6 » ;
3° bis Au deuxième alinéa des articles L. 5132-6 et L. 5132-7, les mots : « fixée à l’article L. 3123-14 » sont remplacés par les mots : « minimale mentionnée à l’article L. 3123-6 » ;
4° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 2323-3, la référence : « L. 3121-11 » est remplacée par les références : « L. 3121-27 à L. 3121-38 » ;
5° Le 5° de l’article L. 2323-17 est ainsi modifié :
a) À la fin du b, la référence : « à l’article L. 3121-11 » est remplacée par les références : « aux articles L. 3121-27 à L. 3121-38 » ;
b) À la fin du d, la référence : « à l’article L. 3123-14-1 » est remplacée par les références : « au premier alinéa de l’article L. 3123-7 et à l’article L. 3123-19 » ;
c) Le e est ainsi modifié :
– la référence : « à l’article L. 3141-13 » est remplacée par les références : « aux articles L. 3141-13 à L. 3141-16 » ;
– la référence : « L. 3122-2 » est remplacée par la référence : « L. 3121-42 » ;
6° Au 2° de l’article L. 1273-3, à la première phrase du 4° de l’article L. 3252-23, au premier alinéa de l’article L.5134-60, au 2° de l’article L. 5134-63, à la fin du dernier alinéa de l’article L. 5221-7 et à la fin du 4° de l’article L. 7122-24, la référence : « L. 3141-30 » est remplacée par la référence : « L. 3141-32 » ;
7° À l’article L. 3132-28, la référence : « L. 3122-46 » est remplacée par la référence : « L. 3121-65 » ;
8° Au dernier alinéa de l’article L. 3134-1, les références : « et L. 3133-2 à L. 3133-12 » sont remplacées par les références : «, L. 3133-2, L. 3133-3 et L. 3133-4 à L. 3133-12 » ;
9° Au second alinéa de l’article L. 3164-4, la référence : « L. 3121-52 » est remplacée par la référence : « L. 3121-65 » ;
10° Au deuxième alinéa de l’article L. 3171-1, la référence : « L. 3122-2 » est remplacée par la référence : « L. 3121-42 » ;
11° À l’article L. 3422-1, les références : « L. 3133-7 à L. 3133-11 » sont remplacées par les références : « L. 3133-7 à L. 3133-9, L. 3133-11 et L. 3133-12 » ;
12° Au premier alinéa du I de l’article L. 5125-1, les références : « L. 3121-10 à L. 3121-36, L. 3122-34 et L. 3122-35 » sont remplacées par les références : « L. 3121-15 à L. 3121-38, L. 3122-6, L. 3122-7, L. 3122-17, L. 3122-18 et L. 3122-24 » ;
13° À la fin du premier alinéa de l’article L. 5134-126, la référence : « L. 3121-10 » est remplacée par la référence : « L. 3121-26 » ;
13° bis (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 6222-25, la référence : « L. 3121-10 » est remplacée par la référence : « L. 3121-26 » et les mots : « et par l’article L. 713-2 du code rural et de la pêche maritime » sont supprimés ;
14° (Supprimé)
14° bis Après la référence : « L. 3121-10 », la fin du premier alinéa de l’article L. 6222-25 est supprimée ;
15° Au premier alinéa de l’article L. 6325-10, la référence : « L. 3121-34 » est remplacée par la référence : « L. 3121-17 » et les mots : « et par l’article L. 713-2 du code rural et de la pêche maritime » sont supprimés ;
16° Au premier alinéa de l’article L. 6331-35, les références : « L. 3141-30 et L. 3141-31 » sont remplacées par les références : « L. 3141-32 et L. 3141-33 » ;
17° Le premier alinéa de l’article L. 6343-2 est ainsi modifié :
a) La référence : « L. 3121-10 » est remplacée par la référence : « L. 3121-26 » ;
b) La référence : « L. 3121-34 » est remplacée par la référence : « L. 3121-17 » ;
c) (nouveau) Les mots : « ainsi que par l’article L. 713-2 du code rural et de la pêche maritime » sont supprimés ;
18° À la fin de l’article L. 7213-1, la référence : « L. 3141-21 » est remplacée par la référence : « L. 3141-23 » ;
19° Au 3° de l’article L. 7221-2, la référence : « L. 3141-31 » est remplacée par la référence : « L. 3141-33 ».
XII. – Au II de l’article 43 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, la référence : « L. 3141-22 » est remplacée, deux fois, par la référence : « L. 3141-24 ».
XIII. – Le 2° du IV de l’article 21 de l’ordonnance n° 2012-789 du 31 mai 2012 portant extension et adaptation de certaines dispositions du code rural et de la pêche maritime et d’autres dispositions législatives à Mayotte est ainsi rédigé :
« 2° L’article L. 3121-17 du code du travail et les articles L. 713-13, L. 713-20, L. 713-21, L. 714-1, L. 714-3 et L. 715-1 du code rural et de la pêche maritime sont applicables à Mayotte à compter du 1er janvier 2020. »
XIV (nouveau). – La section 3 du chapitre II du titre II du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° Dans l’intitulé de la section, les mots : « de réduction du » sont remplacés par les mots : « modifiant le » ;
2° À l’article L. 1222-7, le mot : « diminution » est remplacé par le mot : « modification » et les mots : « de réduction de » sont remplacés par les mots : « relatif à » ;
3° À l’article L. 1222-8, les mots : « de réduction de » sont remplacés par les mots : « relatif à » et les mots : « est un licenciement qui ne repose pas sur un motif économique » sont remplacés par les mots : « repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse ».
XV (nouveau). – Un décret détermine les conditions de maintien de la rémunération mensuelle des salariés qui effectuaient des heures supplémentaires régulières avant la date de promulgation de la présente loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l'article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, nous avons déjà eu l’occasion de parler de la hiérarchie des normes. J’ai expliqué que, de mon point de vue, c’était la mise en contradiction entre l’intérêt général et l’intérêt des parties, qui pouvaient conjoncturellement avoir un intérêt divergent de l’intérêt général.
À ce stade du débat parlementaire, compte tenu de la situation du pays, je voudrais revenir sur la nécessité de retirer cet article et de réengager une procédure de négociation avec l’ensemble des partenaires sociaux.
Vous nous dites, madame la ministre, que vous avez confiance dans les partenaires sociaux au niveau des entreprises, notamment dans les syndicalistes. Moi aussi ! Mais pourquoi n’avez-vous pas confiance en eux au niveau national ?
Vous nous dites que vous êtes pour des accords majoritaires au niveau des entreprises. Vous nous avez dit longtemps que votre loi avait l’accord majoritaire des organisations syndicales ou, au moins, des organisations syndicales susceptibles de représenter la majorité des salariés. Force est de constater que tel n’est pas le cas…
M. Dominique Watrin. C’est vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. … puisque s’y opposent la CGT, Force ouvrière et la CFE-CGC, dont le nouveau président demande l’interruption du débat pour organiser une négociation, en particulier sur cet article 2 considéré comme un article de dumping social. Or la CFE-CGC ne représente pas la tradition hyper-revendicatrice, prétendument non réformiste, qui prévaudrait dans le syndicalisme français ! Il n’y a donc pas de majorité des organisations syndicales favorable à la remise en cause du principe de la hiérarchie des normes !
Je me permets de dire que, historiquement, je ne connais pas un texte du parti socialiste, fut-il présenté par sa majorité la moins « à gauche », qui ait évoqué l’hypothèse que l’on puisse revenir sur ce point.
Tous les textes historiques du parti socialiste et de la gauche sont fondés sur ce principe. En tout cas, quand on élargit le champ de la négociation, ce n’est pas pour remettre en cause des protections antérieures. Or, force est de constater, sur le déclenchement des heures supplémentaires, que cela touche une protection antérieure.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je conclus, monsieur le président.
Pas de majorité au Parlement, 49.3, pas de majorité dans les organisations syndicales, pas d’adhésion du peuple de notre pays : ce n’est pas le dialogue social, c’est un dialogue de sourds ! (MM. Alain Néri, Jean-Pierre Godefroy et Jérôme Durain applaudissent. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Cet article 2 introduit dans notre histoire une rupture de nos relations sociales. La France, je le rappelle, est le premier pays au monde en termes de couverture conventionnelle ou statutaire. Plus de 90 % des salariés de notre pays sont couverts par une convention collective, contre 60 % en Allemagne.
Notre articulation des niveaux de négociation collective est républicaine. La hiérarchie des normes comporte la loi, les accords nationaux interprofessionnels, les accords de branche et les accords d’entreprise. Votre texte prévoit de remettre en cause cette articulation. Dans certains cas, la branche est contournée. Par exemple, sur les heures supplémentaires, les premières heures payées au-delà de la durée légale sont actuellement payés 25 % de plus et, depuis 2008, par accord de branche étendu, nous pouvons déjà passer à 10 %. Une seule branche, dans le secteur du tourisme et des loisirs, a négocié ce type d’accord, ce qui signifie qu’il n’y a pas de demande en ce sens, y compris du côté patronal.
Avec cet article, la branche n’existe plus. On passe directement à l’entreprise. Situer la négociation non plus au niveau des branches, où les syndicats sont présents, mais dans l’entreprise, où les syndicats sont les plus faibles et les salariés les moins bien représentés, c’est aggraver les inégalités entre les salariés et favoriser le dumping social.
Nous étions très nombreux, à gauche, en 2004, en 2008, à refuser l’inversion de la hiérarchie des normes que vous nous proposez. Je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie et revenir sur ce que j’ai dit hier en présentant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, en citant particulièrement les propos de notre actuel secrétaire d'État aux transports, qui, alors qu’il était dans l’opposition, avait vilipendé les accords d’entreprise et l’inversion de la hiérarchie des normes. D’autres grands ténors du Gouvernement avaient également poussé des cris d’orfraie. Mais cela, c’était avant !
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Éliane Assassi. Croyez bien que cette inversion des idées est désastreuse pour nombre de celles et ceux qui ont cru en vous, hier, et qui voient bien que vous avez capitulé.
M. le président. Il faut conclure, madame Assassi !
Mme Éliane Assassi. Donc, madame la ministre, j’insiste pour vous demander de stopper les débats au Parlement, de relancer la négociation, avec bien sûr la possibilité, in fine, de retirer cette loi.
M. le président. Mes chers collègues, je demande à chacun de respecter son temps de parole. C’est une question de respect des autres intervenants.
La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. L’article 2, en inversant la hiérarchie des normes et en remettant en cause le principe de faveur, réunit toutes les conditions pour favoriser un dumping social accru. C’est la meilleure preuve que le Gouvernement se trompe de paradigme, en considérant que c’est en tirant vers le bas les conditions de travail des salariés que l’emploi sera préservé. C’est par ailleurs oublier un peu rapidement que ce que vous nommez « coût du travail » – que vous n’avez de cesse de vilipender – est en réalité un salaire, immédiat ou socialisé, qui maintient une consommation à un niveau acceptable et que, à l’inverse, le coût du capital, toujours plus important, bloque les investissements dans les entreprises et la consommation des ménages en pressurant les salaires.
L’esprit de l’article 2 aggrave encore ce phénomène puisque, en inversant la hiérarchie des normes, ce sont les salariés de toutes les entreprises d’un même secteur qui seront mis en concurrence. Qu’un seul accord désavantageux pour les salariés soit signé, parce que la pression patronale est trop forte, parce que la situation est désespérée, et tous les employeurs concurrents renforceront leur pression sur les organisations de salariés pour qu’elles s’alignent sur les conditions désavantageuses de l’accord dans une course au moins-disant social.
Jusqu’ici, l’accord de branche et la loi étaient là pour éviter ce phénomène. Pourquoi le Front populaire, dont le Gouvernement a tenu à commémorer l’accession au pouvoir, avait-il mis en place ce système ? Tout simplement parce que, plus l’échelle est réduite, plus le lien de subordination employeur-employé s’exprime crûment et plus il est difficile pour les salariés de se défendre. Ce constat est d’autant plus vrai que, en période de chômage de masse, la crainte de se voir remplacé est plus forte du côté des salariés. La loi, de par son cadre global, annihile ce rapport de subordination.
De fait, il est évident que, avec cet article 2, vous accentuerez la précarisation de l’ensemble des salariés, en organisant un dumping social entre les entreprises. Vous achèverez ainsi le processus qui consiste à renforcer le coût du capital vis-à-vis du coût du travail et le lien de subordination en faveur de l’employeur, à permettre l’émergence d’accords défavorables alors même que les syndicats majoritaires y sont opposés et à pressurer l’ensemble des salariés.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous ne puissions suivre le Gouvernement sur cet article 2.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’article 2 représente la substantifique moelle du projet de loi, en prévoyant notamment l’inversion de la hiérarchie des normes et la mise à mal du principe de faveur. Cette logique va fragiliser l’ensemble des salariés, plus particulièrement les femmes, car ce sont elles qui vivent majoritairement des situations précaires et connaissent le plus d’inégalités dans les domaines de l’emploi, des conditions de travail, des salaires, du déroulement de carrière ou de la formation.
Les progrès en matière d’égalité professionnelle ont été obtenus à la suite de luttes menées par les femmes et de l’adoption de certaines lois. Même si le chemin à parcourir reste encore long, comme nous l’avons vu tout au long de nos débats, la loi, accompagnée de sanctions aux contrevenants, a amélioré la situation professionnelle des femmes. Or, avec votre texte, madame la ministre, la loi deviendrait supplétive et s’appliquerait seulement lorsqu’il n’y a pas de disposition au niveau de la branche ou de l’entreprise. Les conséquences en seraient dramatiques.
Si l’on prend la question des temps partiels, que subissent bon nombre de femmes dans de nombreux métiers comme ceux du commerce ou de l’accompagnement à la personne, votre projet de loi va encore aggraver les choses. Et je ne fais pas ici de procès d’intention, je dénonce des faits ! Rappelons-nous, mes chers collègues, que Mme Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des droits des femmes, avait instauré une norme de vingt-quatre heures minimales, sauf dérogation. Or soixante branches ont négocié pour contourner cette loi et, en moyenne, la durée des temps partiels dans ces soixante branches est de dix-sept heures. Avec ce projet de loi, la norme sera le moins-disant et les vingt-quatre heures voulues par cette ministre deviendront dérogation.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas vrai !
Mme Laurence Cohen. C’est parce que nous refusons l’extension de la précarité et de la flexibilité que nous combattons cet article 2 ; c’est parce que nous sommes favorables à la négociation, parce que nous croyons au dialogue social que nous soutenons la hiérarchie des normes, avec principe de faveur et encadrement par la loi. C’est cette vision que nous défendrons à travers nombre des amendements que nous proposerons.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Si le principe de faveur, principe fondamental de l’ordre public social, supporte des dérogations, sa négation pure et simple est contraire au droit constitutionnel au sens large. En ce sens, la dérogation ne saurait devenir la règle.
En effet, plus qu’une simple règle de conflit de normes applicables, le principe de faveur est un principe fondamental qui fait écho au préambule de 1946 et à l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, qui affirme le « droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ».
Dès lors, c’est tout l’article 2 qui bafoue ce principe ! Pourtant, la jurisprudence du Conseil d’État est claire : l’ordre public social, et à travers lui le principe de faveur, est un principe général du droit qui s’impose à toutes les normes qui lui sont inférieures hiérarchiquement. Ne nous y trompons pas, la décision du Conseil constitutionnel de 2004 lui reconnaît la valeur d’un principe fondamental au sens de l’article 34 de la Constitution. Cela signifie que le législateur, en recourant à une dérogation absolue – ce que fait l’article 2 –, n’exercerait plus sa compétence de détermination des principes fondamentaux du droit du travail. Il court ainsi le risque d’une censure pour incompétence négative, mais, surtout, d’une atteinte à la souveraineté, car la loi est l’expression de la volonté générale.
Cet article va encore plus loin, puisqu’il bafoue ouvertement le principe constitutionnel d’égalité. En effet, au vu des réalités, le développement de la négociation collective d’entreprise contribuera à creuser les inégalités entre salariés. La loi ne sera plus la même pour tous, chaque entreprise bénéficiera d’un droit sur mesure, ce qui constitue une négation de la Déclaration des droits l’homme et du citoyen.
Enfin, et c’est sans doute le plus symptomatique, le passage du texte permettant la dérogation à la loi, devenue simplement supplétive, traduit, de fait, un affaiblissement du rôle de l’État. L’État ne prendra plus en charge la protection des salariés. Avec cet article 2, l’ordre public devient dérogatoire, c’est la négation même de la notion d’ordre public !
En permettant à la négociation d’entreprise de s’affranchir de toute contrainte, conventionnelle ou étatique, l’article 2 est une manifestation inquiétante d’un retour de l’État-gendarme, au mépris de l’État-providence, d’un véritable retour vers le passé. C’est pourquoi tant de nos concitoyens sont aujourd’hui contre ce projet de loi ; ils ont compris les enjeux fondamentaux qui se cachent derrière cet article 2 : inégalité, précarité, vulnérabilité !
M. le président. La parole est à M. François Marc, sur l’article.
M. François Marc. L’article 2, disposition importante du projet de loi, vise à faire intervenir de façon significative les accords d’entreprise. Or les accords d’entreprise ont fait l’objet ces derniers temps d’un certain nombre de commentaires peu engageants.
Il y a aujourd’hui 36 000 accords d’entreprise en France ; c’est beaucoup et peu à la fois.
C’est beaucoup, car, par rapport à l’ambition nourrie initialement, en 1982, on s’aperçoit que ces accords touchent une large palette de sujets : les rémunérations, les retraites, le temps de travail, etc. Il faut aussi prendre en compte le fait que tous les syndicats ont signé des accords d’entreprise au fil du temps. L’histoire récente nous apporte donc la garantie qu’il est possible de travailler ensemble dans les entreprises. C’est un point qu’il ne faut pas négliger.
On peut également dire que ce chiffre est modeste compte tenu des ambitions de départ et des possibilités ouvertes par les lois Aubry, la loi de 2004 et d’autres encore.
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que chacun, sur un sujet comme celui-là, chemine avec ses motivations, ses déterminants et ses valeurs.
Pour ce qui me concerne, j’ai tendance à penser que, comme lors de la mise en place de la décentralisation en 1982 et de la démocratie sociale, qui avait été initiée à la même époque par les lois Auroux, ce qui est recherché avant tout, c’est l’émancipation : l’émancipation des élus face au préfet, l’émancipation des travailleurs dans l’entreprise, qui sont appelés à œuvrer chacun de leur côté.
Je salue donc les ambitions manifestées par le Gouvernement pour aller plus loin, à travers des outils rénovés, et pour permettre à ces accords d’entreprise de prendre un nouvel élan pour les années qui viennent, au bénéfice des travailleurs.
M. le président. Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance afin d’en terminer avec les prises de parole sur l’article 2.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à Mme Dominique Gillot, sur l’article.
Mme Dominique Gillot. Madame la ministre, votre projet de loi ouvre de nouveaux droits aux personnes dont les parcours sont atypiques et aux plus fragiles.
Personnellement, je m’attache à préciser et à conforter les droits des personnes avec handicap dans le monde du travail. Beaucoup d’entre elles aspirent à être reconnues pour leurs aptitudes et leurs compétences dans ce milieu qui, trop souvent, les rejette.
Les lois votées pour favoriser l’insertion professionnelle sont anciennes.
La loi d’orientation du 30 juin 1975 a instauré une obligation nationale d’intégration sociale.
La loi du 10 juillet 1987 a fixé à 6 % le taux d’emploi de travailleurs handicapés dans les établissements des secteurs privé et public de vingt salariés et plus. Cette loi a aussi donné naissance à l’AGEFIPH, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées.
Enfin, la loi du 11 février 2005 a posé le principe de non-discrimination des personnes handicapées dans l’emploi, en donnant la priorité au travail en milieu ordinaire. Plus globalement, pour aller vers l’intégration, il s’agit de s’assurer de la prise en considération du handicap et de sa compensation dans chaque aspect de la vie sociale.
Après son adoption, moment fort pour la dignité et la reconnaissance des personnes concernées, les années qui ont suivi ont été consacrées à sa mise en œuvre.
Pour ce qui concerne l’emploi et le maintien dans l’emploi, la déception est indéniable. En effet, même si les comportements et les exigences évoluent, il reste compliqué de prendre en compte le handicap de façon transversale, avec des administrations qui travaillent en « silo », sur des secteurs précis. Cependant, pour l’année 2015, le nombre d’insertions dans l’emploi est en hausse de 6 % : Cap emploi a contribué à près de 54 000 recrutements, une personne sur trois étant accompagnée depuis plus de deux ans.
La croissance des maintiens dans l’emploi s’est poursuivie, avec une augmentation de 10 % en un an et de 23 % en deux ans. Toutefois, le taux de chômage des personnes handicapées, qui s’établit à 18 %, reste le double de celui de tout public. Ce sont ainsi 500 000 personnes handicapées qui pointent au chômage, et les mises à l’écart pour inaptitude à l’emploi n’arrangent rien.
Tout en considérant que la loi de 2005 a favorisé le déploiement de leur politique en faveur du handicap, les entreprises de bonne volonté font remonter des difficultés d’application et formulent des préconisations pour y remédier. Ces préconisations sont au cœur des réflexions essentielles pour l’avenir : la santé et la qualité de vie au travail, le vieillissement des salariés, l’accompagnement de la fragilité, la modernisation et l’adaptation des postes de travail.
La barrière qui sépare les travailleurs avec handicap de ceux qui les emploient ou pourraient les employer doit encore être abaissée. La loi Travail que vous portez, madame la ministre, s’honorera d’y avoir apporté une nouvelle brique, par des accords d’entreprise conclus au bénéfice des travailleurs handicapés.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Dominique Gillot. Tel est le sens des amendements que je défendrai au cours de la discussion.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l’article.
M. Martial Bourquin. Madame la ministre, je voudrais, sur cet article qui nous plonge au cœur du projet de loi, vous proposer une voie de sortie de crise. Vous avez argué de votre volonté de moderniser le dialogue social et de placer l’entreprise au cœur de la négociation. Reste que nous entendons ici et là s’exprimer des craintes légitimes sur la possibilité que cette inversion des normes soit utilisée à des fins de dumping social.
Comme je l’ai dit hier, il n’y a pas, d’un côté, les bons accords d’entreprise et, de l’autre, des accords de branche qu’il faudrait déverrouiller. Ces deux types d’accord sont indispensables. Avec le code du travail actuel et les branches telles qu’elles fonctionnent aujourd’hui, on dénombre près de 40 000 accords d’entreprise !
On regarde souvent du côté de l’Italie, qui a bougé, ou de l’Espagne, qui a réformé dans un sens très libéral, mais on ne regarde pas assez ce qui se passe en Allemagne, où tout se fait avec la branche.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. De moins en moins !
M. Martial Bourquin. Outre-Rhin, la branche est au cœur du dialogue ; elle peut même annuler des accords d’entreprise si ces derniers ne sont pas conformes aux accords de branche. L’Allemagne est certainement le pays où il y a le plus de dialogue social, le plus de consensus.
Vouloir opposer artificiellement l’entreprise à la branche est une erreur. Je proposerai donc un amendement visant à trouver un équilibre inédit entre l’entreprise et la branche.
Le code du travail, c’est une chose très sérieuse qui concerne des dizaines de millions de salariés. Dans une économie mondialisée caractérisée par une concurrence exacerbée et dans laquelle le global sourcing s’exerce au quotidien, nous devons être à la hauteur de l’enjeu et moderniser le dialogue social, mais en ayant aussi l’obsession de sécuriser autant que l’on modernise. La branche est une façon de sécuriser ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. - M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.
M. Pierre Laurent. L’article 2 forme en effet la clé de voûte du projet de loi, mais il aura fallu plusieurs semaines et même plusieurs mois de batailles, de mobilisations sociales et de discussions avec les syndicats pour que vous le reconnaissiez, madame la ministre. En effet, dans les premiers temps, on nous opposait que l’inversion de la hiérarchie des normes ne constituait pas le cœur du texte.
La manière dont les choses sont abordées va conduire, selon nous, à la généralisation du moins-disant social. Or les protections contre cette dérive ne sont pas présentes dans le projet de loi, bien au contraire.
Si nous contestons cet article 2, c’est parce qu’il va conduire au développement d’inégalités extrêmement problématiques. Surtout, nous contestons le dogme qui sous-tend tout le projet de loi, à savoir que l’arme de la compétitivité et la baisse du coût du travail vont créer de l’emploi. Nous pensons qu’une politique de gauche est une politique qui sait concilier le progrès social, notamment les hausses de salaire et l’amélioration des conditions de travail, avec le développement économique.
Il me semble que cette logique que vous défendez a déjà échoué. Je rappelle que les 17 milliards d’euros d’allégements de cotisations qui ont été accordés aux entreprises et la suppression progressive du financement des allocations familiales n’ont pas enclenché la moindre dynamique de création d’emploi. En revanche, ces allégements ont dégradé les conditions de financement de la protection sociale. Je n’ai pas le temps de développer ce point, mais, poussée jusqu'à son terme dans ce projet de loi, cette logique dégraderait de manière générale les comptes sociaux.
On nous oppose les exemples européens. Mais voulons-nous faire sortir, comme en Grande-Bretagne, des centaines de milliers de salariés du droit collectif général ? Quand on parle des chiffres du chômage au Royaume-Uni, n’oublions pas qu’il y a 750 000 travailleurs en contrat zéro heure !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Pierre Laurent. Allons-nous promouvoir les jobs payés 1 euro de l’heure, comme en Allemagne, pays où les salaires des femmes sont inférieurs de plus de 25 % à ceux des hommes ?
C’est pourquoi nous avons formulé des propositions qui vont à l’encontre de la logique de l’article 2.
Mme Catherine Deroche. Quarante secondes de dépassement !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Depuis plusieurs mois, j’ai beaucoup auditionné, écouté, lu, échangé, réfléchi. Cette démarche me conduit aujourd’hui, madame la ministre, à vous apporter mon soutien sur le texte en discussion, ce qui ne m’empêche pas de respecter totalement les opinions contraires, qu’elles émanent de membres de mon groupe ou de collègues siégeant sur d’autres travées.
L’article 2, avec la primauté de l’accord d’entreprise, est au cœur du projet de loi et des réactions les plus virulentes. Je veux souligner qu’il ne s’agit pas là d’une génération spontanée. La primauté de l’accord d’entreprise n’apparaît pas de façon brutale, inattendue ou opportune en ce printemps 2016.
Depuis le début des années quatre-vingt, des accords conclus au niveau de l’entreprise peuvent déroger à la législation ou à la convention de branche dans un sens moins favorable au salarié.
L’ordonnance du 16 janvier 1982 relative à la durée du travail et aux congés payés, relayée par la loi Auroux du 13 novembre de la même année, a consacré, en quelque sorte, un nouveau principe et a constitué une véritable révolution normative.
Avec les lois Delebarre de février 1986 et Séguin de juin 1987, le temps de travail est devenu le domaine privilégié de ces accords.
Vingt ans plus tard, la position commune des partenaires sociaux du 16 juillet 2001 sur les voies et moyens de l’approfondissement de la négociation collective marque un accord, improbable, de quatre organisations syndicales – FO, CFDT, CFTC et CFE-CGC – et de trois organisations patronales – MEDEF, CGPME et UPA – en faveur d’un compromis, dans lequel est affirmée la primauté de la négociation d’entreprise sur la négociation de branche.
Madame la ministre, vous réaffirmez l’importance de la négociation collective, en élargissant son champ et en étendant la primauté de l’accord d’entreprise à de nouveaux domaines. Vous affirmez aussi l’existence de trois niveaux : l’ordre public, auquel il ne peut être dérogé ; le champ des négociations collectives ; les dispositions supplétives, qui s’appliquent en l’absence d’accord collectif.
Le projet de loi sécurise l’accord d’entreprise par le fait majoritaire et le renforcement des moyens des syndicats.
L’article 13 réaffirme le rôle de la branche comme régulateur de la concurrence, crée les commissions paritaires permanentes de négociation et d’interprétation et demande un bilan des accords collectifs d’entreprise.
À l’opposé d’une régression sociale – je le pense fortement –, ces dispositions constituent un message de confiance et d’espoir dans l’intelligence, le bon sens, la capacité d’initiative et la volonté de progrès des partenaires sociaux.
L’entreprise, lieu de production de richesses, est un niveau pertinent pour rechercher et mettre en œuvre les compromis qui sont les mieux adaptés, en matière de compétitivité et de protection des salariés, aux problèmes qui se posent à cette échelle de l’activité économique. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l’article.
M. Jean Desessard. Certains employeurs ne sont pas d’accord avec l’article 2. L’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, par exemple, est très réservée : « L’article 2 stipule que “la primauté de l’accord d’entreprise en matière de durée du travail devient le principe de droit commun”.
« L’UDES émet de fortes réserves, mais souhaite qu’un compromis soit trouvé ». Cela va un peu dans le sens de l’intervention de Martial Bourquin.
« La branche doit conserver son rôle de régulation au sein d’un secteur d’activité. C’est au niveau de la branche que doivent se décider les mesures relatives au temps de travail : temps partiel, majoration des heures supplémentaires, travail de nuit, durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire… »
Ce sont des employeurs qui le disent ! Ils représentent tout de même deux millions de salariés.
Mme Catherine Génisson. Il y a aussi l’UPA !
M. Jean Desessard. D’autres le disent aussi, en effet !
Madame la ministre, pourquoi faites-vous ça ? Vous nous dites que vous êtes à 200 % pour ce texte. Je comprends les premiers 100 % : vous êtes d’accord avec la loi. Les 100 % supplémentaires, c’est donc la plénitude, c’est-à-dire que le texte va nous apporter quelque chose de plus, en tout cas autre chose que le simple fait de croire au projet. Lorsqu’on est à 200 %, c’est qu’il y a une « pêche » nouvelle, une énergie formidable…
Je veux bien reconnaître que vous y croyez et que vous pensez qu’il va y avoir des créations d’emplois du fait de la souplesse installée au niveau de l’entreprise. Moi, je suis plutôt sur la position de Pierre Laurent : la compétitivité de l’entreprise peut signifier un enrichissement des actionnaires et un dumping social à tous les niveaux. Je ne suis pas sûr que cela va créer des emplois.
Mais admettons… Quand est-ce que ça va prendre effet, votre mesure ? Il faut le temps de la mise en route. Ce sera donc après l’élection présidentielle et les élections législatives. Autrement dit, ce n’est pas vous qui allez l’appliquer. Vous introduisez un dispositif que vous n’allez pas contrôler !
Mme Laurence Cohen. Exact !
M. Jean Desessard. Pourquoi faites-vous ça ? Mais pourquoi ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur. Pour la France, monsieur !
M. Jean Desessard. Vous vous fâchez avec toute la gauche ; vous vous fâchez avec les écologistes, alors que vous nous demanderez notre soutien au moment crucial. Comment pourrons-nous vous l’apporter ? Ça ne sera pas possible ! Pourquoi faites-vous ça ? Si c’est pour buter la CGT, quel intérêt y avez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Vous allez peut-être gagner, mais qu’allez-vous obtenir au final ? Cela ne va pas créer d’emplois ni permettre à Hollande de dire qu’il en a créé ! Par contre, vous instaurez une pagaille dans la gauche dont on ne sait pas dans quel état elle va sortir !
Pourquoi faites-vous ça ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Néri, sur l’article.
M. Alain Néri. Madame la ministre, je crois que c’est de bonne foi que vous nous dites que ce projet de loi va favoriser l’emploi dans ce pays, améliorer les conditions de travail et les salaires de ceux qui en ont un ainsi que le climat social dans l’entreprise. Mais l’entreprise, ce n’est pas uniquement le chef d’entreprise, il y a aussi les salariés.
Pour qu’une entreprise soit compétitive et se développe, elle a besoin d’un climat serein et de relations apaisées. Or, pour cela, il faut discuter dans un cadre qui ne soit pas trop lié à la personnalité du patron et des employés. En effet, il n’est pas facile, dans une petite entreprise, d’affronter le patron. On risque quelques représailles… Ce n’est pas le cas dans toutes les entreprises, mais on pourrait vous en citer beaucoup où les syndicalistes et salariés qui mènent les revendications sont pénalisés dans leur carrière, dans leur emploi et dans leur vie de tous les jours.
Alors, madame la ministre, la seule chose que l’on vous demande, c’est de faire en sorte que l’accord de branche soit l’accord-cadre à l’intérieur duquel sont discutés les accords d’entreprise. C’est ce qui se passe aujourd’hui ! Il est possible de conclure des accords d’entreprise, alors même que c’est la branche qui régule. La preuve en est que les accords d’entreprise sont au nombre de 40 000.
Madame la ministre, ne vous entêtez pas ! N’entrez pas en conflit avec l’ensemble des salariés ! N’allez pas créer un conflit supplémentaire ! Nous sommes là pour apaiser les relations. S’il vous plaît, rouvrez les discussions ! Acceptez de reconnaître que les accords d’entreprise ne pourront pas être en retrait par rapport aux accords de branche, auxquels il faut donner la priorité !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Alain Néri. Je suis sûr que, dans cette discussion, nous trouverons une porte de sortie permettant à la gauche de se rassembler, afin qu’ensemble nous puissions faire en sorte que le progrès social avance dans les entreprises, au profit des travailleurs. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, sur l’article.
M. Yannick Vaugrenard. On voit bien que l’article 2 est absolument central dans le projet de loi Travail. On peut comprendre pourquoi, puisqu’il s’agit de flexisécurité.
Beaucoup de pays européens ont recours à la flexisécurité. Dans ces pays, les syndicats sont puissants. Or chacun sur les travées de notre assemblée souhaite, je le crois, que les syndicats soient encore plus forts qu’ils ne le sont aujourd’hui. Ce serait intéressant pour les salariés et pour tout le monde, d’ailleurs, d’un point de vue économique.
Au-delà de l’intérêt de permettre la conclusion au niveau d’une entreprise d’accords de proximité qui tiennent compte de la situation à laquelle celle-ci fait face à un moment donné – et même si on peut être d’accord avec cette philosophie –, la difficulté est que cela risque d’entraîner une forme de dumping social si des entreprises du même secteur utilisent cette possibilité. C’est la raison pour laquelle il va falloir trouver une forme d’équilibre gagnant-gagnant.
La flexibilité, c’est la possibilité pour les entreprises de conclure, avec leurs salariés, un accord d’entreprise.
La sécurité pour les salariés, c’est de pouvoir demander l’avis de la branche, afin que chacun puisse ensuite se déterminer en toute connaissance de cause. Pourquoi craindre de demander l’avis de la branche ? Il s’agit simplement de disposer, pour les salariés, d’un droit d’alerte et je dirais même d’un devoir d’alerte.
Il n’y a pas nécessairement d’organisation syndicale dans toutes les entreprises. Certes, le texte prévoit un mandatement – pourquoi pas ? –, qui pourra permettre de renforcer les organisations syndicales. Mais je récuse l’idée qu’il faut casser le verrou de la branche. Il faut au contraire proposer – c’est ce que nous ferons dans un amendement – que la branche soit alertée, informée et qu’elle donne son avis. Au bout du compte, les salariés de l’entreprise pourront prendre leur décision en toute connaissance de cause. Il me semble que cette proposition permettrait de trouver un accord qui satisferait tout le monde et qui serait gagnant-gagnant sur le plan tant économique que social. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Myriam El Khomri, ministre. Ce débat est important, car deux conceptions s’opposent. Ces divergences, qui sont respectables, on les constate également dans le champ syndical.
Je ne prétends pas détenir la vérité. Je veux juste vous dire pourquoi je suis à 200 % en faveur du projet de loi.
Dans une économie mondialisée comme la nôtre, il faut pouvoir s’adapter rapidement. En tant que ministre du travail, je constate que, à travers le travail indépendant ou détaché ou par le biais de l’intérim, le droit du travail est contourné pour permettre une telle adaptation.
Mme Nicole Bricq. Exactement !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Je vois ce mouvement au quotidien.
Je vois aussi l’ensemble des accords qui ont permis d’améliorer la situation de certaines entreprises par le dialogue social. Je suis persuadée que le dialogue social permet de concilier progrès économique et progrès social.
Je ne travaille pas sur ce sujet depuis quatre mois par obstination, mais bien par conviction. Nous avons deux visions, deux conceptions différentes – j’assume parfaitement la mienne –, mais, je le répète, il s’agit non pas d’obstination, mais de détermination et de conviction. Je pense qu’il faut permettre à nos entreprises de mieux répondre à un pic d’activité et de commandes.
Ne nous racontons pas d’histoires : il existe déjà beaucoup de dérogations. Quand j’ai parlé de casser le verrou de la branche, je parlais de la clause de verrouillage des 25 % pour les heures supplémentaires, ainsi qu’elle est nommée depuis la loi de 2004. Il s’agit donc d’une expression technique.
Je n’oppose pas un niveau à un autre. Nous avons véritablement besoin de chacun des niveaux, que ce soit la loi, pour le SMIC et la durée légale du travail, ou les conventions collectives. Il y a aujourd’hui quatre domaines où il est impossible de déroger : les fonds de la formation professionnelle, la prévoyance, les classifications et le SMIC. Le projet de loi ne touche absolument pas à ces principes, qui sont essentiels.
Je comprends l’inquiétude devant les risques de dumping social au niveau de la branche, mais permettez-moi d’apporter des éléments de réponse pour apaiser ces craintes.
La branche, qui est essentielle, est renforcée par le texte, qui lui confie pour la première fois un rôle de régulation de la concurrence, qui institue une commission paritaire permanente et lui donne des rôles nouveaux, notamment en matière de modulation pluriannuelle du temps de travail.
Madame Cohen, vous parliez du temps partiel des femmes. Or vous étiez opposée à l’ANI et à la loi de 2013, qui, sur l’initiative de Michel Sapin, alors ministre du travail, instituaient l’accord sur le temps partiel à vingt-quatre heures. Sachez que nous maintenons cette disposition au niveau de la branche, parce que cela nous semble essentiel. Par ailleurs, demain, les branches seront chargées de faire régulièrement des bilans des accords d’entreprise.
Mme Catherine Génisson. Comme pour le CICE ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. De grâce, n’ayons pas une vision idyllique de la branche. En réalité, le tiers des branches professionnelles n’ont pas négocié depuis plus de vingt ans. C’est la raison pour laquelle nous voulons les restructurer. Aujourd’hui, la direction générale du travail, sous mon autorité, est en train de pousser quarante-deux branches, couvrant 4,2 millions de salariés qui ont au moins un coefficient inférieur au SMIC, à négocier. Et il ne s’agit pas de petites branches : boulangerie-pâtisserie, bricolage, cafétérias, bureaux d’études techniques, etc.
M. Pierre Laurent. Vous n’avez qu’à imposer la négociation annuelle dans les branches !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Si nous voulons les restructurer, c’est justement pour rendre la négociation collective beaucoup plus dynamique. Mais ne faisons pas croire, au moment où nous abordons la question du développement des accords d’entreprise, que la garantie posée par les branches protège un monde idyllique où tout fonctionne parfaitement.
J’entends bien les inquiétudes. C’est la raison pour laquelle la question de la recommandation des branches a fait l’objet d’une discussion. À ce sujet, nous avons souhaité éviter le 49.3 et cherché des voies de compromis, mais cela n’a pas été possible. Nous avons donc dû prendre nos responsabilités.
À aucun moment, je le répète, nous n’avons souhaité mettre la branche de côté au bénéfice exclusif de l’accord d’entreprise. Cela n’est pas la réalité du texte. Simplement, nous voyons bien que les accords d’entreprise se développent de plus en plus, parce qu’ils répondent à un besoin à la fois des entreprises et des salariés. Ce mouvement, qui me paraît inéluctable, a été porté par les partenaires sociaux dès le début, dans de nombreuses positions communes. Tout d’abord, il y a eu celle de 1995, qui a été signée à l’époque par la CFDT, la CFTC et la CGC ; puis il y a eu celle de 2001, signée par FO, la CFDT, la CFTC et la CGC.
Il s’agit donc d’une progression constante et irréversible : il y a eu 35 600 accords d’entreprise, dont 11 450 ratifiés par référendum en 2014. C’est irréversible, parce que nous sommes passés de l’ère industrielle à l’ère des services. Or, en tant que consommateurs, nous avons une part de responsabilité : si le monde du travail évolue, c’est parce que les modes de consommation changent. Voilà pourquoi nous avons besoin de plus de réactivité.
Monsieur Desessard, je viens d’expliquer pourquoi je suis à 100 % pour le projet de loi. Je vais maintenant expliquer pourquoi j’y suis favorable à 200 %. (Sourires.)
Deux mouvements de fond traversent notre société : le besoin de proximité et la perte de confiance dans le politique, qui pose un problème démocratique. Les partis et les hommes politiques, ainsi que les organisations syndicales ou les médias n’ont plus la confiance de nos concitoyens.
Mme Laurence Cohen. Ce n’est pas avec cette loi qu’ils vont la retrouver !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Il y a une aspiration des salariés à décider sur les sujets les plus structurants, au lieu de s’en remettre à des appareils au-dessus d’eux. C’est l’état d’esprit de notre société.
Considérer que la négociation d’entreprise doit être combattue ou réprouvée, car elle serait synonyme de recul social, c’est discréditer l’engagement syndical et ne pas voir qu’au moins 85 % des accords sont signés par tous les syndicats. Et ces accords ont permis de créer des emplois et d’en sauver des milliers d’autres !
Ce texte encourage donc les accords d’entreprise, avec le verrou essentiel de l’accord majoritaire, qui figurait dans la position commune de 2008. C’est une garantie importante ! Il permet aussi des accords dans les petites entreprises grâce au mandatement syndical. Bien sûr, la relation est déséquilibrée entre un employeur et un salarié, mais lorsque l’on est soutenu, accompagné par le collectif, par une organisation syndicale, l’équilibre est rétabli. Il y a là un changement culturel à promouvoir auprès des organisations patronales, qui voient souvent d’un mauvais œil des personnes extérieures venant d’une unité départementale débarquer dans les entreprises. Or le mandatement syndical concerne un salarié de l’entreprise.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut bien avoir à l’esprit que l’accord STX de Saint-Nazaire en 2014 a permis à cette entreprise d’avoir un carnet de commandes plein jusqu’en 2016. Les salariés ont consenti des efforts, mais ils ont aussi obtenu des contreparties. Il y aurait beaucoup d’autres exemples à citer : Michelin à La Roche-sur-Yon, Peugeot-Citroën à Rennes avec le contrat d’avenir, etc. Tous ces accords ont été obtenus avec des contreparties. Philippe Martinez l’a bien dit hier au sujet de l’accord à la SNCF : les salariés savent très bien ce qui est bon ou pas pour eux.
Reste que je n’ai pas une vision naïve ou béate du dialogue social. J’ai simplement la conviction que le principe majoritaire est une avancée majeure, qui responsabilise à la fois les organisations syndicales et les directions d’entreprise, ce qui est essentiel, l’absence d’accord pouvant constituer un frein à l’organisation du travail. Je suis même persuadée que le développement de la négociation et de cette culture du compromis peut être un formidable outil de revitalisation du syndicalisme.
Sincèrement, j’ai le sentiment que, si les employeurs montrent parfois peu d’appétence pour la négociation, c’est parce qu’ils ont le sentiment que celle-ci est dépourvue d’enjeux significatifs. C’est exactement pour la même raison que les salariés sont aussi peu attentifs au syndicalisme. Pourtant, pouvoir négocier sur ce qui fait le quotidien des salariés, sur l’organisation du travail, ce que prévoit l’article 2, est, à mes yeux, essentiel et structurant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons entre nous des divergences de projets.
Mme Laurence Cohen. Ce sont des projets de société !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Pour ma part, je n’oppose pas un étage à un autre. Je pense simplement que nous devons continuer dans cette voie. J’ai rencontré l’ensemble des organisations syndicales et j’écoute leurs propositions, car je suis toujours disposée à apporter des améliorations à ce texte. Néanmoins, je refuse catégoriquement d’en dénaturer la philosophie. Je le répète, il s’agit non pas d’obstination, mais de conviction et de détermination. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 40 amendements au cours de la journée ; il en reste 841.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 15 juin 2016, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (n° 610, 2015-2016) ;
Rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 661, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 662, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 15 juin 2016, à zéro heure trente-cinq.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD