Mme Corinne Imbert, rapporteur. La commission a en effet supprimé cette possibilité de dérogation accordée au président du conseil départemental. Elle a considéré que l’idée même de dérogation pouvait être source d’iniquité, mais aussi, a contrario, que la dérogation était susceptible de devenir systématique, remplaçant ainsi la règle.
L’objectif général de la proposition de loi est d’allouer le RSA à l’allocataire qui en a besoin ; ce besoin doit être établi sur des critères stricts, comme cela se pratique d’ailleurs pour d’autres allocations. Si une demande incomplète pouvait ouvrir le droit au RSA, il pourrait s’avérer que les pièces ultérieurement portées à la connaissance du président du conseil départemental excluent le bénéficiaire de l’éligibilité au RSA, donnant alors lieu à des indus.
C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, si j’ai bien compris, vous proposez de créer une dérogation à une mesure à laquelle vous êtes défavorable. Je trouve dommage, dès lors, que vous n’ayez pas tout simplement déposé un amendement de suppression. Le cas échéant, j’y aurais été tout à fait favorable !
Mais sur le présent amendement, l’avis du Gouvernement est défavorable : introduire cette dérogation sans toucher à la mesure elle-même ne me paraît pas pertinent.
M. Gérard Roche. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'article.) (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
5
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres. J’ajoute que cette invitation s’applique aussi aux séances ordinaires.
Pour des raisons d’ordre pratique que chacun peut comprendre, et conformément à la décision de la conférence des présidents, les auteurs de question pourront utiliser leur droit de réplique s’il leur reste plus de cinq secondes.
moyens donnés à l'autorité de sûreté nucléaire
M. le président. La parole est à M. Hervé Poher, pour le groupe écologiste.
M. Hervé Poher. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer.
Le 25 mai dernier, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a pris connaissance du rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2015. L’Office a eu la chance d’auditionner M. Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN – il s’agit bien d’une « chance » : le président Chevet présente en effet deux qualités très appréciables, qui sont l’honnêteté et la franchise.
Il a fait un état des lieux et formulé un diagnostic sur les installations nucléaires de notre pays. Je me permettrai de reprendre deux de ses constats.
Premier constat : globalement, le fonctionnement de nos centrales, y compris des plus anciennes, est convenable. Mais, vous le savez, il en va des centrales nucléaires comme des humains : lorsqu’on prend de l’âge, on est regardé avec un peu plus d’attention, et parfois avec un peu plus d’inquiétude. (Sourires.). Nos centrales, donc, fonctionnent bien, à l’exception cependant d’une ou deux d’entre elles, qui ont un « fonctionnement critiquable ».
Second constat du président Chevet : « Si l’on ne donne pas à l’ASN plus de moyens, en particulier humains, et des moyens conséquents, elle ne pourra plus assumer toutes ses missions. »
Aussi oserai-je un raisonnement mathématique dont se déduira ma question. Additionnons, en effet, plusieurs facteurs : le « fonctionnement critiquable » de certaines centrales, le changement climatique, surtout en bord de mer, le souvenir de la tempête Xynthia, les images de Fukushima, ainsi que la succession récente de petits incidents, voire d’accidents, dans nos centrales.
Devant le résultat de cette addition, certains de nos concitoyens pourraient légitimement ressentir – il n’est point besoin pour cela d’être catastrophiste – quelques soupçons d’inquiétude.
Par conséquent, et dans le cadre d’une transition énergétique ayant fait l’objet d’une loi votée voilà un an, pouvez-vous, madame la ministre, les rassurer et nous rassurer sur la sécurité nucléaire, en nous confirmant qu’elle ne sera pas une victime collatérale d’une rigueur budgétaire peu justifiable en ce domaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’environnement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Monsieur le sénateur, lorsqu’on pose une question sur la filière nucléaire, il faut prendre garde, sous prétexte de mettre le doigt sur des problèmes qui méritent certes une réponse, à ne pas discréditer l’ensemble de cette filière. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle que la filière nucléaire reste le socle de notre modèle énergétique. (Ah ! sur les mêmes travées.) Elle fournit aujourd’hui 75 % de notre électricité, 50 % demain, grâce à la loi relative à la transition énergétique.
La sûreté nucléaire est un sujet en effet absolument majeur. J’observe d’ailleurs que l’Autorité de sûreté nucléaire est une référence à l’échelle mondiale.
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Ségolène Royal, ministre. La France est exemplaire dans ce domaine, à tel point que nous apportons notre expertise à d’autres pays possédant également des installations nucléaires. Ces derniers font souvent appel à l’ASN, ainsi qu’au deuxième outil de notre sûreté nucléaire, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN.
L’Autorité de sûreté nucléaire a demandé des moyens supplémentaires. Cette demande est justifiée pour deux raisons.
Premièrement, ces moyens supplémentaires, la loi relative à la transition énergétique les lui donne. J’ai en effet proposé – et vous avez voté ces propositions –, d’une part, que l’Autorité de sûreté nucléaire soit désormais dotée de nouveaux pouvoirs de sanction et de contrôle et, d’autre part, que certaines modifications des installations nucléaires qui étaient auparavant soumises au régime de la déclaration soient désormais soumises au régime de l’autorisation.
Deuxièmement, la plupart de nos centrales, au cours des années à venir, vont atteindre l’échéance des quarante ans, durée pour laquelle elles ont été autorisées. L’Autorité de sûreté nucléaire devra donc décider si certains réacteurs peuvent être prolongés et si d’autres doivent être fermés. Cette logique a été adoptée, là encore, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique.
Par conséquent, le Gouvernement sera très vigilant concernant les demandes de créations de postes et d’augmentation des moyens de fonctionnement, et donnera satisfaction à la fois à l’Autorité de sûreté nucléaire et à l’IRSN. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe CRC.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre du travail, depuis trois mois maintenant, le Président de la République, le Gouvernement et vous-même êtes arc-boutés sur un texte massivement rejeté par la population, plus massivement encore par les salariés, et qui n’a d’ailleurs pas réuni de majorité à l’Assemblée nationale.
Vous êtes passés en force en utilisant l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, et ce avant même l’examen de l’article 2, article par lequel, via l’inversion de la hiérarchie des normes, le salarié serait placé seul ou presque face au patron. Madame la ministre, il faut savoir reconnaître les faits : la colonne vertébrale de votre texte, l’article 2, constitue un véritable retour en arrière, et un très mauvais coup contre les salariés.
L’article 2, c’est en effet la possibilité que des accords d’entreprise soient défavorables aux salariés en matière d’aménagement du temps de travail – il s’agit de choses très concrètes : le temps d’habillage, le travail effectif, la pose des congés ou la fixation des jours fériés chômés. C’est la vraie vie des salariés, leur quotidien, qui est concerné !
Madame la ministre, il est temps, grand temps, d’écouter le pays et de cesser les invectives. L’article 2 doit être retiré !
Mon intervention s’adresse aussi à M. le Premier ministre.
M. Dominique Watrin. Il faut immédiatement suspendre le débat parlementaire et ouvrir au plus vite de vraies négociations, pour un code du travail de progrès et de justice sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur Watrin, vous avez cosigné, avec les membres de votre groupe, dès le stade de l’examen en commission, dix-neuf amendements visant la suppression de pas moins de dix-neuf articles sur les cinquante-quatre que comprend le projet de loi que je m’apprête à défendre devant la Haute Assemblée.
Nous avons des désaccords de fond ; ces désaccords traversent aussi le monde syndical. Assumons-les, sereinement, mais clairement !
Nous croyons en effet à la modernisation du dialogue social dans notre pays. Comment croire que les intérêts des salariés, s’agissant de sujets aussi structurants que ceux qui touchent à leur quotidien, ne seront pas mieux défendus au plus près de l’entreprise, sur le fondement d’accords majoritaires négociés avec leurs représentants syndicaux ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Vous ne croyez même pas à ce que vous dites ! Le XIXe siècle, c’est fini !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Pourquoi taire toutes les avancées en direction des salariés contenues dans ce projet de loi ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Elles sont nombreuses : lutte contre les fraudes au détachement – je participais hier, avec le Premier ministre, à la Commission nationale de lutte contre le travail illégal –, amélioration du compte personnel d’activité, reconnaissance d’un droit à la déconnexion, modernisation de la médecine du travail !
Nous avons donc un véritable désaccord de fond, monsieur Watrin. Mais la droite sénatoriale a elle aussi déposé, en commission, des amendements au projet de loi.
L’une des mesures phares proposées concerne la durée légale hebdomadaire du travail : celle-ci pourrait, par accord d’entreprise, être portée à 40, 41, 42 heures ! À défaut d’accord, elle serait fixée à 39 heures.
Certes, monsieur Watrin, comme je l’ai dit, nous avons un désaccord de fond s’agissant de la négociation collective. Je crois cependant que nous saurons nous mettre d’accord pour combattre les propositions qui émanent de la droite de cet hémicycle. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur les travées du groupe CRC. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
Vous n’avez pas le monopole de la protection des salariés, et ce projet de loi est un outil pour moderniser notre modèle social ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour la réplique.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, la réalité est que ce texte n’a pas été négocié : il est imposé autoritairement sur demande du patronat et de Bruxelles.
Le débat au Sénat – nous le mènerons ! – soulignera d’ailleurs votre connivence avec la droite sur l’article 2. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous avons bien lu votre projet de loi, et s’il y a blocage aujourd’hui, c’est de votre fait !
Ne croyez pas, madame la ministre, que les salariés qui sont dans la rue n’ont pas lu votre texte ou n’y ont rien compris ! Nous vous démontrerons, à travers plusieurs centaines d’amendements, que votre projet de loi, en prônant l’inversion de la hiérarchie des normes, constitue un retour en arrière. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Dominique Watrin. Saisissez les perches qui vous sont tendues ! Engagez enfin une vraie négociation ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
l'école rurale et de montagne
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Alain Duran. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Madame la ministre, le Président la République a fait de l’éducation nationale l’une des priorités essentielles de son quinquennat. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Guillaume. Et c’est réussi !
M. Alain Duran. Le précédent quinquennat avait abouti à des situations très tendues en termes de ressources humaines, à la suite de l’application mécanique et abrupte de la RGPP, la révision générale des politiques publiques. Celle-ci s’était soldée par 80 000 suppressions de postes au sein de l’éducation nationale et avait eu des conséquences préjudiciables dans toutes les académies, en particulier dans celles qui sont situées en milieu rural et en montagne. Dans ces zones, les fermetures de classes et pis, les fermetures d’écoles, sont assurément vécues plus douloureusement qu’ailleurs.
La démarche conventionnelle inaugurée en 2014 dans le Cantal se traduit par une véritable concertation entre les élus locaux et l’éducation nationale : cette dernière accompagne les territoires ruraux fragilisés par la baisse démographique en offrant des moyens supplémentaires en personnels enseignants aux collectivités dont les élus s’engagent à conduire, à l’échelon local, une réflexion sur le réaménagement des réseaux d’écoles.
L’objet de ces conventions est de construire une école rurale de qualité et de proximité, émancipée de la menace comptable liée de façon récurrente aux évolutions démographiques. Il s’agit de maintenir un climat de travail serein et constructif entre les élus et les autorités académiques, au profit de la communauté éducative locale.
Ce dispositif est conforme à l’esprit de la loi pour la refondation de l’école de la République, dont l’adoption a permis la création de 60 000 nouveaux postes dans l’éducation nationale, dont 14 000 dans le seul premier degré. Plus d’une vingtaine de départements sont aujourd’hui engagés dans cette démarche conventionnelle : le dispositif est donc désormais prêt à être généralisé. À cette fin, 120 postes supplémentaires seront attribués aux communes rurales et de montagne dès la rentrée scolaire prochaine.
Le 20 mai dernier, à l’occasion du comité interministériel aux ruralités organisé en Ardèche, je vous ai officiellement remis, madame la ministre, mon rapport dressant un bilan d’étape des conventions ruralité et formulant une douzaine de recommandations pour le déploiement et la bonne application de ces dernières. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, le temps de parole imparti à l’orateur étant expiré.)
Quelle suite entendez-vous donner à ce rapport, et comment continuerez-vous à soutenir les écoles de nos territoires ruraux et de montagne ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Alain Duran, vous rappelez, dans cet excellent rapport que vous nous avez en effet remis récemment, une réalité que je veux énoncer de nouveau dans cet hémicycle. (Exclamations narquoises sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans la vingtaine des départements les plus ruraux de notre pays, le nombre d’élèves, entre 2011 et 2014, a diminué d’environ 10 000. Comme vous le faites justement remarquer, une baisse de 25 000 élèves sur l’ensemble du territoire national est à attendre à l’horizon 2018.
Dans ce contexte, la carte scolaire suscite chaque année de vives inquiétudes chez les élus locaux des territoires ruraux concernés : avec le retrait de postes, la fermeture de classes, voire d’écoles, c’est le cycle infernal du dépérissement qui voit le jour, et que les élus craignent.
Je suis très sensible à ce sujet. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) J’ai donc voulu que nous nous y attaquions véritablement, par deux moyens.
Le premier moyen est la réforme de l’allocation des aides attribuées aux établissements scolaires qui, depuis un an et demi maintenant, sont affectées aussi en fonction des spécificités territoriales et des difficultés sociales. Cette mesure concerne les territoires ruraux et leur permet d’avoir plus de crédits.
Le second moyen, ce sont les conventions ruralité, dont vous venez d’expliquer le principe, monsieur le sénateur. Elles nous permettent, en liaison avec les départements ruraux volontaires, d’accorder trois ans pour préparer l’avenir et réaménager si besoin l’organisation scolaire. Plutôt que de mettre au pied du mur les élus d’une rentrée scolaire à l’autre, en leur disant « on ferme votre école », nous préférons avoir trois ans devant nous afin de neutraliser l’effet que la baisse démographique aurait dû avoir sur les postes, pour tout ou partie.
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous avez décidé d’examiner comment les conventions ruralité se mettaient en place sur le territoire et vous avez remis au Premier ministre, lors du dernier comité interministériel aux ruralités, un certain nombre de recommandations.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous souhaitez notamment que ces conventions soient désormais construites dans un cadre qui soit interministériel et pérenne, pour tous les départements ruraux concernés. Vous pouvez compter sur nous pour mettre en œuvre vos recommandations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
projet de loi de modernisation de la justice du xxie siècle
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour le groupe de l'UDI-UC.
M. Yves Détraigne. L’article 45 de la Constitution prévoit, pour l’examen d’un projet de loi, deux lectures dans chaque chambre, la procédure accélérée étant une exception...
Pour ce qui concerne le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, le Gouvernement refuse qu’il y ait deux lectures dans chaque assemblée, alors que, depuis la première lecture qui a eu lieu au Sénat au mois de novembre 2015, l’Assemblée nationale a ajouté cinquante-cinq articles, dont trente-sept d’origine gouvernementale, à un texte qui en comptait initialement cinquante-quatre.
Certaines des nouvelles dispositions vont modifier considérablement notre organisation judiciaire en bouleversant des pans entiers de notre droit civil ou pénal : divorce par consentement mutuel sans juge, suppression du juge d’instruction quand il n’y a pas de pôle d’instruction, mesures contre la conduite sans permis et sans assurance, changement d’état civil pour les transgenres, etc.
Comment peut-on admettre que le Sénat ne puisse pas discuter de mesures nouvelles aussi importantes et doive accepter de voir figurer dans une loi touchant à la justice – élément majeur de régulation de notre société – 50 % de dispositions dont il n’aura pas débattu ?
Il n’est pas acceptable que les sénateurs découvrent autant de mesures nouvelles sur des sujets aussi sensibles en commission mixte paritaire. Nous avons vraiment le sentiment que le Gouvernement fait bien peu de cas de l’avis du Sénat
Monsieur Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, comptez-vous entendre notre demande et revenir sur cette décision, afin de permettre une deuxième lecture devant la Haute Assemblée, et témoigner ainsi de votre attachement au bicamérisme et à l’ensemble de la représentation parlementaire ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, le processus législatif se joue à trois : Assemblée nationale, Sénat et Gouvernement. Chacun exerce naturellement la plénitude de ses prérogatives. Le Gouvernement a déposé le projet de loi que vous avez évoqué le 31 juillet sur le bureau du Sénat. Il a choisi de saisir d’abord le Sénat de l’examen de ce texte : c’est une marque de considération à l’égard de votre assemblée. Ce projet de loi, vous l’avez souligné, comptait initialement cinquante-quatre articles.
Sous votre responsabilité, monsieur le sénateur, la commission des lois du Sénat a adopté un grand nombre d’amendements visant à confier des compétences nouvelles en matière d’organisation judiciaire. Vous avez introduit des articles nouveaux. Le texte est ainsi passé de cinquante-quatre à soixante-trois articles. Le Sénat, au cours de son travail légitime, a abrogé de nombreuses dispositions du Gouvernement et a inscrit dans le texte des mesures nouvelles. Je pense, par exemple, à la mutualisation des greffes, qui a immédiatement suscité l’opposition unanime de tous les syndicats dans les juridictions.
La commission des lois du Sénat a même été jusqu’à conserver – et je l’en remercie – le titre initial du projet de loi, à savoir « Projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle ». Cependant, je le rappelle, après le vote de la Haute Assemblée, le texte s’intitulait : « Projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire ». C’est donc très naturellement que, le 6 octobre dernier, la commission des lois de l’Assemblée nationale, sous la responsabilité de ses deux rapporteurs, Jean-Yves Le Bouillonnec et Jean-Michel Clément, a examiné de nouveaux amendements et a prévu un accroissement des compétences.
Je reconnais sans aucune difficulté que le Gouvernement a apporté sa contribution au processus. Effectivement, le projet de loi comporte aujourd'hui un peu plus de cent articles. Nous avons donc deux textes : un texte voté par le Sénat, très différent de celui qu’avait déposé le Gouvernement, et un texte voté par l’Assemblée nationale, très différent de celui du Sénat.
Il me paraît légitime, puisque les deux textes ont été adoptés à une très large majorité dans chaque assemblée, qu’une commission mixte paritaire se réunisse maintenant. Cela permettra aux sénateurs et aux députés de discuter de nouveau du texte, avant une éventuelle nouvelle lecture. Bref, le processus législatif suit très normalement son cours, monsieur le sénateur. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
politique fiscale
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Fabienne Keller. La Cour des comptes a publié ce mercredi son analyse du déficit 2015. Celui-ci a connu une amélioration de 300 millions d’euros et non de 3,9 milliards d’euros, comme cela était annoncé par le Gouvernement, soit une amélioration dix fois plus faible qu’affichée ! Dans le même temps, les annonces pleuvent depuis le début de l’année ! (Très bien ! sur les mêmes travées.)
Augmentation des indices des trois fonctions publiques, baisse d’impôts des ménages, Garantie jeunes : le financement de toutes ces mesures n’est pas documenté ; ou s’il l’est, il est repoussé en 2020. Quels financements proposez-vous, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, face à ces annonces déjà faites et aux promesses qui animeront, à n’en pas douter, les prochains jours et les prochains mois ? (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Mesdames, messieurs les sénateurs, deux impératifs s’imposent à un gouvernement, particulièrement en ce moment.
Le premier est de réduire la dépense publique et les déficits. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur Les Républicains. C’est raté !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nonobstant vos critiques, cela a été fait !
Certes, on peut toujours changer de thermomètre, et il ne m’appartient pas de porter un jugement sur les travaux de la Cour des comptes. Néanmoins, en 2015, le déficit public a été assez largement inférieur à ce qui était prévu. Nous avons tenu nos objectifs.
Le second impératif, madame Keller, comme vous l’avez évoqué, est de pouvoir être réactif, afin de répondre à toutes les situations. C’est ce que ce gouvernement, qui maîtrise la dépense publique (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), sait parfaitement faire !
Vous parliez de dépenses nouvelles, madame la sénatrice : à quelles dépenses souhaitez-vous renoncer ?
Quand le Gouvernement allège les cotisations sociales des agriculteurs de près de 900 millions d’euros, en êtes-vous d’accord ou voulez-vous revenir en arrière ?
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Lorsque nous prolongeons pour les entreprises la mesure de suramortissement pour 500 millions d’euros, ce que vous avez réclamé, faut-il le faire ou y renoncer, selon vous ?
M. François Grosdidier. Vous vivez à crédit !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Lorsque, dans le domaine de la sécurité, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de nos frontières, nous prévoyons des moyens supplémentaires en faveur de la police, de la gendarmerie et de la défense, souhaitez-vous revenir en arrière ?
M. Didier Guillaume. Voilà !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Faut-il renoncer à la prime à l’embauche qui a été créée par ce gouvernement, et aussi revenir en arrière ?
Considérez-vous que, si nous tenons compte d’un certain nombre de points pour favoriser l’investissement dans les collectivités territoriales, c’est un cadeau ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. François Grosdidier. Vous payez à crédit !
Un sénateur Les Républicains. Petit papa Noël !
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour la réplique.