Sommaire
Présidence de Mme Françoise Cartron
Secrétaires :
Mmes Colette Mélot, Catherine Tasca.
4. Lutte contre la fraude sociale. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Jean-Noël Cardoux, coauteur de la proposition de loi
Mme Corinne Imbert, rapporteur de la commission des affaires sociales
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales ; Mme la présidente.
M. Yves Rome ; Mme la présidente.
Clôture de la discussion générale.
M. Alain Milon, président de la commission
Amendement n° 9 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Amendement n° 1 de M. Gérard Roche. – Retrait.
Rejet de l’article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
5. Questions d’actualité au Gouvernement
moyens donnés à l’autorité de sûreté nucléaire
M. Hervé Poher ; Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.
M. Dominique Watrin ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; M. Dominique Watrin.
M. Alain Duran ; Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
projet de loi de modernisation de la justice du xxie siècle
M. Yves Détraigne ; M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Fabienne Keller ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; Mme Fabienne Keller.
M. Michel Amiel ; Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable ; M. Michel Amiel.
prochaine conférence sur le handicap
Mme Dominique Gillot ; Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
M. Jean-Baptiste Lemoyne ; M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
dotations aux collectivités territoriales
M. Patrick Masclet ; M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales ; M. Patrick Masclet.
M. Jean-Yves Roux ; Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
6. Lutte contre la fraude sociale. – Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Demande de retrait de l’ordre du jour de la proposition de loi
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales
M. Éric Doligé ; M. Jean Louis Masson ; M. Bruno Retailleau ; M. Gérard Roche ; Mme Laurence Cohen ; Mme Aline Archimbaud ; Mme Nicole Bricq ; M. Georges Labazée ; M. Jean-Noël Cardoux ; M. Daniel Chasseing ; M. Marc Laménie ; Mme Corinne Imbert, rapporteur ; M. Milon, président de la commission.
Retrait de l’ordre du jour de la proposition de loi.
7. Communication du Conseil constitutionnel
compte rendu intégral
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Colette Mélot,
Mme Catherine Tasca.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 26 mai 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Commission mixte paritaire
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de réunion d’une commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
3
Dépôt d’un document
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le tableau de programmation des mesures d’application de la loi du 14 avril 2016 relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des lois.
4
Lutte contre la fraude sociale
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale (proposition n° 89, rapport n° 638, texte de la commission n° 639).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Noël Cardoux, en remplacement de M. Éric Doligé, coauteurs de la proposition de loi.
M. Jean-Noël Cardoux, coauteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous n’avons pas, dans le Loiret, le don d’ubiquité et je ne me suis pas subitement transformé en Éric Doligé, mais celui-ci m’a téléphoné il y a environ une heure pour me dire que les inondations qui coupent l’autoroute A10 l’avaient obligé à prendre un train, train qui est tombé en panne. Il est donc reparti en voiture en empruntant cette fois la nationale 20, laquelle est bloquée par des poids lourds…
M. Philippe Dallier. « Ça va mieux ! » (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Noël Cardoux. Aux dernières nouvelles, il y a cinq minutes, notre collègue se trouvait porte d’Orléans ; il arrivera donc probablement pour assister à l’examen de la fin du texte qu’il a préparé.
Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir accepté cette substitution de dernière minute.
Bien entendu, je serai fidèle au texte de l’intervention rédigée par l’auteur de la proposition de loi, mais je me permettrai à un certain moment – vous comprendrez pourquoi – un petit apport personnel.
Le texte qu’avec plus de soixante-dix de nos collègues nous proposons a pour objectif d’améliorer l’accès aux droits et de lutter contre la fraude sociale. La commission des affaires sociales et Mme la rapporteur ont largement amélioré la rédaction de ce texte, et je les en remercie.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-Noël Cardoux. Elles ont su en conserver les points forts et apporter des améliorations sur d’autres qui méritaient des analyses plus fines. Le texte, tel qu’il est issu des travaux de la commission, correspond bien à l’esprit de la proposition de loi que nous souhaitions présenter.
Nous avons lu la transcription des débats qui se sont tenus voilà quelques jours en commission des affaires sociales. Certains de nos collègues ont trouvé surprenant, voire indécent que l’on puisse évoquer la fraude sociale.
Chacun est libre de ses appréciations, mais puis-je me permettre de rappeler que, depuis des mois, nous nous mobilisons dans toutes les directions afin de lutter contre toutes les natures de fraudes, fraude à la TVA, fraude fiscale ou encore fraude dans les transports ? Nous sommes probablement tous en phase sur la nécessité de lutter contre la fraude, quelle qu’en soit l’origine.
La fraude correspond à une non-recette pour l’État ou à une dépense indue pour les collectivités, et elle est nécessairement compensée par les citoyens au travers de leurs impôts. Chacun en comprend l’aspect pervers : plus il y a de fraude, plus il faut la compenser et donc augmenter les taxes et impôts qui pèsent sur notre compétitivité et entraînent ainsi un chômage qui se transformera en revenu de solidarité active, ou RSA.
Je me permets ici une parenthèse pour apporter ma touche personnelle. Le présent texte ne vise que la fraude aux prestations, mais la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, que j’ai l’honneur de présider, travaille depuis quelque temps sur les deux aspects de la fraude, en particulier sur la fraude aux cotisations. Ce volet n’est pas encore abouti, mais, dans quelques semaines, la mission présentera un rapport sur ces deux problèmes. Quelle que soit l’issue que connaîtra l’examen de la présente proposition de loi, il sera temps alors d’en reparler et peut-être de présenter un texte global visant, dans leur ensemble, les fraudes aux prestations et aux cotisations.
La fraude sociale est devenue pour les pouvoirs publics une réelle préoccupation. Les gouvernements qui se sont succédé ont peu à peu instauré un dispositif de lutte, qui est loin de donner les résultats que l’on pourrait souhaiter. Dans nos collectivités, nous mesurons très aisément, à travers de multiples exemples, les difficultés qu’il y a à lutter réellement contre la fraude.
En effet, nous n’en avons pas les moyens. Les outils de contrôle sont inexistants et la découverte des fraudes ou de versement des indus est tellement tardive que la récupération est généralement vaine. Les personnes qui ont pu bénéficier de sommes indues sur de fausses déclarations ont souvent disparu ou sont devenues insolvables en raison des montants cumulés.
L’importance financière de la fraude est très loin d’être marginale. Nous avons eu communication des chiffres officieux de 2013 sur ce sujet, qui font état de 636 millions d’euros de fraude sociale, mais ce montant est certainement très éloigné de la réalité. Le député Dominique Tian estime dans son rapport sur la fraude que la fraude sociale pourrait représenter 20 milliards d’euros chaque année, dont 2 milliards à 3 milliards d’euros pour les seules prestations sociales.
M. François Marc. Sur quoi se fonde-t-il ? D’où sortent ses chiffres ?
M. Jean-Noël Cardoux. Face à ces chiffres, nous ne devons pas rester passifs. Les conseils départementaux sont en très grande difficulté financière en raison du poids des allocations individuelles de solidarité et de leur progression considérable, alors que leurs recettes baissent et que l’État réduit ses dotations dans des conditions insupportables. Quand 50 % de vos dépenses augmentent de 5 %, si vous voulez conserver un budget équilibré et stable, il faut réduire d’autant les autres dépenses.
Il est probable que, dès 2016, de nombreux conseils départementaux seront proches de la faillite et qu’ils ne seront plus en mesure d’assurer le paiement des prestations sociales. Certains d’entre eux, depuis plus d’un an, ne règlent plus que onze mois de RSA par an. Ainsi, lutter contre la fraude, c’est permettre aux départements de maintenir l’accès aux prestations pour des personnes en grande difficulté et risquant rapidement de ne plus être servies.
Le RSA progresse chaque année de façon considérable, parallèlement à la progression de la courbe du chômage, avec un décalage d’environ deux ans. Ainsi, nous sommes certains que les prestations connaîtront encore des taux importants d’évolution.
Dans l’exposé des motifs de son amendement n° 12 rectifié, adopté en commission, notre rapporteur, Mme Imbert, précise : « Le RSA est […] la plus “fraudée” des prestations sociales, mais il génère aussi des indus du fait du caractère extrêmement fréquent des changements de situation chez les personnes en grande précarité. » Cette formulation reprend deux éléments importants que nous constatons : la fraude et les indus.
Il nous revient donc de trouver des solutions pour réduire le montant des fraudes, mais aussi celui des indus. Il nous faut également apporter davantage de souplesse au président du conseil départemental afin de faire face à certains cas délicats.
Je souhaite rappeler quelques-unes des principales propositions du texte.
Les conditions d’accès au RSA devront être plus sécurisées ; le droit ne devra être ouvert que lorsque la demande sera complète, car de nombreux abus ou indus proviennent de dossiers jamais complets ; la période de résidence permettant de bénéficier du RSA sera allongée et portée à douze mois ; les conditions d’attribution seront revues ; les droits et les devoirs afférents au bénéfice de l’allocation devront trouver un équilibre ; les bénéficiaires devront signer un contrat d’engagement ; les moyens de communication des informations seront renforcés et devront permettre l’accès à des données personnelles.
En effet, l’organisation actuelle reposant sur un système déclaratif, les « omissions » ne sont pas rares. Aussi, les conseils départementaux se verront reconnaître des droits d’information, et certains membres de leur personnel seront habilités à les obtenir. Les agents des services sociaux doivent ainsi avoir la possibilité d’être aussi bien informés que ceux des caisses d’allocations familiales.
Enfin, le contrôle des trains de vie sera simplifié.
La solidarité nationale est un élément constitutif de notre pacte républicain, mais elle ne doit pas laisser ignorer aux citoyens qu’ils doivent en contrepartie offrir une effectivité de devoirs. La solidarité ne consiste pas à verser des prestations sans contrôle, sans vérifier que ceux qui en bénéficient en présentent bien toutes les conditions.
En adoptant ce texte, avec les propositions équilibrées de notre rapporteur, vous permettrez, mes chers collègues, de réintroduire plus de justice et d’égalité dans le versement du RSA. Vous ferez ainsi en sorte que la fraude soit beaucoup plus limitée et que des moyens financiers soient économisés, ce qui permettra d’établir un équilibre financier moins précaire pour nos départements.
Ce texte devrait permettre de dépasser les attitudes partisanes et politiciennes. (M. Yves Rome et Mme Annie David s’esclaffent.) Nous avions proposé, voilà quelques années, de revoir la date d’application de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il était en effet impossible de la mettre en œuvre en 2015, les obligations techniques et financières étant loin d’être atteignables. Cela a occasionné en 2012 de grandes résistances dans cet hémicycle, mais, en définitive, ceux qui y étaient fortement opposés ont fait adopter, à l’approche de l’échéance de 2015, un report de plusieurs années…
De même, en 2012, nous avions proposé, à l’occasion d’un texte sur les normes, la possibilité d’une adaptabilité. Cette idée a été fortement combattue par les mêmes qui avaient refusé le report de la loi de 2005, mais, en 2013, ils ont repris la plupart des idées de notre texte après avoir reçu des signaux en ce sens au plus haut niveau de l’État…
J’estime donc que le présent texte sur les versements indus de prestations devrait connaître un autre sort et dépasser les clivages. Je vous remercie par avance de votre adhésion à la nécessité de lutter contre ce fléau qu’est la fraude aux prestations. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)
M. François Marc. L’ennemi, c’est le pauvre !
Mme Laurence Cohen. Et l’étranger ! Et les femmes !
M. Alain Bertrand. Et les ruraux !
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur, mais, auparavant, saluons l’arrivée de M. Doligé, sauvé des eaux, si je puis dire ! (Sourires.)
Mme Corinne Imbert, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à travers le revenu de solidarité active, le RSA, notre pays revendique clairement sa volonté de ne laisser personne au bord du chemin, et il est d’autant plus important de le rappeler que certains propos durant les débats en commission des affaires sociales traduisaient plus de dogmatisme que de discernement.
Dans la crise persistante que nous traversons, ce filet de sécurité placé au cœur de notre pacte social, bien que fortement sollicité, a pu être préservé, et nous devons nous en féliciter. Pour autant, si nous voulons assurer la pérennité et la soutenabilité de ce modèle, deux défis doivent être relevés.
Le premier réside dans la crise des finances publiques et, en l’espèce, des finances départementales. En effet, personne dans cet hémicycle n’ignore le rôle central dans la conduite de l’action sociale des départements, qui doivent accompagner toujours davantage de personnes, avec des contraintes budgétaires de plus en plus fortes. Acculés par l’effet conjugué de la baisse des dotations et du reste à charge, les départements sont confrontés à une situation particulièrement grave pour 2016 et les années à venir.
Ainsi, le financement du RSA pourrait ne pas être assuré jusqu’à la fin de l’année, comme la presse s’en faisait encore l’écho hier. Des hausses importantes de fiscalité sont déjà intervenues en début d’année, et il y a fort à parier que le mouvement ne s’arrêtera pas de sitôt. Néanmoins, le Gouvernement doit prendre sa part de responsabilité, car les finances locales n’ont pas à être la variable d’ajustement ou la rustine de l’État.
Le second défi est celui de la solidarité, de la tentation du repli sur soi, qui met en péril la cohésion de notre société. Accompagner les plus fragiles doit rester au cœur de l’action politique ; c’est aussi important que d’assurer le développement et le rayonnement de notre pays.
Relever ces deux défis, c’est s’attaquer avec courage et lucidité au fléau de la fraude et des abus. Il n’y a qu’ainsi que les budgets départementaux pourront continuer d’assurer le versement des droits. Affronter ces deux défis, tel a été l’objectif de notre collègue Éric Doligé à travers sa proposition de loi, qui, d’une part, aménage les conditions d’accès et de versement de l’allocation et, d’autre part, renforce les moyens des conseils départementaux dans la lutte contre la fraude.
Quand la ressource se fait rare, il n’est pas illégitime de chercher à dépenser mieux, ou plutôt à « dépenser juste ». Le droit à la solidarité nationale est assorti de conditions, et ces conditions doivent être d’application stricte. C’est pourquoi la lutte contre la fraude, contre toutes les fraudes – fiscales, aux cotisations ou aux prestations –, a pris une ampleur particulière. Néanmoins, il faut mieux adapter les outils et les moyens mis notamment à la disposition des collectivités, et connecter les acteurs entre eux.
Une précision est tout d’abord nécessaire : il ne s’agit pas, au travers de ce texte, de stigmatiser qui que ce soit…
M. François Marc. Alors, de quoi s’agit-il ?
Mme Corinne Imbert, rapporteur. … ni de mener, comme je l’ai entendu en commission, où les propos ont été forts, voire excessifs, une prétendue « chasse aux pauvres ».
Mme Evelyne Yonnet. Si !
M. Yves Rome. C’est bien le cas, au contraire !
Mme Corinne Imbert, rapporteur. Contrôler n’est pas stigmatiser, mes chers collègues ! Ce n’est pas parce que le RSA s’adresse aux plus démunis que la fraude ne doit pas être vigoureusement combattue. C’est précisément parce qu’il ne doit pas y avoir d’amalgame qu’il ne doit pas y avoir de tabou : n’oublions pas que les premiers à stigmatiser les bénéficiaires sont justement les fraudeurs, par leur comportement irresponsable et antirépublicain.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme Corinne Imbert, rapporteur. Le débat en commission a surtout été l’occasion pour certains d’exprimer leur rejet de l’idée même d’examiner ce texte. Je vous propose pourtant que nous l’examinions pour ce qu’il dit et non pour ce que certains lui font dire.
La commission s’est saisie d’un texte dont elle a tenu, malgré quelques modifications substantielles, à préserver l’esprit et les intentions.
M. Yves Rome. C’est Marine Le Pen qui a écrit ce texte ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
MM. Philippe Dallier et Éric Doligé. C’est nul !
Mme Corinne Imbert, rapporteur. Je vous demande de retirer vos propos, monsieur Rome.
Mme la présidente. Poursuivez, madame la rapporteur.
Mme Corinne Imbert, rapporteur. Oui, madame la présidente, mais je vous prie de bien vouloir noter ce qui vient d’être dit dans l’hémicycle.
Et je m’appelle Corinne…
Mais je reprends.
Je remercie très sincèrement Éric Doligé d’avoir accepté cette façon de travailler et d’y avoir activement participé.
Trois fils conducteurs ont guidé mon travail sur ce texte : garantir l’accès au RSA pour les publics qui doivent en rester les premiers bénéficiaires, renforcer le contrôle de cette allocation afin d’en assurer la juste attribution, réfléchir enfin à une autre façon de mettre en œuvre ce droit.
Tout d’abord, nous devons garantir un juste accès au RSA ; il s’agit du premier axe du texte. La commission a souscrit au principe de l’exigence d’une demande complète pour accéder au RSA, car il est aujourd’hui possible de se voir ouvrir ce droit à titre provisoire, sans que son instruction ait reposé sur l’examen de toutes les pièces.
Toujours dans cette perspective, le texte élargit le champ des ressources financières qui doivent faire l’objet d’une déclaration de la part du demandeur, pour y inclure les revenus du patrimoine détenu en France et à l’étranger, ainsi que les revenus du capital investi. En revanche, tout en approuvant l’idée d’un meilleur contrôle des nouvelles formes de travail, la commission n’a pas retenu la limitation du bénéfice du RSA à la première année d’activité pour les travailleurs indépendants, en raison des fortes variations auxquelles peuvent être soumis leurs revenus.
En ce qui concerne l’accès des étrangers communautaires à une prestation non contributive, nous serions le seul pays européen où le débat n’a pas lieu. Une condition de résidence de douze mois nous paraît préserver l’équilibre entre la libre circulation des personnes et le principe selon lequel elles doivent s’assumer financièrement.
Mme Brigitte Micouleau. Très bien !
Mme Corinne Imbert, rapporteur. La procédure de suspension et de radiation des droits est revue. Sans ôter le droit au bénéficiaire d’être entendu et de contester cette décision quand elle le vise, la commission a voulu lui donner un effet immédiat afin de limiter dans le temps les versements indus.
Par ailleurs, la proposition de loi instaure un délai de carence de six mois entre la radiation du RSA pour fraude et la présentation d’une nouvelle demande. On peut discuter de ce délai, mais il est surprenant qu’un allocataire radié pour cause de fraude puisse formuler une nouvelle demande dès le lendemain.
Ensuite – deuxième axe de cette proposition de loi –, nous devons donner aux acteurs de la solidarité dans les territoires les outils pour renforcer leur contrôle. Si les premières victimes de la fraude au RSA sont les allocataires eux-mêmes, les secondes sont les départements, qui en assument le financement dans des proportions grandissantes et difficilement soutenables. Il semble donc de bonne politique et de saine gestion de mieux doter les départements d’outils de contrôle et de sanctions.
Lutter contre la fraude sociale, c’est accroître, sur le terrain, la fluidité des informations entre les différents acteurs de l’action sociale. C’est pourquoi la commission considère que les conseils départementaux doivent être représentés au sein des comités opérationnels départementaux anti-fraude, les CODAF. Cette disposition relève du domaine réglementaire et la commission des affaires sociales souhaite conserver cette souplesse, mais elle juge cette modification souhaitable.
En outre, la proposition de loi réaffirme la possibilité pour le conseil départemental de mettre en place une cellule de contrôle, composée d’agents aux pouvoirs renforcés. Elle ajoute les agents de contrôle des conseils départementaux à la liste des personnes déliées entre elles du secret professionnel et elle étend leur droit de communication. Cette extension plaide à notre sens pour une meilleure coordination entre les personnes pouvant faire usage de ce droit.
Ces modifications peuvent paraître techniques, mais elles sont de nature à renforcer l’efficacité globale du dispositif de lutte contre la fraude.
Enfin, troisième axe fort de ce texte, quelles contreparties concrètes ou symboliques à l’allocation versée doivent être exigées ? Le texte propose qu’au nombre des obligations des bénéficiaires du RSA figure le respect d’une charte des valeurs et principes de la République. Cette charte traduirait un véritable pacte social entre la partie qui donne et la partie qui reçoit. La solidarité nationale ne peut correctement s’exercer non plus que se pérenniser que si ceux à qui elle s’adresse s’engagent au respect des valeurs fondamentales de la République.
Être éligible au RSA ne peut pas se réduire à de simples conditions de ressources ou de résidence ; cela doit aussi signifier l’adhésion pleine et entière du bénéficiaire aux valeurs de la République et de la collectivité. La proposition de loi initiale prévoyait que le versement du RSA soit conditionné à l’accomplissement par le bénéficiaire d’un certain nombre d’heures de travail au service de la collectivité.
Je vois à ce principe un triple mérite. En premier lieu, il assurerait à celui qui touche le RSA dignité et estime de soi. Le bénéficiaire percevrait ainsi l’allocation non plus comme une charité que la collectivité nationale lui consent, mais comme la rétribution d’un service dont elle lui est redevable.
En deuxième lieu, ce principe contribuerait efficacement à la réinsertion sociale, voire professionnelle des publics les plus éloignés de l’emploi, qui pourront, grâce à ces heures de travail d’intérêt général, découvrir, rencontrer, s’ouvrir et peut-être rebondir.
En troisième lieu, enfin, il ne manquerait pas de changer le regard que porte parfois la société sur les bénéficiaires de la solidarité nationale en faisant pleinement participer ces derniers à l’effort collectif.
Sur ce point, la commission des affaires sociales, avant tout soucieuse de garantir la faisabilité de cette dimension donnant-donnant, a opéré des modifications importantes. Généreuse dans son principe, cette dimension se confrontait sur le terrain à la difficulté de trouver à chaque bénéficiaire du RSA en parcours de réinsertion sociale une structure volontaire et équipée pour l’accueillir. Alors, le département, à qui incomberait naturellement cette mission, aurait vite été débordé.
C’est pourquoi la commission a proposé que cette contrepartie citoyenne soit adossée non pas au RSA, mais aux aides facultatives que le département accorde dans le cadre du programme départemental d’insertion. Cette modification permettrait aux départements de garder la main sur un dispositif qu’ils auraient à gérer et dont ils seraient les meilleurs juges. Loin de s’éloigner de la mesure initiale, qui est un des points saillants de la proposition de loi, cette adaptation en garantit la réalisation dans les territoires.
Nul doute que ces deux derniers points ne manqueront pas de nourrir, dans cet hémicycle, le débat qui s’est déjà engagé au sein de la commission des affaires sociales. J’aimerais à ce propos rappeler que la lutte contre la fraude sociale constitue non un moyen de stigmatisation, mais bien un levier pour assurer la pérennité du dispositif tout en permettant aux plus fragiles d’être accompagnés au mieux. Non seulement nous ne contestons évidemment pas le principe de solidarité, mais nous en renforçons l’ossature.
Voilà, mes chers collègues, les principales observations de votre commission des affaires sociales sur la proposition de loi qu’elle vous demande d’adopter dans la rédaction issue de ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, notre ordre social repose sur le respect de la loi. La fraude remet en cause ce principe. Elle doit donc être combattue et nous ne pouvons que partager la légitime volonté de réprimer les manquements à la loi.
Néanmoins, ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi. En l’état, elle pose de mauvaises questions et stigmatise celles et ceux qui traversent une période difficile, comme s’ils se complaisaient dans cette situation. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Marc. C’est vrai !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Elle ne résout pas les difficultés et en soulève de nouvelles. Je veux donc aujourd’hui revenir sur les différentes raisons qui nous poussent à nous y opposer.
Premièrement, ce texte ne permet pas d’appréhender la fraude dans toutes ses dimensions – c’est le moins que l’on puisse dire.
M. Alain Dufaut. Alors, ne faisons rien…
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Son titre laisse accroire qu’elle vise à « améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale », mais, en réalité, il n’y est nulle part question d’accès aux droits.
M. René-Paul Savary. Si ! L’instruction !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Au-delà de l’effet d’annonce de l’intitulé, j’ai cherché cette approche dans le corps du projet, sans la trouver.
Il y a véritablement là un clivage entre ceux qui se satisfont très bien de ce qu’un certain nombre de nos concitoyens n’accèdent pas aux droits qui leur sont consacrés par la loi et l’engagement de ce gouvernement à permettre, depuis 2012, au plus grand nombre d’accéder à la dignité et à la protection. Tel est le sens de l’action que Marisol Touraine et moi menons au quotidien.
M. Philippe Dallier. Cela se voit dans les sondages !
M. Éric Doligé. Vous vous contredisez sans arrêt !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Une illustration très simple réside dans la prime d’activité – je m’appuierai sur des chiffres, c’est la meilleure façon de faire une démonstration –, qui a corrigé l’échec du RSA activité, lequel était demandé par moins d’un tiers de ceux qui y avaient droit.
Mme Evelyne Yonnet. Exactement !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Nous avons simplifié les règles et modernisé le fonctionnement des organismes sociaux pour que la demande puisse être faite entièrement sur internet, car, pour nous, le champ social est non pas une charge, mais bien un investissement, porteur d’innovation et de modernité.
C’est cela qui a permis le succès incontestable de cette prime : depuis le début de l’année, 2,4 millions de foyers ont bénéficié du dispositif, et cette mobilisation a permis de lutter effectivement contre le fléau du non-recours aux droits.
Au contraire, dans cette proposition de loi, je ne vois aucune mesure qui serait susceptible de susciter ce mouvement. La proposition est prometteuse dans son titre, mais se révèle fort décevante dans son contenu. La réalité, c’est que ce texte fait le choix de la stigmatisation des plus pauvres. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Mais non !
Mme Catherine Troendlé. C’est faux !
M. Éric Doligé. Décidément, il est temps que vous partiez !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Je veux vous rappeler quelques chiffres à cet égard.
En 2013, nos dépenses de protection sociale se sont élevées à plus de 715 milliards d’euros. Or vous choisissez de cibler votre proposition de loi sur le RSA, qui représente, rappelons-le, 10 milliards d’euros au sein de ces 715 milliards d’euros. Vous prétendez lutter contre la fraude sociale, mais vous ne ciblez que 1,4 % de la dépense sociale. Pourquoi si peu ? Pourquoi le RSA ? Vous choisissez, je le dis, de cibler les Français les plus fragiles par pure idéologie, sans argument financier rationnel.
Surtout, vous ne vous attaquez qu’à la fraude aux prestations, alors que celle-ci ne représente qu’une part très minoritaire de la fraude. Ainsi, la Délégation nationale à la lutte contre la fraude a estimé que nous avons été confrontés, en 2014, à 6,2 milliards d’euros de fraudes aux prélèvements obligatoires…
M. Philippe Dallier. Et que faites-vous ?
M. Philippe Dallier et Mme Catherine Troendlé. Oui !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Comme vous le voyez, les ordres de grandeur ne sont pas les mêmes.
M. Éric Doligé. Ce n’est donc pas grave…
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. En 2012, la Cour des comptes a estimé que le travail dissimulé représentait une perte de recettes comprise entre 18,5 milliards et 22,9 milliards d’euros,…
Mme Catherine Troendlé. Qu’avez-vous fait contre ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … soit beaucoup plus que toute la dépense de RSA et, à vrai dire, beaucoup plus que toute la dépense de RSA, de couverture maladie universelle complémentaire – la CMU-C – et d’aide médicale de l’État – l’AME – confondus. Évidemment, je prends plaisir à mentionner les prestations qui suscitent le plus d’animosité dans votre famille politique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Doligé. C’est nul !
M. Philippe Dallier. Qu’a fait le Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Alors que vous proposez de lutter contre une fraude portant sur 1,4 % des prestations sociales, quelles sont les propositions de votre famille politique sur le travail dissimulé et sur la fraude fiscale ?
Mme Catherine Troendlé. Les projets arrivent !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le président du parti Les Républicains a proposé il y a peu de supprimer purement et simplement les contrôles inopinés. Il faudrait donc, si ce programme était appliqué, prévenir une entreprise avant d’aller vérifier si elle emploie des salariés au noir, des salariés sans titre de séjour ou sans permis de travail… Autant dire que l’on stopperait définitivement la lutte contre le travail dissimulé.
Stigmatiser ceux qui vivent dans la précarité et l’incertitude du lendemain et, dans le même temps, fermer les yeux sur le travail dissimulé, voilà votre programme en matière de lutte contre la fraude. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Aline Archimbaud et M. Alain Bertrand applaudissent également. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé. C’est vous qui êtes aux affaires !
Mme la présidente. Mes chers collègues, laissez parler Mme la secrétaire d'État !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Deuxièmement, cette proposition de loi attaque les droits des plus modestes et des plus fragiles.
Depuis 2012, le Gouvernement soutient les plus modestes avec le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Les efforts réalisés dans le cadre de ce plan sont extrêmement importants. Ainsi, au terme de la montée en charge du plan, 2,6 milliards d’euros supplémentaires seront redistribués chaque année aux 2,7 millions de ménages les plus modestes. Le calcul est simple : cela représente, en moyenne, 1 000 euros par an et par ménage. D’ores et déjà, cette politique a eu des effets, puisque, vous le savez, le taux de pauvreté a cessé d’augmenter en France depuis 2013, contrairement à ce qui s’était passé entre 2007 et 2012.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. « Ça va mieux ! »
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Une telle évolution du taux de pauvreté est assez exceptionnelle parmi les pays européens.
La démarche retenue par les auteurs de cette proposition de loi consiste quant à elle à faire peser toujours plus de contraintes sur ceux qui sont en situation de faiblesse.
M. Éric Doligé. Mais non !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Ce texte laisse croire que les bénéficiaires du RSA se complaisent dans leur situation et cherchent à en profiter le plus longtemps possible, par tous les moyens. Ses auteurs veulent renforcer les sanctions, faciliter les suspensions, y compris pour des motifs contestables, pendant des périodes de plusieurs mois et veulent aussi contraindre les bénéficiaires à exercer une activité dite d’intérêt général.
Je veux m’arrêter sur ce dernier point. Certains conseils départementaux ont souhaité contraindre tout bénéficiaire du RSA à exercer une activité, joliment qualifiée de bénévole, de huit heures par semaine. Ces initiatives se sont révélées illégales. Or l’objet de votre proposition de loi est de valider ces pratiques.
M. Rémy Pointereau. Les droits et les devoirs !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. En effet, votre proposition vise à contraindre un individu à exercer une activité qu’il ne choisit pas huit heures par semaine.
Quel est l’effet recherché ? Telle est la vraie question ! S’agit-il de réinsérer par la contrainte ? S’agit-il de créer des sous-emplois faiblement rémunérés, que les collectivités ne souhaiteraient pas payer au juste prix ?
Mme Catherine Troendlé. Mais non !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le Gouvernement ne partage pas cette logique. Au-delà du principe, que nous condamnons, cette proposition est irréalisable, car on ne trouvera tout simplement pas assez de places pour une telle activité à l’ensemble des bénéficiaires de minima sociaux. D’ailleurs, c’est sans doute la raison pour laquelle votre proposition prévoit la « possibilité de contraindre à une activité de ce type ». Nous sommes donc en droit de nous demander comment procèderont les départements : décideront-ils qu’il y a de « bons » et de « mauvais » bénéficiaires du RSA, ceux que l’on doit contraindre et les autres ?
Mmes Françoise Férat et Catherine Troendlé. Caricature !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. La question se pose. En ce qui me concerne, cette logique me paraît révoltante.
Comme l’a souligné le récent rapport de Christophe Sirugue, que vous citez en partie, l’un des enjeux principaux pour les départements, c’est l’insertion.
M. Yves Rome. Eh oui !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Cette action est essentielle. Elle doit être assurée au plus près des réalités territoriales, afin de concilier à la fois les attentes des employeurs et celles des personnes ayant besoin d’accompagnement pour retrouver un emploi.
Vous répondez par la sanction là où nous devrions nous unir, unir nos efforts pour ramener dans l’activité celles et ceux qui sont éloignés de l’emploi.
Vous proposez également d’annexer aux contrats signés par tous les bénéficiaires du RSA une « charte des principes et des valeurs de la République », rappelant leurs droits et leurs devoirs. (Oui ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
On voit bien là une volonté de stigmatiser les plus modestes. (M. Jean-Jacques Panunzi proteste.)
En effet, pour quelles raisons devrait-on rappeler les principes républicains à ceux qui ont eu un accident de parcours et qui sont momentanément sans ressources et pas aux autres ? La République est ce qui nous unit tous, pauvres comme riches. Il ne m’apparaît donc pas nécessaire de rappeler des principes que, tous, nous devons respecter au quotidien.
Votre approche me paraît celle d’une société fragmentée, dans laquelle certains auraient plus de devoirs que de droits. De plus, imaginez que l’on retire des droits à tous ceux qui ne respectent pas, par exemple, l’égalité entre les femmes et les hommes au quotidien… Cela toucherait, j’en ai bien peur, de nombreuses personnes, issues de tous les milieux sociaux. (Oui ! sur les travées du groupe CRC.)
Enfin, cette proposition de loi peine à convaincre quant aux moyens mobilisés.
Elle prévoit de renforcer les pouvoirs des conseils départementaux. Elle confie de nouvelles compétences et la responsabilité de l’application de nouvelles procédures aux agents des services départementaux. Il faut se demander si l’effet n’en serait pas contre-productif : cela ne conduirait-il pas qu’à « rajouter une couche », puisque les organismes de sécurité sociale assurent déjà ces contrôles ? De tels doublons ne peuvent qu'être source d’inefficacité.
L’approche qui sous-tend la proposition de loi est donc contestable, notamment quand on sait qu’elle émane des donneurs de leçons qui, à longueur de journée, nous incitent à faire des économies.
M. René-Paul Savary. Vous êtes forts pour ça !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Je suis, personnellement, une fervente défenseuse de la décentralisation, en particulier au profit des départements, mais j’estime que certaines règles doivent s’appliquer de la même manière sur l’ensemble du territoire. Celles qui relèvent de la lutte contre la fraude sont de celles-là.
C’est pourquoi nous privilégions le renforcement des actions des organismes sociaux, plutôt que la constitution de nouvelles entités de contrôle. Nous sommes, en effet, convaincus de l’efficacité de ces actions.
Puisque vous paraissez perplexes ou, en tout cas, que vous semblez douter de la réalité de mes propos, je veux vous communiquer quelques chiffres sur les fraudes détectées par les caisses d’allocations familiales, dont j’ai cité l’action tout à l'heure. Ces fraudes se sont élevées à 101 millions d’euros en 2011, 141 millions d’euros en 2013 et 247 millions d’euros en 2015.
Vous le voyez, ce n’est pas parce que nous sommes un gouvernement de gauche que nous ne détectons pas les fraudes ! Nous les détectons même mieux que ne le faisait le gouvernement que vous souteniez. Ce n’est donc pas du tout cette question qui est en jeu avec la présente proposition de loi !
Comment avons-nous fait progresser les résultats ? En améliorant la stratégie de contrôle, en croisant les fichiers informatiques et en adoptant des techniques modernes de croisement de données. En outre, chaque année, nous proposons de renforcer les outils de lutte contre la fraude dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais, en général, vous ne votez pas ces dispositions.
La démarche retenue par les auteurs de la proposition de loi est exactement l’inverse de la nôtre : il s’agit de renforcer non pas les pouvoirs des organismes, mais les services des départements, au risque de semer la confusion et de créer des doublons – donc, éventuellement, des dépenses inutiles.
M. Éric Doligé. Quelle triste intervention !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Vous aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement ne soutient ni les mesures contenues dans cette proposition de loi ni l’esprit qui les anime. Ce texte se trompe de cible : prétendant lutter contre la fraude, il stigmatise les plus faibles.
Pour toutes ces raisons, je souhaitais, dès cette discussion générale, marquer le désaccord profond du Gouvernement sur cette proposition de loi.
Vous le voyez, la droite et la gauche, ce n’est pas pareil ; c’est même fondamentalement différent ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. Philippe Dallier. Tout ça pour ça !
M. Éric Doligé. Il n'y a que Macron pour penser que c’est la même chose !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Votre objectif est clairement de dresser les citoyens les uns contre les autres, en stigmatisant les plus fragiles et en les assimilant tous à des fraudeurs. Notre objectif est de rassembler (C’est réussi ! et rires sur les travées du groupe Les Républicains.) autour des valeurs de solidarité et de permettre à chacun de s’émanciper, de vivre libre et autonome, quelle que soit sa situation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Aline Archimbaud et M. Alain Bertrand applaudissent également.)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, je veux rappeler à nos collègues que, en vertu de l’article 36, alinéa 10, de notre règlement, les « interpellations de collègue à collègue sont interdites ».
À la suite de ce qui a été dit pendant l’intervention de Mme la rapporteur, je saisirai M. le président du Sénat pour mise en cause personnelle. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Discussion générale (suite)
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, d’après Corinne Imbert, notre rapporteur, cette proposition de loi repose sur deux constatations. D’une part, les collectivités territoriales n’ont plus les moyens de leurs politiques, notamment de leur politique sociale. D’autre part, une partie des bénéficiaires du RSA, voire la totalité d’entre eux, seraient des fraudeurs potentiels.
Je veux donc, chers collègues, vous poser tout d’abord une question : qui, dans cet hémicycle, a voté la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe (Pas nous ! sur les travées du groupe Les Républicains.), qui met à mal les territoires et vise à supprimer, à terme, les départements et les communes ou, à tout le moins, à leur attribuer un rôle de simples figurants, dépourvus de moyens et de pouvoirs ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.) Qui vote les coupes successives dans le budget des collectivités territoriales ? (Pas nous ! sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Pouvez-vous honnêtement déplorer les conséquences de tels choix en abordant ce débat quand tous les groupes adoptent une réduction drastique des budgets des politiques publiques, à l’exception du groupe CRC, qui vote contre, et d’une partie des écologistes, qui s’abstiennent ?
Quant aux fraudes des bénéficiaires du RSA, de qui parle-t-on ? De femmes et d’hommes qui se débattent face à des problèmes terribles. Je vous rappelle que les personnes seules perçoivent à peine 500 euros par mois ! Qui d’entre nous, mes chers collègues, peut vivre avec une telle somme ?
Que ce système, comme tout système ou règlement, se voit contourné par une minorité est une réalité, qu’il faut réduire autant que faire se peut, mais, dans le cas précis qui nous occupe, de combien de personnes s’agit-il ? Pour quelle somme ?
Il aurait été honnête de ne pas taire que, selon le rapport du Comité national d’évaluation du RSA, le taux de non-recours à ce dispositif s’élève à 50 %, taux qui grimpe à près de 70 % pour le seul RSA activité, tant le dispositif est compliqué. Combien d’économies ainsi réalisées sur le dos des plus fragiles ?
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Laurence Cohen. Il aurait été honnête de ne pas taire que la fraude dénoncée repose, dans la majorité des cas, sur des erreurs ou des omissions, et non sur la malhonnêteté. Pourquoi ne pas proposer une simplification du dispositif ?
Il aurait été juste de s’en prendre à la fraude aux cotisations sociales, c’est-à-dire à la fraude patronale. Or aucun article de cette proposition de loi n’y est consacré, alors que le manque à gagner pour les caisses publiques est important.
Nous avons, d’ailleurs, déposé des amendements pour cibler ces fraudeurs-là. Je suis impatiente, chers collègues, d’entendre les arguments que vous allez nous opposer !
Cette proposition de loi fait, en réalité, la chasse aux pauvres, ce que conforte, par exemple, la majorité Les Républicains et UDI du conseil départemental de l’Ain, qui nous explique que la solidarité – droit constitutionnel, faut-il le rappeler ici ? – se résumerait, en fait, à ce que certains paient pour d’autres, plus pauvres qu’eux. (M. Jean-Jacques Panunzi s’exclame.)
Quant à la vision historique des auteurs du texte, que l’on peut découvrir dans l’exposé des motifs, elle me laisse perplexe. C’est au nom des principes du Conseil national de la Résistance et d’un système de protection sociale qui serait, aujourd’hui, à bout de souffle que cette proposition de loi est présentée. Chers collègues, revoyez votre histoire ! Quand les gouvernements issus de la Libération du pays ont fait le pari de créer la sécurité sociale, on ne pouvait pas trouver caisses plus vides !
En réalité, la création de ce que vous avez appelé « l’État providence » présentait un caractère dialectique particulièrement stimulant, car, voyez-vous, la sécurité sociale est à la fois portée par la croissance et moteur de cette croissance.
La proposition de loi, qui mélange législation sociale, code de la nationalité et droit pénal, est bien loin de faire honneur à notre Haute Assemblée.
En Alsace, les bénéficiaires du RSA ont reçu l’obligation de fournir des relevés de compte bancaire pour vérification, une démarche qui fait polémique, à juste titre.
Ces arguments stigmatisants visent sans doute à donner des gages à la droite la plus extrême, mais c’est vraiment jouer avec le feu.
Au reste, la démonstration concernant les économies réalisées est très chancelante – c’est le moins que l’on puisse dire.
Ainsi, le rapport d’information de Dominique Tian, député des Bouches-du-Rhône, publié en 2011, qui a inspiré une bonne partie des mesures prises en matière de lutte contre la fraude sociale, présente des chiffres contradictoires et fantaisistes. Il indique que « l’impact financier de la fraude représenterait entre 0,91 % et 1,36 % du montant total des allocations versées en 2009, soit entre 540 et 808 millions d’euros ». Quelques pages plus loin, il évoque une fraude aux alentours de 4 milliards d’euros… Vous apprécierez le grand écart !
Je veux rappeler que, selon le même rapport, le Conseil des prélèvements obligatoires a estimé que la fraude aux cotisations imputable aux entreprises constituait un volume de pertes de recettes de 8,4 milliards à 14,6 milliards d’euros pour les premières années du XXIe siècle.
Quant à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, elle a estimé cette fraude, sur la base d’une étude de terrain et par extrapolation, entre 13,5 milliards et 15,8 milliards d’euros.
Cette réalité, c’est aussi celle des réseaux de travail illégal et dissimulé.
Cette réalité, c’est celle d’entreprises qui font de la fraude sociale un élément de la concurrence déloyale qu’elles imposent aux autres entreprises de leur secteur, respectueuses des droits de leurs salariés et des règles du jeu dans un État de droit.
Cette réalité, c’est celle que nous avons dénoncée lors du récent examen de notre proposition de loi invitant les 5 000 plus grandes entreprises de notre pays à rendre publics leurs comptes, pays d’implantation par pays d’implantation, pour que nous puissions faire le juste partage entre l’éthique, d’un côté, et la tricherie, de l’autre.
Cette réalité, on la retrouve également dans la volonté du P-DG de l’une de nos grandes banques commerciales de dissimuler au Sénat la réalité des services bancaires pour le moins particuliers rendus par son entreprise à des clients à la recherche de cieux fiscaux cléments...
Je constate, d’ailleurs, que vous n’avez voulu ni adopter notre proposition de loi ni même demander à la justice s’il y avait matière à poursuites.
M. Éric Bocquet. Très bien !
Mme Laurence Cohen. Apparemment, si l’on en croit le texte que nous examinons aujourd’hui, vous préférez que ce soient les allocataires de prestations sociales qui fassent l’objet de poursuites, c'est-à-dire des personnes dont le sacrilège peut porter, parfois, sur 460 euros de prestations « indues »…
Si tant est qu’il convienne de fixer un ordre de priorité, que faut-il faire, mes chers collègues ? Sans aucun doute tout le contraire de ce que l’on nous invite à faire avec cette proposition de loi.
À mes yeux, comme pour l’ensemble des membres de mon groupe, ce texte est scandaleux. Nous nous y opposons avec la plus grande vigueur.
Ce n’est pas rassembler que de déposer de telles propositions de loi. J’espère que la discussion du texte vous permettra d’en prendre un peu conscience ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain.)
Rappel au règlement (suite)
M. Yves Rome. Madame la présidente, je tiens à dire que j’ai d'ores et déjà présenté mes excuses à Mme Imbert et à préciser que mon propos ne s’adressait pas à elle, mais visait le contenu du texte. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Patrick Chaize. C’est un peu facile !
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Discussion générale (suite)
Mme Evelyne Yonnet. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous nous sommes d’emblée fermement opposés à la logique de la proposition de loi portée par le groupe Les Républicains.
En effet, ce texte a deux objectifs : lutter contre la « fraude sociale » au RSA et mieux encadrer les dépenses sociales des départements. Même si son intitulé a changé et qu’il s’agit aussi d’améliorer l’accès aux droits, objectif sûrement plus juste, nous contestons ses dispositions, qui, au fond, restent les mêmes.
Chers collègues, vous partez du postulat que tous les allocataires sont des fraudeurs en puissance (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) et qu’il faudrait les chasser, en imposant, par exemple, un contrôle très intrusif des relevés bancaires.
Au maximum, vous le savez, la fraude au RSA représenterait 160 millions d’euros, pour un peu plus de 2,5 millions d’allocataires. À titre de comparaison, la fraude fiscale coûte à l’État 3,5 milliards d’euros par an, soit vingt fois plus.
Vous faites remarquer que ces chiffres sont en augmentation. Nous ne le contestons pas. Cependant, les représentants de la Caisse nationale d’allocations familiales expliquent eux-mêmes que cette augmentation est due à l’amélioration des outils de détection de la Caisse.
Contrairement à ce qui existe pour l’évasion fiscale et les fraudes aux cotisations patronales, qui sont le fait d’individus qui ne manquent pas de moyens, les études montrent que seulement 7 % des fraudes au RSA correspondent à de fausses déclarations ou à des escroqueries ; les autres ne sont que le reflet de l’extrême difficulté des publics, très fragilisés et en situation de survie.
Entendez-moi bien : nous ne nions pas que des phénomènes de fraude existent. Nous devons naturellement les combattre ! Mais est-ce bien la priorité que le Sénat doit afficher dans cette période de crise sociale et économique, alors que le RSA bénéficie, dans une écrasante majorité des cas, aux plus démunis ? C’est une vraie question.
Vous souhaitez ensuite que les départements assument la responsabilité de ces contrôles. C’est assez contradictoire à la fois avec votre argumentaire sur le manque de moyens des conseils départementaux et avec les dynamiques déjà mises en place. Les contrôles sont déjà effectués, et de mieux en mieux, par la CAF. Tous les acteurs concernés, y compris la police, les administrations fiscales, douanières et du travail, sont déjà réunis, pour davantage de coopération, dans les comités opérationnels départementaux anti-fraude, les CODAF.
Par conséquent, nous ne pensons pas qu’il soit opportun de confier aux départements la mission de surveiller la fraude, alors qu’ils ne disposent ni de moyens humains ni de moyens financiers pour le faire. Au contraire, il faudrait plutôt penser à renationaliser le RSA !
De plus, il manque un aspect important – essentiel, selon nous – dans cette proposition de loi, qui est la lutte contre le non-recours, pour un meilleur accompagnement de tous vers le retour à l’emploi.
En effet, 30 % à 35 % des bénéficiaires potentiels n’ont pas recours au RSA, soit par manque d’information, soit du fait d’un manque d’accompagnement dans les démarches, soit en raison d’une autocensure face à un dispositif déjà jugé stigmatisant. Cela représente 5,4 millions d’euros de droits sociaux non utilisés, c’est-à-dire un montant beaucoup plus important que la fraude. C’est le taux de recours qu’il faut améliorer pour rendre le dispositif vraiment efficace et universel !
En conclusion, la présente proposition de loi est un texte stigmatisant et inquisiteur pour les millions de personnes précaires qui dépendent des minima sociaux. Elle s’inscrit dans un climat idéologique détestable de chasse aux plus démunis et à l’étranger. Elle prône la suppression de la CMU, celle de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, de l’AME et des allocations familiales pour les enfants « délinquants », mesures déjà défendues par une candidate d’un parti extrême et qui, dans l’ensemble, vont à l’encontre des valeurs de solidarité de la République.
Il n’est pas question pour nous de renoncer aux valeurs d’accueil et de solidarité de la France.
Pour toutes ces raisons, j’appelle, au nom du groupe socialiste et républicain, à voter contre la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Christian Favier applaudit également.)
M. Yves Daudigny. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la question de la lutte contre la fraude réapparaît régulièrement dans le discours politique.
Oui, la lutte contre la fraude en général doit être menée. Elle est absolument nécessaire – là n’est pas la question. En effet, la fraude contourne la loi et réduit considérablement le budget de l’État, de plusieurs dizaines de milliards d’euros d’argent public toutes fraudes confondues. Lorsque l’on cherche sans arrêt des financements publics, c’est une manne financière importante.
Malheureusement, le sujet donne bien souvent lieu à des raccourcis et à des fantasmes idéologiques.
Dans son intitulé, cette proposition de loi vise la « lutte contre la fraude sociale ».
Rappelons tout d’abord que ce qui est désigné par l’expression « fraude sociale » concerne deux phénomènes différents : d’une part, la fraude aux cotisations sociales, c’est-à-dire le non-paiement des cotisations sociales par les entreprises – c’est le travail non déclaré, le travail au noir, le travail dissimulé… –, et, d’autre part, la fraude aux prestations sociales touchées par les personnes qui y ont droit compte tenu de leurs difficultés. La même expression désigne donc deux réalités très différentes.
Citons quelques chiffres éloquents pour mettre les choses en perspective : selon le rapport de la Cour des comptes sur la fraude aux cotisations sociales, c'est-à-dire la fraude des employeurs – le travail non déclaré –, publié en 2014, celle-ci serait évaluée, en 2013, à au moins 20 milliards d’euros par an. Pour mémoire, le déficit de la sécurité sociale s’élevait, cette année-là, à 12 milliards d’euros. Le montant en jeu est donc considérable!
Par ailleurs, selon la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, la fraude aux prestations sociales de la branche famille, d’après les chiffres dont nous disposons, se montait, toujours en 2013, à 141 millions d’euros, soit plus de cent quarante fois moins.
Ne confondons pas milliards et millions !
« La fraude des pauvres est une pauvre fraude », estimait le Conseil d'État en 2011. Cette formule peut bien s’appliquer à la fraude au RSA, qui s’élevait, selon la CNAF, à 44 millions d’euros en 2012.
L’expression « fraude sociale », utilisée dans l’intitulé de la proposition de loi, est donc de nature à entretenir une grande confusion. Mais l’amalgame ne résiste pas aux chiffres officiels.
Certes, il faut lutter contre toute la fraude sociale. Mais pourquoi limiter la lutte, comme le fait la proposition de loi, au travers de ses dix-huit articles, à la fraude au RSA ? Puisque l’objectif affiché par les auteurs du texte est de chercher de l’argent pour assurer la pérennité de notre système social, pourquoi ne pas aussi citer avec force la nécessité de lutter contre ce qui nous coûte le plus cher, à savoir la fraude qui découle du travail non déclaré ? Il faudrait, par exemple, recruter fortement des inspecteurs du travail pour lutter contre le travail dissimulé, améliorer la coordination entre les services… Pourquoi ne pas le proposer dans le même texte ?
Par ailleurs, rappelons une vérité importante, qui concerne le recouvrement des différentes fraudes à l’argent public. Des écarts importants existent en la matière, entre un faible recouvrement, malgré les efforts, de la fraude fiscale – moins de 50 % en moyenne aujourd'hui – et le très faible recouvrement de la fraude aux cotisations sociales des employeurs – de 5,9 % à 7,3 % en 2012 pour ce qui relève de la sécurité sociale, toujours selon la Cour des comptes.
Quant aux fraudes aux prestations sociales, dont le RSA – donc les fraudes des particuliers –, elles sont en très grande partie recouvrées. Un rapport de la CNAF de mai 2014, portant sur la politique de la famille, indique qu’une grande partie des indus qualifiés de « fraudes » seraient recouvrés et que 95 % des fraudes repérées comme telles seraient sanctionnées. Tels sont les faits !
Enfin, la proposition de loi affirme, dans son intitulé, que son premier objectif est d’améliorer l’accès aux droits. Comme vous le savez, mes chers collègues, cette question nous est particulièrement chère. Mais, à notre grande déception, ce texte ne fait aucune proposition pour lutter contre le non-recours aux droits.
Le problème est pourtant grave, préoccupant et massif. En 2011, 35 % des personnes éligibles au RSA socle n’en bénéficiaient pas. En 2013, selon le Fonds CMU, 20 % des personnes éligibles à la CMU complémentaire, soit un million de personnes, n’avaient pas ouvert leurs droits. Par ailleurs, dans un rapport rédigé en 2014, François Chérèque, alors inspecteur général des affaires sociales, a estimé que le non-recours au RSA, par exemple, se montait à 5,4 milliards d’euros – le chiffre a été cité tout à l'heure.
Ce non-recours s’explique par le manque d’information, la complexité des démarches, le parcours du combattant pour ouvrir ses droits, le manque d’accompagnement… Autant de raisons qui conduisent nombre de nos concitoyens à abandonner.
En conclusion, mes chers collègues, en amalgamant fraude aux cotisations sociales et fraude au RSA, le texte pose vraiment problème. De fait, je rejoins mes collègues sur ce constat : il stigmatise les plus pauvres et les plus fragiles aux yeux de nos concitoyens. Il jette sur eux la suspicion.
Il ne fait pas de propositions pour améliorer l’accès aux droits. Au contraire – les associations de lutte contre la pauvreté nous ont alertés sur ce point –, il risquerait de renforcer le non-recours : ayant peur de se tromper, d’être accablés, soupçonnés et inculpés, beaucoup renonceraient tout simplement à remplir les dossiers, déjà extrêmement complexes, pour ouvrir leurs droits.
Cette proposition de loi ne contient aucune suggestion pour renforcer l’accompagnement des personnes dans leurs démarches.
En outre, si elle était adoptée, elle serait propre à diviser davantage encore la société française, en opposant, par exemple, les salariés pauvres et les personnes sans emploi. Or, en cette période d’épreuves, liées à la fois aux menaces terroristes et aux difficultés économiques et sociales, notre pays a, au contraire, besoin de paroles, de propositions et d’actions de rassemblement.
C’est pour cette raison que les membres de notre groupe voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel.
M. Michel Amiel. Madame la présidente, madame la rapporteur, mes chers collègues, à l’heure où les journaux nationaux rapportent que certains départements demandent aux bénéficiaires du RSA de leur fournir leurs relevés bancaires pour contrôle, je m’interroge sur l’opportunité même du texte qui nous est présenté.
Loin de moi tout angélisme : la fraude est bien une plaie que l’on doit combattre. Quand on triche, via la fraude sociale ou fiscale, c’est la société que l’on vole, le contrat social que l’on déchire, ce que nous ne pouvons bien évidemment accepter.
Mais que nous propose-t-on à travers ce texte, sinon de stigmatiser la seule fraude aux prestations sociales ? Je ne peux accepter cette démarche volontairement clivante qui alimente l’idée reçue selon laquelle certains vivraient aux crochets de la société, le fameux mythe de l’assistanat et de ses dérives qui seraient « le cancer de la société française ».
Oui, le problème de la fraude est bien réel ! Mais avons-nous réellement besoin de légiférer pour lutter contre ce phénomène ? Devons-nous vraiment concentrer nos efforts sur cette fraude sociale-là ?
Ce serait faire preuve d’une étrange amnésie que de négliger parallèlement l’autre fraude sociale du travail illégal et du non-paiement des cotisations qu’il induit. Cette fraude aux cotisations sociales explose : elle représente un manque à gagner de plus de 20 milliards d’euros par an, selon la Cour des comptes.
M. Hubert Falco. Que fait le Gouvernement ?
M. Michel Amiel. La proportion réelle de fraudeurs aux aides sociales est estimée entre 2,9 % et 3,7 %, mais varie fortement d’une allocation à une autre. La part exacte du RSA dans le montant de la fraude aux allocations sociales par rapport aux autres allocations – allocation équivalent retraite, allocation aux adultes handicapés… – n’est pas précisée, mais le coût total du RSA est estimé à 9,3 milliards d’euros en 2014.
Je me pose donc la question plus large de la mise en œuvre de l’aide sociale de manière plus globale, ce qui me paraît plus approprié qu’une chasse aux sorcières.
La fraude volontaire existe, mais les difficultés générales liées aux recours restent problématiques : du fait d’un manque d’accompagnement, de suivi et de compréhension du système, certaines personnes ne perçoivent pas ce qu’il leur revient. Selon l’INSEE, 35 % des personnes éligibles au RSA socle n’y ont ainsi pas recours.
Notre rapporteur nous l’a bien dit : « 166 millions sur les 248 millions de fraude identifiés en 2015 » sont liés au RSA. Cela tient à son caractère déclaratif. Si vraiment l’intention des auteurs de cette proposition de loi est de lutter contre les fraudes, pourquoi ne pas s’orienter vers l’idée du guichet unique, un pour les déclarations et un pour les prestations ?
Voilà qui se rapproche de l’idée d’origine libérale – dans ma bouche, c’est loin d’être un gros mot ! – du revenu de base, que certains appellent le « revenu de subsistance » ou « l’allocation unique », dont nous avons récemment débattu et qui fait désormais l’objet d’une mission commune d’information au sein de notre assemblée, tant le sujet est prégnant dans plusieurs pays modernes tels que la Finlande ou la Suisse.
Ces deux pistes représenteraient certainement à terme une simplification nécessaire dans l’appréhension de notre système d’aide sociale, si fortement ancré dans notre Constitution.
Et pourquoi ne pas aller vers un retour à l’échelon national du RSA, l’ordonnateur, à savoir la CAF, n’étant pas aujourd’hui le payeur, à savoir le département ? M. Cardoux le rappelait en commission : « le Gouvernement avait envisagé la mise en place d’un imprimé unique qui servirait de base pour l’ensemble des prestations. Après plusieurs réunions, les convocations ont cessé et le projet est resté lettre morte. »
Dans sa globalité, ce texte n’est pas dépourvu de sens pratique et entend répondre aux problématiques de la vraie vie. Toutefois, s’il convient d’améliorer l’échange de données afin d’identifier les fraudeurs, il reste indispensable d’éviter toute fragilisation inutile d’une population déjà en grande précarité.
Avons-nous à ce point peur de la pauvreté que nous avons peur des pauvres ? Quand j’entends certains parler de travaux d’intérêt général, c’est-à-dire d’une mesure judiciaire qui ressortit à l’arsenal du droit pénal, je me demande s’il s’agit d’une bonne solution pour lutter contre la fraude sociale…
En 2011 déjà, M. Wauquiez appelait, selon le principe des droits et devoirs, à cinq heures de travail social pour les bénéficiaires du RSA. Condamnons-nous ces gens en raison de leur pauvreté ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. Il s’agit simplement de les faire travailler !
M. Hubert Falco. Travailler, ce n’est pas être condamné !
M. Michel Amiel. C’est bien le pauvre que l’on stigmatise, chose impensable selon Pierre-Yves Madignier, ancien président d’ATD Quart Monde : ces personnes qui sont les plus pauvres souhaitent contribuer à l’effort national, mais via l’emploi ! Les gens veulent travailler : qu’on les aide donc à travailler ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)
M. Hubert Falco. Voilà !
M. Michel Amiel. Une certaine catégorie de fraude, la fraude aux prestations, qui touche les plus démunis, serait donc érigée en LA pire des fraudes, devant la fraude aux cotisations ! J’ai la pénible impression de voir se développer sous mes yeux une lutte contre les fraudes à géométrie variable.
Je regrette que nous en soyons arrivés là. Le mépris, la défiance, le soupçon envers les plus écartés de notre système ne sauraient être sans conséquence à une époque où, pardonnez-moi le mauvais jeu de mots, les « sans-dents » ont les crocs ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Alors que notre pays a grand besoin de cohésion, il ne faut pas encourager la confusion entre pauvres et fraudeurs. Ne nous trompons pas de priorité, ne nous trompons pas de combat, ne sombrons pas dans une démagogie qui diviserait encore plus la société française ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je dois avouer que ma première réaction, à la lecture de la proposition de loi dont nous allons discuter, n’a pas été positive.
Bien évidemment, je connais trop M. Doligé pour l’accuser de vouloir stigmatiser les populations bénéficiaires de prestations sociales. Je tiens également à saluer la qualité du travail de notre rapporteur, soucieuse de justice et d’équilibre dans la présentation de cette proposition de loi.
Toutefois, je tiens à vous faire part de ma réticence à l’égard de ce texte. Naturellement, ceux qui abusent d’un dispositif le discréditent, et les dispositifs sociaux n’échappent pas à cette règle.
Ces gens-là existent : lorsque je présidais la commission du RMI de mon département, j’ai vu arriver un allocataire en décapotable de luxe manifestement payée avec les revenus de l’économie souterraine… Mais ce n’est pas parce que de tels cas existent qu’ils sont majoritaires ! Et ce n’est pas parce qu’il y a des resquilleurs dans le métro qu’on parle de le supprimer ! (Sourires.)
Or il est aujourd’hui de bon ton, dans une certaine population, de vilipender le RSA. Certains, bien connus dans mon département, la Haute-Loire, vont même jusqu’à parler d’un « cancer » de notre société ! Comment est-il possible de parler ainsi d’un outil de solidarité qui honore notre pays ?
Que deviendraient ces femmes, ces mères de famille, ces veuves, ces divorcées n’ayant jamais pu travailler et qui se trouvent seules et sans ressources ? Que deviendraient toutes ces personnes sans emploi et qui ont perdu leurs droits à l’allocation chômage ? Je ne cite que ces deux exemples, mais il y en a tant d’autres…
Personne ne fait exprès d’être pauvre ; personne ne doit être stigmatisé en raison d’une situation subie. Or certaines dispositions de cette proposition de loi risquent de stigmatiser les bénéficiaires de la solidarité nationale.
Je veux ici parler de l’obligation de réaliser des travaux d’intérêt général en contrepartie du bénéfice du RSA. J’ai bien dit des travaux d’intérêt général, ceux-là mêmes qui sanctionnent un comportement illégal ! Si, au sein de cet hémicycle, nous savons qu’une même expression désigne ici des réalités différentes, nous devons être conscients de l’impact d’un tel rapprochement sur l’opinion publique.
En leur demandant de travailler gratuitement pour des collectivités ou des associations, ne risque-t-on pas de laisser à penser que ces personnes, frappées par le destin et entraînées dans le monde de l’exclusion, sont un poids pour notre société ? C’est un peu comme si elles avaient une dette à rembourser alors qu’elles sont victimes !
Ces gens sont des exclus, soit parce qu’ils ont traversé une trop longue période sans travailler, soit en raison de conduites addictives ou de troubles du comportement, par exemple. Nul ne sait ce qui se passe dans une maison quand les volets sont fermés, comme on dit en Haute-Loire... Lequel d’entre nous a-t-il le droit de juger son prochain ?
J’ai beaucoup appris sur l’insertion en tant que médecin, puis en tant que président de conseil départemental. Comme beaucoup d’entre vous qui le pratiquez au quotidien, j’ai appris qu’il s’agit d’un véritable métier pour l’élu. J’ai aussi compris une chose essentielle et fondamentale : entre le monde de l’exclusion et celui du travail, il existe un fossé très profond.
Or notre société a le devoir de constituer des passerelles, des ponts, de part et d’autre de ce fossé. C’est l’insertion par le travail, bien sûr, mais aussi par la vie familiale, le logement et la santé.
La solidarité nationale est un outil indispensable aux bénéficiaires des minima sociaux pour parvenir à reconstruire ces passerelles. Priver les allocataires du RSA du bénéfice du dispositif pendant l’instruction de leur dossier n’est pas de nature à reconstruire les ponts. Il ne faut pas que les plus démunis se retrouvent sans ressources pendant des mois.
Il ne s’agit pas pour moi de nier l’existence des fraudeurs. Ils existent, nul ne remet en cause ce fait, et doivent être punis, car ils discréditent notre solidarité nationale. Pour autant, suspecter tous ceux qui connaissent des difficultés d’être des fraudeurs serait grave et contre-productif. Notre société doit, au contraire, leur tendre la main ; les mettre à l’index ne reviendrait qu’à les isoler encore davantage.
Si l’on peut évidemment admettre que des comportements délictuels induisent la suspension de l’allocation, demander aux bénéficiaires de signer une charte n’est-il pas discriminatoire ? Ne risquerait-on pas de tomber dans les travers que je dénonçais ? Être un exclu rend-il automatiquement suspect d’être un mauvais citoyen, tenu de prouver le contraire à la société ?
Par ailleurs, s’il est normal que le président du conseil départemental, qui a la responsabilité de la compétence sociale, puisse avoir accès aux données des allocataires, il faut veiller à ne pas le transformer en une sorte de juge d’instruction.
En tenant compte de ces précautions, nous ne pouvons qu’être d’accord avec l’échange de données afin de rendre les attributions plus adaptées et plus justes.
Affirmer le rôle du département comme chef de file de la compétence sociale est tout autant nécessaire. Éric Doligé, René-Paul Savary, Yves Daudigny, Georges Labazée, Yves Rome, moi-même et bien d’autres nous sommes battus pendant des années, sous deux gouvernements, pour résoudre le problème du financement du RSA, beaucoup trop lourd pour les assemblées départementales. J’espère que l’Assemblée des départements de France va enfin trouver un bon compromis avec l’État, car il ne faut pas qu’un problème financier interfère avec un problème social.
Dans ce contexte, la lutte contre la fraude sociale peut recouvrir le pire comme le meilleur : le meilleur, si les mesures proposées ont pour but de sauvegarder un dispositif social fondamental, d’éviter le discrédit et de respecter la dignité humaine des bénéficiaires ; le pire, par contre, s’il ne s’agit que d’un marqueur politique visant à exacerber le climat de tension existant au sein de notre société et à opposer les uns aux autres.
Vous l’aurez compris, je ne saurais voter une proposition de loi pouvant laisser entendre que le rôle essentiel de notre société n’est plus de tendre la main à ceux qui sont abandonnés sur le bord de la route – et je sais que la majorité de mes amis du groupe UDI-UC pensent comme moi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Hubert Falco. Rétablissez la vérité !
M. René-Paul Savary. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi, déposée par notre collègue Éric Doligé, a suscité quelques débats au sein de la commission des affaires sociales et donné lieu à des postures caricaturales.
M. Jean-Louis Carrère. Lesquelles ?
M. René-Paul Savary. À travers ce texte, Éric Doligé, que je connais bien, cherche à améliorer le système en apportant aux pouvoirs publics et aux collectivités territoriales les outils nécessaires pour dissuader la fraude fiscale. (Sociale ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Je voulais dire contre la fraude sociale ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
Chaque chose en son temps, mes chers collègues. Comme l’a dit M. Cardoux, nous aurons l’occasion de débattre de la fraude fiscale le moment venu !
Ce terme de fraude sociale, je le conçois, peut être provocateur. Louis Gallois, le président de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, la FNARS, nous l’avait d’ailleurs fait remarquer lors de son audition. Il a toutefois vite compris que cette proposition de loi était davantage tournée vers la dissuasion et les indus.
C’est la raison pour laquelle en accord avec l’auteur du texte et le rapporteur, j’ai déposé un amendement tendant à remplacer, dans l’intitulé, les mots « fraude sociale » par ceux de « versements indus de prestations ». C’est bien de cela qu’il s’agit, alors autant appeler un chat un chat !
Mme Nicole Bricq. Vous avez eu des remords !
M. Claude Bérit-Débat. Vous avez peur des mots !
M. René-Paul Savary. Qui n’a pas rencontré, lors de ses permanences, de bénéficiaires ayant reçu des indus de prestations qui compliquent terriblement leur situation ?
Qui n’a pas rencontré de travailleurs indépendants confrontés aux ruptures professionnelles, toujours en décalage par rapport aux versements de la prestation en raison du délai d’instruction ?
Ne faut-il rien changer ? Je ne le crois pas. Le texte que nous examinons relève, me semble-t-il, du bon sens. Il y est ainsi précisé que l’ouverture des droits au RSA se met en place une fois le dossier complet et non au moment de son dépôt : il s’agit donc d’une vérification a priori plutôt que d’un contrôle a posteriori.
En théorie, les choses sont simples : soit on a droit au RSA, soit on n’y a pas droit ! Dans la pratique, la procédure est cependant source d’indus, et ce d’autant plus que les revenus sont variables.
D’ailleurs, les contrôleurs de la CNAF nous ont précisé que 60 % des fraudes provenaient de mauvaises déclarations probablement liées au système, 20 % de déclarations intentionnellement fausses, concernant notamment le RSA majoré ou des malversations sur comptes non déclarés, et 10 % d’indus gravement frauduleux.
Une gestion plus rigoureuse, plus collective dans le partage de l’information s’impose donc pour diminuer le taux des non-recours, pour conforter dans son bon droit celui qui touche la prestation, pour dissuader celui qui serait tenté d’abuser du dispositif et pour justifier l’existence de cette prestation vis-à-vis de ceux qui travaillent, qui payent leurs impôts et qui ont le droit de savoir comment l’argent public est dépensé. On est bien loin, me semble-t-il, de la stigmatisation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’instauration d’une contrepartie sous forme d’activité, quelle qu’elle soit, est une idée intéressante qui mérite d’être affinée. En dehors des polémiques que cela engendre, il s’agit avant tout d’un symbole d’entraide au sens propre, ou de responsabilité.
La notion de droits et devoirs fait partie de la loi d’élaboration du RSA. Elle prend la forme d’un contrat signé, plus ou moins exigeant selon le profil du bénéficiaire, et donc accepté par ce dernier.
Malheureusement, le nombre de bénéficiaires ayant doublé depuis l’origine, un traitement de masse remplace l’accompagnement personnalisé. Le pire, pour les intéressés et pour les services départementaux d’insertion, c’est de ne rien pouvoir proposer ! C’est la porte ouverte à l’isolement, au désarroi, au repli sur soi.
Alors, ne critiquons pas trop vivement celles et ceux qui proposent quelque chose, même sous une apparence élémentaire. L’accompagnement social est toujours difficile à réaliser et à financer.
Il est regrettable que les conseils départementaux n’aient plus les moyens, eu égard à l’insuffisance insoutenable de la compensation des allocations de solidarité par l’État, d’engager des actions d’insertion qui sont pourtant au cœur de leur métier – et le problème est bien là !
Mes chers collègues, puisqu’il paraît que ça va mieux, que la reprise est là, tirons-en les conclusions : il est impératif d’allouer davantage de moyens pour soutenir plus massivement les personnes susceptibles de bénéficier de cette reprise tant attendue.
En guise de conclusion, je préciserai encore ma pensée. Pour regagner la confiance des Français et éviter les litiges, il est indispensable que les prestations soient davantage justifiées et donc vérifiées ou mieux ciblées.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cette année une proposition de loi tendant au versement de certaines prestations sociales sous forme d’un titre spécial de paiement regroupant notamment la prestation d’accueil du jeune enfant et l’allocation de rentrée scolaire.
Aujourd’hui, je souhaite que le texte dont nous discutons aboutisse dans la sérénité. Je remercie Éric Doligé de sa détermination et Corinne Imbert de la qualité de ses travaux, des auditions qu’elle a menées et auxquelles j’ai participé, ainsi que de son intérêt à l’égard des bénéficiaires du RSA et des départements, privés des moyens de leurs ambitions.
Cette proposition de loi nous permet de prendre conscience que le système a atteint ses limites, que le cadre du droit de communication peut s’améliorer et qu’il faut développer le numérique au service du social – je pense notamment aux propositions des audités sur le Répertoire national commun de la protection sociale, le RNCPS, qui n’est pas suffisamment utilisé.
Une solution nous a été proposée : le numéro d’identifiant non signifiant peut, contrairement au numéro d’inscription au répertoire des personnes physiques, le NIR, garantir la confidentialité du partage de l’information. Ce serait une avancée déterminante à même d’aplanir bien des différends qui nous opposent aujourd’hui.
M. Hubert Falco. La solution est là !
M. René-Paul Savary. Madame la secrétaire d’État, j’espère que vous avez entendu le message. C’est le moment, dans le cadre d’une reprise économique tant proclamée, de nous donner les moyens nécessaires pour réussir, par l’insertion, à rapprocher du travail celles et ceux qui connaissent aujourd’hui des difficultés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Louis Carrère. Il a bafouillé !
M. Hubert Falco. Il a dit la vérité !
M. Jean-Louis Carrère. On peut dire la vérité en bafouillant !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte adopté et présenté par notre commission des affaires sociales a le mérite d’être – je vous cite, madame la rapporteur – « profondément remanié sur la forme ». De fait, il était si confus et comportait tant d’erreurs de rédaction qu’il a été entièrement réécrit.
Toutefois, cette réécriture préserve, bien qu’atténuées, l’essentiel des mesures proposées. Elles sont de trois ordres : réduire l’accès au revenu de solidarité active, soumettre son bénéficiaire à l’exécution d’un travail d’intérêt général et à un contrôle du respect des principes et valeurs de la République, donner au conseil départemental le droit de suspendre l’allocation in limine litis, avant que l’intéressé ne soit entendu.
Il nous faut bien constater que cette proposition de loi, qui vise, selon son intitulé, « à améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale », ne comporte aucune mesure d’amélioration. Quant aux allocations et prestations sociales existantes, seul le RSA est concerné.
Améliorer les droits aurait supposé de traiter du problème du non-recours qui touche un tiers des bénéficiaires potentiels, socialement les plus vulnérables et ne demandant rien. Or cette proposition de loi n’en fait nulle mention. Pourquoi n’avoir pas annoncé d’emblée la couleur et intitulé ce texte, conformément à son unique objet, proposition de loi visant la fraude au RSA ?
Les mesures qui nous sont soumises dans ce périmètre restreint sont-elles justifiées ? On comprend mal la logique qui conduit, dans la lutte contre la fraude, à focaliser l’attention et à concentrer les mesures spécifiques sur l’un des points d’entrée le plus faible quantitativement.
La délégation nationale à la lutte contre la fraude développe une démarche totalement inverse et cible prioritairement les fraudes les plus importantes grâce aux outils de data mining.
Ces méthodes sont également celles des comités opérationnels départementaux anti-fraude et des caisses d’allocations familiales délégataires, qui ont un large accès aux fichiers de données et au répertoire national commun de la protection sociale.
Des conventions de partenariat, l’une entre la CNAF, la police et la gendarmerie, l’autre avec le ministère des affaires étrangères, ont également été signées sur les typologies de fraude les plus difficiles à repérer.
Le rôle que cette proposition de loi entend faire jouer aux conseils départementaux sur le seul RSA apparaît pour le moins dérisoire au regard des services et des moyens d’ores et déjà dédiés à la lutte contre la fraude dans son ensemble.
Au surplus, comme le relève la Cour des comptes dans le référé transmis en septembre 2015 au Premier ministre à la suite de l’enquête menée sur l’ensemble des minima sociaux, le RSA est une allocation qui se caractérise déjà « par un régime comparativement restrictif » et apparaît comme « le dispositif le plus contrôlé ».
Il y a moins de logique encore à proposer la création de cellules de contrôle, ce qui nécessiterait l’engagement de nouvelles dépenses de fonctionnement, et à soutenir en même temps des programmes annonçant la suppression, l’un de 300 000, l’autre de 500 000, le dernier d’un million, de postes de fonctionnaires !
Par ailleurs, ce texte s’inscrit – je vous cite encore, madame la rapporteur – dans « un environnement en pleine mutation et non encore stabilisé, sur fond de négociations entre l’État et les départements en vue de la nationalisation de tout ou partie du financement du RSA ».
Un travail de fond est donc mené, en concertation avec les départements, pour réduire la complexité et accroître l’efficacité du revenu de solidarité active.
Plus largement, le rapport Sirugue, remis le 18 avril dernier au Premier ministre, prolonge les recommandations de la Cour des comptes, qui préconise le regroupement des minima sociaux autour de trois grandes allocations et une harmonisation des modalités de prise en compte des ressources pour la liquidation des droits.
Au mieux contre-productive, au pire inutile, dans tous les cas à contretemps et hors de propos à l’heure où s’engage une réforme d’ensemble des minima sociaux… Comment ne pas s’interroger sur les raisons d’être de cette proposition de loi dont les auteurs n’ignorent rien du contexte actuel ?
L’exposé des motifs invoque un système de protection sociale « à bout de souffle » et une sécurité sociale aux « marges de manœuvre fortement réduites ». Faux ! La publication des comptes des caisses mi-mars démontre que nos finances sociales connaissent leur meilleure situation depuis douze ans, et ce sans nouveau déremboursement ni réduction des prises en charge. Cet argument n’est donc pas recevable.
Dans ce même exposé, la nécessité de préserver notre pacte républicain, issu des principes posés par le Conseil national de la Résistance, est aussi mise en exergue et en regard d’un système qualifié de « généreux ». C’est entretenir une étrange contradiction entre une organisation fondée sur des droits reconnus à tout être humain et une organisation fondée sur une libéralité qui attribuerait au-delà de ce qui est dû. Est-ce ce même raisonnement qui justifierait l’instauration d’une contrepartie sous forme de travail d’intérêt général ?
L’imposition d’un service social n’est pas nouvelle. En 2011 – année de mon entrée dans la Haute Assemblée – le père du RSA, Martin Hirsch, l’analysait sans appel : « C’est absurde. La création du RSA vise justement à en finir avec l’assistanat. Contrairement aux RMIstes, les allocataires du RSA sont obligés, sauf problème de santé grave, de rechercher un emploi ». Et Martin Hirsch d’ajouter : « On n’a pas le droit de faire croire des choses fausses aux Français. Même quand on est en campagne électorale, tous les coups ne sont pas permis ! »
On ne saurait mieux qualifier la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Fournier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Paul Fournier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la solidarité est sans nul doute l’un des signes les plus nobles de la modernité et de la maturité de nos sociétés occidentales.
La France s’honore d’avoir mis en place, depuis 1945, sous l’égide du général de Gaulle, un système généreux pour celles et ceux qui sont dans la souffrance, qu’elle soit physique ou sociale.
Cette démarche est l’un des fondements de notre pacte républicain.
La solidarité est parfois même un moyen de limiter les effets les plus néfastes d’une détérioration économique, comme nous avons pu le voir après la crise bancaire et financière de 2008.
Néanmoins, aujourd’hui, notre système de protection sociale mérite d’être amélioré, je dirai même d’être réformé en profondeur, pour faire vraiment œuvre de solidarité. Il convient en effet d’éviter qu’un revenu de transfert ne se transforme, par un effet d’aubaine, en une prestation qui viendrait limiter l’accès au travail.
Mes chers collègues, pour être pleinement admis par tous, je dirai même pour être efficace, le système de protection sociale doit avant tout être simple, accessible et, surtout, irréprochable.
Il faut que, dans notre démocratie, l’allocataire, l’assuré social, le contribuable ou le cotisant, qui sont parfois les mêmes personnes, acceptent le système. Pour ce faire, il faut que celui-ci soit juste. Il n’est pas de pire système que celui qui donne le sentiment que les bénéficiaires seraient non pas des ayants droit, mais des profiteurs.
C’est la raison pour laquelle la lutte contre la fraude sociale doit être une priorité absolue. C’est la meilleure garantie pour éviter les discours populistes qui visent finalement à remettre en question des mécanismes hérités du Conseil national de la Résistance.
Le travail qui est fait depuis plusieurs années à ce niveau démontre que la lutte contre la fraude sociale n’est pas un petit sujet. C’est aussi un moyen de réduire un peu le déficit chronique de notre système social.
Je soutiens pleinement la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale. Je tiens à remercier Éric Doligé d’avoir élaboré ce texte et à saluer le travail du rapporteur, notre collègue Corinne Imbert.
Ce texte équilibré vise en définitive à répondre à la fois aux exigences de nos concitoyens et à prendre acte du rôle central des conseils départementaux dans ce domaine.
En créant, à l’article 11, la notion de « flagrance sociale », ce texte ne fait d’ailleurs que transposer à la fraude sociale un système qui a très largement fait ses preuves en matière de lutte contre la fraude fiscale.
De même, porter de trois à douze mois le temps de présence sur le territoire français d’un ressortissant de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen nécessaire avant de pouvoir demander à bénéficier du RSA semble être une mesure juste, qui contribuera certainement à limiter les effets d’aubaine.
Je l’ai rappelé au début de mon intervention, nos compatriotes, contribuables et cotisants ne tolèrent pas que des individus qui combattent le pacte social et républicain soient bénéficiaires de la solidarité nationale qu’ils récusent et rejettent par ailleurs.
Ainsi, les mesures visant à ce que le revenu de solidarité active ne soit plus versé à des individus qui ne se plient pas aux valeurs de la République vont dans la bonne direction. Prévues aux articles 3, 4 et 5 de la proposition de loi, elles répondent à un véritable enjeu de cohésion de notre société.
Qui pourrait en effet tolérer que la solidarité nationale continue de bénéficier, par exemple, aux fanatiques partis combattre sous le drapeau de Daesh ou aux combattants – n’ayons pas peur des mots ! – de l’extrême gauche radicale, qui, on l’a vu ces derniers jours, s’en prennent aux forces de l’ordre comme à la société tout entière avec une violence inouïe ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Christian Favier. C’est quoi, cet amalgame ?
M. Jean-Paul Fournier. La suspension, cadrée, de cette allocation par le président du conseil départemental pour les personnes ne respectant pas la charte des droits et des devoirs du citoyen est sans nul doute une bonne initiative. Cela doit permettre de renforcer notre pacte républicain et, d’une certaine manière, de redonner confiance à nos concitoyens.
Enfin, je voudrais, mes chers collègues, si vous me le permettez, m’attarder encore quelques instants sur les articles 8, 9, 10 et 13 de cette proposition de loi, et plus particulièrement sur les avancées proposées pour ce qui concerne les nouvelles normes en matière de partage des données.
Il s’agit d’une question centrale pour réduire la fraude. En outre, c’est un élément fondamental pour faciliter l’accès aux droits.
Le conseil départemental, devenu chef de fil en matière sociale avec la loi NOTRe, doit pouvoir avoir accès, dans un cadre contraint et en toute confidentialité, aux données personnelles lui permettant d’exercer pleinement ses compétences en la matière. Selon moi, on pourrait aller plus loin dans le partage des données, notamment celles de la CAF, au bénéfice des communes ou de leurs groupements.
Il s’agirait non pas seulement de contribuer à la lutte contre la fraude, comme je l’ai exposé dans une question écrite par laquelle j’interpellais le Gouvernement à ce sujet, mais aussi de faciliter l’accès aux droits pour les familles bénéficiaires d’aides, en simplifiant la constitution d’un dossier unique partagé.
Mes chers collègues, j’ai été durant vingt ans conseiller général, et je peux donc en témoigner : les agents du département – je pense notamment aux assistantes sociales –, en première ligne dans le domaine qui nous intéresse aujourd’hui, sont confrontés à de vraies difficultés s’agissant à la fois de l’octroi des allocations et de la fraude. Ils attendent de la représentation nationale qu’elle leur donne les moyens de mener pleinement leur mission. C’est ce à quoi contribue ce texte.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je le confirme, je suis pleinement favorable aux dispositions de la proposition de la loi présentée par Éric Doligé, et je remercie Corinne Imbert du travail qu’elle a réalisé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à améliorer l'accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale
Article 1er
Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 262-6, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « douze » ;
2°Après les mots : « la date », la fin de l’article L. 262-18 est ainsi rédigée : « à laquelle la demande est complète. »
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l'article. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article me paraît tout à fait pertinent. Il n’y a en effet aucune raison pour que la France accorde aux ressortissants d’autres pays européens un régime d’aides sociales beaucoup plus favorable que celui que ces mêmes pays offrent à nos concitoyens résidant sur leur territoire.
Je prendrai l’exemple d’un pays dont nul ne met en cause le caractère démocratique, à savoir la Grande-Bretagne : on n’y apporte pas sur un plateau d’argent des aides, qui seraient accordées au détriment de la collectivité, aux ressortissants d’autres pays européen quelques mois après leur arrivée.
Il faut tout de même veiller à ce que le système français n’attire pas les profiteurs. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. Quel provocateur !
M. Jean Louis Masson. Je sais exactement ce que je dis ! Vous vous souvenez de la petite Yougoslave qui était en France et à propos de laquelle M. Hollande s’était fait une brillante réputation, notamment en lui téléphonant quand elle avait été expulsée. Rappelez-vous ce qu’avait dit le père de la jeune fille : alors qu’un journaliste lui demandait, à la télévision, pourquoi il avait quitté l’Italie pour la France, il avait répondu qu’il était venu en France parce que les aides y étaient plus importantes.
À un moment donné, il faut avoir un minimum de bon sens…
Mme Nicole Bricq. Votre bon sens…
M. Jean Louis Masson. … et il n’y a pas de raison logique pour que la France offre des aides supérieures à celles qu’accordent les autres pays européens. Sinon, on jouera le rôle de pompe aspirante. Cette famille yougoslave, ce n’est pas moi qui la donne en exemple : c’est le père lui-même qui a dit qu’il était venu en France parce qu’il y avait plus d’aides ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Louis Carrère. La Yougoslavie n’existe plus !
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc, sur l'article.
M. François Marc. L’ordre du jour de notre assemblée est consacré cette semaine à l’initiative parlementaire, ce qui permet à chaque groupe de proposer des propositions de loi dans les domaines qu’il choisit. Le groupe Les Républicains a retenu ce texte relatif à la lutte contre la fraude sociale.
J’ai bien écouté les différentes interventions : chers collègues signataires de cette proposition de loi, vous aurez constaté qu’elle pose question sur de nombreuses travées de cet hémicycle au regard de la philosophie qu’elle met en avant. Peut-être est-il encore temps de réfléchir à la suite à donner à cette discussion !
Les documents que nous avons reçus ces derniers jours nous considèrent tous, nous sénateurs, dans notre ensemble – j’ai sous les yeux le titre suivant : « Le Sénat se trompe de combat ». Nous sommes donc tous légitimes à vous poser la question suivant : êtes-vous sûrs de vouloir engager l’image du Sénat sur un tel sujet ?
J’ai reçu comme vous le document émanant de la FNARS, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, qui regroupe 870 associations de solidarité. Il y est rappelé que 900 000 personnes en difficulté sont accueillies chaque année, grâce à 75 000 places d’hébergement. La FNARS a signé notamment avec ATD Quart Monde et Emmaüs France, associations dont on connaît la philosophie, un communiqué nous demandant de ne plus aller sur ce terrain, car nous nous trompons de combat. Il faut arrêter la démagogie et la stigmatisation de certaines catégories sociales aujourd'hui très démunies. Ces associations nous le disent, on ne fera que renforcer la suspicion des précaires, victimes de la crise économique, qui tentent de survivre avec des allocations auxquelles ils ont droit dans un contexte de chômage de masse.
Mes chers collègues, il est encore temps d’arrêter cette discussion, puisque nous n’avons pas encore commencé l’examen de l’article 1er. Avec mon groupe, je me prononcerai bien sûr contre l’ensemble de ces articles. Toutefois, je vous suggère de les retirer tant qu’il en est encore temps, car c’est l’image du Sénat tout entier qui pâtira de cette initiative.
Mme Catherine Troendlé. Ça n’a rien à voir avec l’image du Sénat !
M. François Marc. Soyez donc réalistes et retirez ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission, sur l’article.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Le Sénat ne se trompe pas de combat. M. Cardoux l’a rappelé tout à l’heure, la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat, est en train d’étudier les différents types de fraudes, qu’elles soient fiscales ou sociales.
Je veux également rappeler les propos tenus par Mme Evelyne Yonnet, qui est intervenue au nom du groupe socialiste et républicain. Selon elle, si les fraudes fiscales s’élèvent à plusieurs milliards d’euros et s’il convient donc de s’y intéresser de près, il n’est pas non plus inutile de se plonger dans les fraudes sociales, qu’elle évalue elle-même – je pense que c’est un chiffre officiel – à 160 millions d’euros. Or ce sont les petites rivières qui font les grands fleuves ! Songeons que les départements sont en difficulté et que l’aide supplémentaire apportée par l’État cette année n’est que de 50 millions d’euros – elle n’aurait même pas été nécessaire s’il n’y avait pas eu de fraude ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Vergoz. Vous êtes victimes de vos propres turpitudes !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l'article.
M. Daniel Chasseing. Oui, il y a bien sûr des fraudes beaucoup plus importantes que les fraudes au RSA, cela a été dit par notre collègue Michel Amiel : 20 milliards d’euros pour ce qui concerne les cotisations sociales et 15 milliards d’euros pour la TVA.
Nous sommes tous ici favorables au RSA, qui permet à ceux qui n’ont pas de travail depuis plusieurs années de vivre.
Cela a été dit aussi, 35 % des personnes qui y auraient droit ne le demandent pas, en raison de la mauvaise image qu’il véhicule, ainsi que d’un manque d’informations ou de suivi. Nous devons aider ces personnes en très grande difficulté.
Toutefois, les départements étant confrontés à d’importants problèmes, il ne nous paraît pas anormal de contrôler ceux qui trichent, même s’ils ne sont pas nombreux.
Par ailleurs, nous pensons qu’il faut concentrer nos efforts sur l’accompagnement des personnes vers l’emploi, comme ce texte prévoit de le faire. Une personne bénéficiant de la solidarité départementale peut effectuer quelques heures de travail par semaine au service de collectivités. Il y a une multitude de besoins non satisfaits. Il s’agit non pas de profiter de cette personne, mais de lui proposer une intégration valorisante et l’encourageant, grâce à un encadrement, à avoir une activité.
C’est écrit noir sur blanc dans l’exposé des motifs, l’article 7 vise à « permettre aux bénéficiaires du revenu de solidarité active, au travers des engagements réciproques, de garder ou de retrouver leur dignité, en s’impliquant dans des activités utiles et nécessaires à la collectivité, ce qui représente une ambition partagée […] dans la perspective d’une réinsertion préparée et réussie ».
C’est le contraire de ce qui a été décrit par certains de nos collègues. Ceux qui soutiennent ce texte sont aussi de bonne foi, et ils souhaitent favoriser l’insertion dans l’emploi des personnes en difficulté. Un tel dispositif pourra progressivement combler – pas toujours, mais dans de nombreux cas – le fossé séparant le RSA du travail, en permettant à ceux qui en bénéficieront d’avoir moins d’appréhension et de revenir par étape sur le marché du travail. Je sais, pour la connaître un peu, que Corinne Imbert a la fibre sociale, raison pour laquelle elle défend l’insertion par l’activité et le rétablissement de la dignité des personnes au RSA. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l'article.
Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens maintenant parce que je tiens à dire que j’ai le sentiment que cette proposition de loi divise, comme en témoigne notre débat d’aujourd'hui. La France a-t-elle besoin de ce spectacle de division, alors que nous affirmons tous vouloir insérer les personnes en difficulté ? Ma réponse est « non ». Nous accablons en effet les uns et exacerbons les injustices ressenties par les autres, ce qui n’est bon ni pour la France ni pour l’image que nous donnons.
J’en viens directement à l’alinéa 3 de l’article 1er, car je ne comprends pas. Il s’agirait d’attribuer les allocations à partir du moment où le dossier est complet, mais n’est-ce pas déjà ce qui est fait dans chacun de nos départements ?
Dans le département de la Mayenne, où je m’occupe tout particulièrement d’insertion, lorsqu’une personne fait la demande d’une allocation RSA, nous l’invitons à participer à une journée RSA dans les trente jours qui suivent sa demande. C’est donc avec tous ses justificatifs que la personne se présente. Ses droits sont ouverts à la date à laquelle elle a fait sa demande si tous les documents nécessaires sont dans les mains du président.
S’il nous arrive parfois de faire une avance sur les allocations demandées, c’est parce que nous disposons d’une évaluation de nos travailleurs sociaux faisant apparaître l’indigence de la famille, et nous aidons cette famille.
Je ne comprends donc pas pourquoi ce texte viendrait nous dire comment les choses doivent se dérouler, alors que, dans mon département en tout cas et certainement dans beaucoup d’autres, elles se passent de la façon que je viens de le décrire.
Finalement, tout cela montre que les départements ont des difficultés pour instruire les dossiers. Mais est-ce au demandeur de bonne foi de supporter les retards d’instruction ? Ma réponse est également « non ».
Je voterai bien évidemment l’amendement déposé par mon collègue Gérard Roche visant à supprimer cet article. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergoz, sur l'article.
M. Michel Vergoz. On peut faire des erreurs, même de bonne foi ! Et celle que Les Républicains commettent est de taille.
Tout d’abord, je me félicite qu’aucun des amendements déposés sur ce texte n’émane du groupe socialiste et républicain.
Ensuite, je regrette qu’aucun éclairage ne nous ait été apporté par la Délégation nationale à la lutte contre la fraude. Il a simplement été rappelé que, en 2013, la fraude a été estimée à 4,5 milliards d’euros. Paradoxe, nous étions sur la « bonne voie », il y avait du « positif », pour reprendre les termes de votre rapport, madame la rapporteur.
Je suis maire d’une ville de La Réunion. Je parle avec mon cœur, car, quand dans l’Hexagone le taux de RMIstes est à 2 % ou 3 %, il se situe entre 10 % et 12 % chez moi. C’est donc une affaire très sérieuse qui me touche au plus profond de moi-même. Quand il y a des tensions sociales, il n’y a pas de développement économique. Tout est lié : la paix sociale et la solidarité sociale sont le terreau du développement économique par la dignité d’un peuple.
Cette proposition de loi est un constat d’échec. Vous nous aviez dit que le RMI avait échoué, mais dites-le, criez-le, c’est désormais au tour du RSA ! Pourtant, quand M. Sarkozy était venu chez nous vanter ce nouveau dispositif, on nous avait dit qu’on allait voir ce qu’on allait voir ! Mais, patatras, tout s’est effondré, parce que le marché ne peut pas proposer plus d’emplois qu’il n’en crée.
J’ai le sentiment que, chez Les Républicains, les ultralibéraux – ils sont nombreux – lancent un premier coup de boutoir pour fragiliser, au travers de cette proposition de loi, les bénéficiaires des allocations sociales, pour les pousser à l’autoculpabilisation avant de les réduire à l’extrême docilité, voire au silence. Puis viendra le temps de l’allocation unique : plus de RSA, plus d’allocation logement, plus d’allocation de rentrée scolaire, plus de prime de Noël. On verra alors ce qu’il arrivera !
M. Roland Courteau. Ça promet !
M. Michel Vergoz. Le moment est venu de choisir son camp pour que notre République donne le rayonnement nécessaire à ce beau mot de solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, sur l'article.
M. Éric Doligé. Tout d’abord, je tiens à remercier les cosignataires du texte ainsi que Mme Imbert, pour la présentation qu’elle a faite et pour toutes les avancées qui ont pu avoir lieu en commission des affaires sociales.
Je suis surpris de certains propos. Chacun est libre de présenter des textes dans cet hémicycle, qu’ils plaisent ou non. Cela doit permettre un débat serein, plutôt que l’expression d’une agressivité que j’ai pu ressentir au travers d’un certain nombre d’interventions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il n’y a aucune volonté de stigmatiser tel ou tel au travers de ce texte.
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est quand même pas un texte amical !
M. Éric Doligé. C’est peut-être la lecture que vous en faites, mais telle n’est pas l’intention de ses auteurs. C’est vous, au contraire, qui avez essayé de stigmatiser certains d’entre nous, ce qui n’est pas très agréable.
J’ai été, comme d’autres, président de conseil général. Madame la secrétaire d’État, vous avez minimisé le montant global des prestations sociales du département, en disant qu’il atteignait 750 milliards d’euros au niveau national et seulement 10 milliards d’euros pour ce qui concerne le RSA. Vous avez ainsi mis en cause le bien-fondé de ce texte. Il s’agit pourtant d’un sujet qui a du sens pour les départements.
Cela fait des années et des années que, sur toutes les travées, nous nous battons avec les gouvernements successifs pour essayer d’obtenir les moyens financiers nécessaires pour continuer à payer le RSA.
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas le sujet !
M. Éric Doligé. Je pourrais vous citer certains départements, comme celui du Nord, qui ne verse plus cette allocation que onze mois sur douze, parce qu’il n’a pas les moyens de faire autrement, se plaçant ainsi dans une situation de légalité douteuse. Cela dure depuis un certain nombre d’années et témoigne des difficultés financières majeures auxquelles sont confrontés les départements.
Les prestations sociales représentent 50 % des frais de fonctionnement d’un département, soit 90 % de son budget. Or le RSA constitue une part importante de ces prestations sociales.
Selon vous, des fraudes existent, certes, mais elles n’atteignent que 7 % de la valeur globale distribuée, et il n’est donc pas nécessaire de s’y intéresser. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est de la manipulation !
M. Éric Doligé. Sachez que les CAF se préoccupent relativement peu du sujet, puisque les sommes distribuées provenant des départements ne représentent que 6 % à 7 % de leur budget. Or 7 % de « triche » sur 7 % de leur budget, cela fait 0,5 %. Les CAF ne font donc pas les efforts suffisants pour rechercher les fraudes évidentes.
Je voulais, par ce texte, relever les fraudes évidentes qui représentent des centaines de millions d’euros pour les départements. En cette période, une telle somme mérite tout de même qu’on se penche sur la question. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, sur l'article.
M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais évoquer deux ou trois petites choses que je retiens de mon passé d’élu au sein d’un conseil général.
C’était l’honneur des conseils généraux hier et, aujourd'hui, des conseils départementaux de s’occuper de l’aide sociale et de ne pas laisser les plus démunis au bord du chemin.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. François Fortassin. La solidarité n’est pas plus d’un côté que de l’autre, car chacun peut avoir des qualités de cœur. Toutefois, veillons à l’utilisation que nous faisons d’un certain nombre de termes.
Parler de fraude s’agissant de ceux qui bénéficient du RSA, c’est oublier que, dans d’autres cas, la fraude se nomme « optimisation fiscale »… (Rires et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.) Entre les deux, la limite n’est souvent pas très nette.
Je vous invite, mes chers collègues, à réfléchir à ce problème. Si les plus démunis fraudent, il faut les rechercher et, c’est normal, les sanctionner, mais ils n’ont pas, contrairement aux nantis, de cabinets d’avocats pour savoir comment frauder… (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au premier alinéa de l’article L. 243-4 du code de la sécurité sociale, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans ».
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Il y aurait beaucoup à dire dans le cadre du débat sur l’article 1er. Mais chaque chose devant être considérée à sa juste proportion, je ferai référence à des chiffres précis, ceux qui sont indiqués dans le rapport de 2014 de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Il fait état d’une fraude qui semble vous ennuyer quelque peu, puisqu’il n’en est pas fait mention dans votre proposition de loi.
Ce rapport centralise les efforts fournis par les contrôleurs de l’URSSAF. Il apparaît que six contrôles complets de comptabilité sur dix effectués par les agents du recouvrement social dans les entreprises conduisent à un redressement.
Concrètement, près de 50 000 redressements ont été notifiés par cette procédure sur 80 000 contrôles. Il se trouve que la première source de redressement provient des allégements de cotisations, dits allégements Fillon, qui sont très souvent trop largement estimés. Voilà une première réalité.
Par ailleurs, dans les secteurs les plus enclins à pratiquer la fraude – bâtiment et travaux publics, gardiennage, hôtellerie, nettoyage, spectacle, service aux entreprises et transports –, le montant moyen du redressement opéré est passé, de 2013 à 2014, d’environ 30 000 euros à près de 65 000 euros. Voilà une deuxième réalité.
Si on considère les contrôles aléatoires, la situation est également intéressante. L’un des secteurs particulièrement surveillés, le gardiennage et la sécurité privée, où les salaires sont faibles, a fait ainsi l’objet de 503 contrôles dits aléatoires.
Malgré la surveillance attentive de l’URSSAF, alors que le taux de fraude a été déclaré très important, il faudrait six ans pour assurer le contrôle de toutes les entreprises concernées. C’est d’autant plus dommageable que 29 % des contrôles ont fait l’objet d’un constat de fraude. Voilà la réalité !
Parmi les fraudes qui ne sont pas évoquées au travers de cette proposition de loi, je citerai notamment la minoration des heures de travail effectuées.
Les chiffres que je viens de donner témoignent du bien-fondé de cet amendement. Son adoption permettrait de mieux lutter pour la réduction et l’élimination des déficits publics, considération que vous avez, hélas, négligé d’introduire dans cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteur. Cet amendement prévoit un doublement du délai de garantie de paiement des cotisations et des majorations et pénalités de retard en cas de fraude aux cotisations sociales.
Il tend également à supprimer les autres dispositions de l’article 1er.
Les auteurs de cet amendement poursuivent l’objectif louable, partagé par l’ensemble de cette assemblée, de lutter contre la fraude aux cotisations sociales. Cependant, une telle mesure ne trouve pas sa place dans un texte relatif aux fraudes aux prestations sociales.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, votre objectif est tout à fait louable : par cet amendement, vous envisagez la fraude de façon beaucoup plus globale que ne le font les auteurs de la proposition de loi.
Néanmoins, il n’est pas totalement certain que votre proposition réponde à l’objectif que vous vous fixez. Votre amendement tend à doubler, en la faisant passer d’un à deux ans, la durée de garantie du recouvrement des cotisations par les URSSAF.
L’efficacité d’une telle prolongation se discute : dans la plupart des cas, les URSSAF sont en effet assez réactives. Je ne dis pas qu’une telle mesure ne serait pas utile pour améliorer les recouvrements des URSSAF ; mais je ne suis pas certaine qu’elle le serait ! Ce sujet mérite donc certainement d’être étudié de façon un peu plus approfondie.
De surcroît, il est vrai que cet amendement aurait davantage sa place dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je vous demande par conséquent de bien vouloir le retirer, monsieur le sénateur, afin que nous puissions y réfléchir tranquillement dans le temps qui nous sépare de la discussion du PLFSS pour 2017.
Mme la présidente. Monsieur Watrin, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Non, je le retire, madame la présidente. Je pense néanmoins que nous avons vraiment visé juste. Nous prenons donc date en vue du PLFSS.
Mme la présidente. L'amendement n° 9 est retiré.
L'amendement n° 1, présenté par M. Roche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
2° L’article L. 262-18 est ainsi modifié :
a) Les mots : « du dépôt de la demande » sont remplacés par les mots : « à laquelle la demande est complète » ;
b) Est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, le président du conseil départemental peut décider, à titre exceptionnel et sur demande de l’organisme qui a reçu la demande, que le droit est ouvert à la date de dépôt de la demande, même incomplète. »
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Le présent amendement vise à rétablir l'article 1er dans sa version initiale, qui prévoyait que le président du conseil départemental puisse décider à titre exceptionnel et sur demande de l’organisme ayant reçu la demande que le droit au RSA soit ouvert à compter de la date de dépôt de la demande, même si celle-ci est incomplète.
La commission a décidé de supprimer cette possibilité. Fidèles à l’esprit de leur proposition de loi, ses auteurs ont souhaité que le droit au RSA ne soit ouvert qu'à compter de la date de dépôt d'une demande complète. Si je comprends leur logique, je préfère maintenir cette faculté offerte au président du conseil départemental d'ouvrir le droit malgré le caractère incomplet de la demande.
Il peut en effet se trouver, dans certains cas, que les demandeurs aient des difficultés à réunir la totalité des pièces du dossier. Les priver de ce droit durant cette période risque de leur être préjudiciable, alors même que leur dossier pourrait, en définitive, être complété.
J’ai dit tout à l’heure, parlant au nom de mes amis, que j’étais globalement défavorable à cette proposition de loi. Mon rôle est aussi, cependant, pour le cas où ce texte serait adopté, de proposer des amendements, afin de tenter d’améliorer les choses qui nous semblent aller dans le mauvais sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Corinne Imbert, rapporteur. La commission a en effet supprimé cette possibilité de dérogation accordée au président du conseil départemental. Elle a considéré que l’idée même de dérogation pouvait être source d’iniquité, mais aussi, a contrario, que la dérogation était susceptible de devenir systématique, remplaçant ainsi la règle.
L’objectif général de la proposition de loi est d’allouer le RSA à l’allocataire qui en a besoin ; ce besoin doit être établi sur des critères stricts, comme cela se pratique d’ailleurs pour d’autres allocations. Si une demande incomplète pouvait ouvrir le droit au RSA, il pourrait s’avérer que les pièces ultérieurement portées à la connaissance du président du conseil départemental excluent le bénéficiaire de l’éligibilité au RSA, donnant alors lieu à des indus.
C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, si j’ai bien compris, vous proposez de créer une dérogation à une mesure à laquelle vous êtes défavorable. Je trouve dommage, dès lors, que vous n’ayez pas tout simplement déposé un amendement de suppression. Le cas échéant, j’y aurais été tout à fait favorable !
Mais sur le présent amendement, l’avis du Gouvernement est défavorable : introduire cette dérogation sans toucher à la mesure elle-même ne me paraît pas pertinent.
M. Gérard Roche. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'article.) (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
5
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres. J’ajoute que cette invitation s’applique aussi aux séances ordinaires.
Pour des raisons d’ordre pratique que chacun peut comprendre, et conformément à la décision de la conférence des présidents, les auteurs de question pourront utiliser leur droit de réplique s’il leur reste plus de cinq secondes.
moyens donnés à l'autorité de sûreté nucléaire
M. le président. La parole est à M. Hervé Poher, pour le groupe écologiste.
M. Hervé Poher. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer.
Le 25 mai dernier, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a pris connaissance du rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2015. L’Office a eu la chance d’auditionner M. Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN – il s’agit bien d’une « chance » : le président Chevet présente en effet deux qualités très appréciables, qui sont l’honnêteté et la franchise.
Il a fait un état des lieux et formulé un diagnostic sur les installations nucléaires de notre pays. Je me permettrai de reprendre deux de ses constats.
Premier constat : globalement, le fonctionnement de nos centrales, y compris des plus anciennes, est convenable. Mais, vous le savez, il en va des centrales nucléaires comme des humains : lorsqu’on prend de l’âge, on est regardé avec un peu plus d’attention, et parfois avec un peu plus d’inquiétude. (Sourires.). Nos centrales, donc, fonctionnent bien, à l’exception cependant d’une ou deux d’entre elles, qui ont un « fonctionnement critiquable ».
Second constat du président Chevet : « Si l’on ne donne pas à l’ASN plus de moyens, en particulier humains, et des moyens conséquents, elle ne pourra plus assumer toutes ses missions. »
Aussi oserai-je un raisonnement mathématique dont se déduira ma question. Additionnons, en effet, plusieurs facteurs : le « fonctionnement critiquable » de certaines centrales, le changement climatique, surtout en bord de mer, le souvenir de la tempête Xynthia, les images de Fukushima, ainsi que la succession récente de petits incidents, voire d’accidents, dans nos centrales.
Devant le résultat de cette addition, certains de nos concitoyens pourraient légitimement ressentir – il n’est point besoin pour cela d’être catastrophiste – quelques soupçons d’inquiétude.
Par conséquent, et dans le cadre d’une transition énergétique ayant fait l’objet d’une loi votée voilà un an, pouvez-vous, madame la ministre, les rassurer et nous rassurer sur la sécurité nucléaire, en nous confirmant qu’elle ne sera pas une victime collatérale d’une rigueur budgétaire peu justifiable en ce domaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’environnement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Monsieur le sénateur, lorsqu’on pose une question sur la filière nucléaire, il faut prendre garde, sous prétexte de mettre le doigt sur des problèmes qui méritent certes une réponse, à ne pas discréditer l’ensemble de cette filière. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle que la filière nucléaire reste le socle de notre modèle énergétique. (Ah ! sur les mêmes travées.) Elle fournit aujourd’hui 75 % de notre électricité, 50 % demain, grâce à la loi relative à la transition énergétique.
La sûreté nucléaire est un sujet en effet absolument majeur. J’observe d’ailleurs que l’Autorité de sûreté nucléaire est une référence à l’échelle mondiale.
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Ségolène Royal, ministre. La France est exemplaire dans ce domaine, à tel point que nous apportons notre expertise à d’autres pays possédant également des installations nucléaires. Ces derniers font souvent appel à l’ASN, ainsi qu’au deuxième outil de notre sûreté nucléaire, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN.
L’Autorité de sûreté nucléaire a demandé des moyens supplémentaires. Cette demande est justifiée pour deux raisons.
Premièrement, ces moyens supplémentaires, la loi relative à la transition énergétique les lui donne. J’ai en effet proposé – et vous avez voté ces propositions –, d’une part, que l’Autorité de sûreté nucléaire soit désormais dotée de nouveaux pouvoirs de sanction et de contrôle et, d’autre part, que certaines modifications des installations nucléaires qui étaient auparavant soumises au régime de la déclaration soient désormais soumises au régime de l’autorisation.
Deuxièmement, la plupart de nos centrales, au cours des années à venir, vont atteindre l’échéance des quarante ans, durée pour laquelle elles ont été autorisées. L’Autorité de sûreté nucléaire devra donc décider si certains réacteurs peuvent être prolongés et si d’autres doivent être fermés. Cette logique a été adoptée, là encore, dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique.
Par conséquent, le Gouvernement sera très vigilant concernant les demandes de créations de postes et d’augmentation des moyens de fonctionnement, et donnera satisfaction à la fois à l’Autorité de sûreté nucléaire et à l’IRSN. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe CRC.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre du travail, depuis trois mois maintenant, le Président de la République, le Gouvernement et vous-même êtes arc-boutés sur un texte massivement rejeté par la population, plus massivement encore par les salariés, et qui n’a d’ailleurs pas réuni de majorité à l’Assemblée nationale.
Vous êtes passés en force en utilisant l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, et ce avant même l’examen de l’article 2, article par lequel, via l’inversion de la hiérarchie des normes, le salarié serait placé seul ou presque face au patron. Madame la ministre, il faut savoir reconnaître les faits : la colonne vertébrale de votre texte, l’article 2, constitue un véritable retour en arrière, et un très mauvais coup contre les salariés.
L’article 2, c’est en effet la possibilité que des accords d’entreprise soient défavorables aux salariés en matière d’aménagement du temps de travail – il s’agit de choses très concrètes : le temps d’habillage, le travail effectif, la pose des congés ou la fixation des jours fériés chômés. C’est la vraie vie des salariés, leur quotidien, qui est concerné !
Madame la ministre, il est temps, grand temps, d’écouter le pays et de cesser les invectives. L’article 2 doit être retiré !
Mon intervention s’adresse aussi à M. le Premier ministre.
M. Dominique Watrin. Il faut immédiatement suspendre le débat parlementaire et ouvrir au plus vite de vraies négociations, pour un code du travail de progrès et de justice sociale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur Watrin, vous avez cosigné, avec les membres de votre groupe, dès le stade de l’examen en commission, dix-neuf amendements visant la suppression de pas moins de dix-neuf articles sur les cinquante-quatre que comprend le projet de loi que je m’apprête à défendre devant la Haute Assemblée.
Nous avons des désaccords de fond ; ces désaccords traversent aussi le monde syndical. Assumons-les, sereinement, mais clairement !
Nous croyons en effet à la modernisation du dialogue social dans notre pays. Comment croire que les intérêts des salariés, s’agissant de sujets aussi structurants que ceux qui touchent à leur quotidien, ne seront pas mieux défendus au plus près de l’entreprise, sur le fondement d’accords majoritaires négociés avec leurs représentants syndicaux ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Vous ne croyez même pas à ce que vous dites ! Le XIXe siècle, c’est fini !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Pourquoi taire toutes les avancées en direction des salariés contenues dans ce projet de loi ?
Mme Myriam El Khomri, ministre. Elles sont nombreuses : lutte contre les fraudes au détachement – je participais hier, avec le Premier ministre, à la Commission nationale de lutte contre le travail illégal –, amélioration du compte personnel d’activité, reconnaissance d’un droit à la déconnexion, modernisation de la médecine du travail !
Nous avons donc un véritable désaccord de fond, monsieur Watrin. Mais la droite sénatoriale a elle aussi déposé, en commission, des amendements au projet de loi.
L’une des mesures phares proposées concerne la durée légale hebdomadaire du travail : celle-ci pourrait, par accord d’entreprise, être portée à 40, 41, 42 heures ! À défaut d’accord, elle serait fixée à 39 heures.
Certes, monsieur Watrin, comme je l’ai dit, nous avons un désaccord de fond s’agissant de la négociation collective. Je crois cependant que nous saurons nous mettre d’accord pour combattre les propositions qui émanent de la droite de cet hémicycle. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains ainsi que sur les travées du groupe CRC. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
Vous n’avez pas le monopole de la protection des salariés, et ce projet de loi est un outil pour moderniser notre modèle social ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour la réplique.
M. Dominique Watrin. Madame la ministre, la réalité est que ce texte n’a pas été négocié : il est imposé autoritairement sur demande du patronat et de Bruxelles.
Le débat au Sénat – nous le mènerons ! – soulignera d’ailleurs votre connivence avec la droite sur l’article 2. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous avons bien lu votre projet de loi, et s’il y a blocage aujourd’hui, c’est de votre fait !
Ne croyez pas, madame la ministre, que les salariés qui sont dans la rue n’ont pas lu votre texte ou n’y ont rien compris ! Nous vous démontrerons, à travers plusieurs centaines d’amendements, que votre projet de loi, en prônant l’inversion de la hiérarchie des normes, constitue un retour en arrière. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Dominique Watrin. Saisissez les perches qui vous sont tendues ! Engagez enfin une vraie négociation ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
l'école rurale et de montagne
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Alain Duran. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Madame la ministre, le Président la République a fait de l’éducation nationale l’une des priorités essentielles de son quinquennat. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Didier Guillaume. Et c’est réussi !
M. Alain Duran. Le précédent quinquennat avait abouti à des situations très tendues en termes de ressources humaines, à la suite de l’application mécanique et abrupte de la RGPP, la révision générale des politiques publiques. Celle-ci s’était soldée par 80 000 suppressions de postes au sein de l’éducation nationale et avait eu des conséquences préjudiciables dans toutes les académies, en particulier dans celles qui sont situées en milieu rural et en montagne. Dans ces zones, les fermetures de classes et pis, les fermetures d’écoles, sont assurément vécues plus douloureusement qu’ailleurs.
La démarche conventionnelle inaugurée en 2014 dans le Cantal se traduit par une véritable concertation entre les élus locaux et l’éducation nationale : cette dernière accompagne les territoires ruraux fragilisés par la baisse démographique en offrant des moyens supplémentaires en personnels enseignants aux collectivités dont les élus s’engagent à conduire, à l’échelon local, une réflexion sur le réaménagement des réseaux d’écoles.
L’objet de ces conventions est de construire une école rurale de qualité et de proximité, émancipée de la menace comptable liée de façon récurrente aux évolutions démographiques. Il s’agit de maintenir un climat de travail serein et constructif entre les élus et les autorités académiques, au profit de la communauté éducative locale.
Ce dispositif est conforme à l’esprit de la loi pour la refondation de l’école de la République, dont l’adoption a permis la création de 60 000 nouveaux postes dans l’éducation nationale, dont 14 000 dans le seul premier degré. Plus d’une vingtaine de départements sont aujourd’hui engagés dans cette démarche conventionnelle : le dispositif est donc désormais prêt à être généralisé. À cette fin, 120 postes supplémentaires seront attribués aux communes rurales et de montagne dès la rentrée scolaire prochaine.
Le 20 mai dernier, à l’occasion du comité interministériel aux ruralités organisé en Ardèche, je vous ai officiellement remis, madame la ministre, mon rapport dressant un bilan d’étape des conventions ruralité et formulant une douzaine de recommandations pour le déploiement et la bonne application de ces dernières. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, le temps de parole imparti à l’orateur étant expiré.)
Quelle suite entendez-vous donner à ce rapport, et comment continuerez-vous à soutenir les écoles de nos territoires ruraux et de montagne ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur quelques travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur Alain Duran, vous rappelez, dans cet excellent rapport que vous nous avez en effet remis récemment, une réalité que je veux énoncer de nouveau dans cet hémicycle. (Exclamations narquoises sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans la vingtaine des départements les plus ruraux de notre pays, le nombre d’élèves, entre 2011 et 2014, a diminué d’environ 10 000. Comme vous le faites justement remarquer, une baisse de 25 000 élèves sur l’ensemble du territoire national est à attendre à l’horizon 2018.
Dans ce contexte, la carte scolaire suscite chaque année de vives inquiétudes chez les élus locaux des territoires ruraux concernés : avec le retrait de postes, la fermeture de classes, voire d’écoles, c’est le cycle infernal du dépérissement qui voit le jour, et que les élus craignent.
Je suis très sensible à ce sujet. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) J’ai donc voulu que nous nous y attaquions véritablement, par deux moyens.
Le premier moyen est la réforme de l’allocation des aides attribuées aux établissements scolaires qui, depuis un an et demi maintenant, sont affectées aussi en fonction des spécificités territoriales et des difficultés sociales. Cette mesure concerne les territoires ruraux et leur permet d’avoir plus de crédits.
Le second moyen, ce sont les conventions ruralité, dont vous venez d’expliquer le principe, monsieur le sénateur. Elles nous permettent, en liaison avec les départements ruraux volontaires, d’accorder trois ans pour préparer l’avenir et réaménager si besoin l’organisation scolaire. Plutôt que de mettre au pied du mur les élus d’une rentrée scolaire à l’autre, en leur disant « on ferme votre école », nous préférons avoir trois ans devant nous afin de neutraliser l’effet que la baisse démographique aurait dû avoir sur les postes, pour tout ou partie.
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous avez décidé d’examiner comment les conventions ruralité se mettaient en place sur le territoire et vous avez remis au Premier ministre, lors du dernier comité interministériel aux ruralités, un certain nombre de recommandations.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous souhaitez notamment que ces conventions soient désormais construites dans un cadre qui soit interministériel et pérenne, pour tous les départements ruraux concernés. Vous pouvez compter sur nous pour mettre en œuvre vos recommandations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
projet de loi de modernisation de la justice du xxie siècle
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour le groupe de l'UDI-UC.
M. Yves Détraigne. L’article 45 de la Constitution prévoit, pour l’examen d’un projet de loi, deux lectures dans chaque chambre, la procédure accélérée étant une exception...
Pour ce qui concerne le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, le Gouvernement refuse qu’il y ait deux lectures dans chaque assemblée, alors que, depuis la première lecture qui a eu lieu au Sénat au mois de novembre 2015, l’Assemblée nationale a ajouté cinquante-cinq articles, dont trente-sept d’origine gouvernementale, à un texte qui en comptait initialement cinquante-quatre.
Certaines des nouvelles dispositions vont modifier considérablement notre organisation judiciaire en bouleversant des pans entiers de notre droit civil ou pénal : divorce par consentement mutuel sans juge, suppression du juge d’instruction quand il n’y a pas de pôle d’instruction, mesures contre la conduite sans permis et sans assurance, changement d’état civil pour les transgenres, etc.
Comment peut-on admettre que le Sénat ne puisse pas discuter de mesures nouvelles aussi importantes et doive accepter de voir figurer dans une loi touchant à la justice – élément majeur de régulation de notre société – 50 % de dispositions dont il n’aura pas débattu ?
Il n’est pas acceptable que les sénateurs découvrent autant de mesures nouvelles sur des sujets aussi sensibles en commission mixte paritaire. Nous avons vraiment le sentiment que le Gouvernement fait bien peu de cas de l’avis du Sénat
Monsieur Premier ministre, monsieur le garde des sceaux, comptez-vous entendre notre demande et revenir sur cette décision, afin de permettre une deuxième lecture devant la Haute Assemblée, et témoigner ainsi de votre attachement au bicamérisme et à l’ensemble de la représentation parlementaire ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, le processus législatif se joue à trois : Assemblée nationale, Sénat et Gouvernement. Chacun exerce naturellement la plénitude de ses prérogatives. Le Gouvernement a déposé le projet de loi que vous avez évoqué le 31 juillet sur le bureau du Sénat. Il a choisi de saisir d’abord le Sénat de l’examen de ce texte : c’est une marque de considération à l’égard de votre assemblée. Ce projet de loi, vous l’avez souligné, comptait initialement cinquante-quatre articles.
Sous votre responsabilité, monsieur le sénateur, la commission des lois du Sénat a adopté un grand nombre d’amendements visant à confier des compétences nouvelles en matière d’organisation judiciaire. Vous avez introduit des articles nouveaux. Le texte est ainsi passé de cinquante-quatre à soixante-trois articles. Le Sénat, au cours de son travail légitime, a abrogé de nombreuses dispositions du Gouvernement et a inscrit dans le texte des mesures nouvelles. Je pense, par exemple, à la mutualisation des greffes, qui a immédiatement suscité l’opposition unanime de tous les syndicats dans les juridictions.
La commission des lois du Sénat a même été jusqu’à conserver – et je l’en remercie – le titre initial du projet de loi, à savoir « Projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle ». Cependant, je le rappelle, après le vote de la Haute Assemblée, le texte s’intitulait : « Projet de loi relatif à l’action de groupe et à l’organisation judiciaire ». C’est donc très naturellement que, le 6 octobre dernier, la commission des lois de l’Assemblée nationale, sous la responsabilité de ses deux rapporteurs, Jean-Yves Le Bouillonnec et Jean-Michel Clément, a examiné de nouveaux amendements et a prévu un accroissement des compétences.
Je reconnais sans aucune difficulté que le Gouvernement a apporté sa contribution au processus. Effectivement, le projet de loi comporte aujourd'hui un peu plus de cent articles. Nous avons donc deux textes : un texte voté par le Sénat, très différent de celui qu’avait déposé le Gouvernement, et un texte voté par l’Assemblée nationale, très différent de celui du Sénat.
Il me paraît légitime, puisque les deux textes ont été adoptés à une très large majorité dans chaque assemblée, qu’une commission mixte paritaire se réunisse maintenant. Cela permettra aux sénateurs et aux députés de discuter de nouveau du texte, avant une éventuelle nouvelle lecture. Bref, le processus législatif suit très normalement son cours, monsieur le sénateur. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
politique fiscale
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Fabienne Keller. La Cour des comptes a publié ce mercredi son analyse du déficit 2015. Celui-ci a connu une amélioration de 300 millions d’euros et non de 3,9 milliards d’euros, comme cela était annoncé par le Gouvernement, soit une amélioration dix fois plus faible qu’affichée ! Dans le même temps, les annonces pleuvent depuis le début de l’année ! (Très bien ! sur les mêmes travées.)
Augmentation des indices des trois fonctions publiques, baisse d’impôts des ménages, Garantie jeunes : le financement de toutes ces mesures n’est pas documenté ; ou s’il l’est, il est repoussé en 2020. Quels financements proposez-vous, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, face à ces annonces déjà faites et aux promesses qui animeront, à n’en pas douter, les prochains jours et les prochains mois ? (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Mesdames, messieurs les sénateurs, deux impératifs s’imposent à un gouvernement, particulièrement en ce moment.
Le premier est de réduire la dépense publique et les déficits. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un sénateur Les Républicains. C’est raté !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nonobstant vos critiques, cela a été fait !
Certes, on peut toujours changer de thermomètre, et il ne m’appartient pas de porter un jugement sur les travaux de la Cour des comptes. Néanmoins, en 2015, le déficit public a été assez largement inférieur à ce qui était prévu. Nous avons tenu nos objectifs.
Le second impératif, madame Keller, comme vous l’avez évoqué, est de pouvoir être réactif, afin de répondre à toutes les situations. C’est ce que ce gouvernement, qui maîtrise la dépense publique (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), sait parfaitement faire !
Vous parliez de dépenses nouvelles, madame la sénatrice : à quelles dépenses souhaitez-vous renoncer ?
Quand le Gouvernement allège les cotisations sociales des agriculteurs de près de 900 millions d’euros, en êtes-vous d’accord ou voulez-vous revenir en arrière ?
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Lorsque nous prolongeons pour les entreprises la mesure de suramortissement pour 500 millions d’euros, ce que vous avez réclamé, faut-il le faire ou y renoncer, selon vous ?
M. François Grosdidier. Vous vivez à crédit !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Lorsque, dans le domaine de la sécurité, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de nos frontières, nous prévoyons des moyens supplémentaires en faveur de la police, de la gendarmerie et de la défense, souhaitez-vous revenir en arrière ?
M. Didier Guillaume. Voilà !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Faut-il renoncer à la prime à l’embauche qui a été créée par ce gouvernement, et aussi revenir en arrière ?
Considérez-vous que, si nous tenons compte d’un certain nombre de points pour favoriser l’investissement dans les collectivités territoriales, c’est un cadeau ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. François Grosdidier. Vous payez à crédit !
Un sénateur Les Républicains. Petit papa Noël !
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour la réplique.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le secrétaire d’État, je regrette que vous n’ayez apporté aucun élément de réponse sur les économies ou sur les modes de financement des différentes mesures. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mes collègues, vous les avez entendus, pensent que, avec autant de cadeaux, c’est un peu Noël avant l’heure ! Cependant, les Français ne sont pas dupes. Ils savent bien que Noël c’est dans sept mois, et les élections présidentielles dans douze mois ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez brutalement retrouvé votre carnet de chèques. L’ennui, c’est que vous signez des chèques…
Plusieurs sénateurs Les Républicains. En bois !
Mme Fabienne Keller. … sans provision !
Face à cette politique de promesses du Gouvernement, la Commission européenne comme la Cour des comptes nous rappellent à la dure réalité, à savoir la malheureuse exception française : une économie qui ne crée pas d’emplois et un déficit budgétaire non maîtrisé !
Chers collègues, il est grand temps de proposer aux Français une politique responsable, avec des axes stratégiques volontaires, et financée par un budget vertueux ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
logements sociaux
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe du RDSE.
M. Michel Amiel. Ma question s'adresse à Mme la ministre du logement et de l'habitat durable. Elle concerne le mode de décompte des logements sociaux au titre de l’article 55 de la loi SRU, au moment où des villes – notamment celle dont je suis le maire – signent des contrats de mixité sociale.
À ce jour, ne sont considérés comme des logements locatifs sociaux entrant dans le décompte des 25 % visés à l’article précité que les logements HLM proprement dits, les autres logements faisant l’objet d’un conventionnement APL et les logements ou les lits dans des foyers-logements.
La plupart des logements sociaux pris en compte pour juger de la conformité des communes à une politique de mixité en matière de logement sont des logements locatifs.
Pourtant, la volonté de l’État et des communes soucieuses de leurs administrés est de développer l’accession à la propriété des ménages les plus modestes. Ainsi, les organismes sociaux ont la possibilité de vendre leurs biens, ce qui favorise la mixité sociale.
Les logements HLM vendus à leurs occupants ayant bénéficié du prêt social de location-accession, prêt qui s’adresse à des ménages disposant de ressources modestes, sont décomptés dans les 25 %, mais seulement pour une période de cinq ans. Il en découle que les logements vendus ne relèvent plus, au terme de cette durée de cinq ans, du champ du logement social.
Madame la ministre, pensez-vous prendre des mesures afin de ne pas opposer la politique du logement d’accès social à la propriété à celle de mixité sociale dans le cadre locatif ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement.
Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable. Monsieur Amiel, vous m’interrogez sur la possibilité que des logements du parc social vendus à leurs occupants figurent au titre du décompte de la loi SRU. C’est un débat qui n’est pas nouveau. Je pense que vous connaissez d’ores et déjà ma réponse : une telle faculté n’est pas envisageable. En effet, les logements ouverts à la propriété ne peuvent entrer dans le décompte des logements locatifs.
Je tiens à apporter néanmoins quelques précisions, y compris sur vos efforts en tant que maire. Votre commune comptait 3 % de logements sociaux en 2002. Elle en compte aujourd'hui 6,58 %. Surtout – j’espère que l’ensemble des maires présents dans cette enceinte seront attentifs à ce point –, elle a signé un contrat de mixité sociale avec le préfet pour engager la construction de 700 logements, dont la moitié de logements locatifs sociaux.
Répondre aux besoins des demandeurs de logements sociaux – ils sont plus de 2 millions – est aujourd'hui un impératif national. Il est important de disposer de tels logements sur l’ensemble du territoire. Dans votre commune, dans la métropole d’Aix-Marseille-Provence, mais aussi dans l’ensemble des communes urbaines et rurales, il est essentiel de pouvoir satisfaire les besoins en termes de logement de l’ensemble des ménages.
C’est notamment pour cette raison que le projet de loi égalité et citoyenneté, dont nous discuterons prochainement, prévoit de renforcer les pouvoirs de l’État en matière d’application de la loi SRU. Nous continuerons l’incitation en travaillant avec les maires de communes comme la vôtre pour construire plus et mieux.
C’est aussi pour cette raison que nous avons assuré le financement du logement social avec la création du Fonds national des aides à la pierre. Ainsi, nous poursuivrons l’objectif de répondre au besoin de logement sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour la réplique.
M. Michel Amiel. Je vous remercie de vos encouragements pour ma commune, madame la ministre, mais j’avoue être quelque peu déçu de votre réponse.
L’accession sociale à la propriété fait ou devrait faire intégralement partie des contrats de mixité sociale, comme son nom l’indique, et ce n’est pas moi qui ai inventé l’expression ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
prochaine conférence sur le handicap
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Dominique Gillot. Ma question s'adresse à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
Le 19 mai dernier, une conférence nationale du handicap s’est tenue à l’Élysée.
Cette conférence a donné la parole aux personnes concernées, invitées à témoigner des avancées réelles et des difficultés qui restent à surmonter, pour atteindre la promesse républicaine d’une société véritablement inclusive, une société qui se préoccupe de l’aspiration des personnes handicapées, à la plus grande autonomie possible avec un accompagnement adapté, respectueux de leurs aptitudes, de leurs compétences et de leur projet de vie personnel.
Depuis des décennies, les associations représentatives des familles, des personnes avec handicap luttent pour cette reconnaissance.
De nombreuses étapes jalonnent ce parcours vers une société inclusive où le handicap serait considéré non plus comme un poids excluant, mais comme une singularité susceptible d’enrichir le collectif.
Cette mutation progressive engagée par la loi de 2005 se concrétise depuis 2012 par l’engagement présidentiel que toute politique de portée générale intègre désormais la vie et la situation des personnes handicapées.
C’est une évolution conceptuelle qui change le rapport des individus avec les systèmes, qui sont des systèmes destinés à les accompagner et pas à les mettre à part !
À l’issue des quatre tables rondes, le Président de la République a pris la parole, convoquant tous les secteurs ministériels à la mise en œuvre de la conception universelle de l’accessibilité, avec ajustement de moyens et dispositifs nouveaux, attendus par les acteurs du handicap.
Mais, comme il a commencé son intervention par des mots graves relatifs au crash de l’avion d’EgyptAir, trois secondes après qu’il eut prononcé le mot « handicap », les médias n’ont plus parlé que de la catastrophe aérienne. Triste réflexe, qui traduit les hiérarchies médiatiques, traitant le handicap comme un sujet austère, compassionnel ou revendicatif, alors que plus de 10 millions de personnes sont concernées chaque jour, de près ou de loin, par ce sujet.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous, devant la représentation nationale, revenir sur les principaux engagements du Président de la République en clôture de cette conférence nationale du handicap ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, je vous remercie tout d’abord de votre question. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Par ailleurs, je vous félicite pour votre engagement dans la politique du handicap en tant que présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Cela étant, le fil conducteur de la politique du Gouvernement en matière de handicap a été fixé par le Président de la République, qui a voulu l’émancipation et la liberté de choix pour les personnes handicapées comme pour l’ensemble des citoyens. Le principe est tout simple.
Dans ce cadre, l’ensemble des enfants en situation de handicap doivent pouvoir aller à l’école grâce aux accompagnements nécessaires. Voilà pourquoi la ministre de l’éducation nationale et moi-même avons décidé de pérenniser tous les contrats d’auxiliaire de vie scolaire, pour enfin reconnaître l’importance de la mission de ces personnels. Dorénavant, au sein de l’école de la République, ces contrats seront non plus précaires, mais pérennes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Voilà aussi pourquoi nous souhaitons privilégier l’accompagnement dans l’emploi à travers une mesure qui fait partie intégrante du projet de loi de Myriam El Khomri.
Emmanuelle Cosse et moi-même avons également voulu privilégier le « logement accompagné », notamment les maisons-relais.
Pour toutes ces mesures, le Président de la République a annoncé un plan pluriannuel de 240 millions d’euros, afin de favoriser l’accompagnement adapté aux besoins de chacun.
M. François Grosdidier. À crédit !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Au sein de ce plan pluriannuel, la Haute Assemblée ne manquera pas d’être sensible à une mesure en particulier, je veux parler de l’aide complémentaire de 23 millions d’euros en faveur des maisons départementales des personnes handicapées qui peuvent rencontrer des difficultés au cours de leurs missions.
Un sénateur du groupe Les Républicains. Il n’y a pas de sous !
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Cette aide complémentaire sera destinée notamment à moderniser le système d’information de ces structures. Je sais que le Sénat est particulièrement sensible à cette question.
Vous le constatez, madame la sénatrice, le Gouvernement est déterminé à aller vers une société plus inclusive. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
intempéries
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour le groupe Les Républicains.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et j’y associe mon collègue Henri de Raincourt, ainsi que mes collègues des régions touchées par les intempéries.
Monsieur le Premier Ministre, il s’appelait Matthieu, avait trois ans, et son petit corps sans vie a été retrouvé après les fortes inondations qui ont touché Saint-Martin-d’Ordon, comme de nombreuses autres communes de l’Yonne…
Il s’appelle Pascal, est viticulteur à Saint-Bris-le-Vineux et dix-neuf de ses vingt hectares ont été totalement détruits par le violent épisode de grêle qui, en quinze minutes, a ravagé vendredi les vignobles de l’Auxerrois, du Chablisien, mais je le sais aussi ailleurs en France, à Cognac ou dans le Sud-Ouest.
Il s’appelle Florian, est agriculteur dans le Tonnerrois. Il a vu 150 hectares de ses cultures hachés menu par cette même grêle.
Ce sont trois des visages de la douleur qui touche l’Yonne, et, au-delà, de nombreux départements. Je pense à l’ouest de la France, ou encore à Paris, qui a aussi été frappée.
Je tiens à saluer l’action sans répit des personnels de secours, pompiers, ambulanciers, gendarmes, et bien sûr des maires et élus locaux placés en première ligne pour faire face à ce déluge.
De tels événements climatiques exceptionnels ont déjà frappé à plusieurs reprises la Bourgogne : épisodes de gel au mois d’avril, grêle à deux reprises maintenant !
À situation exceptionnelle, réponses exceptionnelles. Les pouvoirs publics, vous, nous, tous, nous devons être en mesure de mettre en place des actions pour traduire concrètement la solidarité nationale, au-delà du soutien moral que, je le sais, tous les membres de l’hémicycle, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, apportent aux victimes.
Face aux difficultés financières auxquelles sont confrontées les exploitations agricoles et viticoles, des mesures de soutien doivent être mises en œuvre pour assurer la pérennité des entreprises et des emplois. Pour certains, il faudra tenir deux ans...
Pouvez-vous nous dire, monsieur le Premier ministre, si le classement en catastrophe naturelle se fera dans les meilleurs délais ?
Quelles mesures d’exonération de cotisations sociales et d’étalement de l’imposition sur les revenus, voire de taxes foncières, pourront être mises en place ?
Il faut également travailler à l’instauration d’une provision pour perte de récolte et à la mise en place d’aides à la reconstitution des stocks permettant la mise en bouteille du volume complémentaire individuel. Il faut aussi amplifier la déduction pour aléas, la DPA.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement est déterminé à prendre toutes les mesures d’urgence qui s’imposent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je souhaite m’associer à vos propos et dire la compassion et la solidarité du Gouvernement à l’égard des victimes de catastrophe naturelle.
En préambule, je vous prie d’excuser l’absence de Bernard Cazeneuve, qui est actuellement retenu à l’Assemblée nationale.
Je souhaite également féliciter les 3 500 sapeurs-pompiers engagés la nuit dernière et ce matin dans 5 000 interventions, pour porter secours aux habitants touchés par les fortes intempéries qui traversent la France. (Applaudissements.)
Leurs actions ont notamment permis de venir en aide à des personnes surprises par la montée des eaux constatée dans plusieurs départements, en particulier dans l’Yonne, mais aussi dans le Loiret, dans les Yvelines, dans le Nord, dans le Pas-de-Calais et en Moselle.
Policiers, gendarmes et personnels des préfectures sont aussi mobilisés dans la gestion de ces intempéries, aux côtés des élus locaux à qui je veux également rendre hommage pour leur dévouement.
La situation est suivie de très près grâce aux remontées d’information des préfectures, dont six d’entre elles ont activé leur centre opérationnel départemental. Les effectifs du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, le COGIC, ont été renforcés pour assurer le suivi de cette crise, ainsi que la veille des réseaux sociaux.
Fort heureusement, la situation semble pour l’instant stabilisée. Même si de nombreuses routes et voies ferroviaires ont été coupées, tout est mis en œuvre par les services de l’État et des collectivités pour rétablir les voies de communication.
Un sénateur du groupe Les Républicains. La réponse !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. Compte tenu des fortes précipitations encore annoncées, nous appelons chacun à la plus grande prudence au cours des prochaines heures, et au respect scrupuleux des consignes de sécurité diffusées par les autorités préfectorales.
Quant à l’état de catastrophe naturelle, au soutien et aux exonérations, tout cela sera bien sûr mis en œuvre conformément aux procédures que vous connaissez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
dotations aux collectivités territoriales
M. le président. La parole est à M. Patrick Masclet, pour le groupe Les Républicains.
M. Patrick Masclet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
Depuis 2014 et pour la première fois sous la Ve République, les dotations aux collectivités locales baissent d’une façon drastique.
Un sénateur du groupe Les Républicains. C’est vrai !
M. Patrick Masclet. Pourtant, la promesse 54 du candidat Hollande en 2012 était de « maintenir pour la durée du quinquennat le montant des dotations à leur niveau actuel ». (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Depuis 2012, la baisse des dotations, arbitrairement imposée par le Gouvernement, représente un manque à gagner de 28 milliards d’euros pour les collectivités locales.
À cela s’ajoutent la coûteuse réforme des rythmes scolaires, les mesures salariales de la fonction publique, le poids des normes... La liste est longue !
Les dotations correspondent à un transfert de compétences de l’État vers les collectivités, auxquelles vous demandez de faire des efforts à votre place.
Ces baisses seraient censées sanctionner le laxisme budgétaire des collectivités locales. Or 80 % des 2 000 milliards d’euros de la dette publique sont de la responsabilité de l’État, 10 % seulement de celle des collectivités. Par je ne sais quel tour de passe-passe, le secrétaire d’État chargé du budget a même annoncé, fin mars, que les comptes des collectivités locales seraient dans le vert.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si, à l’heure de la distribution des cadeaux préélectoraux, le Gouvernement va stopper la saignée de la baisse des dotations et compenser les mesures qu’il impose unilatéralement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, avez-vous souvenir d’un Premier ministre qui affirmait que la France était en faillite ? C’était celui que votre majorité soutenait à l’époque.
M. Henri de Raincourt. Et alors ?
M. Jean-Michel Baylet, ministre. De fait, pour une fois, il avait raison !
Dès notre arrivée aux affaires en 2012, nous avons, avec beaucoup de courage, entrepris de redresser les comptes publics. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Grosdidier. C’est sûr, ça va mieux maintenant !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. La dette a augmenté de 700 milliards d’euros sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Avec beaucoup de courage donc, nous avons instauré un pacte de stabilité de 50 milliards d’euros sur trois ans pour redresser les comptes publics. Nous en sommes à la troisième année. Bien naturellement, les collectivités ont été appelées à participer à cet effort. Elles l’ont fait d’ailleurs avec beaucoup de responsabilité et de courage, et en ont parfois profité pour mettre de l’ordre dans certaines dépenses de fonctionnement. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Aujourd'hui, les collectivités les plus fragiles sont préservées grâce au renforcement de la péréquation. La péréquation verticale a bénéficié de 297 millions d’euros. La péréquation horizontale a été renforcée avec le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.
Naturellement, j’entends les élus, je les rencontre ; le congrès des maires a commencé, et je connais les difficultés auxquelles sont confrontés ces derniers.
Monsieur le sénateur, jeudi prochain, le Président de la République s’exprimera devant les élus et vous fera part de sa compréhension des problèmes des collectivités, ainsi que de sa solidarité envers les élus ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. François Grosdidier. Et il tiendra ses promesses ?
M. le président. La parole est à M. Patrick Masclet, pour la réplique.
M. Patrick Masclet. Monsieur le ministre, votre réponse ne permettra ni de rassurer les maires ni de calmer leur colère. Je ne suis pas du tout certain que la technique des coups de bâton sur la tête – chacun dans cet hémicycle sait que ça fait mal – finira par faire du bien le jour où elle cessera !
Monsieur le Premier ministre, dans la vraie vie des collectivités locales, je peux vous l’assurer, ça ne va pas mieux ; au contraire, ça va beaucoup plus mal ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
investissements dans la santé
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Yves Roux. Il y a quelques jours, le 20 mai, à Privas, le Premier ministre a mobilisé le Gouvernement autour d’un comité interministériel aux ruralités. Après Vesoul en mars 2015, puis Laon en novembre dernier, il s’agit du troisième comité en un an. Preuve s’il en est, de la constance et de l’importance de l’engagement de l’État pour faire vivre, selon les termes utilisés par le Président de la République à Vesoul, « la reconnaissance et la confiance [qu’il] porte dans tous les territoires de la République ».
Il est vrai que la lutte contre le chômage, l’engagement pour l’égalité, la lutte contre le réchauffement climatique s’appuient sur tous les citoyens, et donc sur tous les territoires. À ce titre, ne l’oublions pas, les ruralités sont autant de possibilités de mutualisation, d’innovations, d’expérimentations qui, sans nul doute, font grandir la France.
Au cours de cette rencontre de Privas, vous avez annoncé trente-sept mesures complémentaires pour irriguer les services publics, accélérer l’accès à la téléphonie mobile comme au numérique, renforcer l’école de la République et surtout améliorer l’accès à l’offre de soins en milieu rural.
Concernant celle-ci, il faut le rappeler, 27 millions de citoyens vivant à la campagne ne bénéficient pas encore de la même offre de soins. Je me félicite que le Gouvernement en ait pris pleinement la mesure. Faire vivre la ruralité passe en effet nécessairement par un engagement en faveur de la santé de proximité pour tous.
Chacun d’entre nous sait que la présence ou non d’un médecin de premier recours conditionne la vitalité et l’attractivité d’une commune, d’un village.
Chacun d’entre nous sait aussi à quel point il est nécessaire de recourir à tous les leviers possibles pour garantir la réalité d’un grand service public de santé de proximité.
Dans ce contexte, pourriez-vous dresser un premier bilan des mesures prises lors des deux précédents comités interministériels et nous indiquer comment se concrétisera dans un avenir proche l’engagement de l’État en faveur de l’égalité des territoires, en particulier pour garantir ce droit fondamental qu’est l’égalité d’accès aux soins ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie d’abord d’excuser l’absence de la ministre de la santé, Marisol Touraine, qui est en déplacement à l’étranger.
Vous interrogez le Gouvernement sur l’accès aux soins et l’offre de soins dans les territoires ruraux, une question, on le sait, extrêmement préoccupante.
Le nombre de médecins en France est le même que dans l’ensemble des pays de l’OCDE. Il n’y a pas de pénurie de médecins. Le problème tient simplement à la répartition des professionnels sur l’ensemble du territoire.
C'est la raison pour laquelle la ministre de la santé a engagé dès le début du quinquennat ce qu’elle a appelé le « pacte territoire-santé », comprenant un certain nombre de mesures pour agir en amont et permettre l’installation de professionnels de santé dans les territoires désertés.
Les mesures prévues dans ce pacte ont fait la preuve de leur efficacité. C’est la raison pour laquelle un deuxième volet a été ajouté, et de nouvelles mesures ont été adoptées lors du comité interministériel aux ruralités qui s’est tenu récemment.
S’agissant de l’implantation des jeunes médecins dans les territoires fragiles, le contrat d’engagement de service public permet d’accorder une bourse en contrepartie d’un engagement d’installation dans un territoire manquant de professionnels. L’objectif pour 2017 est déjà dépassé : plus de 1 750 jeunes se sont engagés dans le dispositif. La nouvelle cible est de 2 100 contrats signés en 2017 et de 2 550 en 2018.
Pour ce qui concerne les maisons de santé pluriprofessionnelles, celles-ci étaient au nombre de 174 en 2012. Actuellement, 800 sont en activité ; il y aura 1 200 à la fin de 2017 et 1 400 en 2018.
Quant au numerus clausus, vous avez compris qu’il faut le relever non pas de façon globale, mais dans les régions qui manquent de médecins. Il est donc augmenté de 6 % dans ces régions.
Toutes ces mesures constituent un ensemble permettant un meilleur accès aux soins pour tous nos concitoyens. Tout cela demande de la constance, de la persévérance, de la détermination. N’en doutez pas, nous en avons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 9 juin 2016 et qu’elles seront retransmises sur France 3 et Public Sénat, ainsi que sur le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Lutte contre la fraude sociale
Suite de la discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale.
Demande de retrait de l’ordre du jour de la proposition de loi
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je maintiens le rappel au règlement que j’ai fait lors de la discussion générale. Je considère qu’il y a eu une mise en cause personnelle, et je demanderai donc au président du Sénat de faire le nécessaire.
Par ailleurs, comme l’article 1er de la présente proposition de loi n’a pas été adopté par la Haute Assemblée, je sollicite, madame la présidente, le retrait de cette proposition de loi de l’ordre du jour.
Je regrette que notre discussion ait été marquée davantage par l’idéologie que par le pragmatisme. J’observe que cette méthode est souvent utilisée dans notre pays, et c'est d’ailleurs le cas actuellement à propos d’un certain projet de loi…
Il n’est pas question ni pour Éric Doligé, Mme la rapporteur ou moi-même ni pour les membres de notre groupe de stigmatiser à aucun moment les allocataires du RSA. Au contraire, nous voulons permettre aux payeurs, c'est-à-dire les départements, de verser cette prestation aux vrais allocataires, et uniquement à ceux-ci.
Cela a été indiqué précédemment, les fraudes sociales représentent 160 millions d’euros. Par rapport aux quelques milliards d’euros de fraude fiscale, cette somme peut paraître mineure, mais, comme je l’ai déjà dit, ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières.
Par ailleurs, je veux rappeler que les fraudes fiscales concernent l’État, alors que les fraudes sociales touchent les départements. Que chacun fasse son travail !
La mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, présidée par Jean-Noël Cardoux, étudie actuellement les fraudes fiscales et sociales et va rendre un rapport qui sera extrêmement passionnant.
Pour terminer, je voudrais paraphraser, mais avec force, une phrase célèbre : personne dans cet hémicycle n’a le monopole du cœur !
Mme Catherine Troendlé. Absolument !
M. Éric Doligé. Tout à fait !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Notre volonté était de permettre aux attributaires du RSA de bénéficier pleinement de cette allocation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je suis saisie, par le président de la commission, d’une demande de retrait de l’ordre du jour de la proposition de loi visant à améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale.
Y a-t-il des demandes de parole sur cette demande de retrait de l’ordre du jour ?
M. Éric Doligé. Je demande la parole, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Je tiens d’abord à remercier le président de la commission qui a dit, et en des termes excellents, le fond de notre pensée sur ce sujet.
Chers collègues de l’opposition, j’ai un très grand respect pour les personnes en difficulté ; personne dans cette enceinte ne pourra démontrer le contraire. Jamais je ne me serais permis d’employer des termes désobligeants comme « sans-dents ». Jamais ! D’ailleurs, je ne sais pas ce que vous auriez dit si j’avais osé utiliser une telle formule…
Madame la secrétaire d'État, puisque vous êtes chargée des personnes handicapées, je me permets de vous rappeler que j’avais demandé en 2012 un report de quelques années de l’application de la loi de 2005. Il était en effet évident que celle-ci serait impossible à appliquer, pour des raisons financières et administratives. Je me suis alors fait vilipender dans cet hémicycle : mes propos étaient scandaleux, honteux… Bref, les termes qui ont été employés aujourd’hui, je les ai entendus à l’époque. Comment pouvait-on oser s’attaquer à la problématique du handicap ?...
Quelques mois après, votre gouvernement est arrivé au pouvoir et a décidé du report de la loi pour des questions techniques, administratives et financières. Je sais bien que, avec vous, on a toujours tort d’avoir raison trop tôt ! Je suis persuadé que vous reviendrez un jour, sous une forme ou sous une autre, au texte que j’ai proposé aujourd'hui.
Vous avez les moyens d’utiliser dans une autre assemblée l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, et vous serez peut-être obligés d’y recourir en employant la force. Mais je suis convaincu que vous prendrez conscience que les sommes en jeu sont importantes. Le président Milon l’a rappelé, la fraude représente environ 160 millions d’euros. Les chercheurs se posent bien des questions quand on leur supprime la même somme ! Ce montant n’est pas négligeable, d’autant que, nous le savons, il est en réalité beaucoup plus élevé.
Je m’associe donc à la demande de retrait de la proposition de loi de notre ordre du jour. Mme la rapporteur, les membres de la commission, dont son président, et moi-même avons beaucoup travaillé et auditionné sur le sujet. Chacun a le droit d’avoir ses propres positions, mais j’avoue que je trouve insupportable et inadmissible d’entendre des propos d’une telle mauvaise foi. Nous avons le droit de parler de cette question sereinement. C'est vous qui avez stigmatisé un certain nombre de personnes en les traitant ainsi ! Je suis ravi que l’on ne continue pas la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean Louis Masson. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Pour une fois que nous discutions d’un texte intéressant, il est vraiment regrettable de nous arrêter en cours de route ! (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Certains auraient été pour, d’autres contre : cela aurait permis à nos concitoyens d’être confortés dans ce qu’ils pensent d’un certain nombre d’orientations politiques.
Dans une démocratie, il n’est pas bon de ne pas mener un débat jusqu’à son terme. On peut voter pour ou contre, mais esquiver le débat, le reporter, ce n’est pas satisfaisant !
Par ailleurs, nous vivons sous la dictature intellectuelle des « bien-pensants ». On n’a plus le droit de dire ce qu’on veut…
Mme Laurence Cohen. Là, vous le faites bien pourtant !
M. Jean Louis Masson. Certains même voudraient nous empêcher de dire ce que nous voulons au sein du Parlement ! Vouloir interdire, au nom de la démocratie, à des députés ou des sénateurs d’exprimer ce qu’ils pensent, c'est invraisemblable… Et je suis bien placé pour vous dire que ce n’est pas la première fois.
On peut ne pas être d’accord, mais empêcher les gens de s’exprimer à l’intérieur de l’hémicycle au nom de la démocratie, c’est une honte ! Les donneurs de leçons feraient mieux de rester chez eux ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Ce qui vient de se passer mérite quelques explications.
Je commencerai par remercier Éric Doligé, auteur de cette proposition de loi, et Corinne Imbert, qui a fait un travail de fond extraordinaire et très équilibré. Je tiens à lui adresser, au nom de mon groupe, tous nos remerciements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Cela étant, j’ai trouvé absolument inadmissible certains propos tenus en commission des affaires sociales qui visaient à assimiler ce travail parlementaire aux heures les plus sombres de notre histoire.
M. Daniel Chasseing. C'est vrai !
M. Bruno Retailleau. Par ailleurs, dans cet hémicycle, cet après-midi même, un de nos collègues s’est permis d’assimiler Mme la rapporteur, sous prétexte que son prénom rime avec Marine, à une personnalité politique bien connue. (Signes de dénégation sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Mes chers collègues de l’opposition, le compte rendu fera foi ! À ce propos, je remercie le président de la commission de son rappel au règlement.
Sur le fond, je considère que la majorité, soutenue par le Gouvernement, fait une triple erreur.
La première, c’est de considérer qu’il y a une bonne fraude et une mauvaise fraude, qu’il faut s’attaquer à la mauvaise et ignorer la bonne. La fraude est la fraude ! Quelles que soient les personnes concernées, elle rejaillit toujours sur l’immense majorité qui se comporte convenablement.
La deuxième, c'est l’absence d’exigence. En période de disette d’argent public, nous ne maintiendrons la soutenabilité de nos aides publiques que si nous avons une exigence, car celle-ci entraîne le respect. L’absence d’exigence conduit, à l’inverse, au manque de respect.
La troisième, c'est de ne pas penser, comme nous, que la République, la justice, l’égalité nécessitent d’équilibrer les devoirs et les droits, et ce pour l’ensemble de la population.
Pour conclure, je suis très heureux que notre collègue président de la MECSS puisse présenter un rapport qui était contesté par votre majorité. Il entendait mener une étude sur la fraude aux cotisations et aux prestations. Vous aviez cherché à rendre cette mission de contrôle hémiplégique en disant qu’elle devait porter sur la fraude aux cotisations, mais pas sur la fraude aux prestations.
C’est parce que notre philosophie – c’est peut-être ce qui nous distingue – nous pousse à équilibrer les droits et les devoirs que nous pensons qu’il faut traiter la fraude de la même façon, qu’elle touche les cotisations ou les prestations. C’est l’honneur du Sénat !
Mes chers collègues, nous nous targuons les uns et les autres dans cet hémicycle d’avoir, en général, des débats dignes, qui nous permettent de nous exprimer au-delà de nos arguments. Alors, de grâce, poursuivons ce qui est la belle tradition du Sénat. Ici, nous sommes capables de discuter de tout, d’absolument tout, surtout lorsque l’intérêt général est en cause ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Roche. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Comme j’ai entendu des propos assez durs, je voudrais apporter quelques explications.
D’abord, personnellement, je n’ai pas attaqué Éric Doligé ou Corinne Imbert. Nous avons travaillé ensemble, mais il m’a semblé que cette proposition de loi était inappropriée dans le contexte actuel. Elle part d’un problème financier que rencontrent les départements que nous connaissons très bien et contre lequel nous nous battons tous, et elle s’attaque à un symbole que chacun juge selon sa fibre et ses convictions personnelles.
Quand M. Masson dit qu’il n’y a pas de démocratie, c'est lui qui n’est pas démocrate ! Nous avons montré que nous étions en démocratie : un vote a eu lieu sur l’article 1er et nos collègues se sont exprimés. Certains mots étaient peut-être déplacés – je ne veux pas entrer dans ce conflit –, mais ils ne furent pas le fait du groupe centriste. Nous avons voté en conscience après en avoir discuté ce matin en réunion de groupe. Tout en respectant les auteurs de cette proposition de loi, nous avons estimé, au vu de nos convictions et de l’état actuel de la société, que ce texte relevait de la stigmatisation, ce qui nous gênait beaucoup, et que nous ne voulions pas avoir ce débat pour le moment.
Ce n’est pas un drame ! Ce n’est pas la première fois qu’une proposition de loi n’aboutit pas. Je ne comprends pas pourquoi la réaction est aussi violente. Nous n’en serions peut-être pas là si le groupe centriste avait été averti de ce texte. Alors que nous faisons partie de la majorité au Sénat, nous n’avons pas été associés à sa préparation.
M. Michel Vergoz. On va tout savoir !
M. Gérard Roche. Voilà ce que je tenais à dire pour rétablir les choses. On crie d’un côté, on crie de l’autre : être au centre, ce n’est pas être faible, c'est dire ce que l’on pense ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Laurence Cohen. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cette proposition de loi va être retirée de l’ordre du jour. Je m’en réjouis ! Le débat a bien montré, mes chers collègues, que ce texte était avant tout profondément injuste. Dans le contexte actuel, qui a été décrit, de chômage et de difficultés croissantes, stigmatiser une part de la population déjà fragilisée ne serait pas digne – en tout cas, pas à mes yeux – de la Haute Assemblée.
Il s’agit là d’un débat non pas de forme, mais de fond. Ce n’est tout de même pas nous qui avons inventé les différents articles ! Non seulement le texte conduit à une stigmatisation, mais en plus il prévoit un travail bénévole, la signature d’une charte, bref toujours plus !
Ces mesures paraissent très disproportionnées. Plusieurs de nos collègues de sensibilités diverses ayant exercé la responsabilité de président de conseil général – départemental aujourd’hui – ont expliqué que le processus d’attribution du RSA était extrêmement compliqué et qu’il fallait plutôt le simplifier. Bien souvent, les erreurs s’expliquent d’ailleurs par cette trop grande complexité. Mais rien dans cette proposition de loi ne simplifie les choses !
On nous dit, et j’en suis d’accord, qu’il faut être rigoureux, qu’il faut essayer de sanctionner les fraudeurs et les empêcher de poursuivre leurs agissements. C'est bien évident, et tout le monde l’admet dans cette enceinte. Le problème vient du fait qu’il n’y a rien dans ce texte sur les entreprises. On a l’impression qu’il y a deux mondes !
Je vous rappelle, mes chers collègues, que l’évasion fiscale représente 60 milliards à 80 milliards d’euros. La fraude des entreprises, elle, se compte également en milliards ! Pourtant, sur ce sujet, vous ne dites pas un mot et ne faites aucune proposition !
Nous avons su raison garder et j’espère que nous poursuivrons ce débat, mais dans un autre contexte.
Ayant entendu les propos d’un sénateur de la droite la plus extrême qui se montre toujours provocant et excessif, je me dis que, oui, c’est très bien que cette proposition de loi soit retirée de l’ordre du jour !
Mme Aline Archimbaud. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Je comprends tout à fait les préoccupations d’un certain nombre de présidents de conseil départemental compte tenu des difficultés financières qu’ils rencontrent aujourd'hui. Cela étant dit, je regrette que les auteurs de cette proposition de loi fassent un lien avec ces difficultés – elles constituent, je le reconnais, un problème –, car la solidarité nationale avec les plus pauvres de la Nation est une responsabilité régalienne. Une loi a été votée sur ces questions. Il appartient au Gouvernement et aux administrations publiques d’avancer sur ces sujets.
Par ailleurs, sans faire le procès de quiconque, je trouve que cette proposition de loi est complètement déséquilibrée. Alors qu’elle vise à lutter contre la fraude sociale, dont on a vu l’ampleur, son champ est limité à la seule fraude au RSA. Elle ne contient même pas une mesure de lutte contre le travail au noir et la fraude aux cotisations sociales. Dans le contexte actuel, alors que des vents mauvais de démagogie et de populisme soufflent sur notre pays, c’est donner du poids à ceux qui poussent à la division.
Nous avons tous entendu des salariés très modestes, gagnant juste le SMIC ou travaillant à temps partiel, dire des chômeurs, des personnes indemnisées, parfois de façon violente, que ces gens-là ne travaillent pas, qu’ils ne font rien. Si cette proposition de loi, centrée uniquement sur le RSA, avait été adoptée, elle aurait produit le même effet que ces discours.
Tout le monde a des droits et des devoirs, mes chers collègues, les chômeurs comme les employeurs. Ceux qui, d’une façon ou d’une autre, cautionnent le travail dissimulé, le travail au noir, ne respectent pas les droits et les devoirs des citoyens.
Il est important de lutter contre toutes les formes de fraude sociale.
Mme Nicole Bricq. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Il est sage de retirer cette proposition de loi, monsieur Milon, mais selon nous, elle n’aurait même pas dû être examinée en séance.
M. Éric Doligé. On est tout de même libre de faire ce qu’on veut ! Vous n’avez pas la majorité !
Mme Nicole Bricq. Vous avez en effet pu constater dès la réunion de la commission des affaires sociales, la semaine dernière, le 25 mai, qu’une partie de la majorité sénatoriale ne vous suivait pas.
Cette proposition de loi est purement opportuniste et s’inscrit dans un calendrier. Il s’agissait pour vous d’évoquer les difficultés financières des départements, dont il a beaucoup été question en commission, alors que, et vous le savez très bien, monsieur Doligé, les présidents de conseil départemental sont actuellement en discussion avec le Gouvernement concernant une recentralisation partielle du RSA...
M. Éric Doligé. Vous y croyez, vous ? Il n’y aura pas de résultat !
Mme Nicole Bricq. … et que le Premier ministre doit faire des propositions précises au mois de juin. Il n’y avait donc aucune urgence à examiner cette proposition de loi au Sénat, sachant en outre qu’elle n’avait aucune chance d’être ensuite discutée par l’Assemblée nationale. Il s’agit donc juste d’un texte de posture.
Saisi d’un remords un peu tardif, en commission tout à l’heure, vous avez envisagé de modifier l’intitulé du texte pour en supprimer la référence à la fraude sociale. Vous aviez bien compris que cette partie de l’intitulé gênait, car elle était stigmatisante.
Par ailleurs, cette proposition de loi vise à améliorer l’accès aux droits. Le Gouvernement a, lui, donné l’exemple et amélioré l’accès aux droits en modifiant profondément la prime d’activité (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), dont le succès ne se dément pas.
M. François Marc. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. La meilleure manière de garantir l’accès à un droit, c’est de rendre celui-ci automatique. Ce n’est pas en ciblant les aides qu’on améliore l’accès aux droits, contrairement à ce que prévoit votre proposition de loi. Le débat a montré qu’il valait donc mieux qu’on ne la vote pas.
Quant à la démocratie, elle s’est exercée. Je rappelle tout de même que nous nous sommes exprimés par un vote majoritaire tout à l’heure ! Vous en tirez les conséquences, et c’est bien ainsi.
M. Éric Doligé. La démocratie, pour vous, c’est l’article 49, alinéa 3, de la Constitution !
M. Georges Labazée. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Comme je l’ai souligné en commission, cette proposition de loi nous a conduits à étudier un mécanisme complexe : si les départements financent le RSA, les dossiers des demandeurs sont instruits par les caisses d’allocations familiales, lesquelles exercent un certain nombre de contrôles et font le meilleur travail possible.
Comme Gérard Roche, j’ai été président d’un conseil général et, à ce titre, je peux vous assurer que les présidents de conseil général sont très attentifs au RSA, qui est d’une grande complexité administrative et financière et dont on maîtrise difficilement les mécanismes.
Compte tenu de ces éléments, sachant en outre que la fraude est minime, je comprends la position de ceux qui se sont opposés à ce texte.
M. Jean-Noël Cardoux. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. M. Retailleau ayant évoqué, comme je l’ai fait lors de mon intervention liminaire, la MECSS, je rappelle que, si cette mission travaille sur le thème de la fraude en général, c’est tout simplement parce que notre collègue Pascale Gruny avait déposé un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale tendant à prévoir la remise d’un rapport sur le sujet. Le Sénat étant un peu allergique aux rapports, le président de la commission des affaires sociales, M. Milon, avait proposé avec sagesse que la MECSS examine cette question, ce que j’avais immédiatement accepté. La MECSS travaille donc sur la fraude depuis le début de l’année.
J’ai bien entendu les propos du président Retailleau : il n’y a pas des fraudes, il y a la fraude. Pour avancer droit, il faut marcher sur ses deux jambes. Aujourd'hui, nous avons abordé un aspect de la fraude sociale, la fraude aux prestations. Le texte va être retiré, nous en prenons acte, mais la MECSS va poursuivre son travail.
Nos collègues de la MECSS chargées de ce dossier, Agnès Canayer et Anne Emery-Dumas, vont pouvoir reprendre l’ensemble des aspects de cette question, en s’appuyant en particulier, avec recul et avec sagesse, sur le texte qui nous a été soumis ce jour. Elles pourront ensuite présenter un rapport global sur tous les thèmes qui ont été évoqués aujourd'hui, parce que, je le répète, il n’y a pas deux sortes de fraudes, il y a une fraude en général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Doligé. Très bien !
M. Daniel Chasseing. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Pour ma part, je ne pense pas que cette proposition de loi stigmatise les bénéficiaires du RSA. Nous avons tous siégé dans des conseils généraux et constaté que les problèmes s’aggravaient d’année en année. Cette année, c’est encore pire, car nous ne savons pas si nous pourrons verser le RSA jusqu’au mois de décembre.
Il faut bien entendu aider les personnes percevant le RSA qui ont des difficultés à trouver du travail, afin qu’elles puissent se réinsérer, et c’est la finalité de la présente proposition de loi, notamment de son article 7. Or ces personnes ne sont pas contre les dispositions proposées dans ce texte lorsqu’elles constatent que certains perçoivent indûment le RSA. Nous ne les stigmatisons pas du tout, au contraire !
Il me semble donc que certains ont mal compris ou mal interprété cette proposition de loi qui, à mon avis, va dans le bon sens.
Les départements, qui sont en difficulté, doivent bien sûr faire attention à leurs dépenses sociales, car ils ne peuvent pas être déficitaires. En revanche, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour que les personnes en difficulté sociale puissent se réinsérer. J’avais lu cette proposition de loi dans ce sens et je pense que c’était la bonne lecture.
M. Éric Doligé. Tout à fait !
M. Marc Laménie. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Ce sujet est particulièrement délicat. Je tiens donc à saluer le travail, sur l’initiative d’Éric Doligé, de la commission des affaires sociales, de son président et du rapporteur du texte, ainsi que les interventions de Bruno Retailleau, de Jean-Noël Cardoux et d’un certain nombre de mes collègues.
On parle beaucoup de la fraude, qu’il s’agisse de la fraude sociale ou de la fraude et de l’évasion fiscales. Même si 160 millions d’euros peuvent paraître peu de chose, les petits ruisseaux font les grandes rivières, comme l’a rappelé le président de la commission.
Nous devons respecter les cosignataires d’une proposition de loi et la liberté d’expression. Cela étant dit, je pense que nous ne devons pas voir le mal partout et qu’une majorité de personnes sont honnêtes. Par ailleurs, la justice et l’équité sont importantes.
Nous sommes tous responsables de l’argent public, qu’il s’agisse du budget de l’État, de la sécurité sociale ou des collectivités territoriales. Tout le monde est concerné. Nous devons donc faire preuve de rigueur.
Pour ma part, je m’associe à la demande de retrait de cette proposition de loi.
Mme Corinne Imbert, rapporteur. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Corinne Imbert, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’adresser quelques remerciements, à M. le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, pour m’avoir confié ce rapport et m’avoir fait confiance, à Éric Doligé ensuite, pour le travail qu’il a fait sur son texte, à René-Paul Savary, pour m’avoir accompagnée et soutenue au cours des auditions que j’ai menées, et enfin au président Retailleau pour les quelques mots qu’il a eus à mon égard tout à l’heure.
À ceux qui ne me connaissent pas bien, je rappelle que je suis élue départementale chargée de l’action sociale, et donc de l’insertion, depuis 2008. Je suis également une professionnelle de santé, attentive aux autres, comme nombre de ces professionnels et d’élus chargés de l’action sociale, et c’est peu dire.
Je regrette donc que le débat au sein de cet hémicycle n’ait pas été plus serein. Je regrette également que le sens de cette proposition de loi, dans la rédaction qui vous a été soumise aujourd'hui, n’ait pas été mieux perçu. À ceux d’entre vous qui ont évoqué le non-recours aux droits et l’amélioration de l’accès aux droits, j’indique qu’un article du texte prévoit de passer d’un système déclaratif à un système de récupération des informations. Peut-être ce système aurait-il permis d’accorder des droits à des personnes ne les ayant pas demandés.
Enfin, je ne suis pas sûre que les aides facultatives accordées dans le cadre d’un programme départemental d’insertion, pour financer le permis de conduire, permettre la mobilité et le retour à l’emploi, soient des marques de mépris ou une manière de stigmatiser les bénéficiaires du RSA. À cet égard, conditionner le versement d’aides à la réalisation d’heures de travaux d’intérêt général – vingt-cinq ou trente heures –, à la libre appréciation du président du conseil départemental, aurait permis à ces gens d’avoir des contacts avec les autres et d’être dédouanés de l’aide qui leur est apportée. C’était leur tendre la main. Tel était le sens de cette proposition de loi.
En tout cas, merci, monsieur le président Milon, de votre soutien. J’espère que les prochains débats dans cet hémicycle seront plus sereins. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Roche, vous n’auriez pas été consulté sur le présent texte ni associé aux travaux ?
Je vous rappelle que les propositions de loi sont déposées par les groupes politiques. Lorsque les centristes rédigent un tel texte, ils ne consultent pas les membres du groupe Les Républicains. De plus, les propositions de loi ne deviennent publiques que lorsqu’elles sont déposées. Elles sont ensuite inscrites à l’ordre du jour lors de la conférence des présidents.
La présente proposition de loi a été inscrite dans une niche réservée au groupe Les Républicains. Ce n’est qu’ensuite que la commission des affaires sociales a nommé Corinne Imbert rapporteur du texte, après un vote. Mme la rapporteur a alors procédé à des auditions, dont les membres de la commission ont toujours été prévenus. Peut-être n’avez-vous pas lu tous vos mails, cher collègue, c’est dommage, mais, je le répète, tout le monde a été prévenu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
La proposition de loi visant à améliorer l’accès aux droits et à lutter contre la fraude sociale est retirée de l’ordre du jour.
7
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 31 mai 2016, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux arrêts de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l’article L. 6323-17 du code du travail (Exclusion du bénéfice du droit individuel à la formation en cas de licenciement pour faute lourde) (2016-558 et 2016-559 QPC).
Le texte de ces arrêts de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
8
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 1er juin 2016, à dix-sept heures et, éventuellement, le soir :
Proposition de loi visant à relancer la construction en milieu rural (n° 543, 2015-2016) ;
Rapport de M. Daniel Laurent, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 630, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 631, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures vingt.)
Direction des comptes rendus
GISÈLE GODARD