Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Madame la ministre, je ne peux qu’émettre un avis défavorable. Nous avons auditionné très longuement le président du CSA qui nous a expliqué que plus de 1 300 conventions devront être modifiées, soit 1 000 pour les radios et 310 pour la télévision, sans compter les médias présents outre-mer.
On sait aussi que chaque convention devra faire l’objet d’un examen par les organes de direction de chaque société, ce qui réduira d’autant le temps dont dispose le CSA pour les approuver.
Très objectivement, je vois mal comment, dans ces conditions, un délai de six mois pourrait suffire. À des fins pragmatiques, la commission souhaite maintenir sa rédaction initiale. Il importe de prévoir un délai plus large, au vu du nombre de dossiers à traiter, d’autant que ceux-ci devront également être examinés par le collège.
Notre objectif n’est pas de différer l’application de la loi. J’ai entendu des procès d’intentions de ce style. Je m’inscris en faux contre de telles accusations. Nous souhaitons simplement laisser du temps au CSA pour effectuer son travail.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Mme la rapporteur vient de parler d’un millier de conventions. D’où tire-t-elle de tels chiffres ? Notre pays ne compte que vingt-cinq chaînes ! Il s’agit uniquement ici des services nationaux, et non des services locaux. Serait-il possible d’avoir des précisions sur ces chiffres, madame la rapporteur ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. C’est ce que nous a dit le CSA !
M. David Assouline. Il s’agit de services nationaux, soit vingt-cinq chaînes. Plutôt que de demander des scrutins publics qui nous font perdre un temps fou, il serait bon que l’on nous éclaire sur de telles questions !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je souhaite juste apporter une précision : l’amendement du Gouvernement porte bien sur les services à vocation nationale, c’est-à-dire les vingt-cinq chaînes de télévision et les dix radios. Des adaptations pourront être apportées par ailleurs pour les services locaux, mais pas dans le même délai.
J’insiste, le délai que nous proposons s’appliquera aux services nationaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Nous avons auditionné le président du CSA, qui nous a alertés sur la question des délais en nous donnant un certain nombre de chiffres. Madame la ministre, je souhaite que d’ici à la commission mixte paritaire nous puissions éclaircir très précisément le sujet.
En l’état, je suis favorable au maintien de la rédaction de la commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 77.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission de la culture.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 236 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 157 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
Les comités mentionnés à l’article 30-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont mis en place avant le 1er juillet 2017. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 13
Mme la présidente. L'amendement n° 71, présenté par MM. Assouline et Guillaume, Mme Blondin, M. Carrère, Mmes D. Gillot et Lepage, MM. Magner et Manable, Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dix-huit mois après l’entrée en vigueur de la présente loi, un rapport sur le fonctionnement des comités prévus à l’article 30-8 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication et sur la mise en œuvre des chartes prévues à l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Ce rapport fait l’objet d’un débat au sein des commissions compétentes du Sénat et de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement tend à instaurer un contrôle sur le fonctionnement des comités de déontologie et sur la mise en place des chartes au sein des rédactions. Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport effectuant un bilan de ces deux sujets dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la loi qui résultera de nos travaux.
Nous espérons que les commissions chargées de la presse et de l’audiovisuel des deux assemblées pourront se saisir de ce rapport pour organiser un débat, mais Mme la rapporteur nous a fait remarquer qu’une telle mesure porterait atteinte au principe de libre organisation des commissions parlementaires.
Je note cependant, à titre d’exemple, que l’article 53 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit déjà une transmission des contrats d’objectifs et de moyens des sociétés de l’audiovisuel public aux commissions du Sénat et de l’Assemblée nationale pour un éventuel débat, sans que cela ait jamais semblé choquer personne.
Il serait bon que nous puissions débattre, dans un délai raisonnable, de l’innovation que constitue la mise en place de chartes de déontologie dans l’ensemble des médias. Cela nous permettrait de nous rendre compte si celles-ci reposent toutes sur les mêmes principes – certains voulaient une charte unique – ou si elles sont différentes, et de voir comment elles sont mises en œuvre. Par exemple, y fait-on souvent appel ?
Une telle mesure nous permettrait de continuer à être mobilisés pour que la future loi soit une réussite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. M. Assouline, qui a joué un rôle moteur sur les questions d’indépendance des médias, souhaite savoir comment la loi sera appliquée une fois qu’elle sera votée. Je le comprends. Nous y sommes, nous aussi, attentifs.
En tant que présidente de la commission de la culture, je m’engage, comme je l’ai fait précédemment auprès de M. Abate, à faire tous les rapports et les contrôles nécessaires. L’examen du projet de loi de finances peut aussi nous donner une occasion de faire des vérifications.
Il ne me semble donc pas nécessaire d’inscrire dans la loi qu’un tel rapport devra être rendu. Ce qui pose surtout problème, monsieur Assouline, et c'est la raison pour laquelle je vous demanderai de retirer votre amendement, c'est l’obligation d’organiser un débat dans les commissions compétentes des deux assemblées. Une telle disposition va à l’encontre du règlement du Sénat : c'est à notre assemblée de décider elle-même de l’organisation de ses travaux, qui ne peuvent pas être prévus dans la loi.
Je vous avais déjà alerté sur ce point : c'est aux commissions de fixer elles-mêmes les modalités d’exercice de leurs compétences constitutionnelles en matière de contrôle.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Audrey Azoulay, ministre. Tout comme Mme la rapporteur, je ne suis pas favorable à cet amendement, mais pour des raisons différentes. Il est évidemment légitime que le Parlement demande une information sur un dispositif novateur qu’il s’apprête à instaurer. Ce qui nous gêne, c'est que ce soit justement le Gouvernement qui soit chargé de ce rapport.
S’agissant de la mise en œuvre des comités en cause, il serait plus logique, me semble-t-il, de confier au CSA l’élaboration de ce rapport, compte tenu des pouvoirs ou des missions que la présente proposition de loi lui confie en la matière. En effet, il devra vérifier que ces comités existent bien.
En ce qui concerne la mise en œuvre des chartes déontologiques, il serait délicat que le Gouvernement dresse un panorama d’instruments dont l’élaboration relève des sociétés éditrices, lesquelles sont, bien entendu, absolument indépendantes.
Enfin, cet amendement pose une question de délai : la durée de dix-huit mois suivant la publication de la loi peut sembler un peu juste, compte tenu du délai d’un an prévu pour l’installation des comités.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux pas être favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je vais retirer cet amendement, mais pas pour tenir compte de l’argument juridique avancé par Mme la rapporteur, selon lequel il ne serait pas possible d’inscrire un éventuel débat dans la loi. Or c’est ce que prévoit exactement la loi de 1986 concernant les contrats d’objectifs et de moyens. Il n’y a aucune contrainte, il s’agit avant tout de transmettre un rapport au Sénat et à l'Assemblée nationale.
J’entends surtout l’argument de Mme la ministre, qui soulève un véritable sujet : c’est effectivement au CSA de nous rendre compte de la mise en place des comités puisque nous l’avons chargé dans le texte de cette tâche. Je n’ai toutefois pas le temps de rédiger un amendement en ce sens. Nous aurons l’occasion de voir comment, peut-être autrement que par la loi, le CSA pourrait dresser un rapport spécifique à l’attention des assemblées, ou intégrer ces éléments dans son rapport annuel, qui est transmis aussi aux assemblées. Dans ce cas, nous pourrons avoir un débat sur ces questions. C’est plutôt cette formule que nous devrions retenir.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 71 est retiré.
Article 14
(Non modifié)
La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.
Mme la présidente. L'amendement n° 81 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les articles 1er, 1er ter à 11, 12 et 13 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
II. – Après le mot : « applicable », la fin de l’article 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigée : « , dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. »
III. – L’article 23 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse est ainsi modifié :
1° Les mots : « dans les territoires de la » sont remplacés par le mot : « en » ;
2° Le mot : « des » est remplacé par les mots : « dans les » ;
3° Les mots : « à Mayotte » sont remplacés par les mots : « dans les Terres australes et antarctiques françaises ».
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Cet amendement vise à préciser l’application outre-mer de la proposition de loi.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 90, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 81, alinéa 2
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
I. – Les articles 1er, 1er ter, le 2° du I et les III et IV de l'article 1er quater, les articles 2 à 11 bis, 12 et 13 sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Les 2° à 7° du I de l'article 11 ter sont applicables en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 81 rectifié.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Le présent sous-amendement a vocation, d’une part, à compléter l’amendement n° 81 rectifié pour tenir compte des dispositions nouvelles, adoptées à l’unanimité, du texte relatives aux lanceurs d’alerte et, d’autre part, à exclure l’application de l’article 11 ter à la Nouvelle-Calédonie, en raison du transfert récent à la collectivité de la compétence en matière de droit commercial.
Cela étant, je suis favorable à l’amendement de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 90 ?
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. J’y suis favorable à titre personnel, car la commission n’a pas eu le temps d’examiner ce sous-amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 81 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ce débat, intéressant, a été, à mon sens, trop rapide et mené dans des conditions peu satisfaisantes : nous avons commencé à examiner ce texte au mois d’avril, avant de le reprendre cette semaine après la discussion d’un projet de loi qui nous a épuisés. L’hémicycle est pratiquement vide, puisque nous sommes un jeudi après-midi et que nombre de mes collègues sont déjà partis, par peur de rater leur avion ou leur train pour rentrer chez eux. J’aurais aimé que notre débat suscite davantage d’intérêt, car il porte sur un sujet majeur.
Mais enfin, il s’est déroulé, et pas pour rien ! Une commission mixte paritaire se réunira, et, si elle échoue, une nouvelle lecture aura lieu, avec l’intervention d’un nouveau vote : dans peu de temps, notre législation intégrera bien le texte de cette proposition de loi. C’est très satisfaisant, car cela fait très longtemps que nous sommes un certain nombre de parlementaires à vouloir avancer sur ces questions. Nous avons quelquefois voulu aller trop vite, mais nous sommes heureux d’avoir pu faire progresser un peu les choses.
Le débat au Sénat nous a apporté des motifs de satisfaction : je pense à la remise de la charte à tout journaliste, à la protection des lanceurs d’alerte dans le cadre de leurs rapports avec des journalistes et, en corrélation avec la nouvelle législation protégeant le secret des sources, à la nouvelle mission du CSA lui permettant de veiller « à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes qui concourent à l’information », et enfin à l’ajout d’un dispositif satisfaisant, adopté à l’unanimité en commission, de numérotation des chaînes.
Un regret cependant : la « conviction formée dans le respect de la charte » fondant le droit d’opposition d’un journaliste n’a pas reçu l’adhésion du Sénat.
Je trouve aussi regrettable que notre assemblée n’ait pas souhaité nous suivre pour clarifier les conditions – avec l’expression « mises en demeure répétées » – permettant au CSA de ne pas reconduire automatiquement une autorisation d’un éditeur n’ayant pas satisfait aux exigences légales d’indépendance et de respect du pluralisme.
Je suis très réservé sur le fait que le CSA bénéficie d’un droit de regard permanent sur les comités de déontologie. Ce droit de regard devrait uniquement s’exercer sur la mise en place de ces comités ; la suite n’est pas de son ressort. Cette disposition inquiète d’ailleurs les journalistes, et je les comprends.
Il est également regrettable que l’obligation de transparence des éditeurs envers les lecteurs de la presse papier ou en ligne n’ait pas été renforcée.
Enfin, je voudrais conclure par le point qui fonde le vote de mon groupe. Les questions que je viens d’évoquer auraient pu nous conduire à nous abstenir, mais il faut tenir compte d’un élément très important que nous attendions depuis longtemps et qui, grâce à Mme la ministre, a été intégré dans la proposition de loi : la protection du secret des sources des journalistes. Je suis satisfait que ce dispositif en souffrance ait été mis à l’ordre du jour. Pour moi, ce devait être le point le plus fort de ce texte, mais la droite, grâce à M. Portelli ici présent, l’a dépecé méticuleusement.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. David Assouline. Pour ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi telle que modifiée par le Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Nous sommes partis d’un texte éthique et très prudent, qui ne s’attaquait ni aux concentrations, ni aux liens entre la commande publique et les groupes de presse, ni à l’entité juridique des rédactions. Mme la ministre et le coauteur de la proposition de loi relative à l’indépendance des rédactions, David Assouline, nous ont indiqué que telle n’était pas la voie choisie. Dont acte ! Raison supplémentaire pour soigner la pureté de chaque article. Hélas, M. Portelli s’en est occupé, en particulier sur la question du secret des sources, et ce fut une lapidation. La commission, quant à elle, n’a eu de cesse de minorer les sanctions, de protéger les groupes, d’éviter que le dispositif ne soit trop compliqué, etc.
Pour autant, je m’abstiendrai, car je suis ravie qu’un autre sujet ait été abordé : celui des lanceurs d’alerte. Nous souhaitons que le texte poursuive son chemin, même s’il n’était pas très ambitieux et s’il a été abîmé par son passage au Sénat, ce qui est vraiment décevant.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Nous n’étions pas demandeurs de ce texte et nous avions quelques réserves lorsqu’il est arrivé de l’Assemblée nationale, celles-ci portant sur les risques qu’il posait.
Nous sommes totalement d’accord pour renforcer la liberté de la presse, mais les dispositions qui nous ont été soumises introduisaient toute une série d’éléments de complexification de notre droit des médias qui nous paraissaient aller à l’encontre de cet objectif, dans un domaine où, quelle que soit la qualité du travail que nous pouvons réaliser, les enjeux sont d’abord et avant tout économiques. La liberté des médias se construit en effet dans la qualité du projet économique, et nous savons combien notre pays a du travail à faire en la matière.
Grâce à la tâche accomplie dans cette enceinte sous l’égide de Mme la rapporteur, cette proposition de loi a été sensiblement améliorée. Les éléments de confusion du point de vue de l’audiovisuel ont pu être supprimés ; nous avons pu revenir à des définitions réalistes du journaliste et du rôle de directeur de publication.
Il me semble que ce travail a permis d’aboutir à un équilibre, bien qu’il reste probablement quelques imperfections qui seront du ressort de la commission mixte paritaire. Madame la ministre, nos débats ont permis d’améliorer ce texte, et votre participation aux côtés de Mme la rapporteur y a contribué. Malgré la réserve qui était la nôtre lorsque cette proposition de loi est arrivée sur le bureau du Sénat, il nous paraît qu’elle peut aujourd’hui être adoptée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous l’avions dit en préliminaire de ce débat, la liberté et le respect des principes d’indépendance, de pluralisme et d’honnêteté des informations et des programmes constituent à nos yeux un enjeu démocratique majeur.
L’uniformisation des contenus et de l’information transmis aux citoyens est criante. Elle est liée à une forte concentration des médias encouragée par un modèle économique à bout de souffle. Le corollaire de cela est une précarisation et une fragilisation toujours plus grandes du métier de journaliste.
Il est incontestable que la proposition de loi que nous avons examinée et modifiée ensemble comporte des avancées non négligeables, notamment en matière de transparence des liens capitalistiques et de lutte contre les pratiques spéculatives sur les fréquences.
Il est vrai aussi que le débat a mis en lumière des sujets très importants, tels que le secret des sources ou la nécessaire protection des lanceurs d’alerte, laquelle a donné lieu à de longues discussions. J’ai senti, au cours du débat, une progression du consensus qui nous permettra d’aller encore de l’avant.
Malheureusement, les mesures qui ont été retenues sont, de notre point de vue, largement insuffisantes, même si j’ai bien noté l’engagement pris par le Gouvernement de revenir sur le sujet prochainement. J’espère qu’un meilleur sort sera alors réservé à nos propositions d’enrichissement.
Sur le secret des sources, nous sommes un peu contrariés de n’avoir pas pu avancer davantage. De véritables divergences de fond demeurent. De ce point de vue, le passage de M. Portelli a été assez dévastateur !
Nous demeurons très interrogatifs sur le rôle confié au CSA, non demandeur et sans moyen supplémentaire, en tant que gardien de l’indépendance, alors même qu’il ne couvre qu’une partie du champ des médias.
L’indépendance des médias et la déontologie des journalistes sont mises en parallèle, faisant peser sur ces derniers la responsabilité de l’indépendance de la ligne éditoriale sans leur donner tous les moyens d’un contre-pouvoir.
Enfin, vous créez des comités d’éthique et des chartes de déontologie « maison », dont on peut douter …
Mme la présidente. Ma chère collègue, vous avez épuisé votre temps de parole.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Après avoir longuement hésité entre l’abstention et le vote contre, nous avons choisi cette dernière option.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. J’espère que nous arriverons à une indépendance et à un pluralisme des médias auxquels nos concitoyens ont droit, la diversité ne faisant pas toujours légion aujourd’hui dans les programmes…
Cette proposition de loi permettra quelques avancées sur le secret des sources ou les lanceurs d’alerte, bien que l’on puisse considérer qu’elle ne va pas assez loin.
Il est regrettable que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée sur ce texte, le privant ainsi de l’intérêt de la navette. La commission mixte paritaire devant se tenir le 14 juin, nous aurons le temps de réfléchir et de réalimenter les débats. En tout état de cause, je fais confiance à la commission mixte paritaire.
J’en termine en précisant que les dix-sept membres de mon groupe s’abstiendront.
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Le groupe Les Républicains soutient ce texte. Bien que ce ne soit pas le sien, tel qu’il est rédigé, il nous convient et je rejoins sur ce point mon collègue centriste.
Cela étant, je tiens à préciser à M. Assouline que, en ma qualité de rapporteur pour avis, j’ai exprimé le point de vue unanime de la commission des lois.
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. Hugues Portelli. Si ! Ceux qui n’étaient pas de cet avis n’ont pas jugé utile de s’exprimer lors des travaux de la commission.
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. Hugues Portelli. Monsieur Assouline, vous ne faites pas partie de la commission des lois, vous n’avez pas assisté à ses travaux et vous n’avez pas le droit de parler au nom de son rapporteur !
M. David Assouline. Ne dites pas que M. Sueur était d’accord avec vous !
M. Hugues Portelli. M. Sueur ne s’est pas exprimé ! Il n’a pas voté, c’est son droit !
Je le répète, la commission des lois a voté à l’unanimité. Un certain nombre de ses membres n’ont pas pris part au vote. C’est ainsi que les choses se sont passées, et je n’ai fait qu’exprimer le point de vue de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Je rebondis sur les propos de Mme Laborde, auxquels je souscris pleinement. La procédure accélérée ne nous a pas laissé assez de temps pour effectuer des travaux sérieux. Nous avons procédé à un certain nombre d’auditions, organisé des tables rondes, mais dans un temps imparti tellement court qu’un certain nombre de sujets n’ont pas pu être approfondis.
Nous sortons d’un exercice très différent, puisque le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine a bénéficié de deux lectures. Nous avons constaté tous les bienfaits de la navette. Nous avons pu réfléchir, partager des doutes et des propositions et nous en avons vu le résultat hier soir, bien qu’il reste encore un petit bout de chemin à faire.
En revanche, nous voyons bien que la procédure accélérée ne nous donne pas collectivement satisfaction. Je tenais donc à partager cet élément de réflexion : bien légiférer requiert un temps raisonnable auquel je crois que nous aspirons tous.
Dans le temps qui nous était imparti, nous avons essayé d’améliorer ce texte sur les points qui le nécessitaient. Un certain nombre d’entre vous, mes chers collègues, sont sans doute encore insatisfaits sur certains points, mais, comme l’a dit Mme Laborde, la commission mixte paritaire, qui aura lieu d’ici à quelques jours, nous permettra d’y remédier.
Je remercie chacun d’entre vous de ce débat instructif et fructueux, qui a permis de faire avancer la réflexion.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission de la culture.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 237 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 129 |
Le Sénat a adopté.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Audrey Azoulay, ministre. Je vous remercie, mesdames et messieurs les sénateurs, de cette discussion.
Le Gouvernement est d’abord satisfait que l’architecture proposée à l’Assemblée nationale sur la protection de l’indépendance et du pluralisme ait été préservée, bien que modifiée sur des points qui ne seront peut-être pas consensuels.
Il se félicite également de l’amendement sur les lanceurs d’alerte qui a été unanimement adopté par la Haute Assemblée.
En revanche, il déplore très fortement les dispositions qui ont été adoptées sur la protection du secret des sources des journalistes, car je crois que c’est un recul non seulement par rapport à ce que le Gouvernement a proposé à l’Assemblée nationale et que celle-ci a voté, mais aussi par rapport au droit actuel. Or je crains que ce ne soit pas seulement un problème de temps que la navette pourrait résoudre.
Deux visions très différentes de ce que doit être la protection du secret des sources des journalistes s’opposent, et j’espère que le dialogue que nous continuerons à avoir permettra de faire progresser une vision commune sur ce sujet, qui me semble majeur.
Je remercie enfin les services de l’administration de la direction générale des médias des industries culturelles de leur expertise tout au long de l’élaboration de ce texte.