M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Le sous-amendement n° 12 vise à corriger des erreurs de références présentes dans l’amendement.

Sous réserve de son adoption, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 11 du Gouvernement, qui tend à procéder à des coordinations pour l’outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 12 ?

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement y est favorable et remercie la commission de sa vigilance.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 12.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 11, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché.

(La proposition de loi est adoptée.)

Article 5 (début)
Dossier législatif : proposition de loi réformant le système de répression des abus de marché
 

12

 
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Discussion générale (suite)

Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

Discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (projet n° 484, texte de la commission n° 578 rectifié, rapport n° 577, avis n° 569).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Article 1er

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vous vous apprêtez à examiner en deuxième lecture s’inscrit dans une histoire législative.

Je ne peux pas ne pas penser, depuis cette tribune, à celles et ceux qui, ici même, il y a quarante ans, adoptèrent la première grande loi de protection de la nature. Cette loi de 1976, dont chacun reconnaît aujourd’hui les bienfaits, fut adoptée par de larges majorités dans les deux chambres. On aurait tort de croire, pour autant, que les débats qui se déroulèrent alors furent toujours empreints d’un esprit d’unanimisme béat.

Le chef de file du principal groupe de l’opposition parlementaire de l’époque avait apporté, je cite, « un soutien critique et, d’une certaine manière, désabusé » à un projet qu’il jugeait « trop timide pour être significatif ».

À l’inverse, un parlementaire de la majorité de l’époque s’était écrié : « Je suis affolé par la masse de règlements et d’interdictions que nous introduisons dans notre droit dans le souci de protéger la nature. » Il disait redouter que, je cite encore, « dans quelques siècles, les historiens puissent dire : “Ces hommes édictèrent librement une réglementation qui fit de leur génération la dernière qui pût agir en toute liberté” ».

À l’occasion des dix ans du vote de la loi, en 1986, le journal Le Monde écrivait : « Ceux qui la redoutaient le plus – industriels et aménageurs – la jugent aujourd’hui “excellente”. Ceux qui sont chargés de l’appliquer se disent “désarmés”. Quant aux protecteurs de la nature, qui plaçaient dans cette loi les plus grands espoirs, ils se partagent entre “déçus” et “impatients”. »

Pourtant, ensemble, nous allons célébrer, en juillet prochain, les quarante ans de cette loi, les quarante ans de ce que chacun s’accorde à considérer aujourd’hui, et à juste titre, comme une grande loi.

Si j’ai tenu à commencer par ce rappel ce propos introductif à l’examen du projet de loi qui va occuper nos prochaines journées et nuits, c’est qu’il me semble utile de replacer ce texte dans son contexte.

La loi de 1976 sur la protection de la nature, celle de 1993 sur les paysages, présentée, déjà, par Ségolène Royal, ont doté notre pays d’un arsenal législatif, qu’il convient aujourd’hui de compléter et d’adapter aux enjeux d’aujourd’hui.

La biodiversité est essentielle non seulement à notre qualité de vie, mais désormais, tout simplement, à la survie même de l’humanité.

Cette vie est la résultante de l’interaction entre les espèces : la conscience de l’importance des pollinisateurs, par exemple, s’est imposée dans le débat public, et nous devons nous en réjouir.

La diversité des espaces naturels concourt à l’équilibre de la planète : le débat sur le climat, par exemple, a mis en évidence l’importance des forêts et des zones humides pour les écosystèmes. Et chacun a bien conscience que cette biodiversité est menacée. Le rythme actuel de disparition des espèces animales et végétales est 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel d’extinction !

Notre action publique – ce projet de loi nous y invite – doit viser à lutter contre les facteurs qui menacent la biodiversité. Ces facteurs, on les connaît. Ils sont au nombre de cinq : la disparition des habitats et des milieux naturels dans lesquels les espèces évoluent ; la surexploitation des ressources ; les pollutions ; le développement d’espèces exotiques envahissantes ; le réchauffement climatique.

La biodiversité, c’est un enjeu pour la planète, mais également pour notre quotidien : elle conditionne notre santé, la qualité de notre alimentation, mais elle est également un facteur de développement économique. C’est pourquoi l’action publique ne doit pas seulement être défensive. Elle doit également favoriser le développement de l’économie de la biodiversité, parce que le génie écologique, c’est de l’emploi durable, non délocalisable et rentable.

M. Ronan Dantec. Exactement !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. L’économie de la biodiversité, ce sont bientôt 40 000 emplois dans les parcs nationaux et régionaux et les aires marines protégées et plus de 150 000 emplois dans le secteur des jardins et des paysages.

Les activités fortement dépendantes de la biodiversité, comme la pêche, l’agriculture, la sylviculture et la première transformation pèsent 2 millions d’emplois en France. Les emplois indirects, induits par la protection et la valorisation de la biodiversité – par exemple, dans le tourisme, la filière du bois ou les cosmétiques – se chiffrent à près de 5 millions. Les travaux du dixième programme des agences de l’eau soutiennent près de 70 000 emplois.

En outre, soutenues par le plan d’investissements d’avenir, se développe, dans notre pays, un réseau de start-up et de PME qui sont à la pointe de l’ingénierie écologique dans le secteur du biomimétisme et de la bioinspiration. J’ajoute que la chimie verte, affranchie des hydrocarbures et qui mise sur la nature et sur l’industrialisation des bioprocédés, c’est l’avenir de la chimie française.

C’est tout cela, directement ou indirectement, par les cadres qu’il crée ou qu’il prévoit, par les synergies qu’il organise, dont il est question dans le projet de loi que vous examinez aujourd’hui. Et tout cela peut sembler consensuel. Dans les déplacements de terrain que j’effectue depuis quelques semaines, on me demande même parfois si c’est bien politique. Eh bien, ça l’est !

Tout d’abord, répondre à ces défis demande à adapter des comportements, à changer des habitudes, et cela par le dialogue, progressivement et en définissant des partenariats gagnants-gagnants. C’est ce à quoi s’emploie ce texte.

Ensuite, parce que ce projet de loi arrive en appui de décisions politiques concrètes, par exemple celles qui ont été prises pour l’interdiction de vente aux particuliers de pesticides nocifs ou pour les sacs plastiques, mais aussi en complément de décisions de soutien à l’investissement dans la recherche et l’innovation des entreprises.

Ce projet de loi s’inscrit ainsi dans une politique volontariste et cohérente, menée par Ségolène Royal à la tête du ministère de l’environnement. Enfin, ces questions sont des questions politiques, parce qu’y répondre impose de concilier des intérêts parfois divergents, de les faire converger et de résister à des intérêts puissants. Ces intérêts économiques ont toute leur légitimité : notre rôle, le vôtre, c’est de les entendre et de définir, au-delà, l’intérêt général.

On peut aussi se demander si les questions de biodiversité relèvent des pouvoirs nationaux. Et la tentation est grande de renvoyer un certain nombre de décisions à l’Union européenne.

Pour certains domaines, l’Europe est certes l’échelon pertinent, mais cette Europe a aussi besoin de pionniers. Sachons, sur les questions d’environnement, dès lors que nos décisions ne viennent pas, évidemment, mettre en danger la compétitivité de nos acteurs économiques, par les dispositifs que nous imaginons, par les structures que nous créons – je pense notamment à l’Agence française pour la biodiversité, dont le concept suscite un intérêt croissant hors de nos frontières –, oui, sachons faire de la France un pays pionnier.

En effet, pour la France, la biodiversité est aussi une question nationale, j’allais dire une question d’identité. Notre pays est l’un des plus riches au monde en merveilles de la nature, tout particulièrement dans les outre-mer, qui concentrent plus de 80 % de la biodiversité nationale.

Nous figurons parmi les dix pays du monde qui abritent le plus grand nombre d’espèces ; notre domaine maritime est le deuxième de la planète et nous sommes le quatrième pays au monde pour ses récifs coralliens.

Toutefois, nous sommes aussi au sixième rang des pays abritant le plus grand nombre d’espèces menacées. Nous avons donc une responsabilité particulière à assumer.

Cette responsabilité singulière et cette ambition que porte ce projet de loi viennent de loin, et Ségolène Royal a associé, lors de sa conception, de nombreux acteurs de la société civile : associations, ONG, usagers et gardiens de la nature, entreprises, etc. Cette volonté de coproduction a également prévalu lors des étapes précédentes de l’examen parlementaire du projet de loi.

Avant d’aborder les points qui restent à trancher et qui feront l’objet de cette deuxième lecture, je voudrais rappeler qu’une partie du projet a déjà été adoptée en termes identiques par les deux assemblées et que d’autres dispositions semblent avoir atteint, à l’issue des travaux de votre commission, un point d’équilibre qui devrait, sans difficulté, trouver l’assentiment de tous.

Ce socle constitue une fondation solide pour ce qui deviendra, à l’issue des débats parlementaires, la loi.

Je veux en premier lieu, évidemment, saluer le maintien de la vision dynamique de la biodiversité et de sa définition à l’article 1er. C’est essentiel, car cela permet d’identifier le défi qui est le nôtre de donner à voir la nature, non comme une sorte de juxtaposition d’espèces végétales et animales, mais dans sa dimension d’interactions. Mais c’est essentiel, aussi, parce que cela démontre la volonté du législateur de ne pas mettre la nature sous cloche, comme certains le craignent parfois.

Je salue également, même s’il conviendra sans doute de le préciser encore à la marge, le travail de votre commission des lois et de votre commission du développement durable sur la question de la réparation du préjudice écologique.

Nous avons là une avancée du droit, due à l’initiative du président Retailleau, qui permettra d’inscrire dans la loi la jurisprudence de l’Erika, donc de la sécuriser juridiquement, tout en garantissant aux acteurs économiques un cadre stable et clair.

J’aurais pu parler de la non-brevetabilité des gènes natifs – levier pour lutter contre le brevetage du vivant et la biopiraterie –, de la nouvelle gouvernance de l’eau – plus équilibrée pour les usagers non professionnels – ou du point d’équilibre proche sur le régime d’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.

J’aurais aussi pu parler, de manière très concrète, du maintien de l’obligation, pour les centres commerciaux, de répondre à des critères environnementaux dans leurs nouveaux bâtiments : cela portera sur les sources d’énergie privilégiant le renouvelable, sur la végétalisation de toitures ou encore sur la perméabilité des sols.

Demeure en suspens la question du délai d’application, mais le principe semble désormais rencontrer un large assentiment.

J’ajoute, bien entendu, et c’est un point essentiel du projet de loi, que l’Agence française pour la biodiversité, l’AFB, est sur de bons rails. Le président de la République a garanti, dans le discours prononcé lors de la dernière conférence environnementale, que l’agence bénéficierait des moyens nécessaires à son action et annoncé un renforcement des moyens, notamment humains, qui seront mis à sa disposition.

Je rappelle que le Gouvernement a tenu à faire preuve, sur ce projet, d’une grande souplesse et d’un grand pragmatisme. J’assume le choix opéré de ne pas intégrer l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, dans l’Agence française pour la biodiversité, même s’il m’est souvent reproché, je ne vous le cache pas, lors des visites de terrain que j’effectue.

M. Ronan Dantec. C’est vrai !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. À l’évidence, les résistances et les préventions étaient trop fortes. Reconnaissons que les mariages forcés ne sont pas généralement les plus heureux ! (Sourires.)

Nous avons donc fait un pari : celui d’une collaboration fructueuse entre les agents, sur le terrain. Il me semblerait souhaitable que cet esprit, en retour, guide la suite de vos travaux et que le choix de ne pas scinder les polices administratives et judiciaires s’accompagne de la pleine préservation des missions actuellement assignées aux agents des établissements constitutifs de l’AFB.

C’est ce même pragmatisme qui prévaut pour l’organisation territoriale de l’agence et ses collaborations avec les collectivités. En effet, il serait paradoxal de défendre la biodiversité sans, dans le même temps, reconnaître la diversité des acteurs, des enjeux et des structures déjà existantes sur les divers territoires. Il s’agit de ne surtout pas imposer d’en haut un modèle unique qui ferait fi des spécificités territoriales.

M. Charles Revet. C’est très important !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Il reviendra aux collectivités territoriales de s’emparer de cet outil, en fonction des entités en place et des sujets prioritaires, qu’il s’agisse de l’eau, du milieu maritime ou des espèces menacées.

L’outil est conçu pour être décliné à la carte, au rythme et en fonction des spécificités de chaque territoire. L’AFB aura des antennes sur tout le territoire et pourra monter des structures conjointes avec les régions, notamment via les établissements publics de coopération environnementale, les EPCE, en associant les départements qui le souhaitent.

Outre-mer, ces délégations territoriales pourront être créées à la demande de plusieurs collectivités. J’insiste sur ce point, car je sais que votre assemblée, par essence et par tempérament, est attachée à la liberté et à l’autonomie des territoires qui forment notre République. L’AFB, dans son fonctionnement sur le terrain, devra respecter pleinement nos territoires, et le texte que vous examinez aujourd’hui y concourra.

Un certain nombre de principes très importants et de dispositifs attendus font donc désormais consensus, ou sont très près de trouver un équilibre partagé, mais il ne faut pas oublier que seul le vote de la loi pourra leur donner une concrétisation réelle.

Je me réjouis par ailleurs que, sur un autre sujet de discussion lors de lectures précédentes du projet de loi – je veux parler de l’action de groupe sur les sujets environnementaux –, nous soyons parvenus à une proposition qui me semble répondre aux attentes. Nous en débattrons certes dans le cadre de l’examen d’un autre texte législatif, à savoir le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, mais ce qui compte, c’est que l’objectif soit atteint et la mesure rapidement effective. Les travaux que les assemblées avaient menés sur cette question dans le cadre du présent projet de loi trouveront donc un aboutissement concret, et c’est bien là l’essentiel.

Voilà pour l’acquis, ou presque, et ce n’est pas rien, mais de nombreux points restent également en suspens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte issu de votre commission, je vous le dis en toute franchise, comporte des remises en cause d’avancées qui avaient été actées lors de la première lecture dans votre assemblée et qui avaient pu être formulées avec davantage de précision lors de la seconde lecture à l’Assemblée nationale. C’est sur ces points qu’il nous faut donc désormais concentrer notre travail commun, avec la volonté, partagée je l’espère, d’aboutir à des équilibres crédibles, concrets et opérationnels.

Je n’en citerai ici que quelques-uns, que le rôle de notre discussion sera de détailler.

En effet, la remise en cause du principe de non-régression environnementale ou l’amoindrissement de la compensation des atteintes à la biodiversité sont de mauvais signaux. Je suis certaine que nous pourrons avancer sur ces points, dès lors que la volonté commune existera.

La question de la taxation de l’huile de palme, que votre assemblée avait intégrée en première lecture à un niveau extrêmement élevé,…

M. Ronan Dantec. Disons, à un niveau quelque peu exagéré !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. … j’allais dire excessivement élevé !

Cette question ne peut pour autant être balayée. Je rappelle que le texte issu de l’Assemblée nationale ne proposait rien d’autre que de revenir sur une niche fiscale assez incompréhensible au bénéfice de cette huile par rapport à l’huile d’olive importée. (M. Michel Raison proteste.) Cet avantage spécifique n’existe dans aucun autre pays européen.

Sa mise en œuvre progressive s’accompagnait d’un dispositif vertueux, puisque les huiles de palme certifiées durables auraient été exclues de son champ d’application. Un tel dispositif, introduit à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, avait pour but d’accompagner un mouvement de fond, qui a vu en quelques années les huiles certifiées passer de 1 % à 21 % de la production mondiale, comme le note une récente étude du WWF.

Sur cette question également, remettons l’ouvrage sur le métier, car nos concitoyens expriment une attente forte. La solution qui avait été trouvée apportait une réponse pragmatique et concrète à un véritable enjeu de biodiversité à l’échelle de la planète et permettait à la France, comme je le disais tout à l’heure, d’être pionnière pour un sujet qui occupe tous les défenseurs de la biodiversité.

De même, sur la question sensible, et très présente dans les préoccupations de nos concitoyens, des produits néonicotinoïdes, je vous confirme que le Gouvernement est ouvert à la discussion pour rendre le principe d’interdiction, sur lequel l’Assemblée nationale s’était prononcée, pleinement opérationnel et crédible.

Toutefois, des visites que j’ai menées, je retiens la très forte mobilisation citoyenne sur cette question et les attentes des populations. Il convient donc de dessiner de manière pragmatique, sous le contrôle permanent de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, une trajectoire de sortie des néonicotinoïdes, incluant un accompagnement de nos agriculteurs dans de nouvelles pratiques alternatives.

Cela permettra de protéger les pollinisateurs indispensables à la production agricole, notamment fruitière, mais également de garantir l’attractivité des produits agricoles pour les consommateurs et, enfin, de préserver la santé de tous, en premier lieu celle des agriculteurs.

Nous avons donc du travail devant nous, et ce sera l’objet de ces trois jours de séance.

Je souhaite que l’état d’esprit qui préside à ces travaux soit marqué du sceau de la responsabilité. Je n’ignore pas que, depuis le début du mois de janvier dernier, nous sommes entrés dans un cycle politique particulier. Je n’ignore rien du contexte préélectoral dans lequel vous êtes amenés à légiférer (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.),…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce contexte vaut aussi pour vous !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. … mais j’ai confiance dans votre volonté de ne pas en tenir compte dans vos délibérations.

Parce que nous agissons ensemble pour la génération qui vient et pour la nature que nous léguerons à nos enfants, et non en fonction d’une échéance de court terme, je fais confiance à la sagesse du Sénat pour ne pas céder à de petits calculs politiciens qui ne seraient conformes ni à la tradition de votre assemblée ni à l’esprit qui avait guidé vos travaux en janvier dernier. (M. Joël Labbé applaudit. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Merci pour nous !

M. Daniel Gremillet. En matière de calculs politiciens, les écologistes s’y connaissent !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. Vous pouvez faire confiance au Gouvernement, qui souhaite bâtir avec vous une loi partagée, équilibrée, expression d’une coproduction législative et non de la suprématie d’une assemblée sur l’autre, mais soyez également conscients de notre détermination à faire que ce texte soit réellement ambitieux, réellement opérationnel et réellement à la hauteur des enjeux que j’évoquais au début de mon propos.

Je commençais cette intervention en vous parlant de la loi de 1976, qui fut le fruit d’un consensus. Personne ne s’en souvient comme de la loi Fosset, ou Granet : c’est la loi de la République tout simplement, et une grande loi de la République.

C’est au même exercice que nous sommes appelés aujourd’hui. Je vous appelle à faire de ce projet de loi non la loi d’une ministre, encore moins celle d’une secrétaire d’État, mais la loi de la France, la loi d’une France exemplaire sur les questions écologiques, d’une France qui aura su entraîner le monde dans un accord historique sur le climat et en tirer la conséquence dans sa transition énergétique, d’une France moteur des actions internationales sur la biodiversité, qui prendra toute sa place dans la COP sur la biodiversité de Mexico à la fin de l’année et qui aura su tirer les conséquences de cet engagement dans son droit interne en adoptant le texte sur lequel nous allons désormais ensemble travailler. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui la deuxième lecture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur pour la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Je souhaite tout d’abord me réjouir du temps dont nous avons disposé pour examiner ce texte, puisque nous avons eu deux lectures, la procédure accélérée n’ayant pas été engagée. Cela devient rare, suffisamment en tout cas pour être noté ! Certains points du texte font d’ailleurs aujourd’hui, selon moi, l’objet d’un équilibre réaliste et intelligent, vous l’avez noté, madame la secrétaire d’État, et je crois que c’est grâce aux vertus de la procédure normale d’examen du texte.

Plus de deux ans se sont écoulés depuis l’adoption du projet de loi par le conseil des ministres, en mars 2014. Le projet de loi initial comportait 72 articles et, après en avoir compté 160 à l’issue de la première lecture au Sénat, il n’en comprend plus aujourd’hui que 102, qui sont soumis à notre discussion. Vous l’avez compris, un certain nombre d’articles ont fait l’objet d’un accord entre les deux assemblées et se trouvent ainsi « fermés », pour reprendre une expression de notre jargon.

Un mot sur les travaux de la commission, qui s’est réunie mardi et mercredi derniers pour adopter son texte. Le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale montre que celle-ci a réellement fait un pas dans notre direction et témoigne d’une volonté de trouver des compromis constructifs. Le Sénat avait d’ailleurs déjà adopté la même démarche en première lecture. L’Assemblée nationale a ainsi adopté 58 articles conformes à la rédaction issue des travaux du Sénat, c’est-à-dire plus du tiers.

Elle a également conservé un grand nombre de dispositions nouvelles insérées par le Sénat. Je citerai, par exemple, la ratification du protocole de Nagoya, l’équilibre trouvé pour les instances de gouvernance de la biodiversité, et notamment la composition du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, ou encore la suppression de l’interdiction de la chasse à la glu et de la chasse aux mammifères en période de dépendance et de reproduction. Ces apports du Sénat ont été entérinés par l’Assemblée nationale et sont désormais acquis.

Au sein de la commission, nous avons continué à travailler dans le même état d’esprit, puisque, la semaine dernière, nous avons adopté 142 amendements sur les 323 que nous avons examinés. Notre objectif a été de conserver les priorités qui étaient déjà les nôtres en première lecture.

Tout d’abord, nous avons réaffirmé la volonté de concilier tous les usages de la nature avec les activités économiques présentes sur le territoire, sans faire primer l’un sur un autre ou renforcer l’un au détriment d’un autre.

Notre deuxième priorité consiste à simplifier autant que possible, conformément d'ailleurs au souhait du président du Sénat. Il s’agit de veiller à ne pas ajouter des contraintes excessives aux différents acteurs sur les territoires ni des lourdeurs administratives inutiles. Cette priorité revendiquée par le président du Sénat l’est également par de nombreux membres du groupe auquel j’appartiens.

La troisième priorité est un engagement complet en faveur d’une nouvelle approche de la biodiversité, plus moderne, résiliente, mouvante, changeante, dynamique et dont nos outre-mer offrent l’exemple le plus magnifique. La biodiversité y est d’une richesse incomparable : elle est source d’atouts et d’innovations dans des secteurs variés comme l’économie, la recherche ou encore la santé ; mais elle est aussi en danger, en régression souvent, et victime de l’action des hommes.

Sur le fond de ce que nous avons adopté la semaine dernière, je voudrais m’arrêter un instant sur l’article 2 bis, qui inscrit le préjudice écologique dans le code civil et constitue, je le pense, la plus grande avancée permise par l’ensemble du projet de loi, la vraie révolution juridique qui fera avancer la protection de la nature et la protection de nos sites naturels.

Je ne voudrais pas que l’on oublie que c’est le Sénat qui aura permis cette immense avancée. C’est le Sénat, souvent taxé de conservatisme, qui fait preuve d’audace et de modernité en remettant le préjudice écologique sur la table, trois ans après l’avoir déjà adopté à l’unanimité, alors que l’Assemblée nationale comme le Gouvernement n’avaient pas beaucoup bougé sur ce sujet.

Nous avons adopté en commission une série d’amendements présentés par la commission des lois saisie pour avis, sur l’initiative de son rapporteur, Alain Anziani, qui n’est pas présent aujourd’hui, mais que je tiens à saluer. Nous avons pu réaliser un excellent travail ensemble et je me réjouis de pouvoir vous le présenter dans les heures qui viennent.

J’avais également déposé des amendements identiques, afin de bien montrer qu’ils résultaient d’un travail commun, comme nous en étions convenus en séance en première lecture, et toujours en lien avec le président Retailleau, auteur de la proposition de loi originelle de 2013, dont Alain Anziani avait été le rapporteur. Nous avons mené ensemble dix-sept auditions et sommes parvenus à une rédaction qui, si elle n’est peut-être pas encore parfaite, consolide réellement, je le crois, le nouveau régime introduit.

En quelques mots, nous avons souhaité simplifier le dispositif en veillant à sa bonne articulation avec le droit commun de la responsabilité civile, garantir l’efficacité de la réparation et veiller à sa bonne application dans le temps. Notre commission des lois, qui est composée d’excellents juristes et présidée par un conseiller d’État, a voté à l’unanimité les amendements présentés par Alain Anziani et moi-même. Je ne m’étends pas davantage, car nous aurons l’occasion d’y revenir pendant nos débats.

Concernant le reste du projet de loi, sur le titre Ier, la commission a, de manière pragmatique, opéré quelques modifications, afin de rendre le texte plus lisible, surtout sur les principes introduits dans le code de l’environnement. Nous ne sommes pas encore complètement sûrs de leur portée, ce qui suscite des réticences.

À l’article 3 ter, nous avons conforté le rôle essentiel du Muséum national d’histoire naturelle dans la conception, la mise à jour et la diffusion de l’inventaire du patrimoine naturel.

Sur le titre II, l’Assemblée nationale ayant validé l’essentiel de l’équilibre que nous avons adopté en première lecture, nous avons seulement supprimé l’article 7 ter A, qui prévoit un rapport sur les recettes de la part départementale de la taxe d’aménagement destinée à financer les espaces naturels sensibles.

Au titre III, relatif à l’Agence française pour la biodiversité, dont vous avez longuement parlé, madame la secrétaire d'État, nous avons réintroduit la mission d’appui technique à l’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces animales protégées et nous avons adopté un amendement de notre collègue Jean-Noël Cardoux et du groupe socialiste et républicain prévoyant que les missions de police seront exercées par l’agence et l’ONCFS, dans le cadre d’unités communes, sous l’autorité d’un directeur commun, nommé par les directeurs des établissements concernés. J’ai compris que nous aurions l’occasion d’en reparler.

Au titre III bis, nous avons entériné la réforme des comités de bassin et de la composition des conseils d’administration des agences de l’eau introduite à l’Assemblée nationale, mais qui ne sera effective qu’au prochain renouvellement des instances, c’est-à-dire en 2020, pour ne pas créer de perturbation pour ces dernières.

En revanche, nous avons substitué des règles de déontologie au régime d’incompatibilité que l’Assemblée nationale souhaitait mettre en place pour les membres de ces conseils d’administration, ce qui revenait, selon moi, à nier l’esprit même de la gouvernance de l’eau en France. De nombreuses professions appliquent des règles de déontologie, les membres des agences de l’eau peuvent donc parfaitement en faire autant.

Au titre IV, nous avons sécurisé juridiquement le dispositif d’accès aux ressources génétiques et de partage des avantages, ou APA, en supprimant les références aux « communautés autochtones et locales », pour les remplacer par la notion de « communauté d’habitants », sans vouloir heurter la fierté légitime de nos collègues ultramarins, mais simplement pour éviter tout risque d’inconstitutionnalité et éviter à ces communautés de perdre le bénéfice de l’APA.

Nous avons rétabli la procédure, supprimée par les députés, d’accès et de partage des avantages pour les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles associées, qui étaient déjà en collection avant l’entrée en vigueur de la loi et qui feraient l’objet d’une utilisation ultérieure.

Sur l’initiative de Sophie Primas, nous avons également rétabli la rédaction du Sénat concernant les motifs pour lesquels l’administration pourra refuser une autorisation pour l’accès à une ressource génétique.

Au titre V, la commission a supprimé, sur l’initiative de notre collègue Catherine Deroche, la contribution additionnelle sur les huiles de palme, de palmiste et de coprah, considérant qu’elle créerait des difficultés commerciales et diplomatiques disproportionnées par rapport aux buts poursuivis, en particulier au regard des règles de l’Organisation mondiale du commerce – cet élément nous avait échappé lors de la première lecture –, et qu’une réforme plus globale et cohérente de la taxation des huiles devait plutôt être débattue dans une loi de finances. J’ajoute qu’une mission d’information sur la taxation des produits agroalimentaires est en cours à l’Assemblée nationale.

La commission a également modifié l’article 32, relatif aux établissements publics de coopération environnementale, les EPCE, en vue d’élargir leurs missions à toute action visant à préserver la biodiversité et d’associer des établissements publics locaux à leur création et à leur gestion, notamment afin de permettre aux offices de l’eau des territoires ultramarins de participer à la gouvernance de ces établissements. Nous donnons ainsi un coup d’accélérateur à la création de ce nouveau type d’établissement public.

La commission a rétabli l’article 32 bis BA, adopté au Sénat, visant à permettre l’incorporation au domaine public des terrains acquis au titre de la politique des espaces naturels sensibles. Elle a aussi clarifié le dispositif de compensation prévu par l’article 33 A et a supprimé l’obligation d’agrément préalable des opérateurs de compensation, afin d’encourager cette activité et, surtout, de la simplifier, en évitant la création d’une de ces usines à gaz que notre pays ne connaît que trop.

Elle a rétabli plusieurs dispositions que nous avions adoptées en première lecture sur le mécanisme d’obligations réelles environnementales, notamment sur le point de la concertation préalable.

Elle a aussi supprimé l’article 34, créant des zones prioritaires pour la biodiversité, comme en première lecture. À l’occasion d’un déplacement en Alsace, en compagnie de plusieurs collègues, j’ai pu constater que cet outil, certes intéressant d’un point de vue intellectuel, n’était pas efficace pour assurer la survie du grand hamster d’Alsace, alors que les agriculteurs nous ont montré que d’autres moyens plus pertinents fonctionnaient sur le terrain.

De même, la commission a supprimé l’article 36 quater, relatif aux espaces de continuités écologiques, dans la mesure où le code de l’urbanisme prévoit déjà des outils en ce sens.

À l’article 51 quaterdecies, relatif aux produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes, nous aurons de longs débats, car les positions et les solutions proposées diffèrent.

La commission a rétabli, contre mon avis, la rédaction votée par le Sénat en première lecture, qui revient sur l’interdiction et renvoie à un arrêté du ministre de l’agriculture, pris dans les six mois après la promulgation de la loi, le soin de définir les conditions d’utilisation de ces produits, afin de tenir compte de l’avis de l’ANSES de janvier dernier. L’article a été complété par l’adoption d’un sous-amendement de Sophie Primas visant à ajouter à l’interdiction de vente de produits phytopharmaceutiques en libre-service à compter de 2017 une exception pour les produits dont l’utilisation est autorisée en agriculture biologique.

Enfin, nous avons supprimé en commission un certain nombre d’articles ou de dispositions relevant clairement du domaine réglementaire ou étant redondantes avec le droit existant, comme le détail du contenu du volet du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le SRADDET, consacré à la gestion du trait de côte, la consultation des usagers détenteurs d’autorisations avant le classement d’une réserve naturelle ayant une zone maritime, ou encore l’obligation de boucher tous les poteaux téléphoniques et anti-éboulement creux qui sont déjà installés et l’interdiction de poser de nouveaux poteaux creux et non bouchés.

Notre commission propose ainsi au Sénat un texte qui reste ambitieux, tout en étant réaliste. Je suis sûr que les travaux que nous allons mener permettront d’aboutir à un texte équilibré, comme l’a dit Mme la secrétaire d’État, qui fera progresser la biodiversité. En effet, celle-ci est notre bien commun, que nous léguerons à nos enfants le moment venu, en ayant conscience d’avoir bien travaillé pour l’avenir de notre pays. (Applaudissements.)