M. François Calvet. Il y a une péréquation et des dotations dites « verticales ». Les communes de montagne ne s’y retrouvent pas.
Dans son obsession égalitariste, le Gouvernement croit juste de traiter l’ensemble du territoire de la même manière, sans tenir compte des disparités géographiques, de l’inégalité naturelle qu’elles provoquent et que la philosophie même d’aménagement du territoire a pour objet de compenser.
Nous sommes encore sous l’empire de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite « loi montagne ». Ce texte, voté voilà trente ans, est axé sur la protection de la nature au détriment du développement économique. Du coup, le dynamisme économique de ces territoires est en net recul.
Par ailleurs, l’absence d’assouplissement des normes aggrave la désertification de ces zones, notamment en termes de service public et d’accessibilité. La montagne est aussi devenue synonyme de désert médical.
Enfin, jamais un gouvernement n’a autant modifié l’organisation territoriale que le vôtre depuis le début de ce quinquennat, avec l’élargissement des frontières des cantons et la création de nouvelles régions, systématiquement au détriment de la ruralité !
Quand je regarde mes belles Pyrénées, je me demande si les territoires montagnards et ruraux ne seront pas les grands oubliés de ce quinquennat.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, je vous rassure : la ruralité et la montagne ne seront pas oubliées ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je répondais jeudi à l’un de vos collègues sur la ruralité, en déclinant les mesures que nous avons adoptées. Ainsi que je l’annonçais, un nouveau comité interministériel aura lieu dans trois semaines.
Il va de soi que les spécificités de la montagne sont reconnues. Nous souhaitons un aménagement harmonieux du territoire et de toutes les zones qui composent le territoire français.
M. André Trillard. Des preuves !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. À cette fin, nous avons débloqué un fonds.
Alors que l’on nous accusait tout à l’heure de « faire les poches » aux collectivités locales, nous leur consacrons en réalité un milliard d’euros, dont 500 millions d'euros pour l’investissement, 300 millions d'euros pour les centres-bourgs et 200 millions d'euros supplémentaires au titre de la dotation de développement rural.
La montagne a naturellement accès à ce fonds, dont je souligne au passage qu’il fonctionne très bien et qu’il est déconcentré auprès des préfets.
Le Conseil national de la montagne, qui s’est tenu à Chamonix le 25 septembre en présence de M. le Premier ministre et d’un certain nombre d’autres membres du Gouvernement, a tracé la feuille de route.
Nous avons mis en place les maisons de santé. Elles connaissent un succès remarquable, avec 1 000 ouvertures d’ici à la fin de l’année ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Nous aussi avons institué les maisons de services au public, qui permettent, pour la première fois, de ramener le service public dans la ruralité et dans la montagne, au-delà du discours.
Enfin, un projet de loi consacré à la montagne sera déposé au Parlement à la session d’automne. Nous aurons l’occasion de discuter ensemble sur le sujet. La loi que vous appelez de vos vœux sera une réalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)
gel du vignoble
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie Mercier. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
Mercredi 27, jeudi 28 et vendredi 29 avril, le gel a frappé le vignoble de Bourgogne et les vignes de nombreuses autres régions de France. Ces épisodes ont été particulièrement importants. Leurs conséquences sont dramatiques, voire irréversibles.
Les pertes sèches de récolte sont estimées entre 50 % et 60 %. C’est le cas à Mercurey, Reuilly ou Bouzeron en Saône-et-Loire, où 300 hectares de vigne sont concernés. De lourds dégâts sont aussi à déplorer en Côte-d’Or : Puligny-Montrachet, Chassagne-Montrachet, Meursault Corton, Beaune. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Le département de l’Yonne est aussi durement touché.
Certains domaines ont perdu jusqu’à 100 % de leur récolte. Les pertes sont très variables d’une parcelle à l’autre. Ces gelées printanières sont extrêmement rares et graves, surtout lorsqu’elles ont lieu pendant trois jours de suite. Les assurances récoltes restent chères ; beaucoup de vignerons ne sont pas assurés.
Monsieur le ministre, je sollicite votre intervention pour un classement en catastrophe naturelle. Il faut suspendre ou reporter le paiement des charges sociales à la Mutualité sociale agricole, la MSA, différer les subventions AgriMer pour permettre aux exploitations de se remettre sur pied financièrement avant d’engager d’autres investissements et ajourner les remboursements d’emprunts des viticulteurs concernés auprès des organismes bancaires.
Le Gouvernement prend-il toute la mesure de la catastrophe naturelle qui s’est abattue sur notre vignoble ? Compte-t-il intervenir pour soutenir nos vignerons ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, à en juger par les réactions dans l’hémicycle lorsque vous avez évoqué certains vignobles, il doit y avoir ici beaucoup d’amateurs et d’amoureux des vins de Bourgogne. Et le ministre que je suis en fait partie ! (Sourires.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Le gel tardif – cela arrive – que vous avez évoqué aura des conséquences sur la récolte de 2016. Le Gouvernement est évidemment mobilisé.
Il faudra évaluer les conséquences économiques lors de la récolte, ou au moment où elle aurait dû avoir lieu. Vous avez évoqué des possibilités d’allégement ou de report des charges. Les questions d’achats et de stocks liées à ces vignobles devront également être abordées.
Vous le savez, nous avons eu à plusieurs reprises des débats au sujet d’accidents climatiques très importants. Là, il s’agit de gel. Nous avons connu des sécheresses, mais aussi des grêles ayant causé de graves dégâts.
Nous avons eu un débat avec Gérard César sur l’assurance qu’il est nécessaire de mettre en œuvre pour parvenir à faire face à ces aléas climatiques. Sur ce sujet, nous avons beaucoup progressé. Il faut encore avancer. Des propositions supplémentaires sont attendues.
Sur cette question, comme sur d’autres, le Gouvernement est aux côtés de viticulteurs. Il mettra en œuvre toutes les dispositions nécessaires pour leur permettre de faire face à une situation effectivement difficile. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour la réplique.
Mme Marie Mercier. Je vous remercie, monsieur le ministre. Nos vignerons et nos domaines viticoles ont plus que jamais besoin de votre soutien !
La filière ne veut pas être plainte ; elle veut être aidée ! Le Gouvernement porterait une lourde responsabilité en ne l’accompagnant pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
conflit du haut-karabagh
M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas, pour le groupe socialiste et républicain
M. Luc Carvounas. Ma question, qui s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, concerne l’inquiétant regain de tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Dans la nuit du 1er au 2 avril, l’armée azérie a violé le cessez-le-feu instauré en 1994 entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie au Karabagh. Lors de ces combats, on a dénombré une quarantaine de morts, dont des victimes civiles. Il s’agit des affrontements les plus meurtriers depuis 1994. Certains observateurs évoquent même un retour à la situation de 1988 en termes de tensions.
Les autorités du Haut-Karabagh ont annoncé mardi 5 avril avoir conclu un accord de cessez-le-feu avec les forces azerbaïdjanaises pour mettre fin à quatre jours de violents combats dans cette zone stratégique du Caucase.
Comme le Président de la République, François Hollande, s’y est engagé, la France joue depuis 2012 un rôle majeur dans la résolution du conflit, en coprésidant le groupe de Minsk.
Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes rendu en Arménie et en Azerbaïdjan les 25 et 26 avril. Avec vos interlocuteurs dans les deux capitales, vous avez évoqué le conflit du Haut-Karabagh. Vous avez rappelé l’attachement de la France au respect du cessez-le-feu, ainsi qu’à la reprise des négociations, sous la médiation des coprésidents du groupe de Minsk.
Nous constatons à regret l’absence de volonté du pouvoir azéri d’atteindre une paix juste et définitive. Et je ne parle même pas des déclarations du président turc, qui ne font que jeter un peu plus d’huile sur le feu !
Monsieur le secrétaire d'État, jamais le risque de déclencher des combats incontrôlables n’a paru aussi grand. Toute escalade dans cette zone de conflits pourrait avoir des conséquences internationales dramatiques.
Pouvez-vous nous indiquer quelles initiatives notre diplomatie compte prendre pour apaiser la situation ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d’État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l’urgence et la gravité de la situation au Haut-Karabakh suite aux événements du début du mois d’avril.
Ce nouveau regain d’affrontements militaires le montre : penser que le simple maintien du statu quo peut apporter une solution serait une grave erreur. Vous l’avez souligné, ce conflit continue à faire des dizaines de victimes civiles et militaires chaque année.
Nous le savons, l’urgence aujourd’hui, c’est d’obtenir le cessez-le-feu, l’arrêt de toute confrontation militaire et le retour des parties à la table des négociations pour trouver une solution négociée et politique au conflit.
Cela ne sera pas facile. La confiance est rompue entre les deux parties. Leur propension à revenir à la table des négociations est aujourd’hui très faible. Toutefois, la détermination de la France, qui, comme vous l’avez rappelé, copréside le groupe de Minsk aux côtés de la Russie et des États-Unis, ses partenaires au sein de l’OSCE, est totale. C’est le sens du message que j’ai porté la semaine dernière lors de mon déplacement en Arménie et en Azerbaïdjan.
En rencontrant les présidents de ces deux pays, MM. Sarkissian et Aliyev, je leur ai exprimé ce qui a toujours été la position de la France. Je les ai appelés à un compromis de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sur la question du Haut-Karabakh. J’ai défendu le même message à Erevan et à Bakou.
Les paramètres du compromis sont connus. Il s’agit de ce que l’on appelle les principes de Madrid : le non-recours à la violence, le respect de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et le droit à l’autodétermination du Haut-Karabakh. Ce sont les lignes sur lesquelles doit reprendre la négociation.
Bien entendu, nous devons également apporter des garanties de sécurité pour l’Arménie et répondre aux préoccupations de l’Azerbaïdjan. La France est totalement mobilisée à tous les échelons de l’État. Le Président de la République avait déjà reçu les deux présidents concernés au mois d’octobre 2014. Nous sommes prêts à prendre toutes les initiatives qui permettront de revenir à une solution de négociations pour la paix. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 12 mai 2016 et seront retransmises sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.
Je vais suspendre la séance. Elle sera reprise à dix-sept heures quarante-cinq, pour le débat sur la situation financière des communes et des intercommunalités.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent.
M. Maurice Vincent. Lors du scrutin n° 213 sur l’ensemble du projet de loi pour une République numérique, M. Gérard Collomb a été comptabilisé comme ayant voté contre alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Lors du scrutin n° 212 portant sur l’amendement n° 603 rectifié, M. Yves Pozzo di Borgo a été comptabilisé comme ayant voté contre alors qu’il souhaitait voter pour.
M. le président. Mes chers collègues, acte est donné de ces deux mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
5
Organisme extraparlementaire
M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du Comité national de l’initiative française pour les récifs coralliens.
La commission des lois a été invitée à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
6
Dépôt d’un document
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la décision n° 2016-ENR de redéploiement de fonds de l’action « Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » vers l’action « Rénovation thermique des logements privés » mise en œuvre par l’Agence nationale de l’habitat dans le cadre du programme d’investissements d’avenir.
Acte est donné du dépôt de ce document.
Il a été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires économiques, et à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
7
Situation financière des communes et des intercommunalités
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la situation financière des communes et des intercommunalités, organisé à la demande du groupe Les Républicains.
La parole est à M. François Baroin, orateur du groupe auteur de la demande.
M. François Baroin, au nom du groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie tout d’abord le groupe Les Républicains et son président, Bruno Retailleau, d’avoir sollicité l’organisation de ce débat sur la situation financière des communes et des intercommunalités.
Lors du 99e congrès des maires de France et des présidents d’intercommunalité, qui aura lieu dans quelques semaines, nous exprimerons formellement et définitivement l’attente de tous les maires : une remise en cause de la tranche 2017 de la réduction dramatique des dotations de l’État aux collectivités locales.
L’État a engagé cette réduction sans concertation, dans une loi de programmation des finances publiques. La copie était mal rédigée. Il s’agissait pour Bercy de tendre la main à la Commission européenne pour demander le report à 2017 de la réduction du déficit public à 3 %.
Je veux profiter de l’occasion pour tordre le cou à certains canards qui volent malgré eux !
Des propos sont répétés servilement par des instances de réflexion qui ne connaissent ni la réalité du terrain, ni la place des services publics dans la tenue de notre territoire et de notre cohésion sociale, ni le rôle d’agents économiques que les collectivités locales entretiennent au titre de la restitution de la commande publique pour préserver l’investissement public et l’emploi de proximité, ni la capacité de levier que notre loi fondamentale leur confère au titre de la libre administration des collectivités territoriales en leur permettant de lever l’impôt.
En 2014, on a commis l’erreur de sacrifier les collectivités locales sur l’autel de l’absence de réformes structurelles au cours du quinquennat.
Si l’image d’un gouvernement faisant les poches aux collectivités locales a rencontré un tel succès lors des questions d’actualité dans une assemblée qui représente les territoires, c’est bien qu’elle recouvre une part de vérité. Le fait que l’État n’assume pas ses responsabilités crée un sentiment d’injustice.
Par les dotations, l’État verse aux collectivités locales des crédits qu’il leur doit en raison des compétences qu’il leur a transférées, des responsabilités qu’il leur a accordées et du choix qu’il a fait de leur attribuer des impôts de dimension nationale pour permettre un effort de contribution et de solidarité.
Les décisions qui ont été prises sont trop lourdes. Elles portent les germes de la très grande difficulté que connaît notre économie aujourd’hui et du ralentissement dramatique de l’investissement public sur le terrain.
Nous n’avons eu de cesse de le dénoncer depuis deux ans. Je parle évidemment des maires de France et des présidents d’intercommunalité. Ce n’est pas un problème de droite et de gauche ou de majorité et d’opposition ! Chacun a apporté sa contribution lors de la journée de mobilisation du 19 septembre en fonction de sa propre sensibilité. Certes, le mode d’expression varie selon le jugement porté sur l’action du Gouvernement. Mais l’immense majorité, voire la quasi-totalité des maires ont accompagné ce mouvement inédit et historique pour demander la remise en cause de la réduction des dotations de l’État aux collectivités locales.
Le mouvement a été si profond et puissant, car il s’appuie sur la claire conscience qu’une telle décision aboutit à l’effondrement de l’investissement public de proximité. Nous constatons à présent les dégâts que cela entraîne pour le bâtiment et les travaux publics. On annonce la suppression de dizaines de milliers d’emplois d’ici à 2017 sur l’ensemble de notre territoire.
Madame la secrétaire d'État, vous n’ignorez pas cette contestation. Nous allons engager un bras de fer avec l’État. Vous n’êtes membre du Gouvernement que depuis peu. En tant que parlementaire, vous aviez bataillé sur le texte qui est devenu la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Vos nouvelles fonctions ne doivent pas vous faire oublier vos anciennes positions. Votre qualité d’ancienne élue locale m’amène naturellement à flatter votre fibre de représentante d’un territoire. Vous devriez pouvoir comprendre nos préoccupations.
Le premier canard qui vole concerne l’ampleur de l’effort demandé aux collectivités locales. Nous maintenons que celui-ci est de l’ordre de 28 milliards d’euros. Le Gouvernement conteste ce chiffre depuis deux ans et avance celui de 11 milliards d’euros.
En tant qu’ancien ministre du budget, je vais vous démontrer la justesse de notre estimation.
Le montant global de la dotation globale de fonctionnement était de 41,5 milliards d’euros en 2013. Si on l’avait simplement gelé, l’inflation étant restée modeste ces deux dernières années, et l’évolution du coût de la vie pouvant être considérée comme marginale, le montant de la dotation serait resté relativement inchangé entre 2013 et 2017 ; je laisse à vos conseillers le soin de faire le calcul sur ce point. Cinq années de dotations au montant de 2013, cela représente 207 milliards d’euros. Or, avec les baisses cumulées décidées par le Gouvernement, les collectivités territoriales ne recevront sur cette même période que 179 milliards d’euros.
Que tous les commentateurs qui suivent notre débat reprennent ce chiffre implacable ! Ce sont bien 28 milliards d’euros en cumulé et en trois ans, soit l’équivalent de plus de la moitié d’une année globale d’investissements d’un grand pays comme le nôtre. Que nous soyons la cinquième, la sixième ou la septième puissance économique mondiale, notre modèle économique repose sur un volume d’investissements ! Or il y a très peu d’investissement privé, et quasiment plus d’investissement d’État. Il reste de l’investissement local. Vous avez effacé en trois ans la moitié d’une année globale d’investissement national. C’est une grave erreur économique ! Arrêtons de travestir la réalité et prenons la mesure de l’effort qui est demandé aux collectivités !
Le deuxième canard qui vole consiste à considérer que les élus construisent des ronds-points, portent leur écharpe en bandoulière, assistent à des cocktails et, surtout, sont les premiers responsables de la situation dramatique de notre économie.
Ce discours populiste est insupportable. Il affaiblit la démocratie représentative. Il est insultant pour la quasi-totalité de celles et ceux qui consacrent de manière bénévole l’essentiel de leur énergie au service d’un mandat qui leur a été légitimement confié par le suffrage universel. Nous le contestons d’autant plus que la réalité de notre action sur l’accompagnement de l’esprit de responsabilité n’est plus à démontrer, depuis de très nombreuses années.
Aucun élu en France, dans cette Haute Assemblée comme à l’Association des maires de France, quelle que soit la taille de la commune, ne conteste la nécessité de faire un effort de réduction des dépenses. Que l’on cesse de nous présenter comme les responsables de la situation économique, du déficit, de la dette, de l’inflation depuis l’augmentation des prélèvements obligatoires ! Arrêtons de prétendre que si la France est au top des dépenses publiques et dans le tiercé de tête des prélèvements obligatoires, c’est de la faute des élus !
Je le dis fermement : nous ne créons pas de déficit, car nous n’en avons pas le droit ! Contrairement à l’État, nous sommes soumis à une règle d’or. Nous avons peut-être une responsabilité dans l’augmentation de la dette au cours de ces dernières années. Mais il faut lire les chiffres. Les 2 000 milliards d’euros de dette publique sont à 80 % de la responsabilité de l’État, à 10 % de celle de la sécurité sociale et moins de 10 % est de celle des collectivités locales, dont 4,5 % pour les communes et les intercommunalités.
On peut plaider pour la réduction des sources de dépenses. Mais mettons un terme au discours sur la responsabilité des communes dans les déficits publics ! Contrairement à l’État, nous ne pouvons pas emprunter de l’argent sur les marchés auprès d’établissements prêteurs pour financer des déficits de fonctionnement. En revanche, nous avons une triple action.
D’abord, nous faisons éventuellement appel à la contribution fiscale de nos territoires pour financer des services publics, développer nos territoires et accompagner de nouvelles demandes.
Ensuite, nous redistribuons l’argent du contribuable sous forme de subventionnement pour irriguer de façon vertueuse le tissu associatif, qui est l’une des plus belles et des plus grandes richesses de notre pays.
Enfin, nous restituons cet argent sous forme de commande publique et à travers de l’investissement, soutenant ainsi l’activité économique.
C’est bien là le cœur du débat. Notre rôle d’agent économique n’est plus possible. Plus personne ne conteste sérieusement la réalité de l’effondrement de l’investissement en France. Cela n’a rien à voir avec le cycle électoral de 2014 ni avec l’évolution de l’intensité de la mobilisation ou de l’absence de projet de la part des élus. Cela découle des choix gouvernementaux de 2014, qui ont été vécus comme une guillotine. Au lendemain des élections municipales, les élus ont découvert que la feuille de route à laquelle ils seraient soumis jusqu’à la moitié de leur mandat remettait en cause les engagements qu’ils avaient pris devant leurs électeurs !
Je ne connais pas un maire de France, de gauche comme de droite, qui l'ait emporté en proposant d’augmenter la pression fiscale. Certes, il existe des poissons volants. Mais ce n’est pas la majorité de l’espèce ! S’il existe un maire élu en 2014 sur la promesse d’une hausse significative des impôts, qu’il se fasse connaître : nous lui réserverons une place de choix à la tribune de l’assemblée générale des maires de France !
Aujourd’hui, nous ne sommes plus en mesure de redistribuer l’argent. L’investissement public a baissé de 12 % en 2014 et de plus de 10 % en 2015. En 2017, l’investissement public des communes et des intercommunalités aura, au total, subi une baisse de 30 % ! Or, dans un système économique comme le nôtre, une baisse de seulement 10 % de l’investissement, c’est 0,2 à 0,3 point de croissance en moins. Le choix du Gouvernement sur ces trois années fera donc perdre l’équivalent de quasiment un point de croissance !
N’allez pas chercher plus loin les raisons pour lesquelles la France se situe en dessous de la moyenne de l’Union européenne en termes de croissance, alors que, compte tenu de l’alignement des planètes, comme le dit Bercy, qu’il s’agisse de l’évolution de la monnaie, de la politique accommodante de la Banque centrale européenne, du prix du pétrole ou des taux d’intérêt avantageux, l’horizon est plutôt azuré.
Je m’adresse à vous en tant que représentante du Gouvernement dans cet hémicycle, madame la secrétaire d’État : tous les prêts à faible taux de la Caisse des dépôts et consignations ne serviront à rien si les capacités d’autofinancement des communes et des intercommunalités sont proches de zéro. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Seul l’autofinancement permettra de créer un effet de levier et d’accompagner toutes les politiques de relance.
Or nous assistons à l’effondrement de l’autofinancement. La situation sera encore tenable en 2016 – c'est la raison pour laquelle une forme de voile pudique est jetée aujourd'hui sur nos revendications –, mais elle ne le sera plus en 2017. Il restera alors ensuite trois ans de mandat pour relancer et soutenir l’activité économique.
À quatre semaines du congrès des maires de France, nous vous saisissons par conséquent officiellement, madame la secrétaire d’État. Nous nous sommes entretenus avec vous de cette question, nous en avons discuté, nous avons échangé. Je sais vos engagements, mais aussi les limites de votre mission dans le cadre budgétaire très contraint que nous connaissons. Ce n’est donc pas une admonestation personnelle que nous vous adressons.
À l’instar de la mobilisation unanime la semaine dernière du bloc communal, gauche et droite confondues, toutes deux portant le même message, nous vous demandons aujourd'hui de supprimer la tranche de 2017. Vous aiderez ainsi les territoires à se développer, vous conforterez la démocratie représentative et vous donnerez à l’économie française l’occasion de rebondir durablement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.