M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en période d’économies budgétaires et de difficultés économiques, absolument tout le monde doit faire des efforts, mais ces efforts doivent être équitablement répartis.
Or on constate que, pour des raisons électorales, le Président de la République distribue actuellement de l’argent à droite et à gauche. Il n’y a pas de raison qu’il mène sa campagne électorale avec l’argent public et que, parallèlement, l’État ne fasse pas un effort en faveur des communes et des collectivités territoriales en général. On ne comprendrait pas que le Président de la République et le Gouvernement ne fassent pas montre d’une volonté forte, affirmée, de traiter les communes et les autres collectivités locales au moins aussi bien que toutes les catégories auxquelles ils donnent satisfaction semaine après semaine au fur et à mesure qu’ils se rendent compte de l’existence de problèmes.
J’insisterai tout particulièrement sur les communes, dont les problèmes ne sont pas du même ordre que ceux que peuvent rencontrer les régions ou les départements, ces derniers disposant d’une marge de manœuvre et pouvant faire des économies. Les communes, pour leur part, se situent tout en bas de l’échelle. C’est un peu comme au régiment : une sanction prise tout en haut de l’échelle hiérarchique – ceux qui ont fait l’armée savent ce que cela signifie – devient de plus en plus forte au fur et à mesure qu’elle la redescend. Quand le capitaine a un problème, celui-ci rejaillit sur l’adjudant, puis sur le soldat de base, qui prend tout dans la figure !
Il en va de même pour les communes. Elles se voient infliger une double peine : la réduction des dotations de l’État, comme tout le monde, mais également des restrictions budgétaires de la part des autres collectivités, qu’il s’agisse des départements, des régions ou des intercommunalités, lesquelles leur octroyaient auparavant des subventions d’investissement. Les communes cumulant l’ensemble des difficultés, il est absolument indispensable de faire un effort en leur faveur.
Madame la secrétaire d’État, si le Président de la République et le Gouvernement estiment qu’ils ne peuvent pas totalement donner satisfaction à toutes les collectivités territoriales, à tous les groupements de collectivités, ils doivent au moins satisfaire les communes, qui doivent être prioritaires, tant leur situation actuellement est détestable. Il faut cesser de réduire leurs dotations et maintenir le niveau de celles-ci en 2017.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la destinée des collectivités territoriales serait-elle d’être sans cesse ballottées « entre des illusions passagères et des tourments continus », comme l’a écrit Alexandre Corréard à propos des sombres péripéties des passagers du radeau de La Méduse dont il fut l’un des quinze rescapés ?...
Le programme de stabilité qui a été dévoilé le 13 avril dernier a confirmé la poursuite de la baisse des dotations de l’État aux collectivités de 3,7 milliards d’euros en 2017. Pis, pour la même année 2017, il prévoit 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que la Haute Assemblée se préoccupe de la situation financière de plus en plus inquiétante des collectivités territoriales.
Sans surprise, après une baisse de 8,4 % en 2014, l’investissement local a enregistré en 2015 un nouveau recul de 10 % qui pénalise grandement la reprise économique dans nos territoires. À ce sujet, dans le rapport qu’ils ont remis le 7 avril dernier, nos collègues sénateurs Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard relèvent que « certaines collectivités non seulement n’arrivent plus à investir, mais ont du mal à assurer leur fonctionnement. Les hausses d’impôts deviennent inévitables, y compris dans les grandes villes, qui étaient 37 % en 2015 à avoir dû actionner le levier fiscal ».
La situation financière de bien des collectivités est tout simplement intenable ! Les communes et les intercommunalités, qui doivent supporter la baisse des concours de l’État, font face dans le même temps à des charges supplémentaires et peinent ainsi à mettre en œuvre leurs obligations légales, comme la mise en accessibilité des bâtiments publics ou la réforme des rythmes scolaires.
Les territoires ruraux sont tous affectés, car, en dépit d’une gestion équilibrée, ils peuvent avoir une structure budgétaire fragile et des charges réelles importantes, comme l’entretien d’un grand patrimoine culturel. Une baisse minime de leurs financements peut faire tragiquement basculer leur situation financière.
Leurs charges réelles doivent donc être mieux prises en compte dans leur contribution au redressement des comptes publics.
Pour compléter le tableau, les dernières réformes territoriales nécessitent aussi de lourds investissements, que les financements actuels ne permettront pas de couvrir sur la durée. À cet égard, le gel de la baisse des dotations dans le cadre de la mise en œuvre des communes nouvelles n’est qu’un dispositif temporaire de trois ans.
Dans ce contexte, une réforme globale du financement des communes et des intercommunalités est plus que nécessaire. Les mesures d’urgence jusque-là envisagées ne sont pas suffisantes.
Le Gouvernement mobilise pour 2016 un milliard d’euros de crédits supplémentaires spécifiquement dédiés au financement de projets portés par les communes et les intercommunalités, afin de soutenir l’investissement local. Ces crédits financent à hauteur de 800 millions d’euros la dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements à fiscalité propre et augmentent de 200 millions d’euros la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, ce qui maintient celle-ci à son niveau de 2015.
D’autres mesures accompagnent la création de ce fonds, comme l’extension du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA.
Toutefois, l’incidence de ce fonds d’un milliard d’euros, exceptionnellement créé pour 2016, doit être relativisée. Premièrement, ce dernier n’a pas vocation à être reconduit en 2017, contrairement à la baisse des dotations, qui, elle, se poursuit. Deuxièmement, une part des 200 millions d’euros de l’enveloppe globale permet simplement de maintenir la DETR à son niveau de 2015. Troisièmement, ces subventions sont attribuées selon la volonté du représentant de l’État dans les régions, conformément à une feuille de route très vague. Ce nouveau fonds, dont l’objectif est louable, n’est sûrement pas une solution pérenne pour nos territoires !
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement a-t-il l’intention d’alléger l’effort financier imposé aux communes et aux intercommunalités ? Selon l’Association des maires de France, l’investissement des communes et des intercommunalités chuterait de 25 % entre 2014 et 2017 dans la perspective de la poursuite de la baisse des concours de l’État. Or, dans le programme de stabilité, le Gouvernement prévoit bien la poursuite de cette baisse et compte sur un nouveau ralentissement des dépenses des collectivités d’un milliard d’euros en 2017.
Dans leur excellent rapport sur l’évolution des finances locales à l’horizon 2017, mes collègues Dallier, Guené, et Mézard vous suggèrent de supprimer ou, a minima, de répartir sur deux ans au moins la dernière tranche annuelle de l’effort contributif au redressement des comptes publics. Le Gouvernement a-t-il l’intention de revoir sa copie ou tout au moins de corriger le tir ?
Pour réussir la réforme de la DGF et garantir son équité, il est essentiel de mener une réflexion territorialisée. Au cœur de cette question, évidemment, il s’agit de trouver le juste critère permettant de refléter la réalité des charges et des compétences pesant sur les collectivités. À cet égard, le coefficient d’intégration fiscale n’est pas assez représentatif.
Par ailleurs, les modalités de calcul de la dotation de centralité et de la dotation de ruralité doivent également être plus équilibrées, afin que les communes rurales et les centres-bourgs ruraux ne soient pas les laissés-pour-compte de la nouvelle réforme de la DGF. Ces dotations doivent mieux tenir compte des réalités multipolaires des territoires et mieux évaluer les charges de centralité, le critère de population étant bien trop insuffisant pour mesurer le rôle de centre d’un territoire.
Madame la secrétaire d’État, sur ces recommandations de bon sens, mais non dénuées de difficultés techniques, j’en conviens, avez-vous des pistes ? Il est désormais urgent de prendre des décisions susceptibles de soulager les finances des communes et des intercommunalités de notre pays. C’est très important pour l’avenir de nos territoires comme pour le bien-être de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous connaissez tous la méthode Coué : ça va mieux ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Claude Raynal. C’est pourtant vrai !
M. Cédric Perrin. Tel est le nouveau leitmotiv des communicants de l’Élysée à un an de l’élection présidentielle.
Si l’on écoute le Gouvernement, concernant la situation financière des communes et des intercommunalités, ça ne va pas mieux, ça va bien !
Cette présentation est évidemment tronquée et fallacieuse. Elle fait bondir la plupart des élus locaux tant le décalage entre les déclarations du Gouvernement et la vraie vie sur le terrain, celle des élus, est abyssal !
Est-il nécessaire de rappeler que les dépenses d’investissement ont baissé de 4,6 milliards d’euros et que l’endettement s’est aggravé de 9 milliards d’euros en un an ? Le Gouvernement se garde bien de parler du coût pour le solde public induit par les effets récessifs de la baisse des investissements.
Je rappelle que 75 % de l’investissement public est réalisé par les collectivités territoriales. En 2015, le chiffre d’affaires du secteur du bâtiment et des travaux publics a diminué de 8 % supplémentaires et 15 000 emplois ont été détruits. Dans ma région, la Franche-Comté, 11,5 % des entreprises de ce secteur ont été défaillantes au dernier trimestre 2015.
La diminution des dépenses de fonctionnement des collectivités n’a rien d’étonnant, puisque les dotations de l’État baissent. C’est automatique, car, selon la « règle d’or », le budget de fonctionnement des collectivités, contrairement à celui de l’État, ne peut pas être en déficit.
La nécessité, pour les collectivités, de faire un effort en matière de dépenses de fonctionnement, notamment de personnel, est incontestable. Elle appelle toutefois deux commentaires.
En premier lieu, que la baisse des dotations entraîne une diminution des dépenses de fonctionnement, c’est plutôt vertueux, mais qu’elle ait également pour conséquence une réduction des investissements prouve bien qu’elle est d’une ampleur trop importante.
En second lieu, le fait que le Gouvernement se félicite de la diminution en 2015 des dépenses de personnel est totalement incohérent avec les mesures qu’il a prises : je pense à la réforme des rythmes scolaires, dont le coût en personnel est estimé à 1 milliard d’euros ; à la revalorisation des catégories C et B qui entraîne une augmentation de 2,9 milliards d’euros par an de la masse salariale des collectivités locales depuis 2014 ; au protocole sur les parcours professionnels qui va accroître de 350 millions d’euros les dépenses de personnel ; enfin, à la revalorisation en 2016 et 2017 de 1,2 % du point d’indice des fonctionnaires territoriaux, mesure qui coûtera 1,2 milliard d’euros en cumulé en 2017.
Le Gouvernement fait en outre preuve de mauvaise foi en ne donnant pas l’explication de la hausse des recettes de fonctionnement. Ces dernières sont constituées des concours financiers de l’État et des recettes fiscales : si les dotations diminuent, cela signifie que la hausse des recettes provient d’une augmentation de la fiscalité locale. Les impôts locaux ont crû de 1,6 % en moyenne en 2015. Les communes n’ont plus d’autre choix que d’augmenter la fiscalité pour assurer leur fonctionnement courant et un minimum d’investissements.
Il est donc aisé de parader au journal de vingt heures et d’y annoncer que tout va bien et que l’État va diminuer la pression fiscale quand, par ailleurs, un transfert massif de charges et une baisse sans précédent des dotations obligent – je dis bien « obligent » – les maires à augmenter les impôts juste pour survivre !
Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise !
Il est urgent de desserrer le nœud coulant qui étouffe les collectivités locales depuis 2014 et les voue à une mort certaine. Aujourd’hui, la plupart des maires ne peuvent plus faire d’économies de fonctionnement, car ils ont épuisé cette marge de manœuvre.
Certains, à force de tailler dans les dépenses et de creuser, rêvent de trouver du pétrole. Malheureusement, ce n’est qu’un rêve !
Dans la vraie vie, les maires en sont réduits à se demander quel service public ils vont supprimer pour essayer de boucler le prochain budget, sans parler de ceux des années suivantes, qui s’annoncent catastrophiques !
Madame la secrétaire d’État, l’histoire retiendra-t-elle que le gouvernement actuel aura été le fossoyeur des collectivités locales, de nos communes, de celles qui font le lien social dans notre pays ? Ce gouvernement sera-t-il celui qui aura donné aux préfets les clefs de mairies en faillite ? Vous le savez, la situation n’est plus tenable. Il est impératif de stopper l’hémorragie et de laisser le malade agonisant enfin respirer ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mon quatrième mandat de maire est réellement le plus difficile du point de vue financier. Et je ne suis pas le seul à faire un tel constat.
Le gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire d’État, fait de nous de sacrés cumulards ! Nous cumulons en effet une baisse sans précédent des dotations. Ainsi ma commune a-t-elle perdu 5 millions d’euros de DGF en quatre ans. Les efforts en termes de péréquation augmentent pour nombre d’entre nous. Les charges qui nous sont imposées sont en hausse, mais ne sont pas compensées. À cela s’ajoutent les incertitudes liées à la réforme de la DGF, dont on ne sait pas encore véritablement ce qu’elle va donner. À somme constante, il y aura des gagnants et forcément des perdants. Tout cela fait beaucoup, beaucoup trop !
Les communes, cela a été dit, ne sont pas opposées au fait de participer au redressement des finances de notre pays, mais elles souhaitent que les efforts soient équitablement répartis. Aujourd'hui, les efforts demandés aux collectivités sont sans commune mesure avec ceux, bien faibles, que s’impose lui-même l’État. Cet écart est incompréhensible pour nombre d’entre nous.
Mme la rapporteure générale de la commission des finances de l’Assemblée nationale l’a reconnu elle-même, les trois quarts de l’amélioration des comptes de 2015 proviennent des collectivités locales. Alors que celles-ci enregistraient un déficit de 4,6 milliards en 2014, elles ont affiché un excédent de 700 millions d’euros en 2015. L’essentiel de l’effort provient donc de leur part.
Cet effort important a été consenti au prix de mesures d’économies drastiques dans la plupart de nos collectivités, donc de baisses réelles de dépenses, et non de moindres augmentations, comme c’est le cas pour l’État. Cela signifie de moindres services et prestations, parfois aussi des augmentations d’impôt, malheureusement, mais également une diminution considérable de l’investissement, ce qui est très mauvais pour l’économie locale et pour l’emploi. Il n’est pas surprenant que le chômage augmente tant depuis quatre ans.
Dans un récent bilan que vous avez dressé, madame la secrétaire d’État, vous avez conclu que les collectivités locales avaient pu absorber ces efforts sans trop de dommages. Vous avez même déclaré que la purge pouvait être vertueuse, car elle provoquait des économies nécessaires à l’échelon local. En bref, sans trop de mal, les collectivités s’en sortent bien. Je reconnais là la compétence du service de la communication de Bercy, dont j’ai déjà eu l’occasion de faire les louanges, tant il est excellent, mais je pense que ce constat ne correspond pas à la réalité.
La réalité, c’est que les communes n’en peuvent plus. Il est par conséquent grand temps aujourd'hui de mettre fin à cette disproportion, d’en revenir à l’équité. À cet effet, nous réclamons un gel des baisses des dotations en 2017. Même dans ce cas, les collectivités feront encore plus d’efforts que l’État lui-même.
Je tiens maintenant à attirer votre attention sur les dépenses qui sont imposées aux collectivités territoriales et qui ne leur sont pas compensées, en particulier sur les parcours professionnels carrières et rémunérations, ou PPCR, car c’est une véritable bombe à retardement pour les finances locales. À défaut de concertation, madame la secrétaire d’État, une étude d’impact a-t-elle été effectuée ? Quel sera le coût réel du PPCR pour les communes à l’horizon de 2020 ? Nul doute qu’il sera très élevé, ce que je déplore.
Pour être juste, l’État ne doit pas décider seul, sans concertation. Nous devons prendre les décisions tous ensemble.
Le dernier point de mon intervention portera sur les recettes. Sur ce sujet, j’aimerais qu’on fasse preuve d’intelligence. Il faut chercher et trouver de nouvelles recettes pour les collectivités locales. Pour ma part, je ne crois pas à la révision globale des valeurs locatives, maintes fois annoncée et repoussée. Je pense au contraire qu’il faut réviser les valeurs locatives progressivement, sans douleur, lors de chaque mutation, c'est-à-dire lors de chaque cession de biens et de chaque succession, afin de créer de nouvelles recettes pour les collectivités.
C’est en gelant les dotations, en n’imposant plus aux collectivités de dépenses nouvelles non compensées et en trouvant de nouvelles recettes que l’on parviendra à s’en sortir. J’espère que ce n’est pas trop demander au Gouvernement que de faire preuve d’équité, de justice et d’intelligence, madame la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. « Sur les années 2014-2017, les concours financiers de l’État sont en effet appelés à diminuer de 12,5 milliards d’euros, soit une baisse cumulée de 28 milliards d’euros, dont 15,7 milliards d’euros (56%) pour le seul bloc communal. Le double mouvement de baisse des dotations et de transfert unilatéral de dépenses par l’État conduit au bord du déséquilibre budgétaire un nombre de plus en plus important de collectivités. Après 10 milliards de baisse des investissements depuis 2013, le bloc communal est contraint de réduire les services à la population ou d’augmenter les tarifs, et de limiter à nouveau les investissements locaux.
« Les associations du bloc communal, qui ont accepté le principe d’une contribution des collectivités locales à la réduction des déficits des comptes publics, alertent à nouveau sur le caractère insoutenable et inéquitable de ce plan pluriannuel et invitent l’État à entendre l’inquiétude légitime des élus locaux contraints désormais de réduire leur soutien à la cohésion sociale et au développement économique.
« En outre, depuis la suppression de la taxe professionnelle, les baisses successives de la DGF, dont les effets se cumulent dans le temps, soulèvent de très fortes interrogations quant à la capacité pour les budgets locaux d’absorber le choc. La révision de l’effort demandé par l’État constitue une condition indispensable à la soutenabilité de la réforme et par conséquent un préalable à l’engagement d’une réforme de la DGF. »
Les différentes associations d’élus locaux, dont je viens de vous lire un communiqué, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, portent la même analyse sur les effets de la réduction des concours de l’État aux collectivités locales. Elles insistent sur les effets négatifs de la restriction des dotations sur les capacités d’action des collectivités locales en matière d’investissement. On voit d’ailleurs à quel point cette restriction pèse sur la perte d’activité du secteur du bâtiment et des travaux publics. Mais ce sont aussi les services rendus à la population qui souffrent aujourd’hui de l’obligation de réduire les dépenses pour équilibrer les budgets. Ces réductions se traduisent également par une baisse importante des emplois dans nos communes.
L’apport des collectivités aux Fonds de solidarité pour le logement, la prise en charge des activités périscolaires, l’action socioculturelle, le développement de la pratique du sport de masse, de la vie associative et culturelle, le soutien aux personnes dépendantes, aux ménages les plus en difficulté, le simple entretien des équipements et des bâtiments communaux : tout aujourd’hui peut être remis en question par la logique de réduction des dépenses publiques imposée aux collectivités.
Par voie de conséquence, cette diminution est en fait imposée aux populations, qui restent et demeurent les premières à en supporter les effets. On n’améliore pas la situation d’un pays quand celui-ci investit moins, que ce soit en termes d’infrastructures ou pour améliorer la compétence et la qualification des salariés.
Au fil du temps, la loi de programmation des finances publiques, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, ou encore le pacte de responsabilité et de solidarité, ont tour à tour entraîné une culture de réduction des concours publics aux collectivités territoriales qui participe à la réduction des services publics.
Mon groupe n’a jamais varié de position sur le fond.
Les collectivités locales sont l’un des piliers indispensables de la République, au plus près du terrain, des attentes et des aspirations de la population.
L’échelon local est celui qui permet de faire reculer les incompréhensions, le repli sur soi, les exclusions de toutes sortes, de promouvoir le partage, la diversité des approches, des cultures. Les collectivités territoriales ont montré leur pertinence pour un aménagement créant les conditions du développement économique. C’est le creuset de notre identité républicaine et française.
La République commence dans les classes de l’école communale.
Autant dire que nous ne trouvons pas notre compte dans les propositions actuelles de réforme des finances locales, dont l’objectif à peine voilé est de contraindre les communes à se regrouper en communes nouvelles et d’accroître la coopération intercommunale qui fait disparaître les plus petites structures.
Pourtant, l’éloignement structurel des citoyens des lieux de décision est le plus mauvais service que nous puissions rendre à la démocratie.
Il y a besoin de coopération, de mutualisation, notamment pour mieux répondre aux attentes des populations. Nous avons montré notre attachement à la coopération entre les collectivités, mais cette coopération doit être au service des habitants. Ce n’est pas en imposant une réduction des moyens que l’on peut répondre aux besoins du terrain.
Tout le monde a reconnu en 2008 l’importance des collectivités dans les moments difficiles.
Depuis une quinzaine d’années, la DGF a peu à peu perdu de son pouvoir d’achat. Les ponctions faites en 2014, en 2015, puis en 2016 ont aggravé la situation.
Aussi la réforme inscrite dans la loi de finances pour 2016 ne peut-elle rester en l’état. Si elle semble prendre en compte la notion de minimum vital, particulièrement pour les communes rurales, les communes et les intercommunalités n’auront toujours pas les moyens nécessaires à leur action.
Un redressement digne de ce nom de la dotation consisterait à la majorer d’au moins 5 milliards d’euros, avant de définir des critères de progression plus nets, afin de revenir à une DGF au niveau de 2013.
Depuis quelques années, le groupe CRC soutient une proposition s’appuyant sur la prise en compte des actifs financiers comme composante de la contribution économique territoriale.
La financiarisation de l’économie ne s’est pas interrompue, malgré la crise financière de 2008, et il est fort probable que la dette locale constitue un des éléments des titres de créances hybrides échangés sur les marchés. L’affaire des « Panama papers » le prouve.
Il est donc temps, pour décourager quelque peu la course éperdue de la finance, que la fiscalité locale prélève sur les actifs financiers de quoi faire face aux besoins de la population et des acteurs économiques installés sur nos territoires.
Compte tenu de l’assiette des actifs financiers inscrits au bilan des entreprises assujetties à la contribution économique territoriale, nous dégagerions, même avec un taux modique, des sommes importantes pour les budgets des collectivités locales et pour une véritable péréquation. Si cela permettait de réorienter l’allocation des ressources vers l’investissement et l’économie de production, cela ne pourrait être que positif pour tout le monde.
Une économie enfin recréatrice d’emplois ne serait-elle pas le meilleur mode de résolution des situations locales difficiles et complexes ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal.
M. Claude Raynal. À quelques semaines du congrès des maires, revient, tel un marronnier de nos débats parlementaires, ce sujet de la situation financière des communes. Notre débat de ce jour, loin des propos caricaturaux trop souvent entendus, peut permettre d’éclairer la véritable situation financière du bloc communal, maintenant que nous commençons à disposer d’un peu de recul quant aux incidences du prélèvement sur les comptes publics locaux.
Je dis « bloc communal », car on ne saurait analyser séparément la situation des communes et de leurs intercommunalités au regard des liens financiers, juridiques et politiques qui les unissent, et de la nécessité, sur le plan financier, de procéder à des analyses consolidées à l’échelon de l’ensemble intercommunal.
À écouter certains orateurs, notamment ceux qui nous invitent aujourd’hui à ce débat, les finances des collectivités locales relèveraient d’une situation quasiment insoutenable où l’absence de ressources serait la seule chose communément partagée entre tous les territoires de France. À mes yeux, entretenir un tel climat n’est pas acceptable au regard des contraintes auxquels le Gouvernement a dû faire face depuis 2012, notamment – excusez-moi de le rappeler constamment – les 5 % de déficit budgétaire et les 90 % de dette publique sur le PIB laissés par l’équipe précédente. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Bertrand. C’est vrai !
M. Claude Raynal. Le 7 septembre dernier – notez que je ne remonte pas très loin –, notre collègue président de l’Association des maires de France, François Baroin, déclarait : « Nous pensons que, d’ici à la fin de l’année 2015, entre 1 500 et 3 000 communes seront sous tutelle ! » Les mots ont un sens, et, en l’occurrence, le terme « tutelle » est fort et précis : une mise sous tutelle, c’est le dessaisissement de l’exécutif local, élu au suffrage universel direct, au profit d’un fonctionnaire d’État, en l’espèce le préfet ; elle intervient lorsqu’il est constaté, dans l’exécution des comptes, un déficit important au sein de la section de fonctionnement.
Nous disposons depuis quelques semaines des premières données définitives pour l’exercice budgétaire 2015. Alors que M. Baroin allait jusqu’à estimer que 10 % des maires français pourraient être dessaisis, à la fin de 2015, de leurs prérogatives, le nombre de collectivités connaissant des difficultés financières est en réalité stable par rapport aux années passées, de l’ordre de quelques dizaines.
Concrètement, les chambres régionales des comptes ont été saisies, en 2015, de quarante-six cas de comptes administratifs déséquilibrés. Par ailleurs, et si l’on raisonne uniquement sur les communes connaissant des difficultés financières – situation totalement différente de la tutelle –, là encore, le nombre de communes inscrites dans le réseau d’alerte de l’administration est stable par rapport à une situation normale : 1 854 communes en 2013, 1 800 communes aujourd’hui. Il s’agit d’une situation habituelle, qui n’a strictement rien à voir avec la faillite annoncée.
M. François Baroin. Alors, ça va mieux ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)