M. Bruno Sido. Merci, madame la secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Faisons d’abord en sorte qu’il y ait des tuyaux partout ; ensuite, le problème des contenus sera, je pense, très vite réglé.
Quant au rôle que l’on veut faire jouer aux collectivités territoriales, il est important, mais je n’ai pas vraiment entendu de réponse à la question posée par notre collègue à travers l’amendement n° 509 rectifié. Il parle du problème du périmètre de ces schémas.
Vous avez insisté, madame la secrétaire d’État, sur la nécessité d’inclure les collectivités territoriales dans la démarche, mais quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ? Je ne sais plus ce qu’il en est, finalement…
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Je vous prie de m’excuser si je n’ai pas été claire. Mon avis est défavorable, dans la mesure où l’objet même de l’article 35 était d’inclure dans les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique cette question des usages. Or ces schémas ne règlent aujourd’hui que la question des infrastructures et je crois que ce sont eux, mais pas uniquement, bien sûr, qui ont permis de donner l’impulsion et la dynamique sur l’ensemble des territoires en matière d’infrastructure.
Dès lors que, au sein d’un document commun, il faut rapprocher des équipes pour définir une vision stratégique commune en matière d’infrastructure et d’usage, cela permet de faire prendre conscience des enjeux.
En outre, encore une fois, il s’agit très souvent d’une demande des collectivités locales. Le problème que j’ai constaté sur le terrain au cours de mes nombreux déplacements, c’est que certaines d’entre elles sont très en pointe sur ces sujets tandis que d’autres sont très en retard. Il faudrait essayer d’aider et d’accompagner les collectivités qui ont déjà pris un certain retard dans la vision qu’elles peuvent porter en matière de déploiement des usages.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 368 est présenté par M. Bonnecarrère.
L’amendement n° 560 rectifié est présenté par MM. Husson et Pellevat, Mme Deroche, M. Milon, Mme Micouleau, M. Karoutchi, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Lefèvre, Lemoyne et Laménie.
Ces deux amendements identiques ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 561 rectifié, présenté par MM. Husson et Pellevat, Mme Deroche, M. Milon, Mmes Micouleau, Deromedi et Duranton et MM. Lefèvre et Laménie, n’est pas non plus soutenu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 369 est présenté par M. Bonnecarrère.
L’amendement n° 562 rectifié est présenté par MM. Husson et Pellevat, Mme Deroche, MM. D. Laurent et Milon, Mme Micouleau, M. Karoutchi, Mmes Deromedi et Duranton et MM. Lefèvre, Lemoyne et Laménie.
Ces deux amendements identiques ne sont pas davantage soutenus.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je reprends le texte des amendements identiques nos 369 et 562 rectifié, au nom de la commission des lois, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 676, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette stratégie prend en compte les stratégies des collectivités et leurs groupements en matière de développement des usages et des services numériques. »
Vous avez la parole pour défendre cet amendement, monsieur le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je serai très bref. Cet amendement a pour objet la prise en compte des stratégies des différentes collectivités dans l’élaboration de la stratégie des usages et services. La commission des lois avait émis un avis favorable sur les amendements nos 369 et 562 rectifié, c’est pourquoi elle en a repris le texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Défavorable.
L’élaboration du schéma directeur territorial d’aménagement numérique, le SDTAN, fait déjà l’objet d’une concertation avec les collectivités et les groupements de collectivités puisque, en application de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, que vous connaissez par cœur, j’en suis persuadée, tant il occupe votre quotidien comme sénateurs, les collectivités autres que celles qui sont à l’initiative du schéma « sont associés, à leur demande, à l’élaboration » de ce document.
Ainsi alignée sur le régime du SDTAN, l’élaboration de la stratégie de développement des usages et services numériques pourra elle-même donner lieu à une concertation avec les collectivités territoriales. En fait, je suis défavorable à cet amendement parce que je considère qu’il est satisfait.
M. le président. L’amendement n° 497 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette stratégie est obligatoire dans les zones rurales et hyper-rurales.
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. L’article 35 du projet de loi introduit la possibilité d’intégrer une stratégie de développement des usages et services numériques dans les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique.
Dans les territoires ruraux et hyper-ruraux – je me fais en l’occurrence l’avocat de mon collègue Alain Bertrand –, cette stratégie est indispensable : elle ne doit donc pas être facultative mais obligatoire. En effet, la faiblesse de la couverture numérique constitue aujourd’hui le principal handicap de ces territoires, notamment dans l’hyper-ruralité.
D’une part, elle dissuade les entreprises et les individus de s’y installer ; d’autre part, elle pousse les jeunes à partir vers les zones urbaines.
Il est indispensable de donner enfin des garanties à ces territoires afin de mettre un terme au système de creusement des inégalités territoriales d’accès à des services universels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement de M. Bertrand, que vous venez de défendre, monsieur Arnell, revient à créer de nouvelles charges pour les collectivités, en rendant cette stratégie obligatoire.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Eh oui !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission des lois ne peut donc que vous inciter à le retirer et, à défaut, elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Défavorable.
Le Gouvernement a volontairement retenu une approche souple, non dirigiste, pour la mise en place d’une stratégie des usages. Cette approche est justifiée par le fait que le développement des services numériques n’est pas une compétence exclusive des collectivités territoriales, vous le savez, mais ressortit également à la compétence de l’État et des entreprises privées.
J’ai déjà parlé de l’État, notamment pour tout ce qui concerne le chantier de la dématérialisation des services publics et de l’accompagnement des territoires par une politique de médiation, mais il faut aussi mentionner les entreprises privées, dont tout l’enjeu, pour le développement d’usages innovants, consiste à généraliser des expérimentations parfois menées à l’échelon local mais qui ont du mal à passer à l’échelle supérieure, à trouver une demande au niveau national.
C’est pourquoi l’exercice de cette compétence doit demeurer facultatif. Il s’agit d’un outil d’incitation plutôt que de contrainte. Vous soulignez l’importance de la stratégie des usages dans les zones rurales et hyper-rurales. Naturellement, vous avez raison quant à l’objectif, nous le partageons totalement – ces stratégies d’usage sont plus importantes encore dans les zones très rurales –, mais nous ne partageons pas l’avis selon lequel ces schémas devraient être obligatoires.
M. le président. L’amendement n° 608, présenté par M. Chaize, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un document-cadre intitulé “Orientations nationales pour le développement des usages et services numériques dans les territoires” est élaboré, mis à jour et suivi par l’autorité compétente de l’État. Ce document-cadre comprend une présentation des choix stratégiques de nature à contribuer au développement équilibré des usages et services numériques dans les territoires et un guide méthodologique relatif à l’élaboration des stratégies de développement des usages et services numériques mentionnées au deuxième alinéa du présent article. »
La parole est à M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Cet amendement vise à prévoir l’élaboration par l’État d’un document de cadrage pour les stratégies de développement des usages et services numériques. J’ai bien entendu l’affirmation de votre attente, madame la secrétaire d’État, d’un succès des stratégies de développement des usages et services, les SDUS, à l’image de ce qui s’est fait pour les SDTAN.
Pour cela, il faut un accompagnement de l’État et un cadrage est nécessaire. L’article 35, en l’état, est peu normatif, car rien n’empêche les collectivités d’élaborer dès maintenant de tels documents ; d’ailleurs, certaines d’entre elles, à divers échelons, l’ont déjà fait. En l’absence d’accompagnement de l’État, ces stratégies très hétérogènes et le manque de cadrage risquent toutefois de dissuader les collectivités de s’engager dans cette démarche volontaire.
Dans notre rapport d’information sur la couverture numérique des territoires, publié en 2015, nous avions regretté l’absence de l’État sur certaines questions relatives au réseau, malgré l’existence de la mission Très haut débit et du plan France très haut débit. Si rien n’est mis en place pour les usages et services, notre constat sur ce volet sera plus sévère encore. L’État ne peut renvoyer aux collectivités le soin de développer les usages et services sans leur proposer au minimum un cadre stratégique et méthodologique.
Par ailleurs, il serait souhaitable qu’une démarche d’appels à projets financée par l’État soit mise en place, à l’instar du subventionnement apporté par le plan France Très haut débit pour les réseaux, dont chacun se félicite.
Compte tenu de l’importance des usages et services numériques pour le développement des territoires et pour la modernisation des politiques publiques, un tel cadrage est indispensable. Nous devons donner aux collectivités territoriales les moyens de construire la République numérique que le projet de loi appelle de ses vœux.
Le présent amendement vise ainsi à mettre en place des orientations nationales, comprenant un volet stratégique et un volet méthodologique, afin d’accompagner les collectivités dans l’élaboration des stratégies locales de développement des usages et services numériques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Comme je m’y étais engagé en commission, notre avis est favorable sur l’amendement n° 608, défendu par M. Chaize, qui tend à prévoir un appui national à l’élaboration des stratégies d’usages et services.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Après les propos que je viens de tenir, vous comprendrez qu’il me serait difficile de ne pas avoir le même objectif que vous, monsieur le rapporteur pour avis.
Il est nécessaire de mettre en œuvre une vision stratégique à l’échelle nationale, fondée sur l’accompagnement des collectivités locales et non sur la prescription. En effet, nous ne sommes plus à l’heure des trente glorieuses, où les politiques industrielles étaient définies depuis un bureau de Bercy ; la méthode en matière numérique consiste à partir du terrain, des territoires, et de faire remonter les meilleures pratiques pour les diffuser dans les territoires qui n’auraient pas les mêmes initiatives. L’État est donc ici un accompagnateur des stratégies mises en œuvre dans les territoires.
Sous réserve de cette précision, je partage totalement l’idée qu’il faille publier une stratégie nationale, peut-être pour définir les orientations prioritaires du Gouvernement en ce domaine.
En revanche, l’expression « document-cadre » implique peut-être la définition de lignes budgétaires dédiées.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mais oui !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Aussi, à cet égard, vous comprendrez que je ne peux pas m’avancer au détour d’un amendement.
Quant aux lancements d’appels à projets, ceux-ci existent déjà. J’ai eu l’occasion de préciser au sujet du titre Ier du présent projet de loi que nous préparons le lancement d’un appel à projets sur l’open data, sur l’ouverture des données publiques, notamment dans les collectivités territoriales, avec pour effet de soutenir financièrement les meilleures initiatives.
Nous avons aussi signé des conventions avec des partenaires privés qui déploient leurs activités dans les territoires, avec par exemple Emmaüs Connect. Ainsi, si je peux m’engager sur la signature d’un document stratégique, d’un cadrage national, je ne peux en revanche pas m’y engager au nom du Gouvernement si cela implique des financements dédiés. Je m’y engage donc en mon nom propre.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. Cette proposition est tout à fait pertinente dans la mesure où elle valide – M. Chaize a entamé son propos en le mentionnant – les aides importantes au titre du Fonds national pour la société numérique apportées au déploiement et au financement des schémas départementaux d’aménagement numérique. Je ne peux donc que partager sa préoccupation concernant l’accompagnement du développement des usages et je me rallie à son amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 35, modifié.
(L’article 35 est adopté.)
Article 36
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 406 rectifié est présenté par MM. Camani, Roux, Leconte et Rome, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 609 est présenté par M. Chaize, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le deuxième alinéa du I de l’article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 5721-2, un syndicat mixte relevant du titre II du livre VII de la cinquième partie peut adhérer, jusqu’au 31 décembre 2021, à un autre syndicat mixte exerçant, par transfert ou délégation, tout ou partie des compétences mentionnées au premier alinéa du présent I.
« L’adhésion d’un syndicat mixte qui exerce ses compétences par délégation à un autre syndicat mixte n’est possible que si ce dernier comprend au moins une région ou un département. »
La parole est à M. Pierre Camani, pour présenter l’amendement n° 406 rectifié.
M. Pierre Camani. L’article 36, supprimé par la commission des lois, permettait le regroupement de syndicats mixtes ouverts, numériques, en créant ce que l’on peut appeler un syndicat de syndicats. En effet, afin de parvenir à mieux remplir les objectifs de couverture numérique, déterminés par le plan France très haut débit, cet article autorise, à titre dérogatoire, un syndicat mixte ouvert, un SMO, à adhérer à un autre syndicat, sans que cela n’entraîne sa dissolution.
L’enjeu de cette disposition, vous l’aurez compris, est de permettre aux réseaux d’initiative publique, les RIP, d’atteindre une taille plus importante et de les rendre ainsi plus attractifs lors de la phase de commercialisation auprès des fournisseurs d’accès à internet. Cela est en effet très important parce que la taille du marché permet de rééquilibrer le rapport de force en faveur des collectivités territoriales.
J’entends bien les arguments de la commission des lois en faveur de la suppression de cet article mais plusieurs motifs pragmatiques justifient son rétablissement. D’abord, ce type de structure correspond à un besoin ponctuel et clairement identifié dans certains territoires. Il n’est donc pas question de le généraliser et il n’y a pas de risque de complexification du paysage institutionnel, conformément à ce qui est prévu par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe ».
Par ailleurs, la possibilité de création de ces structures est limitée dans le temps jusqu’au 1er janvier 2022. En outre, la mise en œuvre opérationnelle de solutions alternatives, notamment la société publique locale, est longue et complexe.
Faisons donc confiance à l’intelligence des territoires et permettons aux élus d’avoir recours à un outil efficace, qu’ils connaissent bien et qui permettra à un nombre finalement limité de collectivités d’accélérer le déploiement des RIP.
M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 609.
M. Patrick Chaize, rapporteur pour avis. J’ai la satisfaction de constater, monsieur le président, que mes collègues sur les travées socialistes ont repris à l’identique l’amendement que j’avais déposé. Les arguments qui viennent d’être exposés par M. Pierre Camani sont tout à fait dans la ligne de ce que j’ai à dire.
Cet amendement vise à rétablir l’article 36 dans sa rédaction initiale, afin de permettre aux collectivités territoriales qui le souhaitent de constituer un syndicat mixte de syndicats mixtes pour l’établissement ou l’exploitation des réseaux de communications électroniques.
Cette facilité est tout à fait adaptée à ce secteur d’activité, dont l’échelle diffère entre la constitution et l’exploitation des réseaux d’infrastructure. On peut ainsi avoir des syndicats mixtes pertinents à l’échelle départementale pour réaliser ces réseaux et un syndicat mixte à une échelle plus importante pour les commercialiser.
Je ne serai pas plus long ; je renvoie aux arguments de mon collègue M. Camani. Je vous demande, mes chers collègues, de voter en faveur de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 318, présenté par M. Navarro, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 406 rectifié et 609 ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Les amendements identiques de nos deux collègues visent à rétablir l’article 36 sur la création de SMO de SMO, sans fixer une date butoir à laquelle ceux-ci devraient se dissoudre. C’est une convergence.
Cela dit, en commission, cet article 36 a été supprimé, en cohérence avec la position de la Haute Assemblée lors de la discussion de la loi NOTRe. (M. Yves Rome s’exclame.) Souvenez-vous, monsieur Rome ! En séance, le rapporteur du texte, Jean-Jacques Hyest, appelé depuis à d’autres fonctions, avait dit « À quand les syndicats mixtes de syndicats mixtes de syndicats mixtes ? »
M. Philippe Dallier. Oui, je m’en souviens !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. « Franchement, on cherche la difficulté ! La situation va devenir incompréhensible. » La commission des lois partage cette analyse – c’est la raison pour laquelle elle a supprimé l’article 36 –, à l’heure où les réformes territoriales cherchent plutôt à simplifier l’organisation institutionnelle des collectivités territoriales pour accroître sa lisibilité. (M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis, s’exclame.)
En outre, je rappelle que quatre solutions institutionnelles plus simples existent déjà pour les syndicats mixtes souhaitant mutualiser leurs efforts : création d’un groupement de commandes, constitution d’une société publique locale, dissolution puis création d’un nouveau SMO et fusion au sein d’un SMO unique. En commission, notre collègue M. Alain Richard a même ajouté une cinquième solution : la contractualisation entre SMO.
Le Gouvernement a fait l’effort – enfin ! – de citer quelques cas de collectivités intéressées par un SMO de SMO en mentionnant, par exemple, les Pays de la Loire. Mes chers collègues, si vous considérez que les SMO de SMO sont une formule magique permettant le déploiement des réseaux…
M. Yves Rome. Mais non !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. … – ce que la commission des lois ne croit pas –, alors il vous appartient d’adopter ces amendements.
Néanmoins, la commission des lois maintient l’avis défavorable qu’elle a émis lors de l’établissement du texte en commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. À ce sujet, je fais le choix de faire confiance aux élus de terrain, très impliqués dans le déploiement des réseaux, et ce depuis des années. Ils ont constaté un besoin réel, un vide juridique, nécessitant l’autorisation de la création de SMO de SMO. Il ne s’agit pas d’ajouter une complexité – c’est une lecture théorique, celle du code général des collectivités territoriales –, mais d’introduire une faculté ayant une visée à la fois de gouvernance et économique.
Elle a une visée de gouvernance, parce qu’il faut pouvoir rapprocher des structures qui ont du mal à trouver un mode de travail en commun. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, il faut du temps pour créer une société publique locale, c’est juridiquement complexe (MM. Yves Rome et Pierre Camani opinent.) et ce n’est pas accessible à toutes les collectivités territoriales.
Il y a aussi une visée économique, parce que l’une des principales difficultés des collectivités territoriales est celle de la commercialisation de leur réseau, notamment auprès des opérateurs. Or, pour cela, il faut que l’offre soit attractive et donc il faut un marché large. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle dans le plan France très haut débit, le cahier des charges inclut une incitation financière supplémentaire au regroupement de départements, conformément à l’idée selon laquelle il faut faire masse pour commercialiser les réseaux.
Je ne peux donc que faire confiance au rapporteur pour avis et aux sénateurs qui ont déposé ces amendements identiques visant à recréer la possibilité – ce n’est pas une obligation – de créer des SMO de SMO.
Aussi, j’émets un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, pour explication de vote.
M. Yves Rome. Mme la secrétaire d’État vient d’exprimer très clairement les véritables fondements de cet amendement, qui vise à la réussite du plan France très haut débit. Je crains en effet que bon nombre de collectivités territoriales qui ont développé des réseaux d’initiative publique ne soient aujourd’hui confrontées à une difficulté importante : les fournisseurs d’accès à internet, notamment les majors, ne se précipitent pas pour commercialiser leurs offres sur ces RIP.
En outre, cet amendement est en pleine cohérence avec les aides que déploie le Gouvernement au titre du Fonds national pour la société numérique, puisque l’État incite à la création de syndicats beaucoup plus vastes en valorisant de 10 % à 15 % les aides à destination des collectivités territoriales. On le voit bien, même si ce n’est pas encore complètement satisfaisant aujourd’hui, un syndicat à l’échelle régionale fédérant plusieurs départements – celui de Bretagne – a bénéficié d’une offre de l’opérateur historique, pour ne pas le citer, qui a décidé d’équiper en fibre le territoire ainsi créé.
Je ne comprends donc pas, monsieur le rapporteur, votre entêtement. (M. Bruno Sido sourit.) Vous raisonnez avec un modèle ancien sur des sujets qui dépassent totalement les frontières étroites des départements, qui s’étaient initialement engagés. Plus les collectivités se regrouperont, plus elles feront venir sur leur territoire les exploitants nécessaires au fonctionnement de ces réseaux.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je le précise d’emblée, je n’ai rien contre le SMO de SMO. Cela étant dit, je crois tout de même qu’il faut simplifier le plus possible les choses pour que, au moins, les opérateurs s’y retrouvent.
On vient tout de même d’inventer des super-régions, regroupant je ne sais combien de départements. J’ajoute donc une sixième solution à celles qui ont été évoquées, après celle de M. Alain Richard : demander aux régions de s’occuper de cela, pas forcément sur la totalité de leur territoire, d’ailleurs, mais au moins sur une partie regroupant deux ou trois départements.
M. Yves Rome. Mais oui, pourquoi pas ?
M. Bruno Sido. L’essentiel en la matière, c’est d’avancer.
M. Chaize et moi-même siégeons au comité de France très haut débit et, très honnêtement, on voit de drôles de choses, des choses trop petites…
M. Yves Rome. Voilà !
M. Bruno Sido. … et qui auront bien du mal à fonctionner ; nous sommes bien d’accord.
M. Yves Rome. Bien sûr !
M. Bruno Sido. Il faut donc se regrouper.
Néanmoins, je crois que l’on peut se regrouper autour de structures qui existent déjà sans avoir besoin d’en créer d’autres.
Pour toutes ces raisons, j’en appelle à la sagesse de chacun.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Monsieur Rome, je ne sais pas ce qui vous fait dire que je fais preuve d’entêtement, mais je vous appelle à un peu plus de mesure dans vos propos ! (M. Yves Rome s’exclame.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 406 rectifié et 609.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 36 est rétabli dans cette rédaction.
Article 36 bis
L’article L. 33–11 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;
2° Le second alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le ministre chargé des communications électroniques fixe, sur proposition de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une société numérique, les modalités et conditions d’attribution du statut de “zone fibrée” ainsi que les obligations pouvant être attachées à l’attribution de ce statut.
« Le statut de “zone fibrée” est attribué par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. La décision d’attribution précise les obligations pesant sur le demandeur. Elle est communiquée au ministre chargé des communications électroniques.
« Un décret en Conseil d’État, pris dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi n° … du … pour une société numérique, détermine les modalités d’application du présent article, notamment les obligations réglementaires pouvant être adaptées en raison de l’attribution de ce statut. »