Mme Marie-Annick Duchêne. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 250 rectifié, présenté par MM. Gorce, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
A. – Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le II de l’article 25 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Pour l’application du 8° du I, ne peuvent être autorisés que les traitements dont la finalité est la protection de l’intégrité physique des personnes, la protection des biens ou la protection d’informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porterait un préjudice grave et irréversible et qui répondent à une nécessité excédant l’intérêt propre de l’organisme les mettant en œuvre. »
II. – Les responsables de traitements de données à caractère personnel dont la mise en œuvre est régulièrement intervenue avant l’entrée en vigueur de la présente loi disposent, à compter de cette date, d’un délai de trois ans pour mettre leurs traitements en conformité avec les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dans leur rédaction issue de la présente loi.
Les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeurent applicables aux traitements qui y étaient soumis jusqu’à ce qu’ils aient été mis en conformité avec les dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, dans leur rédaction issue de la présente loi, et, au plus tard, jusqu’à l’expiration du délai de trois ans prévu au premier alinéa du présent article.
B. – Faire précéder cet article d’un chapitre et de son intitulé ainsi rédigé :
Chapitre III
Limitation de l’usage des techniques biométriques.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement porte sur l’usage des données biométriques, en particulier pour contrôler l’accès à des services ou à des locaux professionnels, commerciaux, scolaires ou de loisirs. À la mutation technique, qui n’en est qu’à son commencement, s’ajoute une volonté de diversification des usages, afin de répondre à des enjeux soit de contrôle social, soit de simple confort commercial.
Encadrée par un régime d’autorisation confié à la CNIL, cette évolution appelle une clarification législative, dans la mesure où elle met en jeu des principes fondamentaux au regard de la protection de la vie privée et du corps humain. En effet, sommes-nous prêts à consentir à une banalisation de l’usage de données tirées du corps humain ? Ou préférons-nous que cet usage soit limité à des situations exceptionnelles ?
La donnée biométrique, si elle ne se confond pas avec le corps humain, en est néanmoins le prolongement direct, ce qui conduit, naturellement, à n’accepter qu’une utilisation stricte et contrôlée de ces données. De ce point de vue, il semble que seules des exigences de sécurité devraient conduire à autoriser ces pratiques.
D’autant que, au-delà du souci d’assurer la protection des personnes, cette limitation du recours à la biométrie vise à traduire notre volonté de garantir la dignité des personnes, à laquelle cette technologie est susceptible de porter d’indiscutables atteintes.
Or, aujourd’hui, la loi ne tire pas toutes les conséquences de ces principes : si elle soumet à autorisation la collecte et le traitement des données biométriques, elle ne les conditionne nullement à une finalité particulière.
C’est en ce sens que cet amendement vient compléter la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés, en réservant l’usage des données biométriques à des traitements visant à garantir la sécurité des personnes et des biens, ainsi que la protection des informations dont la divulgation, le détournement ou la destruction porterait un préjudice grave et irréversible.
Cette limitation de l’usage des données biométriques est renforcée par une exigence de proportionnalité entre, d’une part, la nature de l’information ou du site à sécuriser et, d’autre part, la technologie utilisée.
Il est, enfin, utile de préciser que cet amendement est inspiré d’une proposition de loi adoptée par le Sénat le 27 mai 2014 et qui visait, de la même manière, à encadrer l’usage des techniques biométriques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement pose la restriction de l’usage de la biométrie à une stricte nécessité de sécurité. En fait, il reprend une proposition de loi présentée par M. Gorce et que le Sénat a adoptée le 27 mai 2014.
Lorsqu’il a été déposé pour l’examen en commission des lois, j’avais suggéré à son auteur une rectification, ce qui a été fait. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, bien que je comprenne tout à fait les raisons qui ont pu pousser à le déposer.
Vous souhaitez autoriser les traitements de données biométriques uniquement dans certains cas, s’ils tendent à la protection de l’intégrité physique des personnes, à la protection des biens et à la protection de certaines informations.
Je trouve que ce champ du possible est beaucoup trop limité, notamment au regard des innovations à attendre en matière de biométrie aujourd’hui et peut-être surtout demain.
Je ne nie pas que le recours à des techniques biométriques suscite des interrogations parfois d’ordre éthique qu’il faut continuer à se poser au fur et à mesure qu’évoluent les technologies. Mais il ne s’agit pas de graver les choses une bonne fois pour toutes dans le marbre de la loi.
Les technologies biométriques posent des questions en termes de respect de la vie privée. C’est d’autant plus vrai que ces techniques sont irrévocables, ce qui signifie qu’une empreinte biométrique ne peut être modifiée. C'est le cas des empreintes digitales et de la captation de l’iris ou de la forme du visage. Cela explique notamment les raisons pour lesquelles le recours à des traitements utilisant ces données est extrêmement encadré et régulé, puisqu’elles sont considérées comme des données dites « sensibles ». Il est très important de continuer à veiller à ce que ce type de données ne soit pas invasif.
C’est la raison pour laquelle, lors de nos discussions dans cet hémicycle, notamment avec M. Gorce, nous avions abouti à des conclusions communes, conscients de la gravité des enjeux et avec la volonté d’aboutir à la définition d’un cadre législatif commun.
C’est exactement ce qui a été fait avec le règlement européen sur les données personnelles, qui a été adopté il y a quelques jours. Je ne savais pas à l’époque qu’il comprendrait un volet sur les données biométriques, qui est inscrit « en dur » dans le règlement : c'est l’article 9, qui pose le principe de l’interdiction des traitements de données biométriques et décline ensuite une série d’exceptions.
Il me semble que nous pouvons nous appuyer sur cette règle claire, unifiée, qui permettra en plus de développer des technologies applicables de manière uniforme à l’échelle de l’Union européenne, donc des vingt-huit pays, et non pas uniquement la France.
Je souhaiterais que nous nous contentions de l’application prochaine du règlement européen plutôt que de rouvrir ce débat en droit français.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 34.
TITRE III
L’ACCÈS AU NUMÉRIQUE
Chapitre Ier
Numérique et territoires
Section 1
Compétences et organisation
Article 35
Après le premier alinéa de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent comporter une stratégie de développement des usages et services numériques. Cette stratégie vise à favoriser l’équilibre de l’offre de services numériques sur le territoire ainsi que la mise en place de ressources mutualisées, publiques et privées, y compris en matière de médiation numérique ».
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l'article.
M. Hervé Maurey. Avec cet article, nous commençons l’examen du titre III qui porte sur l’accès au numérique dans les territoires. Ce titre concerne très directement la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable que j’ai l’honneur de présider. La commission des lois a d’ailleurs accepté de nous déléguer l’examen d’un certain nombre d’articles. Mais, je le sais, le Sénat tout entier, qui représente les territoires et les collectivités, est également mobilisé sur cette question.
Nous attendons beaucoup – je l’ai dit dans la discussion générale – de l’examen de ce projet de loi. En matière de couverture numérique du territoire, il n’y a pas eu, me semble-t-il, de texte législatif examiné depuis la proposition de loi que nous avions adoptée ici même en février 2012 et qui avait été ensuite malheureusement rejetée, à la demande du gouvernement de l’époque, par l’Assemblée nationale.
Personne n’est responsable de la situation, mais je regrette que nous commencions l’examen de ce titre assez tardivement : son examen sera sans doute interrompu par la fin de la séance à dix-neuf heures trente. J’espère que nous allons pouvoir profiter de ce véhicule législatif pour améliorer la situation de nos territoires. Au-delà des effets d’annonce ou de l’autosatisfaction des uns ou des autres, il faut bien être conscient qu’il y a encore aujourd’hui de véritables difficultés dans nos territoires, que ce soit pour le numérique fixe ou la téléphonie mobile.
Je l’ai rappelé dans la discussion générale, sur les zones AMII – zones dites d’appel à manifestation d’intentions d’investissement –, il faut que les opérateurs tiennent les engagements qu’ils ont eux-mêmes pris. Ils ont fixé le périmètre de ces engagements en toute liberté. La moindre des choses est de les tenir ! Sur les réseaux d’initiative publique, il faut assurer la pérennité des financements, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Accessoirement, il faudrait que les engagements de l’État au niveau du FSN, le Fonds national pour la société numérique, se traduisent par des chèques, car, pour le moment, très peu de financements de l’État ont été décaissés.
Sur la téléphonie mobile, j’ai rappelé que j’avais soutenu le Gouvernement lorsqu’il a rouvert le dossier et lancé une nouvelle opération pour les zones blanches. Mais ne nous y trompons pas ! Nous le savons bien, c’est tout à fait insuffisant par rapport à la réalité de ce que nous vivons sur le terrain. Je rappellerai simplement que, dans le programme retenu par le Gouvernement, 268 communes ont été identifiées. Au niveau national, on le sait bien, il y a malheureusement bien plus de 268 communes qui connaissent des problèmes de couverture. Je citerai simplement les chiffres du département dont je suis élu : le conseil départemental avait identifié à peu près 200 communes, seulement une quinzaine d’entre elles ont été retenues.
Pour terminer, je réaffirmerai mon souhait que notre assemblée suive les propositions qui seront formulées par notre rapporteur pour avis Patrick Chaize, y compris – je le dis au président Bas et au rapporteur de la commission des lois – les propositions qui n’ont pas été retenues par cette dernière. En effet, parmi les amendements de notre commission, figuraient des amendements qui sont tout à fait nécessaires pour l’aménagement numérique du territoire.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Le texte a largement évolué dans cette partie, souvent dans le bon sens, grâce aux travaux des rapporteurs s’appuyant notamment sur le rapport de novembre 2015 de la commission du développement durable.
Pour autant, et alors que ce rapport allait très loin dans la critique de l’organisation du secteur des télécommunications, les dispositions de ce projet de loi ne semblent pas à la hauteur, s’apparentant plus à des correctifs qu’à de véritables innovations.
Les collectivités, qui souffrent de la baisse drastique des dotations, sont toujours appelées à intervenir, en zone non rentable ou périurbaine, c’est-à-dire à financer les réseaux, pour être déclarées « zone fibrée » et ainsi espérer que certains opérateurs privés viendront s’implanter. Parfois, en vain, faut-il le souligner…
Nous sommes clairement dans un schéma où l’on socialise les pertes et où l’on privatise les profits. Ce schéma ne fonctionne pas, mais permet aux entreprises du secteur de réaliser des profits importants. Orange, notamment, a vu son bénéfice net multiplié par quasiment trois en 2015 par rapport à 2014, atteignant 2,65 milliards d’euros.
Une question reste posée sur l’architecture de ce marché. Pourquoi permettre aux opérateurs privés d’être propriétaires des infrastructures dans les zones denses et rentables et les exonérer de cette obligation en zone non rentable ? Pourquoi ne pas avoir séparé partout les infrastructures et les activités d’opérateurs, à l’image par exemple du rail, et conservé un modèle unifié qui aurait permis de basculer, grâce à la rente du cuivre, au fibrage de l’ensemble des territoires. Nous sommes aujourd’hui dans un modèle hybride inopérant pour remplir ces missions d’intérêt général.
Nous considérons qu’il est nécessaire de créer un opérateur national, propriétaire des réseaux et dont le financement serait assuré par les entreprises du secteur et l’État. Il s’agit de doter cet opérateur de ressources mutualisées. Pourquoi pas à travers un fonds dédié que serait le Fonds d’aménagement numérique des territoires, jamais mis en œuvre ?
Le rapporteur pour avis Patrick Chaize propose un financement mutualisé, payé par les usagers eux-mêmes sur leur abonnement ; nous préférons, pour notre part, que les entreprises s’y engagent sur leurs bénéfices, souvent assez considérables. Nous préférons également que l’État assume aussi financièrement ses missions de service public relevant de l’intérêt général.
Voilà, mes chers collègues, l’esprit dans lequel les élus de mon groupe abordent l’examen de ce chapitre du projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Yves Rome, sur l'article.
M. Yves Rome. Je ne souhaitais pas allonger les débats, mais l’intervention de notre collègue Hervé Maurey, qui, d’ailleurs, vient de quitter l’hémicycle, m’incite à lui répondre.
Je suis très étonné des propos qu’il vient de tenir. En effet, madame la secrétaire d'État, avec le Gouvernement, vous avez accéléré le plan France très haut débit. Effectivement, comme vient de le dire Mme Assassi, on aurait pu renverser la table et oublier ce qui avait été fait avant, mais ce n’est pas le choix qui a été effectué, par crainte de risques juridiques et financiers trop importants.
Aujourd’hui, ce sont 98 départements qui sont engagés dans le plan France très haut débit, avec un soutien significatif de l’État, puisque près de 3 milliards d’euros ont été mobilisés, avec l’application de ce fameux coefficient de ruralité, qui revient à quasiment doubler les aides autrefois octroyées aux collectivités territoriales pour développer leurs réseaux d’initiative publique.
Je considère que nous sommes à la moitié du chemin ; néanmoins, un vaste chantier a été lancé. Aujourd’hui, je l’ai déjà dit, le déploiement a atteint une échelle industrielle : ce sont près de 10 000 emplois qui vont être mobilisés à l’horizon de 2020 par les réseaux d’initiative publique. Bien entendu, il reste de nombreux domaines à améliorer. On peut se féliciter qu’aujourd’hui, avec ce titre III, nous allons procéder à une amélioration significative du plan France très haut débit, qui est un véritable succès et qui fera de notre pays très certainement la nation la plus fibrée d’Europe dans très peu de temps, à l’horizon qui avait été arrêté, soit en 2022.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 367 est présenté par M. Bonnecarrère.
L'amendement n° 559 rectifié est présenté par MM. Husson et Pellevat, Mme Deroche, M. Milon, Mmes Micouleau, Deromedi et Duranton et MM. Lefèvre et Laménie.
Ces deux amendements identiques ne sont pas soutenus.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 509 rectifié est présenté par MM. Requier, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall.
L'amendement n° 568 rectifié est présenté par MM. Gremillet, Commeinhes et Milon, Mmes Morhet-Richaud, Micouleau, Cayeux, Deromedi et Duranton, MM. Vaspart, Cornu, Rapin, Doligé, Mouiller, G. Bailly, Vogel et Lemoyne, Mmes Lopez et Garriaud-Maylam et M. Savary.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre V du titre II du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 1425–3 ainsi rédigé :
« Art. L. 1425–3 – Dans les domaines de compétence que la loi leur attribue ou qui leur ont été transférés, les conseils départementaux, syndicats de communes ou syndicats mixtes d'échelle au moins départementale et les conseils régionaux établissent des stratégies de développement des usages et services numériques existants sur leur territoire. Ces stratégies favorisent la cohérence des initiatives publiques, ainsi que la mise en place de ressources partagées et mutualisées afin de doter l’ensemble des territoires d’un maillage équilibré de services numériques. Elles sont établies en cohérence avec les schémas régionaux de développement économique et les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. »
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l'amendement n° 509 rectifié.
M. Guillaume Arnell. L’article 35 du présent projet de loi prévoit que les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN, peuvent comporter une stratégie de développement des usages et services numériques, afin de favoriser l’équilibre de l’offre de ces services sur le territoire et aboutir à une mutualisation des ressources.
Or les SDTAN ont été établis à diverses échelles – anciennes régions, départements, syndicats mixtes ouverts ou syndicats de communes – et ne sont pas forcément en cohérence avec les domaines de compétences. Il peut donc être inadapté d’intégrer les nouvelles stratégies de développement des usages et services numériques au sein des SDTAN.
Le présent amendement prévoit par conséquent de consacrer entièrement ces stratégies à part entière, tout en prévoyant qu’elles doivent être établies en cohérence avec les schémas régionaux de développement économique et les SDTAN.
M. le président. L'amendement n° 568 rectifié n'est pas soutenu.
L'amendement n° 317, présenté par M. Navarro, n'est pas non plus soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 509 rectifié ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Au total, treize amendements ont été déposés à l’article 35 pour définir les relations entre les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique et les nouvelles stratégies des usages et services.
Pour mémoire, le texte initial séparait ces deux documents, mais prévoyait que la stratégie « usages et services » était un volet du SDTAN. La commission des lois a cherché à simplifier le dispositif et ne pas multiplier les documents de planification, documents qui sont déjà nombreux et parfois peu lisibles. Elle a donc intégré la stratégie « usages et services » dans le SDTAN, car ces deux éléments portent sur des problématiques complémentaires, dans la mesure où les infrastructures numériques – SDTAN – doivent prendre en compte les usages et services – stratégie – et réciproquement.
Les amendements déposés, en particulier le vôtre, monsieur Arnell, démontrent que des inquiétudes portent sur la prise en compte des besoins des communes et des intercommunalités dans le SDTAN. Il faut donc répondre à ces inquiétudes, et je souhaiterais le faire en donnant un avis favorable aux amendements nos 369 et 562 rectifié, que nous allons examiner dans la discussion commune suivante. En revanche, je sollicite le retrait de l'amendement n° 509 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements qui portent sur la suppression de l’article 35.
Peut-être y a-t-il là une mauvaise compréhension de l’objectif recherché par cet article. Nous devons faire le constat que tous nos territoires sont aujourd’hui mobilisés autour du chantier du déploiement d’internet en haut et en très haut débit. M. Yves Rome l’a mentionné, ce sont la quasi-totalité aujourd’hui des départements qui ont préparé des dossiers pour être intégrés au plan France très haut débit. Bien que l’impatience soit très grande, qu’elle est entendue et que le Gouvernement y répond – nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet –, la dynamique est engagée pour que notre pays soit d’ici à quelques années l’un des pays les mieux connectés du continent européen.
Mais je suis frappée de constater à quel point les actions locales continuent de porter sur les infrastructures, sur les tuyaux, sans toujours – il y a une très grande diversité de situations au niveau local – prendre en compte à la mesure de son importance la question de la stratégie en matière d’usages.
Résultat, on s’inquiète beaucoup d’apporter internet, mais sans s’interroger sur ce que l’on mettra dans les tuyaux, sur le contenu. Aussi, nous sommes en train de construire un pays composé de consommateurs passifs d’une culture internet que nous ne produisons pas.
M. Philippe Dallier. Il ne faut peut-être pas trop en demander non plus !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Mes propos sont très schématiques. Je relève que les besoins en matière d’usages numériques dans les territoires sont croissants : la télémédecine, l’e-éducation pour les écoles, les universités, la formation continue et l’apprentissage en ligne par les MOOC, les massiv open online courses. Vous avez d’ailleurs fait voter une disposition pour renforcer ces dispositifs dans le présent projet de loi.
C’est également vrai pour l’e-administration, et ce d’autant que, à mesure que la dématérialisation des services publics, à la demande de nos concitoyens, se confirme, le besoin d’accompagnement des Français pour les aider à s’approprier les outils numériques est plus grand.
En effet, on ne peut pas leur dire que nous dématérialisons les déclarations d’impôt sur le revenu, l’inscription à Pôle emploi et les démarches auprès des caisses d’allocations familiales – avec toutes les traductions que cela peut avoir dans la mise en œuvre des politiques locales – sans s’interroger par ailleurs sur la manière dont nous devons accompagner les personnes qui n’ont pas un accès facile aux outils ni une grande littératie numérique.
Cet enjeu de la médiation numérique est pour moi fondamental. Nous avons ainsi créé un réseau national où sont inclus tous les centres de médiation numérique, non seulement les espaces publics numériques mais également les espaces de travail partagé ou encore les maisons de services au public. L’inclusion de la stratégie des usages dans les schémas départementaux d’organisation des territoires en matière numérique vise justement à créer une impulsion, une incitation à peu près aussi forte que celle que nous pouvons désormais constater en matière de déploiement des infrastructures.
J’espère vous avoir convaincus qu’il ne faut pas voir d’objectif caché dans cet article mais au contraire une revendication émanant des territoires, de ceux qui animent les politiques de médiation et qu’on entend peut-être moins parce que leurs enjeux financiers sont moindres, mais qui sont au cœur de la réussite de la transition numérique de notre pays.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je veux rebondir sur ce que vient de dire Mme la secrétaire d’État ; je suis tout à fait d’accord avec ce qu’elle affirme, mais je veux indiquer qu’un vrai problème, qui a d’ailleurs été fort justement souligné par le Défenseur des droits, va se poser.
Je ne me fais pas de souci sur le contenu, sur tout ce qui passera dans la fibre.
M. Philippe Dallier. S’il n’y a pas de fibre, il n’y a pas de contenu !
M. Bruno Sido. L’État, la SNCF, bref tout le monde dématérialise tout ; il n’y a aucun problème, aucun sujet et je ne vois pas pourquoi on se pose encore des questions sur le contenu.
M. Philippe Dallier. Tout à fait !
M. Bruno Sido. En revanche, il y en a sur l’usage. Certaines personnes ne sont pas informatisées ou, si elles le sont, ne savent pas vraiment se servir des outils, sauf pour aller chercher leur courrier. Cela posera de vrais problèmes et il va falloir réinventer ce que l’on appelait autrefois les écrivains publics. (Mme la secrétaire d’État opine.) D’ailleurs, les maisons de services au public serviront également à cela, madame la secrétaire d’État.
Il faudra donc financer tout cela. Ainsi, M. le Défenseur des droits et moi-même proposons que les 60 millions d’euros d’économies que le Gouvernement attend, paraît-il, de la dématérialisation et de la quasi-fermeture, soit dit entre nous, des services préfectoraux au public – ce que dénoncent d’ailleurs un certain nombre de syndicats – soient utilisés en partie pour financer ces écrivains publics et aider les personnes qui ne sont pas informatisées ou qui ont du mal à s’y retrouver à bénéficier du service dématérialisé.
On m’opposera l’irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution, je le sais, mais il ne s’agit pas ici de déposer un amendement ni un sous-amendement, il s’agit de souligner le problème et de dire qu’il faudra bien, un jour, régler cette question.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. J’insiste un peu longuement sur ce sujet, parce qu’il me paraît absolument prioritaire.
Je me réjouis de vous entendre partager ma vision sur ce point, monsieur Sido. C’est cette raison qui nous a incités à renforcer les moyens et la vision stratégique de l’Agence du numérique, créée l’année dernière, en lui confiant la mission « Société numérique ».
Nous avons donc désormais trois pôles au sein de cette agence rattachée au ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique : la mission « France très haut débit », qui s’occupe du déploiement d’internet en très haut débit dans les territoires, la mission « French Tech », qui s’occupe des écosystèmes des entreprises très innovantes, et la mission « Société numérique », qui prend en compte tous les enjeux liés à la médiation numérique. Les écrivains numériques dont vous parlez, monsieur le sénateur, s’insèrent dans le cadre de cette médiation.
J’ai lu le rapport de la Cour des comptes et celui du Défenseur des droits, ils sont intéressants et je me réjouis que des responsables publics pointent cet enjeu. Vous trouverez toujours le Gouvernement à vos côtés quand il s’agira de définir une stratégie commune sur ces questions.