M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Le Gouvernement souhaite être habilité à procéder à la mise en conformité du droit français avec le règlement européen sur la protection des données personnelles.
Il sera effectivement nécessaire d’adapter notre législation au futur règlement européen qui entrera en vigueur, au mieux, courant 2018.
Toutefois, cette adaptation ne pourra se limiter à un simple toilettage : il faudra certainement revoir toute la loi Informatique et libertés. Le chantier étant plus vaste qu’il n’y paraît, il est préférable de demander au Gouvernement de préparer un projet de loi sur le sujet, ce qui lui permettra d’être beaucoup plus ambitieux.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En tant qu’ancienne députée et ancienne secrétaire de la commission des lois de l’Assemblée nationale, je comprends tout à fait votre réticence à accepter des habilitations législatives.
Tous les grands principes du règlement européen sont dans ce projet de loi. Il s’agit d’un règlement et non d’une directive. Aucune loi ne sera donc nécessaire pour le transposer dans le droit français. Si vous souhaitez perdre du temps à supprimer tous les articles de la loi Informatique et libertés – ils sont au nombre de soixante-dix – pour vous assurer, à la virgule près, que le code est conforme au règlement, pourquoi pas. Il me semble néanmoins que, dans son ambition politique pour la défense de l’intérêt général, le Sénat a d’autres chantiers prioritaires !
M. le président. La commission des lois m’a fait savoir qu’elle souhaitait reprendre l’amendement n° 542 rectifié bis, qui n’a pas été soutenu.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 673, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Après l'article 33 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du III de l’article 22 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La désignation d’un correspondant est obligatoire pour les personnes morales de droit privé dont le personnel est supérieur à 250 personnes ou dont les activités consistent en des traitements de données qui, en raison de leur nature, de leur portée ou de leur finalité, exigent un suivi régulier et systématique de personnes. »
Vous avez la parole pour défendre cet amendement, monsieur le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à rendre obligatoire la désignation d’un correspondant informatique et libertés, ou CIL.
Cette proposition anticipe une disposition du règlement européen concernant la désignation obligatoire d’un CIL dans les entreprises traitant des données à caractère personnel de manière régulière et à une échelle importante, et dans les entreprises de plus de 250 salariés.
Cette anticipation permettrait de faciliter la préparation de l’entrée en vigueur des dispositions du règlement européen. J’entendais d’ailleurs émettre un avis favorable sur l’amendement initial de Mme Laborde et de ses collègues du groupe du RDSE. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité le reprendre, au nom de la commission des lois.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Cet amendement a un champ beaucoup plus large que celui du règlement européen sur les données personnelles, lequel s’applique aux entreprises de plus de 250 salariés dont les activités consistent à traiter des données.
Ici, les deux critères – nombre de salariés supérieur à 250, d’une part, activités liées au traitement de données, d’autre part – sont exclusifs l’un de l’autre. Seul est exigé l’un ou l’autre de ces critères.
Le champ est donc infiniment large. Il comprend notamment le réseau des très petites entreprises, ou encore les commerçants et artisans qui décideraient – et ce serait heureux ! – de manier les données afin d’établir des stratégies commerciales.
L’une des raisons pour lesquelles nos entreprises, en particulier les petites et moyennes, accusent un retard dans le domaine du numérique réside dans le fait qu’elles n’ont pas encore embrassé toutes les possibilités de l’économie de la donnée. Je crains que cette proposition ne constitue un frein, certes relatif, à l’essor de nos TPE-PME dans ce domaine.
L’avis est défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 33 quater.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Section 2
Confidentialité des correspondances électroniques privées
Article 34
Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° L’article L. 32 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 21° Fournisseur de services de communication au public en ligne
« On entend par fournisseur de services de communication au public en ligne toute personne assurant la mise à disposition de contenus, services ou applications relevant de la communication au public en ligne au sens de l’article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. Sont notamment considérées comme des fournisseurs de services de communication au public en ligne les personnes qui éditent un service de communication au public en ligne, mentionnées au deuxième alinéa du II de l’article 6 de la même loi, ou qui assurent le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature mentionnés au 2 du I du même article. » ;
2° L’article L. 32–3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 32-3. – I. – Les opérateurs, ainsi que les membres de leur personnel, sont tenus de respecter le secret des correspondances. Le secret couvre le contenu de la correspondance, l’identité des correspondants ainsi que, le cas échéant, l’intitulé du message et les documents joints à la correspondance.
« II. – Les personnes qui éditent un service de communication au public en ligne, au sens du deuxième alinéa du II de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, permettant à leurs utilisateurs d’échanger des correspondances, ainsi que les membres de leur personnel, respectent le secret de celles-ci. Le secret couvre le contenu de la correspondance, l’identité des correspondants ainsi que, le cas échéant, l’intitulé du message et les documents joints à la correspondance.
« II bis. – Le traitement automatisé d’analyse, à des fins publicitaires ou statistiques, du contenu de la correspondance en ligne, de l’intitulé ou des documents mentionnés aux I et II est interdit, sauf si le consentement exprès de l’utilisateur est recueilli à une périodicité fixée par voie réglementaire, qui ne peut être supérieure à un an.
« III. – Les opérateurs et les personnes mentionnés aux I et II sont tenus de porter à la connaissance de leur personnel les obligations résultant du présent article. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 20 rectifié bis est présenté par MM. Grand, Milon, Calvet, Laufoaulu, Huré, Laménie et Lefèvre, Mmes Duchêne et Gruny, MM. Pellevat, Gremillet, Charon et Houel, Mme Deroche et M. Husson.
L’amendement n° 477 est présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6, seconde phrase
Après la première occurrence du mot :
correspondance
insérer les mots :
, les données de connexion
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, pour présenter l’amendement n° 20 rectifié bis.
Mme Marie-Annick Duchêne. Il s’agit de préciser que le secret couvre également les données de connexion. Celles-ci sont définies par l’article 6 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique et le décret n° 2011–219 du 25 février 2011 qui lui est rattaché.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 477.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En juillet dernier, le Conseil d’État a transmis au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Quadrature du Net et le fournisseur d’accès associatif French Data Network, qui portait sur le périmètre de la surveillance des réseaux et, corrélativement, sur la définition des données de connexion.
Le Conseil d’État jugeait alors que ces questions présentaient bien un caractère sérieux quant à leur conformité face à l’ensemble des droits et libertés garantis par la Constitution, « en particulier au droit au respect de la vie privée, au droit à un procès équitable et à la liberté de communication ».
Cette QPC ciblait une partie précise d’un texte très critiqué lors de son adoption en 2013 : la loi de programmation militaire.
Cette loi autorise en effet le ministère de l’intérieur, le ministère de la défense ou les ministères de Bercy à aspirer sur « sollicitation du réseau » tous les « documents » et « informations » dans les serveurs ou les tuyaux des « opérateurs de télécommunication électronique ».
De plus, en juillet 2015, le projet de loi relatif au renseignement amplifiait plus encore les mesures de surveillance, et donc les doutes soulevés ici.
Car les sondes, les IMSI-catchers, les boîtes noires, bref tout l’attirail de techno-surveillance, s’appuient sur cette notion d’« informations et documents ». C’est l’essence du moteur « renseignement » ! Les problématiques sont donc répliquées et amplifiées davantage avec la dernière loi antiterroriste et le renforcement de l’arsenal sécuritaire.
Pour toutes ces raisons, nous proposons d’inclure les données de connexion dans le champ du secret des correspondances. Cette inclusion est logique, car de telles données donnent parfois autant, voire plus, d’indications que le contenu lui-même.
De fait, les données de connexion constituent une sorte d’identité « virtuelle », soit une part déterminante de notre individualité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces amendements visent à inclure les données de connexion dans le champ du secret des correspondances. Cette position est contraire à celle qui a été adoptée par la commission.
Les données de connexion ne relèvent pas, par définition, du contenu des correspondances. Si l’on se référait aux correspondances postales, cela reviendrait à soumettre au secret des correspondances les éléments écrits sur l’extérieur d’une enveloppe…
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 rectifié bis et 477.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 648, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
Les personnes qui éditent un service de communication au public en ligne, au sens du deuxième alinéa du II de l’article 6 de la loi n° 2004–575 du 21 juin 2014 pour la confiance dans l’économie numérique
par les mots :
Les fournisseurs de services de communication au public en ligne
La parole est à M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 139 est présenté par M. Navarro.
L’amendement n° 613 rectifié est présenté par MM. Cigolotti, Guerriau, Bonnecarrère et Luche, Mme Micouleau, M. Roche, Mme Joissains, MM. Médevielle et Canevet, Mme Loisier et MM. Marseille, Gabouty et Pellevat.
Ces deux amendements identiques ne sont pas soutenus.
L’amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. Chaize, Mandelli, de Nicolaÿ et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, Mouiller, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mme Gruny, MM. Grand, Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Bouchet, Vasselle, P. Leroy, Delattre et Rapin, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard et Magras, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Lorsque la fonctionnalité permettant aux utilisateurs d’échanger des correspondances est purement accessoire au service principal fourni par un opérateur de plateforme en ligne mentionné au 2° de l’article L. 111–7 du code de la consommation, et est uniquement destinée à assurer la bonne utilisation du service principal, lesdites correspondances ne sont pas couvertes par le secret défini au II du présent article.
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Certaines plateformes de mise en relation entre particuliers offrent à ceux-ci une fonctionnalité leur permettant d’échanger des messages entre eux.
L’objectif est uniquement de faciliter la conclusion ou l’exécution de la transaction entre ces particuliers. Il peut s’agir pour eux, par exemple, de communiquer afin de convenir d’un lieu et d’une heure de rendez-vous, ou de préciser l’état exact d’un objet de seconde main mis en vente. Cette fonctionnalité de messagerie ne peut être utilisée en dehors de la plateforme, et en général elle est utilisée uniquement pour la durée nécessaire à la conclusion ou à l’exécution de la transaction.
En pratique, et afin de sécuriser les échanges, les plateformes se trouvent dans l’obligation de modérer le contenu de ceux-ci. Il s’agit notamment de s’assurer que les utilisatrices féminines de leurs services ne puissent être victimes de harcèlement, que les messages ne contiennent pas d’insultes ou que, par ce biais, un fraudeur ne cherche pas à contourner la plateforme, privant ainsi l’autre partie des protections offertes par ladite plateforme.
En conséquence, et dans la mesure où ces messages n’ont pas le caractère de correspondance personnelle et sont circonscrits à l’utilisation d’un service principal, il convient de les exclure du champ d’application du secret des correspondances.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à exonérer des obligations du secret des correspondances les opérateurs de plateforme en ligne fournissant comme service accessoire un service de messagerie.
Néanmoins, une protection effective du secret des correspondances exige qu’il s’impose même aux correspondances « accessoires ».
Enfin, la notion de service accessoire semble trop large et trop peu définie pour permettre une application effective.
Je vois ce que vous cherchez à protéger, mon cher collègue, mais à ce stade je ne peux que vous inciter à retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Même avis. Je crains que cet amendement, dont je comprends désormais mieux l’objectif, n’atténue en réalité la portée de l’article 34.
Comment déterminer, par exemple, que le service de messagerie ou de correspondance privée est accessoire par rapport à un service principal ? Comment déterminer que le service est destiné uniquement à assurer la bonne utilisation du service principal, comme cela est prévu dans l’amendement ?
Il serait trop facile de contourner la règle que vous suggérez d’adopter. Je souhaite, pour ma part, maintenir un principe fort de secret des correspondances privées, sans que ne soit ajoutée d’exception supplémentaire.
M. le président. Monsieur Chaize, l’amendement n° 79 rectifié est-il maintenu ?
M. Patrick Chaize. J’entends les arguments qui viennent de m’être opposés, et je les accepte bien volontiers.
Je pense néanmoins qu’il faut avoir en tête cette difficulté et je souhaite, dans la continuité de mes précédents amendements, que nous puissions trouver une solution à ce problème.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 79 rectifié est retiré.
L’amendement n° 48 rectifié bis, présenté par MM. Grand et Milon, Mme Giudicelli, MM. Vasselle, Gilles, Rapin, Pellevat, Lefèvre, Bizet, Chasseing, Charon et Laménie et Mme Deroche, n’est pas soutenu.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 674, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
ou statistiques
par les mots :
, statistiques ou d’amélioration du service apporté à l’usager
Vous avez la parole pour défendre cet amendement, monsieur le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à interdire le scannage du contenu de la correspondance à des fins d’amélioration du service, sauf consentement exprès de l’utilisateur.
La commission est favorable à cette interdiction, raison pour laquelle j’ai souhaité reprendre cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Je crains que la notion d’amélioration du service rendu aux usagers ne vide complètement la portée de l’article 34, qui vise à instaurer le principe du secret des correspondances.
Si cet amendement était adopté, les opérations publicitaires et statistiques qu’un opérateur pourrait réaliser à partir d’une analyse du contenu des correspondances ne seraient pas interdites.
Prévoir une catégorie aussi vaste et des possibilités d’interprétation aussi extensives revient pratiquement à supprimer l’article 34.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. L’amendement n° 78 rectifié, présenté par MM. Chaize, de Nicolaÿ, Mandelli et Calvet, Mme Cayeux, MM. Bignon, Bizet, de Legge, Mouiller, B. Fournier, Kennel et Masclet, Mme Gruny, MM. Grand, Cornu et Vaspart, Mme Estrosi Sassone, MM. Rapin, Pellevat, P. Leroy, Dallier, Bouchet et Vasselle, Mme Deroche et MM. Husson, Laménie, Trillard et Magras, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Est autorisée l’analyse du contenu de la correspondance en ligne, de l’identité des correspondants, ainsi que, le cas échéant, de l’intitulé du message ou des documents joints à la correspondance lorsque ce traitement a pour fonction les questions de sécurités, la détection de contenus non sollicités, de programmes informatiques malveillants.
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. La rédaction initiale du texte présenté à l’Assemblée nationale prohibait tout traitement automatisé d’analyse de contenu de correspondance en ligne, sauf si ce traitement avait pour objectif la « détection de contenus non sollicités ou de programmes malveillants », cela s’effectuant au bénéfice des utilisateurs.
L’Assemblée nationale a modifié cet alinéa afin de prévoir le consentement exprès de l’utilisateur avant la mise en œuvre de traitement automatisé d’analyse, mais la nouvelle rédaction ne prévoit plus explicitement la possibilité de recourir à un tel traitement à des fins légitimes liées à la sécurité des utilisateurs.
Or, si l’analyse des correspondances à des fins de publicité est maintenant légitime sous réserve du consentement de l’utilisateur, l’analyse à des fins de sécurité bénéficiant à l’utilisateur doit également l’être. En effet, le traitement des spams et des programmes malveillants pourrait de facto être interdit, qu’importe que le consommateur y consente ou non.
Afin de permettre aux opérateurs d’assurer un niveau de qualité de service optimal sur leurs réseaux, d’éviter aux usagers d’être submergés par une quantité astronomique de courriels non sollicités ou d’être exposés à des programmes malveillants, il importe que la loi explicite la possibilité pour les opérateurs de recourir à des traitements automatisés pour ces cas spécifiques. Un retour à la rédaction initiale du texte est en ce sens approprié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement n° 674 ayant été adopté, je préfère m’en tenir à la rédaction ainsi obtenue.
Je demande donc à M. Chaize de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Vous proposez, monsieur Chaize, d’élargir les possibilités d’intervention de l’opérateur en ajoutant l’objectif de sécurité à celui de détection de contenus non sollicités ou de programmes informatiques malveillants.
On peut comprendre l’objectif, mais cette notion générale de sécurité me semble beaucoup trop vaste, et ce d’autant que l’amendement s’exonère de la condition fixée par le texte issu des travaux de la commission aux termes duquel les dérogations au secret des correspondances ne sont admises que sous condition de consentement exprès de l’usager. Or vous n’avez pas prévu cette condition dans votre amendement.
Il me semble donc que l’amendement ouvre une brèche trop importante au principe du secret des correspondances.
M. Patrick Chaize. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 78 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 34, modifié.
(L'article 34 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 34
M. le président. L'amendement n° 118 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé, n'est pas soutenu.
L'amendement n° 21 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Milon et Laufoaulu, Mme Deromedi, MM. Revet et Rapin, Mme Estrosi Sassone, M. Pellevat, Mme Lamure, MM. Béchu et Charon, Mme Hummel, M. Gremillet, Mme Giudicelli, MM. Calvet, Perrin, Raison, Huré, Laménie et Lefèvre, Mmes Duchêne, Garriaud-Maylam et Gruny, MM. Chasseing, Lemoyne et Houel et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Après l’article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce délai est porté à un an si ces infractions ont été commises au moyen d’un service de communication au public en ligne. »
La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne.
Mme Marie-Annick Duchêne. Le présent amendement a pour objet d’augmenter le délai de prescription des délits de presse sur internet.
S’agissant des injures et de la diffamation, la loi de 1881 prévoit un délai de prescription de trois mois, même si les faits ont lieu sur internet.
En 1881, avec un journal papier, il n’y avait plus de trace du délit trois mois après. Dans le cadre de la réforme de la procédure pénale en 1993, le Parlement a débattu de l’opportunité d’un délai de prescription différencié pour internet. Mais il n’existait alors ni web ni réseaux sociaux pour injurier et diffamer, ni Google faisant que la victime est durablement atteinte par l’utilisation à son insu de ces données la concernant.
Avec la multiplication des litiges, il est temps de reprendre la réflexion sur les différences entre les supports et de ne pas priver plus longtemps de moyens d’action les victimes de diffamation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. L’amendement vise à allonger à un an la durée de prescription de tous les délits de presse lorsqu’ils ont été commis sur internet.
Cet amendement, qui avait déjà été déposé par M. Grand lors de l’élaboration du texte en commission, avait été écarté par la commission des lois. En effet, la durée de prescription est un débat complexe, qui demande une réflexion approfondie préalable. Une mission d’information concernant les délits de presse de la loi du 29 juillet 1881 est actuellement en cours à la commission des lois ; elle est menée par nos collègues Thani Mohamed Soilihi, présent dans cet hémicycle, et François Pillet.
Enfin, plusieurs textes prochainement inscrits à l’ordre du jour de nos travaux seraient des véhicules plus appropriés, notamment la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale de MM. Tourret et Fenech, mais également le projet de loi Égalité et citoyenneté, qui entend modifier la loi de 1881, notamment pour y faire sortir les délits de presse liés au racisme à la xénophobie.
Pour ces raisons, je souhaiterais le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Les arguments juridiques et techniques du rapporteur sont convaincants et mon avis sera le même.
J’ajouterai que l’article 65 de la loi de 1881 prévoit pour les délits de presse une prescription abrégée de trois mois qui court à compter du jour où les délits ont été commis. S’il existe ce délai de prescription dérogatoire très court, c’est parce qu’une telle mesure est considérée comme faisant partie des garanties accordées de façon historique à la liberté d’expression. L’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen cite cette liberté comme étant l’un des droits les plus précieux de l’homme.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’injure et la diffamation publique se définissent comme des délits de presse, soumis au régime de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
L’article 29 de cette loi dispose en effet que « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. »
Son alinéa 2 précise : « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. »
Il est important de préciser que la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement du 18 mars 2013, a rappelé qu’« une nouvelle mesure de publication du même texte fait courir un nouveau délai de prescription puisque le délit est à nouveau commis […] il en va de même pour des propos figurant sur le réseau internet, de la création d’un lien dit hypertexte permettant d’accéder directement à un article plus ancien, […] la création d’un tel lien doit être analysée comme une nouvelle mise en ligne du texte auquel ce lien hypertexte renvoie ».
La loi prévoit un délai rallongé à un an dans le cas où la diffamation publique a été proférée en raison d’une discrimination spécialement interdite : il en sera ainsi d’une diffamation publique portant sur l’origine, le sexe, l’ethnie, la race, la religion, le handicap, un crime contre l’humanité. Le délai d’un an court du jour où l’écrit sera porté à la connaissance du public et mis à sa disposition.
Le délai d’un an prévu par cet amendement est donc en partie satisfait pour l’éventail des cas de diffamation ou d’injures que je viens de citer. S’agissant des messageries instantanées, telles WhatsApp et Snapchat, qui sont des messageries privées, cela ne relève donc pas d’un service de communication au public en ligne.
Nous sommes donc plutôt défavorables à cet amendement.