M. Alain Fouché. Ah !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. En réalité, les débats de politique économique que nous avons sont peu objectivés et un peu irrationnels, parce que nous ne pouvons pas mesurer l’impact des politiques publiques. C’est la raison pour laquelle je vous propose de renforcer non seulement l’attractivité de la recherche française, avec toutes les garanties juridiques nécessaires, mais aussi la qualité des débats démocratiques, en objectivant les politiques publiques. De nombreux chercheurs, notamment Thomas Piketty, nous le demandent.
Je conclurai par une dernière précision. La technologie utilisée pour accéder à ces données, c’est notamment le centre d’accès sécurisé aux données, qui consiste à consulter les données sans pouvoir les importer. Aucun transfert n’est possible. Cette technologie est utilisée par exemple par les banques pour sécuriser leurs propres données. Elle a été développée en France et est absolument protectrice.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère vous avoir convaincus de soutenir cet amendement, qui est très important pour les chercheurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ces deux amendements ont pour objet d’étendre les possibilités d’accéder à des données non communicables par le recours à la procédure applicable en matière d’archives. Ils visent donc à contourner le problème posé par le caractère non communicable de certains documents en exploitant la possibilité réservée aux services d’archives de donner par exception l’accès à des archives avant le terme prévu par la loi. Il s’agit d’une construction procédurale assez élaborée et, pour tout dire, assez fragile.
Une administration n’aurait pas le droit, compte tenu de la loi CADA, de communiquer un document. En assimilant celui-ci à une archive vivante, le service des archives pourrait décider, après avoir pesé les différents intérêts en présence, d’ouvrir malgré tout l’accès à ces archives. La procédure ne serait applicable qu’aux bases de données, ce qui nécessiterait ensuite une autorisation de la CNIL. Afin d’inciter l’administration à accepter, le comité du secret statistique pourrait être consulté.
Un tel dispositif suscite de nombreuses réserves. Il s’agit en réalité d’utiliser une sorte d’itinéraire bis de l’accès à certains documents non communicables, une voie procédurale exceptionnelle. Je note à cet égard que les archives accèdent à la demande de communication qui leur est faite dans 85 % des cas. Il ne semble donc pas qu’il y ait urgence à faciliter encore cet accès, plutôt assez ouvert.
En outre, emprunter cet itinéraire bis semble une très mauvaise idée, car, si le service des archives peut autoriser la consultation de la base de données, en revanche, il ne peut autoriser la réutilisation des données. Or toute recherche sur une base de données mobilise, par définition, un traitement de ces données par data mining, ce qui équivaut à une réutilisation.
Nous avons adopté, à l’article 4, le principe suivant lequel ne peuvent être réutilisées que les données communicables à tous, ce qui ne sera pas le cas, par définition, de la base de données en cause. L’itinéraire bis semble donc bouché par ce que nous avons voté.
Madame la secrétaire d’État, je comprends certes le but que vous recherchez par cet amendement. J’ai cherché une solution ; néanmoins, son dépôt très tardif ne nous a laissé que peu de temps pour ce faire. Je n’en ai pas trouvé ; il semble en fait qu’il n’y en ait pas. Il faut selon moi revoir l’ensemble du système que vous proposez. Manifestement, le projet n’est pas mûr et mérite un réexamen complet.
J’observe que ce dispositif n’a été évoqué à aucun moment ni dans les travaux préparatoires, ni lors de la consultation publique, ni à l’Assemblée nationale. Nous aurions en outre apprécié d’avoir l’avis du Conseil d’État.
D’ailleurs, si l’on compare ce dispositif avec celui de l’article 18 en matière d’utilisation du numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques, ou encore avec celui qui est prévu dans la loi de modernisation de notre système de santé pour l’utilisation des données d’assurance maladie, la différence dans la rigueur et le niveau des garanties prévues est frappante. Or, de l’aveu même du Gouvernement, ce dispositif devrait être utilisé pour faciliter l’accès aux fichiers de la CNAV ou de la CNAF, voire de n’importe quelle autre administration. Nous ne pouvons pas exposer ces données à une procédure qui ne présenterait pas toutes les garanties requises.
Je vous invite plutôt, madame la secrétaire d’État, à vous inspirer des deux exemples que j’ai cités. En outre, vous avez évoqué dans la présentation de votre amendement l’exemple des données de santé. Celles-ci bénéficient pourtant de procédures et de garanties spécifiques, ce qui ne serait pas le cas ici. Le comité du secret statistique n’est pas un verrou ; il donne simplement un avis. Le service des archives n’est pas quant à lui une autorité administrative indépendante ; c’est un simple service. Enfin, en ce qui concerne les enquêtes sur les revenus, on peut déjà avoir accès aux bases fiscales et aux bases statistiques de l’INSEE.
Pour toutes ces raisons, je demanderai à M. Sueur et au Gouvernement de bien vouloir retirer leurs amendements ; faute de quoi, la commission des lois émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. De toute évidence, monsieur le rapporteur, nous ne faisons pas du tout la même analyse des dispositions qui sont ici proposées.
Il vous appartiendra naturellement, mesdames, messieurs les sénateurs, de décider du sort à réserver à ces amendements. Je note tout de même une certaine défiance à l’égard de la communauté des chercheurs.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Ce n’est absolument pas le cas !
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Or les chercheurs sont liés par le secret professionnel. En outre, des dispositifs similaires sont applicables aux données fiscales, bien qu’y figurent le nom du contribuable, son adresse, le montant de ses revenus ou encore la valeur de ses propriétés. L’accès à ces données fiscales a été accordé aux chercheurs dans des conditions spécifiées par la loi : pourquoi l’accès à des données sociales ne le serait-il pas ?
À mes yeux, le fait de pouvoir mettre en cause la responsabilité pénale du directeur du comité des archives est en soi un gage que l’administration est prête à s’engager sur ce sujet. Ce sont d’ailleurs les administrations qui, bien souvent, sont demandeuses d’un tel dispositif. La CNAM, par exemple, nous a confié son inquiétude vis-à-vis de l’insécurité juridique ambiante, et ce alors même que certains échanges de données ont déjà lieu avec des chercheurs. Néanmoins, ces échanges de données se font sur des bases juridiques très fragiles et dans des conditions de sécurité insatisfaisantes : les données sont parfois envoyées par la poste sur une clé USB !
Le dispositif qui est proposé ici vise donc à combler un vide juridique pour coller à la réalité des besoins de la recherche contemporaine. Sur ce sujet comme sur d’autres, je crains que les réticences, les résistances, les prévenances et les prudences ne plombent les capacités de nos chercheurs à avancer. Je vous prie plutôt de leur faire confiance.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Les travaux de nos deux commissions – je le dis sous le contrôle de Mme la présidente de la commission de la culture et de M. le président de la commission des lois – et nos débats en séance publique sur l’article 18 et les articles précédents montrent bien qu’il n’existe aucune défiance de la part du Sénat vis-à-vis des chercheurs.
Je souhaiterais vous faire remarquer, madame la secrétaire d’État, que votre collègue Marisol Touraine a donné dans la loi de modernisation de notre système de santé des garanties suffisantes concernant l’utilisation par les chercheurs des données de santé de la CNAM. Nous attendions des garanties similaires dans ce projet de loi, en particulier dans cet amendement. Voilà pourquoi je maintiens l’avis défavorable de la commission.
Par ailleurs, le dispositif prévu dans votre amendement n’engage pas la responsabilité pénale du directeur du comité des archives ; contrairement à votre affirmation sur ce point, il dispose explicitement que l’article 226–13 du code pénal n’est pas applicable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je dois dire que je n’ai pas été convaincu par M. Frassa. Au terme des nombreuses pages qu’il a bien voulu nous lire, je n’ai pas très bien compris où était le problème.
Nos chercheurs en démographie, en sociologie, en anthropologie et autres sciences sociales ont besoin de données statistiques. Je ne vois donc pas en quoi il serait scandaleux qu’ils puissent bénéficier de séries statistiques issues des organismes de sécurité sociale, dès lors qu’il est prévu deux filtres – l’expertise de deux comités – pour s’assurer que cet accès aux données ne porte pas atteinte à la vie privée.
Franchement, on devient craintif par rapport à la recherche scientifique. S’il s’agissait de recherche, par exemple, sur des armes nucléaires, je comprendrais qu’on prenne des précautions, mais, là, il s’agit du fichier de la CNAF, de données sur l’évolution des familles ou encore sur le niveau de vie, qui sont très utiles aux chercheurs.
On finit par avoir peur de la recherche scientifique en sciences sociales comme si l’on avait peur de son ombre. Il s’agit là selon moi d’une timidité contre laquelle je pense que le Sénat va se dresser.
Mes chers collègues, monsieur le président de la commission des lois, il serait tout de même bon de montrer que, même à cette heure tardive, nous conservons notre faculté de pensée, notre force de réflexion.
Il nous faut soutenir les chercheurs français et créer les conditions nécessaires à leur travail. J’ai de la sympathie pour eux et je ne voudrais pas qu’au terme de cette séance, à une heure trente du matin, on ait essentiellement adopté des mises en garde, des réticences et des restrictions à leur égard. Faisons-leur confiance !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je dois dire à mon grand regret que je n’ai pas du tout été convaincu par l’exposé de M. Sueur, qui est pourtant d’ordinaire très persuasif.
L’heure tardive ne nous empêche pas d’approfondir cette question fort délicate.
Je voudrais tout d’abord évacuer un aspect de la question. Sur ces travées, il n’est pas de sénatrices ou de sénateurs qui seraient plus sensibles que d’autres aux intérêts de la recherche. Je me tourne vers vous, monsieur le rapporteur : soutenez-vous le développement de la recherche ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Tout à fait !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Telle est aussi la position de Mme la présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, ainsi que celle de Mme la rapporteur pour avis et, à n’en pas douter, de chacune et chacun d’entre vous, mes chers collègues.
M. Bruno Sido et Mme Catherine Troendlé. Bien sûr !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Là n’est donc pas la question. Au reste, comme notre rapporteur l’a rappelé et Mme la secrétaire d’État l’a reconnu, la procédure de consultation anticipée des archives fonctionne bien : 85 % des demandes sont acceptées. Le régime actuel ne comporte donc aucune entrave à la recherche. D’ailleurs, si de telles entraves avaient existé, je suppose que le Gouvernement s’en serait aperçu à temps et aurait intégré à son projet de loi les dispositions nécessaires pour les lever. Le travail législatif que nous menons relève donc d’une certaine improvisation.
Nous ne sommes par ailleurs pas convaincus de la réalité des problèmes que l’amendement présenté au nom du groupe socialiste par M. Sueur comme l’amendement identique du Gouvernement visent à résoudre. Il faut tout de même rappeler qu’il s’agit de données qui, à des fins de protection de la vie privée, sont non communicables. Nous voulons surmonter leur incommunicabilité par des dispositions qui permettent, dans l’intérêt général, le développement de la recherche. Or de telles dispositions existent déjà, puisque, je le répète, 85 % des demandes sont satisfaites. Alors pourquoi, dès lors qu’il nous faut aussi prendre en compte le respect de la vie privée de nos concitoyens, faudrait-il aujourd’hui mettre en place une procédure qui nous paraît offrir très peu de garanties et, en tout cas, beaucoup moins que d’autres procédures que nous avons acceptées au sein de ce projet de loi ou de la loi de modernisation de notre système de santé récemment présentée par Mme Touraine ?
En vérité, cette question exige la tenue d’autres débats. Je suis tout à fait prêt à y participer mais, pour l’heure, il me semble raisonnable de repousser ces deux amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 231 et 615.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 18.
Article 18 bis A (nouveau)
Après les mots : « intérêt public et », la fin du IV de l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigée : « soit autorisés dans les conditions prévues au I de l’article 25 ou au II de l’article 26, soit déclarés dans les conditions prévues au V de l’article 22. » – (Adopté.)
Article 18 bis
Dans les contrats conclus par un éditeur avec un organisme de recherche ou une bibliothèque ayant pour objet les conditions d’utilisation de publications scientifiques, toute clause interdisant la fouille électronique de ces documents pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité directement ou indirectement commerciale, est réputée non écrite. L’autorisation de fouille ne donne lieu à aucune limitation technique ni rémunération complémentaire pour l’éditeur.
La conservation et la communication des copies techniques issues des traitements, aux termes des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites, sont assurées par des organismes dont la liste est fixée par décret.
Le présent article est applicable aux contrats en cours.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Abate, sur l’article.
M. Patrick Abate. Compte tenu de l’heure, je serai bref.
Le problème de cet article est que, s’il va potentiellement permettre la fouille électronique de documents par les structures de recherche abonnées aux revues, il va maintenir la situation de domination des maisons d’édition sur ces ressources. Nous nous attacherons à rechercher un meilleur équilibre entre éditeurs et chercheurs.
Mme la présidente. L’amendement n° 585, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Le Gouvernement propose, par cet amendement, de supprimer l’article permettant l’utilisation par les chercheurs du Text and Data Mining, ou TDM, c’est-à-dire la fouille électronique de données. Je vous laisse juger de la cohérence de cette position, d’autant que je m’apprête à vous expliquer à quel point le TDM est formidable et combien, à l’inverse, refuser aux chercheurs la possibilité de recourir à cette technologie les pénalise.
Qu’est-ce que le TDM ? C’est l’analyse informatisée de grands corpus de textes et de données scientifiques par le principe des croisements et des recoupements, qui s’effectue grâce à des algorithmes appropriés par des effets de rebond. Ce processus a une double finalité : accélérer les processus de recherche existants et favoriser de nouvelles découvertes. Il est vrai que le numérique décuple encore ce potentiel de découvertes.
Vous connaissez la situation actuelle : en Europe, un seul État a autorisé le recours au TDM, le Royaume-Uni. Sur d’autres continents, plusieurs pays l’utilisent déjà : c’est le cas en particulier des États-Unis et du Japon. Plusieurs pays européens s’interrogent quant à eux sur l’opportunité de légaliser les pratiques de TDM pour les chercheurs.
Aujourd’hui, on me dit que les partenariats entre des laboratoires de recherche français et britanniques sont fragilisés, parce que, si les chercheurs britanniques peuvent employer le TDM, les chercheurs français en sont empêchés. On me dit également que des laboratoires français de recherche se trouvent contraints de signer des contrats de collaboration avec des laboratoires de recherche parfois peu reconnus au plan international mais situés dans d’autres juridictions, ce afin de pouvoir recourir à ces techniques. Je discutais tout récemment encore avec un professeur d’Oxford, le grand informaticien Nigel Shadbolt, qui m’expliquait tout l’intérêt du TDM pour ses recherches et celles de ses équipes. Lorsque je lui ai expliqué la situation en France, il s’est montré très étonné et ne comprenait pas les résistances juridiques opposées à la légalisation du TDM.
Pour cette légalisation, trois voies existent.
La première, c’est la voie législative. C’est celle qui a été choisie par l’Assemblée nationale et celle qui a été adoptée par le Royaume-Uni : elle consiste à insérer une encoche dans la directive européenne relative au droit d’auteur.
La deuxième voie, c’est la solution contractuelle : elle permet à des éditeurs de signer des contrats d’autorisation avec les chercheurs.
La troisième voie, qui est défendue par certains chercheurs, c’est l’exception de copie provisoire.
Sachez que l’Allemagne, parmi d’autres pays, est très attentive aux résultats des débats que nous avons sur ce sujet. Elle veut déterminer s’il convient de prendre une initiative à ce sujet avant même la perspective de l’accord qui doit être trouvé à Bruxelles quant à la renégociation de la directive du 22 mai 2001 sur les droits d’auteur.
J’en viens ainsi à expliquer la position d’apparence paradoxale du Gouvernement. Nous avons fait le choix de réserver l’examen de cette question aux négociations actuellement en cours à l’échelon européen. Ces négociations visent, dans le cadre de la révision de la directive de 2001, à ajouter une nouvelle exception au droit d’auteur. Nous préférons donc ne pas anticiper dans la loi nationale les évolutions à venir du droit européen.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission de la culture ?
Mme Colette Mélot, rapporteur pour avis. Le présent article, introduit à l’Assemblée nationale, a fait couler beaucoup d’encre en créant en droit français une exception au droit d’auteur, non prévue par la directive du 22 mai 2001, pour le TDM.
J’ai réalisé de nombreuses auditions sur ce sujet pour tenter de trouver une solution de compromis entre les limitations du droit européen, les contraintes des éditeurs et le grand besoin des chercheurs de pouvoir accéder sans limitation à ce procédé. À l’issue de ces travaux, notre commission a proposé d’imposer le TDM par la voie contractuelle en attendant la révision de la directive de 2001. Cette révision, nous l’espérons tous, ne saurait tarder ; néanmoins, on ne peut pas d’ici là priver la recherche de ce bel outil.
Une suppression de l’article 18 bis sans autre forme de procès constituerait – vous en êtes consciente, madame la secrétaire d’État – un signal extrêmement négatif pour les chercheurs, qui se trouvent déjà aux prises avec des concurrents étrangers pour lesquels le TDM constitue une évidence.
Notre solution est solide, utile et équilibrée ; je la maintiens et j’émets, par conséquent, madame la secrétaire d’État, un avis défavorable sur votre amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Gillot, pour explication de vote.
Mme Dominique Gillot. Cet amendement est quelque peu paradoxal, comme vous l’avez vous-même souligné, madame la secrétaire d’État.
Vous nous avez affirmé que vous craigniez que les résistances et le conservatisme ne plombent les travaux de nos chercheurs. Or vous nous proposez à présent un amendement de suppression de l’autorisation, certes restreinte, du TDM pour les scientifiques.
Nous avons tous reçu ces derniers jours des argumentaires, sinon des plaidoyers, écrits par des chercheurs, des responsables d’organismes de recherche ou encore des directeurs de start-up numériques. Tous nous ont encouragés à adopter sur ce point une exception au droit d’auteur.
Je me contenterai pour illustrer mon propos de lire la dernière de ces lettres, que nous avons reçue lundi et qui a été signée par une foultitude de sommités en matière de recherche scientifique, qui font l’honneur de la France à eux seuls.
Voici ce qu’ils nous écrivent : « Alors que nous commençons à peine à entrevoir les perspectives ouvertes par l’accumulation et la fouille massives de données, tous les acteurs économiques et industriels ont mobilisé leurs ressources et leur intelligence peur explorer les avancées potentielles quelles permettent. Paradoxalement et tristement, la recherche publique française est empêchée de rejoindre ce mouvement à cause de multiples obstacles juridiques. » Votre amendement de suppression constitue l’un de ces obstacles, madame la secrétaire d’État.
« Si cela n’est pas permis en France, c’est que des dispositions du droit d’auteur et du droit sur les bases de données interdisent – sauf convention – la réutilisation des articles scientifiques… même par ceux qui les ont produits ! Cela est déconcertant, car les chercheurs ont déjà payé l’accès sur ces articles. Rappelons en effet que les bibliothèques universitaires et les organismes de recherche dépensent plus de 100 millions d’euros par an pour s’abonner aux revues scientifiques et permettre aux chercheurs d’y accéder. C’est précisément sur ces contenus que le TDM demeure impossible en pratique.
« Continuer à empêcher le TDM va mettre les chercheurs français dans une position de faiblesse vis-à-vis de leurs collègues étrangers exerçant aux États-Unis, au Canada, au Japon, en Grande-Bretagne… qui pourront utiliser le TDM grâce aux législations plus ouvertes […] de leur pays.
« Pour éviter de porter un coup qui pourrait être fatal à la recherche française, les pratiques de TDM doivent être enfin clairement autorisées et encouragées par les pouvoirs publics. Ce n’est qu’à cette condition qu’il sera possible d’éviter le départ de chercheurs français à l’étranger. Une véritable exception au droit d’auteur doit donc être inscrite dans le projet de loi pour une République numérique : la Commission européenne a d’ailleurs annoncé qu’elle allait défendre cette mesure dans le cadre du marché unique numérique. »
Mme la présidente. Madame Gillot, il faudrait conclure !
Mme Dominique Gillot. « L’Allemagne s’apprête à réviser sa loi fédérale sur ces thèmes sans attendre la révision préalable de la directive européenne sur le droit d’auteur […].
« L’Europe doit relancer une politique de recherche ambitieuse ».
Mme la présidente. Il faut conclure !
Mme Dominique Gillot. L’article 18 bis tel qu’adopté par la commission de la culture permet partiellement l’exercice du TDM par le biais de contrats. Néanmoins, ceux-ci sont défavorables aux chercheurs et compliquent considérablement leurs pratiques.
Mme la présidente. Nous vous avons compris, madame Gillot !
Mme Dominique Gillot. Madame la présidente, il me paraît important d’aller jusqu’au bout. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il vaut mieux toutefois conserver l’article 18 bis dans la rédaction de la commission de la culture plutôt que de ne rien avoir du tout : je préfère donc voter contre l’amendement de suppression du Gouvernement.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 97 amendements ; il en reste 383.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.