Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement a déjà eu l’occasion d’exprimer sa position à l’occasion de l’examen, le 2 février dernier, de la proposition de loi présentée par MM. Bas, Zocchetto, Retailleau et Mercier, et avait fait part de son hostilité à une telle mesure.
Le droit pénal en vigueur permet, en effet, d’appréhender de tels comportements au travers des délits d’apologie du terrorisme et de provocation au terrorisme.
J’émets donc un avis favorable sur ces amendements de suppression.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 118 et 147.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 65 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Buffet, Allizard, G. Bailly, Béchu, Bizet, Bonhomme, Bouchet, Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Commeinhes, Cornu, Dallier, Danesi, Darnaud et Dassault, Mmes Debré, Deroche, Deromedi, Des Esgaulx, Deseyne et Di Folco, MM. Doligé et P. Dominati, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Duvernois et Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Fontaine, Forissier, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mme Giudicelli, MM. Gournac, Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené, Houel, Houpert et Husson, Mme Imbert, M. Joyandet, Mme Kammermann, M. Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, de Legge, Lemoyne, Lenoir et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Masclet et Mayet, Mmes Mélot, M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, de Nicolaÿ, Nougein, Paul, Panunzi, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pinton et Pointereau, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Reichardt, Revet, Savary, Savin, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 421-2-5-2. – Le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce service comporte des images ou représentations montrant la commission de tels actes consistant en des atteintes volontaires à la vie est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
« Le présent article n'est pas applicable lorsque la consultation est effectuée de bonne foi, ou résulte de l'exercice normal d'une profession ayant pour objet d'informer le public, ou intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou est réalisée afin de servir de preuve en justice. »
La parole est à Mme Catherine Troendlé.
Mme Catherine Troendlé. Les auteurs de l’amendement ont repris une disposition adoptée par le Sénat, le 2 février dernier, lors de la discussion de l’excellente proposition de loi déposée par Philippe Bas (M. Charles Revet opine.), tendant à renforcer la lutte contre le terrorisme.
Cet amendement vise à créer une nouvelle infraction pénale, le délit de consultation habituelle de sites terroristes, semblable à celui déjà prévu par l’article 227-23 du code pénal en matière de consultation habituelle de sites pédopornographiques.
Seule sera sanctionnée la consultation habituelle de sites incitant aux actes terroristes, ou faisant l’apologie de ces actes, lorsque ces sites comportent des images ou représentations montrant la commission d’actes de terrorisme consistant en des atteintes volontaires à la vie. Ce délit serait puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Je souhaite toutefois préciser qu’aucune infraction ne sera commise si cette consultation habituelle résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, si elle intervient dans le cadre de recherches scientifiques, ou est réalisée afin de servir de preuve en justice.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement est la reprise d’une disposition de la proposition de loi tout à fait excellente que nous avons votée le 2 février dernier.
La commission s’est cependant interrogée à son sujet, car le fait même de consulter de tels sites ne saurait constituer toujours un délit. Des personnes de bonne foi peuvent consulter ces sites en vue de combattre, ensuite, le terrorisme. Je vous remercie donc, ma chère collègue, d’avoir accepté, depuis la dernière réunion de la commission, de corriger votre amendement en ce sens. Il n’y a dès lors plus d’obstacle à ce que j’émette un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. La consultation de sites djihadistes est déjà l’un des critères constitutifs d’une entreprise individuelle terroriste. Le droit en vigueur suffit donc pour atteindre les objectifs visés par les auteurs de l’amendement.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La commission des lois a considéré qu’en matière de terrorisme le principe de la tolérance zéro devait s’imposer. Il faut le savoir, il existe des sites, comme celui de l’État islamique, Dar al-Islam, qui appellent au meurtre.
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mes chers collègues, je vous donne lecture d’un extrait que l’on peut trouver sur ce site : « Les états mécréants ont compris les conséquences du retour du Califat : la fin de la domination des Juifs, des croisés et leurs alliés. Tout musulman sincère émigre vers une des régions de l’État islamique, cette terre d’Islâm, et quitte les terres de mécréances, dirigées par les pires tawâghit de ce monde, qui font sans cesse la guerre à notre communauté. Le tour est venu maintenant pour les croyants d’avancer, de récupérer les terres et de ne pas laisser une seconde ces tyrans se reposer.
« Le musulman ne peut rester loin de cette terre sans être assailli par le regret et sans avoir l’envie de la rejoindre afin de se rapprocher de son Seigneur. Un groupe d’entre eux, nous leur rendons hommage dans ce numéro, ont décidé de frapper l’ennemi sur sa propre terre afin qu’il sache que la guerre ne se fait pas derrière une télé ou en votant dans un parlement. Il faut que la France pleure ses morts comme nous pleurons les nôtres, qu’ils voient le sang des leurs couler comme nous voyons celui des nôtres. […]
« Nous n’avons pas d’avion pour vous bombarder comme vous nous bombardez. Nous avons des hommes qui aiment la mort comme vous aimez la vie. Quand ils se sacrifient pour leur religion, pour leurs frères et leurs sœurs, nous les pleurons tout en ayant la certitude qu’ils sont auprès de leur Seigneur dans son paradis. »
Voilà les insanités que l’on peut trouver sur ces sites. Des ministres français y sont insultés, cités par leur nom avec ce genre de mention : « untel, ministre français enjuivé par sa femme »…
Ce type de propagande, dont la toxicité n’est plus à démontrer, quand elle est régulièrement consultée par des individus fragiles, relève de l’appel au meurtre d’innocents. Nous ne pouvons pas nous contenter de savoir que ces écrits sont une composante d’autres incriminations : nous voulons incriminer le simple fait de consulter régulièrement ces sites, sauf lorsque l’on s’aperçoit – éventuellement après enquête –que cette consultation est le fait d’un journaliste, d’un chercheur ou, comme ça a été le cas pour moi, d’une personne recherchant de bonne foi une information et en rien soucieuse de combattre par les armes notre pays.
Il est raisonnable de tuer dans l’œuf les effets de cette propagande en acceptant ce type d’incriminations.
C’est la raison pour laquelle la commission, après en avoir délibéré, a émis un avis favorable, et même très favorable, sur cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. L’extrait que vient de lire le président Bas est évidemment très choquant, mais c’est de l’apologie du terrorisme. Le droit commun suffit donc pour poursuivre les auteurs de tels actes sur ce fondement, voire au titre de la provocation. Je rappelle que la loi de novembre 2014 a retiré l’apologie du terrorisme du droit de la presse pour l’insérer dans le code pénal.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, peuvent être incriminés pour apologie de crime terroriste les auteurs de ce site et ceux qui diffusent l’information. Mais nous voulons aussi pouvoir punir ceux qui consultent régulièrement ces sites avec de mauvaises intentions.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Comme aurait dit le général de Gaulle, vaste programme que de poursuivre l’imbécillité et de traquer tous les repaires où s’expriment la monstruosité, le crétinisme, la propagande… À côté, la prohibition de la Belle Époque, c’est une bluette !
Monsieur Bas, vous n’allez pas assez loin : le premier contact d’une personne avec un site de ce type devrait immédiatement être stigmatisant, il faudrait faire venir l’exorciste…
Vous vous faites plaisir en multipliant les incriminations, mais ce sera inapplicable ! On nous a expliqué qu’on ne pouvait pas faire fonctionner la justice parce que l’on manquait de juges d’instruction. Et maintenant, vous voulez que certaines personnes mènent la traque pour savoir qui consulte tel ou tel site ?
Il faut se réveiller, il s’agit de se donner les moyens de lutter, pas seulement de se faire plaisir !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Monsieur le président de la commission des lois, nous ne pouvons que partager votre émoi, votre agacement, votre effroi face à ce qu’on peut lire sur ces sites que nous ne consultons bien évidemment pas. Mais faut-il vraiment aller jusqu’à instaurer un délit pour ceux qui les consultent habituellement ? En réalité, il conviendrait plutôt d’empêcher ceux qui sont au début du processus de se radicaliser.
Comment nos services de police, de renseignement, notre justice, arriveront-ils à assimiler et à utiliser tous les délits, toutes les infractions nouvelles que vous essayez de mettre en œuvre ? C’est là la véritable question.
Dans la discussion générale, j’avais plaidé pour que nous soyons pragmatiques. Nous l’avons été sur beaucoup de sujets, mais nous ne le sommes pas du tout ici où nous faisons de l’affichage.
Certes, on peut critiquer ces sites, dire qu’ils font l’apologie du terrorisme. Mais comment concrètement mettre en œuvre une telle mesure pour ceux qui consultent régulièrement ces sites ? Je crains donc que tout cela ne soit qu’une posture ! (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je suis choqué par les propos que je viens d’entendre. On arrive bien à trouver et à poursuivre ceux qui consultent des sites pédophiles ! Pourquoi n’en serait-il pas de même ici ?
Vous affirmez qu’une telle disposition serait impossible sur le plan technique et vous semblez surpris que nous souhaitions prendre de telles mesures dans ce contexte particulier. Je ne vous suis pas…
Laissons prospérer la proposition de notre collègue Philippe Bas et prévoyons les moyens qui seront nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour explication de vote.
Mme Catherine Troendlé. Nous avons été nombreux à voter le dispositif prévu dans la proposition de loi de M. Bas. Personne, à aucun moment, surtout en cette période, n’a eu l’impression de faire de l’affichage.
L’heure est grave. Ne perdons pas de vue l’essentiel : ce texte que nous construisons ensemble doit permettre de lutter contre le terrorisme. Parler de posture est inélégant et indigne, monsieur Bigot. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains.)
4
Candidatures à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour l’économie bleue.
Cette liste a été publiée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
5
Engagement de la procédurE accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 30 mars 2016.
6
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 30 mars 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux arrêts de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 1729 et 1741 du code général des impôts (Cumul de sanctions pénales et fiscales) (2016-545 et 2016-546 QPC).
Le texte de ces arrêts de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.)
PRÉSIDENCE DE Mme Jacqueline Gourault
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Nomination de membres d’une commission mixte paritaire
Mme la présidente. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour l’économie bleue.
La liste des candidats établie par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a été publiée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Hervé Maurey, Didier Mandelli, Charles Revet, Michel Vaspart, Mmes Odette Herviaux, Nelly Tocqueville et M. Michel Le Scouarnec ;
Suppléants : MM. Maurice Antiste, Guillaume Arnell, Mme Annick Billon, MM. Jean Bizet, Jean-Jacques Filleul, Michel Raison et Jean-François Rapin.
8
Lutte contre le crime organisé et le terrorisme
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
Articles additionnels après l’article 4 sexies
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Buffet, Allizard, G. Bailly, Béchu, Bouchet, Bizet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chasseing, Chatillon, Cornu, Danesi et Dassault, Mmes Debré, Deroche, Deromedi et Di Folco, MM. Doligé et P. Dominati, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Duvernois et Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. Falco, Fontaine, Forissier, B. Fournier, J.P. Fournier, Frassa et Genest, Mme Giudicelli, MM. Gournac et Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené, Houel et Houpert, Mme Hummel, M. Husson, Mme Imbert, MM. Joyandet et Karoutchi, Mme Keller, MM. Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Lenoir et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc et Masclet, Mmes Mélot et M. Mercier, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Perrin, Pierre, Pillet, Pinton et Pointereau, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Rapin, Reichardt, Revet, Savary, Savin, Sido et Trillard, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 4 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 422-4 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 422-4. – L’interdiction du territoire français est prononcée par la juridiction de jugement dans les conditions prévues à l’article 131-30, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable de l’une des infractions définies au présent titre, à l’exception des infractions définies aux articles 421-2-5 à 421-2-5-2.
« Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer ces peines, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
La parole est à Mme Catherine Troendlé.
Mme Catherine Troendlé. Nous souhaitons rendre obligatoire la peine complémentaire d’interdiction du territoire français en cas de condamnation pour certaines infractions terroristes, sauf décision spéciale et motivée de la juridiction de jugement.
Une telle disposition a été adoptée par le Sénat le 2 février dernier dans le cadre de la proposition de loi de M. Philippe Bas tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste.
Mme la présidente. L’amendement n° 102, présenté par MM. Rachline et Ravier, n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 70 rectifié ?
M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement émet un avis défavorable en raison du caractère systématique de cette mesure et, donc, au nom du principe de l’individualisation des peines.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4 sexies.
Article 4 septies (nouveau)
Au premier alinéa de l’article 131-4-1 du code pénal, après les mots : « cinq ans », sont insérés les mots : « , à l’exception des délits prévus aux articles 421-1 à 421-6, ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 148 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 230 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 148.
Mme Esther Benbassa. Le présent article, introduit par la commission des lois, reprend les dispositions de l’article 14 de la proposition de loi de Philippe Bas adoptée le 2 février dernier. Il exclut du champ de la contrainte pénale toutes les infractions susceptibles d’être considérées comme terroristes.
Je l’ai déjà indiqué en février dernier en défendant un amendement de suppression, nous ne sommes pas favorables à l’incarcération automatique. Je tiens également à rappeler que la contrainte pénale est une peine qui exige un suivi intense des condamnés. Elle est, par ailleurs, réservée aux délits.
De surcroît, nous considérons qu’il revient aux magistrats de décider de la peine la plus pertinente selon la personnalité de l’individu qu’ils ont à juger.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 230.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite défendre la contrainte pénale, pour des raisons tant de fond que de forme.
Sur le fond, cet outil permet aux magistrats de tenir compte de l’auteur des faits et, donc, de prononcer une sanction plus adaptée.
Sur la forme, nous sommes toujours en phase d’observation de l’utilisation de ce dispositif par les juridictions ; il paraîtrait donc précipité de le supprimer tout de suite et pour un seul cas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer l’article 4 septies, qui exclut les délits terroristes du champ de la contrainte pénale.
On pourrait discuter sans fin de cette peine. Toujours est-il que, au moment où il s’agit de durcir la loi, permettre que les infractions terroristes soient punies de quelques jours de contrainte pénale n’est sans doute pas le meilleur signal à envoyer.
En conséquence, la commission invite le Sénat à rejeter ces deux amendements de suppression.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 148 et 230.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 103, présenté par MM. Rachline et Ravier, n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 4 septies.
(L’article 4 septies est adopté.)
Article 4 octies (nouveau)
Après l’article 726-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 726-2 ainsi rédigé :
« Art. 726-2. – Lorsqu’il apparaît que leur comportement porte atteinte au maintien du bon ordre de l’établissement, les personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté pour une ou plusieurs des infractions prévues aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, peuvent être, après évaluation pluridisciplinaire réalisée dans un service spécialisé chargé de l’observation des personnes détenues, placées en cellule individuelle au sein d’une unité dédiée par décision du chef d’établissement.
« Le premier alinéa du présent article est applicable dans les mêmes conditions aux personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté pour une ou plusieurs infractions autres que celles mentionnées au même premier alinéa.
« Le présent article ne remet pas en cause l’exercice des droits définis à l’article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire. Toutefois, l’exercice des activités mentionnées à l’article 27 de la même loi par les personnes affectées au sein d’une unité dédiée s’effectue à l’écart des autres personnes détenues, sauf décision contraire prise par le chef d’établissement après avis de la commission pluridisciplinaire unique.
« La décision d’affectation au sein d’une unité dédiée est soumise au contrôle du juge administratif dans les conditions fixées par le code de justice administrative. »
Mme la présidente. L’amendement n° 211, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Le Gouvernement estime qu’il n’est pas nécessaire de conférer une base légale aux unités dédiées qu’il a mises en place. Il en existe actuellement trois, et nous sommes toujours dans la phase d’expérimentation. Nous souhaitons continuer à les observer avant de définir leur régime juridique. Figer leur existence de manière législative nous paraît donc prématuré.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. J’entends ce que vient de nous dire M. le garde des sceaux, mais le Conseil constitutionnel a rappelé dans une décision de 2009 sur la loi pénitentiaire le caractère légal de la création de telles unités.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4 octies.
(L’article 4 octies est adopté.)
Article 4 nonies (nouveau)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 720 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code. » ;
2° Après l’article 721-1, il est inséré un article 721-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 721-1-1. – Les personnes condamnées à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, ne bénéficient pas des crédits de réduction de peine mentionnés à l’article 721 du présent code. Elles peuvent toutefois bénéficier d’une réduction de peine dans les conditions définies à l’article 721-1 du présent code. » ;
3° Après l’article 730-2, il est inséré un article 730-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 730-2-1. – Lorsque la personne a été condamnée à une peine privative de liberté pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code, la libération conditionnelle ne peut être accordée :
« 1° Que par le tribunal de l’application des peines, quelle que soit la durée de la détention restant à exécuter ;
« 2° Qu’après avis d’une commission chargée de procéder à une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité de la personne condamnée.
« Le tribunal de l’application des peines peut s’opposer à la libération conditionnelle si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l’ordre public.
« Lorsque la libération conditionnelle n’est pas assortie d’un placement sous surveillance électronique mobile, elle ne peut être accordée qu’après l’exécution, à titre probatoire, d’une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur ou de placement sous surveillance électronique pendant une période d’un an à trois ans. Cette mesure ne peut être exécutée avant la fin du temps d’épreuve prévu à l’article 729 du présent code.
« Un décret précise les conditions d’application du présent article. » ;
4° L’article 730-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes condamnées pour une ou plusieurs des infractions mentionnées aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, à l’exclusion de celles définies aux articles 421-2-5 et 421-2-5-1 du même code. »