M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le président, avec votre accord, je présenterai en même temps les deux amendements nos 259 et 260 du Gouvernement, qui traitent de sujets connexes.
L’objectif du dispositif relatif aux grands événements est de renforcer les contrôles des personnes œuvrant à la préparation et à la réalisation des événements de grande ampleur qui sont exposés à un risque exceptionnel de menace terroriste.
Jusqu’à la promulgation de la loi Savary, intervenue il y a quelques jours seulement, un seul régime de contrôle administratif existait pour des secteurs extrêmement circonscrits, comme ceux qui relèvent de la sécurité ou de la souveraineté nationales, et à l’appui de mesures administratives de recrutement, d’affectation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation. La loi Savary est venue ajouter une mesure qui étend ce contrôle aux entreprises de transport de biens et de marchandises de manière aléatoire, à la demande de l’employeur ou de l’autorité administrative.
La volonté de la commission des lois a été de proposer un dispositif de portée générale. Le Gouvernement comprend la volonté des sénateurs. Toutefois, si un dispositif de portée générale doit exister, il ne peut qu’être distinct du dispositif prévu par le projet de loi actuellement en discussion, lequel comporte une mesure relative aux grands événements se distinguant du régime général en vigueur aujourd’hui à plusieurs titres.
Premièrement, le champ d’application du dispositif prévu par le projet de loi est circonscrit dans le temps et dans l’espace, puisque l’autorisation d’accès n’est accordée par les organisateurs que pour certaines zones et pendant la préparation et la durée des événements de grande ampleur.
Deuxièmement, le champ du dispositif spécifique relatif aux grands événements est limité aux cas de risque exceptionnel de menace terroriste.
Troisièmement, le Gouvernement souhaite ici rendre obligatoire l’avis préalable de l’autorité administrative. L’organisateur sera tenu de saisir cette dernière avant de délivrer une autorisation d’accès pour toutes les personnes accédant aux établissements à un autre titre que celui de spectateur ou de participant.
En résumé, nous aurions, d’une part, un régime relatif aux grands événements exceptionnel par sa nature même, avec des enquêtes administratives systématiques et une unique finalité, la lutte contre le terrorisme, et, d’autre part, un régime dit « de droit commun », avec des contrôles aléatoires et davantage de finalités.
Pour l’ensemble de ces raisons, et s’il s’agit de conserver ce qui a été décidé par la commission des lois, nous vous proposons d’isoler le régime « grands événements », au travers de l’amendement n° 259, et d’en tirer la conséquence pour le dispositif de droit commun, par le biais de l’amendement n° 260.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je propose que nous poursuivions nos échanges en vue de la commission mixte paritaire, afin que la rédaction prévue pour le régime général puisse pleinement s’intégrer dans les travaux d’ores et déjà entrepris par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le SGDSN. Nous les avions évoqués à l’occasion de l’examen de la proposition de loi Savary. Ces questions sont extrêmement sensibles et leur traitement suppose des échanges approfondis avec les structures qui recourent à ces enquêtes administratives.
Je demande instamment au Sénat d’adopter ces amendements. Sinon, nous rencontrerons des difficultés considérables pour organiser un certain nombre de grands événements, en vue desquels toutes les précautions doivent être prises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. La commission a émis un avis très favorable sur les deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote sur l’amendement n° 259.
M. Alain Richard. L'amendement n° 259 prévoit que le décret désigne « les établissements et les installations […] ainsi que les organisateurs concernés. » Cette rédaction laisse penser qu’il y aurait plusieurs organisateurs par événement. Or le texte montre bien qu’il s’agit d’un organisateur unique. Il serait donc préférable d’écrire « leur organisateur »
M. le président. Monsieur le ministre, acceptez-vous de rectifier l’amendement comme proposé par M. Richard ?
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 259 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Après l'article 20
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de la sécurité intérieure, est insérée une section 4 bis ainsi rédigée :
« Section 4 bis
« Grands événements
« Art. L. 211-11-1. - Les grands événements exposés, par leur ampleur ou leurs circonstances particulières, à un risque exceptionnel de menace terroriste sont désignés par décret. Ce décret désigne également les établissements et les installations qui accueillent ces grands événements ainsi que leur organisateur.
« L'accès de toute personne, à un autre titre que celui de spectateur ou de participant, à tout ou partie des établissements et installations désignés par le décret mentionné au premier alinéa est soumis à autorisation de l'organisateur pendant la durée de cet événement et de sa préparation. L'organisateur recueille au préalable l'avis de l'autorité administrative rendu à la suite d'une enquête administrative qui peut donner lieu à la consultation, selon les règles propres à chacun d'eux, de certains traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, à l'exception des fichiers d'identification. Un avis défavorable ne peut être émis que s'il ressort de l'enquête administrative que le comportement ou les agissements de la personne sont de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes, à la sécurité publique ou à la sûreté de l'État.
« Un décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés fixe les modalités d'application du présent article, notamment la liste des fichiers mentionnés au deuxième alinéa pouvant faire l'objet d'une consultation, les catégories de personnes concernées et les garanties d'information ouvertes à ces personnes. »
Je mets aux voix l'amendement n° 259 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20.
Article 21 (priorité)
L’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, est ainsi rédigé :
« Art. L. 114-2. – I. – Les décisions de recrutement et d’affectation concernant les emplois qui, par leur nature et les secteurs dans lesquels ils sont exercés, exposent une population importante à des atteintes graves à la sécurité publique peuvent être précédées d’enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes intéressées n’est pas incompatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées.
« La personne qui postule pour une fonction mentionnée à l’alinéa précédent est informée qu’elle est susceptible, dans ce cadre, de faire l’objet d’une enquête administrative dans les conditions du présent article.
« II. – L’accès de toute personne, à un titre autre que celui de spectateur ou de participant à des établissements ou installations liés à un événement, exposé par son ampleur ou à des circonstances particulières à un risque exceptionnel de menace terroriste, est soumis à l’autorisation de l’organisateur pendant la durée de cet événement et de sa préparation. Un décret désigne les événements concernés ainsi que les catégories de personnes concernées faisant l’objet de cette autorisation.
« III. – Si le comportement d’une personne occupant un emploi mentionné au I ou d’une personne visée au II laisse apparaître des doutes sur la compatibilité avec l’exercice des missions pour lesquelles elle a été recrutée ou affectée, une enquête administrative peut être menée à la demande de l’employeur ou à l’initiative de l’autorité administrative.
«IV. – L’autorité administrative avise sans délai l’employeur mentionné au I ou l’organisateur de l’évènement mentionné au II du résultat de l’enquête.
« V. – L’avis précise si le comportement de cette personne donne des raisons sérieuses de penser qu’elle est susceptible, à l’occasion de ses fonctions, de commettre un acte portant gravement atteinte à la sécurité ou à l’ordre publics.
« L’enquête peut donner lieu à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification.
« VI. – Un décret en Conseil d’État fixe la liste des fonctions concernées et détermine les modalités d’application du présent article. »
M. le président. L'amendement n° 260, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 114-2 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, est ainsi rédigé :
« Art. L. 114-2. – I. - Les décisions de recrutement et d'affectation, non prévues à l’article L. 114-1, concernant des emplois qui, par la nature des fonctions exercées et les secteurs d’activité dans lesquels ils sont occupés, sont susceptibles de représenter des risques d’atteintes graves à la sécurité publique peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes occupant ou souhaitant occuper ces emplois n'est pas incompatible avec l'exercice de ces fonctions.
« La personne qui postule pour l’un des emplois mentionnés à l’alinéa précédent est informée qu’elle est susceptible, dans ce cadre, de faire l’objet d’une enquête administrative dans les conditions du présent article.
« II. - Si le comportement d’une personne occupant un emploi mentionné au I fait naître des raisons sérieuses de penser qu’il n’est plus compatible avec l’exercice des fonctions pour lesquelles elle a été recrutée ou affectée, une enquête administrative peut être menée à la demande de l’employeur ou à l’initiative de l’autorité administrative.
« III. - L’enquête administrative peut donner lieu à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification.
« IV. - L’autorité administrative avise sans délai l’employeur du résultat de l’enquête.
« L’avis précise s’il existe des raisons sérieuses de penser que cette personne est susceptible, à l’occasion de ses fonctions, de porter gravement atteinte à la sécurité publique.
« V. - Un décret en Conseil d’État fixe la liste des fonctions et des secteurs d’activités concernés et détermine les modalités d’application du présent article. »
Cet amendement a été précédemment défendu et a reçu un avis favorable de la commission.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 21 est ainsi rédigé.
Titre III (priorité)
Dispositions diverses
Article additionnel après l’article 32 AB (priorité)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 63 rectifié bis est présenté par MM. Grand, Milon, Lemoyne et Laufoaulu, Mme Imbert, MM. D. Laurent, Danesi, Laménie, Vasselle, Pinton, Gilles, Pellevat et Bouchet, Mme Hummel, M. Chaize, Mme Micouleau, MM. Charon, Masclet, Savary, B. Fournier, Mandelli, Pierre, Dallier, Savin et Revet et Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi.
L'amendement n° 69 rectifié est présenté par M. Paul.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 32 AB
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux première et deuxième phrases du troisième alinéa de l'article L. 233-2 du code de la sécurité intérieure, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « quinze ».
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l'amendement n° 63 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Grand. Les dispositions actuelles de l'article L. 233-2 du code de la sécurité intérieure prévoient la conservation des données collectées par les dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules durant un délai maximal de huit jours en l’absence de rapprochement entre le numéro de la plaque d'immatriculation lu et la base de données centrale des véhicules volés ou signalés. Ce délai permet la consultation du traitement automatisé des données relatives aux objets et véhicules signalés, ainsi que du système d'information Schengen.
Porter la durée de conservation de ces données à quinze jours constituerait une reconnaissance de la pertinence de l'usage judiciaire de cet outil et permettrait un alignement sur la durée maximale du temps de la flagrance.
Sur le plan opérationnel, dans le cas d'événements particulièrement graves tels que la commission d'actes de terrorisme ou de faits criminels d'une particulière gravité, le directeur d'enquête est systématiquement confronté à la multiplicité des actes à accomplir dans un laps de temps souvent contraint. Qu'il s'agisse du traitement de scènes de crimes, de la collecte d'informations auprès des victimes ou des témoins ou de l'exploitation de données techniques – je pense à la vidéoprotection et à la téléphonie –, le temps consacré à la collecte, à l'analyse des données et à leur traduction en éléments exploitables peut être très long, voire trop long.
Cet état de fait a pu être largement appréhendé à l'occasion des attentats du 13 novembre 2015, à la suite desquels de nombreux supports n'ont pas pu être exploités de manière exhaustive dans un temps très bref.
S'agissant des données portant sur des véhicules utilisés par des malfaiteurs ou des terroristes dont la description ou les caractéristiques techniques, notamment les plaques d'immatriculation, ne pourront être fiabilisées qu'à l'issue d'une enquête d'environnement fine et d'une analyse de données techniques pouvant s'avérer longues, il importe pour les services d'enquête de disposer d'une durée de conservation des données suffisamment longue au sein du système de lecture automatisée des plaques d'immatriculation.
L'allongement de cette durée de huit à quinze jours permettrait aux services d'enquête de disposer de davantage de temps pour exploiter les données traitées dans le cadre d'une procédure de criminalité organisée ou de terrorisme, en vue de dégager des éléments permettant de déterminer les déplacements éventuels d'un ou de plusieurs véhicules sur le territoire français avant leur signalement, voire avant la commission des faits.
M. le président. La parole est à M. Philippe Paul, pour présenter l'amendement n° 69 rectifié.
M. Philippe Paul. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 rectifié bis et 69 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 32 AB.
Chapitre Ier (priorité)
Caméras mobiles
Article 32 (priorité)
Le titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi rétabli :
« TITRE IV
« CAMÉRAS MOBILES
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 241-1. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens ainsi que de leurs missions de police judiciaire, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées.
« L’enregistrement n’est pas permanent.
« Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions des agents de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents.
« Les caméras sont portées de façon apparente par les agents et les militaires. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre de l’intérieur. Les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.
« Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de six mois.
« Les articles L. 253-1, L. 253-2 et L. 253-5 du code de la sécurité intérieure sont applicables.
« Les modalités d’application du présent article et d’utilisation des données collectées sont précisées par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, sur l'article.
M. François Grosdidier. L’article 32 prévoit de pérenniser l’expérimentation de l’usage par les forces de l’ordre des caméras mobiles, utilisées depuis 2013 par les forces de police nationale en zones de sécurité prioritaires, ou ZSP. L’usage de ces équipements est également permis aux agents de sécurité de la SNCF et de la RATP depuis la toute récente loi relative à la sécurité dans les transports publics.
L’utilisation de la caméra individuelle ne présente que des avantages : pour les citoyens, y compris les contrevenants ou délinquants, qui pourraient être victimes d’abus de droit, d’actes inappropriés ou disproportionnés de la part d’agents des forces de l’ordre ; pour les agents des forces de l’ordre, ainsi protégés contre les outrages ou, plus grave, les mises en cause injustifiées et les dénonciations calomnieuses ; pour leur autorité hiérarchique, mieux assurée du respect par ses subordonnés des règles professionnelles et de la déontologie ; pour les magistrats, enfin, qui disposent ainsi d’éléments objectifs et tangibles pour apprécier ces situations.
Le dispositif a été largement expérimenté à l’étranger, et même en France, par des polices municipales. L’État pourrait d’ailleurs tirer profit de l’expérience des collectivités locales. Il est évident qu’il faut pérenniser et généraliser le recours à ce dispositif.
Je suis d’ailleurs surpris que l’étude d’impact du Gouvernement évalue à 1 200 euros le coût d’acquisition d’une caméra. On entend parfois dire que les communes sont dispendieuses, mais la mienne a payé ces caméras trois fois moins cher. Pour des caméras de type GoPro, les premiers prix sont de moins de 100 euros dans une grande enseigne de matériel sportif ; pour du matériel très sophistiqué, doté d’une mémoire tampon, il faut compter moins de 1 000 euros toutes taxes comprises.
L’article 32, tel qu’issu des travaux de l'Assemblée nationale, me paraît surréaliste !
Au moment où le Gouvernement reconnaît enfin les mérites de ces caméras, il décide d’en restreindre l’usage pour les polices municipales. Nous en avons discuté, monsieur le ministre, en commission consultative des polices municipales. Vous ne nous aviez pas annoncé votre attention d’en exclure l’usage dans celles de nos communes qui l’utilisent depuis longtemps alors qu’elles ne sont pas en ZSP, justement parce que nous avons, par notre action, fait chuter la délinquance.
Je ne comprends pas pourquoi l'Assemblée nationale a prévu de permettre la mise en place de ce dispositif pour les seules polices municipales des communes situées en ZSP, en excluant celles des autres communes.
J’avais proposé, par voie d’amendement, d’étendre le dispositif au moins aux communes ayant signé une convention de coopération avec l’État. La commission est allée plus loin en ouvrant cette possibilité à toutes les communes. Je me rallie bien volontiers à sa position.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 131, présenté par MM. Bigot, Richard, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Supprimer les mots :
lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées
II. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Il est déclenché lorsqu’un incident se produit ou est susceptible de se produire, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées. Il est également déclenché à la demande des personnes concernées par les interventions des agents de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale.
La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le ministre, vous étiez très convaincant tout à l’heure lorsque, répondant à la suggestion de réitérer la tentative de prévoir la remise d’un récépissé lors des contrôles d’identité, vous nous affirmiez que la vérification par une image de caméra était incomparablement plus efficace et davantage au goût du jour.
Pour ce même motif, nous nous demandons si le dispositif ici prévu ne comporte pas une lacune. Il est logique que le déclenchement de l’enregistrement audiovisuel intervienne à titre principal sur l’initiative du policier, mais il nous semble aussi tout à fait souhaitable que ce déclenchement puisse également intervenir à la demande de la personne contrôlée ou interpellée.
Nous voyons bien que l’objectif est la prévention des démarches inappropriées, évoquée à l’instant par notre collègue François Grosdidier. Peut-être faudrait-il préciser une circonstance particulière dans laquelle une personne interpellée pourrait solliciter un enregistrement ? Il nous semble qu’instaurer un tel équilibre répond à votre propre démarche : à la fois prévenir les comportements agressifs dont peut être victime le policier ou l’agent et s’assurer que celui-ci intervient conformément aux règles qui s’imposent à lui.
M. le président. L’amendement n° 95, présenté par M. Grosdidier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Il est déclenché lorsqu’un incident se produit ou, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées, est susceptible de se produire. Il est également déclenché à la demande des personnes concernées par les interventions des agents de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale.
II. – Alinéa 7
1° Après le mot :
preuves
insérer les mots :
, le respect par les agents et militaires de leurs obligations
2° Compléter cet alinéa par les mots :
et militaires
La parole est à M. François Grosdidier.
M. François Grosdidier. Il s’agit de permettre le déclenchement de l’enregistrement soit sur l’initiative des forces de l’ordre, soit sur celle des personnes contrôlées, même s’il arrive très fréquemment, on le sait, que les contrevenants filment eux-mêmes la scène : avec la généralisation des smartphones, les policiers sont plus souvent filmés qu’ils ne filment ! Cela étant dit, toutes les personnes contrôlées ne possèdent pas nécessairement un tel équipement et elles doivent pouvoir réclamer un enregistrement.
Je suis en revanche réservé quant à l’instauration d’une obligation, pour les policiers, de déclencher l’enregistrement même si cela n’est pas demandé par les personnes contrôlées. En effet, on peut ne pas avoir le temps de déclencher la caméra lors d’une opération et il ne faudrait pas que l’absence d’enregistrement suscite un soupçon à l’égard des forces de l’ordre.
M. le président. L’amendement n° 132, présenté par MM. Bigot, Richard, Sueur, Leconte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
preuves
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, le respect par les agents et militaires de leurs obligations et la formation de ces agents et militaires.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Cet amendement vise à mettre en cohérence entre elles les différentes dispositions de l’article 32, qui prévoit l’utilisation des enregistrements audiovisuels dans le cadre d’une procédure disciplinaire prévue à l’alinéa 5. Cela fait écho aux finalités précédemment mentionnées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Ces trois amendements tendent à prévoir le déclenchement de la caméra mobile à la demande de la personne contrôlée.
J’estime que les caméras mobiles doivent être déclenchées par les policiers dans le cadre d’opérations complexes de maintien de l’ordre, qui sont toujours délicates. La loi ne saurait prévoir que les personnes contrôlées puissent demander le déclenchement de l’enregistrement : ce serait source de graves difficultés.
La commission est défavorable à ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je l’ai indiqué, monsieur Grosdidier, je suis favorable à l’utilisation des caméras-piétons par les polices municipales, et je n’ai absolument pas changé d’opinion à ce sujet. À l’Assemblée nationale – le compte rendu des débats peut en témoigner –, je me suis opposé aux amendements visant à restreindre leur utilisation, mais le Gouvernement n’a pas été suivi par les députés.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 131 et 95, pour les mêmes raisons que le rapporteur. En revanche, il est favorable à l’amendement n° 132.