M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.

M. le président. Madame Goulet, l'amendement n° 75 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Il me semblerait relativement intéressant de définir la notion de contrôle discriminatoire ; je constate néanmoins que M. le ministre et M. le rapporteur considèrent que c’est inutile.

Je retire donc cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 75 rectifié est retiré.

Articles additionnels avant l'article 17 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale
Article additionnel après l’article 17 (priorité)

Article 17 (priorité)

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L’article 78-2-2, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs est ainsi rédigé :

« Art. 78-2-2. – I. – Sur réquisitions écrites du procureur de la République, dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelables sur décision expresse et motivée selon la même procédure, les officiers de police judiciaire, assistés, le cas échéant, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l’article 21 du présent code, peuvent procéder aux contrôles d’identité prévus au septième alinéa de l’article 78-2, aux fins de recherche et de poursuite des infractions suivantes :

« – actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;

« – infractions en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs mentionnées aux 1° et 2° du I de l’article L. 1333-9, à l’article L. 1333-11, au II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4 et aux articles L. 1333-13-5, L. 2339-14, L. 2339-15, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4, L. 2342-59 et L. 2342-60 du code de la défense ;

« – infractions en matière d’armes mentionnées à l’article L. 222-54 du code pénal et à l’article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure ;

« – infractions en matière d’explosifs mentionnés à l’article 322-11-1 du code pénal et à l’article L. 2353-4 du code de la défense ;

« – infractions de vol mentionnées aux articles 311-3 à 311-11 du code pénal ;

« – infractions de recel mentionnées aux articles 321-1 et 321-2 du même code ;

« – faits de trafic de stupéfiants mentionnés aux articles 222-34 à 222-38 dudit code.

« II. – Dans les mêmes conditions et pour les mêmes infractions que celles prévues au I, ils peuvent procéder à la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public.

« Les véhicules en circulation ne peuvent être immobilisés que le temps strictement nécessaire au déroulement de la visite qui doit avoir lieu en présence du conducteur. Lorsqu’elle porte sur un véhicule à l’arrêt ou en stationnement, la visite se déroule en présence du conducteur ou du propriétaire du véhicule ou, à défaut, d’une personne requise à cet effet par l’officier ou l’agent de police judiciaire et qui ne relève pas de son autorité administrative. La présence d’une personne extérieure n’est toutefois pas requise si la visite comporte des risques graves pour la sécurité des personnes et des biens.

« En cas de découverte d’une infraction ou si le conducteur ou le propriétaire du véhicule le demande ainsi que dans le cas où la visite se déroule en leur absence, il est établi un procès-verbal mentionnant le lieu et les dates et heures de début et de fin de ces opérations. Un exemplaire en est remis à l’intéressé et un autre exemplaire est transmis sans délai au procureur de la République.

« Toutefois, la visite des véhicules spécialement aménagés à usage d’habitation et effectivement utilisés comme résidence ne peut être faite que conformément aux dispositions relatives aux perquisitions et visites domiciliaires.

« III. – Dans les mêmes conditions et pour les mêmes infractions que celles prévues au I, ils peuvent procéder à l’inspection visuelle des bagages ou à leur fouille.

« Les propriétaires des bagages ne peuvent être retenus que le temps strictement nécessaire au déroulement de l’inspection visuelle ou de la fouille des bagages, qui doit avoir lieu en présence du propriétaire.

« En cas de découverte d’une infraction ou si le propriétaire du bagage le demande, il est établi un procès-verbal mentionnant le lieu et les dates et heures de début et de fin de ces opérations. Un exemplaire en est remis à l’intéressé et un autre exemplaire est transmis sans délai au procureur de la République.

« IV. – Le fait que ces opérations révèlent des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. » ;

2° (nouveau) Au troisième alinéa de l’article 78-2-4, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, les mots : « , dans les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs » sont supprimés.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 16 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 153 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 16.

Mme Cécile Cukierman. L’article 17 prévoit d’étendre les pouvoirs des forces de l’ordre à l’occasion des contrôles et vérifications d’identité.

Nous sommes opposés à cette mesure, qui pourrait constituer une violation des droits au respect de la vie privée et surtout à la non-discrimination des personnes contrôlées.

En effet, le risque est grand que, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, on foule aux pieds les droits fondamentaux des personnes.

Désormais, les officiers de police judiciaire, agissant sur réquisition du procureur de la République, pourront procéder, en plus des contrôles d’identité et de la visite des véhicules, à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages.

Cette mesure est attentatoire aux libertés fondamentales, dès lors que, comme le souligne le Syndicat de la magistrature, « en faisant référence à la seule menace terroriste, sans préciser ni sa nature ni son imminence, et en n’exigeant pas que soit caractérisé un risque de trouble à l’ordre public précis et circonstancié, cette nouvelle disposition est susceptible de s’appliquer en permanence au vu du risque continu de telles atteintes dans le contexte actuel. »

Les critiques formulées à l’encontre des réquisitions judiciaires de contrôle d’identité existantes doivent être reprises avec force, dans un contexte où ce pouvoir est confié à une autorité administrative, sur la base de critères larges et flous majorant les risques d’atteintes aux libertés.

Nous demandons donc la suppression de l’article 17, qui ne respecte pas les principes de proportionnalité et de non-discrimination dans la mise en œuvre des pouvoirs de police.

Je me doute du sort qui sera réservé à cet amendement, mais je crois malgré tout que, à travers ce débat autour de la suppression de l’article 17, nous pointons du doigt une réalité aujourd’hui vécue par de nombreuses personnes présentes sur le territoire national, notamment des jeunes gens bénéficiant même parfois de la citoyenneté française.

Il est nécessaire de nous interroger sur l’application au quotidien des procédures de contrôle d’identité par une partie de nos forces de l’ordre – pas toutes : il faut respecter leur travail, qui, dans sa grande majorité, est accompli avec sérieux et respect du droit à la non-discrimination.

Le sentiment est très fort, émanant d’une partie de la population de notre territoire, d’un recours abusif et discriminatoire à ces contrôles.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 153.

Mme Esther Benbassa. L’article 17 prévoit d’étendre les pouvoirs des forces de l’ordre à l’occasion des contrôles d’identité. Il introduit la possibilité, pour les officiers de police judiciaire assistés d’agents de police judiciaire adjoints, de procéder, avec l’autorisation du parquet, à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages, en plus des contrôles d’identité et de la visite des véhicules.

La liste des infractions permettant de recourir à ce type de contrôles et de fouilles est très large, et aucun élément objectivable n’est nécessaire pour demander ce contrôle.

Le recours important aux contrôles en France est source régulière de critiques, portant notamment sur leur caractère discriminatoire.

Nous considérons, en conséquence, que cette disposition doit être supprimée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Il existe dans notre droit une disposition ancienne, datant de 2001, qui permet au procureur de la République d’organiser des vérifications d’identité sur un territoire déterminé.

L’article 78-2-2 du code de procédure pénale établit simplement une liste d’infractions dont la recherche et la poursuite peuvent justifier l’organisation de ces vérifications.

Le III de l’article 17 du présent texte instaure la possibilité de fouiller les bagages, selon les mêmes modalités que celles qui sont prévues pour la fouille des véhicules, à l’occasion d’un contrôle d’identité. Cette disposition est tout à fait nécessaire. L’ampleur de la menace actuelle et les événements qui viennent de se dérouler en Belgique plaident pour l’adoption de cet article, et contre ces deux amendements de suppression.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je comprends parfaitement les motivations de Mmes les sénatrices Cukierman et Benbassa, mais je ne les partage pas.

Je pense que chacun, dans cet hémicycle, en conviendra : si nous souhaitons que cet article 17 soit adopté, c’est non pas en vue d’organiser des contrôles discriminatoires, mais parce que nous avons besoin des dispositions de cet article.

Celles-ci donnent en effet aux forces de l’ordre des pouvoirs supplémentaires, strictement encadrés, afin de leur fournir les moyens de prévenir la perpétration d’actes à caractère terroriste sur le territoire national. Il est là, le motif de cette proposition !

Les événements auxquels la France ainsi que d’autres pays de l’Union européenne ont été récemment confrontés en ont témoigné : faute de mesures permettant aux forces de l’ordre de procéder à un minimum de vérifications susceptibles de prévenir les actes terroristes, les mêmes qui s’opposent souvent à ce type de mesures s’empressent, lorsque de tels actes se produisent, de relever les failles des services de renseignement ou les manquements de la police.

Le même scénario se répète à chaque fois : on refuse de donner davantage de pouvoir aux forces de l’ordre, et, lorsque les actes sont constatés, celles-ci sont mises en cause !

Je veux donc rappeler de façon extrêmement claire que si nous prenons une telle disposition, c’est pour lutter contre le terrorisme et en vue de prévenir des actes terroristes.

Cela étant dit, je partage bien entendu totalement la préoccupation de Mmes Cukierman et Benbassa concernant le caractère inacceptable des contrôles discriminatoires.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons ouvert la possibilité d’une saisine directe de l’IGPN, l’Inspection générale de la police nationale. L’IGPN est désormais saisie chaque année ; elle est extrêmement diligente lorsqu’elle est saisie pour contrôle discriminatoire, et rend un rapport dans lequel elle rend compte de son activité en la matière.

Je suis quant à moi intraitable à l’égard de ce type d’actes dès lors qu’ils émanent de services placés sous ma responsabilité, comme je l’ai dit clairement à propos d’une vidéo diffusée la semaine dernière.

Il faut en toutes choses de la sagesse et de l’équilibre : les dispositions législatives doivent être interprétées sur la base des motifs qui président à leur édiction, plutôt que de procès d’intention alléguant des arrière-pensées qui, en l’occurrence, n’existent pas.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Mon intervention vaudra explication de vote contre l’article 17.

Je comprends les propos de M. le rapporteur et de M. le ministre. Mais ce texte n’en est pas moins dangereux !

Monsieur le rapporteur, vous venez de faire allusion aux attentats de Bruxelles. Mais, à supposer que cet article soit adopté, il serait illusoire de faire croire à nos compatriotes que ces nouvelles possibilités de fouille assureraient notre sécurité, et que, à compter de l’entrée en vigueur de ce texte, la menace ne pèserait plus sur le pays. Les forces nécessaires à l’organisation de tous ces contrôles n’existeront tout simplement pas !

Monsieur le ministre, j’ai pris acte des propos que vous avez tenus à la suite de la diffusion de la vidéo que vous avez évoquée, et, d’une façon générale, de votre condamnation des actes discriminatoires.

Cependant, s’agissant de cet article, mais aussi d’autres articles du présent projet de loi, notre inquiétude concerne moins les dispositions prévues, qui sont très précisément encadrées, que le contexte dans lequel elles sont proposées.

C’est sur ce point que porte notre principal désaccord, et que vous ne parvenez pas à dissiper nos doutes : nous craignons une fuite en avant qui pourrait devenir, à plus ou moins long terme, incontrôlable, en direction d’un renforcement toujours plus important des pouvoirs exceptionnels donnés aux forces de l’ordre.

L’exception en question est certes régie par des cadres définis ; mais le risque est que, « dérapant » progressivement, on en vienne à banaliser les recours injustifiés aux contrôles d’identité, aux fouilles des véhicules, et même des bagages.

Bien entendu, il existe des possibilités de recours pour contrôle abusif ; mais, dans la réalité, les choses sont parfois bien plus compliquées, et, la plupart du temps, les personnes concernées préfèrent passer sous silence ces contrôles.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Madame la sénatrice, nous sommes confrontés au même débat à chaque fois que nous examinons ce type de dispositions.

De ce point de vue, je reconnais une certaine cohérence à votre positionnement, puisque vous m’opposez toujours les mêmes arguments.

Mme Cécile Cukierman. Vous aussi, monsieur le ministre !

M. Jacques Chiron. C’est une posture !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’essaie de cheminer avec vous, madame la sénatrice, et je respecte tout à fait la position qui est la vôtre.

Votre argument est que cette disposition ne permettra pas d’éviter le risque terroriste. Or s’il existait une seule et unique disposition législative nous garantissant d’éviter à coup sûr le risque terroriste, nous écririons une loi, elle comporterait un article, et l’affaire serait entendue ! Mais il n’existe aucune mesure de ce genre ! C’est pourquoi nous devons prendre un ensemble de dispositions, et jouer sur la totalité des parties du clavier.

Si nous ne prenions que des mesures sécuritaires en oubliant d’engager des actions préventives de déradicalisation nous permettant d’agir en profondeur, nous serions en difficulté.

Et si nous ne prenions qu’une certaine catégorie de mesures sécuritaires sans adopter toutes celles qui s’imposent, qui vont du contrôle aux frontières extérieures de l’Union européenne – mesure par définition européenne – à la consultation et à l’alimentation du SIS, le système d’information Schengen, en passant par la lutte contre les faux documents, nous serions également en difficulté.

C’est l’articulation de l’ensemble de ces mesures qui fait l’efficacité de la lutte antiterroriste : c’est précisément ce que nous vous proposons.

Quoi qu’il en soit, personne – ni le rapporteur ni moi-même, en tout cas – ne pense qu’il existe une mesure constituant l’alpha et l’oméga de la lutte antiterroriste et qui suffirait à garantir notre sécurité.

Par ailleurs, vous parlez de fuite en avant ; mais nous sommes dans un État de droit ! Les dispositions du présent texte font l’objet de mécanismes de contrôle et de possibilités de recours.

Au sein même du ministère de l’intérieur, des dispositifs ont été mis en place, sur lesquels je suis d’une vigilance extrême : je n’accepterai ni la moindre violence ni la moindre discrimination.

Plutôt que d’être dans la crainte ou le fantasme, il faut donc travailler à ce que, pour reprendre la fameuse formule de Montesquieu, « par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »

En l’occurrence, les choses sont ainsi organisées que le pouvoir des forces de l’ordre et de l’administration est arrêté par un ensemble de dispositifs de contrôle parlementaire et juridictionnel, permettant d’éviter les dérives que vous redoutez, lesquelles – je tiens à le dire solennellement devant le Sénat – ne sont pas consubstantielles à l’activité de la police.

La police, dans ce pays, est éminemment républicaine. Elle protège aujourd’hui un très grand nombre de lieux de culte et de citoyens, à raison, précisément, des risques auxquels ils se trouvent exposés par leur appartenance religieuse ou philosophique. À ce titre, nous devons lui rendre hommage.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 153.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 250, présenté par M. M. Mercier, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer la référence :

L. 222-54

par la référence :

222-54

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement tend simplement à corriger une erreur de référence, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 250.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale
Article 18 (priorité)

Article additionnel après l’article 17 (priorité)

M. le président. L'amendement n° 154, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de procédure pénale est complété par un article 78-8 ainsi rédigé :

« Art. 78-8. – I. – L’État peut autoriser la mise en place d’une expérimentation d’une durée de douze mois, au plus tard un an après la promulgation de la loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relative à la prévention et lutte contre les atteintes graves à la sécurité publique, contre le terrorisme et contre la fraude dans les transports publics de voyageurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, afin d’étudier la mise en place d’un récépissé de contrôle d’identité et de fouille.

« Dans le cadre de cette expérimentation, les contrôles d’identité ou les fouilles réalisés en application des articles 78-2, 78-2-2 et 78-2-4 donnent lieu, sous peine de nullité, à l’établissement d’un document mentionnant :

« 1° Les motifs justifiant le contrôle ainsi que la vérification d’identité ou la fouille ;

« 2° Le jour et l’heure à partir desquels le contrôle ou la fouille a été effectué ;

« 3° Le matricule de l’agent ayant procédé au contrôle ou à la fouille ;

« 4° Les observations de la personne ayant fait l’objet du contrôle ou de la fouille.

« Ce document est signé par l’intéressé ; en cas de refus de signer, mention en est faite. Un double est remis à l’intéressé.

« Un procès-verbal retraçant l’ensemble des contrôles est transmis au procureur de la République. »

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Cet amendement, qui reprend les termes d’une proposition de loi écologiste déposée le 16 novembre 2011, tend à établir un mécanisme équilibré et pertinent pour lutter contre un phénomène qui est devenu une réalité humiliante et injustifiée pour de nombreux citoyens : le contrôle au faciès.

Les auteurs du présent amendement proposent que chaque contrôle fasse l’objet d’un procès-verbal. Chaque personne contrôlée disposera ainsi d’une preuve du contrôle lui permettant, le cas échéant, de faire valoir le caractère abusif de celui-ci auprès des autorités administratives indépendantes compétentes. Cette preuve prendra la forme d’une attestation de contrôle, qui comportera plusieurs mentions, sous peine de nullité.

Outre l’identité de la personne contrôlée, seront ainsi mentionnés les motifs qui justifient le contrôle et la vérification d’identité, le jour et l’heure à partir desquels le contrôle a été effectué, l’identité de l’agent y ayant procédé, ainsi que les observations de la personne ayant fait l’objet du contrôle.

Consignés, les contrôles d’identité seront ainsi mieux encadrés, et le recours à une telle procédure sera recentré sur sa raison d’être.

Par ailleurs, le présent projet de loi élargit les possibilités de fouilles. Ces fouilles pourraient poser les mêmes problèmes de discrimination, impossibles à contester du fait de l’absence de dispositif de traçabilité.

C’est pourquoi il est proposé de tester ce récépissé de contrôle ou de fouille – d’ailleurs, cela correspond à une demande formulée par tous les défenseurs des droits qui se sont succédé –, au titre d’une expérimentation qui serait conduite dans deux métropoles, les conditions étant précisées par décret en Conseil d’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Mercier, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’instaurer un récépissé pour les contrôles d’identité.

Cette proposition a déjà été formulée à plusieurs reprises, notamment en 2011, et la commission a refusé un certain nombre d’amendements analogues.

J’ajoute que l’instauration d’un tel récépissé, dans les conditions proposées par les auteurs de l’amendement, aurait pour première conséquence de vider de son efficacité la procédure de contrôle d’identité qui est à l’heure actuelle tout à fait indispensable.

La mise en place de caméras mobiles permettra d’ailleurs de répondre en partie à vos attentes, madame la sénatrice.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Même avis.

Je suis tout à fait sensible à l’idée de pouvoir établir la traçabilité de la relation entre la police et la population. Mais les forces de sécurité intérieure sont aujourd’hui confrontées à un problème : la lourdeur considérable des procédures.

Je préfère donc à la disposition que vous proposez, madame la sénatrice, celle des caméras-piétons qui figure dans le texte dont nous débattons aujourd’hui, et qui permettra d’établir en continu la traçabilité de la relation entre la police et la population. Elle me semble à la fois plus moderne et plus efficace que l’instauration d’un récépissé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 17 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale
Article 18 bis (priorité) (texte non modifié par la commission)

Article 18 (priorité)

Le chapitre III du titre II du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 78-3, il est inséré un article 78-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 78-3-1. – I. – Toute personne faisant l’objet d’un contrôle ou d’une vérification d’identité prévus au présent chapitre peut, lorsque ce contrôle ou cette vérification révèle qu’il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement peut être lié à des activités à caractère terroriste, faire l’objet d’une retenue sur place ou dans le local de police où elle est conduite pour une vérification de sa situation par un officier de police judiciaire permettant de consulter les traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, selon les règles propres à chacun de ces traitements, et, le cas échéant, d’interroger les services à l’origine du signalement de l’intéressé ainsi que des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou des services de police étrangers.

« La retenue ne peut donner lieu à audition.

« Le procureur de la République territorialement compétent est informé dès le début de la retenue.

« II. – La personne retenue est immédiatement informée par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend :

« 1° Des motifs de son placement en retenue ;

« 2° De la durée maximale de la mesure ;

« 3° Du fait que la retenue dont elle fait l’objet ne peut donner lieu à audition ;

« 4° Du fait qu’elle bénéficie du droit de prévenir toute personne de son choix et son employeur. Si des circonstances particulières l’exigent, l’officier de police judiciaire prévient lui-même la personne choisie et l’employeur.

« Si l’officier de police judiciaire estime, en raison des nécessités liées à la retenue, ne pas devoir faire droit à cette demande, il en réfère sans délai au procureur de la République qui décide, s’il y a lieu, d’y faire droit.

« Sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, les diligences incombant à l’officier de police judiciaire en application du premier alinéa du 4° doivent intervenir au plus tard dans un délai de deux heures à compter du moment où la personne a formulé la demande.

« III. – Lorsqu’il s’agit d’un mineur de dix-huit ans, la retenue fait l’objet d’un accord exprès du procureur de la République. Le mineur doit être assisté de son représentant légal ou, en cas d’impossibilité dûment justifiée, d’un administrateur ad hoc désigné par le procureur de la République. Le service mentionné à l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles est informé de cette retenue.

« IV. – La personne faisant l’objet d’une vérification de situation ne peut être retenue que pendant le temps strictement nécessaire à l’accomplissement des vérifications mentionnées au premier alinéa du I, pour une durée qui ne peut excéder quatre heures à compter du début du contrôle effectué. Pour un mineur, cette durée ne peut excéder deux heures. Dans ce cas, le délai mentionné au troisième alinéa du 4° du II du présent article est ramené à une heure.

« Le procureur de la République peut mettre fin à tout moment à la retenue.

« L’officier de police judiciaire mentionne dans un procès-verbal les motifs qui justifient la vérification de situation administrative et les conditions dans lesquelles la personne a été présentée devant lui, informée de ses droits et mise en mesure de les exercer. Il précise le jour et l’heure à partir desquels la vérification a été effectuée, le jour et l’heure de la fin de la retenue et la durée de celle-ci.

« Ce procès-verbal est présenté à la signature de la personne. Si cette dernière refuse de le signer, mention est faite du refus et des motifs de celui-ci. Le procès-verbal est transmis sans délai au procureur de la République, copie en ayant été remise à la personne.

« V. – Les prescriptions énumérées au présent article sont imposées à peine de nullité. » ;

2° À l’article 78-4, les mots : « par l’article précédent » sont remplacés par les références : « aux articles 78-3 et 78-3-1 ».