M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe du RDSE.
M. Raymond Vall. Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de la santé, concerne la désertification médicale. Devenu la première des préoccupations des territoires ruraux, ce sujet concerne désormais également le territoire périurbain et urbain.
La table ronde organisée au Sénat par notre collègue Hervé Maurey s’est conclue sur un constat d’échec quant aux deux principaux dispositifs du pacte territorial de santé que sont le contrat d’engagement de service public et le contrat de praticien de médecine générale. D'ailleurs, vous avez vous-même, madame la ministre, reconnu dans la présentation du « pacte territoire-santé 2 » qu’ils doivent faire l’objet d’améliorations pour être beaucoup plus efficaces.
En outre, la loi de modernisation de notre système de santé prévoit l’adhésion obligatoire des hôpitaux locaux à un groupement hospitalier territorial. Si l’on en croit l’Association nationale des hôpitaux locaux, les deux tiers de ces 300 établissements verront leur service de médecine menacé. D’après cette même association, les établissements qui survivront ne pourront supporter longtemps les mêmes contraintes que les CHU. Il est donc nécessaire d’adapter ce texte. Telles sont les raisons pour lesquelles je vous ai demandé récemment de le revoir si nous voulons éviter de voir encore s’aggraver la désertification médicale.
En 2015, le Conseil national de l’Ordre des médecins a constaté la baisse constante des effectifs d’étudiants en médecine générale – elle est de 10 % depuis 2007 – et il estime cette baisse à 7 % par an dans les cinq prochaines années. Cela confirme bien l’inadaptation et l’insuffisance des mesures prises par l’État en matière de lutte contre la désertification médicale.
Madame la ministre, que comptez-vous faire pour enrayer ce qui est une véritable catastrophe ? (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que nous avons moins de médecins qu’auparavant !
L’enjeu, aujourd'hui, c’est non pas le nombre des médecins, mais la répartition de ces derniers sur le territoire. Nous formons plus de médecins qu’il y a dix ans. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) La France compte aujourd'hui un tiers de médecins de plus par tranche de 10 000 habitants qu’elle n’en avait au cours des années quatre-vingt-dix. Le problème, c’est qu’ils ont tendance à aller soit dans les grands hôpitaux, pour ce qui est du service hospitalier, soit dans les territoires urbains, pour ce qui est des médecins libéraux.
Consciente de cette situation, j’ai, dès 2012, engagé des actions. J’ai entendu que vous portez un regard mitigé sur la situation actuelle. Il faut, certes, toujours s’efforcer d’améliorer les dispositifs en place. J’attire votre attention sur le fait que nous attendions 1 700 contrats d’engagement de service public pour 2017 et que ce chiffre atteint d’ores et déjà 1 750. Il y a d’ores et déjà 570 médecins qui se sont installés dans des territoires comme praticiens territoriaux de médecine générale, même si nous devons naturellement aller au-delà.
Dans votre département, monsieur le sénateur, où il n’y avait pas une seule maison de santé en 2012, cinq sont d’ores et déjà en exercice et elles seront neuf d’ici à quelques mois. Ce sont des efforts concrets, qu’il faut évidemment amplifier.
Monsieur le sénateur, la mise en place des groupements hospitaliers de territoire doit avoir comme objectif de préserver dans la durée les hôpitaux locaux de proximité.
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Marisol Touraine, ministre. Tel est mon objectif, telle est ma volonté, et les groupements hospitaliers de territoire sont faits pour donner de la force aux petits établissements, afin d’inciter des praticiens des grands établissements à aller dispenser des pratiques avancées dans les petits établissements, permettant ainsi d’assurer la présence médicale partout sur le territoire français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour la réplique.
M. Raymond Vall. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je n’ai jamais dit qu’il y avait moins de médecins. Ce que j’ai dit, c’est qu’ils ne sont pas aux bons endroits ! De plus, vous n’avez pas répondu sur le problème que pose votre dispositif.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Raymond Vall. J’ai bien noté, en revanche, que votre objectif est de sauver les hôpitaux locaux de proximité. J’en tiens compte.
M. le président. Il faut conclure !
M. Raymond Vall. Enfin, je vous demande de bien vouloir reconnaître ce que vous avez vous-même concédé en présentant le pacte territoire-santé 2 : les contrats d’engagement de service public et les praticiens de médecine générale n’atteignent pas le niveau que vous aviez prévu. Surtout, ils ne sont pas aux bons endroits. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. J’ai fait preuve de bienveillance, mon cher collègue ! (Sourires.)
accord entre l'union européenne et la turquie concernant les migrants
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe écologiste.
Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Le 18 mars dernier, l’Union européenne a conclu avec la Turquie ce que d’aucuns qualifient d’« accord de la honte ».
Cet accord, dont l’applicabilité est douteuse, bafoue les principes essentiels de la convention de Genève et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Pour sa part, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, a d’ores et déjà refusé d’y participer. Pour un Syrien refoulé de Grèce, un autre, resté dans un camp de réfugiés en Turquie et accepté officiellement en Europe, y entrera grâce à un corridor humanitaire.
En fait, l’Union européenne sous-traite sa crise migratoire à la Turquie, qui devient ainsi un « État sûr », alors que ce pays n’applique que très partiellement la convention de Genève et ne dispose pas de système de protection des réfugiés, ces derniers n’ayant aucune garantie de ne pas être refoulés vers un pays de persécution.
L’Union européenne accepte, en outre, de traiter avec un pays piétinant quotidiennement les droits humains et la liberté d’expression – le tout contre 6 milliards d’euros et une reprise des pourparlers pour son entrée dans l’Union européenne, entre autres ! Cette usine à gaz n’aurait qu’un but : en finir avec la « souffrance humaine ». Quel cynisme !
Comment la France s’est-elle prêtée à ce jeu, sachant que c’était, en fait, signer la fin de l’utopie européenne et réduire l’Europe à une simple machine bureaucratique et économique toute disposée à abdiquer la solidarité sous la pression du populisme et de la xénophobie ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, je veux vous assurer que le dispositif qui a été agréé entre l’Union européenne et la Turquie lors du Conseil européen du 18 mars dernier est évidemment en tout point conforme au droit international en matière de droit d’asile et au droit de l’Union européenne. Nous y avons veillé !
Ce dispositif vise à sauver des vies et à lutter contre le trafic d’êtres humains qui provoque des centaines de morts en Méditerranée et dans la mer Égée.
Concrètement, les migrants irréguliers arrivés en Grèce, qui ne font pas de demande d’asile ou qui ne sont pas en besoin de protection internationale, feront l’objet d’une réadmission en Turquie dans le cadre de l’accord de réadmission entre la Grèce et ce pays.
Pour ce qui concerne les demandes d’asile qui seraient introduites en Grèce, elles feront bien sûr l’objet d’un traitement individuel et elles ouvriront droit à un recours individuel. En aucun cas, il n’y aura d’expulsions collectives – c’est clairement rappelé dans le texte de la déclaration entre l’Union européenne et la Turquie.
Les règles européennes du droit d’asile permettent, dans des conditions précisément définies, de déclarer une demande d’asile irrecevable, c'est-à-dire de l’écarter, sans en examiner la substance.
Dans le cas de la Turquie, il existe sur le plan juridique deux possibilités qui découlent du statut du pays de premier asile ou de pays tiers sûr. Pour que ces conditions soient remplies, il faut notamment que la Grèce modifie sa législation pour intégrer ce concept de pays de premier asile ou de pays tiers sûr. Il faut aussi que la Turquie prenne les mesures que vous avez évoquées pour que le niveau de protection octroyée aux ressortissants des pays autres que la Syrie soit équivalent à celui qui est prévu par la convention de Genève.
Le respect du droit international et du droit de l’Union européenne était pour la France une condition de cet accord. Nous y avons veillé, et je veux vous redire ici que la France accueillera 30 000 réfugiés dans le cadre des accords de relocalisation ou de réadmission.
Nous tenons à ce que tous les États membres respectent leurs engagements en la matière, car il vaut mieux que les réfugiés syriens soient accueillis en Europe, ou d'ailleurs dans d’autres pays,…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. … dans le cadre d’une procédure légale, plutôt que d’être dans les mains des passeurs et de risquer leur vie en Méditerranée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous me dire pourquoi l’OFPRA a décidé de ne pas participer à cet accord, considérant que les principes de ce dernier allaient à l’encontre de ses convictions concernant le droit d’asile ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
accord entre l'union européenne et la turquie
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour le groupe CRC.
M. Michel Billout. Tout d’abord, je tiens à faire part, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, de notre profonde émotion face aux lâches attentats qui ont eu lieu ce matin à Bruxelles. Nous tenons à assurer le peuple belge de notre totale solidarité dans cette dramatique épreuve. Le sujet que je souhaite moi aussi aborder n’est pas sans relation avec l’activité criminelle de Daech, dont on peut supposer qu’elle est à l’origine de ces nouveaux attentats.
Ma question s'adresse également à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes.
Le 18 mars dernier, les vingt-huit chefs d’État ou de gouvernement, ainsi que le Premier ministre turc, ont donc conclu un accord entre l’Union européenne et la Turquie. Celui-ci confirme la volonté des dirigeants européens de fermer les portes de l’Europe aux populations fuyant la guerre, les violences et la misère.
Outre les doutes quant à l’efficacité de ce dispositif qui ne fera qu’ouvrir d’autres routes pour les migrants, cet accord fait l’impasse sur les milliers de réfugiés déjà présents sur le sol européen, dont l’espoir d’être « réinstallés » se réduit de plus en plus, la Commission européenne venant de diviser par deux ses projets de « réinstallation ».
Cet accord est pourtant contraire au droit d’asile, dont les conditions sont fixées par la convention de Genève. Et le Haut-Commissariat aux réfugiés lui-même, le HCR, a fermement exigé son respect. Il y a donc une différence de point de vue et d’analyse par rapport à vous, monsieur le secrétaire d'État.
La Turquie, quant à elle, se voit gratifiée du label de « pays sûr », condition pour recevoir les réfugiés refoulés. C’est un comble, quand on sait que, depuis plusieurs mois, s’y développent la répression féroce contre la population kurde, la chasse aux démocrates et les atteintes aux libertés d’opinion et d’expression, les universitaires et les journalistes en étant particulièrement victimes. C’est un comble également quand on connaît la position très ambiguë de la Turquie vis-à-vis de Daech !
Ce sont 6 milliards d’euros d’aide qui sont promis, sans possibilité d’en contrôler le strict usage pour les migrants.
M. le président. Il faut poser votre question, mon cher collègue !
M. Michel Billout. Enfin, cet accord suscite de virulentes critiques au niveau international.
Ma question allait dans le sens de celle qui a été posée par Mme Benbassa. Je reprendrai la sienne : comment expliquer une telle contradiction avec la position de l’OFPRA, lequel a déclaré qu’il ne participerait pas à la mise en œuvre d’un accord contraire à ses valeurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Je demande à chacun de respecter rigoureusement le temps de parole qui lui est imparti.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Permettez-moi tout d’abord, comme vous-même, monsieur le sénateur, d’exprimer à mon tour toute ma solidarité avec le peuple belge, comme avec toutes les victimes des attentats de ce matin. Ce n’est pas simplement la Belgique : au-delà de Bruxelles, c’est toute l’Europe, dont elle est la capitale, qui a été frappée. Nous sommes tous absolument mobilisés et solidaires de la Belgique dans ce moment.
J’en viens à votre question, monsieur le sénateur. Face à la crise migratoire, l’Union européenne a en effet cherché un partenariat avec la Turquie, un pays qui, outre qu’il est un partenaire stratégique pour régler la crise syrienne en elle-même, doit aussi être un partenaire dans la lutte contre le trafic d’êtres humains, dont je disais à l’instant à quel point il est meurtrier et indigne.
Dans le cadre de cet accord, nous avons veillé à faire en sorte que la Turquie puisse à la fois lutter contre les passages clandestins et réadmettre un certain nombre de migrants. Nous nous sommes également employés pour que soit mis en œuvre un accord de réinstallation de réfugiés syriens directement depuis la Turquie vers les pays de l’Union européenne.
En accord avec le HCR et évidemment avec l’OFPRA, qui agira dans le cadre de son mandat, les demandes d’asile des réfugiés syriens seront donc examinées. Elles le seront en particulier – c’est bien préférable – depuis la Turquie, comme depuis la Jordanie et le Liban, chacun de ces deux pays accueillant un million cinq cent mille réfugiés syriens sur leur sol.
Par ailleurs pour ce qui est des Syriens qui continueraient à arriver malgré tout en Grèce, les demandes d’asile seront évidemment examinées. L’OFPRA participera au processus, de même que des officiers de notre Police aux frontières, soit quelque 300 personnes au total qui ont été mises à la disposition de la Grèce, comme M. le ministre de l’intérieur l’a annoncé.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d'État !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Il sera procédé, comme en Allemagne, à l’examen de ces demandes et à la mise en œuvre de cet accord. J’en profite pour indiquer que nous avons insisté pour renforcer le soutien et l’aide à la Grèce. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
mesures de sécurité à la suite des attentats de bruxelles
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Hélène Conway-Mouret. Ma question s’adresse à M. le ministre de l'intérieur.
En ce moment de tragédie que vit la Belgique, nous sommes tous Bruxellois, dans un élan de solidarité identique à celui qui avait fait se tourner le monde entier vers Paris en janvier et en novembre derniers. Ce sont à nouveau des innocents qui ont perdu la vie dans les attentats de ce matin. Nos premières pensées vont naturellement aux victimes, aux nombreux blessés et à leurs proches, mais aussi à tous ceux qui sont sous le choc de cet acte odieux et lâche.
Cette fois, c’est l’Union européenne qui est touchée en son cœur. Nous avons une nouvelle démonstration, par cette attaque à forte valeur symbolique, de la volonté des terroristes d’agresser nos sociétés ouvertes et démocratiques.
Ces attentats surviennent dans la foulée de ceux qui ont frappé le Mali, la Turquie, la Côte d’Ivoire et la Tunisie, pour ne mentionner que ceux qui ont récemment illustré l’actualité. Il faut réaffirmer haut et fort que c’est en restant unis que nous gagnerons ce combat de longue haleine.
Monsieur le ministre, je tiens tout particulièrement à saluer l’action du Gouvernement (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) et, en particulier, votre engagement, votre présence sur le terrain et votre parole claire et apaisante, si nécessaire dans le climat anxiogène qui nous entoure.
Grâce aux nouveaux dispositifs législatifs récemment adoptés par le Parlement et destinés à protéger notre pays – M. le Premier ministre les a rappelés il y a un instant –, grâce aussi à la lutte contre les réseaux mafieux qui financent le terrorisme, sans oublier la campagne contre le racisme lancée hier par le Gouvernement, qui a vocation à nous rapprocher les uns des autres, nous menons sur tous les fronts un combat implacable contre le terrorisme.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous informer de la façon dont la coopération s’organise et s’intensifie aux niveaux européen et mondial ? Je pense notamment à la mise en place du registre européen des données des passagers aériens, dit « PNR ».
Pouvez-vous également nous rappeler les mesures prioritaires prises à la suite de la réunion de crise qui a rassemblé ce matin, autour du Président de la République, le Premier ministre, le ministre de la défense et le ministre des affaires étrangères ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je veux tout d’abord, comme l’ont fait le Premier ministre et le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, avoir une pensée pour les victimes des attentats abjects de ce matin. Je tiens également à exprimer ma solidarité à l’égard du Gouvernement et de l’administration belges.
Ceux qui ont commis ces attentats, il faut les désigner de leur vrai nom : ce sont des lâches ; ce ne sont en rien des martyrs.
Lorsque l’on se souvient que, voilà quatre ans, ces terroristes s’en sont pris à des enfants, à Toulouse et Montauban, lorsque l’on constate, comme j’ai pu le faire à Grand-Bassam avec le ministre des affaires étrangères, qu’ils ont tiré dans le dos de la directrice de l’institut Goethe d’Abidjan, lorsque l’on se rappelle le nombre d’innocents qui ont trouvé la mort parce qu’ils ont été, à Paris, en face de ces barbares, on ne peut les qualifier d’un autre nom. Ce ne sont pas des martyrs, car il n’y a chez eux aucun courage ; ce sont des lâches, et nous les combattrons sans trêve ni pause. (Très bien ! et applaudissements.)
Je veux également souligner que, pour nous montrer efficaces, nous devons renforcer considérablement la coopération européenne autour d’un agenda concret.
Comme l’a rappelé tout à l’heure M. le Premier ministre, les demandes de la France sont très nettes. Nous nous sommes battus pour qu’il y ait un PNR européen, c’est-à-dire un système d’enregistrement des passagers qui permette d’établir la traçabilité du retour des terroristes.
Or le Parlement européen ne veut pas l’inscrire à son débat, alors même que le trilogue avec la Commission et le Conseil a abouti à un accord. C’est totalement irresponsable !
M. Jean Bizet. Tout à fait !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Face à la crise terroriste, il faut que chacun prenne ses responsabilités et comprenne les conséquences qui s’attachent au refus de les prendre dans un contexte de menace terroriste extrêmement élevée.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il faut qu’un contrôle s’exerce aux frontières extérieures de l’Union européenne. Nous avons obtenu la modification de l’article 7-2 du code frontières Schengen.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il faut pouvoir interroger le système d’information Schengen. Il faut que ce système soit informé par l’ensemble des services de renseignement. Et il faut lutter contre la fraude documentaire. Voilà l’agenda français au sein de l’Europe ! Nous ne transigerons pas pour obtenir les résultats qui permettront de protéger les ressortissants de l’Union. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
coopération judiciaire à la suite des attentats de bruxelles
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour le groupe de l’UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Michel Mercier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Comme tous les Français, aujourd’hui, nous nous sentons Bruxellois, tout comme, voilà quelques mois, les Belges se sentaient Français. En effet, que nous soyons à Bruxelles ou à Paris, nous sommes tous Européens, et c’est notre mode de vie qui a été attaqué.
Nous sommes par ailleurs heureux de constater, à travers les conférences de presse qui se sont déroulées à Bruxelles entre responsables français et belges ces deux derniers jours, que la coopération entre nos deux pays fonctionne et produit des effets.
Néanmoins, armer l’Europe – nous attendons, comme vous tous, les décisions du Parlement européen sur ce point – nécessite aussi que l’on arme notre pays lui-même. Je voudrais de ce point de vue rappeler que le Sénat a été présent à tous les rendez-vous que vous lui avez donnés, monsieur le Premier ministre.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Michel Mercier. En 2012, nous avons voté la loi de lutte contre le terrorisme. À votre demande, nous avons ensuite adopté, en 2014, une nouvelle loi renforçant les moyens de la lutte antiterroriste. Nous avons enfin voté la loi relative au renseignement.
Nous avons voté ces textes sans éprouver d’autre sentiment que celui de faire notre devoir de Français, que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Michel Mercier. Nous ne demandions rien, nous n’attendions rien, nous voulions simplement que l’État soit efficace.
Voici quelques semaines, nous avons adopté, sur l’initiative de M. Philippe Bas, une proposition de loi visant à ouvrir les portes pour que la justice soit mieux armée contre le terrorisme. La semaine prochaine, nous commencerons l’étude d’un projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, qui reprend certaines des propositions que nous avions formulées alors. Nous souhaitons sur ce point, monsieur le Premier ministre, que le Gouvernement fasse preuve d’ouverture et respecte le Sénat.
Nous ne demandons rien, sinon la possibilité, par notre travail commun, de rendre l’État plus efficace. Toutefois, nous souhaitons très vivement que cessent les attaques contre le Sénat, encore entendues ce matin, et que nous puissions, ensemble, travailler pour la République. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. Vous avez raison !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, cher Michel Mercier, vous nous demandez au fond si nous aimons le Sénat. Et vous nous en demandez des preuves… (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Gournac. Des preuves d’amour !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous nous demandez également si nous pouvons continuer à travailler ensemble.
Oui, bien sûr ! En l’occurrence, il ne s’agit pas d’amour, même si j’ai beaucoup d’affection et d’amitié pour vous ; il s’agit plutôt de respect de nos institutions. Chacune de nos deux assemblées se voit assigné par la Constitution des responsabilités et des prérogatives propres.
Bernard Cazeneuve et moi-même, quand j’occupais la fonction de ministre de l’intérieur, avons proposé au Parlement des lois de lutte contre le terrorisme, en 2012, puis en 2014. Dans les deux cas, alors que rien dans la Constitution ne nous y obligeait, puisque le vote conforme des deux assemblées n’était pas requis, nous avons ensemble tenu à rassembler autour de ces textes une très large majorité de députés comme de sénateurs. La première de ces lois avait d’ailleurs été examinée d’abord par le Sénat. (M. Jacques Mézard acquiesce.)
De même, le Sénat a apporté son regard propre et ses propositions, respectueuses du droit, sur la loi relative au renseignement.
Enfin, on peut mentionner la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, qui donne plus de pouvoir aux forces de sécurité, mais aussi aux magistrats, là encore dans le respect de l’État de droit et de nos libertés. Une très large majorité a été trouvée à l’Assemblée nationale pour soutenir ce texte. En outre, les propositions adoptées en première lecture par le Sénat, notamment sur l’initiative de M. Philippe Bas, ont trouvé à l’Assemblée nationale un écho plus que positif.
Oui, nous pouvons travailler ensemble, et ce tout particulièrement lorsqu’il s’agit de la lutte contre le terrorisme et de la protection de nos concitoyens. Par conséquent, sur tous ces sujets, le Gouvernement se montre disponible pour travailler avec le Sénat et, plus largement, avec la majorité comme avec l’opposition des deux assemblées.
Il reste évidemment la révision constitutionnelle ; j’ai répondu tout à l’heure à Gérard Longuet sur ce sujet. Encore une fois, monsieur le sénateur, j’ai pour ma part la conviction que les Français attendent que nous soyons capables de nous rassembler ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Revet. C’est ce que nous avons fait !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce rassemblement s’impose, à la suite non seulement du discours du Président de la République du 16 novembre dernier, mais aussi du vote de l’Assemblée nationale sur la révision constitutionnelle. Ce vote a vu les familles politiques se diviser, mais il a aussi vu une majorité des trois cinquièmes se constituer sur une proposition.
Vous venez de vous prononcer sur un texte. Sur l’article 2 de ce projet de loi constitutionnelle, même si je crois qu’il existe des possibilités d’accord sur les principaux objectifs, il reste incontestablement du chemin à faire.
Pour trouver un accord, il faut que chacun veuille bien avancer. Le Gouvernement est prêt à le faire, l’Assemblée nationale le devra aussi. Quant au Sénat, même si son vote est tout frais, je ne doute pas qu’il voudra avancer.
Selon moi, nos compatriotes attendent que nous disions clairement si nous considérons que celui qui prend les armes contre ses propres compatriotes et nos valeurs partagées peut rester français ou non, selon des procédures prévues par la Constitution et par la loi. Voilà la réponse qu’ils attendent !
Par cette réponse, nous ferons ensemble la démonstration non seulement de notre volonté de travailler de concert, mais surtout de la volonté d’union qui nous rassemble, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Alain Bertrand applaudit également.)