M. Manuel Valls, Premier ministre. Le texte du Gouvernement a évolué.
Sur tous les sujets qui ont été évoqués, par exemple le rôle du juge judiciaire, la binationalité ou l’apatridie, les points de vue, s’ils ne sont pas irréconciliables, sont particulièrement difficiles à rapprocher.
À plusieurs reprises, M. le ministre de l’intérieur et moi-même lorsque j’étais ministre de l’intérieur – je ne doute pas que M. le garde des sceaux fera de même – avons travaillé avec le Sénat sur des textes pour lesquelles la Constitution n’impose pourtant pas un vote conforme.
M. Bruno Retailleau. Parce que nos propositions étaient bonnes ! (Sourires.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. Elles sont toujours excellentes, monsieur Retailleau ! (Nouveaux sourires.)
Nous avons toujours eu le souci d’avancer ensemble, majorité et opposition, notamment sur les questions touchant à la sécurité du pays. Le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, que l’Assemblée nationale a examiné voilà quelques jours, est un bel exemple. Je ne doute pas qu’il sera enrichi par le Sénat.
Je suis convaincu que nous allons devoir vivre plusieurs années avec cette menace terroriste d’un genre nouveau. Cela nous obligera à des efforts particulièrement massifs pour soutenir nos forces de sécurité, nos forces armées et la justice de notre pays. Nous devrons consacrer des moyens considérables à l’éducation nationale et à l’ensemble des processus de lutte contre la radicalisation.
Quels que soient les choix des Français l’année prochaine, j’espère que cheminerons ensemble, car c’est un combat de longue haleine ; l’état du monde nous le montre tous les jours. De surcroît, il faudra dégager aux échelons français et européen des moyens considérables pour aider certains pays, au Levant comme en Afrique.
Face à ce défi, je n’ai qu’une passion, une conviction : l’unité. Non pas l’unité factice, qui consisterait à dire : «Tous derrière la même idée ». L’unité. Les Français sont peut-être las de ce débat, mais ils sont intéressés !
J’entends les reproches que M. Laurent et les membres de son groupe m’adressent. Mais eux-mêmes n’ont voté pratiquement aucune des mesures que nous avons proposées pour améliorer la sécurité des Français.
M. Pierre Laurent. Parce que vous n’écoutez aucun de nos arguments !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous n’avez voté aucune des lois antiterroristes ou sur le renseignement ! C’est ce qui m’inquiète dans votre position.
Face aux défis du monde et de la France, je pense que, sur la question de la sécurité de notre pays et sur notre conception de la Nation, nous devons nous unir.
Le Président de la République, en reprenant, il est vrai, une idée défendue plutôt par l’opposition ces dernières années, mais adaptée à la menace terroriste, a fait un geste particulièrement important au service de l’unité, marquant ainsi notre volonté de rassemblement.
Pour ma part, malgré ce qui sépare aujourd’hui le texte adopté par l’Assemblée nationale et la position de la commission des lois du Sénat, je souhaite que nous essayions d’avancer. Je respecterai les choix du Sénat, mais je veux que tout se passe dans une transparence totale et que l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement puissent ensuite cheminer ensemble.
Mais attention à ce que les prises de position des uns et des autres ne finissent pas par nous empêcher d’emprunter cette voie ! Je pense très sincèrement que les Français ne nous le pardonneraient pas. Cela vaut pour le Gouvernement comme pour Parlement ! C’est ensemble que nous devons avancer.
Voilà ce que je tenais à dire à tous les orateurs qui se sont exprimés au cours de cette discussion générale tout à fait passionnante. C’est ce message qui me paraît le plus important : soyons à la hauteur de l’attente et de l’exigence des Français, et maintenons une unité forte face au terrorisme ! C’est un combat qui va durer.
Nous avons besoin de toutes les forces, aussi bien des forces de sécurité comme des symboles. Qu’est-ce qu’être Français aujourd’hui ? Par ce débat, nous avons prouvé que nous sommes un grand peuple ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
Contribution du groupe CRC à la discussion générale
Complément au discours de Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRC :
[En complément et conclusion de mon intervention, j'affirme qu'avec François Hollande vous avez heurté celles et ceux attachés à notre République et à ses valeurs, et tout particulièrement les femmes et hommes de gauche, jeunes et moins jeunes. La lutte contre le djihadisme de Daech, contre son action à l'étranger et son influence dans notre pays exige tout autre chose qu'une révision opportuniste et qui porte atteinte à l'idéal républicain lui-même. Cette mise à mal de nos principes fondateurs constitue une victoire pour Daech et ce seul argument devrait rendre nécessaire le retrait de votre projet.]
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Masson, d'une motion n°76.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale le projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de protection de la Nation (n° 395, 2015-2016).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la motion.
M. Jean Louis Masson. À mon sens, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui devrait restreindre les cas de binationalité et mieux encadrer le communautarisme, deux facteurs qui peuvent conduire à la radicalisation et à l’extrémisme.
Or l’éventuelle inscription dans la Constitution de la déchéance de nationalité pour les binationaux coupables de terrorisme a fait l’objet des tergiversations du Président de la République et suscité de multiples polémiques. La gauche, en particulier, a fait semblant de s’indigner en prétendant qu’une telle mesure serait discriminatoire sous prétexte qu’elle créerait une catégorie de Français de seconde zone.
En fait, la binationalité est un choix. Ce n’est pas une fatalité ! Personne n’oblige à avoir deux nationalités. Celui qui se trouve dans cette situation n’y est pas contraint : il peut renoncer à sa seconde nationalité. Si les intéressés ne le font pas, c’est parce qu’ils y trouvent divers avantages, par exemple une protection sociale ou juridique supplémentaire ou, comme par le passé pour les citoyens franco-algériens, un moyen de se soustraire au service militaire. Ainsi, la binationalité permet à une catégorie de Français de profiter du système. Il n’est alors pas choquant qu’il y ait aussi des inconvénients !
Par ailleurs, la nationalité suppose une obligation de loyauté du ressortissant à l’égard de son pays. Lorsque deux États se trouvent dans une situation conflictuelle, il y a à l’évidence des problèmes quant à la fiabilité des binationaux concernés. Par exemple, la position d’un binational franco-allemand en 1939 aurait été très ambiguë. C’est d’ailleurs ce qu’a très bien compris l’Algérie – j’approuve tout à fait son gouvernement à cet égard –, qui vient de réformer sa Constitution pour exclure les binationaux des postes de responsabilité au sein de l’administration algérienne.
Il est donc logique que de nombreux pays interdisent ou limitent les cas de double nationalité. La France elle-même avait d’ailleurs ratifié la convention du Conseil de l’Europe sur la réduction des cas de binationalité en 1977. De même, plusieurs pays de l’Union européenne limitent la double nationalité de leurs citoyens.
Ainsi, lorsque l’Allemagne a élargi les modalités d’acquisition de la nationalité allemande dans le sens du droit du sol en 2000, elle a mis en place une obligation d’option de nationalité pour les enfants nés en Allemagne de parents étrangers. À leur majorité, ceux-ci doivent choisir entre la nationalité allemande et leur autre ou leurs autres nationalités, faute de quoi ils sont réputés renoncer à la nationalité allemande.
En Autriche, sauf cas particulier, une personne qui n’est pas née autrichienne ne peut pas acquérir la nationalité autrichienne sans perdre d’office sa nationalité d’origine.
Pour moi, ceux qui deviennent français doivent faire un choix clair d’adhésion à la collectivité nationale. Plus précisément, il s’agit de mettre fin à la possibilité de binationalité pour ceux qui, nés en France de parents étrangers, acquièrent la nationalité française par naturalisation, par mariage ou à leur majorité. Cela ne vise pas l’interdiction pure et simple de la double nationalité, qui doit rester possible par la naissance.
À mon avis, deux mesures seraient donc pertinentes.
La première concernerait les enfants nés en France de parents étrangers qui deviennent français à leur majorité. Sur le modèle du droit allemand, il faudrait leur demander de choisir entre la nationalité d’un pays tiers et la nationalité française. Une exception pourrait être prévue au profit des ressortissants d’un pays de l’Union européenne.
La deuxième concernerait les personnes acquérant la nationalité française, par naturalisation ou par mariage. Elles devraient alors renoncer à leur autre nationalité. Là encore, on pourrait prévoir une exception au profit des ressortissants d’un pays de l’Union européenne.
Mes chers collègues, s’il y avait eu de telles dispositions dans le code de la nationalité française, on ne serait pas là à couper les cheveux en quatre pour savoir si on doit cibler explicitement les binationaux ou si on doit le faire sans le dire. De toute manière, on cible les binationaux : le texte adopté par l’Assemblée nationale revient à les cibler. À titre personnel, je suis très clairement favorable à ce qu’on les vise explicitement !
Parallèlement à la problématique de la binationalité, il faut aussi réagir face aux communautarismes, en particulier le communautarisme musulman, qui fait peser de graves menaces sur notre société. Pour s’en convaincre, il suffit de constater que les auteurs des récents attentats terroristes étaient tous des extrémistes musulmans radicalisés dans une logique communautariste.
L’article 1er de la Constitution assure « l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Il devrait aussi réaffirmer les devoirs de chacun et interdire que, sous couvert d’origine, de race ou de religion, certains prétendent s’exonérer du respect le plus élémentaire des règles de vie dans notre société.
La surenchère de certains élus qui instrumentalisent leur complaisance à l’égard du communautarisme musulman pour en faire un fonds de commerce électoral amplifie encore plus les dérives en la matière. Ainsi, sous prétexte de répondre à des exigences religieuses, on accorde des dérogations en totale contradiction avec le principe de laïcité : piscines à horaires séparés pour les hommes et les femmes ; menus halal dans les cantines scolaires ; refus de la mixité pour les cours de sport à l’école ; port du voile par des agents des services publics…
Il n’est alors pas étonnant qu’un tel laxisme entraîne une escalade des exigences et des comportements : refus de l’autorité hiérarchique sous prétexte qu’elle est exercée par une personne de sexe différent ; refus d’employés de cantine d’être en contact avec certains aliments ; interruption du travail pour faire la prière… Et il existe bien d’autres exemples !
Lors de sa réunion du 3 février 2016, la commission des lois du Sénat a examiné les amendements déposés sur une proposition de loi constitutionnelle relative à la laïcité. À cette occasion, et au terme d’un long débat, la commission des lois s’est opposée à ce que l’on précise que le respect de la règle commune s’impose à tous. Selon les partisans de ce refus, il conviendrait de privilégier une soi-disant « laïcité apaisée » et de ne pas exacerber le repli communautariste des musulmans. Ce refus est une erreur : le laxisme généralisé favorise le développement du communautarisme musulman, qui sert ensuite de terreau au terrorisme islamiste !
Le fait de s’opposer aux empiétements des communautarismes au motif que la règle commune s’applique à tous doit concerner aussi bien la vie publique que la vie privée. Cela prémunirait en particulier tout employeur privé et tout service public contre l’obligation d’adapter ses prestations ou ses règles pour tenir compte des prescriptions religieuses exigées par certains salariés ou certains usagers.
Le texte que nous examinons passe à côté des vrais problèmes. À cet égard, je qualifierais de « symbolique » l’article 2 du projet de loi. Mais encore faut-il qu’il conserve le symbole qu’il représente ! Or, pour moi, le symbole touche précisément au problème des binationaux. Si nous reculons sur ce point, cela veut dire que nous cautionnons le communautarisme et le comportement de personnes modérément solidaires de la collectivité nationale. Ce serait tout à fait désastreux ! Pour ma part, je ne voterai pas en faveur de l’article 2 s’il ne fait pas explicitement référence au problème des binationaux !
Globalement – je partage l’avis de beaucoup de mes collègues sur ce point –, le texte que nous examinons n’apporte rien de plus dans la lutte contre le terrorisme. Si l’on veut vraiment non pas dissuader le terrorisme – on ne le peut pas –, mais empêcher le recrutement de nouveaux terroristes, c’est le communautarisme qu’il faut combattre, parce que le communautarisme conduit à des replis identitaires qui permettent l’enrôlement de terroristes !
C’est par exemple sur les lois d’acquisition de la nationalité, donc par rapport aux binationaux, que l’on devrait agir. Ce serait certainement beaucoup plus utile. Je le répète : le gouvernement algérien a très bien agi en marquant la différence entre un « 100 % national » et un « 50 % algérien et 50 % d’une autre nationalité ». Nous devrions faire de même en France !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Mes chers collègues, je voudrais souligner que les travaux de la commission des lois ont été très approfondis. Notre commission s’est réunie à deux reprises sur ce texte, ce qui nous a permis d’avancer. Certes, monsieur le Premier ministre, nous n’avons pas repris à l’identique le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Pour autant, je dois dire que l’Assemblée nationale ne s’est pas préoccupée des conditions de vote au Sénat quand elle a adopté son propre texte. Je ne lui en fais d’ailleurs pas reproche. J’ai bien compris que le dialogue entre le Gouvernement et sa majorité avait été difficile. Nous ne pouvions donc pas exiger que l’on ajoute à cette complexité la prise en compte par anticipation de nos débats.
L’opposition parlementaire à l’Assemblée nationale a fait son devoir. Elle a pris ses responsabilités en faisant en sorte qu’un texte puisse être adopté. Si elle ne l’avait pas fait, nous ne serions pas réunis aujourd’hui pour délibérer sur ce projet de révision constitutionnelle. Par son vote, elle a donc permis que le processus se poursuive.
Je tiens à assurer M. le Premier ministre et M. Masson que la commission des lois du Sénat a recherché le plus large accord possible parmi ses membres. Je remercie d’ailleurs tous les orateurs de la minorité sénatoriale qui se sont succédé à la tribune au cours de la discussion générale d’avoir bien voulu le souligner.
Je crois que nous sommes assez proches d’une entente générale sur l’état d’urgence, sur la base des amendements que j’ai proposés.
En revanche, il est exact que nous sommes plus éloignés d’un accord unanime du Sénat s’agissant de la déchéance de nationalité pour les criminels ayant commis une atteinte grave à la vie de la Nation. Cependant, la position de la commission des lois du Sénat est plus proche des annonces du Président de la République, des dispositions confirmées par le Conseil d’État et du texte adopté par le conseil des ministres que le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale !
Encore ne faudrait-il pas exagérer la distance entre la position de la commission des lois du Sénat et le texte adopté par l’Assemblée nationale ! M. Alain Richard a bien fait de le signaler tout à l’heure. La différence ne porte que sur une exception à la possibilité de prononcer la déchéance de nationalité, celle qui conduirait à créer des apatrides. De plus, cette différence d’appréciation concerne seulement le niveau du texte à modifier pour éviter de créer des situations d’apatridie. En effet, M. le Premier ministre a bien voulu nous communiquer le texte d’application qu’il prendrait si cette révision constitutionnelle était adoptée par le Parlement, voire par référendum. Or ce texte précise que la loi ne conduirait pas à créer des apatrides. D’ailleurs, aujourd’hui, elle ne permet pas d’en créer.
Monsieur Masson, je fais ce commentaire général pour vous montrer à quel point le travail de la commission des lois, à laquelle vous appartenez d’ailleurs, a été approfondi. Si vous aviez pu participer à ses travaux la semaine dernière comme ce matin, nous aurions également pu entendre au sein de la commission des lois ce que vous venez de dire à la tribune ! (Sourires.) Nos collègues auraient pu bénéficier de l’éclairage intéressant que vous avez bien voulu leur apporter ! (Nouveaux sourires.)
En tout état de cause, je dois vous le dire, la motion de procédure que vous défendez est particulièrement malvenue, compte tenu du travail très poussé qui a été réalisé en commission. Je ne vois pas comment notre travail pourrait être amélioré – il peut sans doute l’être dans l’absolu ; ne soyons pas présomptueux – par de nouvelles délibérations de la commission.
En défense des travaux de nos collègues de la commission, je rappelle que plus de dix-sept d’entre eux se sont exprimés au cours de la discussion générale. La commission des lois était quasiment au complet à l’occasion des débats sur ce texte, parce que chacun en mesurait l’importance.
Je ne crois donc pas qu’il soit utile de revenir devant la commission des lois pour poursuivre l’examen d’un texte qui a déjà été très approfondi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 76, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
projet de loi constitutionnelle de protection de la nation
Article additionnel avant l’article 1er
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 1er de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le respect de la règle commune s’impose à tous. Nul individu, nul groupe ne peut se prévaloir de son origine, de sa race ou de sa religion pour s’en exonérer ou en être exonéré. »
La parole est à M. Jean Louis Masson. (Exclamations sur certaines travées.)
M. Jean Louis Masson. Je reprends mot pour mot un amendement présenté par M. le président de la commission des lois lors d’une réunion de la commission consacrée à l’examen de la proposition de loi constitutionnelle sur la laïcité que j’évoquais tout à l’heure. J’espère que le M. le président de la commission des lois pourra en souffler un mot au rapporteur du présent projet de révision constitutionnelle, afin que celui-ci partage son point de vue sur le sujet…
Par cet amendement, que j’avais trouvé excellent lors de sa présentation en commission, on pose le problème d’une certaine cohérence de notre société vis-à-vis des communautarismes. Je pense qu’il faut réagir très fermement face à ces communautarismes. Il faut une laïcité très claire et très forte, et non de petits accommodements soutenus par tous ceux dont le communautarisme, notamment le communautarisme musulman, est un fonds de commerce électoral !
Cet amendement permet de clarifier les choses. Il tend à préciser que tout le monde doit s’inscrire dans une logique de solidarité et d’unité nationales sans distinction de race, d’origine ou de religion, mais également sans s’isoler ou jouer contre l’intérêt de la Nation. C’est la raison pour laquelle je le crois important.
Je remercie une nouvelle fois M. le président de la commission des lois d’avoir à l’époque pris l’excellente initiative de proposer à la commission des lois, à laquelle je participais, d’adopter cet amendement. Je lui rappelle d’ailleurs que je l’avais soutenu très activement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Sur le fond, je ne puis qu’être d’accord avec le contenu de cet amendement. Il reprend exactement la rédaction d’un amendement que j’avais moi-même présenté à la commission des lois lors de l’examen d’un autre texte de révision constitutionnelle. Je signale simplement à M. Masson que j’avais retiré cet amendement de ma propre initiative, à la suite d’un débat très approfondi au sein de la commission qui m’avait fait sentir que les choses n’étaient pas mûres pour son adoption.
Comme beaucoup d’entre nous, je tiens le communautarisme pour la forme la plus perverse de la subversion des institutions de la République. Je crois donc qu’il importe de donner un coup d’arrêt au communautarisme, mais surtout de créer une référence claire pour nos élus, notamment les maires, pour les chefs de nos établissements scolaires, pour les directeurs de nos hôpitaux et pour les chefs d’entreprise, lorsqu’ils sont confrontés à des revendications communautaristes.
Je pense que ce débat nécessaire doit avoir lieu. La complaisance à l’égard des revendications communautaristes est l’un des ferments des dérives idéologiques qui peuvent conduire jusqu’au fanatisme et, dans certains cas – exceptionnels, heureusement ! –, jusqu’au terrorisme.
C’est la raison pour laquelle je prends cet amendement très au sérieux, tout en vous disant, cher collègue, qu’il n’y a pas lieu d’en délibérer à la faveur d’un débat portant sur un autre sujet, débat dont j’ai pu observer qu’il était déjà suffisamment compliqué.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, qui ne préjuge en rien de l’intérêt qu’elle lui porte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis du Gouvernement est défavorable.
Outre le fait que cet amendement est sans lien direct avec le projet de loi constitutionnelle, M. Masson connaît parfaitement la jurisprudence du Conseil constitutionnel de novembre 2004, selon laquelle « les dispositions de l’article 1er de la Constitution […] interdisent à quiconque de se prévaloir de ses convictions religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers. »
Le Gouvernement estime donc que la jurisprudence du Conseil constitutionnel rend inutile cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je ne peux pas accepter que l’on dise que cet amendement n’a rien à voir avec le texte.
M. le rapporteur vient d’expliquer que le communautarisme conduit à l’extrémisme et, dans certains cas, au terrorisme ! Or ce projet de loi de révision constitutionnelle est explicitement dirigé contre le terrorisme. Lutter contre le communautarisme, notamment le communautarisme musulman, c’est lutter contre les bases du recrutement des terroristes actuels ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Il y a donc une véritable logique à présenter mon amendement sur ce texte.
Je ne ferai pas l’injure de rappeler au président de la commission des lois, rapporteur de ce texte, ce qu’il sait déjà : des projets de révision constitutionnelle de ce type se présentent seulement tous les cinq ou six ans. Le fait de ne pas vouloir discuter d’un amendement ayant trait aux liens du terrorisme avec ses bases de recrutement revient à reporter à la Saint-Glinglin l’évolution de notre Constitution et la clarification nécessaire sur ce sujet.
C’est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement, même si je suis le seul à le voter !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
Après l’article 36 de la Constitution, il est inséré un article 36-1 ainsi rédigé :
« Art. 36-1. – L’état d’urgence est décrété en Conseil des ministres, sur tout ou partie du territoire de la République, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.
« La loi fixe les mesures de police administrative que les autorités civiles peuvent prendre pour prévenir ce péril ou faire face à ces événements.
« Pendant toute la durée de l’état d’urgence, le Parlement se réunit de plein droit.
« L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement pendant l’état d’urgence. Ils peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures. Les règlements des assemblées prévoient les conditions dans lesquelles le Parlement contrôle la mise en œuvre de l’état d’urgence.
« La prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par la loi. Celle-ci en fixe la durée, qui ne peut excéder quatre mois. Cette prorogation peut être renouvelée dans les mêmes conditions. »
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, sur l’article.