M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, la clinique des Grandes Alpes de Cluses, qui, vous l’avez expliqué, a été récemment reprise par le groupe Noalys, dispose d’une autorisation de chirurgie sous forme d’hospitalisation complète, d’anesthésie et de chirurgie ambulatoire. Elle a renoncé à la première. Seules les autorisations pour l’anesthésie et la chirurgie ambulatoire ont été renouvelées.
Comme vous le savez, cet établissement en est à sa troisième reprise en trois ans. Il a donc de réelles difficultés à trouver sa place dans l’offre de soins entre Sallanches et Annemasse. Le secteur de la vallée de l’Arve dispose déjà de deux centres hospitaliers et d’une clinique de dimension importante : le centre hospitalier Alpes Léman, qui comprend 420 lits et places, les Hôpitaux du pays du Mont-Blanc, qui en comptent 460, et l’hôpital privé des Pays de Savoie, qui regroupe deux cliniques privées à Annemasse.
La concurrence qui existe en matière de chirurgie sur le territoire est certainement l’une des raisons des difficultés rencontrées par la clinique des Grandes Alpes ces dernières années. C’est la raison pour laquelle le projet territorial de santé élaboré en 2013, c’est-à-dire avant le rachat de la clinique par Noalys, prévoyait déjà que le site de Cluses serait consacré aux soins et services de proximité.
Avec le souci de maintenir une offre de soins équilibrée et répondant au plus près aux besoins de la population, l’agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes a proposé à l’établissement de l’accompagner au fur et à mesure dans sa réflexion sur son projet médical. Elle est disposée à lui accorder une autorisation de médecine dans le cadre d’un projet d’établissement qui porterait également sur le renforcement de l’offre de soins de premier recours, en lien étroit, bien entendu, avec le centre hospitalier de Sallanches et le centre de soins non programmés de Cluses.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie des explications que vous venez de fournir sur un dossier, certes, complexe – comme vous l’avez rappelé, la clinique de Cluses a été reprise plusieurs fois en quelques années –, mais de la plus haute importance pour notre territoire.
Je puis le certifier, tous les élus, convaincus que cet établissement garde une raison d’être, sont mobilisés pour lui garantir une forme de pérennité. Je gage que vos annonces de ce matin nous permettront de conserver cette clinique, si utile pour les habitants de la vallée de l’Arve !
isolement géographique du centre hospitalier d’aurillac
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 1336, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Jacques Mézard. Ma question concerne le centre hospitalier général d’Aurillac.
Un décret du 17 février dernier prévoit les modalités dérogatoires de financement des activités de soins des établissements de santé répondant à des critères d’isolement géographique.
Remarquons d’abord que ce décret a été appliqué avant même sa parution au profit de deux établissements hospitaliers de mon département. D’un point de vue administratif, c’est assez original !
Le centre hospitalier d’Aurillac, lui, s’est vu refuser ce financement, en raison, semble-t-il, de l’existence d’une clinique privée. Certes, depuis lors, on nous a expliqué oralement que sa situation pourrait faire l’objet d’un examen positif.
Il faut dire que notre centre hospitalier est certainement le plus excentré par rapport à l’université et à la métropole régionale dont il dépend. Songez que nous sommes à neuf heures de Lyon aller-retour et à onze heures par le train. C’est tout de même un record toutes catégories ! Au demeurant, cela démontre l’ineptie de la fusion de régions pour certains territoires…
En tout cas, s’il est un établissement qui répond à des critères d’isolement géographique, c’est bien le nôtre. Ce fait est incontestable s’agissant de l’obstétrique, la néonatalogie et la pédiatrie, aucune clinique privée n’exerçant la moindre activité dans ces domaines dans un rayon de plus de 100 kilomètres.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite connaître la position définitive du ministère de la santé, ainsi que le montant des sommes susceptibles d’être allouées, de manière tout à fait justifiée, au centre hospitalier d’Aurillac. Je voudrais également savoir si cette aide pourra être pérennisée.
Plus généralement, je voudrais attirer l’attention du ministère sur la difficulté actuelle à recruter des praticiens hospitaliers dans des zones aussi enclavées, notamment dans un domaine comme la psychiatrie. J’ai récemment interpellé le Gouvernement sur la question des remplacements et sur la pénurie de praticiens, qui est particulièrement grave dans certaines spécialités.
En outre, comment va-t-on à Lyon quand on est convoqué par l’agence régionale de santé ? Vous l’imaginez bien, cela ne peut pas continuer ainsi : les déplacements nécessitent deux jours !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur Mézard, je vous prie d’excuser l’absence de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, qui ne pouvait pas être présente ce matin.
Vous avez interrogé le Gouvernement sur le centre hospitalier d’Aurillac, établissement auquel vous êtes très attaché. Je connais votre mobilisation à cet égard.
Cet établissement a connu une aggravation soudaine de son déficit, qui avoisinait 3 millions d’euros pour 2015, malgré le versement d’une aide exceptionnelle de 800 000 euros par l’agence régionale de santé d’Auvergne. Cette évolution a conduit l’ARS à conclure avec l’établissement un contrat de stabilité budgétaire dès 2014.
La disposition de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 relative au financement des activités isolées, à laquelle vous avez fait référence, vise à corriger le modèle actuel de financement des établissements de santé reconnus comme isolés géographiquement.
Au regard des critères précis et transparents fixés par le décret du 17 février 2015 sur le niveau d’activité, l’hôpital d’Aurillac ne pouvait pas être éligible au dispositif. Toutefois, compte tenu de la situation que vous avez rappelée, notamment l’environnement géographique, une attention particulière a été portée à cet établissement. À la fin de l’année 2015, il a bénéficié à titre dérogatoire d’une subvention d’accompagnement pour activités déficitaires à hauteur de 360 000 euros.
Afin d’aider l’hôpital d’Aurillac à poursuivre ses efforts de gestion et de l’accompagner vers un retour à l’équilibre financier, l’aide pourra être reconduite par l’agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes en 2016.
Plus généralement, la nouvelle configuration de l’agence régionale de santé n’aura pas de conséquence négative sur l’attention et le soutien des pouvoirs publics à l’égard des établissements de santé, en particulier celui d’Aurillac, qui vous est cher.
Vous avez eu raison d’insister sur le problème de l’attractivité des hôpitaux et de souligner que les difficultés de recrutement sont particulièrement graves dans certaines spécialités. C’est bien la raison pour laquelle Marisol Touraine a présenté au mois de novembre dernier un plan d’action pour l’attractivité de l’exercice médical à l’hôpital public. Le plan comprend douze engagements pour inciter les professionnels de santé, notamment les plus jeunes, à exercer au sein de l’hôpital public dans les zones sous-denses ou dans les spécialités en tension, comme, en effet, la psychiatrie.
Bien entendu, la définition des territoires éligibles sera cohérente avec les mesures déjà adoptées pour favoriser l’installation des professionnels de santé dans les territoires fragiles.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la secrétaire d’État, comme je connais votre attachement personnel aux territoires éloignés du pouvoir central, je suis certain que vous me comprendrez très bien. Votre réponse, hormis la fin, est totalement administrative et assez coupée des réalités du territoire…
Même si le déficit du centre hospitalier d’Aurillac a atteint 3 millions d’euros, le travail mené par tout le monde permet de considérer que la situation financière est globalement assez saine.
Je le maintiens, sur la question de l’isolement géographique, le traitement qui nous est réservé n’est pas équitable. Certains services de l’hôpital d’Aurillac, n’ayant strictement aucune concurrence privée, assument l’entière responsabilité de l’offre médicale dans un rayon supérieur à 100 kilomètres. Sans doute lui a-t-on alloué, à la faveur d’une dérogation à la dérogation, 360 000 euros sur les 900 000 demandés. Mais cela ne tient pas compte de la réalité profonde, liée à un enclavement considérable !
C’est très bien de vouloir renforcer la dimension territoriale de l’agence régionale de santé au niveau départemental, comme cela nous est annoncé. Seulement, on continue à convoquer nos directions ou les membres de nos commissions médicales d’établissement à Lyon pour des réunions qui durent parfois une ou deux heures, mais qui nécessitent deux jours de déplacement !
Tout cela n’est pas raisonnable. C’est contraire à l’équité et au bon sens. Il est plus que temps de prendre des décisions de bon sens dans notre pays !
régimes complémentaires de retraite des élus locaux et reprise d'activité
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 1337, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Jean Louis Masson. Le nouvel article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale, applicable à compter du 1er janvier 2015, a des conséquences particulièrement négatives pour les élus locaux.
Désormais, lorsqu’un maire ou un adjoint au maire perçoit déjà sa retraite professionnelle, les cotisations de retraite qu’il acquitte en tant qu’élu ne sont plus prises en compte pour sa future retraite d’élu ; elles sont donc versées en pure perte, sans contrepartie.
Le Gouvernement a déjà récemment imposé aux élus locaux le paiement de cotisations d’assurances sociales, même lorsqu’ils bénéficient déjà d’une couverture sociale au titre de leur activité professionnelle. Il ne faudrait pas que, après les avoir fait cotiser pour une couverture sociale qui fait double emploi et qui ne leur sert à rien, on les oblige maintenant à cotiser pour une retraite à laquelle ils n’auront pas droit !
Le problème est d’autant plus préoccupant que, à la suite de leur élection, certains maires prennent une retraite professionnelle anticipée pour se consacrer pleinement à leur mandat. Or, à l’avenir, ceux qui feront ce choix seront pénalisés sur leur retraite finale.
Les restrictions susvisées pourraient-elles être assouplies ? Pourraient-elles du moins ne pas s’appliquer aux cotisations complémentaires versées par les élus locaux à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC, à la Caisse autonome de retraite des élus locaux, la CAREL, et au Fonds de pension des élus locaux, le FONPEL ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a clarifié et harmonisé les règles de cumul emploi-retraite applicables au sein des différents régimes de retraite. Plus précisément, la loi prévoit désormais que la reprise d’activité par un retraité n’entraîne pas pour lui l’acquisition de nouveaux droits à la retraite. Cette règle était déjà applicable par groupes de régimes, mais de manière très peu lisible.
Il est important de préciser que ces mécanismes visent seulement les régimes de retraite obligatoires. Ils ne s’appliquent donc pas aux régimes de retraite auxquels l’adhésion est facultative, comme le Fonds de pension des élus locaux et la Caisse autonome de retraite des élus locaux, régimes auxquels tous les élus locaux ont dorénavant la possibilité d’adhérer, en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, en vue de s’assurer un complément de pension sur une base facultative. En conséquence, les assurés de ces régimes pourront continuer à cotiser et à acquérir des droits à pension au sein de ces dispositifs, même après avoir liquidé leur retraite professionnelle.
La réforme n’a pas pour objet de remettre en cause l’équilibre des règles applicables aux régimes auxquels les élus locaux adhèrent à titre obligatoire. C’est la raison pour laquelle l’article 19 de la loi du 20 janvier 2014 a clarifié le statut des mandats électifs au regard des règles de cessation d’activité propres à la retraite. La loi précise désormais explicitement que les élus locaux ne sont pas obligés d’interrompre leur activité au moment où ils liquident leur retraite. C’est heureux ! À défaut, des élus auraient dû démissionner de leur mandat pour pouvoir faire valoir leurs droits à la retraite, ce qui aurait été pour le moins paradoxal. Le Gouvernement ne l’a évidemment pas souhaité.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame le secrétaire d’État, je suis un peu surpris par votre réponse. Il n’aurait plus manqué qu’un maire soit obligé de démissionner de son mandat pour avoir le droit de toucher sa retraite professionnelle ! Les maires ne vont tout de même pas vous dire merci parce qu’on les autorise à percevoir le fruit d’une vie de labeur tout en conservant leur mandat ! Votre réponse est quelque peu incohérente.
En plus, vous n’avez pas dit un mot de l’IRCANTEC. Vous n’avez même pas prononcé son nom ! Il faut avoir le courage de le dire : les maires et les adjoints au maire vont acquitter auprès de l’IRCANTEC des cotisations qui ne leur vaudront aucun droit à pension ! C’est tout de même un peu regrettable… Vous auriez pu avoir le courage de dire la vérité complètement, sans la déformer !
qualité d’ayant droit d'un retraité français résidant hors de france
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, auteur de la question n° 1339, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Claudine Lepage. Comme vous le savez, tout retraité français du régime général établi à l’étranger peut venir en France pour se faire soigner, quel que soit le motif de séjour : vacances, résidence temporaire ou autres. En effet, ses droits d’assurance maladie demeurent ouverts, puisqu’il continue à cotiser à la sécurité sociale par le biais de prélèvements sur sa pension de retraite, privée ou publique.
Le conjoint de cet assuré social, considéré comme ayant droit, peut bénéficier de la même couverture maladie. Seulement, la qualité d’ayant droit ne lui est reconnue que dans la mesure où il n’exerce pas d’activité et où ne bénéficie pas lui-même d’un régime obligatoire de sécurité sociale à un autre titre, comme une pension d’invalidité.
Dans l’hypothèse où le conjoint, même s’il est Français, perçoit une très faible retraite de son pays de résidence habituelle, il ne peut pas prétendre à la qualité d’ayant droit, alors qu’il est effectivement à la charge financière de l’assuré social !
La situation est d’autant plus problématique que les Français expatriés prennent souvent la décision de passer au moins une partie de leur retraite en France. Le conjoint de l’assuré social ne peut alors pas être pris en charge.
Madame la secrétaire d’État, face à cette situation, certes très particulière, mais dont la fréquence est loin d’être négligeable et dont les effets peuvent être très néfastes et susciter un profond sentiment d’injustice, est-il envisageable de trouver une autre solution ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, comme vous l’avez très justement rappelé, tous les pensionnés des régimes de retraite français bénéficient du remboursement de leurs frais de santé par leur régime d’assurance maladie quand ils résident ou séjournent en France.
Ainsi, et sans préjudice de l’application d’un règlement européen ou d’une convention internationale de sécurité sociale, tous les titulaires d’une pension, d’une rente de vieillesse ou d’une pension de réversion servie par un régime de base de sécurité sociale française, dans le cas où ils résident à l’étranger, n’exercent pas d’activité professionnelle et justifient d’une plus longue durée d’assurance sous la législation française, bénéficient de la prise en charge de leurs frais de santé lors de leur séjour temporaire en France, quelle que soit leur nationalité.
Dans le cadre de la protection universelle maladie, dispositif adopté par votre Haute Assemblée lors de l’examen de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, et donc en vigueur depuis le 1er janvier 2016, toute personne résidant en France de manière stable et régulière a désormais droit à la prise en charge de ses frais de santé. En effet, la protection universelle maladie mise en place par Marisol Touraine constitue une réforme importante. Elle donne à chacun la capacité de faire valoir ses droits en simplifiant radicalement les conditions requises pour ouvrir le droit à remboursement.
À ce titre, le statut d’ayant droit est désormais supprimé pour les personnes majeures. En conséquence, dans la situation que vous décrivez, les conjoints des pensionnés des régimes de retraite français qui rentrent en France sont désormais assurés en leur nom propre, dès lors qu’ils résident de manière stable et régulière sur le territoire français.
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions. La simplification que vous annoncez profitera effectivement aux ayants droit français. Mais j’espère qu’il en sera de même pour les ayants droit de nationalité étrangère.
professionnels de santé et lutte contre les violences conjugales
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question n° 1315, transmise à Mme la ministre des familles, de l'enfance et des droits des femmes.
Mme Claire-Lise Campion. Madame la secrétaire d'État, alors que nous avons célébré la journée de la femme voilà tout juste une semaine, je souhaite attirer votre attention sur la protection des professionnels de santé qui s’engagent en faveur de la lutte contre les violences conjugales.
Un cas de figure récent, celui d’une sage-femme traduite devant la chambre disciplinaire du Conseil national de l’ordre des sages-femmes, a permis d’identifier quelques faiblesses en la matière. En effet, à la demande d’une patiente, cette sage-femme avait établi un certificat médical attestant les violences subies. Elle a dû comparaître pour ce motif devant la justice ordinale, une plainte ayant été déposée par l’agresseur désigné par la patiente, qui n’était autre que son conjoint, pour violation du secret médical et manquement au code de déontologie. Le conjoint prétendait que, comme il était géniteur de l’enfant à naître, l’intéressée était tout autant tenue au respect du secret professionnel à son égard qu’à celui de sa compagne.
Une proposition de loi tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé, définitivement adoptée par le Parlement le 22 octobre 2015, a contribué à apporter des réponses. En effet, grâce à ce texte, le code pénal dispose désormais que les professionnels de santé ne peuvent pas voir leur responsabilité pénale, civile ou disciplinaire engagée en cas de signalement, sauf si leur mauvaise foi est avérée, y compris en cas d’atteintes sur « une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ».
Pourtant, une difficulté demeure dans le domaine disciplinaire. Contrairement à ce qui se produit en matière pénale en vertu de l’article 40-1 du code de procédure pénale, les conseils de l’ordre ne peuvent pas juger de l’opportunité des poursuites. En effet, l’action disciplinaire contre un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme, régie par les articles R. 4126-1 et suivants du code de la santé publique, ne leur offre pas cette faculté. Les ordres professionnels sont donc tenus de transmettre chaque plainte à la chambre disciplinaire régionale, puis à la chambre nationale. Ne pouvant débouter les plaignants, ils entraînent systématiquement les professionnels visés dans une longue procédure, quand bien même la loi les met désormais à l’abri de toute sanction.
Je souhaite savoir quelles mesures sont envisagées pour remédier à de telles situations, qui constituent un frein supplémentaire au signalement des violences conjugales.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Madame la sénatrice, vous avez raison d’attirer l’attention du Gouvernement sur l’enjeu que représente la protection des professionnels de santé signalant des situations de violence. Protéger ces professionnels, c’est aussi protéger les femmes victimes de violences.
Les professionnels de santé ont un rôle primordial à jouer dans la lutte contre les violences faites aux femmes, car, vous le savez, le système de santé constitue souvent le premier recours pour les femmes victimes de violences. En France, un quart de ces femmes font appel à un médecin en premier recours, alors qu’une sur cinq seulement se rend au commissariat de police ou à la gendarmerie.
La loi du 5 novembre 2015 tendant à clarifier la procédure de signalement de situations de maltraitance par les professionnels de santé vise à favoriser les signalements pour la protection des plus vulnérables. Or les médecins, tout comme beaucoup d’autres professionnels de santé, ignorent encore les dispositions qui existent pour lutter contre les maltraitances. Il est donc indispensable de continuer à les informer. C’est précisément l’objectif du Conseil national de l’ordre des médecins lorsqu’il met à disposition des outils faciles d’accès et d’utilisation sur son site internet.
Ainsi, le médecin qui rédige un certificat médical conforme au modèle validé avec le Conseil de l’ordre des médecins, d’une part, et le Conseil de l’ordre des sages-femmes, d’autre part, n’encourent aucune sanction disciplinaire.
Afin de pouvoir renseigner ce certificat médical ou cette attestation le plus complètement possible, il est très important que, lors de chaque entretien, les faits constatés soient clairement et précisément mentionnés dans le dossier de suivi. Il faut également respecter les règles prescrites par les organes et les instances professionnels dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur. Ces certificats médicaux facilitent l’accompagnement des victimes dans leurs démarches. Sans eux, les victimes ne pourront ni demander à la justice de prononcer des mesures de protection ni engager des poursuites contre leur agresseur.
Par ailleurs, le rôle des professionnels de santé est très bien identifié dans le quatrième plan interministériel de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes pour la période 2014-2016, qui a fait de la consolidation de la réponse du système de santé une nouvelle priorité de la politique de lutte contre les violences.
Désormais, les urgences seront dotées de référents « violence » : chaque service d’urgence a pour instruction de désigner un référent « violences faites aux femmes ». Ces référents seront prochainement réunis et outillés pour prendre en charge les femmes victimes de violences.
Enfin, la formation des professionnels de santé a été complétée. La prise en charge des victimes de violences a été intégrée à la formation initiale des médecins et des sages-femmes. En outre, deux kits de formation continue, « Anna » et « Élisa », produits par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, la MIPROF, sont dorénavant accessibles sur le site www.stop-violences-femmes.gouv.fr.
Vous le voyez, le Gouvernement est pleinement mobilisé dans la lutte contre les violences faites aux femmes : il n’est pas acceptable qu’en France, de telles violences et un tel niveau de sexisme puissent encore être d’actualité en 2016 ! Ces violences sont le symptôme d’une société encore trop inégalitaire entre les femmes et les hommes. Elles constituent des atteintes à nos valeurs fondamentales.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Madame la secrétaire d’État, je voudrais vous remercier de votre réponse à cette question importante.
Nous savons bien tout ce que le Gouvernement réalise en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes et de la lutte contre les violences conjugales. Merci d’avoir rappelé les actions à l’ordre du jour !
Toutefois, les professionnels de santé qui auront notamment disposé des formations que vous avez évoquées voilà un instant doivent bénéficier des conditions leur permettant de jouer pleinement leur rôle, auquel vous avez à juste titre fait référence. Je dirais qu’il s’agit d’un rôle de « lanceurs d’alerte ».
J’insiste sur le fait que, en l’état actuel de son fonctionnement, la justice ordinale ne peut pas décider de l’opportunité des poursuites. Cela signifie que les conditions ne sont pas réunies.
On dit parfois que le diable se niche dans les détails. Aussi, je pense qu’il nous faudrait corriger ce qui pourrait être considéré comme un verrou perpétuel en matière de lutte contre les violences conjugales. Je sais que le Gouvernement y sera attentif !
projet de fermeture du centre de formation de l'office national des forêts de velaine-en-haye
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, auteur de la question n° 1303, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, après plus d’un an d’âpres négociations, vous venez de signer la semaine dernière le contrat d’objectifs et de performance, ou COP, entre l’État, l’Office national des forêts, l’ONF, et la Fédération nationale des communes forestières pour la période 2016-2020.
Fort heureusement, aucune contribution financière supplémentaire n’a finalement été demandée aux communes forestières. C’est une étape importante qui vient donc d’être franchie. Néanmoins, après avoir soutenu leur mobilisation, je comprends aujourd’hui parfaitement la vigilance dont elles font preuve.
En effet, nous connaissons tous la situation financière délicate de l’ONF. Nous sommes attachés au fait qu’il exerce ses missions de service public en faveur de la préservation de la biodiversité, de l’adaptation au changement climatique, mais aussi de la sylviculture et de l’approvisionnement de la filière. Encore faut-il lui en donner les moyens !
Dans les cinq ans à venir, 2 500 personnes, soit près du quart du personnel de l’office, partiront à la retraite. Or, dans le même temps, on nous annonce une progression des effectifs. C’est dire à quel point le besoin en matière de formation sera important !
Pourtant, au mois de septembre dernier, nous avons appris par voie de presse que l’ONF avait décidé de « déraciner » sa formation en fermant le centre national de formation des techniciens forestiers de Velaine-en-Haye en Meurthe-et-Moselle ! Quelle manière cavalière de procéder pour un opérateur de l’État ! Cette méthode a d’ailleurs eu des effets désastreux, puisque le site a été occupé par les personnels pendant plus de vingt-trois jours consécutifs !
Une mission a depuis – et enfin ! – été diligentée pour définir des scenarii crédibles d’évolution du pôle de Velaine-en-Haye à partir d’un diagnostic du site et d’une analyse des besoins en formation.
Dans ce contexte, les élus locaux souhaitent que l’on trouve une solution préservant l’emploi local et faisant honneur à la longue tradition forestière de Nancy. C’est en effet à Nancy qu’est née, en 1824, l’École nationale des eaux et forêts, devenue l’École nationale du génie rural, des eaux et des forêts, l’ENGREF, composante de l'Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement, dit « AgroParisTech ». Aujourd’hui, la ville de Nancy dispose également d’un centre de l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, qui est de toute première catégorie et dont l’activité s’exerce en lien avec l’université de Lorraine, un réseau d’enseignement et de recherche unique en France !
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, je souhaite savoir quelles garanties vous entendez offrir s’agissant du devenir du centre national de formation des techniciens forestiers, la prise en compte de son personnel et le nécessaire rapprochement de celui-ci avec l’écosystème local d’excellence en matière de recherche et de développement.