M. Jean-François Rapin. Je m’efforcerai plutôt d’apporter un peu de valeur ajoutée en tant que nouveau sénateur.
En participant aujourd'hui à l’examen de ces deux textes, je mesure combien il convient de faire preuve d’humilité face à la loi lorsqu’on la vote, le diable se cachant dans les détails. C’est exactement ce que prouvent nos discussions de ce soir puisque nous réévaluons un dispositif défini en mai 2013, qui avait abaissé le seuil de la proportionnelle.
En tant que nouveau sénateur, ne suis-je pas la meilleure personne pour aborder cette question ? Ne suis-je pas la preuve par l’exemple ? Il y a quelques mois, après les élections régionales, Mme Bouchart a dû démissionner de son mandat de sénatrice. J’étais alors maire d’une commune de 3 200 habitants, élu largement et tranquillement puisqu’il n’y avait qu’une liste. Étant dans l’incapacité de démissionner, pour des raisons politiques que vous connaissez, de mon mandat de conseiller régional, j’ai dû faire le choix de renoncer à mon mandat de conseiller municipal.
J’ai suggéré à Jean-Noël Cardoux au moment du dépôt de sa proposition de loi d’étendre le dispositif à la vacance due à d’autres causes que le décès. En effet, à la suite de ma démission, ma petite commune va organiser dimanche prochain des élections pour réélire une équipe municipale qu’elle a mise en place il y a deux ans ! Mesdames les sénatrices, j’ai le plaisir de vous annoncer que c’est une femme qui me succédera à la mairie. (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, la population éprouve une réelle incompréhension face à la situation. Elle s’interroge : à quoi pensait le législateur lorsqu’il a décidé de baisser le seuil sans imaginer qu’une situation incongrue pourrait se créer ?
À mon sens, le législateur n’a pas envisagé cette difficulté et n’a surtout pas appréhendé le fait démocratique que cela allait engendrer. Il n’a notamment pas prévu la diminution de l’implication de la population. Il s’agit peut-être d’une question d’adaptation, comme je l’ai entendu dire. Il faudra probablement encore quelques années pour que l’électorat s’adapte à ce mode de scrutin. Quoi qu’il en soit, tout cela est fort regrettable pour la démocratie dans nos communes.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-François Rapin. Bien évidemment, je voterai des deux mains la proposition de loi présentée par Jean-Noël Cardoux. N’ai-je pas fait mes premiers pas au Sénat en appelant de mes vœux une telle loi ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme Jacqueline Gourault. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, une telle unanimité est bien rare.
Lorsque nous avons institué la proportionnelle dans les communes de plus de 1 000 habitants, nous pensions que cette disposition permettrait une représentation plus large de tous les courants de pensée.
M. Charles Revet. C’est l’inverse qui s’est produit !
M. Alain Néri. En cette journée consacrée aux droits des femmes, je rappelle que cela nous avait également paru une belle occasion d’imposer la parité.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Alain Néri. Nous avons pu instaurer la parité dans nos communes, parfois avec quelques difficultés : parce qu’elles sont sérieuses et responsables, un certain nombre de femmes intéressées par la vie municipale y ont renoncé craignant de ne pouvoir assumer leurs responsabilités en raison de leurs obligations familiales et professionnelles. C’est ainsi que 41 % des communes se sont retrouvées avec une seule liste de candidats, certains ayant été dans l’impossibilité de présenter une liste.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Alain Néri. Nous pensions que les choses se passeraient simplement. Or, dans un certain nombre de cas, notamment lorsque le maire était conduit à démissionner pour des raisons professionnelles qui l’obligeaient à quitter sa région, par exemple parce qu’il avait perdu son emploi, ou pour des raisons familiales qui l’éloignaient de sa commune, ou encore en cas de décès, nous avons été confrontés au problème suivant : alors que nous pensions que l’élection partielle ne concernerait qu’une seule personne, celle qui ne siégeait plus au conseil municipal, nous avons constaté que, lorsqu’il n’y avait qu’une liste,…
M. Charles Revet. Il fallait tout refaire !
M. Alain Néri. … celle-ci n’étant plus complète, et donc le conseil municipal n’étant plus au complet, on ne pouvait pas procéder à l’élection du nouveau maire. Nous nous retrouvions donc obligés, dans ces conditions, de procéder à une élection non pas partielle, mais totale de la liste.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Alain Néri. Or cela pose quelques difficultés en termes de stabilité.
C’est donc unanimement que nous vous demandons, madame la secrétaire d’État, de prendre avec nous une mesure de simplicité. Nous devons d’ailleurs rendre hommage à nos collègues qui ont déposé cette proposition de loi.
Ce texte, plus simple à appliquer, sera une loi de bon sens. Nous le voterons, car il permettra d’assurer une continuité municipale. Ensemble, nous pourrons ainsi faire en sorte que la République continue à vivre dans nos communes ! (Applaudissements.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à augmenter de deux candidats remplaçants la liste des candidats au conseil municipal
Article additionnel avant l'article unique
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Masson, n’est pas soutenu.
Article unique
L’article L. 260 du code électoral est ainsi modifié :
1° Les mots : « , avec dépôt de listes comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir » sont supprimés ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La liste de candidats au conseil municipal comporte un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir, augmenté de deux candidats supplémentaires. »
M. le président. Je mets aux voix l’article unique.
(L'article unique est adopté.)
Articles additionnels après l'article unique
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Grand et D. Laurent, est ainsi libellé :
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au II de l’article L. 237-1 du code électoral, les mots : « ou de ses communes membres » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je défendrai, en même temps que l’amendement n° 3 rectifié, l’amendement de repli n° 4 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 4 rectifié, également présenté par MM. Grand et D. Laurent, et ainsi libellé :
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 239 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, tout élu ayant été amené à démissionner de son mandat de conseiller communautaire à la suite de l'un des cas d’incompatibilité prévus au II de l’article L. 237-1 qui ne se trouve plus dans la situation d’incompatibilité ayant conduit à cette démission, durant le temps d’exercice du mandat pour lequel il a démissionné, retrouve automatiquement son mandat de conseiller communautaire. L’élu concerné doit manifester son souhait de retrouver son mandat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au président de l’établissement public de coopération intercommunale. La personne l’ayant remplacé dans ses fonctions de conseiller communautaire est considérée démissionnaire d’office. »
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Grand. La loi du 17 mai 2013 interdit à tous les salariés d’une commune membre d’un EPCI d’exercer le mandat de conseiller communautaire de ce même EPCI.
Or seules les personnes exerçant de hautes fonctions au sein d’un EPCI sont inéligibles en tant que conseiller municipal dans les communes situées dans le ressort où elles exercent leurs fonctions. Il existe donc une flagrante inégalité de traitement. Une telle interdiction est parfaitement disproportionnée et ne peut être justifiée par des motifs de protection de la liberté de choix de l’électeur, d’indépendance de l’élu ou par la prévention des risques de confusion ou de conflit d’intérêt.
Il convient de tirer les conséquences du renouvellement général des conseils municipaux intervenu au mois de mars 2014, qui a révélé les incohérences de cette disposition. La volonté d’une nouvelle rationalisation de la carte intercommunale inscrite dans la loi NOTRe va inévitablement créer de nouvelles situations d’incompatibilité.
En effet, les intercommunalités étant de plus en plus vastes, les cas d’incompatibilité sont également de plus en plus nombreux. Certains auront donc des difficultés à faire des choix.
Je suis conscient du faible lien – pas si faible que cela, au demeurant ! – entre mes amendements et l’objet du texte dont nous débattons, mais ce sujet est important, et nombreux sont ceux qui attendent une réponse de la Haute Assemblée.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de supprimer l’incompatibilité entre le mandat de conseiller communautaire et l’exercice d’un emploi salarié dans l’une des communes membres de l’EPCI – c’est l’objet de l’amendement n° 3 rectifié – ou de permettre à un élu ayant été amené à démissionner de son mandat de conseiller communautaire de retrouver mécaniquement sa fonction dans l’intercommunalité, dès lors que l’incompatibilité cesse. Cette possibilité est ouverte par le biais de l’amendement n° 4 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. En tant que rapporteur, je dois d’abord vous dire que la commission est défavorable à l’amendement n° 3 rectifié et en a souhaité le retrait, en le jugeant certes assez pertinent sur le fond, mais en considérant qu’il avait un rapport trop indirect avec le texte. On ne peut cependant pas le qualifier de « cavalier » puisqu’il traite du code électoral, duquel relèvent les incompatibilités.
Mais, cette fois à titre personnel, et en appelant à la mansuétude le président de la commission des lois, je m’exprimerai en toute liberté et sincérité. Je suis assez favorable à l’amendement n° 3 rectifié et me range à l’argumentation de son auteur.
On assiste en effet à des situations assez paradoxales, les conseils de communautés étant parfois privés des compétences véritables de fonctionnaires territoriaux qui sont, par ailleurs, maires ou adjoints au maire. Or le problème se posera avec plus d’acuité encore avec l’extension du périmètre des intercommunalités.
Nous nous étions dit en commission, peut-être un peu hâtivement, que nous allions prochainement examiner une proposition de loi de M. Mézard relative à l’intercommunalité et aux schémas départementaux de coopération intercommunale, et qu’il serait plus pertinent de traiter de ce sujet à ce moment-là. Or il sera alors question des dispositions du code général des collectivités territoriales et du code de l’urbanisme, alors que nous traitons aujourd’hui du code électoral.
Même si la commission a demandé le retrait de cet amendement, j’émets quant à moi un avis plutôt favorable. Il serait en effet encore plus risqué de reporter l’examen de cette disposition en attendant la proposition de loi que présentera ultérieurement le président Mézard.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Je partage l’avis de la commission.
Il est important, pour la transparence de la vie démocratique, de préciser quel est le régime des incompatibilités, afin d’éviter de possibles conflits d’intérêts.
Le régime des incompatibilités a été revisité dans la loi du 17 mai 2013, à la suite de propositions faites par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement n’entend pas remettre cet ouvrage sur le métier.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 3 rectifié ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Grand, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Grand. Oui, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.
M. Jean-Pierre Grand. Je retire l’amendement n° 4 rectifié, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié est retiré.
L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Lemoyne, G. Bailly, Bignon, Bouchet et Buffet, Mme Cayeux, MM. César, Charon, Chasseing, Chatillon, Cigolotti et Cornu, Mmes Debré, Deseyne et Deromedi, MM. Détraigne, B. Fournier et Gabouty, Mme Gatel, M. Grand, Mme Gruny, MM. Guené et Houel, Mmes Hummel et Imbert, M. Joyandet, Mme Keller, MM. Kennel, Laménie, Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, Legendre, Longuet, Mandelli, Marseille, Masclet et Médevielle, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Pellevat, Perrin et Pointereau, Mme Primas, MM. de Raincourt, Raison, Rapin et Tandonnet, Mme Troendlé et MM. Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Après l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l’article L. 2123-23 du code général des collectivités territoriales, les mots : « dans les communes de 1 000 habitants et plus, » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de la précédente proposition de loi ; je serai donc bref, tout en précisant quelques éléments complémentaires.
On l’a dit, les maires sont clairement les piliers de la République dans les territoires : ils peuvent être requis à tout moment pour toutes sortes d’affaires. S’ils touchent des indemnités correctes, ce n’est donc pas volé.
La loi du 31 mars 2015 a pu avoir des effets conduisant certains maires à demander un nouvel assouplissement en vue de moduler leur indemnité.
J’estime qu’il faut absolument s’en tenir au principe du taux maximal et d’une modulation qui s’opère uniquement à la demande du maire. Tel est l’objet de cet amendement d’appel, car tout un travail va s’engager sur ce sujet.
Ce travail est nécessaire car, lorsqu’on lit le code général des collectivités territoriales, on s’aperçoit que certaines de ses dispositions mériteraient d’être toilettées. Pour mémoire, je précise que l’article L. 2123-17 de ce code prévoit que « les fonctions de maire, d’adjoint et de conseiller municipal sont gratuites ». La réalité est un peu différente, et c’est bien normal !
Je verserai deux éléments au débat.
Quid des maires des communes de moins de 1 000 habitants qui souhaitent moduler leur indemnité, compte tenu de l’entrée en vigueur de la disposition au 1er janvier 2016 ? Pour l’instant, c’est un peu le système D. Certains maires ont ainsi fait valoir qu’ils allaient faire des dons…
On risque d’aboutir au paradoxe suivant : ces maires seront assujettis à des cotisations et des contributions sociales, pour la commune et pour eux-mêmes, dès lors qu’ils franchissent le seuil des 1 609 euros. Cela pourra aussi arriver lorsqu’un maire est vice-président d’une communauté de communes et que l’établissement au taux plein de l’indemnité de maire lui fait franchir ce seuil.
Il conviendrait sans doute de procéder à des ajustements, afin d’éviter des dépenses supplémentaires, pour les communes comme pour les élus.
Par ailleurs, il faudrait peut-être revoir le dispositif de la dotation d’élu rural, qui est déterminée chaque année en fonction de la population totale et du potentiel financier. Or toutes les communes sont potentiellement concernées par les augmentations d’indemnités au titre de la loi de mars 2015.
Sans doute est-ce un point qu’il faudrait creuser. En effet, si des maires sont conduits à prendre des décisions de modulation, c’est aussi avec le souci du budget de leur commune. Un chantier pourrait donc être lancé pour adapter la dotation à l’élu rural, afin que celle-ci soit plus conforme à la réalité des augmentations prévues par la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Je ne serai pas aussi disert que précédemment sur ce sujet, car nous avons déjà eu un débat très approfondi.
Les points de vue sont très partagés, c’est le moins que l’on puisse dire. Il nous faut donc mesurer l’impact et les conséquences sur chaque commune et sur chaque situation des dispositions que nous allons adopter.
Il ne serait pas sage de prendre cette décision à la faveur d’un amendement sur un texte ayant un autre objet. Il conviendrait donc que nous poursuivions nos réflexions, notamment au sein de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et de notre commission des lois, avant la fin du mandat. Le problème peut aussi se poser pour les autres élus.
La commission, qui ne présente pas d’objection sur le fond, demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Dans la continuité des propos de M. le rapporteur, sauf effet de séance sur l’amendement présenté, je rappelle que le débat a déjà eu lieu, aujourd’hui, sous l’autorité de Jean-Michel Baylet, et j’en approuve les termes.
Je constate que cette initiative parlementaire avait été, à l’époque, jugée bienvenue et unanimement soutenue par les membres des deux assemblées. Elle suscite désormais des interrogations dans les territoires.
Il faut traiter ce sujet très sérieux avec beaucoup de considération et de prudence.
Je crois savoir, monsieur Lemoyne, que vous avez déposé une proposition de loi en ce sens. Son examen, si toutefois le Sénat décide de l’inscrire à son ordre du jour, sera l’occasion d’examiner cette question de manière approfondie. Il se trouve en effet que les interrogations se font aujourd’hui plus nombreuses que lors de l’adoption du texte initial, à l’unanimité des parlementaires, je le répète.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Lemoyne, l’amendement n° 2 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je vais retirer mon amendement, au bénéfice d’un travail approfondi suivant les pistes évoquées, notamment celle de la dotation aux élus ruraux.
Mais nous ne pouvions pas ne pas évoquer ce sujet au sein de notre assemblée, car nous sommes saisis de ces interrogations. Or la mise en œuvre de certaines dispositions soulève des questions portant sur des points très précis, et l’on observe, notamment, des effets de bord et des effets de seuil.
Pour l’heure, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 5, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Jusqu’au renouvellement général du conseil municipal suivant la promulgation de la présente loi, dans les communes de 1 000 habitants et plus, par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales, lorsqu’il y a lieu de procéder à l’élection du maire, le conseil municipal est réputé complet si les vacances en son sein sont inférieures au dixième de son effectif légal.
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Je félicite, à mon tour, Jean-Noël Cardoux pour sa proposition de loi tout à fait bienvenue.
Jean-François Rapin a bien montré, en évoquant son expérience personnelle, quelle situation pouvait découler de l’instauration des listes bloquées dans les communes de plus de 1 000 habitants et de l’obligation d’organiser une élection générale lorsque, pour une raison ou une autre, le conseil municipal n’est pas au complet pour élire le maire.
Je suggère, au travers de mon amendement, que l’on mette en place un dispositif transitoire, car cette proposition de loi, que je salue, ne pourra s’appliquer que lorsque des élections municipales auront lieu.
Ce dispositif transitoire vise à ce que l’on considère comme complet le conseil municipal, dès lors qu’il a perdu moins du dixième de ses effectifs. Cela permettra, lorsqu’un nombre limité de membres du conseil vient à manquer, de procéder à l’élection du maire sans pour autant organiser une élection générale.
M. André Reichardt. Parfait !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Grosdidier, rapporteur. Cet amendement très pertinent a recueilli l’avis favorable de la commission.
Nous avons souhaité étendre le bénéfice de cette proposition de loi aux cas de remplacement notamment pour cause de démission en raison d’un cumul des mandats.
Si cet amendement n’est pas adopté, nous aurons, avant la fin du mandat municipal en 2017, une multiplication d’élections à organiser – en pleine crise des finances publiques, ce serait totalement incongru ! – en raison non pas d’une épidémie mortelle prévue chez les maires (Sourires.), mais de l’application de la loi sur l’incompatibilité entre le mandat parlementaire et l’exécutif territorial.
Le pourcentage retenu de 10 % est pertinent, puisqu’il correspond, arrondi à l’entier inférieur, aux deux sièges qui font l’objet de la présente proposition de loi.
L’avis de la commission est donc totalement favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement (Exclamations.) – mesdames, messieurs les sénateurs, j’en suis la première navrée, mais on ne peut pas toujours être d’accord !
Tout d’abord, les situations que cherche à régler cet amendement sont trop limitées pour devoir faire l’objet d’une loi. Ainsi, l’instauration du scrutin de liste pour les communes de 1 000 habitants et plus n’a pas conduit à augmenter substantiellement le nombre d’élections municipales anticipées.
Par ailleurs, à compter de l’entrée en vigueur de la loi organique du 14 février 2014 interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, si le maire est élu député ou sénateur, il restera conseiller municipal. Le conseil sera donc au complet, sauf à imaginer des manœuvres, peu probables, de démission massive de l’opposition visant à provoquer une nouvelle élection partielle intégrale.
En outre, cet amendement se justifie d’autant moins que la présente proposition de loi vise précisément à augmenter les listes de candidats au conseil municipal de deux personnes dans les communes de 1 000 habitants et plus, ce qui devrait limiter les situations rendant l’organisation d’élections partielles nécessaire dans ces communes.
J’ajoute que, sur un plan formel, les services indiquent que la rédaction de cet amendement est perfectible en ce qu’il ne vise que l’alinéa 8 de l’article L. 2122 du code général des collectivités territoriales, alors qu’il devrait également viser le deuxième alinéa de l’article L. 270 du code électoral, voire modifier cette dernière disposition. (M. Charles Revet s’exclame.)
Enfin, l’entrée en vigueur de la disposition telle que rédigée paraît en contradiction avec les objectifs énoncés puisque, à la lecture du texte proposé, il ressort que ces dispositions s’appliquent jusqu’au renouvellement général du conseil municipal suivant la promulgation de la présente loi.
Ces dispositions cesseraient donc de s’appliquer à compter de 2020 alors même que l’objet de l’amendement dispose que ce dispositif n’entrera en vigueur qu’après le renouvellement général des conseils municipaux en 2020.
Telles sont les raisons motivées pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Je voudrais remercier la commission des lois pour son avis favorable et m’étonner de l’avis défavorable du Gouvernement.
Madame la secrétaire d'État, si je vous ai bien comprise, vous estimez que l’application du dispositif actuel n’a pas provoqué davantage d’élections générales. Pourtant, nous avons tous cité, durant ce débat, des exemples pris dans nos départements respectifs, notamment M. Rapin et Mme Gourault. À mon tour, je peux vous indiquer que, dans mon département de l’Eure, qui n’est pas très loin du vôtre, nous avons eu le cas d’un maire qui est décédé : il a fallu procéder à une élection générale.
Dire que cela n’a pas provoqué plus d’élections est donc une erreur manifeste d’appréciation.
Ensuite, j’ai l’impression que vous n’avez pas bien appréhendé le dispositif que je propose. Vous avez indiqué qu’il n’était pas utile, la proposition de loi prévoyant déjà deux candidats supplémentaires. Mais c’est justement en attendant que ce dispositif soit mis en place, et donc d’ici à la tenue de nouvelles élections municipales, que je propose cette mesure !
D’ici là, pour éviter des élections générales, je souhaite que l’on considère le conseil complet dès lors qu’il manque « simplement » moins d’un dixième de ses membres.
Je le redis, votre avis défavorable est certainement fondé sur le fait que ma proposition n’a pas été totalement comprise.
Quant à la rédaction de mon amendement, elle est évidemment perfectible et je suis bien sûr tout à fait prêt à la corriger immédiatement sur vos conseils. Je n’ai pas de susceptibilité d’auteur, je cherche juste l’efficacité ! (Applaudissements.)
M. André Reichardt. Très bien !
M. Charles Revet. L’amendement est-il corrigé ?
M. André Reichardt. Il le sera à l’occasion de la navette.
M. Alain Néri. Tout à fait !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique. (M. André Reichardt applaudit.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je veux simplement dire que cette proposition de loi est pertinente et bienvenue. Nous allons la voter avec enthousiasme.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à augmenter de deux candidats remplaçants la liste des candidats au conseil municipal.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité des présents.
M. Alain Néri. C'est le bon sens sénatorial !