M. Jean-Michel Baylet, ministre. Notre pays compte toujours autant de communes que toute l’Union européenne réunie, malgré tout !
Au total, ces communes nouvelles regroupent plus de 1 million d’habitants, et 80 % d’entre elles sont issues de la fusion de quatre communes ou moins.
Le Gouvernement est déterminé à accompagner ce mouvement de renforcement du maillage communal – qui s’apparente à un véritable engouement. Il a donc décidé de prolonger les dispositifs d’incitation financière jusqu’au 30 juin 2016, ce qui devrait permettre d’accroître encore la dynamique engagée.
D’autres mesures d’amélioration peuvent encore être examinées. C’est ce qui nous réunit aujourd’hui.
Comme vous le savez, et comme cela vient d’être rappelé, le régime de la commune nouvelle reprend et modernise le régime prévu par la loi Marcellin, en le rendant plus attractif, et peut-être aussi plus moderne.
Au total, 943 communes ont ainsi été créées, pour l’essentiel dans les quelques années qui ont suivi la publication de cette loi, le 16 juillet 1971.
Celle-ci prévoyait, en outre, la possibilité de créer une commune associée, reprenant le périmètre et le nom des anciennes communes qui n’accueillaient pas le chef-lieu de l’entité fusionnée.
Dans les années soixante-dix, le nombre de communes associées a dépassé le millier. Ce chiffre est aujourd’hui redescendu à 651, du fait de certaines « défusions », donc de mariages malheureux, et de transformations en fusion simple – il s’agit là des mariages heureux.
On retrouve ces communes associées sur tout le territoire national, avec – c’est vrai – une concentration plus forte dans l’est de la France, notamment dans la Meuse, la Haute-Marne, la Moselle ou le Bas-Rhin.
Or, si la loi du 16 mars 2015 prévoit effectivement la création de communes déléguées au sein de communes nouvelles, elle ne prévoit en revanche pas le maintien des communes associées sous le régime de la loi Marcellin.
La création d’une commune nouvelle entraîne par conséquent la disparition automatique et de plein droit des communes associées.
Ce point a certes fait l’objet de divergences d’interprétation, en particulier avec l’Association des maires de France.
Cependant mes services sont clairs : il n’est pas possible, dans le cadre de la législation actuelle, de maintenir des communes associées lors de la création d’une commune nouvelle.
La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui vise précisément à modifier ce point de droit.
Ce texte prévoit, dans son article 1er, de permettre au conseil municipal d’une commune fusionnée de demander la création de communes déléguées, en lieu et place de ses communes associées, ainsi que la création d’une commune déléguée reprenant le nom et le périmètre de l’ancienne commune qui accueillait son chef-lieu.
Ses auteurs, dont M. Bruno Sido – qui, dans son département, connaît bien cette problématique, comme vient de le monter son intervention –, affirment que l’impossibilité de faire subsister les communes associées « loi Marcellin » dans les communes nouvelles constituerait un obstacle à la création de ces dernières.
Si cet article 1er ne pose pas en lui-même de difficultés en droit, la logique qui a présidé à sa rédaction peut être interrogée.
Le fait de privilégier le maintien des anciennes communes associées sous le régime de la loi Marcellin dans le cadre de la création d’une commune nouvelle pourrait en effet revenir à nier plusieurs décennies d’histoire récente, au cours desquelles une identité partagée a pu se mettre en place au sein de la commune fusionnée.
Pour autant, le Gouvernement est à l’écoute des élus de terrain.
Selon l’auteur de la présente proposition de loi, le maintien des communes associées sous la forme de communes déléguées permettrait de renforcer l’attractivité du dispositif de la commune nouvelle, et ce alors qu’elles sont les plus coutumières des démarches de fusion et souvent désireuses de bénéficier d’un cadre juridique rénové.
De plus, votre commission a d’ores et déjà apporté des clarifications utiles à l’article 1er. Je pense en particulier aux trois amendements adoptés sur l’initiative de votre rapporteur, M. Grosdidier, que je tiens d’ailleurs à remercier du travail effectué. Ces amendements visent à en préciser la rédaction et à en tirer les conséquences, notamment en cas d’extension du périmètre d’une commune nouvelle.
L’article 2, introduit à travers un amendement adopté par la commission des lois, pointe une réelle difficulté quant à la désignation des délégués sénatoriaux. Je pense que l’on y sera sensible dans cet hémicycle ! (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Très ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Michel Baylet, ministre. L’article vise en effet à modifier le nombre de délégués des communes nouvelles, pendant une période transitoire, afin de tenir compte de l’augmentation du nombre de leurs conseillers municipaux.
Néanmoins, si le Gouvernement partage l’esprit de l’article 2, il vous présentera un amendement visant à en proposer une nouvelle rédaction, qui nous semblait nécessaire pour apporter plusieurs clarifications et précisions. J’aurai l’occasion d’y revenir plus précisément tout à l’heure, lors de la discussion des articles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, encore une fois, la commune est un échelon pertinent, un point de repère ; c’est celui auquel l’ensemble de nos concitoyens s’identifie. C’est à ce niveau que sont résolus les problèmes du quotidien.
Voilà autant de raisons qui nous conduisent à vouloir préserver les communes et conserver cette spécificité bien française !
Pour ce faire, il nous faut également répondre à certaines difficultés liées en grande partie à leur « émiettement ».
En effet, une telle dispersion ne permet pas à toutes les communes de faire face aux obligations qui sont les leurs ni de développer les projets et les services publics nécessaires à la population locale.
De plus, les mutations de nos territoires appellent une action publique repensée et, sans aucun doute, pour les communes, des rapprochements.
Dans ces conditions, si la procédure de fusion n’offre pas encore toutes les facilités ou tous les leviers pour que les élus locaux s’en saisissent pleinement, malgré les avancées considérables de la loi de 2015, il peut être opportun d’apporter ici ou là les aménagements nécessaires, tout en respectant évidemment le cadre général fixé par les textes récemment votés.
Par conséquent, si vous estimez qu’une évolution législative sur la question des communes associées est de nature à apporter cette souplesse et à encourager la création des communes nouvelles, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse bien connue de votre Haute Assemblée ; c’est ici que nous trouvons les meilleurs spécialistes et les vrais représentants des territoires et des collectivités locales ! (Exclamations amusées sur plusieurs travées.)
Simplement, nous conditionnons cela à l’adoption de notre proposition de modification de l’article 2 concernant les délégués sénatoriaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. Pierre-Yves Collombat. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi concerne à la fois les communes nouvelles et les communes associées.
Pour ma part, je suis très sceptique sur les communes nouvelles, non pas que le dispositif soit mauvais dans l’absolu, mais parce que – il faut bien le dire – le processus actuellement engagé conduit à la disparition des communes.
M. Pierre-Yves Collombat. Tout à fait !
M. Jean Louis Masson. Cela n’a aucun sens de créer des communes nouvelles trois ou quatre ans avant de tuer complètement les communes, sauf à vouloir sauver les apparences en prétendant défendre ces dernières tout en soutenant la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe », la baisse de la dotation globale de fonctionnement ou d’autres mesures de la sorte…
La proposition de loi pourrait donc avoir un intérêt si les communes n’étaient pas confrontées à une telle menace. Mais, au vu du peu d’illusions que l’on peut avoir quant à leur avenir, ce texte n’est pas une priorité.
Le cas des communes associées est pire encore. Ce sont des structures intéressantes. Je devrais plutôt dire : « C’étaient des structures intéressantes » ! Car on a tué tout leur intérêt en 2013, quand on a supprimé le principe du sectionnement électoral.
Concrètement, aujourd'hui, les personnes censées représenter la commune associée sont élues par l’ensemble de la commune. Et, du fait de la suppression du sectionnement électoral, il est de plus en plus fréquent que les conseillers théoriques, voire le maire de la commune associée habitent dans la commune-centre !
M. Bruno Sido. Exact !
M. Jean Louis Masson. Le système n’a donc plus aucun sens.
En 2013, lors de la suppression du sectionnement électoral, nous n’étions qu’une poignée à nous battre pour que l’institution de la commune associée conserve un sens !
En Moselle, où il y a un nombre important de communes associées, la situation a complètement changé !
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean Louis Masson. J’ai quasiment terminé : trente secondes, monsieur le président.
M. le président. Non, cinq !
M. Jean Louis Masson. Lorsque la commune-centre veut bien mettre des habitants de la commune associée sur la liste des candidats, les apparences sont encore sauves ! Mais, dans bien des cas, les communes associées n’ont même plus de véritable représentant.
Par conséquent, je m’abstiendrai sur la présente proposition de loi.
M. Bruno Sido. C’est déjà ça…
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’initiative des nombreux signataires de cette proposition de loi, initialement réduite à un article unique, ne peut qu’être saluée… à une nuance près : son intitulé risque d’être source de confusion.
En effet, il pourrait laisser entendre qu’il permettrait la cohabitation, au sein d’une commune nouvelle, des communes déléguées de la loi du 16 mars 2015 créant les communes nouvelles et des communes associées issues de la loi du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, dite « loi Marcellin ». D’ailleurs, je ne peux pas manquer de saluer ici cette loi, puisqu’elle est à l’origine de la création de l’Association des maires ruraux de France, contre elle. (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Ah oui ! Ça, c’est positif !
M. Pierre-Yves Collombat. Si cela avait été le cas, on aurait ajouté de la complexité à un dispositif d’une transparence déjà toute relative. Fort heureusement, il n’en est rien.
L’objet de la proposition de loi, chacun le sait, est simplement de tenir compte de la longue existence des communes associées et de leur permettre, en cas d’adhésion au projet de création d’une commune nouvelle ou d’adhésion à une commune nouvelle existante, de pouvoir persévérer dans l’être sous la forme de la « commune déléguée » prévue par la loi du 16 mars 2015.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement tendant à rédiger ainsi l’intitulé du texte : « Proposition de loi visant à transformer les communes associées en communes déléguées lors de la création d’une commune nouvelle ».
En revanche, je suis moins enthousiaste s’agissant de l’article 2, nouveau, ajouté par notre commission, même si j’admets volontiers qu’il procède d’une bonne intention : régler la question de la désignation des délégués communaux pour les élections sénatoriales de 2017, alors que les communes nouvelles fonctionneront encore pour la plupart avec les conseils municipaux pléthoriques autorisés par la loi du 16 mars 2015.
La solution proposée ne me satisfait pas ; elle est inutilement compliquée, sans réelle justification et, surtout, injuste vis-à-vis des autres communes. Si on veut faire une commune, on fait une commune !
La complexité, je vous laisse l’apprécier.
Pour le reste, autant l’existence de règles particulières de constitution des conseils des communes nouvelles pour la période séparant leur création de leur renouvellement complet peut se justifier, comme moyen de familiariser les élus aux nouvelles règles de gestion de leur commune flambant neuf, autant l’invention de règles transitoires de désignation des délégués sénatoriaux rompant avec le régime général ne se justifie pas !
Je propose tout simplement d’appliquer aux communes nouvelles, dès leur constitution, et quel que soit le régime sous lequel son conseil municipal a été constitué, les mêmes règles de désignation des délégués sénatoriaux que celles qui s’appliquent aux autres communes, c'est-à-dire les règles fixées par les articles L. 284 et L. 285 du code électoral.
L’argument selon lequel il ne serait pas possible de déterminer directement le nombre de délégués des communes de 9 000 habitants et plus ne me semble pas pertinent.
En effet, connaissant le nombre d’habitants de la commune nouvelle, l’article L. 2121–2 du code général des collectivités territoriales permet de déterminer le nombre de membres d’un conseil municipal théorique pour une commune de même taille, et les articles L. 284 et L. 285 du code électoral celui du nombre de leurs délégués sénatoriaux.
Mon amendement vise donc à remplacer les alinéas 2 à 5 de l’article 2 par un alinéa ainsi rédigé : « Art. L. 290-2. – À compter de la création d’une commune nouvelle, le nombre de ses délégués est égal à celui résultant de l’application conjointe de l’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales fixant le nombre de conseillers municipaux en fonction de la taille des communes et des articles L. 284 et L. 285 du code électoral. La population de référence est celle de la commune nouvelle. »
Outre l’avantage de la simplicité et de la clarté, la règle proposée est plus juste. Une commune, qu’elle soit nouvelle ou ancienne, est une commune. Aucune raison ne justifie qu’en matière d’élection sénatoriale, enjeu qui dépasse largement le cadre communal, elle bénéficie d’un régime privilégié.
Il y a suffisamment à dire sur les avantages financiers, plus ou moins justifiés, consentis aux communes nouvelles, en période de disette, pour ne pas en rajouter. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – MM. Jean-Pierre Sueur, Henri de Raincourt et Yves Détraigne ainsi que Mme Catherine Di Folco applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi, présentée par Bruno Sido, tendant à « permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d’une commune nouvelle » – je reprends la formulation résultant de l’adoption d’un amendement proposé en commission par M. le rapporteur – est tout à fait bienvenue.
Ce texte, modifié en commission, a pour objet de compléter le dispositif proposé par la loi du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.
Je le rappelle, cette loi a permis d’offrir des perspectives intéressantes aux communes souhaitant se regrouper, dans le cadre d’une démarche volontaire, en vue de répondre à un certain nombre de situations fort différentes, selon les cas.
Souvent, dans certains départements, nous assistons au regroupement de très petites communes. Parfois, aussi, des communes se regroupent au sein d’une communauté rurale, se métamorphosant en commune nouvelle lorsqu’il y a transformation de l’intercommunalité. Toujours est-il que c’est toujours sur la base du volontariat que ces communes nouvelles se créent.
Cependant, aucune disposition spécifique précisant le devenir des communes associées en cas de création d’une commune nouvelle n’a été prévue. Ainsi, ces communes associées se retrouveraient, dans le cas de communes nouvelles, de fait « effacées ». La présente proposition de loi permet donc de combler un vide juridique.
Les communes dites « historiques », dans le cas de la création d’une commune nouvelle, deviennent automatiquement des communes déléguées, sauf décisions contraires et concordantes de tous les conseils municipaux avant la création. Il s’agit de procéder de la même manière pour les communes associées.
En cas de création d’une commune nouvelle, il serait donc possible que les communes associées soient transformées en communes déléguées.
Concernant les maires délégués, ils seront en place jusqu’au renouvellement du conseil municipal. Il en ira de même pour les maires des anciennes communes associées.
L’examen de cette proposition de loi en commission a permis d’évoquer également une problématique liée à la détermination du collège électoral sénatorial. Effectivement, un certain nombre de nos collègues s’étaient inquiétés. L’incertitude devait donc être levée au sujet de la détermination du nombre de grands électeurs pour les périodes transitoires qui suivent la mise en place d’une commune nouvelle.
Suivant l’esprit de la loi de mars 2015, afin de lisser au maximum ce qui pourrait constituer un frein à l’émergence d’une commune nouvelle, il est important que les anciennes communes composant la commune nouvelle puissent conserver des délégués sénatoriaux.
Cet article 2, introduit grâce à l’adoption d’un amendement du rapporteur, modifie ainsi le code électoral. Nous avons ce matin, en commission des lois, approuvé un nouvel amendement déposé par le Gouvernement. Ce texte a été sous-amendé par le rapporteur et a fait l’unanimité au sein de notre commission. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Je félicite Bruno Sido ainsi que tous les cosignataires de cette proposition de loi d’avoir présenté un texte répondant à une préoccupation très « terre à terre », si je puis dire, au sujet de l’organisation des collectivités territoriales, en particulier des communes nouvelles.
Ces communes nouvelles, comme vous le savez, se sont multipliées ces derniers temps, grâce aussi peut-être aux incitations mises en place : on dénombre plus de 1 000 communes regroupées au 1er janvier 2016, ce qui fait passer la France sous la barre symbolique des 36 000 communes, pour un chiffre actuel de 35 945 communes.
Aussi, vous l’aurez compris, le groupe UDI-UC votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Pierre Sueur et Jean-Jacques Filleul applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, déposée par notre collègue Bruno Sido, porte la marque d’une volonté politique de certains parlementaires de développer les communes nouvelles en lieu et place de nos communes actuelles.
Ce texte est aussi, sans doute, très empreint de la réalité locale du département que notre collègue Sido représente.
En effet, si actuellement aucun processus de fusion de communes ne semble en cours dans ce territoire, c’est sans doute qu’il était allé loin dans la mise en place des regroupements de communes de la loi Marcellin.
Pour notre part, nous nous sommes en permanence opposés à ce type de regroupement, y compris en 1971.
Nous ne sommes pas par principe opposés à tous regroupements de communes, mais nous considérons que c’est d’abord au citoyen d’en décider par voie référendaire, et non à des élus qui n’ont pas reçu de mandat pour mettre en œuvre de telles fusions.
Nous ne pouvons non plus accepter que, par la règle majoritaire, des communes puissent se voir finalement contraintes à la fusion, y compris parfois contre l’avis de la population.
Le processus de création des communes nouvelles ne répondant pas à cette double exigence démocratique, nous ne soutenons aucun texte tendant à favoriser leur développement.
De plus, par-delà ces questions de principe que nous venons de soulever, il est un argument plus conjoncturel dont il faut également tenir compte.
En effet, chacun le sait, dans la situation actuelle de baisses des dotations, subies par les collectivités territoriales, l’avantage financier accordé aux communes nouvelles est un puissant facteur incitant à ces regroupements. Cet avantage n’est pas étranger au mouvement que nous connaissons actuellement.
Cependant, outre le fait que cet effet d’aubaine n’est que transitoire – il durera deux petites années seulement –, il est aussi un facteur de renforcement des baisses de dotations pour toutes les autres collectivités.
En effet, l’enveloppe des dotations étant fixe, plus il y aura de communes nouvelles et plus la baisse des dotations sera forte pour les autres.
Ainsi, c’est l’État qui incite financièrement les communes à se regrouper, mais ce sont les collectivités territoriales et leurs contribuables qui paient la facture !
Ce traitement inégal est particulièrement injuste et finalement très peu démocratique.
C’est une raison supplémentaire qui fonde notre opposition au renforcement des dispositions tendant à favoriser le développement des communes nouvelles et qui nous conduit donc à rejeter cette proposition de loi.
Quant au texte même de cette proposition de loi, profondément réécrit par notre rapporteur, il constitue un peu une usine à gaz afin de rendre plus attractives ces dispositions.
Ainsi, on permet aux communes fusionnées par la loi Marcellin de 1971 d’intégrer une commune nouvelle, et donc de recevoir des dotations majorées, comme si elles n’avaient jamais fusionné. On les traite comme si les anciennes communes qui les composent étaient encore des collectivités territoriales de plein exercice alors qu’elles en ont perdu le statut depuis plusieurs dizaines d’années. Il s’agit en fait uniquement de leur permettre de profiter de l’aide financière, au détriment des autres collectivités.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas vrai !
M. Christian Favier. Rien ne les obligeant à rejoindre une commune nouvelle, elles ne subissent de fait aucun préjudice particulier. Au contraire, il s’agit à travers cette proposition de loi de leur octroyer un traitement de faveur spécifique leur permettant, par un bricolage institutionnel hors norme, d’obtenir un avantage financier.
M. Bruno Sido. Pas du tout !
M. Christian Favier. Enfin, cette proposition de loi, modifiée par notre commission, porte dorénavant en elle un nouvel article, que l’on peut qualifier de « cavalier », visant à modifier cette fois le code électoral, à seule fin de ne pas réduire le nombre de grands électeurs pour les futures élections sénatoriales. Raison de plus pour notre groupe de voter contre ce texte !
M. Bruno Sido. Oh ! Quel dommage !
M. Christian Favier. Nous sommes là en pleine tambouille électorale !
M. Bruno Sido. C’est excessif !
M. Christian Favier. Il semblerait, en effet, que personne n’avait mesuré un risque dans l’équilibre des voix des grands électeurs avec la création de ces communes nouvelles.
En effet, ces fusions de communes faisant perdre le statut de collectivité territoriale à de nombreuses communes actuelles, le nombre de grands électeurs va donc diminuer, bouleversant ainsi certains équilibres politiques.
Devant ce risque de perte de voix, dans les zones rurales en particulier, la droite sénatoriale profite de ce texte pour tenter de maintenir des équilibres politiques qu’elle espère lui être favorables. Ne nous demandez pas de permettre cette manipulation électorale !
M. Bruno Sido. Oh !
M. Christian Favier. Que ceux qui sont favorables à la fusion des communes prennent leurs responsabilités et assument les choix qui en découlent.
Cela entraîne de facto la diminution du nombre des grands électeurs. Quoi de plus normal ?
Nous sommes les représentants des collectivités territoriales, de toutes les collectivités territoriales à égalité de traitement et de représentation. De ce fait, il nous paraît logique que ces nouvelles communes soient représentées par le nombre de grands électeurs correspondant à leur strate démographique, ni plus, ni moins. Nous rejetterons donc l’article 2 ajouté à la proposition de loi par la commission.
Comme chacun l’aura compris, compte tenu de l’ensemble de nos remarques et critiques, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Bruno Sido vient intelligemment combler un vide juridique, à savoir le devenir des communes associées issues de la loi Marcellin, dans le cadre du processus de création des communes nouvelles.
La loi dite « Pires-Beaune–Pélissard » du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes est venue dynamiser le nombre de créations de communes nouvelles – M. le ministre et Mme Gourault ont cité des chiffres éloquents – grâce, notamment, à un pacte financier très incitatif et à des garanties institutionnelles apportées sur la prise en compte des spécificités des communes regroupées au sein des nouvelles communes.
Or, force est de le constater, cette loi n’a pas traité précisément de la question des communes associées. Ces dernières sont nombreuses dans certains départements – la Haute-Marne, par exemple –, ce qui peut poser des difficultés, voire freiner la création de communes nouvelles (M. Bruno Sido opine.) ayant pour base des communes sous forme de fusion-association.
C’est donc à ce titre que cette proposition de loi et les modifications apportées par la commission des lois – je tiens à saluer le travail du rapporteur – sont très utiles.
Ainsi, le texte prévoit de préserver la survivance des anciennes communes fusionnées sous le régime de la loi Marcellin, dites « communes associées », quelle que soit l’évolution future de la commune qui les a remplacées.
Ainsi, elles seraient maintenues dans le cas où cette commune fusionnerait à son tour au sein d’une commune nouvelle selon le régime rénové en 2010. Elles conserveraient alors leur identité sous la forme de « communes déléguées ». Dans ce cas, les maires délégués en fonction au moment de la création de la commune nouvelle seraient de droit jusqu’au prochain renouvellement du conseil municipal les maires délégués des communes déléguées ayant remplacé les communes associées.
Le rapporteur, M. Grosdidier, est venu compléter les dispositions du texte avec une proposition visant à clarifier, ce qui était fort utile, les conditions de désignation des délégués sénatoriaux des communes nouvelles.
Le droit actuel ne règle en effet pas toutes les situations qui peuvent se présenter dans le cadre des deux régimes transitoires applicables aux communes nouvelles d’ici au prochain renouvellement des conseils municipaux – 2020 – et entre 2020 et 2026.
La proposition de la commission des lois prévoit un mécanisme de plafonnement du nombre de délégués dans les communes nouvelles. Sans ce mécanisme, certaines communes nouvelles pouvaient se voir attribuer un nombre beaucoup trop élevé de délégués. Désormais, ce dernier est plafonné au nombre total de délégués auquel auraient droit les anciennes communes avant la fusion.
Cependant, le texte en l’état pose un problème de lisibilité du dispositif en ce qu’il ne distingue pas assez clairement la situation des communes de moins de 9 000 habitants de celle des communes de plus de 9 000 habitants qui sont soumises à des régimes de désignation des délégués sénatoriaux différents.
Le Gouvernement a donc déposé un amendement pour clarifier ce point. Je le remercie à la fois de cette initiative et de l’écoute dont il a fait preuve.
Cher monsieur Guené – puisque je dispose de quatorze minutes, je vais en profiter un peu (Sourires.) –,…
Un sénateur du groupe Les Républicains. Pas trop, quand même ! (Nouveaux sourires.)
M. René Vandierendonck. … à plusieurs moments de l’après-midi, nous allons voir apparaître des amendements concernant la question des indemnités des maires des communes de moins de 1 000 habitants. Je m’attends même à ce que vous en parliez dès votre intervention sur ce premier texte ! Votre honnêteté intellectuelle est bien sûr légendaire. (M. Charles Guené sourit.) Il me semble néanmoins important de rappeler quelques points.
L’automaticité du montant maximal des indemnités pour les maires des communes de moins de 1 000 habitants figurait dans les mesures de la loi dite « Sueur-Gourault » du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
Son objectif, tout à fait louable, était de revaloriser le statut des élus, notamment ceux des petites communes. Cette disposition d’origine sénatoriale avait été modifiée en première lecture par l’Assemblée nationale – abaissement du seuil de 3 500 à 1 000 habitants pour se caler avec la loi Valls sur les élections municipales, départementales et régionales –, puis adoptée conforme au Sénat en deuxième lecture.
Je me souviens parfaitement que cette mesure avait été approuvée, pour ne pas dire applaudie, sur l’ensemble des travées.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. René Vandierendonck. La loi avait été adoptée à la quasi-unanimité par le Sénat, dans la version issue de la commission mixte paritaire.
Dans son explication de vote, Philippe Bas disait : « À bien y regarder, [la proposition de loi] comprend tout de même des mesures de progrès pour nos élus locaux, ce dont notre assemblée peut se féliciter. Je pense aux avancées en matière de droit à la formation ou d’indemnités pour les maires de communes rurales, mais également à tout ce qui concerne le retour à l’emploi, le temps libéré à l’égard de l’employeur… ».
Après avoir soutenu ce texte sans réserve ni restriction, l’Association des maires de France, dont la vitalité démocratique est telle qu’elle est capable de sincérités successives (Sourires.), nous suggère aujourd’hui de réexaminer cette question.
Je souhaite, pour ma part, rappeler la chronologie des faits et le caractère consensuel du travail sénatorial. Et je tiens à dire, sans même évoquer les questions de recevabilité par rapport au code électoral ou au code général des collectivités territoriales, qu’il ne s’agit pas selon moi du bon vecteur pour aborder ces questions, d’autant que, avec le caractère consensuel du travail du Sénat, qui caractérise notre assemblée, M. Darnaud, membre du groupe Les Républicains, et moi-même, sénateur du groupe socialiste et républicain, nous nous sommes vu confier par la commission des lois une mission d’information et de contrôle…
Mme Jacqueline Gourault. Avec l’accord des centristes !
M. René Vandierendonck. Avec l’accord de tous ! (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) Cette mission a pour objectif de contrôler l’application de la loi NOTRe.
Voilà donc ce que je pense du leitmotiv, que je respecte mais ne saurais approuver, que va développer M. Guené dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Patrick Abate et M. Pierre-Yves Collombat ainsi que Mme Catherine Di Folco applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.