Mme Nathalie Goulet. C’est la sagesse même !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. D’abord, nous devons être très attentifs à ne pas voir remis en cause, dans le cadre de la négociation en cours, des principes qui n’ont pas à l’être.
Vous avez eu raison de le souligner, monsieur le sénateur, nous n’avons demandé ni la tenue de ce référendum ni celle de cette négociation.
Nous faisons preuve de compréhension et nous voulons bien aider, mais nous n’entendons pas ébranler les fondements de la maison Europe, ce qui signifie : aucun droit de veto sur l’évolution de la zone euro, pas de remise en question de principes comme la liberté de circulation et rien qui n’empêche des avancées futures.
Je ne veux pas me projeter à l’excès dans l’avenir – il faut d’abord réussir cette négociation, puis attendre que le référendum britannique se tienne –, mais, comme vous l’avez également mentionné, cette discussion aura confirmé l’existence d’une Europe différenciée. Les uns auront reçu confirmation du fait qu’ils disposent de dérogations ou de clauses d’exemption leur permettant de ne pas participer à toutes les politiques communes ; les autres, ceux qui jugent le projet européen absolument décisif, doivent se préparer à – je ne sais pas s’il faut employer le terme « refonder » – engager une démarche d’approfondissement de la construction européenne. L’actualité, les crises auxquelles nous sommes confrontés, les exigences du moment l’imposent. S’ajoute à cela la nécessité de mieux faire fonctionner l’économie européenne dans un moment où l’économie internationale reste très fragile et instable.
Je pense donc que les pays qui ont été à l’origine du projet européen et ceux qui, même s’ils ne figuraient pas parmi les fondateurs, ont depuis rejoint l’euro et se sentent les plus attachés à ce projet européen devront, eux aussi, être en mesure de prendre une initiative. Celle-ci, bien évidemment, devra aller, non dans le sens d’un relâchement des coopérations, mais bien dans le sens d’un approfondissement de l’Union européenne.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Crise grecque, crise migratoire, crise agricole… Pour ma part, c’est de cette dernière dont je voudrais vous parler, monsieur le secrétaire d’État. Vous l’avez succinctement évoquée, suite à l’interpellation de Jean-Claude Requier, mais vous ne nous avez fourni aucune information concrète.
« Nous souhaitons », « nous envisageons », « nous examinons », dites-vous… Quand allez-vous nous donner un calendrier précis des rencontres et des mesures agricoles envisagées ? Est-il possible de connaître les engagements européens s’agissant des dispositions qui devraient être prises ?
Devant la gravité de la crise agricole – gravité que je ne suis vraiment pas le seul à souligner –, il faut agir pour sauver nos emplois agricoles, car sauver nos emplois agricoles, c’est également sauver nos territoires !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Si, des mesures concrètes ont été annoncées ! Je pense en particulier à celles que le Premier ministre a présentées, aujourd'hui même, à l’Assemblée nationale et qui concernent une baisse des charges et la mise en place de soutiens aux exploitations agricoles françaises.
Sur le plan européen, je l’ai dit, le commissaire Phil Hogan sera à Paris le 25 février prochain. La discussion portera sur les propositions que nous avons transmises à la Commission européenne voilà quelques jours, au travers du mémorandum de Stéphane Le Foll. Plusieurs mesures portant sur la régulation des marchés, le soutien aux prix et le stockage sont en jeu. Ce sont donc des mesures tout à fait concrètes. Nous appelons également de nos vœux des dispositifs de soutien aux débouchés – je pense en particulier à la négociation d’une levée de l’embargo sanitaire décrété par la Russie – et des mesures de promotion des exportations.
Nous menons donc un travail tout à fait concret, avec des dispositions qui doivent répondre à la situation du monde agricole, notamment à celle de la filière porcine, de la filière laitière et de l’élevage, trois secteurs directement touchés aujourd'hui. Tel est l’objet des discussions qui se sont encore tenues, au cours des dernières heures, avec les organisations agricoles.
Nous sommes totalement mobilisés, en particulier à l’échelle européenne, pour que la politique agricole commune, qui, évidemment, constitue l’instrument principal, puisse s’adapter à cette situation de crise sur les marchés internationaux et européens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le Sénat a dernièrement adopté, à l’unanimité, sur l’initiative de mon groupe, une proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire – premier pas dont je me félicite.
Toutefois, l’Union européenne négocie également un accord économique et commercial global avec le Canada. Les conséquences seront importantes pour notre pays, notamment pour l’agriculture, qui connaît déjà une crise significative. Quels sont les termes de cet accord ? Pensez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que la filière agricole sera suffisamment protégée ? Qu’en est-il de la protection juridique des indications géographiques ?
Ce qui nous inquiète plus encore, c’est que cet accord, en cours de toilettage juridique, devrait très rapidement se retrouver devant le Conseil européen. Certaines rumeurs évoquent le mois de mai ou de juin. Un communiqué du négociateur en chef de l’accord entre l’Union européenne et le Canada annonce même que l’accord pourrait intervenir au début de 2017. Avez-vous plus d’éléments de calendrier à ce sujet ?
De plus, la commissaire européenne au commerce avait déclaré, concernant le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et État, que ce dernier serait entièrement revu. Qu’en est-il ?
Le Sénat avait d’ailleurs adopté une proposition de résolution européenne, toujours sur l’initiative de mon groupe, en ce sens. Pouvez-vous confirmer que cet accord sera bien un accord mixte et qu’il devra donc être également ratifié par les parlements nationaux ? Là encore, le manque de transparence est flagrant !
En conséquence, pouvez-vous nous confirmer que le Parlement recevra des informations plus transparentes à ce propos et qu’il sera associé ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. La transparence dans les négociations commerciales internationales, avec les États-Unis ou avec d’autres pays, est pour nous une priorité. C’est d’ailleurs à la demande du gouvernement français que le mandat de négociation du TTIP a été rendu public. Nous avons aussi demandé que les parlementaires puissent avoir accès aux documents. Certes, nous ne sommes pas satisfaits de la procédure – certains documents considérés comme confidentiels par les États-Unis ne peuvent être consultés qu’à certains endroits et sans possibilité de copie –, mais un accès aux documents est tout de même proposé aux parlementaires, nationaux comme européens ; c’est un parallélisme auquel nous tenions.
Nous sommes également très vigilants sur le fond de la négociation. Je mentionnerai deux points à cet égard.
Premièrement, le mécanisme de règlement des différends, tel qu’il était initialement prévu, ne nous convenait pas. Nous avons donc demandé que la Commission européenne défende un mécanisme public et non un système d’arbitrage privé ; nous avons obtenu son soutien sur ce point.
Deuxièmement, parmi nos priorités s’agissant de l’agriculture, se trouvent les indications géographiques protégées, que vous avez citées, madame la sénatrice. Nous avons obtenu gain de cause sur ce sujet dans le cadre de la négociation de l’accord économique et commercial global, ou CETA, avec le Canada, qui est en cours de ratification. Nous défendons les mêmes exigences dans le cadre de la négociation avec les États-Unis. Reste que ce n’est qu’un des aspects à traiter : ce sont toutes les conséquences d’un accord sur l’ensemble des secteurs de l’agriculture qu’il faut examiner. Je rappelle que nous avons, sur ce point, des lignes rouges : le bœuf aux hormones, le poulet chloré et tout ce qui concerne les normes sanitaires.
La négociation englobe aussi d’autres secteurs, comme les marchés publics – peu d’évolutions sont à noter sous cet angle – ou la convergence réglementaire.
La négociation doit donc, à nos yeux, se poursuivre. Sachez-le, nous sommes extrêmement mobilisés, afin d’éviter que les discussions ne se concluent par un dispositif inéquitable ou insatisfaisant pour l’agriculture européenne et, d’une façon générale, pour l’économie et les acteurs économiques européens.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. L’Union européenne connaît une crise sans précédent en matière de migration. Or la relative accalmie hivernale devrait être de courte durée. Les arrivées de migrants par la Méditerranée en Europe se seraient élevées à plus de 46 000 depuis le début du mois de janvier, dont 44 000 via la Grèce, selon le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
La situation en Grèce paraît toujours extrêmement inquiétante. Je ne tiens pas particulièrement à accabler cet État membre, exsangue économiquement et dont le territoire, fragmenté en de multiples îles, rend plus difficile encore la surveillance. Toutefois, malgré le plan de sauvetage et les aides de Bruxelles, il semble que ce pays demeure le « maillon faible » de la sûreté aux frontières extérieures de l’Union européenne.
Un récent rapport d’évaluation de l’application, par la Grèce, des règles de Schengen fait ressortir de graves manquements dans la gestion des frontières extérieures : les migrants en situation irrégulière ne sont pas identifiés et enregistrés efficacement ; leurs empreintes digitales ne sont pas systématiquement saisies dans le système ; le contrôle de l’authenticité des documents de voyage et leur vérification par rapport à des bases de données de sécurité ne sont pas non plus systématiques.
De leur côté, les Grecs considèrent que le soutien reçu ne correspond pas à celui qui avait été annoncé.
Il n’est pas acceptable, compte tenu de la pression migratoire intense et sans doute durable aux frontières extérieures, que les autorités grecques et européennes se renvoient en permanence la responsabilité des manquements.
Monsieur le secrétaire d’État, votre collègue ministre de l’intérieur s’est récemment rendu en Grèce, afin de constater de visu la situation et proposer de l’assistance. Quelles aides la France met et mettra à disposition de la Grèce ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Vous avez raison, madame la sénatrice, de souligner que, si une certaine baisse des arrivées de migrants a été constatée au cours des dernières semaines, il faut prendre garde à ce qu’elle ne soit pas tout simplement due à la dégradation des conditions météorologiques. Il faut donc s’assurer, d’ici au printemps, que toutes les mesures de lutte contre l’immigration irrégulière et les passeurs ainsi que toutes les mesures de contrôle des frontières ont été mises en place ou renforcées. C’est nécessaire, non seulement en raison des drames qui surviennent en Méditerranée, mais aussi des enjeux de sécurité.
Vous avez mentionné le rapport qui a été établi sur le contrôle du passage des frontières en Grèce. En effet, la vérification des documents de voyage n’a pas été jugée tout à fait satisfaisante. Toutefois, nous avons progressé depuis ce rapport élaboré au mois de novembre. Ainsi, les hotspots sont en train d’être mis en place, même si, je le reconnais, la situation ne sera satisfaisante que quand les cinq hotspots censés être créés dans les îles seront totalement opérationnels. Nous avons également apporté de l’aide, notamment en matériel et en personnel, avec des équipes de l’OFPRA ou de la police aux frontières. Nous continuerons à agir de la sorte, car cette aide est absolument indispensable.
En attendant, conformément à l’article 26 du code frontières Schengen, qui nous offre la possibilité de le faire, et à l’instar d’autres États membres, nous rétablissons des contrôles à nos frontières pour des raisons de sécurité et de lutte contre les filières d’immigration illégale.
Ce que nous voulons, c’est préserver le droit d’asile et accueillir les réfugiés, tout en assurant notre sécurité. Nous ne pourrons le faire qu’en renforçant considérablement les moyens de l’agence FRONTEX et, au-delà, les moyens alloués au contrôle aux frontières extérieures communes de l’Europe. C’est notre priorité et, évidemment, nous aiderons la Grèce dans ce domaine.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Je voudrais compléter l’intervention de Colette Mélot par des questions techniques au sujet des hotspots.
Comme vous le savez certainement, monsieur le secrétaire d’État, une délégation de la commission des lois s’est rendue à Lesbos à la fin de la semaine dernière. Entre autres constats, elle a remarqué la faiblesse des outils informatiques permettant de faire face à l’afflux des migrants et, tout particulièrement, l’impossibilité de recouper les informations recueillies de la part des migrants avec, notamment, le fichier EURODAC ou l’interconnexion de ce même fichier avec les fichiers nationaux.
J’ai, sur le sujet, des interrogations très concrètes. Comment traite-t-on les personnes sans papiers ? Dans les cinq hotspots que vous mentionnez – si je suis bien informé, un seul a été mis en place en Grèce et un autre sur l’île de Lampedusa –, les fichiers précités fonctionnent-ils ?
Il a également été relevé que les personnes non susceptibles de bénéficier de l’asile recevaient néanmoins un récépissé, permettant leur maintien temporaire en Grèce avant un retour qui, normalement, doit se faire vers leur pays d’origine. Or aucun contrôle de ces retours n’est opéré. Ces personnes vont alors renforcer les effectifs des étrangers en situation irrégulière dans les pays de l’Union européenne.
Il faut naturellement remédier à ces graves dysfonctionnements. Que comptez-vous entreprendre à cet égard ?
Ma dernière série de questions porte sur le plan d’aide de 3 milliards d’euros à la Turquie, plan que vous avez déjà évoqué. Quelles sont, en contrepartie de cette aide, les mesures réellement mises en œuvre par ce pays pour limiter le flux de migrants ? La Turquie créera-t-elle des hotspots sur son territoire, afin, notamment, d’éviter les départs dans les conditions que nous connaissons ? Le cas échéant, quand ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Comme vous avez pu le constater au cours de votre mission, monsieur le sénateur, un seul hotspot est en train d’être mis en place de façon totalement conforme aux objectifs fixés. La Grèce s’est engagée, avec le soutien de la Commission européenne et de l’agence FRONTEX, à ce que les cinq hotspots prévus dans les îles grecques puissent être fonctionnels dès les prochaines semaines.
L’un des enjeux, comme vous l’avez indiqué, c’est que les bornes EURODAC permettant de contrôler les documents de voyage soient implantées partout, afin de pouvoir vérifier qu’il ne s’agit pas de faux passeports, que le détenteur du passeport est le bon, que le réfugié qui se présente n’est pas signalé comme étant, par exemple, un combattant étranger qui aurait rejoint la Syrie ou l’Irak pour s’y former et revenir ensuite commettre des actes criminels et terroristes en Europe. Il s’agit également de s’assurer que l’ensemble des États membres transmettent à la base EURODAC et au système d’information Schengen toutes les informations dont disposent les services de police, de renseignement, de justice sur les individus signalés. C’est l’ensemble de ce dispositif qui est en train d’être mis en place aujourd’hui pour que ces contrôles aient une véritable efficacité.
Ensuite, se pose la question, pour ceux des migrants qui ne sont pas considérés comme des réfugiés et ne relèvent donc pas de la protection internationale, de leur retour. La Grèce accepte de garder ces migrants sur son territoire, même si un récépissé leur est délivré, avant d’organiser avec l’aide de FRONTEX – la Grèce ne peut évidemment pas le faire seule –, leur retour vers leur pays d’origine ou vers la Turquie. Ce sujet fait d’ailleurs partie des discussions avec ce pays : à partir du moment où un accord a été conclu avec la Turquie sur la lutte contre l’immigration irrégulière, il est normal de discuter de la possibilité que celle-ci puisse réaccueillir ceux des migrants qui auraient illégalement quitté son territoire. Cela empêchera le trafic en mer, qui est extrêmement meurtrier.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Les agriculteurs français sont au bord de la ruine. Des éleveurs de porcs et des producteurs de lait ferment leur exploitation.
Vous nous avez indiqué, monsieur le secrétaire d’État, vouloir une Europe fiscale et sociale. Nous partageons cette ambition, mais nous en sommes loin : le coût horaire est de 5 euros en Pologne, de 13 euros en Espagne et de 20 euros en France. L’embargo russe, quant à lui, a entraîné 400 millions d’euros de pertes pour la filière porcine.
Vous nous avez également indiqué que le ministre Stéphane Le Foll avait obtenu la majorité pour que l’Europe puisse prendre des mesures. Vous avez notamment parlé du stockage, mais c’est bien tard, huit mois après…
L’agriculture, en France, a besoin d’une vraie réforme structurelle, qui ne passera pas, dans un premier temps, par l’Europe. C’est par des baisses de charges que nous sauvegarderons notre modèle agricole, peut-être par un dispositif de TVA sociale. Les exploitations familiales sont indispensables à l’aménagement du territoire et au maintien de la vie dans les zones rurales.
Pourquoi les entreprises bénéficient-elles du dispositif « zéro charge » pour leurs salariés payés au SMIC, tandis que rien n’est prévu pour les agriculteurs ou les éleveurs, dont les revenus sont souvent bien inférieurs au salaire minimum ?
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Eh oui !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je vais vous apporter des précisions supplémentaires sur les mesures qui ont été annoncées aujourd’hui par le Premier ministre.
Vous l’avez souligné, il faut venir structurellement en aide aux exploitations agricoles, il faut que les agriculteurs français puissent baisser leurs coûts par rapport à leurs concurrents. C’est pourquoi un décret prévoira une baisse immédiate de 7 points de charges sociales, ce qui est davantage que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui représente 6 points sur la masse salariale jusqu’à 2,5 SMIC, et davantage également que ce que prévoyait la TVA sociale, qui avait été votée mais n’était pas entrée en vigueur.
M. Jean-François Husson. Et pour cause : vous l’avez supprimée en 2012 !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Cumulée à la baisse de 3 points des cotisations familiales, qui est en vigueur depuis le 1er janvier 2015 avec le pacte de responsabilité, cette nouvelle mesure, d’un montant de 500 millions d’euros, aboutira donc à une baisse de cotisations de 10 points pour les agriculteurs, supérieure à celle du CICE. Depuis le début de la crise en 2015, c’est une baisse structurelle cumulée de charges personnelles de près de 730 millions d’euros qui aura donc été décidée.
D’autres mesures sont prévues, comme une année blanche sociale par un report automatique d’un an, reconductible dans la limite de trois ans, sans aucune démarche de la part de l’agriculteur, sans pénalités ni intérêts de retard de toutes les cotisations de 2016. C’est sans doute la mesure qui aura l’effet le plus immédiat et le plus sensible.
En outre, des mesures vont être prises en faveur des agriculteurs qui ne paient pas de charges aujourd’hui, car leurs revenus se situent déjà en dessous du seuil concerné.
Pour ce qui est des normes applicables aux agriculteurs – il est vrai qu’elles sont nombreuses –, nous faisons en sorte, là encore, de discuter avec la Commission européenne en vue de les simplifier.
M. Jean-François Husson. Après les avoir complexifiées !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. J’évoquerai également l’agriculture, sujet qui nous préoccupe.
Monsieur le secrétaire d’État, on ne peut que vous encourager à trouver une solution dans le dossier russe. Cependant, soyons honnêtes avec les agriculteurs de notre territoire et d’Europe : ce n’est pas parce qu’on aura trouvé un accord avec la Russie que les camions repartiront immédiatement livrer de la marchandise dans ce pays. La crise liée à la fermeture des frontières va se prolonger, ce qui nécessite de mettre en œuvre une véritable politique étrangère européenne, actuellement inexistante, et des mesures d’accompagnement.
Concernant le dossier de l’étiquetage et le travail que la France réalise à cet égard, l’article 3 de la proposition de loi adoptée par le Sénat aurait placé notre pays en position de force pour négocier à Bruxelles. Pourquoi avez-vous refusé ce texte ?
La France ne s’en sortira pas sans un couple franco-allemand fort. Elle ne pourra pas non plus gagner si elle ne trouve pas d’alliés. Aujourd’hui, les propositions de la France sont en minorité. Nous n’avons donc aucune solution à apporter à la crise qui frappe les agriculteurs français. Je le répète, il faut trouver des partenaires en Europe. Monsieur le secrétaire d’État, que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Le Premier ministre, M. Manuel Valls, a rencontré samedi son homologue russe, Dmitri Medvedev, à l’occasion d’un déplacement en Allemagne, à Munich, pour évoquer la levée de l’embargo sanitaire. La Russie est en effet un débouché important pour la filière porcine.
L’étiquetage est également un sujet essentiel, nous sommes entièrement d’accord avec vous. Nous demandons sans cesse à la Commission européenne de permettre l’étiquetage des produits transformés, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. Nous avons donc décidé de prendre un décret, qui est en cours de publication, mais nous voulons nous assurer qu’il ne sera pas ensuite « cassé » par une décision européenne, même si, aujourd’hui, il n’existe aucune directive sur le sujet.
Quant à l’Allemagne, ce sujet nous a beaucoup occupés ces dernières années en raison des différences de salaires entre la France et l’Allemagne dans le secteur agroalimentaire, les industries de transformation et les abattoirs. Un salaire minimum, l’équivalent du SMIC, existe désormais en Allemagne. Nous voulons aussi vérifier que les conditions dans lesquelles est appliqué le droit sur les travailleurs détachés créent des situations équitables. En effet, le fait d’employer des travailleurs sans qu’ils perçoivent un salaire minimum entraînera toujours des distorsions de concurrence.
Nous considérons l’Allemagne comme un partenaire, dans ce domaine comme dans toutes les politiques européennes. C’est donc en étroite coopération avec ce pays et d’autres États de l’Union européenne, eux aussi très attachés à la politique agricole commune, que Stéphane Le Foll fait avancer ces dossiers. Nous comptons beaucoup, je l’ai déjà dit, sur les discussions qui auront lieu à Paris le 25 février entre le commissaire Phil Hogan et le Premier ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Je voudrais saluer la qualité des échanges auxquels vous vous êtes livré sans retenue, monsieur le secrétaire d’État. Mes compliments s’arrêtent là, car j’ai tout de même quelques critiques à formuler, mais moins à votre endroit qu’à celui de du Premier ministre et du ministre de l’agriculture, dans le droit fil des propos qu’ont tenus MM. Chasseing, Gremillet et Requier sur les problématiques agricoles.
Je suis quelque peu surpris, je l’avoue, des conclusions qui ont été tirées après le Conseil européen des ministres de l’agriculture du lundi 15 février dernier. Le ministre de l’agriculture s’est réjoui d’avoir entraîné derrière les thèses de la France douze pays. Or douze États membres sur vingt-huit, cela n’emporte pas une majorité. Comme l’a dit M. Gremillet, il nous faut trouver des alliés ! Or, disons-le, les propos tenus par le Premier ministre outre-Rhin voilà quelques jours à l’adresse de la Chancelière, on fait mieux en matière de retissage des liens franco-allemands…
Depuis quelques années, que ce soit sur les problématiques agricoles ou sur l’ensemble des dossiers européens, le couple franco-allemand ne fonctionne pas bien, voire ne fonctionne pas du tout. Or tant que le couple franco-allemand ne sera pas suffisamment cohérent, nous n’avancerons pas en Europe. Pourquoi ce couple ne fonctionne-t-il pas ? Tout simplement parce que la France ne peut se prévaloir, à l’égard de nos partenaires allemands, d’une vraie crédibilité.
Concernant l’embargo sanitaire, notamment sur les abats et le gras, j’ai eu l’occasion, voilà quelques mois, de rencontrer le directeur des services vétérinaires russes à Moscou. Vous connaissez très bien la position de la Russie : elle est prête à lever son embargo sanitaire à l’égard de quelques pays seulement. Or la Commission européenne veut les vingt-huit ou personne ! Si nous entretenions de bonnes relations avec l’Allemagne, nous aurions davantage de chance de remporter un succès sur ce point précis.
Enfin, comme l’ont évoqué nos deux collègues à l’instant, vous déplorez à juste titre, monsieur le secrétaire d’État, que la France n’ait pas saisi « l’opportunité » de dégager le marché porcin en s’engageant dans la politique d’intervention. Certes, l’Allemagne, elle, s’y était engagée à hauteur de 29 % du tonnage qui était alloué à l’ensemble des vingt-huit États membres, l’Espagne à hauteur de 21 % et la France à hauteur de 2,6 % seulement. Pourquoi ? Tout simplement parce que, lorsque l’on fabrique – passez-moi l’expression – un porc en France ou en Allemagne, indice 100, hors charges, il ressort à 230 en France, quand il ressort à 180 en Allemagne. Voilà pourquoi la politique d’intervention ne fonctionne pas en France.
Il importe d’engager des réformes structurelles. Je me réjouis de la dernière décision du Premier ministre sur ce point. Nous calculerons ce que représentent les 7 points de baisses de charges. Cela sera-t-il suffisant pour passer de 230 à 180 ? Je crains que non ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)