M. Hubert Falco. Très bien !
Mme Leila Aïchi. Repenser dès maintenant les prérogatives et le rôle du détachement français aurait donc pu être cohérent et aurait permis d’engager une telle consolidation. D’une telle omission résulte une impression d’inachevé. Comme nous le répétons sans cesse, nous devons inscrire notre action dans une approche à long terme. À défaut, toute intervention militaire française est vouée à l’échec. En ce sens, nous ne pouvons pas nous affranchir de l’aide au développement et de la coopération.
S’agissant du texte lui-même, son article 15 suscite de fortes réserves de notre part. Il prévoit que la justice de l’État d’accueil est compétente pour certaines infractions commises sur son sol. Classique dans ce type d’accord et cohérente au regard du principe de territorialité de la loi pénale, cette stipulation n’en est pas moins problématique. La situation de déliquescence dans laquelle se trouve l’État malien fait en effet obstacle à ce que la justice y soit rendue dans le respect des droits de l’homme, et ce malgré les garanties de procédure visées dans cet article. Le fait que ces stipulations n’aient vocation à ne régir que de rares cas ne saurait nous dispenser de leur examen au vu des principes qui fondent notre conception de la justice, dans un état de droit respectueux des droits de la défense.
Plus largement, cet accord soulève la question de notre politique en Afrique.
Depuis 2008, la volonté affichée de sortir des vieux schémas afin de mettre un terme à une France « gendarme de l’Afrique », pour lui substituer un système de sécurité collective, n’est pas mise en œuvre de façon cohérente, faute de réflexion d’ensemble. La révision des accords de défense visant à mettre un terme aux pratiques d’antan, faites de clauses d’assistance, parfois secrètes, ne s’accompagne pas toujours d’un redéploiement adapté de nos forces en Afrique. La logique qui guide ce redéploiement hésite entre la défense d’intérêts bien compris et la lutte contre le terrorisme. Or, face à une menace terroriste qui essaime au Sahel et ailleurs en Afrique, l’hésitation est une impasse dangereuse.
Une stratégie d’ensemble, sans tabou ni déni, est plus que jamais nécessaire. Force est de l’admettre, le fait que les accords avec les pays africains nous soient soumis isolément, sans débat d’ensemble, est bien le reflet de ce manque de cohérence et d’ambition.
Vous l’aurez compris, l’objectif affiché de cet accord nous semble, certes, souhaitable, mais le groupe écologiste nourrit d’importantes réserves. Nous nous abstiendrons donc sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Hubert Falco applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en permettant la neutralisation des groupes islamistes armés et la conservation de l’intégrité territoriale du Mali, l’opération Serval a été un succès reconnu par la communauté internationale. La fragmentation du Mali aurait constitué une grave menace pour la région, mais également pour notre propre sécurité, comme le Gouvernement l’avait souligné, à l’époque, pour justifier l’intervention française, une intervention approuvée par le groupe du RDSE.
Sur le plan politique, les accords d’Alger de 2015 ont rétabli le dialogue intercommunautaire, jetant les bases d’une réconciliation nationale et d’une réorganisation du territoire. Mais comme l’a souligné le rapporteur, le volet de la décentralisation peine à se mettre en œuvre. C’est pourtant un point essentiel pour répondre au défi de la diversité de la population malienne.
C’est pourquoi toutes les parties doivent continuer à discuter pour un partage équitable et inclusif du pouvoir, de manière à garantir la cohésion territoriale.
Les accords d’Alger posent également les fondations d’une nouvelle armée malienne. C’est une urgence pour assurer la sécurité du pays, car le processus de paix ne signifie pas la fin des menaces, comme l’ont démontré les deux attentats perpétrés à Bamako, à la fin de l’année dernière.
M. Hubert Falco. Eh oui !
M. Jean-Claude Requier. Les terroristes, qui ont profité du chaos né en 2012 au Nord-Mali, sont toujours tapis dans l’ombre du Sahel, même si l’action combinée des forces du G5 du Sahel, de la MINUSMA et de l’opération Barkhane les tient à distance.
Dans ces conditions, la France doit continuer à apporter son aide au Mali en matière de défense, comme elle l’a toujours fait.
Cela a été rappelé, la coopération entre les deux pays est régie par deux accords : l’un datant de 1985 et l’autre spécifiquement destiné à sécuriser l’opération Serval. Aujourd’hui, nous devons renouveler cette coopération pour l’adapter au nouveau contexte.
Le groupe du RDSE est favorable au traité signé le 16 juillet 2014, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, ce traité préserve l’accord garantissant la sécurité juridique de l’opération militaire Serval. Ensuite, il prend en compte les nouveaux enjeux de sécurité, en particulier ceux qui sont liés au terrorisme. Enfin, il ne comporte aucune clause d’intervention en cas d’agression extérieure et – cela va de soi ! – en cas de troubles intérieurs. Ce dernier point est important puisqu’il s’accorde avec l’un des nouveaux paradigmes de notre politique africaine, consistant à ne pas se poser en gendarme obligé.
Pour finir, j’ajouterai que le traité participe de la volonté de la France, et pas seulement, d’encourager l’Afrique à fonder son propre système de sécurité collective, qui doit à l’évidence reposer sur des échelons régionaux.
Si notre pays peut conserver des forces stationnées et s’impliquer au cas par cas, l’Afrique, souvent désignée comme continent de l’avenir, doit alors bâtir son propre futur en matière de défense. Pour cela, elle peut compter sur le soutien de la France et sur celui, plus modeste, du groupe du RDSE. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur de la ratification de ce nouvel accord de partenariat entre la France et le Mali.
Profitons-en pour évaluer brièvement la situation actuelle au Mali et les perspectives de stabilisation politique.
Voilà à peine plus de quatre ans, les institutions du Mali et la liberté du peuple malien ont été directement menacées par le terrorisme djihadiste. La réaction de la communauté internationale, spécialement de la France, fut prompte et vigoureuse. L’opération Serval et l’opération Barkhane, qui en est le prolongement dans la bande sahélienne, ont permis de sauvegarder l’intégrité du territoire malien et de renverser la situation sur le plan militaire.
La France a ainsi rempli son rôle d’allié du Mali, cristallisé depuis 1985 dans une série d’accords de défense et de coopération, dont la présente convention est le dernier exemple en date.
La situation semble pacifiée sur place et, pourtant, le risque terroriste demeure, même s’il est de moindre intensité. Les attaques sporadiques, quasi quotidiennes, continuent de fragiliser l’équilibre du Mali.
Une réponse doit être apportée dans la durée. Mais si nécessaire soit-elle, une intervention armée ne suffit jamais à trouver des solutions pérennes. La cause à long terme de ce mal est évidemment, et avant tout, de nature politique.
Rappelons-nous que, voilà moins d’une dizaine d’années, alors que l’Afrique ne connaissait pas encore l’expansion économique observée aujourd’hui, le Mali faisait figure d’exemple.
M. Hubert Falco. Cela a bien changé !
M. Jean-Marie Bockel. Notre coopération décentralisée, notamment, fonctionnait très bien – le Mali comptait même la plus importante présence française ! – et a certainement contribué à renforcer les liens entre nos deux pays. Nous sommes nombreux, ici, à pouvoir en témoigner.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Jean-Marie Bockel. Dans mon cas, si je connais bien le Nord-Mali, c’est d’abord au travers de cette coopération !
Toutefois, malgré cette connaissance intime et mutuelle, il a fallu plusieurs semaines avant que nous – je veux dire : nous tous ! – n’appréhendions, côté français, l’urgence de la situation et la profondeur de la fracture.
Face à l’inexistence d’un État de droit en capacité de faire respecter son autorité, des groupuscules issus de minorités historiquement sous-représentées – nous pourrions passer beaucoup de temps à évoquer une longue histoire d’accords jamais respectés, sur fond de pauvreté du pays – se sont mutés en groupes terroristes, venant renforcer la démarche terroriste qui existait par ailleurs, le tout alimenté, on le sait, par des trafics en tous genres.
La clé de la sortie de crise est donc à trouver dans le dialogue politique : lui seul peut permettre de rétablir une saine gouvernance au Mali. C’est le sens des accords d’Alger du 20 juin 2015 et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, sur lesquels je ne reviendrai pas.
Les conditions sont donc réunies, mais les clauses de l’accord trouvent encore difficilement des traductions en actes sur le terrain. L’État de droit peine à se consolider et la représentation des populations du nord du pays au sein des institutions nationales demeure toujours insuffisante, même si, je le sais, la situation est complexe.
La France a pris sa part dans ce processus d’aide au développement, en sus de son effort militaire. Mais elle ne saurait fondamentalement se substituer aux autorités maliennes, qui détiennent, seules, la clé de la stabilisation politique du pays.
Au demeurant, la France n’a pas vocation à maintenir un contingent de forces important pendant une trop longue durée en Afrique. C’est à l’Afrique d’assurer, parallèlement à son développement, sa sécurité à terme.
M. Hubert Falco. Absolument !
M. Charles Revet. Il faut l’aider !
M. Jean-Marie Bockel. À cet effet, elle doit prendre progressivement dès aujourd'hui ses responsabilités et se mettre en capacité d’assumer cette défense à l’échelle des pays et de l’Union africaine. C’est un objectif que nous devons partager, et auquel, à notre manière, nous devons contribuer, et nous pouvons le faire au travers des conventions.
Oui, comme cela a été souligné précédemment, l’état d’esprit n’est plus le même que celui qui prévalait dans les conventions d’autrefois. Les choses ont évolué, et nous devons évidemment nous inscrire dans cette démarche de montée en puissance de la responsabilité des Africains sur les enjeux sécuritaires.
Le présent accord de coopération semble être l’outil approprié pour permettre d’associer la France à la résolution de la crise malienne, tout en laissant le soin aux Maliens de définir eux-mêmes leur avenir commun. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a déjà été relevé, le projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali doit être resitué dans une actualité et un contexte particuliers.
En effet, le Mali et ses voisins souffrent depuis de nombreuses années d’une situation économique, sociale et politique extrêmement fragile et dégradée, qui fait de l’ensemble de la région sahélo-saharienne une proie facile pour un certain nombre de groupes d’intérêts prospérant sur la misère, l’ignorance et le désespoir de populations entières.
Dernière manifestation de cette crise, tout récemment encore, les villes de Bamako, Tombouctou et Ouagadougou ont subi des attaques terroristes ayant fait plusieurs dizaines de morts.
Près d’un an après le déclenchement nécessaire de l’intervention militaire de notre pays, qui a permis d’éviter la disparition de l’État malien, et après la tenue d’élections démocratiques, il était devenu nécessaire, sur le plan juridique et au regard des relations internationales, de refonder et préciser le cadre de notre coopération de défense avec le Mali.
Ce traité actualise et régularise une situation de fait. Je ne conteste pas la nécessité de celui-ci, mais les membres du groupe CRC ont des réserves sur son contenu et sa signification.
Certes, ce traité est de même nature que d’autres accords de coopération ou de partenariat de défense conclus au cours des années précédentes avec des États africains. Mais je voudrais rappeler que nous nous sommes toujours prononcés sur ces accords, au cas par cas, en fonction de la situation particulière de chaque pays.
Dans le cas du Mali, avec cet accord strictement sécuritaire et uniquement axé sur la seule lutte contre les groupes terroristes, il manque une approche globale des problèmes posés, approche qui permettrait de comprendre que la réponse militaire est insuffisante dans le temps.
À ce propos, la stratégie de l’opération Barkhane contre les groupes armés terroristes au Mali et au Niger semble montrer ses limites. La situation politique et sécuritaire dans la région reste très fragile, en particulier au Mali, où l’on ne voit guère de progrès dans les régions du nord, principaux foyers d’instabilité.
D’autres critiques peuvent aussi porter sur les résultats difficilement perceptibles d’une opération militaire qui coûte 700 millions d’euros par an et dont on ne voit pas le terme.
Certes, les flux logistiques des groupes armés terroristes sont perturbés par l’action de nos forces, ce qui permet d’entraver leur liberté d’action et empêche la création de sanctuaires. Mais ces groupes s’adaptent eux-mêmes en pratiquant un terrorisme peu coûteux d’un point de vue militaire. En ce sens, on peut dire qu’ils conservent l’initiative en contournant nos 4 000 hommes et leur quarantaine d’aéronefs divers, y compris l’essentiel de nos drones.
L’exemple du Mali nous aurait permis de mesurer comment la politique menée par le gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire d’État, pourrait gagner en efficacité et réussir à stabiliser, sur le long terme, une région à ce point fragilisée par la pauvreté, le terrorisme et les trafics.
Ainsi, pour assurer la stabilité et la sécurité dans ce pays, il faudrait, en comparaison du coût de nos opérations militaires, consacrer beaucoup plus de moyens à l’aide publique au développement. Or ce n’est pas la politique que vous menez, puisque les crédits affectés aux infrastructures et aux investissements économiquement structurants pour le Mali sont scandaleusement insuffisants.
C’est pourquoi je regrette le temps très limité de la discussion consacrée à l’examen de ce traité.
Notre groupe avait demandé que cette demande de ratification soit mise à profit pour organiser un débat de fond sur notre coopération militaire et civile, sur la situation sécuritaire de l’Afrique en général, voire, plus largement encore, sur la façon strictement militaire dont est conduite la lutte contre le djihadisme, sans s’attaquer aux causes qui le nourrissent.
En effet, nous aurions formulé de nombreuses réserves et des critiques sur la pertinence et l’efficacité de la politique de coopération en matière de défense et de sécurité menée dans la région, sur la nature de nos relations avec les gouvernements en place ou bien encore sur l’articulation de ce type d’accords avec l’opération militaire Barkhane, qui couvre maintenant cinq pays dans la bande sahélo-saharienne.
Pour cet ensemble de raisons, notre groupe émettra une abstention critique sur ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jeanny Lorgeoux.
M. Jeanny Lorgeoux. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est naturel que, entre pays amis, soudés par l’histoire, nos gouvernements, à intervalles réguliers, réaffirment solennellement dans un traité de coopération leur volonté de s’aider sur le long terme, alors que la menace extérieure peut, à tout moment, bousculer les frontières, desquamer l’État fragile, alors que l’ennemi, du dehors comme au-dedans, peut brutaliser une partie de la population et briser les joyaux de la culture et les fondements mêmes de la civilisation africaine. Nous pûmes le constater, avec une rage impuissante, lors de la sauvage et absurde destruction des mausolées de Tombouctou. (MM. Alain Gournac et Hubert Falco approuvent.)
Mme Christiane Hummel. Hélas !
M. Jeanny Lorgeoux. En disant cela, nous n’exhalons aucun relent d’ingérence néocolonialiste ; nous assumons simplement notre histoire commune.
Qu’on en juge : après avoir procédé, entre 2009 et 2012, à un toilettage des textes régissant la coopération bilatérale en matière de défense avec les États africains, nous avons établi un partenariat de défense rénové, accompagnant l’appropriation par les acteurs africains eux-mêmes – les États, l’Union africaine, les organisations sous-régionales – de leur sécurité collective.
M. Daniel Reiner. Exactement !
M. Jeanny Lorgeoux. Huit accords de défense ont été signés, avec le Togo, le Cameroun, le Gabon, la République centrafricaine, les Comores, Djibouti, la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
Il était donc logique qu’un accord participant du même registre fût conclu à Bamako.
En effet, les relations de défense avec le Mali étaient régies jusqu’à maintenant par deux textes, devenus aujourd’hui insuffisants : d’une part, l’accord de coopération militaire technique du 6 mai 1985, limité à la mise à disposition de coopérants militaires techniques français et à la formation et au perfectionnement des cadres maliens dans nos écoles militaires ; d’autre part, l’accord sous forme d’échange de lettres des 7 et 8 mars 2013, conclu afin de garantir la sécurité juridique de l’opération Serval.
Et c’est précisément à la suite de l’intervention française, sous l’égide internationale, pour juguler le terrorisme djihadiste que le président Ibrahim Boubacar Keïta a appelé de ses vœux ce traité, le 16 octobre 2013, pour formaliser et pérenniser une relation de défense multiforme, qui contribue à conforter et sécuriser l’intégrité et la souveraineté du Mali.
Car, si le Mali veut faire cohabiter ses 14 millions de citoyens, égrenés sur plus de 1,24 million de kilomètres carrés, ventilés entre un groupe Mandé représentant la moitié de la population au sud-ouest – les Bambara, les Soninké et les Malinké –, les Peuls – 10 % de la population – dans le Macina, c'est-à-dire dans le delta intérieur du Niger, les Senoufo, d’origine voltaïque – 12 % de la population –, dans la région de Sikasso au sud-est, les Songhaï – 7 % de la population –, de part et d’autre de Tombouctou et de Gao, les Dogon – 5 % de la population –, en bordure du Burkina Faso et dont chacun connaît ici l’extraordinaire civilisation née des falaises de Bandiagara, et, enfin, les Touareg – 7 % de la population –, au nord du fleuve Niger, il lui faut alors créer ici, renforcer là, l’armature de l’État, et notamment au nord, livré trop souvent à lui-même, ouvert aux vents mauvais du trafic terroriste djihadiste islamiste et aux exactions de sectateurs hallucinés.
Il était donc indispensable que le traité, après avoir rappelé les principes généraux fondant le partenariat, englobant notamment les dimensions régionales et européennes, décrivît les actions à développer : échanges de renseignements, entraînement et formation des forces, organisation des transits ou des stationnements, exercices en commun, utilisation de l’espace aérien et, bien sûr, définition des statuts des personnels.
Cela s’ajoute à la coopération active au sein de l’École de maintien de la paix de Bamako et de l’École militaire d’administration de Koulikoro, à la formation de militaires maliens en France, à la cession de matériels.
Enfin, l’opération Barkhane, actuellement en cours, se superpose à ce canevas de fond. Mais, lorsque la paix reviendra – ce que nous souhaitons tous ! – et que les dispositifs de présence internationale autour de la MINUSMA seront levés, progressivement, en totalité ou en partie, la solidité de la coopération de défense aidera à la sécurisation des espaces frontaliers et à la lutte contre le terrorisme.
D’ailleurs, la réflexion se prolonge actuellement au forum de Dakar, qui se réunit chaque année, où nous partageons nos points de vue sur la sécurité du continent, mais qui est prise en main par les États africains eux-mêmes.
Nous saluons le rapport de notre collègue Claude Nougein pour sa clarté et sa précision,…
M. Daniel Reiner. Absolument !
M. Jeanny Lorgeoux. … et nous voterons donc, sans réserve aucune, le texte qui nous est proposé,…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jeanny Lorgeoux. … car, comme nous l’écrivions naguère, Jean-Marie Bockel et moi-même, l’Afrique est l’avenir de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si l’accord de coopération militaire que nous examinons ce matin est un traité de coopération militaire « classique » dans sa rédaction, il revêt une importance particulière à la lumière d’un contexte sécuritaire fortement dégradé et au regard de la menace terroriste.
La guerre au Mali n’est pas terminée ; l’attaque de l’hôtel Radisson Blu à Bamako en novembre dernier en est la preuve.
Je souhaite rappeler qu’on ne peut comprendre ce traité sans prendre en compte tant les réalités que les défis immenses auxquels doit faire face le Mali.
L’examen de ce projet de loi est aussi l’occasion de rappeler l’appui, le soutien décisif apporté par la France et son armée trois années après le début de l’opération Serval en décembre 2012, devenue l’opération Barkhane depuis août 2013.
Qu’en serait-il aujourd’hui, mes chers collègues, si le drapeau de Daech ou d’Al-Qaïda flottait sur Bamako ? C’est toute l’Afrique de l’Ouest qui serait impactée, et nous en subirions les conséquences directement sur notre territoire.
En décembre 2012, la priorité était d’éviter l’effondrement de l’État malien. L’efficacité de l’opération française et de nos soldats a été saluée par les pays africains, l’Union africaine et la communauté internationale.
En 2016, la priorité est au renforcement de l’État, de ses structures et de ses moyens de gouvernance.
Si, ce matin, il n’est pas opportun de faire le bilan des OPEX Serval et Barkhane, permettez-moi, mes chers collègues, de regretter que l’article 4 de la loi de 2013 relative à la programmation militaire n’ait pas été respecté.
M. Jean-Marie Bockel. En effet !
M. Jacques Legendre. Il y est précisé que « les opérations extérieures en cours font, chaque année, l’objet d’un débat au Parlement » et que « le Gouvernement communique, préalablement à ce débat, aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat un bilan politique, opérationnel et financier des opérations extérieures en cours ». Il serait souhaitable que cet article soit respecté.
C’est très regrettable, car ce serait l’occasion de faire le bilan diplomatique et géopolitique de ces opérations militaires.
Par ailleurs, soyons conscients que bon nombre de pays sont menacés, y compris dans leur intégrité géographique, tant par la progression de l’État islamique que par la concurrence dans l’horreur entre AQMI et Daech. Dès lors, la coopération militaire est un moyen concret pour assurer la sécurité de cette région.
Aussi, mes chers collègues, je tiens à vous dire que ce traité ne porte aucune réminiscence de « néocolonialisme » ou d’une quelconque « Françafrique »…
Le traité qui nous est soumis tend précisément à remplacer un accord de 1985. Comme l’a très justement observé notre collègue Claude Nougein, que je remercie et dont je salue le travail, ce traité ne contient aucune clause pouvant laisser supposer – ou suspecter – une éventuelle ingérence politique de la part de la France.
On s’inquiète souvent de ce que peut faire la France en Afrique, mais, en même temps, on déplore qu’elle n’y soit pas assez présente !
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jacques Legendre. Bien au contraire, il n’est pas inutile de le rappeler, ce traité est de la même nature que ceux qui ont été signés précédemment avec le Sénégal, le Togo, le Cameroun, le Gabon, Djibouti, la Côte d’Ivoire et d’autres pays. Les quinquennats se suivent et, sur ce point, se ressemblent !
Un autre point doit être mentionné : ce traité ne se substitue pas à l’accord sous forme d’échange de lettres des 7 et 8 mars 2013, qui permet de garantir la sécurité juridique de l’intervention militaire française au Mali, légitimée aussi par l’article 51 de la charte des Nations unies.
Toutefois, il nous apparaît important de dire ici que ni les OPEX ni la coopération militaire, aussi efficaces soient-elles, ne sauraient suffire à l’établissement d’une paix durable dans la région.
Le Mali, comme l’ensemble du continent africain, doit faire face à de profondes mutations. Celles d’ordre démographique sont cruciales, car l’augmentation de la population exige que le marché du travail puisse accueillir une main-d’œuvre jeune.
Dans le cas contraire, c’est toute une jeunesse désœuvrée qui trouvera un refuge dans l’économie du crime organisé, ses réseaux mafieux s’appuyant sur des tribus qui ne bénéficient pas des retombées d’une croissance atteignant certes 5 %, mais inégalement profitable et répartie sur le territoire.
N’oublions pas que la crise malienne trouve ses origines dans les inégalités entre les populations du nord et du sud du pays. Les Touaregs du Nord sont restés à l’écart du développement économique du Sud.
C’est pour cela que, plus que jamais, c’est une politique d’aide publique au développement inclusive qui doit être menée. En outre, l’aide publique au développement, l’APD, doit être renforcée et absolument évaluée ; son efficacité ne peut être une option.
À l’heure où les crises financières et économiques durent, c’est un impératif économique.
À l’heure où le terrorisme islamique menace le berceau africain de la civilisation, l’efficacité de l’APD est un impératif moral.
Enfin, nul ne peut ignorer que le défi démographique s’accompagnera d’un défi encore plus grand – je pense au défi alimentaire. Combiné aux conséquences des difficultés naturelles et climatiques, c’est un facteur immense de risques de déstabilisation politique et de guerre.
C’est pour cette raison que ce type d’accord mérite d’être soutenu ; il crée une condition supplémentaire de paix à long terme. La formation d’une armée nationale participe au renforcement de l’État malien.
Au regard de ces considérations juridiques et du contexte géopolitique complexe, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l'UDI-UC, du RDSE et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Annick Girardin, secrétaire d'État. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, cet accord, je le dis une nouvelle fois à l’attention de ceux qui s’interrogent encore, marque une différence entre une coopération structurelle – c’est son objet ! – et les différents accords portant sur des opérations ponctuelles telles les opérations Barkhane ou Sangaris.
Ce qu’il faut absolument retenir, c’est que nous adaptons en permanence nos dispositifs pour répondre aux situations spécifiques et aux nouveaux enjeux, non seulement la lutte contre le terrorisme, mais aussi la formation indispensable et l’accompagnement de l’armée malienne, qui doit effectivement prendre le relais dans la mission de sécurisation du territoire malien et de lutte contre le terrorisme.
Mais vous avez raison, il n’y aura pas de sécurité et de paix durable au Mali sans développement, sans une implication forte à ses côtés dans sa reconstruction de la France et, au-delà, de l’Union européenne.
Un orateur a qualifié le niveau de l’aide apportée au Mali de « scandaleusement insuffisant ». Le mot est un peu fort, d’autant que la France est le premier donateur bilatéral du Mali.
À cet égard, permettez-moi de rappeler quelques chiffres.
La conférence des donateurs pour le développement du Mali, sous l’impulsion de la France, a accordé à ce pays une assistance à hauteur de 3,3 milliards d’euros pour l’aider à se relever. Certes, c’est encore trop peu au regard des défis auxquels il doit faire face, mais ce montant est suffisamment important pour qu’il soit tout de même un peu fort, je le répète, de parler de niveau « scandaleusement insuffisant ».
Le 22 octobre dernier, lors de la dernière réunion de l’OCDE, le Président de la République, François Hollande, a annoncé l’attribution de plus de 300 millions d’euros de financements sur la période 2015-2017 en faveur de 80 projets situés essentiellement dans le nord du Mali.
Je suis d’accord avec vous, il faut de la transparence et une évaluation de cette aide. Aussi, je me réjouis que vos collègues Henri de Raincourt et Hélène Conway-Mouret aient entrepris la rédaction d’un rapport ayant précisément pour objet d’évaluer cette aide.
Par ailleurs, je prends bonne note de votre demande d’organiser un débat annuel,…