M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État. Je veux à nouveau remercier toutes celles et tous ceux qui se sont impliqués dans ce texte. Je remercie en particulier Mme la rapporteur de son travail et M. le président de la commission des paroles qu’il vient de prononcer, ainsi que le député Guillaume Garot et M. Derambarsh.
Le Gouvernement, je l’ai dit, se réjouissait par avance de la large majorité que la proposition de loi s’apprêtait à recueillir ; vous comprendrez qu’il se félicite d’autant plus de cette unanimité, assez rare pour être soulignée. Certes, la proposition de loi est petite par la taille, pour citer Mme la rapporteur, mais elle est grande par son objet, car elle fait avancer une très belle cause. Je ne sais pas si c’est un texte historique, monsieur Guerriau, mais c’est en tout cas un texte qui fera date ! (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
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Communication d’un avis sur un projet de nomination
M. le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et des lois organiques n° 2010-837 et n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires sociales a émis un vote favorable – vingt-huit voix pour, neuf voix contre et six bulletins blancs – à la nomination de Mme Agnès Buzyn aux fonctions de président de la Haute Autorité de santé.
5
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen de deux projets de loi
M. le président. En application du deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen :
- du projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, déposé sur le bureau du Sénat le 3 février 2016 ;
- du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 3 février 2016.
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Retrait d’une question orale
M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 1348 de M. Jean-Marie Bockel est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
7
Droit individuel à la formation pour les élus locaux
Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi visant à permettre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (proposition n° 284, texte de la commission n° 338, rapport n° 337).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’en souviens, voilà quelques années, en 1991, me semble-t-il, alors jeune secrétaire d’État aux collectivités locales, je présentai le premier projet de loi traitant des conditions d’exercice des mandats locaux, autrement dit ce qui est rituellement appelé le « statut de l’élu ».
Certains collègues parlent toujours du statut de l’élu, comme s’ils s’attendaient à ce que, tout d’un coup, arrive un texte complet intitulé Statut de l’élu. La réalité est toute différente !
Déjà, en 1991, nous avions instauré le droit à la formation des élus, ainsi qu’un droit à la retraite, et nous avions revu les indemnités, etc. Depuis, beaucoup de lois ont permis d’améliorer la situation des élus. La dernière en date est issue d’une proposition de loi, que Jacqueline Gourault – je la salue – et moi-même avions préparée. Celle-ci faisait suite aux états généraux de la démocratie locale, organisés par le Sénat, au cours desquels nous avions interrogé les élus de toute la France pour savoir quelles mesures devaient être prises pour faciliter l’exercice des mandats locaux.
Je dois vous dire, mes chers collègues, que, en écrivant cette proposition de loi, nous avions en tête ce que nous avaient dit nos collègues élus, ce qu’avaient préconisé toutes les associations d’élus, et une idée : faire en sorte que tous les Français puissent accéder aux fonctions électives.
Vous le savez, toutes les catégories de citoyens ne sont pas représentées de la même manière dans la composition des conseils municipaux. Il est plus difficile pour des salariés ou des cadres du secteur privé que pour des retraités de la fonction publique ou, même, du secteur privé d’être élus municipaux, départementaux ou régionaux.
L’accès à ces fonctions est aussi plus facile dans certains cas que dans d’autres, par exemple lorsque l’on commence sa vie professionnelle, ou encore lorsque l’on exerce une activité libérale ou dans le secteur privé.
Par conséquent, nous avions dans l’idée de compenser ce déséquilibre à cause duquel certains de nos concitoyens rechignaient à se présenter à des élections locales. C’est ainsi qu’une série de mesures ont été proposées.
Plus précisément, j’évoquerai un amendement écrit pas M. Antoine Lefèvre, que je tiens à saluer également, car nous ne serions pas là sans lui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
En effet, notre collègue a repris l’idée, qui, je crois, avait été émise par une association d’élus locaux, à savoir permettre aux élus des collectivités locales de bénéficier du congé individuel de formation. Excellente idée, qui a d’ailleurs été approuvée dans de très bonnes conditions à la fois par le Sénat et par l’Assemblée nationale.
Je ne vais pas détailler les modalités de ce dispositif, car Mme Catherine Di Folco, qui a rédigé un rapport extrêmement précis, détaillé et complet sur ce sujet, va nous en parler dans un instant.
En vertu de la loi que nous avons votée, le droit individuel à la formation pour les élus locaux était censé entrer en vigueur le 1er janvier 2016, mais, malheureusement, comme vous le savez, depuis cette date, aucun élu de France n’a pu bénéficier de la mesure. En effet, l’organisme gestionnaire du fonds, alimenté à hauteur de 1 % du montant global des indemnités perçues par les élus locaux, n’a pas été désigné ni le fonds défini. Ainsi, théoriquement, ce droit s’applique, mais, pratiquement, il n’en est rien.
Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, Marylise Lebranchu, à qui je tiens à rendre hommage, de même qu’à M. André Vallini, qui travaille en pleine complémentarité avec elle, avait rédigé un amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2015, amendement qui a connu un sort funeste. J’ai bien expliqué à M. le secrétaire d’État chargé du budget que, dès lors que le Gouvernement collaborait à un amendement ou qu’il soutenait fortement un amendement que j’avais déposé, il aurait été logique qu’il le soutînt à son tour, de sorte que nous puissions l’adopter. Mais tel ne fut pas le cas ! Aussi ai-je derechef écrit une proposition de loi pour que cette mesure puisse prendre effet, tout simplement.
M. Antoine Lefèvre. Excellent !
M. Jean-Pierre Sueur. À cela s’ajoute un acte II, car il s’agit d’une histoire qui comprend deux actes, et seulement deux, ce dont vous voudrez bien nous excuser… (Mme Jacqueline Gourault s’esclaffe.)
Second acte, donc : vous vous souvenez sans doute que la loi NOTRe a eu pour effet de supprimer les indemnités perçues par les présidents et vice-présidents des syndicats dont le périmètre est inférieur à celui des communautés de communes. Et si vous ne vous en souvenez pas, les élus de vos différents départements, mes chers collègues, vous le rappelleront …
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ils nous le rappellent !
M. Jean-Pierre Sueur. Cela a suscité quelques remous et quelques incompréhensions, il faut le dire. Monsieur le secrétaire d'État, je veux être très clair au sujet des syndicats. Que l’on veuille supprimer des syndicats qui font double emploi avec les communautés – communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines, métropoles –, c’est normal et c’est logique. Cependant, dans certains cas, les syndicats continuent à avoir leur pertinence. Je citerai un exemple qui me tient beaucoup à cœur et que tout le monde connaît, celui des syndicats scolaires.
Il existe en effet dans toute la France des milliers de syndicats qui regroupent les élus de deux, trois ou quatre communes et qui ont été créés pour gérer une école. Il est établi que les élus concernés ne sont pas toujours d’accord pour que la communauté assure la gestion de toutes les écoles.
Dans une communauté qui comprend trente ou quarante communes, les élus ont le sentiment que l’école – et il est inutile de rappeler quel rôle celle-ci joue dans notre République ! – ne sera plus gérée avec un lien de proximité avec la commune. Ces élus – ils méritent, à mon sens, d’être entendus – sont parfaitement d’accord avec l’idée des communautés de communes, dont ils reconnaissent l’excellence. Ils acceptent tout aussi volontiers un élargissement du périmètre et du champ de compétences de celles-ci pour gagner en efficacité, mais ils demandent de garder un syndicat pour la gestion de proximité – j’ai pris l’exemple du syndicat scolaire.
Dans ce cas, la suppression brutale des indemnités perçues par les présidents de ces syndicats qui font preuve de beaucoup de dévouement et qui, vous le savez bien, ne font pas cela par goût du lucre paraît difficilement compréhensible.
Mes chers collègues, un amendement visant à remédier à cela a donc été déposé par Mme Marylise Lebranchu, que je salue et à laquelle je rends de nouveau hommage. Si cet amendement ne s’est pas heurté à un refus de M. le secrétaire d'État chargé du budget, il a été censuré par le Conseil constitutionnel, qui y a vu un cavalier budgétaire introduit dans le projet de loi de finances.
Je remercie donc le Gouvernement d’avoir bien voulu tirer parti du présent texte pour gérer enfin cette question avec l’accord de Mme la rapporteur, avec l’accord de la commission et, je l’espère, avec votre accord, mes chers collègues.
J’en terminerai en disant à Mme la ministre qu’il serait bon que la question soit réglée, aujourd’hui ou dans un avenir assez proche, pour deux ans au moins. Un an de plus, voire jusqu’au terme du mandat, ce serait mieux ! (Applaudissements.)
8
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation conduite par M. Jacques Chagnon, président de l’Assemblée nationale du Québec, qui est accompagné par M. Geoffrey Kelley, ministre du Gouvernement du Québec, chargé des affaires autochtones. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre et M. le secrétaire d’État se lèvent.)
La délégation est accompagnée par M. Jean-Claude Carle, président du groupe d’amitié France-Québec.
Le président Jacques Chagnon s’est vu remettre hier par M. Gérard Larcher, président du Sénat, les insignes d’officier de la Légion d’honneur, distinction accordée aux personnalités étrangères auxquelles la nation française souhaite accorder sa reconnaissance.
Nous lui adressons les chaleureuses félicitations du Sénat et le remercions pour sa défense infatigable de la langue et de la culture françaises au sein des instances interparlementaires et internationales de la francophonie dont il est depuis très longtemps l’un des piliers.
Nous souhaitons à nos amis québécois la plus cordiale bienvenue au Sénat français ! (Applaudissements.)
9
Droit individuel à la formation pour les élus locaux
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à permettre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme la rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, sur l’initiative du Sénat, à la suite de l’adoption d’un amendement de notre collègue Antoine Lefèvre, l’article 15 de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat a ouvert à ces derniers la faculté de se constituer un droit individuel à la formation. Cet article était la concrétisation législative d’une recommandation formulée par l’auteur de cet amendement, au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui soulignait à quel point « la question de l’après-mandat est une préoccupation majeure des élus locaux. ». Cet instrument devrait favoriser « la diversification des profils sociologiques des responsables politiques locaux. » M. Sueur vient de le dire.
La proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur vise à conforter ce dispositif.
La commission des lois, soucieuse d’assurer l’effectivité d’un mécanisme conçu pour contribuer à la vitalité de la démocratie locale, a approuvé l’objet de la proposition de loi qu’elle a complétée pour remédier aux conséquences d’une censure constitutionnelle, point sur lequel je reviendrai plus tard.
Le droit individuel à la formation, ou DIF, ainsi constitué est d’une durée annuelle de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat et financé par une cotisation obligatoire, dont le taux ne peut être inférieur à 1 % du montant des indemnités de fonction versées par la collectivité. La cotisation est collectée par un organisme national.
La mise en œuvre du DIF relève de l’initiative de chacun des élus concernés. Il peut être utilisé pour des formations sans lien avec l’exercice du mandat dans la perspective de la réorientation professionnelle de l’élu après la fin de son mandat.
La fixation des modalités de mise en œuvre du DIF, notamment les conditions de la collecte de la cotisation, a été renvoyée à un décret en Conseil d’État, lequel n’a pas été publié à ce jour. Par conséquent, et au terme d’une approche comparative, le recours à la loi pour mettre en œuvre le DIF est apparu nécessaire. En effet, pour deux dispositifs proches de celui qui est l’objet du présent texte, le fonds de financement de l’allocation différentielle de fin de mandat et le système d’information du compte personnel de formation des actifs, le législateur a expressément désigné l’organisme gestionnaire : la Caisse des dépôts et consignations.
Comme l’a dit M. Sueur, le nouveau dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2016.
Le nombre de bénéficiaires potentiels est constitué des 550 000 élus locaux de tous les niveaux de collectivités. Parmi eux, les 190 000 conseillers qui perçoivent une indemnité de fonction seraient assujettis au versement de la cotisation.
Le montant total ainsi collecté au taux plancher de 1 % est estimé à 14 millions d’euros par an, selon les éléments transmis par la Direction générale des collectivités locales, ou DGCL.
La proposition de loi qui nous est soumise présente un triple objet. Premier objet, créer un fonds pour le financement du DIF des élus locaux. Deuxième objet, en confier la gestion à la Caisse des dépôts et consignations qui en assurerait la gestion administrative, technique et financière, ainsi que l’instruction des demandes de formation. Sur ce dernier point, il s’agirait d’un examen technique destiné à vérifier la régularité des demandes en termes de droits constitués, le nombre d’heures disponibles et la compatibilité de la formation souhaitée avec les champs ouverts au DIF. Troisième objet, prévoir une information annuelle du comité des finances locales sur la gestion du fonds.
La compétence de la Caisse des dépôts et consignations s’est imposée à l’auteur de la proposition de loi en raison « de son expérience et de son expertise dans le domaine de la formation ».
Les représentants de la Caisse que nous avons auditionnés se sont déclarés prêts à assumer cette nouvelle mission. En effet, cette instance assure déjà la gestion des régimes de retraite et de protection sociale des élus – le fonds de pension des élus locaux, le FONPEL, le régime de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC –, ainsi que le fonds de financement de l’allocation différentielle de fin de mandat, déjà mentionné.
Elle s’y est d’ailleurs préparée dans le cadre d’une réflexion conduite avec le ministère de la décentralisation avant qu’une intervention législative ne s’impose. Elle a ainsi identifié les différents aspects de cette mission : recouvrement des cotisations qui pourrait être annuel, en fin d’exercice ; calcul des droits des bénéficiaires ; instruction des demandes ; règlement des prestations des organismes de formation et paiement des frais de déplacement et de séjour des stagiaires ; information des élus ; gestion financière et comptable ; établissement d’un tableau prévisionnel de financement du fonds.
Les cotisations, pour la première année 2016, pourraient être exigibles dès le mois de septembre, afin de permettre le financement des formations dès janvier 2017.
D’après les éléments recueillis auprès de la Caisse et de la Direction générale des collectivités locales, les formations ouvertes aux élus pour leur reconversion professionnelle seraient les suivantes : les formations qualifiantes telles qu’elles sont prévues par le code du travail ; les formations comprises dans le socle de connaissances et de compétences ; les formations pouvant conduire à l’acquisition de diplômes dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience des élus locaux.
En ce qui concerne la mise en œuvre du DIF, je souhaite préciser que, si la demande doit être introduite avant l’expiration du mandat, la formation elle-même devrait pouvoir s’accomplir postérieurement, dans un délai toutefois contraint, puisque les droits sont constitués jusqu’à l’achèvement du mandat.
De plus, la Caisse et la DGCL estiment qu’il conviendrait également de réfléchir à instaurer un plafonnement de la prise en charge par l’organisme collecteur, à l’instar de ce qui est pratiqué pour la prise en charge des frais de formation au titre du compte personnel de formation des actifs.
La commission des lois a ajusté le texte pour corriger des erreurs de références d’articles et clarifier la rédaction des dispositions encadrant le DIF, afin de bien distinguer son financement de ses bénéficiaires. Le droit individuel à la formation est en effet financé par une cotisation assise sur les indemnités de fonction, mais il bénéficie à l’ensemble des élus, qu’ils perçoivent ou non une indemnité de fonction. Il faut bien le préciser.
De plus – et c’est le second acte –, la commission des lois a accepté de tirer les conséquences d’une censure constitutionnelle en complétant cette proposition de loi par un amendement du Gouvernement, afin de remédier à la décision de non-conformité de l’article 115 de la loi de finances rectificative. Celui-ci précisait l’entrée en vigueur et le champ d’application de l’article 42 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République qui a réformé le régime indemnitaire des syndicats de communes et des syndicats mixtes. Le Conseil constitutionnel a considéré qu’il s’agissait d’un cavalier budgétaire.
Ainsi, l’article 3, ajouté lors des travaux de la commission, prévoit le report de la réforme opérée par l’article 42 de la loi NOTRe à l’expiration d’un délai de deux ans après la publication de celle-ci, c’est-à-dire au 9 août 2017. Il prévoit également l’application, dans l’intervalle, du dispositif indemnitaire antérieur à la loi NOTRe pour les présidents et vice-présidents des syndicats de communes et mixtes, avec effet rétroactif au 9 août 2015. Enfin, il prévoit l’extension, à compter du 9 août 2017, aux présidents et vice-présidents des syndicats mixtes ouverts dits « restreints » du versement d’indemnités – et non des défraiements de frais – selon le système prévu par la loi NOTRe pour les syndicats de communes et les syndicats mixtes fermés.
En conséquence, l’intitulé de la proposition de loi a été modifié, également sur proposition du Gouvernement. Je sais que ce dernier va nous présenter un amendement visant à modifier le délai du report de la réforme, et je l’en remercie par avance. Nous en discuterons tout à l’heure.
J’en viens au report limité de la mise en application de l’article 42 de la loi NOTRe. J’entends bien la position du Gouvernement, lequel lie ce report à la rationalisation de la carte des EPCI à fiscalité propre et des syndicats et aux nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale qui verront le jour en 2017.
Toutefois, je souhaite attirer son attention sur les conséquences de l’arrêt du versement des indemnités aux présidents et vice-présidents des syndicats de communes ou mixtes qui seront toujours en exercice en 2017 et qui seront donc légitimes puisque ces syndicats n’auront pas été dissous.
Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, il ne me paraît pas équitable de changer les règles du jeu en cours de partie, si vous me permettez cette expression. Il me semblerait plus sage de prolonger la dérogation jusqu’à la fin des mandats électifs en cours qui interviendra, dans la plupart des cas, à la fin du premier trimestre de l’année 2020. Seul le Gouvernement a la possibilité de proposer une prolongation du dispositif en ce sens.
Si vous en êtes d’accord – nous verrons quelles sont vos positions –, nous pourrions prendre acte du fait que l’article 3 de cette proposition de loi est une première étape, afin que ce texte recueille un vote conforme à l’Assemblée nationale – et dans des délais brefs, je sais que c’est important –, texte dont la mise en application est rendue nécessaire notamment eu égard au DIF, officiellement en vigueur depuis le 1er janvier 2016. L’enjeu est, surtout, de légaliser le versement des indemnités, auquel il est procédé actuellement, mais qui est dépourvu de fondement juridique depuis plusieurs mois. Il est donc en effet urgent de trouver un accord avec l’Assemblée nationale.
Cela étant, nous attendons un engagement du Gouvernement – peut-être l’aurons-nous ce soir – d’étudier cette demande de prolongation jusqu’à la fin du mandat en cours, prolongation qui devrait faire l’unanimité sur les travées du Sénat. Nos collègues élus locaux ont été choqués par les conséquences de l’article 42 de la loi NOTRe. Ils sont vent debout et nous interpellent chaque fois que nous les rencontrons !
J’en termine en vous remerciant, madame la ministre, de votre compréhension, du travail positif que nous avons pu mener en commun et de votre action future jusqu’à l’échéance de 2020. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez examiné en commission avec beaucoup d’attention la proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur visant originellement à étendre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation. Il s’agit vraiment d’une œuvre.
Mme Gourault ne me contredira pas, nous avons toujours été un peu en retard concernant le statut et les droits des élus. Ainsi, madame la rapporteur, vous défendez, à la suite de M. Sueur, un beau texte.
M. Pierre-Yves Collombat. Très beau !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. On ne dit pas assez à nos concitoyens, me semble-t-il, que beaucoup d’élus sont bénévoles ni que beaucoup d’autres ont de très petites indemnités.
M. Jean-Pierre Sueur. Voire n’en ont pas du tout, pour la plupart !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. La presse, les médias parlent toujours des « grands élus », comme si l’on était plus grand quand on dirige une grande ville ou quand on a un mandat parlementaire. Mais beaucoup d’élus de petites communes font face, dans la semaine suivant leur élection, à des questions extrêmement complexes ; or leur droit à la formation est très limité. Certains conseillers municipaux ont aussi parfois du mal à suivre tous les arguments qui leur sont soumis – j’ai vécu cette situation et vous aussi –, faute d’une formation, ce droit ayant été négligé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois pourtant que l’élu local doit avoir un droit à la formation, droit profondément ancré en France et que d’aucuns ont par ailleurs toujours défendu pour d’autres bénéficiaires, comme les salariés. Cette proposition de loi permet de franchir ce pas. Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, rejoints aujourd’hui par Mme Di Folco et toute la commission, font donc œuvre importante à propos du statut de l’élu.
L’article 1er de cette proposition de loi crée un fonds de gestion très bien conçu pour le financement du droit individuel à la formation des élus locaux. La gestion de ce fonds est attribuée à la Caisse des dépôts et consignations, ce qui garantira la transparence qui a manqué autrefois, il y a très longtemps, avant tous les textes relatifs à la transparence de la vie politique. Ainsi, la gestion administrative, technique et financière de ce fonds sera assurée par un tiers bienvenu, très proche des collectivités territoriales.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Et légitime !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Confier la gestion de ce fonds à la Caisse des dépôts et consignations permet en outre d’aller vite.
Ainsi, la loi du 31 mars 2015 n’avait pas désigné l’organisme collecteur national. Il fallait y procéder ; c’est désormais chose faite. De surcroît, même s’il s’agit d’un droit individuel, les élus pourront exercer un suivi global de l’utilisation du fonds, ce qui est positif.
Par ailleurs, à l’occasion de l’examen de ce véhicule législatif – et avec votre accord, madame Di Folco, monsieur Sueur et mesdames, messieurs les sénateurs –, le Gouvernement a souhaité corriger les effets d’un accident parlementaire intervenu – je me permets d’employer cette expression, car je sais que vous appréciez le sourire à cette tribune. Un amendement relatif aux très grands syndicats – ils posent parfois problème, tout le monde le sait – avait en effet été adopté lors de l’examen de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, mais n’avait pas été corrigé en commission mixte paritaire, pour des raisons d’équilibre. Cette disposition est donc restée telle quelle et les présidents de syndicats ont perdu leurs indemnités. Il était par conséquent temps de corriger ce qui était une erreur.
Ainsi, je m’étais engagée à reporter la mise en œuvre de cette disposition au 9 août 2017 ; nous nous étions entretenues à ce sujet voilà quelques semaines, madame Di Folco, et Jean-Pierre Sueur m’avait aussi fait part de son accord. Entre-temps, beaucoup de discussions ont eu lieu. Vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, m’avez demandé très aimablement de reporter un peu plus l’entrée en application de cette mesure ; certains parlementaires sont même allés en courant jusqu’à Matignon pour la retarder davantage encore.
Je ne sais pas si ma première proposition était mauvaise, mais en tout cas un arbitrage a été rendu, qui suit exactement ce qui figure dans la loi. Par exemple, pour l’eau et l’assainissement – sujet le plus discuté actuellement, puisque cette compétence va être transférée aux schémas départementaux de coopération intercommunale –, la mise en œuvre est fixée soit au 1er janvier 2018, ce que je proposais, soit au 1er janvier 2020.
Je ne vous rejoins pas pour ce qui concerne la date des élections municipales parce que cette disposition est liée à des transferts de compétence. Jean-Pierre Sueur a raison : certes, certains syndicats ne seront pas transférés, mais nous avons le temps, entre aujourd’hui et 2020 – cela fait beaucoup de temps, soyons donc très vigilants dans nos commentaires –, de voir si, en fonction des retours d’expérience, certains syndicats doivent être conservés.
Cela concerne d’ailleurs également l’échelon inférieur aux intercommunalités ; c’est en effet bien de cela qu’il s’agit puisqu’on a longtemps gardé des syndicats dont le périmètre dépasse celui de l’intercommunalité. Il existe en effet des syndicats mixtes très spécialisés, sur lesquels il faudra sans doute engager un débat. D’où ma proposition de report au 1er janvier 2018, puisque le 1er janvier 2020 relève d’un arbitrage du Premier ministre et non de moi-même, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt.
Cela dit, il faudra considérer le sujet dans sa globalité, parce que certains maires ou présidents d’intercommunalités posent la question de ces indemnités, de leur plafonnement ou de leur gestion. Les sénateurs, dans leur grand élan pour regarder le sujet de très près, s’en saisiront probablement, car il y aura d’autres points à traiter sur les présidences de syndicats.
Nos concitoyens sont très attentifs à tout cela. Je reste toujours dans la vérité et on ne me fera jamais déroger à mon engagement vis-à-vis de moi-même : la vocation des syndicats n’est pas de régler la question de la diminution des vice-présidences. Ce n’est pas le sujet ; les syndicats doivent faire la démonstration de leur utilité. On ne peut pas dire aux citoyens que l’on maintient un mécanisme parce qu’il permet d’avoir des intercommunalités plus grandes. Non !
On doit donc la réalité ; les présidents de syndicats doivent avoir une indemnisation, au moins jusqu’au 1er janvier 2020. Pour la suite, vous aurez le temps de traiter le sujet, avec d’éventuels plafonnements. En effet, certains maires nous signalent que tel ou tel président de syndicat a une indemnité supérieure à celle du maire dont il est adjoint. Vous étudierez le problème de près ; des mesures devront sans doute être prises, mais, pour l’instant, restons dans la sagesse du choix de Matignon et de vous-mêmes.
J’en termine avec cette question. Vous m’avez demandé d’aller au-delà de l’échéance initialement prévue et j’ai proposé le 1er janvier 2018 et même 2017, car je pense qu’il y a urgence. En effet, aujourd’hui, les comptables ne peuvent légalement plus indemniser les présidents de syndicats. Christian Eckert, dans sa grande sagesse, leur a demandé de continuer à honorer ces demandes d’indemnisations, en s’engageant à ce que cette disposition figure dans la présente proposition de loi – car le droit doit être respecté. C’est pourquoi il faut aller très vite ; nous sommes dans la rectification, pour ne pas dire plus.
J’avais ainsi proposé cette date pour être certaine d’obtenir un vote conforme à l’Assemblée nationale ; maintenant, avec l’échéance finalement choisie, je ne suis plus certaine de le pouvoir, mais nous essaierons. Nous répondons de cette façon à la demande d’un certain nombre de sénateurs ici présents ; espérons que nous aboutirons à un texte voté dans les mêmes termes à l’Assemblée nationale, de sorte que les comptables publics ne se trouvent pas en difficulté dans les jours et les semaines à venir.
J’y reviens, nous sommes face à un très beau texte sur le droit individuel à la formation des élus locaux ; l’essentiel est qu’il demeure tel. Le secondaire consisterait à assurer ces paiements dans les prochaines semaines. Voilà comment on rattrape parfois quelques accidents parlementaires… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - Mme la rapporteur, Mme Jacqueline Gourault et M. Antoine Lefèvre applaudissent également.)