Mme Évelyne Didier. Non !
M. Daniel Gremillet. À cet égard, la confusion existant au niveau du consommateur entre date de péremption et date de préférence de consommation est absolument phénoménale. Il y a là un problème manifeste d’éducation.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Daniel Gremillet. Au final, le risque est que, mécaniquement, le producteur soit amené à supporter cet excès normatif. En ce sens, l’article 2 de la proposition de loi, qui transfère la responsabilité du fait des produits défectueux du distributeur vers le fournisseur, suscite mon interrogation. Faisons simple, ne tombons pas dans la surenchère des dispositions déjà produites en nombre en France au nom du principe de précaution !
Dans un pays comme le nôtre, dont la réputation gastronomique n’est plus à faire, et en cette période de vœux qui s’achève, j’exprime, pour 2016, le souhait que nous puissions relever le défi de contrer les mauvais chiffres du gaspillage alimentaire et de redonner à la table française ses lettres de noblesse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est des chiffres qui choquent, qui marquent, qui heurtent et qui auraient fait réagir bien plus rapidement les générations qui nous ont précédés, lesquelles, en effet, n’avaient pas pour habitude de gaspiller et avaient le plus grand respect pour la nourriture.
Comment accepter, sans réagir, que chacun de nous jette, aujourd’hui en France, des dizaines de kilos de nourriture par an, alors que, dans le même temps, ici même, des femmes, des hommes, des enfants éprouvent tant de difficultés à se nourrir et tandis qu’à l’échelle de la planète près d’un milliard d’êtres humains souffrent de la faim ? L’injustice est d’ampleur, et elle n’est pas acceptable.
Si tout le monde est d’accord pour lutter contre ces gaspillages, si, ici ou là, des initiatives ont été prises, si telle ou telle démarche a déjà bien été engagée par les associations, les collectivités, les entreprises, force est de constater que cela n’a pas suffi et ne suffira pas. Il était donc absolument nécessaire de mettre en œuvre une véritable action publique. Félicitons-nous qu’avec cette proposition de loi la lutte contre le gaspillage soit véritablement en marche.
Mes chers collègues, l’enjeu est éthique. Il était temps d’inventer une politique publique contre le gaspillage alimentaire, ne serait-ce que par respect du travail de celui qui a produit cette nourriture, ne serait-ce que par rapport à ceux qui, en France ou dans le monde, souffrent de la faim. Esprit civique et solidarité doivent en effet présider à la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Outre l’aspect économique, l’enjeu est également écologique, car le gaspillage au niveau de la planète – cela a d’ailleurs déjà été dit – est certainement le troisième émetteur de gaz à effet de serre, après la Chine et les États-Unis. Voilà qui renvoie à la nécessité de modifier nos comportements, nos modes de vie et de consommation ! Sait-on suffisamment qu’il faut 1 000 litres d’eau pour produire un kilo de farine ? Jeter une baguette de pain revient donc à jeter une baignoire d’eau pleine.
À une autre échelle, faut-il rappeler que, pour nourrir la population mondiale, qui passera de sept milliards à neuf milliards d’habitants d’ici à trente ans, il faudra augmenter considérablement la production agricole, alors que, aujourd’hui, en raison du gaspillage alimentaire, nous laissons perdre 30 % de cette même production ? Faut-il ajouter que les impacts du changement climatique sur les terres cultivables pourraient accroître encore l’insécurité alimentaire de certaines grandes régions de la planète ?
Bref, la lutte contre le gaspillage alimentaire est bel et bien à l’ordre du jour.
J’approuve l’ensemble des mesures de ce texte, à commencer par celles qui visent à interdire aux grandes surfaces de rendre délibérément impropres à la consommation les invendus encore consommables. Au-delà de l’amende de 3 750 euros, la peine complémentaire encourue, c’est-à-dire l’affichage ou la diffusion de la sanction prononcée, m’apparaît des plus nécessaires et surtout des plus efficaces.
Cela étant dit, s’il faut saluer les efforts effectués par certaines enseignes en matière de dons, il faut aussi regretter que toutes ne se mobilisent pas. La loi doit veiller à ce que certaines ne restent pas à la traîne, en les obligeant à signer des conventions avec les associations. Il est évident que le contenu de ces conventions devra être le fruit d’une réelle concertation entre pouvoirs publics, grandes et moyennes surfaces et associations caritatives afin que lesdites conventions soient justes et équitables en tout point et pour toutes les parties. Il semble important de préciser que les conventions devront aussi prendre en compte les questions logistiques, qui posent problème aux associations en matière de tri et de transport.
Pour conclure, je dirai que cette lutte est l’affaire de tous, sans exception : les producteurs comme les industriels, les grandes enseignes comme les consommateurs eux-mêmes. En effet, il semblerait que, sur dix kilos d’aliments jetés, six sont le fait des consommateurs. Or, là, il faudra beaucoup d’éducation, beaucoup de sensibilisation, beaucoup également d’information, car si les consommateurs jettent, c’est souvent parce qu’ils ne savent pas comment se comporter par rapport aux dates limites de consommation. Là aussi, un travail de clarification s’impose.
Enfin, l’école se doit aussi de compléter l’éducation parentale, quotidiennement. C’est ce que prévoit ce texte, tout à fait remarquable, et qu’avec le groupe socialiste je soutiens totalement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, d’après l’ADEME, le gaspillage alimentaire a été multiplié par deux depuis 1974. Il représente aujourd’hui dans la consommation des ménages vingt kilos par an et par personne de déchets, dont sept kilos de déchets alimentaires non consommés encore emballés, soit un coût de 100 à 160 euros par an et par personne.
Sans tomber dans la démagogie, ce gaspillage invite à la réflexion sur notre société de surconsommation, sur notre volonté ou pas de maîtriser celle-ci. De façon plus pragmatique, nous devons nous interroger sur les outils à mettre en place pour éduquer à une meilleure consommation, c’est-à-dire une consommation maîtrisée.
Les collectivités locales sont directement concernées par le gaspillage alimentaire en tant que gestionnaires de la restauration scolaire, en raison des actions menées dans le cadre de leurs compétences dans le domaine des affaires sociales ou encore du fait de leurs relations de proximité avec les acteurs de la solidarité. Depuis 2010, dans le cadre de l’Agenda 21, l’agglomération du Havre, par exemple, s’est engagée dans une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire, initialement dans le cadre de la prévention des déchets.
Ainsi, nous nous sommes attachés à mettre en place des actions de prévention par l’éducation jusqu’à l’installation de composteurs dans les écoles.
Dans nos cantines scolaires, où sont servis 8 600 repas quotidiennement, nous avons mis en place une politique alimentaire qui a permis de créer des réflexes naturels pour éviter le gâchis : confection sur place à partir de produits issus de la filière courte, enfants servis à table par petite quantité, menus variés… Les enfants de primaire sont aussi invités à des ateliers pédagogiques spécifiques. Les restes de stocks sont distribués en fin d’année à la Banque alimentaire.
En parallèle, pour réduire le gaspillage alimentaire domestique, des actions pédagogiques auprès des familles sont organisées. Elles prennent la forme non seulement de supports pratiques, tels qu’un livret de recettes, une liste de course ou un fascicule sur le rangement du frigidaire, mais aussi d’ateliers culinaires sur l’art d’accommoder les restes. Au-delà de la maîtrise du gaspillage, j’y vois un outil pour maîtriser son budget, éduquer à une alimentation équilibrée et à l’art de partager un repas cuisiné autour d’une table.
À l’heure où le nombre de bénéficiaires de la distribution alimentaire augmente, les associations qui collectent ont besoin de plus en plus de denrées. Si la proposition de loi Garot sécurise les dons des invendus aux associations caritatives, une incertitude n’en demeure pas moins quant à la qualité des dons effectués. J’entends par ce terme la problématique des dates limites d’utilisation optimale et des dates limites de consommation.
Le transfert obligatoire des invendus des grandes surfaces vers les associations locales doit impérativement être encadré avec précision, de sorte que les associations caritatives ne deviennent pas les « poubelles » des entreprises de distribution. Il importe que la responsabilité du gâchis alimentaire ne soit pas transférée vers les associations caritatives, qui seraient dans l’impossibilité de gérer des stocks imprévisibles. En effet, les partenariats existant aujourd’hui entre acteurs de la grande distribution et associations caritatives montrent que, dans la majorité des cas, les denrées alimentaires mises à disposition ont des dates limites d’utilisation optimale dépassées et des dates limites de consommation très proches. Il en résulte que de nombreuses denrées sont jetées par les bénéficiaires du fait de leur non-connaissance de la signification des dates.
Par ailleurs, les quantités excessives de produits ne trouvent pas toujours de destinataire. Il faudra donc être attentif et exigeant sur la prévention et travailler pour une meilleure connaissance des dates limites d’utilisation et de consommation. Il sera également nécessaire de donner aux associations caritatives les moyens de connaître en amont les stocks dont elles pourront bénéficier. Ce sont à mes yeux des actions fortes qui éviteront aussi le gaspillage alimentaire.
Je voterai donc ce texte qui, dans le contexte actuel de la précarisation de nombreuses personnes, apporte une réponse de bon sens et encourage à la solidarité de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’ensemble des oratrices et des orateurs qui viennent de se succéder à la tribune, je me félicite, au nom du Gouvernement, de la qualité et de l’importance de cette proposition de loi.
Dans un monde où l’homme exploite sans vergogne les ressources naturelles, le gaspillage alimentaire n’est plus tolérable. Des initiatives sont lancées, vous le savez, dans le monde entier pour lutter contre ce gaspillage, pour lutter aussi contre la surexploitation des océans ou la déforestation.
En votant ce texte, dans quelques minutes, vous contribuerez à la préservation des ressources naturelles de notre planète et vous ferez de la France l’un des pays du monde les plus en pointe dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Je tiens donc à remercier de leur implication Mme Didier, Mme Bonnefoy, M. Labbé, Mme Billon, M. Gremillet, M. Courteau et Mme Canayer, qui se sont exprimés aujourd'hui. Je remercie également la rapporteur, Mme Jouanno, et le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, M. Maurey. Je salue enfin le travail très important du député Guillaume Garot, dont la présence aujourd'hui dans les tribunes du public montre l’attachement qu’il a pour ce texte.
Vous avez tous contribué à faire de cette proposition de loi un texte important, utile. Je ne doute pas que celui-ci sera voté à une très large majorité dans un instant.
Je veux également répondre précisément à Mme Didier sur la mission que Mme la ministre de l’écologie – retenue par un engagement qu’elle avait pris antérieurement, elle s’excuse de ne pas être présente cet après-midi – a confiée à l’ADEME.
L’Agence a publié un guide à l’usage des collectivités afin que celles-ci engagent des mesures destinées à éviter le gaspillage dans les cantines scolaires. Elle met également des experts à disposition des associations caritatives pour les conseiller sur la récupération des dons alimentaires. Elle a en outre aidé financièrement les collectivités lauréates de l’appel à projet « zéro gaspillage, zéro déchet », soit 154 territoires, comptant 30 millions d’habitants. Enfin, l’ADEME aide certaines associations à réaliser des campagnes de glanage et à se prémunir contre d’éventuelles actions juridictionnelles. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire
Article 1er
(Non modifié)
I. – Après la sous-section 1 de la section 3 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement, est insérée une sous-section 1 bis ainsi rédigée :
« Sous-section 1 bis
« Lutte contre le gaspillage alimentaire
« Art. L. 541-15-4. – La lutte contre le gaspillage alimentaire implique de responsabiliser et de mobiliser les producteurs, les transformateurs et les distributeurs de denrées alimentaires, les consommateurs et les associations. Les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire sont mises en œuvre dans l’ordre de priorité suivant :
« 1° La prévention du gaspillage alimentaire ;
« 2° L’utilisation des invendus propres à la consommation humaine, par le don ou la transformation ;
« 3° La valorisation destinée à l’alimentation animale ;
« 4° L’utilisation à des fins de compost pour l’agriculture ou la valorisation énergétique, notamment par méthanisation.
« La lutte contre le gaspillage alimentaire comprend la sensibilisation et la formation de tous les acteurs, la mobilisation des acteurs au niveau local et une communication régulière auprès des consommateurs, en particulier dans le cadre des programmes locaux de prévention des déchets.
« Art. L. 541-15-5. – I. – Les distributeurs du secteur alimentaire assurent la commercialisation de leurs denrées alimentaires ou leur valorisation conformément à la hiérarchie établie à l’article L. 541-15-4. Sans préjudice des règles relatives à la sécurité sanitaire des aliments, ils ne peuvent délibérément rendre leurs invendus alimentaires encore consommables impropres à la consommation ou à toute autre forme de valorisation prévue au même article.
« II. – Aucune stipulation contractuelle ne peut faire obstacle au don de denrées alimentaires vendues sous marque de distributeur, au sens de l’article L. 112-6 du code de la consommation, par un opérateur du secteur alimentaire à une association caritative habilitée en application de l’article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime, prévu par une convention conclue par eux.
« III. – Le don de denrées alimentaires par un commerce de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés à une association caritative habilitée en application de l’article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime fait l’objet d’une convention qui en précise les modalités.
« IV. – Le présent article n’est pas applicable aux denrées impropres à la consommation.
« V. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article.
« Art. L. 541-15-6. – I. – Au plus tard un an après la promulgation de la loi n° … du … relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire ou au plus tard un an à compter de la date de leur ouverture ou de la date à laquelle leur surface de vente dépasse le seuil mentionné au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 précitée, les commerces de détail alimentaires dont la surface de vente est supérieure à ce seuil proposent à une ou plusieurs associations mentionnées au III de l’article L. 541-15-5 de conclure une convention précisant les modalités selon lesquelles les denrées alimentaires leur sont cédées à titre gratuit.
« Les commerces de détail ayant conclu une telle convention avant la promulgation de la loi n° … du … précitée sont réputés satisfaire au présent I.
« II. – Le non-respect de l’obligation prévue au I est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. »
« III. – Un distributeur du secteur alimentaire qui rend délibérément impropres à la consommation les invendus alimentaires encore consommables, sans préjudice des dispositions réglementaires relatives à la sécurité sanitaire, est puni d’une amende de 3 750 €. Il encourt également la peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. »
II. – Le II des articles L. 541-15-5 et L. 541-15-6 du code de l’environnement, dans leur rédaction résultant du présent article, entre en vigueur un an après la promulgation de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l’article.
M. Joël Guerriau. La proposition de loi que nous allons voter dans quelques instants vient en aide à près de 10 millions de Français issus de la classe moyenne invisible. Dans un contexte de souffrance – 4 millions de nos concitoyens sont mal logés et 1 million sont des travailleurs précaires gagnant moins de 800 euros par mois –, ce texte montre l’exemple, non seulement en Europe, mais aussi dans le monde entier. Nous devons en être fiers.
Face à cette détresse humaine, comment ne pas réagir en sachant que, chaque jour, un supermarché dispose en moyenne de cinquante kilos d’invendus consommables, ce qui permettrait de nourrir plus d’une centaine de personnes ?
Je tiens ici à rendre hommage à Arash Derambarsh, élu local de Courbevoie, présent aujourd’hui dans nos tribunes, qui a su montrer l’exemple en nous sollicitant grâce à une pétition signée par plus de 750 000 personnes, soutenue par les ONG Action contre la faim et la Croix-Rouge française. Je crois que nous pouvons l’applaudir… (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC. – M. Joël Labbé applaudit également.)
L’article 1er de la proposition de loi comporte de très belles avancées. Ainsi, l’obligation d’établir des conventions avec les établissements de plus de 400 mètres carrés me semble primordiale.
Cet article consacre également un droit opposable, permettant à une association agréée de réclamer les invendus soir après soir. Le supermarché qui s’y refuse risque une amende de 3 750 euros. La « javellisation » des produits consommables devient par ailleurs interdite.
La rédaction de conventions peut s’inspirer de guides de bonnes pratiques. Je pense à celui de la direction générale de l’alimentation, intitulé Distribution de produits alimentaires par les organismes caritatifs, qui rappelle notamment les produits à ne pas distribuer. Or ce n’est pas aux associations d’aide alimentaire de faire le tri. Il incombe aux donateurs de vérifier les dates limites d’utilisation optimale ainsi que la lisibilité de l’étiquetage. À l’association, il incombe de bien distribuer les produits sans effectuer de marché parallèle. Il nous incombera à nous, mes chers collègues, de suivre la mise en œuvre de cette loi d’un œil très vigilant.
Rien de plus normal que les distributeurs donnent, d’autant que le grand public collecte aussi des produits secs et des conserves. En cette période hivernale, ce ne sont pas moins de 100 000 bénévoles qui se mobilisent. Les Restos du cœur et la Banque alimentaire collectent tout au long de l’année ; cette proposition de loi viendra compléter les dons quotidiens.
Au regard des 80 millions de personnes démunies sur notre continent, nous devrions lancer un appel solennel au Président de la République ainsi qu’à Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, afin que cette loi puisse être déclinée au niveau européen, car elle porte tout le sens de la fraternité de notre pays. C’est là un sourire à partager ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme Billon et MM. Longeot, Kern et Détraigne, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
ou denrées dont l'intégrité n'est plus assurée
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Cet amendement a un double objectif : renforcer l’exigence de qualité des denrées alimentaires mises à disposition des associations caritatives et, dans le prolongement de la loi relative à la transition énergétique, conforter la priorité donnée à la prévention de la production des déchets, dont la lutte contre le gaspillage alimentaire est un maillon.
Mon expérience du terrain, j’en suis persuadée, est partagée dans cette assemblée d’élus territoriaux : nos collectivités sont confrontées à la gestion croissante des invendus alimentaires donnés aux associations caritatives.
En votant cet amendement, mes chers collègues, vous répondrez à des enjeux non seulement éthiques et économiques, mais aussi écologiques.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Chantal Jouanno, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. L’article 1er prévoit la signature d’une convention entre grandes et moyennes surfaces et les associations pour récupérer les invendus. Il est explicitement prévu que les produits impropres à la consommation ne sont pas couverts par cet article. L’objet de cet amendement est de l’étendre aux produits dont l’intégrité n’est pas assurée.
Pour garantir l’intégrité des produits, il faut prévoir des conditions de tri en amont et, surtout, assurer la logistique. Tel est précisément l’objet des conventions qui doivent être conclues entre les grandes et moyennes surfaces et les associations.
Une convention-cadre est en cours de négociation entre tous les acteurs, associatifs ou économiques, et le ministère de l’agriculture, qui doit justement déterminer ces différents points. Il serait intéressant, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez nous éclairer sur l’état d’avancement de cette convention-cadre.
Quoi qu’il en soit, la commission a jugé que cette disposition relevait plutôt des conventions. En conséquence, elle sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Vallini, secrétaire d'État. Comme vient de le souligner Mme la rapporteur, le projet de convention type prévoit que les dons soient de qualité. Ainsi, un magasin ne pourra pas donner des denrées qui ne peuvent être transportées ou conservées dans de bonnes conditions. Cette convention type est disponible depuis le début de l’année et servira de base aux échanges entre associations caritatives et grandes enseignes de la distribution.
Selon nous, la convention suffit. Il n’est donc pas nécessaire que ce point soit repris de façon explicite dans la loi. C’est la raison pour laquelle je vous invite à retirer votre amendement, madame la sénatrice. À défaut, le Gouvernement y sera défavorable.
M. le président. Madame Billon, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Non, je le retire, monsieur le président. Je pense avoir obtenu les garanties suffisantes.
M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 1 est présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 4 est présenté par Mme Billon et MM. Détraigne, Longeot et Kern.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette convention assure une garantie de reprise par le commerce de détail alimentaire des denrées alimentaires données aux associations et non distribuées.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 1.
Mme Évelyne Didier. L’article 1er formalise le don alimentaire par une convention conclue entre les distributeurs et les associations caritatives. De telles conventions, on le sait, existent déjà, ce qui a permis une réelle « étude d’impact » par le retour d’expérience des différents acteurs concernés.
Or les associations ont mis en avant les difficultés logistiques auxquelles elles devaient faire face en termes de transport et de stockage, notamment lorsque les dons alimentaires sont des produits frais rapidement périssables. Se pose en l’occurrence la question de la qualité du don et, finalement, de sa qualification, soit en denrée périssable, soit en déchet. Certaines associations avaient souligné leur crainte de devenir des centres de tri des distributeurs.
Le coût de gestion de ces déchets alimentaires résiduels, en provenance du secteur alimentaire, ne doit être supporté ni par les collectivités territoriales ni par les contribuables. C’est pour éviter tout risque de ce type et en vertu du principe de la responsabilité du producteur de déchets que nous vous proposons de compléter l’article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 4.
Mme Annick Billon. Loin de moi l’idée de vouloir insister, mais j’ai eu l’occasion d’assister à une livraison de denrées alimentaires aux Restos du cœur : les bénévoles devaient être équipés de masques et de gants tellement les denrées étaient en état de décomposition…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Chantal Jouanno, rapporteur. Nous comprenons parfaitement l’objectif de ces amendements, qui posent néanmoins deux difficultés.
Premièrement, une fois que les produits ont été donnés, ils n’appartiennent plus aux distributeurs, qui n’en ont plus la responsabilité. Cette question renvoie à la convention qui est en cours de négociation et aux modalités de tri en amont.
Deuxièmement, ces amendements soulèvent un vrai sujet de préoccupation pour l’ensemble des collectivités. Aujourd’hui, les distributeurs sont responsables de leurs propres déchets et en paient le coût de traitement. Dès lors que des denrées sont données à des associations, si ces dernières sont ensuite obligées de les remettre dans le circuit des déchets, ce sont les collectivités qui vont payer. Il ne faudrait pas qu’il y ait, à cette occasion, un transfert de charge et, finalement, un double bénéfice pour les distributeurs, qui pourraient obtenir une défiscalisation tout en s’abstenant de payer le coût de traitement des déchets.
Dans cet hémicycle, il me semble que nous partageons unanimement votre préoccupation, mes chères collègues. Nous attendons du Gouvernement qu’il nous assure de la mise en place d’indicateurs de suivi de cette loi et des conventions, afin que l’on n’assiste pas, demain, à une augmentation des flux de déchets liée à la mise en œuvre de ce dispositif. Si des dérives étaient constatées à travers ces indicateurs, une clause de revoyure pourrait être prévue dans un ou deux ans.
Le but de cette loi et des conventions est précisément de limiter le volume global des déchets et de faire en sorte que, contrairement à la situation actuelle, les associations ne soient pas des déversoirs pour les distributeurs, qui pourraient ainsi se débarrasser à bon compte des produits qu’ils n’arriveraient pas à vendre. Les conventions doivent permettre de cadrer le dispositif et l’État doit prévoir des indicateurs de suivi pour éviter de telles dérives.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je précise que l’ADEME pourrait utiliser son fonds de prévention des déchets pour aider les associations à améliorer leur logistique afin d’accueillir ces dons dans les meilleures conditions.