PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, si nous sommes réunis aujourd’hui pour voter cette proposition de loi, c’est bien parce que, au cours des dernières années, la France a été victime d’attentats terroristes sans précédent. Or il est affligeant que, sous l’influence de la pensée unique, on refuse de regarder la vérité en face. Ainsi, les médias, les grands partis politiques et les soi-disant intellectuels bien-pensants prétendent qu’il ne faut pas faire d’amalgame et qu’il ne faut surtout pas parler des racines de ce terrorisme.
Cela n’a pas de sens, car personne ne pense un seul instant que tous les musulmans sont des terroristes ou que toutes les personnes issues de l’immigration sont dangereuses.
Mme Éliane Assassi. Vous voulez dire qu’il y en a !
M. Jean Louis Masson. En revanche, il faut avoir le courage de dire que les récents attentats terroristes ont été absolument tous commis par des musulmans extrémistes,…
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Jean Louis Masson. … lesquels étaient quasiment tous issus de l’immigration. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ça y est : il l’a dit !
M. Jean Louis Masson. Il faut aussi cesser de travestir la vérité en prétendant que ces actes terroristes ne seraient le fait que de quelques illuminés. En effet, partout dans le monde, des pays sont mis à feu et à sang au nom de l’extrémisme musulman. Ce ne sont donc pas des cas isolés, comme le prouvent aussi bien les attentats du 11 septembre aux États-Unis, que ce qui se passe aujourd’hui au Mali, en République centrafricaine, au Tchad, au Cameroun et dans de nombreux autres pays.
En France aussi, rappelez-vous les attentats contre Charlie Hebdo : au cours de la semaine qui a suivi, des milliers, voire des dizaines de milliers de collégiens ou de lycéens issus des quartiers ont refusé de respecter la minute de silence et se sont ostensiblement réjouis de cet attentat. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Un sénateur de l’UDI-UC. Cela n’a rien à voir !
M. Jean Louis Masson. C’est bien la preuve qu’il s’agit d’un problème beaucoup plus profond que de simples actes isolés.
De plus, outre le terrorisme stricto sensu, il faut également citer la criminalité de ceux qui rejettent les valeurs de notre société. Nos voisins allemands s’en sont rendu compte avec les agressions du Nouvel An à Cologne et dans d’autres villes allemandes ; plus de 600 femmes ont porté plainte pour attouchements sexuels ou pour viol. Cependant, en Allemagne, les autorités ont au moins fini par reconnaître la réalité en indiquant que les bandes d’agresseurs étaient « des personnes de type nord-africain ou arabe ».
Mme Nicole Bricq. Et l’attentat du cinéma Saint-Michel ?
M. Jean Louis Masson. Un tel constat serait impensable en France, où les tenants de la pensée unique et de la langue de bois…
M. Alain Néri. C’en est un bel exemple !
M. Jean Louis Masson. … refusent qu’on dise la vérité.
La proposition de loi qui nous est soumise n’est certes pas négative dans sa finalité, mais elle est insignifiante par rapport à l’ampleur du problème. C’est tout l’avenir de la France qui est en jeu, et cela suppose une vision d’ensemble, avec notamment une action plus dissuasive face aux dérives de l’immigration et du communautarisme.
Mme Éliane Assassi. Chassez le naturel, il revient au galop !
M. Jean Louis Masson. Cela suppose une expulsion systématique des étrangers en situation irrégulière ou des faux demandeurs d’asile. Cela suppose aussi que l’on expulse ceux des étrangers qui rejettent nos valeurs ou qui abusent de notre hospitalité en multipliant les crimes ou les délits. (C’est terminé ! sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Jean Louis Masson. En conclusion, il est clair que, si nous voulons vraiment lutter contre le terrorisme, il faut prendre le mal à la racine. Il faut réagir de manière très ferme contre les dérives communautaristes, qui sont le terreau de la radicalisation. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Terminé !
M. Jean Louis Masson. Si on ne le fait pas, les extrémistes musulmans d’aujourd’hui bénéficieront demain d’une base de recrutement leur permettant de renouveler et d’accroître encore leurs effectifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de vos propos et de nous avoir fait part de votre plaisir à travailler avec le Sénat. C’était encore mieux en le disant !
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans notre pays, la première loi relative à la lutte contre le terrorisme a été instaurée en 1986. Cela fait donc exactement trente ans cette année que les actes de terrorisme font l’objet d’un droit et de procédures spécifiques.
Depuis lors, près d’une vingtaine de textes d’importance variable ont été adoptés, le plus souvent en réaction à de nouvelles vagues d’attentats. Le terrorisme n’est pas un phénomène nouveau : sans remonter aux attentats anarchistes de la fin du XIXe siècle ni aux attentats d’extrême droite ou d’extrême gauche des années 1960 et 1970, la France a été confrontée à la violence islamiste dès les années 1990.
Ainsi, la vague d’attentats ou de tentatives d’attentats, à l’été et à l’automne de 1995, a donné naissance au plan Vigipirate, jamais supprimé depuis, et à la loi du 22 juillet 1996 qui a notamment créé le délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
De même, après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis et ceux de Madrid et de Londres, nos gouvernements respectifs ont présenté plusieurs lois durcissant notamment les mesures de contrôle d’identité, de fouille des biens et des personnes, la recherche et l’exploitation de renseignement. C’est durant les années 2000 qu’a émergé le concept de sécurité intérieure, parallèlement au constat de la montée de nouvelles formes de violence sur le territoire national.
L’actuelle majorité n’est pas en reste. Depuis 2012, le Gouvernement a fait adopter deux lois relatives à la lutte contre le terrorisme – j’ai d’ailleurs eu l’honneur d’être ici le rapporteur de la première –, avec un accent mis sur la surveillance et la prévention d’attaques liées au djihadisme, dans le contexte de l’aggravation des conflits en Syrie et en Irak.
Dernier texte adopté – vous y êtes pour beaucoup, monsieur le garde des sceaux –, la loi relative au renseignement, promulguée le 24 juillet 2015, a sensiblement accru les moyens juridiques de l’administration en matière de surveillance, de collecte et de stockage de données.
Face à un tel corpus de textes déjà en vigueur, une nouvelle loi contre le terrorisme est-elle vraiment nécessaire ?
M. Michel Mercier, rapporteur. Oui !
M. Jacques Mézard. Assistons-nous à une course entre les Républicains et les socialistes, bien sûr au nom de l’intérêt général ?
Mes chers collègues, notre droit distingue clairement les actes de terrorisme et prévoit déjà des procédures spécifiques. Le cadre juridique des enquêtes, de la garde à vue, les formations de jugement composées exclusivement de magistrats professionnels, les infractions spécifiques comme le délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et les peines prévues forment un solide arsenal répressif, à condition de l’utiliser.
L’opportunité de cette proposition de loi résiderait alors ailleurs. Elle n’a de pertinence que dans la perspective d’une sortie de l’état d’urgence, comme l’ont évoqué M. le garde des sceaux et M. le rapporteur. En effet, elle prévoit de renforcer les moyens légaux du juge judiciaire. Actuellement, les préfets et le juge administratif sont habilités à prendre des décisions en matière de lutte contre le terrorisme. Néanmoins, cette situation ne pourra pas durer éternellement, sauf à instaurer un état d’urgence permanent, ce dont le groupe du RDSE ne veut pas.
Monsieur le garde des sceaux, pourquoi autant de méfiance à l’égard de l’autorité judiciaire ? Hier, c’est à nouveau le premier président de la Cour de cassation qui, dans une déclaration commune avec les premiers présidents de cours d’appel, a déploré de voir la justice « affaiblie » par les réformes en cours…
M. Alain Gournac. Ah !
M. Jacques Mézard. … et réclamé une reconnaissance de l’autorité judiciaire dans son rôle de « garant de l’ensemble des libertés individuelles ». Mes chers collègues, ne soyons pas sourds, parce qu’elles sont rares, aux déclarations communes d’un premier président de Cour de cassation et des premiers présidents de cours d’appel !
Que va répondre le Gouvernement ? Je crois qu’il s’appuie à juste titre sur la loi constitutionnelle du 3 juin 1958, qui est très claire. Malheureusement, depuis, la République a dérivé.
Sur cette question, la proposition de loi du président Bas et de ses collègues contient certaines mesures positives, puisqu’elle permettra de rééquilibrer quelque peu les prérogatives du juge judiciaire face à celles du juge administratif. Je l’avais dit à cette tribune lors de l’examen du projet de loi relatif au renseignement, puis du projet de loi relatif à l’état d’urgence, mais évidemment avec le faible poids de notre petit groupe…
M. Bruno Sido. Mais non !
M. Jacques Mézard. Par exemple, les perquisitions dans le cadre d’enquêtes préliminaires pourront être réalisées dans les mêmes conditions que pour les enquêtes en flagrance, tout en restant sous le contrôle du juge des libertés et de la détention. Le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention pourront également procéder à la saisie de données électroniques indépendamment de la perquisition.
Toutefois, plusieurs dispositions tendant à renforcer significativement les pouvoirs du parquet posent problème. Nous tenons à souligner ce point. Je pense à l’autorisation d’utiliser des appareils de collecte de données à distance, dits « IMSI catchers », déjà abordée lors de l’examen du projet de loi relatif au renseignement. En dépit de garanties, ce dispositif est manifestement attentatoire à la vie privée, dans la mesure où il conduit à intercepter en masse, par le biais de fausses antennes-relais, des correspondances émises ou reçues par des personnes sans aucun lien avec l’enquête. C’est pourquoi nous proposerons de revenir, entre autres, sur cette disposition.
M. Bruno Sido. Nous n’avons rien à cacher !
M. Jacques Mézard. Dire que les gens honnêtes n’ont rien à cacher, ce n’est pas un argument de fond ! La défense des libertés individuelles passe par le respect des principes républicains. (Mme Hermeline Malherbe et M. André Gattolin applaudissent.)
Désormais, et je conclus, madame la présidente, plus que de nouveaux textes, pour lutter efficacement contre le terrorisme, la justice et la police ont besoin de moyens matériels, humains et budgétaires. Ce n’est pas l’accumulation de textes répressifs qui résout la question du terrorisme, ce sont plutôt les moyens employés pour lutter contre les problèmes du communautarisme et de notre politique étrangère, dont il faudra bien parler un jour ! (C’est vrai ! sur les travées du groupe CRC.)
Sous le bénéfice de l’ensemble de ces éléments, majoritairement, notre groupe s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, eh bien oui, nous sommes en guerre ! La France est en guerre : certes, une guerre d’un nouveau type, une guerre qui s’est affranchie des frontières, des codes militaires, des nationalités, une guerre qui se déploie sur un théâtre d’opérations extérieur qui concerne toute la planète. Nous avons en face de nous des ennemis qui sont en civil, qui s’entraînent dans des camps étrangers. La cible de cette guerre, c’est nous, c’est-à-dire tous ceux qui ne sont pas « eux » ! On peut faire et reconnaître ce constat. Mais, lorsque l’on fait le constat de la guerre, il faut tout de suite en tirer les conséquences.
La révision de la Constitution, pourquoi pas ? Cependant, nous le savons, elle a une portée largement symbolique, à condition que les symboles soient clairement énoncés.
La prorogation de l’état d’urgence, sans doute… Mais on sait bien qu’il faudra en sortir et qu’il faut d’ores et déjà préparer le jour d’après.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. C’est exactement la démarche que nous avons voulu suivre – et je veux en remercier à la fois Philippe Bas, président de la commission des lois, et Michel Mercier, ancien garde des sceaux et rapporteur – en essayant de tirer des leçons des événements. La première de ces leçons, on le voit bien, c’est que, l’an dernier, janvier n’a pas pu nous prémunir de novembre.
Ces leçons, nous devons les tirer pour l’avenir. Nous ne sommes pas des historiens. Nous sommes des femmes et des hommes politiques,…
Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas mal !
M. Bruno Retailleau. … et nous avons en charge cette idée simple pour nos concitoyens que le passé ne se répète pas, ne bégaie pas.
Il me semble, et c’est toute la démarche de la proposition de loi, qu’il nous faut évaluer la menace – vous l’avez dit, monsieur le ministre, elle est élevée, intense, et elle s’installe – et, dans le même temps, réévaluer l’ensemble de nos dispositions juridiques, c’est-à-dire notre arsenal.
S’agissant d’abord de la menace, le ministre de l’intérieur l’a confirmé, nos services ont déjoué onze attentats en 2015. C’est considérable ! Faites l’exercice auquel je me suis livré : placez les attentats qui se sont produits depuis six mois sur une mappemonde. Vous constaterez en quelques minutes que presque tous les continents sont concernés, parfois avec des dizaines de pays, comme en Afrique.
Tout se passe comme si l’État islamique, en difficulté en Irak et en Syrie, crachait son venin de haine partout dans le monde. Tout se passe comme si Daech, en difficulté sur son petit territoire, essayait d’avoir une stratégie de conquête planétaire. Jamais il n’avait eu la capacité de frapper autant et partout. Jamais il n’avait eu celle de se renouveler en recrutant grâce aux moyens électroniques les plus modernes : le numérique au service la barbarie !
Vous vous souvenez certainement de cette phrase de Lénine, monsieur le garde des sceaux : « Le communisme, c’est les Soviets…
Mme Nicole Bricq et M. Michel Mercier, rapporteur. Plus l’électricité !
M. Bruno Retailleau. Eh bien, Daech, c’est le califat plus internet,…
M. Pierre-Yves Collombat. Plus d’autres faiblesses !
M. Bruno Retailleau. … c’est-à-dire une formidable régression de la pensée.
M. André Gattolin. Et de la parole !
M. Bruno Retailleau. Hannah Arendt nous a mis en garde : « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal. »
Au service de cette régression de la pensée sont en même temps utilisés les moyens les plus modernes que l’Occident a mis au point. Attention donc : nos sociétés sont sans doute technologiquement avancées, mais elles risquent d’être aussi des sociétés juridiquement dépassées, si nous ne réévaluons pas à la hauteur de la menace l’ensemble de nos dispositifs. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est ce qu’a judicieusement fait Philippe Bas, épaulé par Michel Mercier.
La proposition de loi traduit une approche très simple : elle vise à faire en sorte que nous nous portions au-devant des événements, au lieu d’être à la traîne, à la remorque, comme trop souvent dans nos démocraties, qui ont leurs faiblesses et, évidemment, leurs valeurs, qui sont de beaux atouts.
En même temps, nous devons trouver, justement, le point d’équilibre. Jacques Mézard s’est fait l’écho des réserves qu’expriment les plus hautes instances du monde judiciaire, et il a eu raison de le faire, mais parce que le Sénat est la maison qui a toujours garanti les libertés individuelles, il nous appartient de trouver où placer le curseur entre mesures de sécurité et garanties individuelles. C’est la raison pour laquelle, au centre de tous ces dispositifs, nous avons placé le juge judiciaire, qu’il soit du parquet ou du siège.
En réalité, cette proposition de loi vise à relever trois défis.
Le premier de ces défis est d’adapter de façon très pragmatique notre droit à l’environnement numérique actuel, avec différentes dispositions portant, par exemple, sur l’utilisation des IMSI catchers, sur le régime, évidemment encadré, de la sonorisation des lieux privés, sur celui de la saisie des données de messagerie électronique, sur la création d’un délit de consultation habituelle des sites terroristes djihadistes, exact parallèle de ce qui existe déjà pour la consultation des sites pédopornographiques.
Je pense que ce premier défi a été relevé.
Le deuxième défi, mes chers collègues, est de tourner le dos à l’angélisme pénal et à tout laxisme.
Cela signifie des moyens renforcés – pour les enquêtes, l’investigation, en termes de délais, de perquisition, etc. – au-delà de l’état d’urgence, dont il faudra bien sortir, et le plus vite possible.
Cela signifie en même temps le renforcement de la répression du terrorisme et la création d’un délit de séjour sur des théâtres étrangers d’opérations terroristes.
Cela signifie surtout qu’il faut tourner le dos aux dispositions qui sont mauvaises. À cet égard, monsieur le ministre, ce que vous avez déclaré ici nous inquiète tous. Comment pouvons-nous entendre qu’un terroriste peut bénéficier de remises de peine ou, au moins, de la contrainte pénale ? Il n’a pas à en bénéficier ! Les choses doivent être claires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Nous avions imaginé une peine de rétention de sûreté ; je remercie Michel Mercier de lui avoir substitué un régime de perpétuité réelle, parce qu’il faut enfermer les terroristes jusqu’au bout quand ils présentent un danger pour nos concitoyens et pour la République.
M. Hubert Falco. Évidemment ! Il n’y a pas d’autre issue !
M. Bruno Retailleau. Tourner le dos au laxisme en matière de réponse pénale, cela veut dire, en somme, faire en sorte que nos concitoyens soient définitivement rassurés sur notre volonté, qui doit être implacable.
Troisième défi, enfin, on ne peut vouloir un renforcement du régime de répression sans vouloir parallèlement le renforcement du régime qui garantit les libertés publiques.
M. René-Paul Savary. C’est du bon sens !
M. Bruno Retailleau. J’ai été, moi aussi, sensible aux déclarations des plus hauts responsables des grandes instances judiciaires françaises. Elles ne sont ni de droite ni de gauche : elle représente une autorité qui est importante pour nous. Dans la proposition de loi, nous n’avons pas oublié ce versant pour trouver le juste équilibre dont je parlais.
Pour conclure, monsieur le garde des sceaux, je veux vous lire une déclaration du Président de la République du 18 décembre à laquelle je ne doute pas que vous voudrez donner toute sa portée de façon concrète : « Ce qui compte, c’est de faire en sorte que le dialogue puisse s’ouvrir avec l’opposition quand elle a des propositions à faire. »
M. Hubert Falco. Les voilà !
M. Bruno Retailleau. Eh bien, ces propositions, nous en débattons. Nous sommes au rendez-vous de la responsabilité politique, au rendez-vous aussi, monsieur le garde des sceaux, pour assurer à nos concitoyens et à la France un régime de sûreté, un régime de sécurité. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
M. Alain Gournac. Retailleau, garde des sceaux !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux – que je félicite de son accession à cette haute mais difficile fonction –, mes chers collègues, la menace terroriste est toujours très forte dans notre pays. Nous le savons et le Gouvernement nous le rappelle régulièrement.
Nous devons vivre avec, sans céder ni à la peur ni à une forme de panique qui pourrait nous conduire, dans un réflexe sécuritaire, à mettre en péril nos libertés individuelles. Cela serait une victoire pour les ennemis de la République.
Ne pas avoir peur donc, mais, surtout, ne pas baisser la garde ! Pas d’angélisme, et une préoccupation fondamentale : lutter contre ces criminels de la manière la plus efficace possible, mais dans le respect des grands principes démocratiques.
Nous sommes, depuis les derniers événements dramatiques qui ont frappé Paris, dans une situation particulière : l’état d’urgence, décrété par le Président de la République. Ce cadre d’exception était nécessaire, et nous avons naturellement apporté notre soutien au Gouvernement lorsqu’il nous a demandé de le prolonger.
Le Premier ministre a annoncé son souhait de le reconduire une nouvelle fois. Nous en débattrons le moment venu, mais une chose est certaine : notre pays ne peut pas, ne doit pas rester indéfiniment sous un régime d’exception.
La question de la sortie de l’état d’urgence va donc se poser. C’est dans cette perspective que cette proposition de loi nous est présentée.
La sortie de l’état d’urgence ne devra pas permettre, contrairement à ce qu’avait envisagé le Gouvernement dans une première mouture de son projet de loi constitutionnelle, le maintien aux préfets de pouvoirs de police administrative étendus. Le Gouvernement semble avoir abandonné cette hypothèse : tant mieux !
Le traitement de cette forme si particulière de criminalité qu’est le terrorisme doit pouvoir s’exercer dans le cadre normal de l’État de droit, sous l’autorité du juge judiciaire. Mais, à criminalité particulière, réponse judiciaire particulière : c’est ce que nous proposent les auteurs de ce texte. La proposition de loi balaie tout le spectre de la chaîne pénale, de l’enquête jusqu’à l’exécution des peines.
Je salue l’ampleur et la qualité du travail qui a permis d’aboutir à cette proposition de loi qui me semble un bel exemple d’initiative parlementaire, un texte technique et précis, que le Sénat pourra s’enorgueillir d’avoir élaboré et adopté rapidement, du moins je l’espère.
Dans la période troublée que nous vivons, de quoi avons-nous besoin en priorité : de symboles ou d’outils juridiques répressifs ? De nouveaux cas de déchéance de nationalité ou de la possibilité de s’assurer d’une perpétuité réelle incompressible pour les terroristes ?
Certains diront les deux. Une chose est sûre, en tout cas, l’extension de la déchéance de nationalité ne permettra jamais de neutraliser le moindre terroriste ! En revanche, la mise en œuvre des dispositions de cette proposition de loi offrira demain à la police judiciaire, aux magistrats du parquet et aux juges d’instruction de nouveaux instruments permettant d’arrêter et de condamner ces terroristes.
Certes, nous avons déjà voté récemment plusieurs textes pour lutter contre le terrorisme, notamment en augmentant les moyens des services de renseignement, là encore avec l’espoir d’empêcher de nouveaux attentats. Mais ce que nous allons faire aujourd’hui est différent : nous abordons l’aspect judiciaire des choses, les différentes étapes de la chaîne pénale.
Ce texte est donc absolument nécessaire et complémentaire des dispositions précédemment votées. Le Gouvernement ne peut d’ailleurs être que convaincu de cette nécessité, puisqu’il présentera, très prochainement, semble-t-il, son propre texte…
Les principales motivations des auteurs de la proposition de loi ont été rappelées par notre rapporteur ; je n’en citerai donc que quelques-unes, à titre d’illustration.
Le premier impératif est de rechercher une efficacité accrue, mais bien évidemment toujours sous le contrôle du juge.
Le deuxième impératif est d’approfondir l’adaptation de notre droit aux nouvelles technologies, qui avancent plus vite que le droit.
Le texte issu des travaux de la commission contient d’autres mesures bienvenues. Il prévoit ainsi la suppression de la contrainte pénale pour les infractions terroristes. Évidemment, diront certains ! Certes, mais, pour l’instant, notre droit positif le permet. Le mieux est que cela ne soit plus possible, car ce serait absolument inapproprié.
Il prévoit également la modification de notre code pénal afin de permettre à la cour d’assises, en cas de condamnation pour meurtre commis en bande organisée en relation avec une entreprise individuelle ou collective terroriste, de prononcer soit une période de sûreté de trente ans, soit une période de sûreté dite « incompressible » si elle prononce une réclusion criminelle à perpétuité. Comme l’ont dit plusieurs intervenants avant moi, cette période de sûreté ne doit pas seulement être « dite » incompressible, mais être réellement incompressible.
Ces mesures sont nécessaires dans la situation de guerre où nous nous trouvons.
Pour terminer, je tiens à saluer la qualité du travail de notre rapporteur, Michel Mercier. Il a démontré sa pleine maîtrise de ces sujets complexes. Son implication dans les travaux du comité de suivi de l’état d’urgence a, je n’en doute pas, éclairé sa réflexion.
La proposition de loi qu’il nous soumet aujourd’hui au nom de la commission des lois est un texte important pour la sécurité des Français. Nous la soutiendrons donc naturellement. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot.