M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 à 18
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. 11-2. – I. – Le ministère public informe par écrit l’administration de la condamnation d’une personne qu’elle emploie, y compris à titre bénévole, lorsqu’elle est définitive et qu’elle concerne un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.
« II. – Le ministère public informe sans délai la personne de sa décision de transmettre l’information prévue au I. » ;
II. – Alinéas 34 à 49
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je répéterai ce que le président Mézard a dit : il est indispensable que les individus convaincus, par le jugement définitif, de délits sexuels sur mineur ne puissent exercer d’activité les mettant en rapport avec ceux-ci, ce qui suppose d’en informer leurs employeurs. On peut d’ailleurs se demander pourquoi ce n’est pas déjà le cas, comme on peut s’étonner que l’on entende ainsi pallier les défaillances d’une administration par des lois.
On nous dit qu’il faut choisir entre des principes. Pas seulement ! On doit aussi choisir entre des malheurs. En effet, la simple diffusion d’un soupçon injustifié de pédophilie est, quoi qu’on fasse, la garantie d’une vie brisée. Et ce n’est pas une question théorique ou un problème de linguistique : ce sont des malheurs bien réels.
Rappelez-vous Outreau. Dans l’introduction du rapport de la commission d’enquête présidée par André Vallini – il était nettement meilleur dans cette fonction-là ! –, il était indiqué que, sur 60 000 personnes incarcérées alors dans les prisons de France – il y en a beaucoup plus maintenant ! –, 20 000 étaient en détention provisoire et que, sur ce nombre, 2 000 seraient sans doute reconnues innocentes.
Autant d’affaires d’Outreau dont on ne parlera jamais !
Mais posons-nous la question : combien de personnes cela concerne-t-il ? On n’a pas de statistiques sur les personnes qui, ayant été inquiétées pour des problèmes de pédophilie, ont finalement été innocentées, mais on connaît le nombre de demandes d’indemnisation adressées à la commission qui en est chargée : entre 2004 et 2008, il y en a eu 140 par an – c’est un minimum, puisque cela ne tient pas compte de tous ceux qui n’ont pas demandé d’indemnisation. Il s’agit donc en gros de 200 personnes par an !
Il n’est pas ici question de grands principes et de présomption d’innocence, mais de la réalité ! Je sais que, face à ces crimes abominables dont les enfants sont victimes, on a tendance à faire pencher la balance d’un certain côté, mais je voudrais qu’on réalise bien les enjeux en présence. Qu’on ne vienne pas pleurer ensuite, quand il y aura de nouveaux Outreau ! Je sais néanmoins que ce sera la même chose : on pleurera sur les victimes, mais il faudra pleurer en l’occurrence les victimes de la justice !
Alors, soyons un peu réalistes !
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 15
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. 11-2. – I. – Le ministère public peut informer par écrit l’administration des décisions suivantes rendues contre une personne qu’elle emploie, y compris à titre bénévole, lorsque, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, cette information est nécessaire pour lui permettre de prendre les mesures utiles au maintien de l’ordre public, à la sécurité des personnes ou des biens ou au bon fonctionnement du service public :
« 1° La condamnation, même non définitive, prononcée pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ;
« 2° La saisine d’une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d’instruction pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ;
« 3° La mise en examen pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.
« Le ministère public peut informer, dans les mêmes conditions, les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ou les ordres professionnels des décisions mentionnées aux 1° à 3° du présent I prises à l’égard d’une personne dont l’activité professionnelle ou sociale est placée sous leur contrôle ou leur autorité.
« II. – Dans tous les cas, le ministère public informe :
« 1° La personne de la transmission prévue au I ;
« 2° L’administration, ou l’autorité mentionnée au dernier alinéa du même I, de l’issue de la procédure.
« L’administration ou l’autorité mentionnée au dernier alinéa du I qui est destinataire de l’information prévue au même I peut la communiquer aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l’exercice de l’activité mentionnée aux premier et dernier alinéas dudit I. Cette information ne peut être diffusée à d’autres personnes.
« Sauf si l’information porte sur une condamnation prononcée publiquement et sous réserve du quatrième alinéa du présent II, toute personne destinataire de ladite information est tenue au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.
« III. – Les condamnations dont la mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire a été exclue en application de l’article 775-1 du présent code ne peuvent être communiquées à l’initiative du ministère public, sauf en application du 2° du II du présent article à la suite d’une première information transmise en application du I. Dans ce cas, l’information fait expressément état de la décision de ne pas mentionner la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
« IV. – Hors le cas où une décision prononçant une sanction a été légalement fondée sur l’information transmise par le ministère public, lorsque la procédure pénale s’est terminée par un non-lieu ou une décision de relaxe ou d’acquittement, l’administration ou l’autorité mentionnée au dernier alinéa du I retire l’information du dossier relatif à l’activité de la personne concernée.
« V. – Un décret détermine les conditions d’application du présent article, notamment les formes de la transmission de l’information par le ministère public et les modalités de retrait de l’information en application du IV. » ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. J’ai eu l’occasion de m’expliquer lors de mon propos introductif sur cet amendement. J’ai la conviction que le travail réalisé au Conseil d’État puis à l’Assemblée nationale constitue une base solide à partir de laquelle votre commission des lois a pu apporter son éclairage et ses ajouts. Néanmoins, le Gouvernement ne souhaite pas reprendre à son compte les modifications introduites par la commission, dispositions dont je doute de l’intérêt.
En effet, celles-ci finissent par rendre le texte proposé pour l’article 11-2 du code de procédure pénale à la fois moins précis, trop complexe et, en fin de compte, très difficilement applicable.
D’où cet amendement, qui vise à rétablir la rédaction initiale de l’article 1er du projet de loi, adoptée, je le rappelle, à l’unanimité des députés.
Quelques exemples significatifs justifient cette position.
Premier exemple, votre commission a prévu la possibilité pour la personne mise en cause de faire, à propos de toutes les décisions que le ministère public transmet à l’administration, des observations, qui doivent elles-mêmes être transmises à l’administration. Cela paraît inutile, notamment quand il sera question d’une condamnation publique, puisque la personne condamnée pourra, dans le cadre de la procédure disciplinaire, faire toutes les observations nécessaires devant son administration.
Deuxième exemple, votre commission a prévu la possibilité d’une saisine du président du tribunal de grande instance ou du premier président de la cour d’appel compétente en cas de non-transmission par le ministère public d’une décision de relaxe ou d’acquittement. Là encore, il s’agit selon moi d’une procédure lourde et inutile, dès lors qu’un recours est possible devant le procureur général, supérieur hiérarchique du procureur de la République, et que, par ailleurs, la personne peut toujours communiquer elle-même ladite décision à son administration.
Enfin, troisième exemple, votre commission a renvoyé pour les modalités d’application du texte à un décret en Conseil d’État et non à un décret simple, comme l’avait pourtant préconisé le Conseil d’État lui-même, ce qui retardera inutilement l’entrée en vigueur de la réforme, que nous estimons pourtant tous urgente.
Les ajouts que vous avez introduits ne m’ayant donc pas convaincue, je vous propose d’adopter notre amendement de rétablissement du texte initial.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme Imbert, MM. Milon, D. Laurent, Béchu, Chasseing, Revet, Joyandet, Laufoaulu, Dufaut et Cardoux, Mme Di Folco, M. Morisset, Mme Morhet-Richaud, MM. Vasselle et de Raincourt, Mme Mélot, MM. G. Bailly et Charon, Mmes Gruny et Deromedi, MM. Savary, Laménie et Kennel, Mme Deroche, MM. Lefèvre, Houpert et Pillet, Mme Lopez, M. Chaize et Mme Lamure, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après les mots :
à titre bénévole
insérer les mots :
ou contre un membre de sa famille habitant le domicile de la personne employée qui exerce ses missions dans son lieu d’habitation
II. – Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
ou à l’égard d’un membre de sa famille habitant le domicile de la personne employée qui exerce ses missions dans son lieu d’habitation
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Les assistants familiaux ou les assistants maternels accueillent des mineurs et exercent, pour une grande majorité d’entre eux, leur activité professionnelle à domicile. Aussi, il convient que les conseils départementaux, qui leur délivrent un agrément et qui, très souvent, les emploient, puissent avoir connaissance des crimes ou délits qui auraient pu été commis par un des membres de leur famille.
Les conseils départementaux ont l’obligation d’assurer la sécurité des mineurs accueillis chez les assistants maternels ou les assistants familiaux ; il faut donc élargir le dispositif d’information aux membres de la famille vivant au domicile.
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 34 à 49
Remplacer ces alinéas par dix-sept alinéas ainsi rédigés :
3° Après l’article 706-47-3, il est inséré un article 706-47-4 ainsi rédigé :
« Art. 706-47-4. – I. – Lorsqu’une personne dont il a été établi au cours de l’enquête ou de l’instruction qu’elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l’exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l’administration est condamnée, même non définitivement, pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au II du présent article, le ministère public informe par écrit l’administration de cette condamnation.
« Il en est de même lorsque la personne exerçant une activité mentionnée au premier alinéa du présent I est placée sous contrôle judiciaire et qu’elle est soumise à l’obligation prévue au 12° bis de l’article 138.
« Le ministère public peut également informer par écrit l’administration de la mise en examen ou de la poursuite devant la juridiction de jugement par le juge d’instruction ou le procureur de la République d’une personne exerçant une activité mentionnée au premier alinéa du présent I pour une des infractions mentionnées au II.
« Le ministère public peut informer par écrit l’administration de l’audition dans les conditions prévues à l’article 61-1 ou de la garde à vue d’une personne exerçant une activité mentionnée au premier alinéa du présent I dès lors qu’il existe, à son issue, des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que cette personne ait pu participer ou tenter de participer, comme auteur ou comme complice, à la commission d’une ou de plusieurs des infractions mentionnées au II. Dans ce cas, il ne peut transmettre l’information qu’après avoir recueilli ou fait recueillir, par procès-verbal, les observations de la personne, le cas échéant selon les modalités prévues à l’article 706-71, ou l’avoir mise en mesure de le faire. Lorsque la procédure pénale s’est terminée par un classement sans suite motivé par une insuffisance de charges, hors le cas où une décision prononçant une sanction a été légalement fondée sur l’information transmise par le ministère public, l’administration retire l’information du dossier relatif à l’activité de la personne concernée.
« Les II à III de l’article 11-2 sont applicables aux modalités de transmission et de conservation des informations mentionnées au présent article.
« II. – Les infractions qui donnent lieu à l’information de l’administration dans les conditions prévues au I du présent article sont :
« 1° Les crimes et les délits mentionnés à l’article 706-47 du présent code ;
« 2° Les crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-7, 222-8, 222-10 et 222-14 du code pénal et, lorsqu’ils sont commis sur un mineur de quinze ans, les délits prévus aux articles 222-11 à 222-14 du même code ;
« 3° Les délits prévus aux articles 222-32 et 222-33 du même code ;
« 4° Les délits prévus au deuxième alinéa de l’article 222-39, aux articles 227-18 à 227-21 et 227-28-3 dudit code ;
« 5° Les crimes et les délits prévus aux articles 421-1 à 421-6 du même code.
« III. – Un décret détermine les modalités d’application du présent article. Il détermine notamment :
« 1° Les formes de la transmission de l’information par le ministère public ;
« 2° Les professions et activités ou catégories de professions et d’activités concernées ;
« 3° Les autorités administratives destinataires de l’information ;
« 4° Les modalités de retrait de l’information en application de l’avant-dernier alinéa du I. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Là encore, je vous propose de rétablir la rédaction issue de l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement estime en effet que plusieurs des modifications que la commission des lois a adoptées sur l’article 706-47-4 du code de procédure pénale ne sont pas justifiées. Par ailleurs, nous souhaitons supprimer l’alinéa insérant dans le même code un article 706-47-5 qui institue un contrôle judiciaire obligatoire, parce que cela nous semble contraire à la Constitution.
En ce qui concerne l’article 706-47-4, je ne suis pas favorable à la suppression de la faculté, pour le ministère public, de transmettre à l’administration une information dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre, alors que cette transmission peut s’avérer indispensable, j’y insiste, pour protéger les mineurs. Il ne s’agit pas que de cas théoriques, mesdames, messieurs les sénateurs, et je veux évoquer des situations concrètes qui seraient couvertes par une telle disposition.
Les actes en question, par exemple la pédopornographie, donnent généralement lieu à des enquêtes longues et ne débouchent pas nécessairement sur l’ouverture d’une information judiciaire. Serait-il normal, selon vous, que l’éducation nationale ne soit pas tenue informée de tels faits tant qu’aucune information n’est ouverte ?
Autre situation dont nous avons été témoins, celle d’un instituteur placé en garde à vue pour des caresses inappropriées sur son fils et qui avait reconnu les faits. Il avait été remis en liberté le temps d’être soumis à une expertise psychiatrique – obligatoire pour ce type de faits – et, pendant ce délai, aucune information ne pouvait être transmise à l’éducation nationale. Voilà pourquoi il est important que l’information puisse être transmise rapidement.
Ce projet de loi ne concerne d’ailleurs pas que des agents de mon ministère ; il répond aussi à des attentes exprimées par les élus locaux, qui ont validé à l’unanimité ce texte lors de son examen par le Conseil national d’évaluation des normes.
Par ailleurs, dans son avis du 19 novembre 2015, le Conseil d’État a clairement validé cette disposition essentielle du projet de loi, estimant que l’atteinte à la présomption d’innocence que représente la transmission d’informations en amont des condamnations ne présentait pas de caractère excessif et était justifiée par l’intérêt général, à savoir la prévention des atteintes à la sécurité des mineurs.
En outre, je rappelle que la saisine du Conseil d’État a conduit le Gouvernement à introduire des garanties spécifiques dans ce texte, telles que le caractère écrit des transmissions d’informations, l’exigence d’indices graves ou concordants pour justifier une information au stade de la garde à vue, le recueil des observations de l’intéressé en amont de l’information ou encore l’effacement des informations du dossier de l’agent lorsque l’enquête a conclu à sa non-culpabilité.
Enfin, le Gouvernement ne partage pas du tout l’appréciation vous ayant conduits à exclure certaines infractions du dispositif de l’article 706-47-4 du code de procédure pénale, notamment l’exhibition sexuelle et les violences sur mineurs ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail. Il ne fait aucun doute, en effet, que le mineur en contact avec une personne ayant commis l’une de ces infractions est potentiellement en danger. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait exclure ces actes du dispositif.
Cela étant dit, je ne méconnais pas les améliorations apportées par votre commission au texte. Ainsi, nous maintenons par cet amendement la suppression des crimes de tortures et actes de barbarie de la liste des infractions de l’article 706-47-4. En effet, vous avez raison, ces crimes sont déjà visés par l’article 706-47, dont la commission a procédé à une réécriture explicite.
En ce qui concerne maintenant le nouvel article 706-47-5, dont je conteste l’introduction par votre commission des lois, il institue pour la première fois dans notre procédure pénale le placement obligatoire sous contrôle judiciaire – cela n’a pas échappé aux sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, qui ont déposé un amendement identique tendant à la suppression du nouvel alinéa.
Une telle disposition porte une atteinte manifestement excessive et est contraire à la Constitution, à la présomption d’innocence et aux principes de nécessité et de proportionnalité de la peine, car elle concerne non une personne condamnée, mais une personne mise en examen et donc présumée innocente. Cela me paraît par conséquent aller bien au-delà de ce qui est permis par la Constitution.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2 est présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 4 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 49
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Jacques Bigot. Il s’agit de supprimer l’obligation pour le juge d’instruction ou pour le juge des libertés et de la détention de prononcer un placement sous contrôle judiciaire assortie de l’obligation adaptée. Je m’en suis expliqué précédemment, donc je ne développe pas.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 4.
Mme Esther Benbassa. Mon collègue l’a indiqué et je l’ai aussi précisé tout à l’heure, nous sommes contre l’automaticité de ce dispositif qui met à mal le principe d’individualisation des peines et oblige les magistrats à prendre certaines décisions. Nous proposons donc de supprimer cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. L’amendement n° 7 rectifié de MM. Mézard et Collombat a déjà fait l’objet d’un exposé très clair. Il a le mérite de s’inscrire dans la continuité d’une position constamment réitérée par ses auteurs, ce qui ne peut qu’être respecté.
À ce stade de notre réflexion, nous avons une divergence de vues, puisque vous proposez, mes chers collègues, d’interdire toute information au stade présentenciel, c’est-à-dire avant toute condamnation définitive. Ce n’est pas l’orientation de la commission, d’où l’avis défavorable qu’elle émet sur cet amendement.
L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement et tendant à rétablir le texte issu de l’Assemblée nationale, m’inspire plusieurs remarques.
Mme la ministre veut supprimer les garanties que la commission des lois a apportées à la personne mise en cause, au motif qu’elles seraient complexes et difficilement applicables. Combattre le principe de la présomption d’innocence est déjà lourd, mais y ajouter la réduction des droits de la défense en supprimant toute notion du droit au contradictoire et toute expression d’une opinion différente de celle du parquet me paraît un peu excessif ! Cela n’est vraiment pas acceptable.
Par ailleurs, la complexité évoquée par le Gouvernement est certes réelle dans certains cas, mais tel est le droit français, qui offre à chacun la possibilité de se défendre.
Il s’agit tout de même d’un texte qui, au nom de la protection des mineurs – évidemment très importante –, introduit une première inflexion au principe constitutionnel de la présomption d’innocence. C’est tout de même sérieux. Cela a été suffisamment souligné par nos collègues Collombat et Mézard pour qu’on s’attarde un peu sur les détails du texte.
Par ailleurs, le Gouvernement voudrait que le procureur puisse se prononcer sur l’opportunité d’une transmission d’informations au regard du bon fonctionnement du service public.
Je souhaite rappeler la position de la Conférence nationale des procureurs de la République et de la Conférence nationale des procureurs généraux : un tel critère, source d’insécurité juridique, n’est pas acceptable en droit pénal.
Le bon fonctionnement du service public ne saurait relever de l’appréciation du ministère public, il s’agit là d’une question de fond. Si les procureurs doivent désormais décider de ce qui est bon ou non pour le fonctionnement du service public, notamment de l’éducation, où allons-nous ? Il faudra revoir toute l’organisation judiciaire de la France !
Les missions du procureur sont étrangères à cette notion de « bon fonctionnement du service public ». Pardon d’y insister, mais il s’agit d’un sujet fondamental, auquel tiennent non seulement les magistrats du parquet, mais aussi la très grande majorité, si ce n’est la totalité des législateurs que nous sommes - ou alors, je ne comprends plus…
Madame la ministre, l’amendement que vous avez présenté tend également à supprimer le dispositif que nous proposons permettant de sanctionner la divulgation des informations à la presse. Selon nous, ce dispositif fait, lui aussi, partie des garanties dont doit légitimement bénéficier la personne mise en cause.
Enfin, vous déclarez qu’un décret en Conseil d'État n’est pas nécessaire et qu’un décret simple suffit. Permettez-moi de vous dire que, s’agissant de mesures d’application de dispositions relevant du droit pénal et de la procédure pénale, et compte tenu de certaines imprécisions que nous avons relevées dans le texte, nous préférons un décret en Conseil d'État. Ce n’est pas faire offense à la qualité de vos services : nous considérons simplement que nul n’est à l’abri d’une erreur en ces matières.
Madame Imbert, votre amendement soulève la question tout à fait importante de l’agrément permettant aux assistants familiaux et aux assistants maternels de prendre en charge des enfants à leur domicile. Néanmoins, j’en sollicite le retrait, car l’amendement n° 12, que je présenterai tout à l'heure, me semble répondre parfaitement à votre attente. J’espère que cet amendement, qui a reçu l’approbation de la commission des lois, en particulier des membres de votre groupe, vous donnera satisfaction.
J’en viens maintenant à l’amendement n° 11, le second qu’a déposé le Gouvernement sur cet article en vue de rétablir son texte initial. Je serai bref, puisque nous nous sommes déjà exprimés sur le sujet, au demeurant assez simple.
Vous voulez rétablir, madame la ministre, la possibilité d’information au stade de la garde à vue et de l’audition libre – bref, en toutes circonstances.
Franchement, nous avons montré que nous étions prêts à consentir un effort. Notre réflexion a évolué depuis les discussions que nous avons eues en juillet dernier avec notre collègue député Dominique Raimbourg, qui avait alors une position très ferme sur le sujet et qui, à mon avis, ne doit pas être excessivement réjoui des dispositions que vous avez fait voter à l’Assemblée nationale, encore que je ne connaisse pas les circonstances du débat…
Donc, autant nous avons fait un pas vers vous, en affirmant que, sur la base de l’avis du Conseil d'État, nous pouvions adopter une ligne médiane, consistant à accepter l’information au stade présentenciel, pour tout ce qui est condamnation, même non définitive, mise en examen et transmission à la juridiction de jugement, autant nous ne saurions accepter la possibilité d’une information au stade de la garde à vue ou de l’audition libre.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, ces procédures pénales sont malheureusement parfois détournées dans le cadre de procédures civiles. (MM. Pierre-Yves Collombat et Jacques Mézard approuvent.) Tous les praticiens du droit savent que l’action pénale est relativement facile à mettre en mouvement dans notre pays. Si c’est une bonne chose en soi, il arrive aussi que l’on utilise les procédures pénales pour créer un dommage irréversible aux personnes mises en cause. Tout le monde aura compris les cas que je vise ici, relevant notamment du droit de la famille !
Oui, nous avons très légèrement réduit le champ des infractions incluses dans le régime de transmission obligatoire. Nous en avons ainsi exclu l’exhibition sexuelle, délit d’acception extrêmement large, mais qui, dans certaines circonstances, peut avoir un lien très éloigné avec la protection des mineurs, et les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail : faut-il prévoir, par exemple, qu’une condamnation pour une gifle donnée en dehors du cadre professionnel soit systématiquement transmise à l’administration ou à l’employeur ?