Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

MM. Jean Desessard, Jackie Pierre.

1. Procès-verbal

2. Dépôt d’un rapport

3. Questions orales

menaces sur l'alternance intégrative pour les formations en travail social

Question n° 1228 de M. Jean-Claude Lenoir. – Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes ; M. Jean-Claude Lenoir.

fermetures de centres de sécurité sociale dans les hauts-de-seine

Question n° 1283 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes ; Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

pôles d'anesthésie dans les hôpitaux publics

Question n° 1289 de M. Jacques Mézard. – Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes ; M. Jacques Mézard.

maisons de santé hospitalières

Question n° 1291 de M. Louis-Jean de Nicolaÿ. – Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes ; M. Louis-Jean de Nicolaÿ.

médicament dépakine et malformations

Question n° 1294 de M. Pierre Médevielle, en remplacement de M. Olivier Cigolotti. – Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes ; M. Pierre Médevielle.

réalisation des lignes à grande vitesse bordeaux-toulouse et bordeaux-dax

Question n° 1274 de Mme Brigitte Micouleau. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Mme Brigitte Micouleau.

lutte contre la prolifération du moustique tigre

Question n° 1264 de M. François Commeinhes. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; M. François Commeinhes.

glyphosate et pollution des rivières comtoises

Question n° 1240 de M. Martial Bourquin. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; M. Martial Bourquin.

fonctionnement de la centrale nucléaire du blayais

Question n° 1202 de M. Philippe Madrelle. – M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche ; M. Philippe Madrelle.

service historique de la défense et préservation du château de vincennes

Question n° 1260 de Mme Catherine Procaccia. – M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire ; Mme Catherine Procaccia.

expérimentation d'une nouvelle méthode de lutte contre le chancre coloré

Question n° 1247 de M. Roland Courteau. – M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire ; M. Roland Courteau.

politique européenne d'identification des migrants

Question n° 1224 de Mme Colette Giudicelli. – M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; Mme Colette Giudicelli ; M. Harlem Désir, secrétaire d'État.

accueil collectif des mineurs en refuge

Question n° 1211 de Mme Michelle Demessine. – M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; Mme Michelle Demessine.

augmentation importante des demandes d'asile en guyane

Question n° 1286 de M. Antoine Karam. – M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. Antoine Karam.

intégrité scientifique

Question n° 1218 de M. Bruno Sido. – M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes ; M. Bruno Sido.

nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale

Question n° 1288 de Mme Gisèle Jourda. – M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale ; Mme Gisèle Jourda.

régime indemnitaire des exécutifs de syndicats intercommunaux

Question n° 1275 de M. Patrick Chaize. – M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale ; M. Patrick Chaize ; M. le président ; M. André Vallini, secrétaire d'État.

4. Mise au point au sujet d’un vote

M. Cyril Pellevat ; M. le président.

5. Questions orales (suite)

ralentissement de l'activité de l'industrie du bâtiment et des travaux publics en haute-savoie

Question n° 1234 de M. Cyril Pellevat. – M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale ; M. Cyril Pellevat.

localisation des services de douanes dans le cadre de la normandie réunifiée

Question n° 1257 de Mme Agnès Canayer. – M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale ; Mme Agnès Canayer.

fermeture des trésoreries en milieu rural

Question n° 1245 de Mme Anne-Catherine Loisier. – M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale ; Mme Anne-Catherine Loisier.

gestion des impôts dus en france par les non-résidents

Question n° 1182 de M. Jean-Yves Leconte, en remplacement de M. Richard Yung. – M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale ; M. Jean-Yves Leconte.

champ d'intervention de l'agence nationale pour la rénovation urbaine

Question n° 1316 de M. Jean Louis Masson. – M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports ; M. Jean Louis Masson.

théâtre de la faïencerie de creil

Question n° 1301 de M. Jean-Pierre Bosino. – M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports ; M. Jean-Pierre Bosino.

trésorerie des petites et moyennes entreprises

Question n° 1280 de M. Yannick Vaugrenard. – M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports ; M. Yannick Vaugrenard.

comptes bancaires inactifs et contrats d’assurance sur la vie en déshérence

Question n° 1277 de M. Hervé Maurey. – M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports ; M. Hervé Maurey.

délais d'instruction des autorisations d'urbanisme

Question n° 1238 de M. Daniel Gremillet. – M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports ; M. Daniel Gremillet.

6. Demande d’inscription à l’ordre du jour d’un projet de loi

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

MM. Jean Desessard, Claude Haut, Jackie Pierre.

7. Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés

Explications de vote sur l'ensemble

Mme Évelyne Didier

M. Hervé Poher

Mme Marie-Christine Blandin

M. Jean Louis Masson

M. Raymond Vall

Mme Sophie Primas

Mme Chantal Jouanno

Ouverture du scrutin public sur le projet de loi

Suspension et reprise de la séance

Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi

Adoption, par scrutin public, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

M. le président

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Scrutin public sur la proposition de loi organique

Adoption, par scrutin public, de la proposition de loi organique dans le texte de la commission, modifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

Secrétaires :

MM. Jean Desessard, Jackie Pierre

8. Conférence des présidents

9. Rappel au règlement

M. Jean Louis Masson ; M. le président.

10. Information de l'administration et protection des mineurs. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale :

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois

M. Jacques Bigot

Mme Esther Benbassa

M. Jacques Mézard

Mme Catherine Troendlé

Mme Cécile Cukierman

Mme Élisabeth Doineau

M. Jean-Pierre Sueur

Clôture de la discussion générale.

Article 1er A (nouveau)

Amendements identiques nos 1 de M. Jacques Bigot, 5 de Mme Esther Benbassa et 9 du Gouvernement. – Rejet, par scrutin public, des trois amendements.

Adoption de l’article.

Article 1er

Amendement n° 7 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.

Amendement n° 10 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 3 rectifié bis de Mme Corinne Imbert. – Rejet.

Amendement n° 11 du Gouvernement. – Rejet.

Amendements identiques nos 2 de M. Jacques Bigot et 4 de Mme Esther Benbassa. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article.

Article 2 – Adoption.

Article 3

Amendement n° 12 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles 4 et 5 – Adoption.

Intitulé du projet de loi

Amendement n° 6 de M. Pierre-Yves Collombat. – Rejet.

Vote sur l'ensemble

M. Jacques Bigot

M. Pierre-Yves Collombat

Adoption, par scrutin public, du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

11. Déontologie, droits et obligations des fonctionnaires. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale :

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des lois

Demande de réserve

Demande de réserve de l’amendement n° 84 rectifié du Gouvernement portant article additionnel après l’article 2, après l’article 9. – M. Philippe Bas, président de la commission ; Mme Marylise Lebranchu, ministre ; M. le président. . – La réserve est ordonnée.

Discussion générale (suite)

Mme Jacqueline Gourault

Suspension et reprise de la séance

Mme Corinne Bouchoux

M. Pierre-Yves Collombat

M. Christian Favier

M. René Vandierendonck

Mme Catherine Di Folco

M. Georges Labazée

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. René Danesi

Amendement n° 34 de M. Christian Favier. – Rejet.

Amendements identiques nos 35 de M. Christian Favier, 95 du Gouvernement et 154 de Mme Corinne Bouchoux. – Retrait de l’amendement n° 95 ; rejet des amendements nos 35 et 154.

Amendement n° 151 de Mme Corinne Bouchoux. – Rejet.

Amendement n° 145 de Mme Corinne Bouchoux. – Rejet.

Amendement n° 36 de M. Christian Favier. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2 – Adoption.

Article additionnel après l'article 2 (réservé après l’article 9)

Article 3

Amendement n° 149 de Mme Corinne Bouchoux. – Rejet.

Amendement n° 152 de Mme Corinne Bouchoux. – Rejet.

Amendement n° 148 de Mme Corinne Bouchoux. – Rejet.

Amendement n° 147 de Mme Corinne Bouchoux. – Rejet.

Amendement n° 123 de M. René Vandierendonck. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 4

Amendement n° 96 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 179 de la commission et sous-amendement n° 205 de M. Pierre-Yves Collombat. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.

Amendement n° 27 rectifié bis de M. Pierre-Yves Collombat. – Adoption.

Amendement n° 97 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 168 de Mme Corinne Bouchoux. – Rejet.

Amendements identiques nos 98 du Gouvernement et 174 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait de l’amendement n° 98 et adoption de l’amendement n° 174 rectifié.

Amendement n° 124 de M. René Vandierendonck. – Rejet.

Amendement n° 180 de la commission. – Adoption.

Amendement n° 115 du Gouvernement. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 4

Amendement n° 173 rectifié de M. Jacques Mézard. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Desessard,

M. Jackie Pierre.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Dépôt d’un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les dispositifs sectoriels d’exonération de cotisations sociales.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales et à la commission des finances.

3

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

menaces sur l'alternance intégrative pour les formations en travail social

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la question n° 1228, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, je dirai, pour illustrer ma question, que le mieux est parfois l’ennemi du bien.

Depuis deux ans, j’alerte les pouvoirs publics sur les conséquences néfastes d’une disposition de la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, relative à la gratification des stages pour les étudiants en formation.

Le principe de cette disposition était bon ; il y avait en effet des abus, ce que personne ne conteste. Mais il pose un problème, et j’évoquerai tout particulièrement la formation des assistants sociaux. Les étudiants qui se destinent à cette profession sont soumis à une obligation de stage de huit semaines en première année, de vingt semaines en deuxième année – il s’agit là d’une consolidation des connaissances –, puis de vingt semaines en troisième année. Ces stages sont obligatoires pour obtenir le diplôme.

Or une obligation de gratification a été imposée pour les stages d’une durée minimale de trois mois, durée qui a été raccourcie à deux mois.

Vous me rétorquerez qu’il est positif que des étudiants qui suivent une formation reçoivent une gratification. Mais, dans le même temps, cette obligation a été étendue à l’ensemble des structures publiques, qu’il s’agisse d’hôpitaux ou d’autres organismes publics.

La conséquence est la suivante : il n’est aujourd’hui plus possible pour ces étudiants, sauf au prix d’immenses efforts, de trouver des stages, du fait des difficultés budgétaires que connaissent les établissements publics, notamment dans le domaine social et le domaine sanitaire.

Je connais l’exemple, dans mon département, d’un établissement qui accueille des étudiants en formation se destinant à la profession d’assistants sociaux. Sur une promotion de 38 élèves, pour la rentrée de 2015, seuls sept stages ont été trouvés, dont cinq pour les étudiants de troisième année.

Madame la secrétaire d’État, au moment où le Gouvernement prône la formation en alternance – même si tel n’est pas tout à fait le cas ici – et la formation des jeunes, il faut véritablement que soient prises des dispositions pour surmonter ces difficultés considérables.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, depuis la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, tous les étudiants en formation initiale intégrant un cursus en vue d’obtenir un diplôme ou une certification dans le champ des professions sociales et médico-sociales doivent percevoir une rémunération lorsqu’ils effectuent un stage d’une durée supérieure à deux mois.

Il s’agit d’un progrès important qui rétablit l’équité entre tous les stagiaires. Cette réforme, dans les premiers temps de sa mise en œuvre, a effectivement entraîné des difficultés pour les étudiants dans la recherche de leurs stages, mais, à ce jour, très peu d’entre eux n’ont pas eu la possibilité d’effectuer la totalité des heures de stage réglementairement prévues.

Afin de faire face aux difficultés rencontrées par les étudiants dans la recherche de leurs stages, le Gouvernement développe plusieurs pistes.

Il s’agit d’abord de mobiliser l’ensemble des acteurs, dont les services de l’État qui sont potentiellement lieu de stage. Les établissements de formation doivent également renforcer l’accompagnement des étudiants dans l’élaboration de leurs projets et dans leurs recherches de stage.

Par ailleurs, un fonds de transition, doté de 5,45 millions d’euros en 2016, a pour objectif d’accompagner financièrement des petites structures dont la surface financière serait un frein ou un obstacle à l’accueil des stagiaires.

Plusieurs pistes sont aussi envisagées pour trouver des alternatives aux stages longs. Par exemple, des stages pluri-institutionnels peuvent être proposés aux étudiants. Il s’agit pour l’étudiant, accueilli successivement dans des structures différentes, d’appréhender sous divers aspects la thématique structurante de son projet.

Enfin, à plus long terme, dans le cadre du plan d’action pour le travail social engagé par le Gouvernement et de la réingénierie des diplômes envisagée, l’organisation et la durée des stages des étudiants en travail social pourront être revues.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.

M. Jean-Claude Lenoir. Madame la secrétaire d’État, la plus élémentaire des courtoisies m’amène à vous remercier pour votre réponse, mais le devoir de sincérité m’oblige aussi à vous dire combien celle-ci me déçoit.

Le problème est réel. Un fonds a effectivement été mis en place, mais il ne permet la prise en charge que de quelques stages, et sa reconduction n’est absolument pas garantie – bien au contraire – pour la rentrée de 2016 !

Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, j’aime la façon dont vous évoquez l’aspect pluridisciplinaire des stages. En réalité, que se passe-t-il ? Les stagiaires, pour parvenir à un résultat, suivent éventuellement plusieurs stages de moins de deux mois, parfois de façon déguisée au sein de la même structure, en passant par la commune, la communauté de communes, le centre intercommunal d’action sociale, le CIAS, et j’en passe.

J’ajoute que des étudiants choisissent même d’arrêter leurs études et de travailler sous contrat à durée déterminée pour bénéficier ensuite du statut de demandeur d’emploi, lequel dispense de l’obligation de gratification.

Enfin, les établissements publics ayant vocation à accueillir ces jeunes en stage rechignent désormais à le faire, du fait des moyens suffisants dont ils disposent. Le personnel n’en peut plus, et les conditions dans lesquelles ces stages sont assurés sont insuffisantes, ne permettant pas d’accompagner les stagiaires vers un métier qui, par ailleurs, intéresse de moins en moins de jeunes. Il est en effet difficile d’être assistant social, car on est confronté à de nombreux problèmes. Au moment où l’on a le plus besoin de ces professionnels, on constate une forme de découragement.

Les dispositions que je dénonce, lesquelles répondaient au départ à un objectif d’amélioration de la situation des stagiaires, ont pour conséquence de rendre encore plus difficile la formation de ces jeunes.

fermetures de centres de sécurité sociale dans les hauts-de-seine

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 1283, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite de nouveau alerter le Gouvernement sur les fermetures de centres de sécurité sociale dans mon département, les Hauts-de-Seine. La caisse primaire d’assurance maladie a en effet annoncé, en octobre dernier, une nouvelle vague de fermetures de centres d’accueil : 11 d’ici à 2017.

Depuis le dépôt de ma question, j’ai appris qu’à la suite des attentats du 13 novembre la direction de la CPAM 92 avait pris le parti d’anticiper cette décision et de fermer immédiatement ces 11 centres. La raison invoquée auprès des personnels est le manque de moyens pour rémunérer la présence d’un vigile à l’entrée de ces centres.

Le procédé est scandaleux ! Certes, les centres d’Antony, de Malakoff et de Montrouge ont été rouverts le 7 décembre 2015, d’ailleurs sans vigile, mais la menace de leur fermeture court toujours. Les huit autres centres, eux, n’ont pas été rouverts.

Ces fermetures inquiètent les usagers. Le 14 octobre dernier, j’ai participé à un rassemblement réunissant des usagers, des personnels et des élus locaux, dont la maire de Malakoff, devant le centre de cette commune, pour réclamer son maintien. Le centre de Montrouge, un temps menacé, devrait être maintenu. Quant à celui d’Issy-les-Moulineaux, il a été vendu !

Or, en 2013, la CPAM 92 avait déjà considérablement réduit le nombre de centres au nom d’une réorganisation en pôles, fermant 19 centres ouverts au public sur la quarantaine que comptait alors le département. Aujourd’hui, il n’y a donc plus que 14 centres, contre 22 en octobre 2015 !

En réduisant ainsi les capacités d’accueil physique des assurés, ces fermetures affaiblissent ce service public de proximité. Elles nourrissent aussi un sentiment d’abandon des populations les plus fragiles. De plus, elles interviennent alors même que la charge de travail des agents des centres de sécurité sociale ne fait que croître avec la crise.

La dématérialisation d’une partie des procédures ne saurait être l’unique réponse. La fracture numérique entre nos concitoyens est une réalité même dans un département comme celui des Hauts-de-Seine, territoire socialement et économiquement très contrasté, et donc très inégalitaire.

C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, d’intervenir en faveur du maintien de ces centres.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Madame la sénatrice, depuis plusieurs années, le nombre de visites aux différents points d’accueil de la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine diminue de manière significative, passant de 925 000 en 2012 à 795 000 en 2014, soit une baisse de 14 % en deux ans.

Les conditions d’accueil ainsi que la qualité de service ne sont pas homogènes dans le département. Le nombre d’assurés reçus en moins de vingt minutes peut varier d’un site à l’autre du fait des volumes de fréquentation et des ressources dédiées à chacun des points d’accueil.

Plusieurs centres atteignent aujourd’hui un seuil d’effectifs limite, car seulement un ou deux agents y sont affectés pour accueillir les usagers. Dans ces agences, la continuité de service ne peut être garantie ; en cas d’absence, des fermetures inopinées peuvent même survenir.

La CPAM a donc mis en place une stratégie d’accueil des assurés reposant sur deux piliers. Il s’agit, tout d’abord, du développement de l’accueil sur rendez-vous, qui permet de délivrer un accompagnement préparé et personnalisé aux usagers les plus fragiles, tout en limitant les temps d’attentes. Parallèlement, la création d’espaces de libre-service rend possible une prise en charge plus rapide de certaines sollicitations des usagers.

Pour être efficiente, cette nouvelle organisation doit être mise en place dans des centres d’accueil dotés d’une surface suffisante et d’un effectif à la hauteur. C’est pourquoi un regroupement des agences et un redéploiement des agents sont nécessaires pour mener à bien ces évolutions et garantir aux usagers une meilleure prise en charge.

Sur les 22 centres d’accueil du département, 11 seront maintenus. La réorganisation conduira non pas à fermer complètement les autres centres, mais à y substituer l’ouverture d’une permanence au sein même du centre ou dans les locaux de la mairie, afin de maintenir une présence forte de la CPAM sur l’ensemble du département.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je vous remercie pour votre réponse, madame la secrétaire d’État, même si elle est identique à celle que l’on m’avait faite voilà quelques mois.

Vous invoquez la baisse de fréquentation physique pour justifier la diminution du nombre de centres. Comme si la baisse de l’offre ne tarissait pas la demande !

Je crois que le recours systématisé à la dématérialisation des procédures et la mise en place de bornes informatiques d’accueil en lieu et place des guichets accroissent quand même le sentiment d’insécurité et de délaissement des assurés sociaux. De surcroît, ce sont surtout les personnes âgées ou souffrant de handicap qui en sont les premières victimes. Une telle mesure ne permet pas de répondre aux besoins.

J’observe d’ailleurs que, dans certains centres, il est régulièrement demandé aux usagers, à partir de onze heures, de revenir l’après-midi, car les agents en place ne peuvent pas faire face à la demande. Cette aggravation des conditions de travail, qui s’ajoute à l’existence de stocks de dossiers en souffrance, constitue un facteur de démobilisation pour les agents. Je plaide donc fortement pour le maintien des centres de sécurité sociale.

pôles d'anesthésie dans les hôpitaux publics

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 1289, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

M. Jacques Mézard. Ma question porte sur le fonctionnement des pôles d’anesthésie dans les hôpitaux publics. Nous constatons de manière assez générale que de nombreux hôpitaux publics connaissent des problèmes de fonctionnement qui découlent de leurs difficultés à recruter des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs.

Ce problème résulte non pas du manque d’anesthésistes-réanimateurs, mais du fait qu’il est de plus en plus fréquemment fait appel à des remplaçants. Les jeunes anesthésistes préfèrent en effet effectuer des remplacements, et ne travailler que de temps en temps en étant largement rémunérés.

Cette tendance pose bien évidemment de graves problèmes d’organisation dans les hôpitaux. Elle a pour conséquences non seulement un coût supplémentaire important pour l’établissement, mais aussi des services moins performants et moins bien adaptés aux patients. Je le redis, nombreux sont les jeunes anesthésistes ayant une excellente formation qui préfèrent effectuer des remplacements plutôt que de postuler à des fonctions de praticiens hospitaliers. Les hôpitaux ne parviennent donc pas, de ce fait, à recruter des anesthésistes à temps plein.

Il faut bien le dire, ces véritables errements sont contraires au bon fonctionnement du service public. Dans ces conditions, j’aimerais connaître les mesures d’urgence que Mme la ministre entend prendre pour éviter ces problèmes d’organisation et de fonctionnement quotidien des hôpitaux, ainsi que les mesures de long terme envisagées pour mettre fin à ces dysfonctionnements qui nuisent aux finances de nos hôpitaux publics et portent atteinte à la qualité des soins des patients.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner les difficultés rencontrées par les hôpitaux pour recruter et pour fidéliser des praticiens anesthésistes-réanimateurs.

C’est la raison pour laquelle Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a présenté, le 2 novembre dernier, un plan d’action pour renforcer l’attractivité de l’exercice médical à l’hôpital public, un plan qui fait suite aux préconisations du rapport de votre ancien collègue M. Jacky Le Menn.

Plusieurs actions de ce plan sont ciblées sur les spécialités en tension, parmi lesquelles l’anesthésie-réanimation.

Je citerai principalement la création d’une prime d’engagement attribuée aux jeunes praticiens qui s’engagent à exercer cinq années à l’hôpital public et qui permet ainsi d’améliorer la rémunération des praticiens anesthésistes-réanimateurs en début de carrière.

Par ailleurs, le projet médical de territoire, élaboré dans le cadre des futurs groupements hospitaliers de territoire, doit définir les modalités de coopération des équipes médicales.

Une prime d’exercice territorial sera instaurée pour valoriser l’exercice médical au sein des équipes de territoire et l’indemnisation de la sujétion liée à la permanence des soins sera améliorée.

Des mesures seront également prises pour mieux encadrer l’intérim médical et pout limiter son coût ; la création d’une position de praticien hospitalier remplaçant fournira un vivier de candidats de praticiens hospitaliers titulaires pour des recrutements temporaires, limitant ainsi le recours à l’intérim.

Monsieur le sénateur, ces mesures ne sont que quelques exemples de l’action globale qui a été engagée par le Gouvernement en faveur des spécialités en tension, comme l’anesthésie-réanimation.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse à laquelle je m’attendais d’ailleurs un peu puisque ma question a été déposée quelques jours avant la présentation du plan d’action par Mme la ministre, le 2 novembre dernier.

Ces mesures vont dans le bon sens, mais elles ne permettent pas de résoudre rapidement les problèmes. Nous ne pouvons pas laisser perdurer une situation donnant la possibilité à de jeunes praticiens ne travaillant que quelques jours de percevoir un revenu largement équivalent à celui de leurs collègues exerçant à temps plein.

Il faut donc mettre fin à cette situation dans l’intérêt à la fois de l’hôpital public, des patients, mais aussi, à moyen et à long terme, des praticiens.

maisons de santé hospitalières

M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ, auteur de la question n° 1291, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Madame la secrétaire d'État, si aujourd’hui les instruments développés par l’État aux fins de garantir une offre de soins de proximité efficace existent, force est de constater la difficulté rencontrée par un projet médical porté par un hôpital local pour développer une maison de santé et bénéficier des moyens afférents.

Je rappelle que, depuis 2010 et la mise en application de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, le système est piloté par les agences régionales de santé, les ARS : elles sont les autorités de tutelle qui chapeautent désormais l’organisation territoriale du système de santé au niveau régional.

Aujourd’hui, seules les structures pluridisciplinaires ayant élaboré un projet de santé répondant à un véritable cahier des charges peuvent se prévaloir de la dénomination de « maisons de santé » et bénéficier, sous réserve d’une contractualisation avec l’ARS et après validation du projet, de moyens en adéquation avec les schémas régionaux d’organisation sanitaire, ou SROS.

La discussion au Sénat du projet de loi relatif à la santé a d’ailleurs mis en exergue le rôle prépondérant des ARS en termes de régulation de l’offre de soins. Il est indéniable que les maisons de santé pluridisciplinaires, ou MSP, nécessitent l’investissement important d’un leader pour mener à bout le projet médical. Elles ont un coût d’investissement et de fonctionnement supérieur à celui d’un cabinet « classique », actuellement porté par les seuls professionnels. Les hôpitaux locaux, qui restent un maillon fort de l’offre de soins de proximité, apparaissent comme un point d’appui de ces MSP et, in fine, participent au principe même d’une meilleure répartition géographique des médecins, en organisant l’offre de soins dans une approche territoriale cohérente.

En effet, en mutualisant des locaux existants pour un coût locatif moindre, en rompant l’isolement des professionnels, en améliorant les conditions de travail et en développant un projet de santé, la maison hospitalière de santé s’inscrit efficacement dans l’offre de soins de proximité gérée par les ARS. Par ailleurs, ce regroupement pluriprofessionnel au sein de l’hôpital local permet à l’évidence le partage d’informations et les consultations spécialisées.

Au vu de ces arguments, j’aimerais obtenir une clarification sur ce « croisement », source de pratiques enrichissantes, entre l’hôpital de proximité et la médecine de ville et, plus particulièrement, connaître les intentions du Gouvernement sur ces questions. Je souhaiterais aussi savoir quelles instructions sont données aux ARS. Celles-ci peuvent, en pratique, ne pas accorder de validation au projet de maison hospitalière de santé porté par les hôpitaux locaux, lesquels sont freinés dans leur volonté de coopérer avec la médecine de ville ou le secteur médico-social par des obstacles juridiques, organisationnels ou financiers.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, la question que vous soulevez, celle du partenariat entre les hôpitaux de proximité et les maisons de santé pluridisciplinaires, est une question à laquelle Mme Marisol Touraine est attentive depuis longtemps. Mme la ministre a encouragé dès 2014, par une instruction, le développement de ces partenariats.

Au-delà de la simple mise à disposition de locaux, ces partenariats permettent aujourd’hui la mise en commun de moyens matériels et humains. Ainsi, les professionnels de santé libéraux des maisons de santé peuvent exercer pour partie à l’hôpital et, en contrepartie, la maison de santé peut bénéficier des consultations avancées de spécialistes de l’hôpital.

Nous sommes donc convaincus des effets vertueux de tels partenariats qui, dans leur forme la plus aboutie, peuvent même donner lieu à un projet de prise en charge commune des patients ou à l’élaboration de protocoles de prises en charge de cas complexes.

Toutefois, de tels projets doivent tenir compte du projet médical de l’établissement de santé et du projet de la maison de santé : il ne s’agit pas, en effet, qu’il y ait confusion entre ces deux projets.

La maison de santé est constituée de professionnels libéraux, qui doivent porter leur propre projet de santé : il en va du bon fonctionnement comme de la pérennité de la maison. Tous les exemples de portage « extérieurs » ont montré leur limite.

Autrement dit, dans ce schéma, les hôpitaux locaux doivent apparaître, pour reprendre vos propres termes, comme des « points d’appui », des « facilitateurs », mais non comme des porteurs de projet.

Il n’y a donc aucune ambiguïté, de la part tant du Gouvernement que des agences régionales de santé, sur la volonté de soutenir, et même d’encourager, chaque fois que l’opportunité se présente, le partenariat entre les maisons de santé et les hôpitaux de proximité, sous réserve que les spécificités statutaires et organisationnelles de chacun des partenaires soient respectées.

M. le président. La parole est à M. Louis-Jean de Nicolaÿ.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie pour ces éclaircissements. Si j’ai bien compris, l’hôpital local ne peut pas porter le projet d’une maison de santé, et je le regrette. En effet, la proximité entre l’hôpital local et l’offre de soins de proximité encouragerait et faciliterait bien évidemment la relation. Dans des communes rurales de 4 000 ou 5 000 habitants, un tel projet lie intimement l’hôpital local et les professionnels de santé, notamment pour améliorer les consultations externes.

J’ai en tout cas pris bonne note de votre propos Il va maintenant nous falloir réfléchir aux moyens qui permettraient à un hôpital local de proposer et de développer un projet de maison de santé sur un territoire.

médicament dépakine et malformations

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, auteur de la question n° 1294, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, la Dépakine, médicament antiépileptique, fait l’objet d’une enquête du parquet de Paris. En cause, son principe actif causerait des malformations fœtales chez les femmes enceintes, cet avertissement n’étant apparu qu’en 2006.

Les effets tératogènes de la Dépakine sont mentionnés dans de nombreuses études scientifiques depuis 1982. Cet antiépileptique serait à l’origine en France de près de 370 malformations fœtales entre 1986 et 2015, de 54 fausses couches et de décès de bébés en bas âge.

C’est en juin 2010 que la notice de la Dépakine mentionne pour la première fois que « la prise de ce médicament au cours de la grossesse est susceptible d’entraîner des malformations du fœtus […], des troubles du développement et des troubles autistiques chez l’enfant ». Pourtant, le Vidal, la bible des professionnels de santé, déconseille depuis 2006 le recours à cet antiépileptique pendant la grossesse.

Diverses études scientifiques, dont les conclusions sont reprises par l’Agence européenne du médicament en novembre 2014, évaluent à 11 % le risque de malformations et à quelque 30 à 40 % le risque de troubles du comportement liés à la prise de Dépakine.

En mai 2015, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, avait réévalué les conditions de prescription de la Dépakine.

Madame la secrétaire d'État, le rapport commandé à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, devrait bientôt être rendu public, et les attentes des familles sont fortes : elles réclament notamment une étude de cohorte de toutes les victimes et un suivi des enfants atteints, ainsi qu’un recensement complet des victimes, y compris avant 2006, date de l’informatisation des données selon l’IGAS.

Selon les dernières informations, on se dirigerait vers une mise en cause des médecins. L’enquête pénale n’en est qu’à ces débuts, et ma remarque ne remet nullement en doute les compétences de notre justice, mais je m’interroge sur notre capacité à reconnaître certaines erreurs de notre administration.

Des faits graves de conflits d’intérêts entre l’ANSM et certains laboratoires ont déjà été démontrés dans le passé. N’oublions pas les missions de l’ANSM : autoriser, surveiller, contrôler, inspecter et informer.

À ce titre, j’attire votre attention sur le fait que, depuis novembre 2015, l’ANSM recommande de prendre pendant la grossesse, à la place de la Dépakine, un médicament du nom de Keppra. Or le laboratoire UCB déconseille son propre produit aux femmes enceintes !

Aussi, je souhaite savoir si le Gouvernement et le ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes comptent mettre en place certaines mesures pour répondre aux attentes des familles, pour clarifier cette situation et pour assurer un meilleur encadrement des médicaments afin d’éviter la multiplication des affaires du type Médiator.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes. Monsieur le sénateur, vous interrogez Mme Marisol Touraine sur le sujet du valproate de sodium, médicament antiépileptique commercialisé sous le nom de Dépakine.

Concernant précisément ce médicament, je tiens à vous rappeler que l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a mis en œuvre plusieurs actions au cours de l’année 2015.

Tout d’abord, en mai 2015, les conditions de prescription et de délivrance de ces médicaments chez les jeunes filles, adolescentes, femmes en âge de procréer et femmes enceintes ont été renforcées en France et encadrées par des documents diffusés à destination des professionnels de santé et des patientes. Ces documents sont téléchargeables sur le site de l’ANSM.

Cette mise en ligne a été accompagnée de la transmission d’une lettre à l’ensemble des professionnels de santé, de la publication d’un point d’information sur le site internet de l’ANSM, de l’édition d’un document de questions et réponses et de la réalisation, en coordination avec l’Ordre des pharmaciens, d’une communication via le dossier pharmaceutique. En novembre 2015, un guide élaboré par la Haute Autorité de santé, la HAS, et l’ANSM sur les alternatives à l’acide valproïque a été publié. En décembre 2015, un rappel de l’ensemble de ces mesures a été diffusé aux professionnels de santé.

En ce qui concerne l’encadrement des médicaments de manière générale, Mme Marisol Touraine a signé le 17 juillet 2015 le contrat d’objectifs et de performance de l’ANSM pour la période 2015-2018, qui prévoit les actions suivantes : la poursuite des processus de réévaluation de la balance bénéfices–risques des médicaments, en tenant compte de l’usage hors autorisation de mise sur le marché et des données d’épidémiologie ; le renforcement de l’organisation des systèmes de remontée des signalements de vigilance, d’inspection et de contrôle ; l’extension de la diffusion des informations de sécurité sanitaire, notamment auprès des professionnels de santé et des associations de patients.

Enfin, monsieur le sénateur, puisque vous l’avez mentionné, Mme Marisol Touraine tirera toutes les conséquences des recommandations de l’Inspection générale des affaires sociales, à qui une mission a été confiée en juin dernier au sujet de la Dépakine, lorsque ce rapport lui aura été remis.

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.

M. Olivier Cigolotti. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse très complète. Sachez-le, de nombreuses familles attendent la publication du rapport commandé à l’IGAS, ainsi que les suites qui pourront lui être données.

réalisation des lignes à grande vitesse bordeaux-toulouse et bordeaux-dax

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, auteur de la question n° 1274, adressée à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Mme Brigitte Micouleau. Ma question concerne les lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax.

Monsieur le secrétaire d’État, le 26 septembre dernier, vous annonciez la décision du Gouvernement de réaliser ces deux lignes à grande vitesse, ou LGV. Attendue depuis longtemps par une grande majorité de nos concitoyens, à Toulouse et dans tout le grand Sud-Ouest, et saluée comme il se doit, cette annonce appelait déjà à l’époque, de la part du Gouvernement, quelques précisions, des éléments concrets qui, à ma connaissance, n’ont toujours pas été apportés, malgré de nouvelles demandes des élus locaux – je pense notamment à un courrier que vous a adressé le 24 novembre dernier par M. Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole.

Ma question, monsieur le secrétaire d’État, ou plutôt mes questions ne vous surprendront donc pas et elles appellent, me semble-t-il, des réponses claires et précises.

Premièrement, concernant le calendrier de réalisation de ces infrastructures, j’aimerais savoir si le lancement des travaux sur le tronçon Bordeaux-Toulouse est toujours prévu pour 2019, avec comme objectif la mise en service de la ligne en 2024. De même, pour l’axe Bordeaux-Dax, peut-on toujours envisager une mise en service de la ligne en 2027 ?

Deuxièmement, concernant le volet financier de ces projets, la dernière estimation connue du coût global de réalisation de ces deux LGV s’élève à 8,3 milliards d’euros. Ce montant est-il toujours d’actualité ? Si ce n’est plus le cas, pouvez-vous nous communiquer une nouvelle estimation ?

Troisièmement, tandis que des inquiétudes quant au désengagement de certaines collectivités faisant initialement partie des financeurs de ces deux lignes ont vu le jour au cours de ces dernières années, pouvez-vous nous dire ce qu’il en est exactement et quelles mesures le Gouvernement envisagerait de prendre pour pallier ces éventuelles défections ?

Enfin, quatrièmement, le Gouvernement compte-t-il réunir rapidement le comité des financeurs et, si c’est le cas, à quelle date ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, comme je l’ai annoncé le 26 septembre dernier, le Gouvernement a décidé de poursuivre les procédures préalables à la déclaration d’utilité publique des projets de lignes nouvelles Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, qui constituent la première phase du grand projet ferroviaire du Sud-Ouest. En réaffirmant son soutien à ce projet, le Gouvernement envoie un signal fort en faveur de la compétitivité des territoires et de l’emploi, dont notre pays a besoin. Cette décision était attendue, je le sais.

Le Conseil d’État sera saisi pour avis très prochainement – dans les prochains jours –, comme le prévoit la procédure. Je rappelle que le décret déclarant l’utilité publique doit être signé avant le 8 juin prochain, c’est-à-dire au plus tard dix-huit mois après l’ouverture de l’enquête publique. À cet égard, je vous confirme les objectifs de mise en service des différentes sections de ce grand projet : 2024 pour la ligne nouvelle Bordeaux–Toulouse, 2027 pour la ligne vers Dax puis 2032 pour atteindre la frontière franco-espagnole.

Il sera néanmoins de la responsabilité de l’État et du maître d’ouvrage SNCF Réseau mais également de tous les soutiens du projet, au premier rang desquels figurent les collectivités locales, de faire en sorte que les études et les procédures se poursuivent au rythme souhaité pour respecter ces dates.

Ces nouvelles étapes permettront également d’affiner l’évaluation du coût des travaux, toujours estimé à 8,3 milliards d’euros, aux conditions économiques de 2013. En effet, les évaluations des coûts de tous les grands projets d’infrastructures sont régulièrement actualisées pour tenir compte du niveau de définition des ouvrages ou du tracé.

Vous me posez également la question du financement de ce projet ; l’établissement d’un schéma de financement soutenable pour l’ensemble des cofinanceurs est en effet un préalable à la réalisation des lignes nouvelles. À l’instar du soutien unanime des grandes collectivités à ce projet, seule l’union des forces politiques locales, nationales et européennes contribuera à faire avancer ce grand projet que nous appelons tous de nos vœux.

Soyez assurée, madame la sénatrice, que le Gouvernement reste attentif et déterminé pour réussir ce projet ambitieux, porteur d’avenir pour les territoires du Sud-Ouest de la France et pour l’arc atlantique.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau.

Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je constate toutefois qu’elle est un peu incomplète. Certes, vous nous confirmez l’objectif de mise en service en 2024 et en 2027. Concernant le coût global, j’espère que vous le maintiendrez à 8,3 milliards d’euros.

En revanche, vous ne confirmez pas le désengagement de certaines collectivités.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Lesquelles ?

Mme Brigitte Micouleau. En outre, vous ne donnez pas de date pour une prochaine réunion du comité financeur des élus, que tout le monde attend.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il vaut mieux que la déclaration d’intérêt public ait lieu auparavant !

Mme Brigitte Micouleau. Il est dommage que ce gouvernement continue d’entretenir un peu le flou sur ce dossier, qui est extrêmement important pour le grand Sud-Ouest.

lutte contre la prolifération du moustique tigre

M. le président. La parole est à M. François Commeinhes, auteur de la question n° 1264, adressée à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. François Commeinhes. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi d’appeler votre attention sur les dispositifs mis en œuvre face au moustique tigre, nuisible et vecteur potentiel de maladies virales comme le chikungunya ou la dengue. Le dispositif de lutte anti-vectorielle, communément appelé LAV, a été mis en place en 2004 dans les Alpes-Maritimes. Néanmoins, la prolifération récemment constatée de ce moustique démontre qu’il faut aller au-delà.

Pour prendre l’exemple du littoral héraultais, entouré d’étangs et géographiquement propice à l’invasion de moustiques, le traitement doit être ambitieux. À l’Est, la Camargue est un vivier naturel de l’insecte où aucun traitement n’est possible. Les scientifiques pointent en outre la multiplication des événements extrêmes, dus au réchauffement climatique. Les conséquences sanitaires peuvent aussi être très grandes.

Fait aggravant, l’arsenal de lutte se réduit comme peau de chagrin, normes européennes obligent, ce qui inquiète jusqu’aux spécialistes de la démoustication. Cette situation renvoie les élus et les professionnels du tourisme cinquante ans en arrière, quand il a fallu engager une démoustication de masse pour jeter les bases de l’industrie touristique. Outre la nuisance, il faut désormais prendre en compte cette prolifération comme vecteur de maladies handicapantes et parfois mortelles.

Pourtant, sur dix produits efficaces, on ne peut en utiliser que deux, à la suite d’une directive européenne de 1988 : le bacillus thuringiensis israelensis, ou BTI, et la deltaméthrine. Le premier, curatif, n’agit que sur les larves quand le milieu n’est pas complexe : ni végétation ni obstacles. Le second ne peut s’utiliser qu’en milieu urbain et contre les adultes.

Ainsi, au regard de ces éléments, après avoir déjà saisi l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de cette question capitale, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur le traitement envisageable de cette prolifération. J’appelle en outre à la tenue au plus tôt d’une concertation large, sur le terrain, entre les services de l’État, les élus, les chercheurs, et les acteurs privés et publics touchés, pour aboutir à une solution partagée par tous.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, la lutte contre les moustiques présente de nombreux enjeux, du point de vue tant de la santé publique que de la nuisance pour nos concitoyens ou encore du préjudice pour notre économie, notamment touristique. Il s’agit d’un sujet d’attention et de mobilisation pour le Gouvernement.

Aujourd’hui, le marché des produits insecticides antimoustiques est très limité en Europe. En effet, les coûts de développement et le processus de validation réglementaire pour vérifier l’absence d’effet imprévu sur la santé humaine ou sur l’environnement réduisent sensiblement l’intérêt que trouvent les industriels de la chimie à ce domaine.

En conséquence directe, les produits disponibles deviennent de plus en plus rares. Actuellement, en France, seuls peuvent être utilisés ceux contenant soit du BTI, efficace contre les larves de moustiques, soit de la deltaméthrine, efficace contre les moustiques adultes.

Par ailleurs, il convient de rappeler que la lutte anti-vectorielle ne doit pas se limiter au seul usage de traitements chimiques. Des actions de sensibilisation des populations concernées, pour rappeler les consignes de prévention et les mesures individuelles et collectives de protection, sont indispensables, notamment pour limiter les conditions propices au développement des moustiques.

En métropole, grâce à un usage jusqu’ici adapté des insecticides, les espèces de moustiques présentes sur notre territoire, dont le moustique tigre, n’ont pas développé de mécanismes de résistance – une veille rigoureuse à ce sujet est d’ailleurs assurée. Dès lors, le recours à ces insecticides via les campagnes organisées par l’ensemble des organismes publics de démoustication conserve tout son sens et constitue aujourd’hui un outil essentiel de cette lutte. La mobilisation et le travail réalisé par ces équipes de démoustication doivent d’ailleurs être salués.

Cela étant, Mme Ségolène Royal partage votre préoccupation par rapport à cette espèce invasive et quant à notre arsenal très réduit de lutte contre ces insectes. C’est pourquoi elle a demandé en juillet dernier à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, d’identifier les autres molécules utilisées en Europe et pouvant l’être aussi en France, ainsi que les substances les plus prometteuses pour développer de nouveaux produits antimoustiques. Ce bilan est attendu au premier semestre 2016.

À l’issue de cette étude, l’objectif sera de mobiliser les industriels afin de mettre en œuvre des actions concrètes en vue du développement et de la mise sur le marché de produits complémentaires à ceux actuellement disponibles. Cette démarche sera initiée avec le concours de l’entente interdépartementale de démoustication du littoral méditerranéen, dans le cadre d’un groupe de contact lancé à l’automne dernier sur l’initiative du ministère de l’écologie, en lien avec le ministère chargé de la santé.

M. le président. La parole est à M. François Commeinhes.

M. François Commeinhes. Je souhaitais sensibiliser Mme la ministre à ce phénomène, qui prend de plus en plus d’ampleur. Le principe de précaution, qui prévalait jusqu’à maintenant dans la prise en compte du désagrément des piqûres de moustique, doit peut-être être revu et son curseur repositionné étant donné les incidences sanitaires de plus en plus prégnantes dans notre région, avec l’arrivée du chikungunya et de la dengue, qui commencent à faire pas mal de victimes.

Je vous remercie néanmoins de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.

glyphosate et pollution des rivières comtoises

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 1240, adressée à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Martial Bourquin. Monsieur le secrétaire d’État, un rapport sénatorial s’alarmait voilà quelques années de voir la France occuper la troisième place mondiale pour l’utilisation de pesticides, avec 110 000 tonnes par an.

Parmi ces pesticides, le glyphosate est particulièrement pointé du doigt. Chaque année, 2 000 tonnes de cette substance sont utilisées par les particuliers et 8 500 tonnes par les agriculteurs et autres professionnels. Diverses études ont démontré que le glyphosate contenu dans le Roundup représente un véritable danger non seulement pour l’environnement, mais aussi pour la santé. Ainsi, l’Organisation mondiale de la santé a classé le glyphosate comme cancérogène probable chez l’homme.

Or, en 2011, l’acide aminométhylphosphonique, l’AMPA, un métabolite du glyphosate, était présent dans 60 % des cours d’eau français, et le glyphosate l’était dans plus de 30 % d’entre eux. Trois Français sur dix présentent des traces de glyphosate dans leurs urines.

La Commission européenne devrait reporter de six mois sa décision concernant la prolongation de l’autorisation de mise sur le marché communautaire du glyphosate.

La décision de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie d’interdire en vente libre le Roundup au 1er janvier 2016 est sans conteste un premier pas très important.

Cependant, la surmortalité piscicole importante constatée depuis 2010 pour les cours d’eau franc-comtois nous oblige à agir avec une plus grande vigilance.

Par exemple, d’après les résultats de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, le nombre de truites à la station de Cléron, sur la Loue, a été divisé par dix depuis 1998.

De même, l’établissement public territorial du bassin Saône et Doubs a présenté, dès le mois de mai 2011, un dossier intitulé Un état des lieux et des pressions exercées sur les milieux aquatiques. Les premières constatations sont très claires : un peuplement dégradé, avec une biomasse et une biodiversité réduites, et des proliférations algales récurrentes.

Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer cette pollution. Toutefois, les produits à base de glyphosate, largement répandus aussi bien chez les professionnels, dans les collectivités que chez les particuliers, sont montrés du doigt.

L’utilisation du glyphosate pour désherber les prairies doit faire l’objet d’une réglementation très stricte, voire d’une interdiction dans les milieux karstiques, car ces sols sont fragilisés par cette pollution du fait de leur forte perméabilité.

Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de bien vouloir nous indiquer si un classement des sols karstiques avec une interdiction de certains produits est envisagé par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, la vigilance sur les effets des produits phytosanitaires, qu’ils soient sanitaires ou environnementaux, ainsi que leur utilisation raisonnée sont au cœur de l’action menée par Mme Ségolène Royal.

En agriculture, le glyphosate est très utilisé pour le désherbage des cultures. Il est également l’herbicide le plus employé par les jardiniers. Ce sont ainsi plus de 2 000 tonnes qui ont été achetées et manipulées par le public en 2013.

Cette substance herbicide dite « organophosphorée » a initialement été mise au point par l’entreprise Monsanto, mais elle est désormais dans le domaine public. Elle est autorisée depuis les années soixante-dix. Dans le cadre de la législation désormais en vigueur, elle bénéficie, au niveau européen, d’une autorisation à renouveler tous les dix ans, en fonction de l’évolution des connaissances. Son autorisation était échue à la fin de l’année 2015 ; elle a toutefois été prolongée de six mois par la Commission européenne. Le renouvellement de cette autorisation européenne est donc en cours d’examen.

Les risques pour la santé et l’environnement liés à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sont un sujet de préoccupation majeure, sur lequel Mme Ségolène Royal est particulièrement vigilante. C’est pourquoi, dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, Mme la ministre a souhaité accélérer l’interdiction de l’utilisation des produits phytosanitaires par les jardiniers amateurs et avancé sa date de mise en œuvre à 2019, au lieu de 2022. À partir du 1er janvier 2017, les produits phytopharmaceutiques ne seront plus disponibles en libre-service pour les particuliers dans les magasins de vente. En outre, la distribution doit engager, dès le 1er janvier 2016, des programmes de retrait de la vente en libre-service de ce type de pesticides. Mme Ségolène Royal rappelle, enfin, que les collectivités n’utiliseront plus ces produits à partir de 2017.

L’ensemble de ces mesures, monsieur le sénateur, réduira donc fortement l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, notamment ceux qui contiennent du glyphosate.

Par ailleurs, le 26 mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, au sein de l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, a classé le glyphosate comme substance « cancérogène probable ». La ministre a immédiatement saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, pour disposer de son analyse. Une note des autorités françaises a également été envoyée à la Commission européenne, lui demandant de prendre en compte les conclusions du CIRC lors du réexamen décennal de l’autorisation du glyphosate.

Si l’ANSES est amenée à formuler des recommandations sur d’éventuelles actions complémentaires à mettre en œuvre, Mme Ségolène Royal veillera dans les meilleurs délais à mettre en œuvre ces actions.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Je veux remercier M. le secrétaire d'État et Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l'énergie pour ces explications extrêmement claires. Surtout, je veux remercier Mme Royal pour son engagement d’avant-garde en faveur de l’interdiction du glyphosate.

Traditionnellement, ce sont des milliers de touristes qui venaient de toute l’Europe et même des États-Unis pour pêcher à la mouche en Franche-Comté, comme sur les tableaux de Gustave Courbet,…

M. le président. À Ornans !

M. Martial Bourquin. Effectivement !

… avec, pour toile de fond, les belles reculées du Jura.

Or, aujourd'hui, ces rivières n’ont presque plus de poissons, et ceux-ci ne sont plus toujours comestibles.

Au-delà des milieux aquatiques, c’est la ressource en eau de l’ensemble des habitants du nord de la Franche-Comté qui est concernée par ces pollutions – je rappelle que la rivière Doubs est la réserve en eau de tout le nord de la région, c'est-à-dire de plus de 400 000 habitants.

Il est donc très important que l’Europe interdise enfin tout désherbage au glyphosate, surtout dans les sols karstiques.

C’est un drame de voir des rivières ainsi saccagées. C’est aussi un drame pour la santé publique !

Je remercie de nouveau M. le secrétaire d'État pour ces explications extrêmement claires. Maintenant, nous avons besoin que l’Europe interdise le glyphosate !

fonctionnement de la centrale nucléaire du blayais

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 1202, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

M. Philippe Madrelle. Monsieur le secrétaire d'État, si nous reconnaissons les efforts conjugués de l’État et du Parlement pour garantir les conditions optimales de sécurité de nos centrales nucléaires, une suite d’incidents survenus récemment au sein de la centrale nucléaire du Blayais en Gironde m’oblige à vous interpeller sur les causes de tels dysfonctionnements.

Depuis juin 2014, deux tranches étaient à l’arrêt et, en septembre dernier, l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, a donné son accord pour le redémarrage du réacteur nucléaire n° 3. Trois des quatre réacteurs du Blayais sont donc désormais raccordés au réseau ; l’unité de production n° 4, mise à l’arrêt en octobre dernier à la suite d’un incident au niveau de l’alternateur, a été reconnectée au début du mois de novembre dernier.

Lors des incidents survenus en juin dernier, la réglementation a été scrupuleusement respectée : les personnels ont été évacués et ont subi les examens médicaux d’anthropogammamétrie. Les deux séries d’incidents sont survenues dans le même bâtiment, là où est installé le chantier de construction des trois nouveaux générateurs de vapeur. Selon EDF, un défaut d’étanchéité serait à l’origine de dispersions de radioéléments.

Monsieur le secrétaire d'État, êtes-vous en mesure de nous confirmer l’exactitude de cette affirmation ?

Vous le savez, un nouveau plan particulier d’intervention, ou PPI, de la centrale nucléaire du Blayais vient d’être édité sous l’égide de la préfecture de la Gironde. Ce plan a fait l’objet d’une consultation publique dans les dix-neuf communes concernées – regroupant 25 000 habitants –, situées dans un périmètre de dix kilomètres autour de la centrale.

Inspiré directement des conséquences de l’accident de la centrale de Fukushima, ce texte, qui définit toutes les mesures d’organisation et de gestion de crise en cas d’accident radiologique, suscite des interrogations, car il ne prévoit pas d’extension à 80 kilomètres du rayon du PPI, comme le recommande pourtant la commission locale d’information nucléaire. Un plan national de gestion des événements radiologiques est en cours d’élaboration. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous apporter des éléments d’information quant à son contenu ? Ne pensez-vous pas que cette notion de périmètre pourrait être repensée au niveau européen, afin de prévoir son élargissement à 80, 90, voire 100 kilomètres ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le secrétaire d'État, votre question porte sur plusieurs incidents qui ont eu lieu à l’été 2015 et qui ont conduit à des évacuations du personnel du bâtiment réacteur de la tranche 4 de la centrale du Blayais.

Ce réacteur était à l’arrêt pour permettre le troisième réexamen décennal de sa sûreté. Dans le cadre de ce réexamen, de nombreuses activités de maintenance sont réalisées, qui peuvent entraîner des dispersions de poussières radioactives à proximité directe des travaux de maintenance en cours et le déclenchement des alarmes commandant l’évacuation de certains locaux du bâtiment réacteur.

La concomitance avec l’arrêt pour la visite décennale du réacteur n° 3 a conduit à des difficultés d’approvisionnement en ressources matérielles et de mise à disposition de personnel.

Deux événements significatifs pour la sûreté, classés au niveau 0 de l’échelle internationale des événements nucléaires, dite « échelle INES », et liés aux activités réalisées au cours de cet arrêt ont été déclarés. Par ailleurs, huit événements significatifs concernant la protection des travailleurs contre les rayonnements ionisants ont été déclarés par EDF, dont un, classé au niveau 2 de l’échelle INES, a concerné le dépassement de la limite réglementaire de la dose reçue par un intervenant, à la suite d’une exposition cutanée externe. Ces événements ont nécessité la mise en œuvre de mesures de renforcement de la protection des travailleurs par EDF.

Le 1er octobre 2015, après examen des résultats des contrôles et des travaux effectués durant l’arrêt, l’Autorité de sûreté nucléaire a donné son accord au redémarrage pour un cycle du réacteur n° 4 de la centrale nucléaire du Blayais.

D’ici à six mois, EDF adressera au Gouvernement et à l’ASN un rapport comportant les conclusions du réexamen de sûreté de ce réacteur, comprenant l’ensemble des études techniques relatives à la sûreté de celui-ci, en particulier un dossier sur le renforcement des mesures de protection des travailleurs contre les rayonnements ionisants. L’ASN analysera ce rapport et prendra ensuite position sur la poursuite d’exploitation du réacteur n° 4.

Enfin, sachez, monsieur le sénateur, que la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a renforcé l’information et la transparence en matière nucléaire, notamment à travers l’action des commissions locales d’information.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse très précise.

Je veux insister sur le mérite de Mme la ministre Ségolène Royal, dont l’engagement, au nom du Gouvernement, a permis le vote de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, laquelle prévoit la réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité dès 2025.

Compte tenu de l’état de vieillissement de nos centrales nucléaires, compte tenu de l’importance des emplois concernés – de ce point de vue, le nucléaire est vital pour le Blayais, qui, vous le savez, mes chers collègues, est très peu industrialisé –, compte tenu de la fermeture annoncée de la centrale de Fessenheim, nous aimerions savoir ce qui est envisagé concernant l’avenir de la centrale de Braud-et-Saint-Louis.

service historique de la défense et préservation du château de vincennes

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1260, adressée à M. le ministre de la défense.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d'État, en octobre 2013, une soirée bruyante réunissait 4 000 personnes dans l’enceinte du château de Vincennes. Cette soirée avait entraîné jusque dans la nuit des nuisances sonores et visuelles perturbant les très nombreux riverains.

À ma question orale n° 614, la ministre de la culture d’alors avait répondu que la réinstallation de la commission interministérielle du château de Vincennes, la CICV, devrait permettre une meilleure coordination entre le ministère de la défense et le ministère de la culture, qui occupent et gèrent tous deux le château, et entre ceux-ci et les municipalités. Surtout, la mise en place d’une information effective des Vincennois lors de la privatisation du monument pour de tels événements m’avait été promise.

Avec 50 000 habitants sur moins de deux hectares, Vincennes est la deuxième ville la plus dense de France, le château étant totalement intégré dans le centre-ville.

Le service historique de la défense, le SHD, a de nouveau autorisé la privatisation du château de Vincennes le 13 septembre 2015, pour un concert électro en plein air qui a duré neuf heures et a réuni 3 000 personnes. Pourtant, aucune information préalable n’a été apportée aux riverains, qui ont subi des nuisances sonores jusqu’à la fin du concert, à vingt-trois heures.

Il est à noter que le volume des décibels était tel que, selon l’administrateur du donjon, il a fait vibrer les vitraux de la Sainte-Chapelle de Vincennes, restaurés depuis peu… Ceux qui étaient sur place ont remarqué l’orientation des haut-parleurs vers la ville, et non vers le bois.

Je ne suis pas opposée par principe à ces opérations exceptionnelles et je comprends l’utilité financière de la location de l’espace historique qu’est le château de Vincennes, mais j’aimerais que celui-ci soit respecté en tant que monument historique et, surtout, que soient traités avec respect les habitants, et pas seulement ceux qui habitent à quelques dizaines de mètres – le son ne s’arrête pas ainsi !

Monsieur le secrétaire d'État, ma question est simple : des consignes fermes vont-elles être données au SHD afin qu’il prenne en considération les nuisances sonores avant d’accepter des projets de privatisation ?

L’information de la population sur ces événements va-t-elle enfin être sérieusement organisée ?

Enfin, pouvez-vous m’indiquer si la CICV s’était réunie préalablement à la manifestation du 13 septembre dernier et avait émis des réserves à son sujet ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Madame la sénatrice, tout d’abord, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Jean-Yves Le Drian, actuellement en déplacement à l’étranger avec le Président de la République.

Comme vous le savez, le service historique de la défense, le SHD, loue, dans le cadre de sa politique d’ouverture et de recherche de financements extrabudgétaires, la cour d’honneur du château de Vincennes. Il a, à ce titre, accueilli, le dimanche 13 septembre 2015, de quatorze heures à vingt-trois heures, le festival que vous évoquez. Il s’agissait d’un événement essentiellement diurne, l’heure limite ayant été fixée à vingt-trois heures pour éviter les nuisances qui avaient accompagné un concert précédent, terminé à une heure plus tardive.

Le concert a eu lieu en plein air, dans la cour d’honneur, et s’est déroulé dans d’excellentes conditions : on a dénombré environ 3 000 participants, âgés de vingt à quarante ans en moyenne, très bien encadrés par un service de sécurité aux effectifs nombreux. La réservation était close plus de quinze jours avant l’événement.

Les installations, légères, ont été montées dans les deux jours précédant celui-ci ; le démontage était achevé dès le lundi 14 septembre 2015. Une attention particulière à la propreté des lieux a été exigée de l’organisateur.

Toutes les mesures ont été prises en matière de sécurité avec les organisateurs et les services de police de Vincennes et du douzième arrondissement de Paris, présents sur place tout au long du déroulement du concert.

Aucun désordre n’a été enregistré sur les vitraux de la chapelle ou sur les structures du château.

L’événement a été organisé en parfaite transparence avec la ville de Vincennes. Cette dernière avait été informée de l’événement et avait même été sollicitée, dès juin 2015, pour un prêt de barrières de sécurité qu’elle n’avait pu satisfaire.

N’étant pas organisatrice de la manifestation, la ville avait indiqué qu’il ne lui paraissait pas utile d’envisager des actions d’information particulières auprès des riverains. Elle avait néanmoins rappelé son souci d’une sensibilisation de l’organisateur à ce que le volume sonore tienne compte de leur proximité immédiate.

Ces éléments avaient bien entendu été répercutés auprès de l’organisateur. Ce dernier, qui avait indiqué être habitué à monter ce type d’événement en milieu urbain, a ainsi pris en compte l’aspect acoustique.

Malgré toutes ces précautions, quelques plaintes de riverains ont été reçues dimanche 13 et lundi 14 septembre sur le site. M. le maire de Vincennes s’en était aussi fait l’écho. Les éléments qui viennent de vous être exposés leur ont été précisés.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d’État, dans votre réponse, vous m’expliquez ce qui s’est passé. Mais ce qui s’est passé, je le sais !

Je vous ai posé deux questions. La première était de savoir si le Service historique de la Défense allait dorénavant faire attention aux nuisances acoustiques. Un concert électro n’a rien à voir avec un concert de musique classique ou un concert normal ! Ce jour-là, on a entendu la musique à deux kilomètres du château, jusqu’à vingt-trois heures !

Ce n’était pas à la mairie de Vincennes – où je n’occupe aucune fonction – de mener des actions d’information ; n’étant pas organisatrice, elle ignorait à quel point les nuisances sonores seraient importantes.

Vous me dites qu’aucun désordre n’est à déplorer ; mais encore heureux que tout se soit bien déroulé ! Je m’étonne que le Service historique de la Défense puisse organiser des concerts électro au pied du plus vieux et plus haut donjon d’Europe, classé monument historique. Ce type d’événement ne me paraît pas approprié.

Enfin, le ministre de la défense, qui n’est pas présent parmi nous ce matin, ne m’apporte aucune explication sur le fait que les haut-parleurs étaient tournés vers la ville et non vers le bois. L’administrateur de la Sainte-Chapelle, que j’ai rencontré, m’a dit avoir eu peur pour les vitraux, qui tremblaient.

La précédente ministre de la culture m’avait répondu que la réinstallation de la commission interministérielle du château de Vincennes devrait permettre une meilleure coordination entre les ministères de la défense et de la culture. Je ne demande rien d’autre ! Or vous ne m’avez pas répondu : celle-ci a-t-elle été consultée ?

J’émets de nouveau le souhait que ce type de manifestations – il y en aura d’autres, car elles sont une nécessité en raison de leurs retombées financières – donne lieu à une réelle coordination entre les différents acteurs concernés. En l’occurrence, et ce cas n’est pas unique, il n’en a rien été. Plus généralement, les concerts organisés dans le bois de Vincennes demeurent une source de nuisance pour toutes les communes limitrophes. Nous ne sommes pas à la campagne, nous sommes en pleine ville !

expérimentation d'une nouvelle méthode de lutte contre le chancre coloré

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 1247, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Roland Courteau. Je souhaite attirer l’attention du ministère de l’agriculture – j’allais dire une fois de plus ! – sur la nécessité de développer une nouvelle méthode de lutte contre le chancre coloré, qui menace les 42 000 platanes bordant le canal du Midi.

Depuis 2006, 13 850 platanes ont d’ores et déjà été abattus en raison de ce champignon très contagieux.

Dès lors, et afin de préserver ces platanes patrimoniaux, il m’avait été précisé, le 3 février 2015, en réponse à une précédente intervention, que le ministère de l’agriculture était très attentif à l’émergence de solutions innovantes de traitement.

Or une méthode consistant à injecter un ou plusieurs fongicides dans le tronc des platanes est en cours de développement au Centre d’expertise en techniques environnementales et végétales – le CETEV – de Toulouse.

Je souhaite vous faire remarquer qu’une demande d’expérimentation a été soumise à la direction générale de l’alimentation avec pour objectif de réaliser des essais de traitements préventifs ou curatifs précoces.

J’ajoute également qu’en réponse à mes précédentes interventions sur le sujet, il m’avait été précisé que la mise en œuvre de ce dispositif devait s’effectuer au printemps 2015. Or, à ce jour, cette expérimentation n’a toujours pas été lancée.

Je vous remercie donc de bien vouloir me faire un point précis sur l’état d’avancement de ce dossier et le calendrier exact de la mise en œuvre de cette expérimentation.

Par ailleurs, je souhaite que le département de l’Aude soit retenu pour la mise en place de plusieurs sites de traitement eu égard à son niveau d’infestation.

Il est en effet plus qu’urgent de procéder aux premiers essais afin de stopper, si possible, l’avancée de cette maladie.

Je me permets d’insister sur le fait qu’une course de vitesse doit être engagée contre le chancre coloré. Des dizaines de milliers de platanes sont menacés et, avec eux, la majesté d’un site exceptionnel inscrit au patrimoine mondial de l’humanité.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Stéphane Le Foll, dont l’emploi du temps est extrêmement chargé ces jours-ci.

M. le président. Cela ne nous avait pas échappé ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. Le chancre coloré est une maladie incurable qui touche les platanes et provoque leur mort.

Le champignon responsable de la maladie est un organisme nuisible réglementé dont l’introduction et la dissémination sont interdites en application de la réglementation européenne.

Cette maladie des platanes serait arrivée en France initialement aux abords de Marseille, durant la Seconde Guerre mondiale,…

MM. Bruno Sido et Éric Doligé. Encore Marseille ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'État. … à partir de caisses en bois infestées contenant du matériel militaire. Depuis lors, elle a progressé dans différentes régions du sud de l’Hexagone.

En France, la lutte contre le chancre coloré est obligatoire et fait l’objet d’arrêtés préfectoraux dans les départements concernés. Un arrêté national, destiné à encadrer de façon harmonisée les mesures de lutte, a été adopté le 22 décembre 2015. Il n’existe, à l’heure actuelle, aucune méthode curative dont l’efficacité ait été scientifiquement prouvée contre cet organisme nuisible.

Dans ce contexte, la stratégie de lutte actuelle repose sur différents éléments clefs : des méthodes préventives, visant à éviter la transmission du champignon aux arbres sains ; la surveillance et la détection précoce de la présence du pathogène ; l’éradication du champignon par destruction de l’arbre infesté et des arbres situés à proximité selon des procédures strictes, sous contrôle des services chargés de la protection des végétaux.

L’abattage préventif des arbres situés à proximité des arbres malades s’avère nécessaire, car le champignon se propage aux platanes environnants via les connexions existant entre les racines des arbres. Cet abattage est donc indispensable pour éviter la progression du chancre coloré.

Parallèlement, les recherches et les expérimentations doivent continuer. Le ministère de l’agriculture est très attentif à l’émergence de solutions innovantes de traitement. Le principe des expérimentations est d’ailleurs reconnu dans l’arrêté du 22 décembre 2015. Elles doivent se faire sous supervision stricte des services phytosanitaires compétents et après avis favorable du ministère chargé de l’agriculture sur la pertinence du protocole.

Une demande d’expérimentation pour une méthode qui consiste à injecter, en traitement préventif ou curatif, un fongicide directement dans le tronc de platanes contaminés lui a été soumise.

Le protocole d’expérimentation proposé par le Centre d’expertise en techniques environnementales et végétales a été expertisé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, ce qui a permis de l’améliorer.

L’avis favorable au déploiement de ce protocole a été rendu aux acteurs à la mi-2015 et sa mise en œuvre opérationnelle était seulement dépendante d’une signature de la convention d’expérimentation par les partenaires tiers.

Le ministère chargé de l’agriculture a œuvré activement fin 2015 pour que les divergences entre les acteurs de l’expérimentation puissent trouver une issue favorable.

La convention d’expérimentation est désormais lancée. Cette expérimentation ne permettra de conclure ou non à l’efficacité du dispositif qu’à l’expiration de la période prévue de trois ans.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Je remercie M. le secrétaire d’État de sa réponse.

Il s’agit d’un dossier que je défends depuis le 19 octobre 2011, date de ma première intervention devant le Sénat sur ce sujet. J’avais alors indiqué que 42 000 platanes étaient menacés et, avec eux, la majesté d’un site exceptionnel. Le canal du Midi sans ses platanes, ce n’est plus le canal du Midi ! C’est l’identité même de cette voie d’eau qui est menacée.

Depuis cette date, 13 850 platanes ont été abattus. Cette expérimentation apparaît comme une lueur d’espoir. Nous espérons qu’elle puisse démarrer rapidement et démontrer l’efficacité de ce traitement afin d’arrêter et la maladie et le massacre des platanes.

politique européenne d'identification des migrants

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli, auteur de la question n° 1224, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes.

Mme Colette Giudicelli. Monsieur le secrétaire d’État, depuis le printemps 2014, le nombre de migrants se présentant à la frontière franco-italienne de la ville de Menton s’est considérablement accru.

C’est en effet vers les Alpes-Maritimes que se dirigent, du sud de l’Italie, les principaux axes routiers et ferroviaires qui sont empruntés par les migrants provenant du continent africain et du Moyen-Orient.

En 2015, 153 842 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes. Sur les 27 313 interpellations et contrôles réalisés sur l’ensemble des Alpes-Maritimes par les services de police et de gendarmerie, 17 661 personnes ont fait l’objet d’une non-admission ou d’une réadmission en Italie, notamment en vertu de l’accord de Chambéry.

Cet accord spécifique bilatéral signé entre la France et l’Italie prévoit, entre autres choses, que les migrants interpellés dans une bande de 20 kilomètres de part et d’autre de la frontière font l’objet d’une procédure de réadmission simplifiée dans le pays de provenance.

Il vient compléter les accords de Schengen, qui obligent les pays de première entrée à contrôler et à identifier les migrants.

Or l’Italie fait face à une crise qu’elle ne peut gérer seule et ce travail d’identification n’est pas assuré. Le manque de moyens de l’État italien pour assumer ses obligations pose ainsi un problème à l’Europe tout entière, laquelle tarde à apporter des réponses structurelles qu’elle n’est pas encore en mesure de fournir.

Le système Eurodac, mis en place dans l’Union européenne en 2003, a pour objet de contribuer à déterminer l’État membre qui, en vertu de la convention de Dublin, est responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans un État membre. Mais cette base de données, qui s’appuie sur un système automatisé de reconnaissance d’empreintes digitales, n’est pas assez alimentée par les pays européens, alors qu’il s’agit d’un système susceptible de remédier à beaucoup de difficultés.

D’autre part, il semblerait – je compte sur votre réponse pour m’éclairer, monsieur le secrétaire d’État – que l’État français ait proposé son aide à l’Italie pour la soutenir dans son travail de contrôle. Toutefois, cette proposition n’aurait pas encore été acceptée.

Pouvez-vous m’indiquer quelles démarches auprès de vos collègues européens vous entendez entreprendre pour rendre plus efficace le système Eurodac ? Par ailleurs, pourriez-vous me dire si la France a bien proposé son aide à l’Italie et, dans l’affirmative, quelle en est la nature ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d’abord de vous communiquer quelques données précises concernant ce phénomène d’immigration vers l’Italie, puis d’Italie vers la France.

En 2015, 153 842 migrants sont arrivés irrégulièrement en Italie par la voie maritime.

Ce chiffre est en baisse de 9,5 % par rapport à 2014, ce qui s’explique, pour l’essentiel, par l’ouverture de la route des Balkans et par la baisse du nombre de Syriens empruntant la Méditerranée centrale.

Cependant, à la frontière entre la France et l’Italie, la pression migratoire est demeurée très élevée : 27 313 interpellations ont été réalisées et 17 661 étrangers en situation irrégulière ont été réadmis en Italie au titre de l’accord de Chambéry, soit près de 65 % du total des personnes interpellées. Le traitement des autres personnes s’effectue dans le cadre de la procédure de Dublin.

L’Italie, pas plus que la Grèce, ne peut être laissée seule face à cette pression migratoire, qui appelle une réponse européenne, d’autant que la crise libyenne n’est pas encore résolue. Des décisions importantes ont été prises par le Conseil européen comme par le Conseil justice et affaires intérieures. Elles doivent être mises en œuvre, dans toutes leurs dimensions : les hotspots, le mécanisme de relocalisation, une politique effective de retour et une coopération accrue avec les pays tiers d’origine et de transit.

Chacun des maillons de cette chaîne, et notamment le bon fonctionnement des hotspots, est essentiel.

L’Italie s’est engagée à faire fonctionner six hotspots, ce qui implique notamment de procéder à l’identification, à l’enregistrement et au relevé des empreintes digitales des migrants débarqués, parfois amenés après des opérations de sauvetage ou de lutte contre les passeurs.

À ce stade, les autorités italiennes font état d’un taux d’enregistrement des relevés d’empreintes dans le système Eurodac de l’ordre de 60 %, certains migrants refusant de donner leurs empreintes en Italie pour pouvoir déposer des demandes d’asile dans les pays d’Europe du Nord.

La mise en œuvre des obligations découlant du règlement « Eurodac » relève de la responsabilité de chaque État membre, sous le contrôle de la Commission européenne.

La France est bien sûr disposée à examiner, si l’Italie en fait la demande, le principe d’une coopération, afin de mettre en place une alimentation systématique de la base Eurodac. C’est ce que nous souhaitons.

La France participe d’ailleurs au fonctionnement des hotspots en Italie et en Grèce, par le biais des 60 personnes qu’elle met à disposition de FRONTEX et des 18 personnes affectées au Bureau européen d’appui en matière d’asile.

Nous tenons également nos engagements en matière de relocalisations, tout en apportant, bien évidemment, toutes les garanties de sécurité nécessaires. Notre approche repose en effet sur un équilibre entre solidarité européenne et impératifs sécuritaires. C’est le sens de toutes les propositions que nous avons formulées pour reprendre la maîtrise de l’espace Schengen.

M. le président. La parole est à Mme Colette Giudicelli.

Mme Colette Giudicelli. Je suis heureuse, monsieur le secrétaire d’État, de vous entendre rejoindre mes propos sur ce sujet.

Toutefois, je souhaiterais vraiment recevoir des précisions sur un point : une aide va-t-elle être apportée aux Italiens, pour qu’ils puissent travailler davantage et mieux ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État. Je vous remercie d’avoir précisé votre question.

Je l’ai dit, nous avons déjà mis à disposition de l’agence FRONTEX des personnels, qui ont été envoyés en Grèce et en Italie. Nous souhaitons qu’il puisse être procédé, en Italie, à l’enregistrement dans la base Eurodac de toutes les identités. La France est donc prête à envoyer des personnels supplémentaires pour aider l’Italie à mener à bien ces opérations.

accueil collectif des mineurs en refuge

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 1211, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à attirer votre attention sur l’arrêté du 20 octobre 2014 par lequel le ministère de l’intérieur régule les risques d’incendie et de panique pour l’accueil collectif des mineurs en refuges de montagne.

Dans le cadre des colonies de vacances ou des centres de loisirs, les séjours en montagne ont des vertus éducatives indéniables. Ils offrent des opportunités que beaucoup de parents ne pourraient pas apporter à leurs enfants. Ils permettent à bon nombre de jeunes de prendre le grand air, de découvrir la montagne et d’y être initiés, été comme hiver.

Or, si des mesures de sécurité sont nécessaires pour éviter des drames, l’arrêté du 20 octobre 2014 semble être particulièrement restrictif, au point que les différents acteurs de la montagne, les fédérations d’alpinisme en tête, craignent que les séjours collectifs en montagne ne soient compromis.

En effet, en imposant l’hébergement des mineurs au rez-de-chaussée, sauf aménagement particulier – ce qui est rare – du premier étage, le nombre de jeunes que les refuges pourront accueillir sera grandement limité.

De plus, les dispositions particulières concernant les situations d’enneigement inquiètent.

Lorsque le refuge dispose d’un espace clos, une colonne de secours doit pouvoir l’atteindre en moins de deux heures. Lorsque tel n’est pas le cas, ce temps est ramené à moins de 30 minutes.

Ces dispositions peuvent paraître louables, sauf que seuls dix refuges semblent répondre à ces normes sur l’ensemble du territoire national.

Ce texte pourrait donc avoir comme effet indésirable de priver des milliers d’enfants d’alpinisme et de ski, sans considération de leur âge ou de leur expérience de la montagne. Je pense notamment aux stages sportifs ou aux formations spécialisées aux métiers de la montagne.

Il semble que la modification ou la suppression de cet arrêté ne constituerait pas pour autant une mise en danger de la vie des mineurs. En effet, il n’y a jamais eu aucun incendie dans un refuge de montagne. D’une part, les modalités de l’hébergement des mineurs font l’objet d’un examen au cas par cas par les autorités compétentes ; d’autre part, la réglementation en vigueur tient déjà compte de la non-accessibilité des refuges aux engins des sapeurs-pompiers.

Monsieur le secrétaire d’État, comptez-vous supprimer ou modifier, comme il se doit, cet arrêté du 20 octobre 2014 portant sur l’accueil collectif des mineurs en refuges de montagne ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Madame Michelle Demessine, le sujet que vous évoquez a suscité de nombreuses inquiétudes, notamment parmi les élus des départements de montagne, inquiétudes que je souhaite lever.

La modification du règlement de sécurité contre l’incendie dans les refuges de montagne à laquelle vous faites référence est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Elle répond à la volonté du Gouvernement de disposer d’un cadre réglementaire plus précis sur l’accès des mineurs aux refuges, qui puisse être appliqué de manière homogène sur l’ensemble du territoire. Nous avons tous en mémoire les drames du passé. Je pense en particulier au terrible incendie du centre équestre de Lescheraines, en Savoie, le 5 août 2004, au cours duquel huit jeunes enfants avaient trouvé la mort.

Il était indispensable d’aménager un cadre juridique garantissant le respect des exigences de sécurité, sans entraver l’accueil des jeunes en refuge.

L’évolution de la réglementation n’a pas pour objectif d’introduire des restrictions nouvelles. Au contraire, elle autorise l’accès des mineurs aux refuges de montagne, dans des conditions parfaitement conformes aux exigences en matière de sécurité, alors qu’ils en étaient jusqu’alors exclus.

Aujourd’hui, ce sont ainsi près de 30 % des refuges qui peuvent accueillir des séjours collectifs de mineurs, dans le respect des règles de sécurité.

À titre dérogatoire, l’arrêté autorise l’accueil de mineurs dans des refuges jusqu’à cinq nuits consécutives, contre deux précédemment, dans le cadre de séjours sportifs spécifiques organisés par certaines fédérations sportives, comme la Fédération française de la montagne et de l’escalade, la FFME, ou la Fédération française des clubs alpins et de montagne, la FFCAM.

Pour que cette évolution des règles soit mieux comprise par tous, le ministère de l’intérieur a demandé aux services départementaux d’incendie et de secours concernés de faire remonter toute difficulté que soulèverait la réglementation.

Soyez donc certaine, madame la sénatrice, de la volonté du Gouvernement d’avoir sur ce dossier une position pragmatique, dans le respect de la priorité accordée à la sécurité des mineurs.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse.

Il faudra bien, un jour, trouver un réel équilibre entre une nécessaire sécurité – n’oublions pas que le risque zéro n’existe pas – et le départ des jeunes enfants – dont le nombre ne cesse de diminuer – en colonies de vacances, qui tend à n’être réservé qu'à une seule catégorie. Pourtant, les enfants ont besoin de partir en vacances. Cela permet de répondre aux nombreux problèmes que nous rencontrons avec la jeunesse en général.

Par ailleurs, n’oublions jamais l’impact économique des vacances des jeunes en montagne. On le sait, historiquement, ce sont les jeunes enfants qui ont fait découvrir la montagne à leurs parents, ce qui a engendré une économie touristique en montagne. S’il n’y avait plus de colonies de vacances, s’il n’y avait plus d’enfants partant à la montagne, cela aurait un lourd impact sur la fréquentation des adultes.

augmentation importante des demandes d'asile en guyane

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, auteur de la question n° 1286, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Antoine Karam. Monsieur le secrétaire d’État, depuis plusieurs mois maintenant, nous sommes les témoins d’une réalité dramatique, qui pousse des milliers de victimes de la persécution à prendre la route de l’exode, parfois au péril de leur vie, afin de fuir la terreur. Face à ce drame, de nombreux élus et citoyens se sont mobilisés pour accueillir dans la dignité ces réfugiés.

Faisant face à cette situation, vous avez contribué à la mise en place de mesures au niveau européen, afin de maîtriser la répartition des réfugiés, mieux identifier les demandeurs d’asile et accueillir dans la dignité l’ensemble de ces populations.

Cependant, le déploiement de ces moyens ne peut se limiter à l’Europe continentale. En Guyane, située en Amérique du Sud, où des réfugiés syriens et irakiens sont aussi arrivés, les demandes d’asile ont explosé.

Au cours de l’année 2015, plus de 2 700 dossiers ont été déposés à la préfecture, soit une augmentation de 159 % par rapport à 2014. Je dis bien 159 % ! En effet, entre 2013 et 2014, celle-ci n’était que de 2 %.

Ainsi, 80 % des demandeurs sont-ils des ressortissants haïtiens, tandis que 10 % d’entre eux viennent de la République dominicaine, quelque 2 % étant originaires de Syrie ou d’Irak. Vous le savez, près de 95 % de ces demandes sont rejetées.

Monsieur le secrétaire d’État, l’augmentation rapide du nombre des demandeurs pose aujourd’hui la question des moyens, qui restent limités en Guyane.

En effet, les demandeurs d’asile sont d’abord confrontés au manque de capacité d’hébergement : aucun centre d’accueil de type CADA – centre d’accueil de demandeurs d’asile – n’existe à Cayenne et la majeure partie des 100 places d’hébergement d’urgence disponibles sont réservées aux familles. Certains demandeurs deviennent des squatteurs, d’autres errent dans les rues.

Autre problème, aucune antenne de l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, n’est présente en Guyane pour traiter les demandes d’asile. Les dossiers sont enregistrés par la préfecture, à Cayenne, puis transmis à l’antenne de l’OFPRA aux Antilles, qui accuse elle-même un manque patent de personnel. Ainsi les demandeurs attendent-ils en moyenne un an et demi pour obtenir une réponse, alors même que la réforme du droit d’asile prévoit de réduire à neuf mois ce délai.

Finalement, chaque matin, à Cayenne, ce sont des dizaines et des dizaines de demandeurs d’asile qui attendent aussi bien devant la préfecture que devant l’OFII, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, sans que personne sache vraiment qui est responsable de quoi.

Il devient urgent de trouver des solutions efficaces sur le plan tant administratif que matériel. Pouvez-vous me dire, monsieur le secrétaire d’État, si des moyens supplémentaires seront déployés jusque dans nos outre-mer, pour accueillir avec humanité et dignité tous les demandeurs d’asile, mais aussi pour permettre un meilleur traitement de demandes légitimes, qui pâtissent aujourd’hui d’un système au bord de l’asphyxie ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur Antoine Karam, l’augmentation de la demande d’asile enregistrée en Guyane, principalement portée par la progression de la demande haïtienne, est un phénomène bien pris en compte par les services du ministère de l’intérieur et l’OFPRA.

Une augmentation de 70 % a en effet été constatée au cours des neuf premiers mois de l’année 2015, avec un point culminant en août. La demande semble toutefois décroître ces dernières semaines. L’antenne de l’OFPRA dans les départements français d’Amérique est installée en Guadeloupe, d’où elle instruit les demandes déposées en Martinique et en Guyane. Ces dernières années, la part des demandes enregistrées dans chacun des trois départements a varié, pour s’équilibrer en 2014 entre la Guyane, à hauteur de 45 %, la Guadeloupe, pour 41 %, et la Martinique, qui représente 14 % de la demande.

En Guyane, l’Office met actuellement en œuvre plusieurs mesures, qui permettront de prendre en compte l’augmentation des flux et d’instruire prochainement l’ensemble des demandes en instance. Les effectifs de l’antenne ont été renforcés depuis le mois de septembre 2015, notamment par l’affectation à l’année d’un officier de protection supplémentaire. L’antenne sera ainsi en capacité d’instruire un volume plus important de demandes.

Par ailleurs, une équipe de l’Office s’est rendue en Guyane du 16 au 27 novembre dernier pour conduire une mission foraine d’instruction qui a permis de résorber les demandes en attente et de réduire sensiblement les délais d’instruction.

Ces mesures, ainsi que la poursuite de missions d’instruction à un rythme soutenu par l’antenne de Basse-Terre, devraient permettre de traiter dans les délais réglementaires les demandes d’asile déposées dans ce département.

Concernant l’hébergement des demandeurs d’asile présents en Guyane, un appel à projets a été lancé en 2010, pour pallier l’absence de centre d’accueil pour demandeurs d’asile dans le département.

Sur ce fondement, un dispositif géré par la Croix-Rouge française a vu le jour au second semestre de 2011 et connaîtra en 2016 une extension de capacité et une hausse de l’ordre de 20 % des crédits qui lui sont consacrés.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes tout à fait conscients de l’urgence, que vous avez évoquée, de la situation guyanaise. L’État a décidé de renforcer les moyens destinés au traitement des demandes d’asile, ainsi qu’à l’accueil et à l’hébergement des réfugiés.

M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.

M. Antoine Karam. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Permettez-moi de vous inviter, au même titre que M. le ministre de l’intérieur, à visiter la Guyane, afin de constater par vous-même l’urgence, que vous avez évoquée, de la situation.

Si la Guyane fait institutionnellement partie des pays du Nord, elle se situe géographiquement au cœur des pays du Sud. Outre les problèmes que je vous ai exposés, il s’agit également de lutter contre les trafiquants et d’éviter des drames humains.

Ce dimanche encore, une embarcation transportant une trentaine de clandestins brésiliens a été interceptée par les gendarmes sur nos plages. Quatre trafiquants ont été arrêtés, tandis que les clandestins étaient renvoyés au Brésil. Pour combien de temps ? On le sait, 700 kilomètres de frontière séparent le Brésil de la Guyane. Tous les jours arrivent en Guyane par la mer, les fleuves ou la forêt des dizaines de clandestins. Certains disparaissent dans la nature, d’autres meurent. On retrouve leurs squelettes quelques années plus tard.

Je ne veux aucunement comparer ou opposer notre situation aux drames survenus en Méditerranée. Nous craignons simplement de voir un jour notre Guyane touchée par une vraie tragédie humaine.

Monsieur le secrétaire d’État, en avril dernier, Bernard Cazeneuve affirmait la nécessité « de faire en sorte que les frontières extérieures de l’Union européenne soient protégées ».

Je me permets donc de le souligner, la France a aussi besoin de protéger et de sécuriser ses frontières sur le continent sud-américain.

intégrité scientifique

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, auteur de la question n° 1218, adressée à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Bruno Sido. Ma question porte sur les conclusions de l’analyse effectuée par la direction générale de la recherche et de l’innovation concernant le rapport de M. Jean-Pierre Alix, membre du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, intitulé Renforcer l’intégrité de la recherche en France. Propositions de prévention et de traitement de la fraude scientifique. Ce rapport a été publié en septembre 2010 à la demande du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Depuis l’été 2014, certains domaines de la recherche, par exemple japonaise, ont été remis en cause. De même, la presse s’est fait l’écho de certains errements, voire d’errements certains, de la part de revues scientifiques de renom.

Je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement envisage de procéder à l’analyse des causes du recul de l’intégrité scientifique, d’en mesurer les effets et d’imaginer des mesures susceptibles de garantir une recherche de référence dans tous les secteurs.

Je vous remercie également, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir préciser quelles sont les suites données aux recommandations du rapport de M. Alix afin d’assurer aux chercheurs, à leurs travaux et à la recherche française en général, le caractère insoupçonnable qui les a toujours caractérisés et qui doit demeurer le leur.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Bruno Sido, notre pays se situe au sixième rang en matière de publications scientifiques mondiales. Il en produit 3,5 %.

De 1 à 2 % des 1 400 000 articles scientifiques publiés annuellement dans le monde, soit environ 20 000 articles, sont considérés comme frauduleux. Vous avez donc raison, monsieur le sénateur, de souligner l’importance de cette question.

En 2007, le directeur général de la recherche et de l’innovation du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche confiait à M. Jean-Pierre Alix, membre du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, une mission sur l’intégrité scientifique, afin notamment d’établir un état des lieux et de faire des recommandations pour la prévention et la formation à l’intégrité, ainsi que pour la détection et le traitement des fraudes.

Ce rapport, remis en septembre 2010 – vous l’avez évoqué, monsieur le sénateur –, comportait huit recommandations pour renforcer l’intégrité de la recherche française. L’adoption d’une charte de l’intégrité scientifique en constituait la mesure principale.

Encouragées par le ministère chargé de la recherche, de nombreuses initiatives ont été prises par les établissements de recherche pour répondre à la demande forte de la communauté scientifique, dont la qualité et la probité des travaux risquaient d’être remis en cause.

Ce processus a abouti à la signature, le 26 janvier 2015, d’une charte nationale de déontologie des métiers de la recherche, par le CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INRA, l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRIA, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement, le CIRAD, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, l’Institut Curie et les universités représentées par la conférence des présidents d’université.

Cette charte constitue une déclinaison nationale des principaux textes internationaux en la matière, et s’inscrit dans le cadre de référence du programme européen pour la recherche et l’innovation « Horizon 2020 ».

La dimension « intégrité de la recherche » est fortement renforcée dans le programme Horizon 2020, avec de nouvelles procédures pour éviter le plagiat, les doubles financements et autres inconduites, par le biais notamment de conventions de subventions plus explicites.

Le programme Horizon 2020 a également ouvert des appels à projets sur l’intégrité scientifique – notamment le projet INTEGER, Institutional Transformation for Effecting Gender Equality in Research, financé à hauteur de 2 millions d’euros.

Au niveau national, les établissements signataires sont responsables de la mise en œuvre de la charte à travers des structures dédiées ou l’adaptation des missions des structures existantes.

Un bilan pourra être envisagé après quelques années d’exercice, sous l’impulsion des signataires ou du ministère chargé de la recherche.

Telles sont, monsieur le sénateur, les suites concrètes qui ont été données au rapport Alix.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Je souhaite moins répondre à M. le secrétaire d’État que prolonger ma question.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de m’avoir répondu sans détour. Vous nous dites que nous sommes au sixième rang mondial en matière de publications scientifiques. J’en suis fort aise. Mais le problème du monde de la recherche – pardonnez-moi si mes propos paraissent sévères – semble être de publier plus que de trouver.

À force de vouloir publier pour obtenir la reconnaissance et les crédits, les chercheurs sont parfois poussés au plagiat, ou incités à raccourcir le temps de leur recherche.

C’est un vrai problème, l’intégrité scientifique ! Si l’on ne peut même plus croire les scientifiques et le produit de leur recherche, où va-t-on, monsieur le secrétaire d’État ?

Ce problème n’est pas seulement celui des universités : la recherche, heureusement, existe aussi en dehors des universités.

Je suis en tout cas heureux d’entendre que huit recommandations ont été émises, et que des suites ont été données au rapport Alix.

Le 29 janvier prochain se tiendra à Bordeaux un colloque sur l’intégrité scientifique organisé par le MURS-IS, le Mouvement universel de la responsabilité scientifique - Intégrité scientifique, dont je suis régulièrement les travaux.

En tant que membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, je suis particulièrement sensible à cette question fondamentale.

Je travaille actuellement à l’élaboration d’une proposition de loi afin que des règles claires, en la matière, soient applicables dans notre pays. Je suis donc amené à étudier ce qui se fait dans d’autres pays.

nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, auteur de la question n° 1288, adressée à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Gisèle Jourda. Ma question porte sur l’interprétation des dérogations accordées par la loi du 7 août 2015, dite loi NOTRe, pour l’élaboration des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale.

En son article 33, elle fixe le nouveau seuil minimal de population intercommunale à 15 000 habitants. Cette règle générale est assortie de plusieurs conditions dérogatoires, sans toutefois que ce seuil puisse être inférieur à 5 000 habitants.

Un « délai de repos » y est défini, permettant aux EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale, à fiscalité propre ayant fusionné après le 1er janvier 2012 et regroupant au minimum 12 000 habitants de conserver leur périmètre actuel.

Mais quelle doit être l’interprétation de ce « délai de repos » ?

À la lecture de l’instruction du Gouvernement du 27 août 2015 pour l’application des dispositions des articles 33, 35 et 40 de la loi, il semblerait que la direction générale des collectivités locales préconise aux préfets de n’appliquer ce « délai de repos » qu’aux EPCI dont la population est comprise entre 12 000 et 15 000 habitants, à l’exclusion des EPCI dont la population dépasse les 15 000 habitants.

Deux questions se posent ainsi s’agissant de l’application de la refonte des schémas départementaux de coopération intercommunale.

Premièrement, quid de cette application au-delà de 15 000 habitants ?

Cette réforme a des conséquences pour un certain nombre de communautés d’agglomération dont la population excède 15 000 habitants et qui sont contiguës à des communautés de communes ne bénéficiant pas d’une condition dérogatoire.

Par exemple, la réforme ne pose pas de difficultés pour l’agglomération de Carcassonne, qui s’est étendue par fusion en 2013, passant de 23 à 73 communes, et qui compte au total plus de 104 000 habitants, si elle est appréhendée isolément.

Toutefois, il existe plusieurs intercommunalités contiguës, telle celle du piémont d’Alaric, comptant à ce jour moins de 15 000 habitants.

Ainsi, il ne serait pas possible, en pratique, d’appliquer le droit de repos à l’agglomération de Carcassonne, alors qu’elle pourrait y prétendre.

Vous conviendrez du caractère bizarre de cette situation : on permet à une communauté de 13 000 habitants de prendre son temps pour régler les difficultés consécutives à la récente fusion, et on oblige une agglomération qui se trouve dans le même cas à un rattachement immédiat !

Comment pouvons-nous, concrètement, dépasser cette difficulté liée au délai de repos ? L’interprétation stricte des articles 33, 35 et 40 de la loi NOTRe ne permet-elle pas plutôt d’affirmer que ce délai peut bénéficier à une agglomération de plus de 15 000 habitants ?

Parce que l’élaboration des nouveaux schémas a débuté, j’aimerais savoir quelles premières orientations ont été prises par les préfets.

Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le secrétaire d’État, que la dérogation liée au délai de repos s’applique à tout EPCI à fiscalité propre de plus de 12 000 habitants, et non aux seuls EPCI à fiscalité propre dont la population est comprise entre 12 000 et 15 000 habitants ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la sénatrice Gisèle Jourda, comme vous le soulignez, l’élaboration des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI, est en cours dans tous les départements, et la question sur laquelle vous attirez l’attention du Gouvernement se pose effectivement dans plusieurs d’entre eux.

Il s’agit notamment de l’interprétation de la règle prévue au 1° du III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 7 août 2015.

Cette disposition prévoit la possibilité d’un aménagement au seuil minimal de population de 15 000 habitants pour les EPCI à fiscalité propre incluant la totalité d’une intercommunalité à fiscalité propre regroupant au moins 12 000 habitants et issue d’une fusion intervenue entre le 1er janvier 2012 et la date de promulgation de la loi, c’est-à-dire le 7 août 2015.

Néanmoins, ce seuil minimal reste une limite basse que le représentant de l’État a pu dépasser dans le cadre de son projet de SDCI, en fonction de circonstances locales et du respect des autres orientations de même valeur juridique fixées par la loi.

Comme vous le savez, madame la sénatrice, à la suite de la présentation par le préfet, dans chaque département, du projet de schéma à la CDCI, la commission départementale de coopération intercommunale, s’est ouverte une période de consultation des conseils municipaux et des conseils communautaires. Les avis rendus par ces organes délibérants doivent permettre, le cas échéant, d’ajuster le projet présenté par le préfet.

Sur la base de ces avis, les élus auront toute liberté pour proposer un ou des amendements au projet de schéma, dans le cadre fixé par la loi. S’ils sont recevables, ces amendements devront être adoptés à la majorité des deux tiers par les membres de la CDCI avant le 31 mars 2016, date limite pour arrêter le schéma, conformément aux dispositions prévues par la loi NOTRe.

Des EPCI à fiscalité propre éligibles à la clause dite « de repos » pourront par conséquent être fusionnés avec des EPCI à fiscalité propre limitrophes, dès lors que le préfet a prévu de tels mouvements dans son projet de schéma, ou que de tels mouvements auront été introduits par amendement des membres de la CDCI lors de l’examen par cette dernière du projet de schéma du préfet.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda.

Mme Gisèle Jourda. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de cette réponse, qui permet d’établir sur des bases tout à fait concrètes les modalités de la concertation entre les élus des EPCI concernés et les CDCI.

régime indemnitaire des exécutifs de syndicats intercommunaux

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 1275, adressée à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

M. Patrick Chaize. Monsieur le secrétaire d'État, le nouvel échelon de rationalisation intercommunale prévu par la loi NOTRe s’avère légitime ; en revanche, la volonté d’intervenir sur les indemnités versées aux membres des exécutifs des syndicats intercommunaux a largement complexifié l’application du texte.

La loi applicable depuis le 9 août dernier prévoit en effet que « les fonctions de simple délégué sont exercées à titre bénévole », quel que soit le type de syndicat : intercommunal, mixte fermé ou mixte ouvert.

Seuls les présidents et vice-présidents des syndicats intercommunaux et mixtes fermés « dont le périmètre est supérieur à celui d’un EPCI à fiscalité propre » peuvent continuer à bénéficier d’indemnités de fonction.

C’est aussi ce critère que la loi retient pour le remboursement des membres des conseils et des comités des syndicats intercommunaux et syndicats mixtes fermés pour leurs frais relatifs aux réunions organisées dans une autre commune que la leur ou à l’exécution d’un mandat spécial.

En conséquence, il n’y aura plus de remboursement de frais pour tous les membres – simple membre, président ou vice-président – des syndicats dont le périmètre est « inférieur » à celui d’une communauté ou d’une métropole.

Quant aux exécutifs des syndicats mixtes ouverts, ils se voient également privés d’indemnités de fonction.

L’actualité, en la matière, a été particulièrement riche depuis le dépôt de ma question, et Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique avait elle-même évoqué, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, le 20 octobre dernier, une action corrective par voie d’amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2015, en reconnaissant qu’une erreur s’était glissée lors des travaux de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi NOTRe.

Or les différents correctifs entrepris par le ministère dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015 ont été censurés par le Conseil constitutionnel, à la suite de sa saisine d’office relative à l’article 115.

La volonté du Gouvernement semble être d’intervenir effectivement sur cette question du régime indemnitaire des exécutifs de syndicats. Je sollicite donc de votre part, monsieur le secrétaire d’État, des précisions s’agissant des actions qui sont ou seront engagées à ce sujet, et, le cas échéant, du véhicule législatif par le truchement duquel vous comptez intervenir.

Je vous demande surtout de clarifier la nature du régime indemnitaire des différents syndicats à l’issue de la loi NOTRe, ainsi que les modalités de la mise en œuvre de la notion de « périmètre » et de l’application effective des nouvelles règles.

J’insiste d’ailleurs tout particulièrement sur les syndicats mixtes ouverts qualifiés de « restreints », c’est-à-dire ceux qui associent des communes, des EPCI, des départements et des régions. Ils sont nombreux dans les domaines du numérique, mais aussi de l’assainissement et de l’eau.

Vous n’êtes pas sans le savoir, de tels changements de « règle du jeu » ont des effets négatifs importants en termes de mobilisation des nombreux élus de communes et territoires ruraux et sur l’évaluation des périmètres, qui se trouve complexifiée dans certains cas.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, l’article 42 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a modifié le régime indemnitaire applicable aux élus des syndicats de communes, syndicats mixtes fermés et syndicats mixtes ouverts restreints.

Cet article a notamment supprimé les indemnités de fonction des présidents et vice-présidents de l’ensemble des syndicats mixtes ouverts restreints, ainsi que celles des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et syndicats mixtes fermés dont le périmètre est inférieur à celui d’un EPCI à fiscalité propre.

Or le législateur n’a pas prévu d’entrée en vigueur différée pour ces dispositions, alors que son intention était de tirer les conséquences de la révision de la carte intercommunale et syndicale, applicable au 1er janvier 2017.

C’est pourquoi, comme le Gouvernement l’a annoncé dès le mois de septembre 2015, il est prévu de reporter de deux ans l’entrée en vigueur de ces dispositions.

Un amendement a été déposé en ce sens par le Gouvernement sur la proposition de loi visant à permettre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation, présentée par Jean-Pierre Sueur, texte qui sera examiné par le Sénat en séance publique le 3 février prochain. Voilà le véhicule législatif que vous souhaitiez, monsieur le sénateur.

À cette occasion, le Gouvernement proposera également d’aligner le régime des syndicats mixtes ouverts restreints sur celui des syndicats de communes et des syndicats mixtes fermés.

Dans l’hypothèse d’un syndicat mixte, le périmètre à prendre en compte pour la comparaison avec un EPCI à fiscalité propre est celui des communes membres du syndicat mixte, et non celui du département ou de la région qui en sont membres.

Ces précisions vous seront apportées en temps utile au moment de la mise en application de ces nouvelles règles.

M. le président. La parole est à M. Patrick Chaize.

M. Patrick Chaize. Je remercie M. le secrétaire de ces précisions. Le sujet est effectivement d’actualité.

J’insiste sur l’urgence qu’il y a à mettre en place de telles mesures. De nombreux responsables ou élus de ces syndicats sont aujourd'hui dans une situation compliquée, et le problème risque de s’étendre à d’autres syndicats en raison du nouveau schéma de coopération intercommunale.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, il avait été précisé dans la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République que les vice-présidents des EPCI élus en 2014 continueraient à percevoir des indemnités jusqu’en 2020. Pourriez-vous confirmer cette information ?

M. André Vallini, secrétaire d'État. Monsieur le président, il en sera effectivement ainsi, sous réserve de l’adoption, le 3 février prochain, de l’amendement que nous avons déposé sur la proposition de loi présentée par M. Sueur.

En effet, le Conseil constitutionnel ayant censuré une mesure qui allait en ce sens, nous avons besoin d’une nouvelle disposition législative pour permettre aux présidents et vice-présidents de bénéficier de telles indemnités avant l’absorption des compétences des syndicats intercommunaux par les intercommunalités, qui s’effectuera progressivement de 2017 à 2020.

M. le président. Je vous remercie de cette précision, monsieur le secrétaire d’État.

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Mise au point au sujet d’un vote

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le président, lors du scrutin n° 126, sur l’amendement n° 148 rectifié ter, mon collègue Jean-Claude Carle et moi-même avons été inscrits comme ayant voté contre, alors que nous souhaitions voter pour.

M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

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Questions orales (Suite)

M. le président. Nous reprenons les réponses à des questions orales.

ralentissement de l'activité de l'industrie du bâtiment et des travaux publics en haute-savoie

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat, auteur de la question n° 1234, transmise à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

M. Cyril Pellevat. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le ralentissement de l’activité de l’industrie du bâtiment et des travaux publics, ou BTP, en Haute-Savoie.

Au printemps 2015, les représentants du BTP descendaient dans la rue à Annecy pour exprimer leurs craintes et leurs colères. Après des années d’embellie, le secteur du BTP a connu ces dernières années une baisse d’activité considérable. En deux ans, le nombre de logements mis en chantier et le nombre de permis attribués ont chuté. Ce ralentissement a été constaté en amont par les promoteurs immobiliers, qui se trouvent dans une logique de court terme.

D’importantes conséquences sociales résultent de cette situation économique. Ainsi, 1 700 emplois ont été supprimés dans le secteur du BTP ces deux dernières années ; le carnet de commandes est passé de douze mois à quatre mois dans les travaux publics. En outre, des entreprises n’hésitent pas à embaucher des travailleurs étrangers, entraînant une pression des salaires à la baisse. Le département de Haute-Savoie ne comporte pas moins de 10 000 travailleurs détachés. Le dumping social est une problématique bien réelle.

Plusieurs causes sont à l’origine du ralentissement que connaît l’économie du bâtiment. Outre le fait que les normes contraignantes se multiplient, les professionnels du BTP souffrent d’une chute vertigineuse de la rentabilité locative, les prix de l’immobilier augmentant de manière beaucoup plus rapide que les loyers. La baisse des investissements immobiliers est la suite logique de cette situation conjoncturelle, dont pâtissent directement les professionnels du BTP.

De surcroît, la baisse des investissements a aussi pour cause la chute de la demande publique. Celle-ci s’explique par les incertitudes des collectivités quant à leurs compétences du fait des débats parlementaires sur le sujet, mais aussi de la baisse drastique des dotations de l’État.

Si les compétences des territoires ont été clarifiées par la loi NOTRe du 7 août 2015, les collectivités ne disposent pas des fonds nécessaires pour investir et conclure des marchés publics avec les professionnels du BTP.

Les dotations aux collectivités ont chuté de 1,5 milliard d’euros en 2014. Puis, entre 2015 et 2017 – nous y sommes –, dans le cadre du pacte de stabilité, 11 milliards d’euros d’économies, soit 3,67 milliards d’euros par an, seront supportés par les collectivités.

Ces mesures pèsent énormément sur les budgets des collectivités, influant donc sur leurs capacités d’investissement. Or, je le rappelle, les collectivités sont à l’origine de plus des deux tiers de l’investissement public.

Ma question est donc triple. D’abord, comment la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové permettrait-elle de résorber la paralysie qui affecte l’industrie du BTP ? Ensuite, comment le Gouvernement compte-t-il stimuler la commande publique, qui est vitale pour l’activité économique locale, dans un contexte de baisse des dotations aux collectivités ? Enfin, quelle est la politique à venir du Gouvernement pour lutter efficacement contre le dumping social ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, vous soulevez beaucoup de questions ! (Sourires.)

Vous le savez, le marché du logement repart – on le constate ainsi, mais pas seulement, en Île-de-France –, grâce aux dispositions qui ont été prises par Mme Pinel, la ministre du logement.

Des mesures de lutte contre le dumping social ne sont pas seulement à l’étude ; certaines sont déjà mises en œuvre au niveau européen. La France y a contribué, s’agissant des travailleurs détachés.

Je centrerai mon propos sur la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales, qui était malheureusement nécessaire ; comme vous l’avez souligné, nous devons redresser nos comptes.

L’État fait lui-même un effort considérable : moins 18 milliards d’euros sur trois ans ! Les organismes de sécurité sociale sont également mis à contribution. Il en est de même pour les collectivités locales.

Pour autant, le Gouvernement est bien conscient des risques qu’une telle baisse fait peser sur l’investissement public local, qui, rappelons-le, représente 70 % de l’investissement public en France.

Nous voulons conjurer ce risque, d’autant que les chiffres que vous avez mentionnés sont réels ; il y a bien eu baisse de l’investissement en 2015. C'est la raison pour laquelle nous voulons faire en sorte que l’investissement soit plus soutenu en 2016. Comme le Président de la République l’avait annoncé le 14 septembre à Vesoul à l’occasion d’un comité interministériel aux ruralités, un fonds doté d’un milliard d’euros sera mis en place pour soutenir les projets des communes et des intercommunalités.

Le fonds sera réparti de la manière suivante : d’une part, 500 millions d’euros seront consacrés à de grandes priorités d’investissement définies entre l’État et les communes et intercommunalités, sous l’égide des préfets de région, en matière de rénovation thermique, de transition énergétique, de mise aux normes des équipements publics et d’infrastructures ; d’autre part, une enveloppe de 300 millions d’euros sera dédiée aux territoires ruraux et aux villes, petites et moyennes, pour le soutien à des projets en faveur de la revitalisation ou du développement des bourgs-centres. Par ailleurs, la dotation d’équipement des territoires ruraux sera, comme en 2015, abondée de 200 millions d’euros, pour être portée à 816 millions d’euros.

Le Premier ministre a tout récemment adressé aux préfets de région une circulaire précisant le fonctionnement des deux enveloppes. Les crédits seront ainsi prêts à être engagés dès la fin de ce mois.

Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité qu’un effort de péréquation très important soit réalisé à l’égard des communes les plus fragiles, afin de leur permettre de conserver, elles aussi, des marges de manœuvre pour investir et garantir des services de qualité.

La péréquation verticale sera augmentée en 2016 de 317 millions d’euros : plus 180 millions d’euros pour la dotation de solidarité urbaine ; plus 117 millions d’euros pour la dotation de solidarité rurale ; plus 20 millions d’euros pour les départements. La péréquation horizontale sera également augmentée : plus 220 millions d’euros pour le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, dont le montant est porté à un milliard d’euros, et plus 20 millions d’euros pour le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France.

La dotation politique de la ville, dotée de 100 millions d’euros en 2016, permettra de poursuivre dans la voie d’une correction des inégalités à l’échelle des quartiers. Elle pourra désormais être utilisée en fonctionnement, le cas échéant pour financer des dépenses de personnel.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient du risque de baisse de l’investissement public local, et il a pris des mesures permettant d’y faire face.

M. le président. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Je remercie M. le secrétaire de ces précisions. Si j’ai posé beaucoup de questions, c’est parce que les préoccupations sont nombreuses sur le terrain.

Dans nos collectivités locales, nous sommes conscients que nous avons des efforts à accomplir. Mais nous voulons aussi avoir des garanties que les baisses s’arrêteront en 2017, en tout cas s’agissant de la Haute-Savoie.

Notre département est l’un des plus gros contributeurs au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales ; toutes les communes y contribuent, ce qui nous pose aussi des problèmes. M. le secrétaire d’État a indiqué que les crédits du fonds seraient augmentés. Il est évident que cela s’effectuera au détriment de la Haute-Savoie. Je souhaite vivement que le fonds puisse être réformé, afin que nous ne soyons pas autant pénalisés.

Ce que les entreprises demandent, c’est une baisse de charges. Les représentants de la CGPME et du MEDEF que nous rencontrons réclament une stabilisation de la fiscalité ; ils ne veulent surtout pas de contraintes supplémentaires. Il faut vraiment faire passer ce message.

localisation des services de douanes dans le cadre de la normandie réunifiée

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 1257, adressée à M. le secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget.

Mme Agnès Canayer. Ma question porte sur la localisation des services de douanes, et plus précisément sur le transfert de la direction régionale des douanes du Havre vers Rouen.

Le rôle du service de douanes est fondamental : il participe à la fluidité des échanges commerciaux, à la sécurité, à la lutte contre la fraude et les grands trafics internationaux et à la sécurité des biens et des personnes en contrôlant notamment les flux migratoires.

Le port du Havre, où s’effectue 60 % du trafic conteneurs français, est une porte d’entrée et de sortie de nombreuses marchandises. Les services support et de logistique ultraperformants permettent de garantir la fluidité des trafics et l’attractivité du port de Havre face aux grands ports du nord de l’Europe.

Le service des douanes du Havre, qui assure la deuxième recette douanière de France, juste après Roissy, participe fortement à la compétitivité de notre port, tout en accomplissant ses missions de sécurité et de conseil aux opérateurs portuaires.

Compte tenu de l’importance du trafic maritime qui transite par le port du Havre, il apparaît donc naturel et légitime que les services douaniers, dans le cadre de la nouvelle Normandie réunifiée, soient centralisés au Havre.

Or, à l’issue d’un ultime arbitrage interministériel, et en dépit de l’annonce du préfet de région le 31 juillet dernier, vous avez pris la décision de localiser la direction interrégionale des douanes de Normandie à Rouen, et non au Havre.

Cette décision me pousse à vous interroger sur deux points. Prenez-vous toute la mesure des répercussions que cela aura sur l’attractivité du port du Havre ? Quelle logique vous a conduit à prendre cette décision ?

Comme le rappelait le Président de la République lors du baptême du Bougainville, un des plus grands porte-conteneurs français, le 6 octobre dernier, le Havre est un port « en plein essor », le « cinquième port nord-européen ». Le chef de l’État a déclaré vouloir « des investissements dans les structures portuaires ». Il faut donc simplifier les démarches administratives relatives au trafic des marchandises.

Par ailleurs, comment, dans le cadre des nouvelles régions, la répartition des services est-elle pensée ? quel est l’équilibre institutionnel envisagé entre les trois pôles normands, Rouen, Caen et Le Havre ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la sénatrice, le port du Havre est effectivement le premier en France ; ses flux de marchandises représentent un fort enjeu pour la compétitivité de notre pays. La douane, qui est naturellement très présente sur ce site, avec plus de 300 agents, a vocation à l’être plus encore au cours des prochaines années. Telle est en tout cas la volonté du Gouvernement.

Avant l’été, une communication locale un peu rapide avait évoqué l’idée d’un transfert au Havre du siège de la direction interrégionale des douanes, implantée à Rouen. Il s’agissait pour les acteurs locaux d’assurer une présence équilibrée des services de l’État entre les trois principaux centres économiques normands que sont Rouen, Caen et Le Havre. C’était tout à leur honneur.

Toutefois, ce scénario, qui avait été peu concerté avec l’administration concernée, est apparu peu pertinent pour l’organisation douanière. Comme vous le savez, l’activité de la douane française allie enjeux de surveillance et d’opérations commerciales sur de très vastes périmètres géographiques, puisque la douane est, depuis plusieurs années maintenant, organisée en interrégions.

Par conséquent, les différentes options possibles ont été réexaminées dès cet été et jusqu’au début du mois d’octobre, avec l’ensemble des ministères concernés et sous l’égide du Premier ministre. L’arbitrage rendu au plus haut niveau a alors validé le maintien de la direction interrégionale à Rouen.

Toutefois, deux services douaniers nouveaux et de rayonnement interrégional seront implantés au Havre : la nouvelle recette interrégionale initialement prévue à Rouen, d’une part, un pôle interrégional « fiscalité de l’énergie », d’autre part. Nous avons trouvé à cet égard un compromis qui semble satisfaisant.

Cette évolution de la présence douanière en Normandie sera présentée en comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au cours du premier semestre de 2016. La mise en place effective de la recette interrégionale interviendra au cours du deuxième semestre de 2017. Ce temps est nécessaire pour accompagner les agents et pour qu’ils formulent leurs souhaits de mutation.

M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.

Mme Agnès Canayer. Je remercie M. le secrétaire d’État de ces éléments de réponse qui ne satisferont pas les acteurs portuaires havrais dans la mesure où, dans la plupart des régions, par souci d’efficacité, la recette et la direction interrégionale sont concentrées sur la même localité.

J’ai bien compris qu’une maigre compensation serait attribuée au Havre, puisque nous bénéficierons de deux services : la recette, a minima, et un service en matière de fiscalité énergétique. Cela ne compensera pas l’efficacité d’un service regroupé et centralisé à proximité des opérateurs portuaires.

Par ailleurs, lors de ses vœux, M. le secrétaire d’État chargé du budget a effectivement annoncé la création de 1 000 postes supplémentaires dans les douanes. En réalité, seulement la moitié correspondra à des recrutements nouveaux, dont 22 postes seront affectés en Normandie. C’est bien peu, mais c’est une petite amélioration.

fermeture des trésoreries en milieu rural

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteur de la question n° 1245, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Mme Anne-Catherine Loisier. Ma question porte sur la fermeture de centres de finances publiques dans les territoires ruraux.

Les contraintes budgétaires imposées par le ministère ont accéléré le rythme de fermeture des centres des finances publiques, et ce, particulièrement dans les zones rurales.

Dans ces territoires, les administrés, le personnel et les élus réagissent vivement et déplorent ces décisions, souvent uniquement fondées sur des motifs d’organisation interne au détriment d’un service public de proximité et de qualité.

Nos concitoyens et les élus locaux vivent le départ de ces administrations comme un abandon de la République.

En effet, votre politique pratiquée sans discernement participe à la désertification du milieu rural en accentuant la disparition de services publics de proximité, donc en exacerbant les disparités et les iniquités entre territoires.

En Côte-d’Or, la commune de Selongey a vécu douloureusement la fermeture de sa trésorerie qui a pris effet au 1er janvier 2016. Le centre a été transféré à Is-sur-Tille. Les élus de la communauté de communes ont été mis devant le fait accompli : ils font les frais d’une décision prise sans concertation et sans réelle considération de leurs réalités quotidiennes.

Pourtant, cette trésorerie était parfaitement adaptée à ce territoire. Elle remplissait des missions de proximité auprès de 36 collectivités et d’une population d’environ 4 000 habitants, dans un territoire à très faible densité. Elle prenait en charge l’impôt à hauteur de 6 millions d’euros, avec un taux de recouvrement de 98,18 %.

Considérant ces réalités, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de nous communiquer le nombre exact de trésoreries qui ont fait l’objet de fermeture au 1er janvier 2016 et de nous informer si le Gouvernement compte poursuivre le désengagement des services publics en milieu rural sans concertation avec les acteurs locaux.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la sénatrice, vous avez souhaité attirer l’attention du Gouvernement sur la fermeture des trésoreries en milieu rural et notamment celle de Selongey, en Côte-d’Or, au 1er janvier 2016.

La situation budgétaire de notre pays, qui ne date pas de ce quinquennat, et la contribution de l’administration fiscale au rétablissement de nos comptes amènent la Direction générale des finances publiques à réfléchir à la meilleure organisation possible de chacune de ses missions. Celle-ci s’emploie pour cela à s’adapter au mieux aux évolutions démographiques et aux attentes des usagers, au paysage institutionnel local, qui est en mutation – je pense notamment aux intercommunalités –, ainsi qu’aux changements d’usage des services publics introduits – ou plutôt permis – par les nouvelles technologies.

S’il apparaît que l’implantation d’une trésorerie ne répond plus aux attentes des différents publics, que sa taille ne lui permet plus d’offrir une qualité de service suffisante, dans des conditions de sécurité satisfaisantes pour son personnel, son regroupement avec une unité voisine peut être mis à l’étude. Dans cette démarche, la DGFiP s’attache à maintenir l’accessibilité au service public des élus, des contribuables et de ses partenaires du secteur local. Pour apprécier l’opportunité de chaque projet, madame la sénatrice, la méthode appliquée est fondée sur le dialogue et sur l’appréciation des besoins au plus proche du terrain.

Le ministère des finances demande alors aux responsables territoriaux concernés, en accord avec le préfet, de se rapprocher des élus locaux, des personnels et des organisations syndicales afin de discuter des propositions de réorganisation.

C’est dans cet esprit que la concertation a été menée en Côte-d’Or en 2015, où elle a permis de dégager la solution la plus adaptée au contexte local.

C’est aussi dans cet esprit que le ministre des finances a rendu début octobre ses arbitrages. Dans votre département, la trésorerie de Selongey, plus petit poste comptable de la Côte-d’Or, a été regroupée au 1er janvier 2016 avec la trésorerie d’Is-sur-Tille, distante de onze kilomètres.

Ce regroupement permet de renforcer le poste d’Is-sur-Tille, qui est ainsi plus à même de proposer un service public rénové et de qualité, dans des conditions d’accessibilité raisonnables pour les usagers et les élus locaux.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.

Mme Anne-Catherine Loisier. J’ai du mal à comprendre l’obsession du regroupement dont fait preuve le Gouvernement. Vos affirmations selon lesquelles des suppressions de services de proximité entraîneraient forcément des économies d’échelle restent à prouver.

Dans ce contexte de complexité administrative, les centres de finances publiques de proximité non seulement assurent des opérations de recouvrement, mais aussi, et de plus en plus, ont une activité de conseil et d’accompagnement des collectivités comme des contribuables.

Les petites communes, vous le savez, ne disposent pas de services d’ingénierie. Grâce à des trésoriers de proximité, grâce à leur connaissance de la situation et aux relations qu’ils ont instaurées, bon nombre de situations sont réglées avant même qu’elles ne deviennent problématiques et ne remontent aux services centraux.

Les difficultés liées à la fiscalité, au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, ou FPIC, que nous avons évoquées tout à l’heure, sont devenues pour les élus ruraux un véritable casse-tête. Les trésoriers sont de précieux conseils pour appréhender ces réalités. Cela dit, de nombreux contribuables s’entendent aussi directement avec leurs trésoriers pour aménager et étaler les paiements.

S’agissant de la modernisation de l’administration et de l’accès à l’internet, vous n’êtes pas sans savoir, monsieur le secrétaire d’État, s’agissant de ce dernier point, que dans nombre de territoires ruraux la connexion est très mauvaise, voire inexistante.

Pour une meilleure administration de la République au service de nos concitoyens, il faudrait pouvoir appréhender les réalités de chaque territoire. Nous sommes bien d’accord : il faut réaliser des économies, des regroupements ; mais considérons la réalité quotidienne des habitants et des petites communes et ne procédons pas à ces fermetures. D’après les habitants et les élus locaux – en l’espèce en tout cas –, la concertation n’a pas été assurée.

gestion des impôts dus en france par les non-résidents

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, en remplacement de M. Richard Yung, auteur de la question n° 1182, adressée à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Jean-Yves Leconte, en remplacement de M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, M. Richard Yung, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence ce matin, m’a demandé de poser sa question relative à la gestion des impôts dus en France par les non-résidents.

D’octobre 2013 à juillet 2014, la Cour des comptes a effectué un contrôle de la direction des résidents à l’étranger et des services généraux, la DRESG. Parmi les missions de cette direction figure celle de recouvrer les impôts et certains prélèvements sociaux dus par environ 200 000 foyers fiscaux qui résident à l’étranger et perçoivent des revenus ou détiennent des actifs en France.

Dans leur référé, publié le 12 mai dernier, les magistrats de la rue Cambon pointent notamment la « faible qualité des services rendus aux non-résidents ».

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de 2011 à 2013, seulement 25 % des appels téléphoniques ont été traités, ce qui représente moins de 100 000 appels sur 400 000 ; sur un mois, ce taux n’a jamais dépassé les 50 %. Pour ce qui concerne les courriels, moins d’un sur deux est traité dans les cinq jours et le stock de messages non traités dépasse parfois les 10 000.

S’agissant de l’interface informatique, des obstacles techniques empêchent encore de déclarer ses revenus avec la télédéclaration et les informations utiles aux non-résidents sont relayées très tardivement. Résultat : en août 2013, en examinant leur avis d’imposition, de nombreux contribuables ont découvert la soumission nouvelle de leurs revenus fonciers et plus-values immobilières aux prélèvements sociaux et ont cru y déceler une erreur de la DRESG. Cette dernière a ainsi reçu 60 000 appels téléphoniques de plus que les années précédentes. Pas moins de trois semaines ont été nécessaires pour faire figurer une mention sur le site www.impots.gouv.fr pour informer les contribuables.

Partageant le constat dressé par la Cour des comptes, mon collègue Richard Yung souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement a prises ou entend prendre pour offrir aux non-résidents une qualité de service optimale.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Monsieur le sénateur, vous avez attiré l’attention sur les difficultés que rencontrent les Français établis hors de France pour contacter le service des impôts des particuliers non-résidents, le SIPNR, en raison des très nombreuses sollicitations dont ce service fait l’objet.

En effet, l’éloignement géographique des usagers du SIPNR les porte naturellement à utiliser les moyens de contact dématérialisés. C’est ainsi que l’accueil à distance est effectivement prédominant : il s’est traduit, pour l’année 2014, par 440 876 appels téléphoniques et 139 297 courriels. Au titre de la même période, 5 509 usagers ont été reçus au guichet.

Pour répondre à cette situation, le service de l’accueil mobilise 25 agents traitant des questions d’ordre général. Pour les points nécessitant un accueil plus spécialisé, les services d’assiette ou de recouvrement prennent aussi en charge des appels téléphoniques et des courriels.

Néanmoins, compte tenu de la masse des flux entrants, il n’est pas contesté que le SIPNR n’est pas en mesure de répondre, avec ses seuls moyens, à l’intégralité des demandes par téléphone. En revanche, il répond à tous les courriels.

Quoi qu’il en soit, afin d’améliorer la qualité du service rendu à l’usager, plusieurs mesures ont été prises en 2015.

Depuis le mois d’avril, un nouvel outil de messagerie électronique a été mis en place, permettant d’accélérer le traitement des courriels.

De plus, des travaux de mise en place d’un serveur vocal interactif avec messages conclusifs pour l’accueil téléphonique sont actuellement menés, la livraison de cet outil étant prévue pour la campagne des avis d’imposition des particuliers au cours de l’été 2016.

La prochaine étape de la modernisation de l’accueil à distance sera la mise place, en principe courant 2016, d’un nouvel outil intégré de messagerie et de téléphonie dans le cadre d’un marché public de la DGFiP.

Enfin, il est constaté que les résidents hors de France utilisent désormais majoritairement la déclaration en ligne, ce qui facilite leurs démarches. Sur le site www.impots.gouv.fr, l’usager a également la possibilité de créer son espace particulier sécurisé, à partir duquel il peut accéder, à tout moment, à un bouquet de services en ligne, comme la consultation de sa situation fiscale, le paiement ou le non-paiement de ses impôts, la gestion de son profil et la faculté de déposer une réclamation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de ces précisions. Ce processus est absolument indispensable, a fortiori dans un contexte où un certain nombre de contestations au sujet des prélèvements sociaux conduisent de plus en plus de contribuables non résidents à s’adresser à ces services et à solliciter des réponses. Il est important que les recommandations de la Cour des comptes soient mises en œuvre.

Au-delà de la refonte du portail que vous avez indiquée, il serait judicieux que toutes ces informations soient précisées sur les sites internet des ambassades et des consulats. Cette idée avait été évoquée par le cabinet de M. Eckert à l’occasion d’une rencontre sur la fiscalité applicable aux Français de l’étranger avec l’ensemble des parlementaires les représentant. Cela mériterait d’être mis en œuvre.

Enfin, certaines expérimentations à l’instar d’un chat Facebook qui a été mis en place dans le cadre de la campagne 2015 de déclaration de revenus mériteraient d’être développées afin de toucher un maximum de personnes et de diffuser au préalable, de façon plus rapide et plus précise, l’information sur ce genre d’opérations.

champ d'intervention de l'agence nationale pour la rénovation urbaine

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 1316, adressée à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports.

M. Jean Louis Masson. Le directeur de l’ANRU a été interrogé par des élus locaux pour savoir si cette agence avait le droit de financer la construction d’une mosquée avec de l’argent public. Malheureusement, malgré plusieurs rappels, l’intéressé n’a jamais répondu, ce qui est regrettable. Par question écrite n° 16 338 du 21 mai 2015, j’ai alors interrogé le ministre de la ville, lequel n’a pas non plus répondu.

Je lui ai ensuite posé une seconde question écrite sur le même sujet, le 24 septembre 2015, là encore sans aucune réponse.

Les pouvoirs publics semblent donc particulièrement gênés en la matière. Toutefois, on ne peut pas faire semblant d’ignorer un éventuel détournement de fonds publics, émanant d’un maire qui se sert du communautarisme islamiste comme d’un fonds de commerce électoral, puisqu’il va jusqu’à préconiser d’utiliser l’argent public pour doubler le nombre des mosquées en France.

En effet, les crédits de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine sont prévus pour l’amélioration de la vie dans les quartiers et la rénovation des logements d’habitation à loyer modéré. Or la presse locale, en l’espèce Le Républicain Lorrain du 12 mai 2015, a rapporté les propos d’un maire qui se vante d’avoir financé à 100 % avec de l’argent public la construction d’une grande mosquée ; selon lui, c’est la seule de France à être subventionnée à 80 % par l’ANRU, le solde de 20 % étant pris en charge par la commune.

L’intéressé explique avoir obtenu la subvention pour ladite mosquée en la présentant faussement comme un centre intercultuel alors qu’il avait prévu dès le départ de l’affecter exclusivement à la religion musulmane.

L’ANRU est consciente de cette anomalie. Dans un second temps, le maire de la commune a sollicité auprès d’elle une dotation complémentaire pour financer, sur la voie publique conduisant à cette mosquée, l’installation de lampadaires marqués du croissant musulman. Cette demande a été rejetée, et à l’issue d’une réunion en préfecture, le représentant de l’ANRU s’est même interrogé quant à la légalité des crédits déjà affectés à la construction d’une mosquée.

À la suite de ce refus, le maire n’a pas insisté. Il a payé les lampadaires marqués du croissant musulman sur le budget municipal…

Quoi qu’il en soit, on peut imaginer l’indignation des locataires d’HLM auxquels on refuse par ailleurs les travaux les plus élémentaires de réhabilitation des immeubles dégradés, au motif que l’ANRU n’a plus assez d’argent.

Cette question exige une réponse claire : oui ou non, est-il légal que des crédits de l’ANRU soient affectés à la construction d’une mosquée ? Dans la négative, l’ANRU ne devrait-elle pas exiger le remboursement de l’argent public qui a été détourné, afin de lui rendre une affectation normale, c’est-à-dire de le consacrer à la réhabilitation des logements sociaux ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur Masson, incontestablement, votre question aurait pu être simple, mais elle se révèle confuse. Toutefois, je vais m’efforcer d’y répondre.

Le champ d’intervention de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, au sujet duquel vous m’interrogez, a été défini par la loi du 1er août 2003 et modifié par la loi du 21 février 2014.

Les concours financiers de l’ANRU sont destinés à tous les quartiers visés à l’article 6 de la loi de 2003. Peuvent y être menées des opérations d’aménagement urbain, de réhabilitation, de résidentialisation, de démolition et de construction de nouveaux logements sociaux. L’acquisition ou la reconversion de logements existants est également possible, de même que la création, la réhabilitation d’équipements publics ou collectifs, la réorganisation d’espaces d’activité économique et commerciale, l’ingénierie, l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, au relogement et à la concertation, ainsi que tout investissement concourant à la rénovation urbaine de ces quartiers.

Le projet de rénovation des quartiers Pré Génie et Saint-Eloy de Woippy comprenait de nombreuses rénovations et créations d’équipements publics. Au titre des équipements mentionnés dans la convention signée en décembre 2005, parmi les interventions de l’ANRU, figurait un centre interculturel.

Cet établissement a coûté 3 millions d’euros, soit 3 % de l’enveloppe globale de 100 millions d’euros dédiée au plan de rénovation urbaine, pris en charge à 80 % par l’ANRU et à 20 % par la commune.

Il s’agissait bien d’un centre associatif interculturel. Or aucune restriction n’est fixée à l’ANRU de participer au financement de ce type de bâtiments. Cette agence a donc opéré dans le cadre légal défini. C’est le premier point.

Le second point est relatif à l’utilisation qui est apparemment faite a posteriori de ce centre. Celle-ci relève de la compétence strictement communale et, en quelque sorte, d’une « gestion de droit commun », indépendamment de l’existence d’un éventuel programme de renouvellement urbain.

La loi autorise les communes à mettre à disposition des locaux culturels communaux pour l’exercice du culte ou d’activités à caractère cultuel, notamment dans le but de pallier l’insuffisance de lieux de culte sur le territoire. Cependant, cette mise à disposition doit être provisoire et non exclusive.

Si des doutes persistent sur ce point, monsieur le sénateur, je vous invite à saisir directement le préfet, seule autorité compétente localement pour apprécier la situation de cet équipement et l’usage qui en est fait, ou pour constater, le cas échéant, le détournement de cette règle.

En tout cas, je peux vous assurer de l’engagement du Gouvernement à faire appliquer les principes fondamentaux de la République, au premier rang desquels figure une valeur essentielle : la laïcité.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse est quelque peu ambiguë. Que comprend-on dans les grandes lignes ? Si l’on dépose un dossier de création d’un centre interculturel, avant de déclarer, six mois plus tard, que cet équipement est en fait une mosquée, cela ne pose pas de problème : l’ANRU part du principe que cela ne la regarde pas.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. Je n’ai pas dit cela !

M. Jean Louis Masson. Or il s’agit là d’argent public, et l’ANRU se doit d’examiner ce qui est fait des fonds qu’elle distribue.

Au reste, si le message est bien celui que vous suggérez, il faut le diffuser très largement : un grand nombre de communes se mettront dès lors à créer des mosquées, des temples bouddhistes, que sais-je encore ? Il n’y aura plus de limites !

M. Jean-Pierre Bosino. Il ne s’agit pas de cela !

M. Jean Louis Masson. Si le Gouvernement a traîné les pieds pour répondre à ma question, c’est parce qu’il était gêné aux entournures. Vous le savez très bien, l’établissement dont il s’agit est exclusivement consacré au culte musulman. Cette grande mosquée rayonne sur toute l’agglomération. On ne peut faire semblant d’ignorer que l’ANRU l’a financée à hauteur de 80 %. C’est un peu facile de s’en laver les mains comme vous le faites.

théâtre de la faïencerie de creil

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, auteur de la question n° 1301, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.

M. Jean-Pierre Bosino. La Picardie, telle que nous la connaissions administrativement jusqu’au début de ce mois de janvier, est l’une des rares régions qui ne comptent qu’une seule scène nationale. Cette unique scène nationale labellisée se trouve à Amiens, dans la Somme.

Un projet de création de scène nationale dans l’Oise est en préfiguration, et je m’en réjouis. Toutefois, ce dossier est à l’étude depuis de très nombreuses années et, aujourd’hui, toutes les discussions sont au point mort. Le désaccord semble se cristalliser autour du théâtre qui recevra ce label « scène nationale ».

L’ex-conseil général et les communes du bassin creillois proposaient une scène, le théâtre de la Faïencerie, à Creil. L’État, quant à lui, suggérait de labelliser une scène multipolaire constituée de trois lieux, situés à Beauvais, à Compiègne et à Creil.

À nos yeux, le souhait de l’État, regrouper trois scènes en une seule structure, est une erreur. Nous devons tirer les leçons de l’expérience de la maison de la culture du 93. Initialement conçue sur cinq lieux différents dans les années quatre-vingt, cette structure a très vite été repositionnée sur un seul lieu, à Bobigny, la gouvernance multipolaire s’étant révélée particulièrement périlleuse et contreproductive. Aussi est-on revenu à une gestion unipolaire.

Les structures multipolaires sont beaucoup plus difficiles à gérer. Mais, on le comprend bien, l’État opte pour cette solution compte tenu des économies qu’il espère dégager : cela n’a rien d’étonnant, dans ce contexte d’austérité budgétaire.

Pour ma part, je soutiens la labellisation « scène nationale » de la Faïencerie de Creil. Situé au cœur d’une agglomération industrielle forte de sa diversité, ce théâtre participe du développement culturel de tout le bassin creillois. De plus, il s’est depuis peu enrichi d’un plateau supplémentaire, à Chambly. Ce faisant, il a étendu sa dimension intercommunale au bassin de vie tout entier.

Sur ce dossier, nous n’avons plus dans la pratique aucune communication depuis plusieurs mois. Nous en sommes parvenus au point où deux théâtres se déclarent « scène nationale en préfiguration », Beauvais et Creil.

Monsieur le secrétaire d’État, dans quel sens le Gouvernement entend-il faire évoluer cette situation ? compte-t-il faire aboutir ce dossier, en suspens depuis trop longtemps ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur Bosino, avant tout, je tiens à rappeler que, si le département de l’Oise ne comporte pas de scène nationale, le ministère de la culture et de la communication y soutient de manière régulière et importante trois théâtres, à Beauvais, à Compiègne et à Creil. Au reste, la Faïencerie de Creil a intégré dès son lancement le programme des scènes conventionnées.

Ensuite, je souhaite revenir sur les raisons qui ont conduit le ministère de la culture à ne pas répondre positivement aux demandes de labellisation « scène nationale » formulées individuellement par chacune de ces trois villes au cours des dernières années.

Comme le précise le cahier des charges qui y est attaché, le label de scène nationale confère à toute scène la responsabilité de développer un projet qui, en fonction des configurations, se déploie sur une grande agglomération ou un département.

Chacun de ces trois théâtres met en œuvre, sur son territoire, un projet dont la qualité est reconnue de longue date. Mais, pris séparément, les bassins de population auxquels ils s’adressent ne pouvaient permettre d’envisager l’attribution du label à l’un d’entre eux.

Considérant qu’un projet conçu et mis en œuvre conjointement par ces trois scènes serait le seul de nature à dépasser la simple addition des capacités de chacune d’elles, en couvrant l’ensemble du territoire départemental, l’État a choisi de proposer la labellisation à un projet réunissant le théâtre de Beauvais, le théâtre Jean-Legendre de Compiègne et la Faïencerie de Creil.

Le processus de préfiguration d’une scène nationale de l’Oise a donc été engagé en mars 2011 entre les théâtres de Beauvais et de Compiègne. Le théâtre de Creil, également candidat à la labellisation, a été invité à s’y joindre.

Ce processus s’est poursuivi jusqu’à la fin de l’année 2014, date à laquelle les conventions des trois théâtres au titre du programme des scènes conventionnées arrivaient à échéance.

Les services de Fleur Pellerin ont engagé une évaluation des avancées en direction d’un projet commun, afin de disposer d’une analyse qui puisse éclairer la perspective d’une labellisation.

En raison du changement de gouvernance qu’a connu le théâtre de Beauvais et de la perspective des échéances électorales régionales, cette mission a été temporairement interrompue. Désormais, cette évaluation va pouvoir être parachevée, pour prendre en compte le contexte lié à la nouvelle composition des territoires et l’arrivée d’un nouvel exécutif régional. C’est sur la base des conclusions de cette évaluation qu’une décision pourra être prise par le ministère de la culture.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. Je note que ce chantier devrait reprendre. Néanmoins, étant donné la situation actuelle du pays, nous tenons à insister sur l’enjeu que représente la culture.

Nous évoquions, il y a quelques instants, la politique de la ville. À ce titre, je rappelle que la communauté d’agglomération creilloise réunit quatre villes et comprend cinq quartiers prioritaires de la politique de la ville, bénéficiant notamment des opérations de renouvellement urbain.

Globalement, l’agglomération de Creil représente un bassin de plus de 120 000 habitants. Aussi, nous en sommes convaincus, le théâtre de la Faïencerie a tout à fait le rayonnement requis pour obtenir le label de scène nationale.

Cette reconnaissance est d’autant plus importante que, parallèlement au nouvel exécutif régional, a été formé un nouvel exécutif départemental, qui vient d’annoncer une baisse drastique de ses subventions à la culture en général et à la Faïencerie de Creil en particulier. Le conseil départemental de l’Oise diminuerait ainsi les crédits qu’il accorde à ce théâtre de 50 000 euros, ce qui met en cause sa programmation même.

Dans ce contexte, au-delà des mesures déjà mises en œuvre, la Faïencerie de Creil devrait être soutenue à l’échelle nationale, grâce à ce label « scène nationale ».

trésorerie des petites et moyennes entreprises

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 1280, adressée à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le secrétaire d’État, la problématique des délais de paiement est essentielle pour les PME et TPE de notre pays. Ayons bien à l’esprit que les retards de paiement représentent 15 millions d’euros de paiements décalés et sont responsables de 15 000 défaillances d’entreprises chaque année.

Depuis le décret du 29 mars 2013, les délais de paiement sont, pour les pouvoirs publics, de trente jours maximum. C’est un progrès sensible. Malheureusement, il est fréquent que la date de réception des travaux soit éloignée du moment réel de leur achèvement. La date à laquelle commence à courir ce délai de trente jours est reportée d’autant, et les entreprises s’en trouvent pénalisées, car elles attendent le paiement du solde du contrat.

De plus, en vertu du code des marchés publics, le montant de l’avance versée au moment de la conclusion du contrat n’est que de 5 %, ce qui est largement insuffisant. La trésorerie des PME s’en trouve fortement grevée.

Pour contrebalancer ces difficultés liées à des règles peut-être inadaptées, des initiatives ont été prises dans certains départements, comme en Loire-Atlantique, où le préfet s’est fortement impliqué dans le soutien aux PME. En effet, le représentant de l’État a mis en place un réseau de soixante-sept interlocuteurs pour anticiper les difficultés de trésorerie que pourraient rencontrer les PME et proposer des solutions. Par exemple, au niveau des services fiscaux, la commission des chefs de service financiers peut étaler la dette fiscale. Dans ce département, dont je suis l’élu, ce sont ainsi 84 nouveaux dossiers qui ont été déposés en 2015, portant sur montant de 8,2 millions d’euros et sur le maintien de 1 200 emplois.

Les marchés de l’État incluent désormais une clause d’acompte de 30 %, ce qui aide véritablement les PME. Mais ce dispositif ne s’impose encore ni aux collectivités territoriales ni aux divers organismes publics qui dépendent d’elles.

Or ces mesures pourraient permettre aux PME, non seulement d’avoir une gestion simplifiée et assainie de leur comptabilité, mais aussi d’éviter de se retrouver dans une situation financière très délicate, voire d’envisager le dépôt de bilan alors que leurs carnets de commandes sont pleins pour plusieurs mois.

L’attention portée au financement des petites entreprises de notre pays constitue un enjeu majeur au regard du potentiel de développement économique qu’elles représentent. Tous les pouvoirs publics doivent donc être exemplaires, afin que nos PME continuent de soutenir notre économie.

Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement compte-t-il rendre obligatoire la clause d’acompte de 30 % pour tous les commanditaires publics ou assimilés ? par ailleurs, compte-t-il encadrer la date de réception des travaux, afin de réduire les délais et ainsi d’accélérer le paiement de la totalité du marché ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur Vaugrenard, l’amélioration de la trésorerie des petites et moyennes entreprises, les PME, ainsi que celle des très petites entreprises, ou TPE, et, plus généralement, leur accès à la commande publique sont une des préoccupations constantes du Gouvernement. De nombreuses dispositions financières ont déjà été prises dans cette perspective.

En particulier, le Gouvernement a fait de la réduction des délais de paiement l’une de ses priorités. Le décret du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique renforce les contraintes et sanctions qui pèsent sur les acheteurs publics qui ne respectent pas le délai fixé. Dans le cadre du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l’emploi, adopté le 6 novembre 2012, l’État s’est engagé à réduire à vingt jours ses délais de paiement d’ici à 2017.

De surcroît, le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux prévoit déjà, en son article 41, un dispositif permettant d’encadrer le délai de réception des travaux et, ainsi, de limiter les risques de carence du maître d’œuvre. Il stipule qu’à défaut de la fixation d’une date, la réception des travaux est réputée acquise à l’expiration d’un délai de trente jours.

Les avances constituent une dérogation à la règle du « service fait ». L’avance, fixée au moins à hauteur de 5 % du prix initial du marché, est de droit pour le titulaire d’un marché, dès lors que le montant initial du marché est supérieur à 50 000 euros hors taxes et que le délai d’exécution s’étend au-delà de deux mois.

En outre, les prestations qui ont donné lieu à un commencement d’exécution du marché ouvrent droit à des acomptes. Le versement d’acomptes, dont la périodicité est réduite à un mois pour les PME contre trois mois en général, constitue également un droit pour le titulaire du marché.

Une augmentation du montant des avances obligatoires de 5 % à 30 % aurait un coût annuel de plus de 6,5 milliards d’euros. Il s’agit, certes, d’un coût en trésorerie, mais son impact serait très significatif sur le solde budgétaire lors de la première année de sa mise en œuvre.

Une telle contrainte serait difficile à absorber pour les petits acheteurs publics et pour les collectivités locales. Cette disposition pourrait, en outre, avoir des effets contreproductifs à très court terme sur l’investissement local.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Je suis à moitié satisfait de la réponse de M. le secrétaire d’État. Je sais les efforts déployés en direction des petites et moyennes entreprises, qui sont un socle important de notre économie dans la mesure où elles représentent sept millions d’emplois privés.

Néanmoins, j’ai rencontré des entreprises mises en difficulté pour des raisons de trésorerie, parce que des collectivités territoriales, voire des organismes qui en dépendent ou qui en sont proches – offices d’HLM, syndicats intercommunaux ou éventuellement hôpitaux – tardent, d’une part, à organiser la réception des travaux et, d’autre part, payent des acomptes très peu élevés, alors même qu’ils disposent de moyens financiers globalement plus importants que ceux d’une entreprise petite ou moyenne.

Je souhaite donc que le Gouvernement continue de réfléchir à cette situation. Dans mon secteur, j’ai connu des entreprises dont les carnets de commandes étaient pleins, mais qui étaient mises en difficultés par des délais trop longs, des réceptions de travaux trop tardives et des acomptes trop faibles.

Il faut donc, à mon sens, étudier cette situation de manière à améliorer la trésorerie de nos petites et moyennes entreprises.

comptes bancaires inactifs et contrats d’assurance sur la vie en déshérence

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 1277, transmise à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Hervé Maurey. Je voudrais, une fois encore, interroger le Gouvernement sur la question des contrats d’assurance vie non réclamés.

Le sujet est important. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’APCR, a en effet estimé que l’encours des contrats d’assurance vie non réclamés représenterait 4,6 milliards d’euros, et non quelques centaines de millions, comme l’ont très longtemps affirmé les professionnels de l’assurance, tentant ainsi d’en minimiser l’importance.

Ce sujet a donné lieu à plusieurs dispositions d’initiative parlementaire depuis 2005.

J’ai moi-même fait adopter en 2010 une proposition de loi à l’unanimité du Sénat, dont l’essentiel des dispositions a été repris dans la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires et dans la loi du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence.

Malgré ces avancées législatives considérables, et comme le craignait la Cour des comptes dans son rapport annuel public de 2015, les textes d’application ne sont que partiellement pris.

Ainsi, la loi de 2013 a prévu – c’est très important – la publication annuelle d’un bilan permettant d’évaluer le montant des contrats d’assurance vie non réclamés ainsi que les démarches entreprises par les assureurs pour rechercher leurs bénéficiaires, comme je le demandais depuis 2009.

Malheureusement, l’arrêté du ministre de l’économie, censé définir ce qui doit être considéré comme un contrat non réclamé n’a toujours pas été publié, rendant inopérante cette obligation élémentaire de transparence. Quand cet arrêté sera-t-il signé, monsieur le secrétaire d’État ?

Le décret d’application de la loi de 2014 a bien été publié le 28 août dernier. Il permet la mise en œuvre des dispositions législatives. Pouvez-vous m’indiquer si les professionnels ont anticipé ce nouveau cadre législatif censé s’appliquer depuis 1er janvier ?

À cet égard, je m’étonne que la Caisse des dépôts et consignations ait prévu de mettre à la disposition du public son service de recherche en ligne seulement le 1er janvier 2017, alors qu’elle va bénéficier, dès cette année, du transfert des avoirs non réclamés. Pourquoi ce délai ?

En 2014, le Gouvernement n’a pas souhaité étendre l’obligation de recherche des bénéficiaires aux comptes inactifs, alors qu’elle existe pour les bénéficiaires de contrats d’assurance vie. Il n’a pas prévu non plus de transparence sur les coffres-forts inactifs. Le Gouvernement compte-t-il modifier sa position sur ce sujet à l’avenir ?

À ma connaissance, enfin, la problématique des NPAI, c’est-à-dire des destinataires qui n’habitent pas à l’adresse indiquée, n’a pas été abordée dans ce décret, contrairement aux engagements contractés ici même par le ministre le 7 mai 2014.

Plus largement, j’aimerais savoir quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre pour assurer une meilleure transparence et une plus grande protection des épargnants.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur Maurey, les mesures réglementaires d’application prévues par la loi du 13 juin 2014, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, ont pour l’essentiel été prises dans l’année 2015.

J’ai cru comprendre que vous m’interrogiez sur l’absence de mesures prises en 2015. Je vous rappelle pourtant que le décret relatif aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence date du 28 août 2015. Il contient les éléments nécessaires à l’application des points les plus importants de la loi, s’agissant notamment des contrats d’assurance vie, la revalorisation des frais de gestion et le plafonnement des frais post mortem.

L’arrêté du 21 septembre 2015 a été pris en application de l’article R. 312-19 du code monétaire et financier. Il a fixé le niveau de plafonnement de chacune des catégories de comptes bancaires inactifs identifiées au IV de cet article.

Deux arrêtés restent à prendre, d’une portée accessoire : l’un sera relatif aux avoirs contenus dans des coffres-forts, l’autre précisera les contenus des bilans devant être publiés annuellement par les entreprises d’assurance, sur leur site internet, et par les fédérations professionnelles, à destination du ministre chargé de l’économie.

Les parties prenantes disposeront prochainement de ces textes pour remplir les obligations assignées par la loi au titre de l’année 2016.

La loi n’a pas prévu de mesures réglementaires spécifiques pour la consultation de l’administration fiscale, par les notaires mandatés à cet effet, au sujet des informations contenues dans le fichier central des contrats d’assurance vie, le FICOVIE, pouvant intéresser les héritiers et ayants droit.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le secrétaire d’État a eu la gentillesse de rappeler un certain nombre d’éléments que j’avais moi-même mentionnés, notamment la publication du décret du 28 août 2015. En revanche, je ne sais pas s’il s’agit d’un point qu’il considère comme accessoire, mais je n’ai pas obtenu d’information sur la date à laquelle nous disposerons enfin de l’arrêté définissant les comptes qui doivent être considérés comme non réclamés ou inactifs.

En l’absence d’un tel arrêté, les mesures que nous avons fait adopter dans la loi, fruits d’un combat mené durant de nombreuses années et devant permettre de faire enfin la lumière sur les stocks, c’est-à-dire sur le montant des assurances vie non réclamées, sur le nombre de contrats non réclamés et, surtout, sur les efforts qui sont déployés, chaque année, par les sociétés d’assurance et les banques, seront inopérantes. C’est très regrettable.

Je n’ai pas obtenu de réponse non plus sur le non-respect, par le Gouvernement, de l’engagement pris ici même le 7 mai 2014 sur la question du traitement des NPAI, ces courriers mal adressés qui reviennent à l’envoyeur. Aujourd’hui, les sociétés d’assurances ne font aucun effort pour en retrouver leurs destinataires.

J’attends donc avec impatience le rapport qui doit être rendu par l’autorité de contrôle avant le mois de mai, pour y trouver une information sur les efforts réels effectués par les sociétés.

Une fois de plus, il reviendra donc au Parlement d’être non seulement vigilant et actif, mais également force de proposition. Comme je le rappelais précédemment, toutes les avancées sur ce sujet, très important pour les épargnants, ont été obtenues sur l’initiative du Parlement, et singulièrement du Sénat.

délais d'instruction des autorisations d'urbanisme

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, auteur de la question n° 1238, adressée à Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

M. Daniel Gremillet. Le 11 juillet 2014, en présence du Premier ministre, les dirigeants de treize fédérations et syndicats professionnels représentant le secteur du cadre bâti et du logement au sens large sont intervenus pour dénoncer les difficultés rencontrées par les professionnels de la maîtrise d’œuvre dans le cadre de l’instruction des autorisations de construire, notamment les demandes de permis de construire qui font systématiquement l’objet d’une demande de pièces complémentaires.

Le 9 juillet 2015, le Gouvernement a adopté, sur la proposition de Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, le décret n° 2015-836 réduisant le délai d’instruction des autorisations d’urbanisme.

Or il semble que ce décret se montre insuffisant sur un certain nombre de points : s’il réduit certes le délai d’instruction d’un nombre très restreint de demandes d’autorisations de construction, notamment pour les immeubles de grande hauteur et les établissements recevant du public, il ne réduit que d’environ un mois ce délai d’instruction pour ces procédures ; mais surtout, il ne modifie pas les conditions de définition du point de départ de ce délai d’instruction pour la demande de pièces complémentaires ; il ne modifie pas le délai d’instruction pour les demandes d’autorisations de construire qui posent aujourd’hui un problème, notamment celles qui supposent l’organisation d’une enquête publique et qui ne permettent pas l’intervention d’une autorisation tacite en vertu de l’article R. 423-20 du code de l’urbanisme ; il ne modifie en rien les conditions d’articulation de la procédure d’autorisation d’urbanisme avec les conditions relatives à l’élaboration, à la modification ou à la révision des documents d’urbanisme.

Nous partons tous du principe qu’il faut davantage de simplification. En matière de permis de construire, nous avons pourtant augmenté le nombre d’interlocuteurs. Les services chargés jusqu’alors d’urbanisme ont été éclatés, et des compétences ont été transférées aux communautés de communes, ce qui crée davantage de procédures et conduit à une augmentation des délais. Enfin, le décret susvisé ne modifie en rien la question délais de recours et de leur nombre.

Le secteur du bâtiment est aujourd’hui en proie à de très graves difficultés. C’est pourtant l’un des plus importants réservoirs d’emplois, mais aussi un des leviers de revitalisation du monde rural. C’est pourquoi je souhaite savoir quelles dispositions le Gouvernement entend encore prendre afin de régler les vrais problèmes de délai d’instruction qui se posent aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme qui sont à votre sens trop longs.

Je veux d’abord rappeler que les mesures engagées par le Gouvernement depuis trois ans en faveur de la relance de la construction portent leurs fruits. Selon les derniers chiffres du ministère du logement, le nombre de logements autorisés à la construction entre septembre et novembre 2015 a augmenté de 8,7 % par rapport à la même période l’année dernière.

Faciliter la délivrance des autorisations d’urbanisme est un élément essentiel pour soutenir la relance. C’est pourquoi le Président de la République a fixé l’objectif de réduire, dans la majorité des cas, les délais d’obtention des autorisations d’urbanisme à cinq mois.

Pour y parvenir, le Gouvernement a publié en juillet dernier un décret reprenant les propositions du groupe présidé par le préfet Jean-Pierre Duport. Ce décret a notamment permis de réduire les délais de délivrance des permis de construire pour les projets situés dans les périmètres de protection au titre du patrimoine en ramenant de quatre mois à deux mois le délai d’obtention de l’avis des architectes des Bâtiments de France.

Il permet également de réduire les délais de délivrance des permis pour les immeubles de grande hauteur, les établissements recevant du public ou les projets situés dans les espaces protégés au titre de l’environnement.

Vous m’interrogez sur les demandes de pièces complémentaires. Afin d’éviter les demandes abusives, nous avons réaffirmé ce principe dans le décret du 27 avril 2015 pris en application de la loi ALUR, et la ministre du logement, Sylvia Pinel, a demandé à ses services de le rappeler à l’ensemble des services instructeurs dans les territoires.

Enfin, sur le point particulier des projets soumis à évaluation environnementale et, donc, des permis de construire soumis à enquête publique, le Gouvernement travaille actuellement à une meilleure articulation des évaluations environnementales des documents d’urbanisme et des études d’impact des projets que ces documents autorisent.

L’objectif est de simplifier les procédures en évitant les études d’impact redondantes – ce qui va dans le sens de votre interpellation, monsieur le sénateur –, tout en assurant un haut niveau de protection des enjeux environnementaux.

Ces travaux, qui aboutiront à la fin du premier semestre de 2016, s’inspirent de la procédure intégrée pour le logement créée par l’ordonnance du 3 octobre 2013. Celle-ci permet d’ores et déjà de réduire les délais de réalisation des projets de construction de logements et d’en faciliter la réalisation afin de répondre à l’objectif du Gouvernement de relancer la construction.

M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet.

M. Daniel Gremillet. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie pour votre réponse. Je suis impatient de connaître le résultat, qui devrait, si j’ai bien compris, être communiqué dans les trois mois, du travail mené par le Gouvernement sur les permis soumis à une enquête publique.

Permettez-moi de vous indiquer que l’inquiétude des « architectes des champs », pour reprendre le terme par lequel les maîtres d’œuvre se désignent eux-mêmes, reste entière.

Si ce décret visant à accélérer les procédures d’instruction dans le domaine du logement notamment est une avancée, il ne permet pas d’éviter tous les écueils. En effet, les demandes de permis de construire font systématiquement l’objet de demande de pièces complémentaires. Vous avez répondu sur ce point, mais partiellement ; or chaque fois qu’une pièce complémentaire est demandée, le compteur s’arrête. Il est donc nécessaire de procéder à une simplification.

Comment ne pas constater la déception de ces jeunes couples dont le projet de construction est complètement ficelé, qui disposent de l’accord des banques et ont fait réaliser des devis, et qui se voient refuser un permis de construire parce que le dernier règlement du lotissement de la commune ou du plan local d’urbanisme n’est pas encore connu par la direction départementale des territoires au moment de l’instruction ? Ou celle de ce couple dont le service instructeur de la communauté de communes a failli refuser un permis de construire au motif que celui-ci ne possédait pas le document à jour du plan local d’urbanisme, le PLU, la hauteur du bâtiment ne devant pas excéder six mètres alors que le projet présenté indiquait plus de six mètres cinquante, l’information n’étant pas arrivée jusqu’à l’organisme instructeur ?

En effet, les documents à jour n’ont pas bien suivi le transfert de compétences de la direction départementale des territoires, la DDT, à la communauté de communes, ce qui constitue parfois un problème et une source de ralentissement. L’éclatement des compétences de la DDT ne fait qu’augmenter les difficultés rencontrées par toute la filière de l’architecture et de la maîtrise d’œuvre, et par conséquent par toutes les entreprises du bâtiment qui ne demandent qu’à remplir leur carnet de commandes pour embaucher de la main-d’œuvre locale.

Imaginez l’incompréhension et le renoncement auxquels doivent faire face le terrassier, le maçon, tous les corps de métiers ! Les professionnels, les porteurs de projets, l’ensemble des acteurs économiques de nos territoires doivent pouvoir travailler avec des procédures davantage simplifiées sur la base de textes réglementaires qui ne soient pas éloignés des réalités du terrain et de la dynamique qui y règne encore.

Monsieur le secrétaire d’État, j’attends avec impatience les conclusions de ce travail qui devraient, je l’espère, apporter des réponses encore plus significatives sur le raccourcissement des délais.

6

Demande d’inscription à l’ordre du jour d’un projet de loi

M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé l’inscription à l’ordre du jour du mardi 9 février après-midi, sous réserve de son dépôt, du projet de loi prorogeant l’application de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence.

Acte est donné de cette demande.

La conférence des présidents se réunira à seize heures, après le scrutin solennel sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, afin de déterminer les modalités d’organisation de la discussion de ce texte.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean Desessard,

M. Claude Haut,

M. Jackie Pierre.

M. le président. La séance est reprise.

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Article 74 (supprimé) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Explications de vote sur l'ensemble

Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages

Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi (début)

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote solennel par scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (projet n° 359 [2014–2015], texte de la commission n° 608 [2014–2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014–2015], avis nos 549 et 581 [2014–2015]) et sur la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (projet n° 364 rectifié [2014-2015], texte de la commission n° 609 [2014-2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014-2015]).

Mes chers collègues, Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui se trouve à New York, nous a appelés voilà moins d’une heure pour s’excuser de son absence. Pour des raisons d’organisation des débats, il n’a pas été possible de changer la date du vote de ces textes.

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

Explications de vote sur l'ensemble

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour le groupe CRC.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État chargé des transports, mes chers collègues, nous avons, je le crois, bien travaillé et amélioré ce projet de loi, d’abord en commission, puis en séance.

M. Hubert Falco. Le Sénat travaille toujours bien !

Mme Évelyne Didier. Répond-il à tous nos vœux ? Évidemment non, mais il faut dire que le fait de traiter les sujets sur le fond, l’ouverture d’esprit de Mme la ministre, qui a accepté des amendements venus de toutes les travées et qui a fait remplacer, à notre demande, les ordonnances par des articles, le même état d’esprit de notre rapporteur,…

M. Hubert Falco. Un très bon rapporteur, à l’écoute !

Mme Évelyne Didier. … du président et des membres de la commission ont été favorables à un bon débat parlementaire. Il est néanmoins dommage que certains de nos collègues se soient limités à un seul angle de vue – j’ai failli dire à un seul angle de tir… (Sourires.)

Nos connaissances progressent et, avec elles, l’attention de nos concitoyens sur l’importance de favoriser la biodiversité en évitant, d’abord, de détruire les écosystèmes. Nous avons le devoir, nous, parlementaires, d’entendre cette aspiration de la société.

Que savons-nous ? La biodiversité est foisonnante. Le vivant est un tout et l’humanité en est une composante. C’est la raison pour laquelle nous saluons la nouvelle définition de la biodiversité comme un système vivant, dynamique et interactif.

Nous approuvons la création des deux instances différentes et complémentaires que sont l’Agence française pour la biodiversité terrestre, aquatique et marine et le Comité national de la biodiversité. Nous souhaitons, à défaut d’une intégration, un rapprochement de l’ONCFS avec l’Agence pour une approche pluridisciplinaire, pour une meilleure cohérence des expertises, des stratégies, des missions et de la police. Nous demandons également que les salariés soient pleinement associés et valorisés par la possibilité d’une intégration au statut. Un personnel motivé est indispensable à la réussite du projet.

Nous soulevons de nouveau la question des moyens. Les ressources additionnées des structures existantes ne suffiront pas, et les prélèvements sur les fonds de roulement des agences de l’eau doivent cesser.

Nous réaffirmons la pertinence du principe de solidarité écologique. Nous voulons que l’échelon départemental soit considéré comme une contribution essentielle pour un travail de proximité.

Nous avons apporté notre soutien à la ratification du protocole de Nagoya proposée par Mme la ministre ainsi qu’à l’élargissement aux milieux aquatiques et marins du champ d’intervention.

La lutte pour préserver cette biodiversité est un long combat. Le projet de loi en constitue une étape importante.

Nous sommes satisfaits de l’adoption d’amendements de notre groupe. Nous défendons l’idée forte qu’il faut préserver la planète, particulièrement les océans, des matières plastiques. Mme la ministre a d’ailleurs été favorable à notre amendement visant à interdire les cotons-tiges composés d’une tige en plastique, et le Sénat l’a adopté, mais elle s’est finalement déclarée défavorable à l’interdiction des microbilles dans les produits d’hygiène, d’entretien et cosmétiques. Nous le regrettons, et nous y reviendrons. Certes, cela bousculerait les fabricants, mais, déjà, certains États des États-Unis s’acheminent vers une telle interdiction dès 2018. Dans ce domaine, ceux qui anticiperont seront in fine les gagnants de demain.

Nous devrons aussi revenir sur la question de l’interdiction du chalutage en eaux profondes (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.),…

Mme Évelyne Didier. … même si, sur ce sujet, nous devons faire preuve de mesure.

Nous saluons l’engagement des associations qui pourront agir en cas de manquement à des obligations environnementales, à la suite de l’adoption de l’un de nos amendements. Elles ont un rôle moteur dans notre société.

Nous regrettons que l’interdiction des néonicotinoïdes soit fixée à l’horizon de 2018 et non de 2016, comme nous le demandions. C’est trop tard !

Nul ne peut et ne doit s’approprier le vivant. C’est pourtant la tendance aujourd’hui. Certaines firmes y voient de nouvelles promesses de profit. C’est la raison pour laquelle ce texte doit acter fortement la position de la France dans ce domaine. Notre pays doit défendre cette conviction dans les instances européennes et mondiales.

L’une des grandes avancées du projet de loi est sans aucun doute la prise de position de l’ensemble du Sénat sur la non-brevetabilité du vivant. Nous avons inscrit dans le projet de loi le principe de l’interdiction du brevet sur tout ou partie de plantes ou d’animaux issus de procédés essentiellement biologiques, ainsi que sur leurs gènes natifs. Nous espérons que les députés confirmeront cette avancée. Il s’agit ni plus ni moins d’éviter une privatisation des ressources naturelles.

Mme Évelyne Didier. Mme la ministre a apporté son soutien, en indiquant qu’il serait cohérent d’étendre les obligations de traçabilité des OGM aux produits issus de nouvelles techniques de modification génétique pour une meilleure traçabilité de ces produits. Nous attendons avec impatience la communication de l’Union européenne à ce sujet.

Nous regrettons que ne soient pas interdites les plantes devenues tolérantes aux herbicides par mutagénèse. En revanche, nous approuvons la ratification du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques, qui garantit un partage juste et équilibré des avantages y afférant et des savoirs traditionnels autochtones.

Enfin, nous voulons exprimer notre total désaccord avec le principe des réserves d’actifs naturels.

Si le projet de loi établit explicitement la hiérarchie dite « ERC » – éviter, réduire, compenser –, ce dont nous nous réjouissons, la possibilité de compenser à travers le financement de réserves d’actifs naturels crée de fait un marché financier. Aujourd’hui, c’est la Caisse des dépôts et consignations qui en est l’opérateur principal, mais demain ? Si, et je l’admets, cela peut permettre d’assurer une compensation de qualité par des opérateurs compétents, on introduit l’idée que tout se vaut, ce qui est fondamentalement une faute en termes de biodiversité. Il n’existe pas d’équivalence écologique. C’est regarder le vivant sous le prisme du marché, qui, à proprement parler, n’est pas un prisme économique, mais est bien une vision financière qui poussera, comme à chaque fois, à rentabiliser, c’est-à-dire à rechercher le profit au détriment de l’objet principal, à savoir protéger la biodiversité.

Nous formons le vœu que les députés respecteront ce travail et que la navette parlementaire permettra un approfondissement et non un détricotage sous les coups des intérêts de certains au détriment de l’intérêt général. Malgré nos réserves – et elles ne sont pas mineures –, notre groupe prend acte de l’importance de valider les nombreuses avancées contenues dans ce texte. Il approuvera donc le projet de loi tel qu’il est ressort de nos travaux, en formulant un autre vœu : que ce texte soit rapidement inscrit à l’ordre du jour pour la deuxième lecture, pour une application le plus tôt possible dès la fin de 2016. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Poher, pour le groupe socialiste et républicain.

M. Hervé Poher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici donc à l’heure du bilan et du positionnement.

M. Hubert Falco. Oui, on est là pour ça !

M. Bruno Sido. Cela ne va pas être facile !

M. Hervé Poher. Or il est bien difficile de dresser un bilan objectif, détaillé et qualitatif des débats qui ont animé, agité, voire échauffé cet hémicycle. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Soyons honnêtes, beaucoup ont reconnu que cela aurait pu être pire…

Difficile de dresser un bilan objectif de ce débat, ai-je dit. C’est vrai, tout d’abord parce que l’objectivité ne fait pas partie de la nature humaine. C’est normal ! Nous avons tous des humeurs, des penchants, des passions. Imaginez en plus que nous avons examiné un texte de 72 articles, sur lequel ont été déposés 677 amendements, qui parle de notre environnement, de sa perception, de son usage, de sa survie.

Oui, c’est bien un texte sur l’environnement ! Or l’environnement touche tout le monde, toutes les activités, tous les milieux.

Ce n’est pas une loi sur la chasse. C’est vrai, et cela a été dit. Reste que, quand elle n’est pas directement citée, la chasse est souvent en filigrane dans plusieurs articles. C’est logique !

De même, ce n’est pas une loi agricole. C’est vrai, cela a été dit, mais l’agriculture est omniprésente dans ce texte. C’est normal !

Je pourrais continuer à énoncer ainsi les différents domaines : économie, recherche, santé… Tout le monde est présent dans ce texte et tout le monde y est intéressé, à un moment ou à un autre.

Je l’ai dit, il est difficile de faire un bilan détaillé des débats et du projet de loi. Un collègue a récemment déclaré que ce texte était un « monstre ». C’était de sa part non pas une critique, mais simplement le constat que, du fait de son intitulé – projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages –, le texte comptait plusieurs têtes pour un seul corps. Force est de constater que nous avons en plus pris un malin plaisir à en ajouter…

Permettez-moi ensuite de ne pas m’aventurer sur le terrain qualitatif, car le mot « qualité » est à géométrie variable selon les pôles d’intérêt, le milieu et les circonstances. Dans cet hémicycle, un article peut avoir beaucoup de qualités pour les uns ou, a contrario, être porteur de tares rédhibitoires pour les autres.

Avant d’aller plus loin, permettez-moi d’adresser quelques remerciements à certains de nos collègues : tout d’abord à ceux qui, malicieusement, ont prolongé les débats uniquement pour nous prouver que les paysages nocturnes étaient différents des paysages diurnes (Sourires.) ; à ceux ensuite qui nous ont fait rêver en évoquant la richesse des territoires ultramarins ; à celle aussi qui nous a fait sourire en nous racontant la fabuleuse et incroyable aventure du coton-tige.

J’adresse enfin mes remerciements, de façon très sincère, à Jérôme Bignon, notre rapporteur. Il a mis en évidence que la fonction de rapporteur n’est pas une activité de tout repos et a su défendre certaines de ses convictions avec une vigueur que j’oserai qualifier de décoiffante… (Rires.)

Lors de la discussion générale, j’avais déclaré que nous disposions de tous les éléments pour écrire une belle histoire. Or je me suis trompé, et je vous prie de m’en excuser. Sans doute ai-je péché par inexpérience ou par fausse naïveté, mais je n’avais pas réalisé l’importance du vocabulaire dans cette maison. Normatif, déclaratif, contentieux, droit : il est difficile, même pour les plus imaginatifs, de créer de belles histoires avec ces mots-là. En revanche, il est vrai qu’on peut légiférer.

Pour terminer, je voudrais revenir sur ce qu’on appelle la « conduite à tenir ». Avant de décider d’une conduite à tenir, il faut faire un bilan.

Premier point de ce bilan : 677 amendements ont été examinés sur ce texte. Un certain nombre d’entre eux ont été adoptés, d’autres ont été rejetés, mais dans leur ensemble, et personne ne peut dire le contraire, ils ont permis d’aborder des sujets différents, des sujets d’actualité parfois, des sujets parfois irritants, mais qui, sans être consensuels, devaient être évoqués : les néonicotinoïdes, les actions de groupe, la police de l’environnement, le préjudice écologique, la gestion et l’usage des réserves naturelles.

En matière de gestion publique, rien n’est pire qu’éluder un problème sous prétexte qu’il pourrait provoquer des décharges d’adrénaline. De toute façon, un sujet sociétal contourné, occulté, évité, finit toujours par revenir sur le devant de la scène.

Deuxième point de ce bilan : si tout ne peut pas plaire à tout le monde, tout ne peut pas déplaire à tout le monde non plus. Certains pointeront donc du doigt ce qu’ils considèrent comme des reculs quand d’autres mettront en valeur ce qui leur semble être des avancées… Le problème en matière d’environnement, c’est que ce que certains considèrent comme un recul, d’autres le voient comme une avancée. En outre, nous n’étions qu’en première lecture et certaines améliorations et précisions sont attendues en deuxième lecture.

Troisième et dernier point de ce bilan : aucun article ou amendement ne prône le statu quo. Tout le monde l’admet : il y a urgence. On ne peut plus se permettre d’avoir des états d’âme. L’action s’impose et la nature n’attendra pas la fin de nos discussions. C’est l’un des paradoxes de notre démarche : nous devons réagir rapidement alors que la biodiversité a mis des millions d’années à se constituer.

En résumé, si l’on veut acter l’idée du préjudice environnemental, le principe de la réparation, l’application du protocole de Nagoya, une nouvelle forme de gouvernance, la confortation de certains outils que nous avons déjà, une nouvelle approche des paysages et si nous voulons sauver certaines de nos richesses non monétaires, nous ne pouvons pas rester l’arme au pied, car il y a urgence. Le groupe socialiste et républicain votera donc ce texte et la proposition de loi organique qui y est associée.

Quant à la belle histoire de la biodiversité, d’autres l’écriront probablement dans d’autres lieux et avec des mots plus appropriés. Ce serait malheureux de passer à côté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour le groupe écologiste.

Mme Marie-Christine Blandin. Quand Rachel Carson écrivit Printemps silencieux en 1962, quand Jean Dorst publia Avant que Nature meure, ils subirent tous deux les railleries des tenants d’un productivisme débridé. Qui aurait alors pu croire que, en 2016, le Sénat débattrait de façon constructive d’un projet de loi sur la biodiversité et autoriserait la ratification du protocole de Nagoya ?

Pour cela, il aura fallu le travail documenté et continu des ONG et même de militants radicaux comme Paul Watson, qui comparait hier notre humanité aux passagers d’un vaisseau dont l’équipage et les soutiers représenteraient toutes les autres espèces et serviraient à les nourrir ; peu à peu, les passagers prendraient la place de l’équipage, l’empêcheraient de travailler et jetteraient même des matelots par-dessus bord.

M. Bruno Sido. C’est Calais !

Mme Marie-Christine Blandin. Capitaine-rapporteur Bignon, nous l’avons bien vu, vous avez eu fort à faire pour tenir la barre la semaine dernière !

Il aura fallu des films comme Terra, de Yann Arthus-Bertrand, ou Les Saisons, de Jacques Perrin, qui montrent qu’il suffit de comprendre pour se mobiliser. Pour cela, il nous faut des scientifiques – avec une gratitude particulière pour ceux du Muséum –, dont le texte favorisera à la fois la récolte des données et leur mise à disposition du public.

Il aura fallu des méthodes nouvelles, comme le Grenelle de l’environnement, car on ne mobilise pas en faveur de la biodiversité en jouant les uns contre les autres.

Il aura fallu la volonté politique d’agir du Gouvernement, car la démocratie est mise à mal quand les débats n’ont pas de suite. Il aura fallu un travail inédit et de la volonté pour effacer les ordonnances et rendre au Parlement tout son rôle.

Sans ignorer les incertitudes, à commencer par celles qui pèsent sur les moyens qui seront alloués à l’Agence française pour la biodiversité, les écologistes se félicitent des avancées contenues dans le projet de loi en provenance de toutes les travées.

Mme Marie-Christine Blandin. Le bilan est pourtant contrasté.

Comment ne pas se réjouir de la reconnaissance du préjudice écologique, de l’action de groupe en matière d’environnement, de l’obligation d’autorisation pour les activités en haute mer ?

Les contributions des écologistes ont précisé que dans, « éviter, réduire, compenser », il s’agit d’abord d’éviter, que compenser demandera des garanties financières du maître d’ouvrage et fera l’objet de mesures correctives en cas de non-succès.

Dans la Stratégie nationale pour la biodiversité, nous avons inscrit l’assurance de plans d’action opérationnels ou de mesures de protection renforcées pour les espèces « en danger critique » ou « en danger », afin de garantir leur restauration.

Nous avons élargi la possibilité des échanges de semences, empêché collectivement la brevetabilité des matières biologiques issues de gènes natifs, garanti la restitution aux communautés d’habitants des savoirs obtenus à partir des variétés et espèces qu’elles ont depuis longtemps identifiées et utilisées et dont certains souhaitent pourtant prendre les ressources génétiques. Nous avons aussi formalisé quelques méthodes de dialogue avec ces communautés.

L’outre-mer a bénéficié d’une attention exceptionnelle, ce qui est juste pour la biodiversité.

En revanche, il y a eu des moments difficiles : celui où le Sénat a fait du mot « usage » un synonyme de « chasse », celui où le symbole fort d’un objectif de « non-régression » a été sacrifié, celui où l’on a inversé la logique en passant de « réserve sans chasse sauf autorisation » à « réserve avec chasse sauf interdiction », ceux, enfin, où l’on a convié l’Europe – comme toujours, au mauvais moment – pour empêcher l’interdiction des pesticides, dont les néonicotinoïdes, lesquels seront encadrés mais non supprimés, et pour empêcher la culture de végétaux issus de mutagénèse et résistants aux herbicides. On oublie pourtant de la convier lorsqu’elle nous demande d’interdire la chasse à la glu…

Il y eut aussi des frustrations, ou des victoires difficiles, chaque fois que le rapporteur ou la ministre recadrait les débats, arguant que ce n’était pas « le bon projet de loi ».

Il y eut donc des refus. Nous voulions valoriser par étiquetage les huîtres nées en mer, mais le texte « n’est pas un projet de loi sur la consommation ». Nous voulions épargner les mammifères en période de reproduction, mais le texte « n’est pas un projet de loi sur la chasse ». Nous voulions protéger les arbres des petites parcelles privées, mais « on ne touche pas au code civil ».

Et il y eut des victoires sur le fil : la bonne tenue d’un registre des utilisateurs de produits phytosanitaires, bien que le texte ne soit pas un projet de loi agricole, la fin du privilège que constitue la faible taxation de l’huile de palme, laquelle ravage nos artères et le territoire des orangs-outans, bien que le texte ne soit pas un projet de loi de finances.

Eh oui, ce n’est qu’un projet de loi sur la biodiversité, mais les causes de la régression de celle-ci justifient pourtant des modifications dans tous les codes : artificialisation, confiscation du vivant sélectionné au point de menacer le bien commun, sur-prédation. Heureusement, le texte étant un projet de loi sur les paysages, la reconnaissance patrimoniale des alignements d’arbres a été votée.

En revanche, bien que le texte ne soit pas non plus un projet de loi sur la pêche, nous avons assisté, malgré le vibrant plaidoyer de la ministre et les solides arguments du rapporteur, au sinistre retour du chalutage en eaux profondes. Il s’agit là d’une véritable régression pour la biodiversité, mortifère pour les fonds marins, destructrice pour les stocks et, à terme, suicidaire pour les pêcheurs eux-mêmes. Je rappelle au passage que cette forme de pêche est très consommatrice d’énergie et qu’elle conduit à mettre sur les étals les espèces de poissons les plus chargées en mercure. Bon appétit ! Ce fut sans doute le coup de canif le plus blessant dans ce projet de loi pour la biodiversité.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes encore en période de vœux : en termes de calendrier, nous souhaitons que ce texte revienne au Sénat le plus vite possible ; pour l’avenir, nous souhaitons que des moyens étoffés et pérennes soient attribués à l’Agence française pour la biodiversité ; pour les océans et pour les pêcheurs, nous souhaitons que l’on en revienne à la version initiale du texte, qui prévoyait la fin du chalutage en eaux profondes. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi sur la biodiversité n’est qu’un pan de la politique nationale que nous devons conduire en matière d’environnement. La preuve en est : ont été insérées dans ce texte un certain nombre de dispositions – je pense à l’huile de palme ou aux produits phytosanitaires – qui n’ont qu’un rapport très lointain avec la biodiversité. (Protestations sur les travées du groupe écologiste.)

M. Jean Louis Masson. En tout cas, un rapport relativement lointain… D’autres mesures auraient encore pu être ajoutées.

Cela étant, je me félicite des dispositions qui ont été votées, car elles constituent globalement des avancées, ce qui nous change de certaines mesures prises par le Gouvernement. Je pense par exemple à l’abandon de l’écotaxe, qui est une catastrophe en matière d’environnement. Je ne comprends pas qu’un ministre de l’environnement puisse prendre des décisions aussi aberrantes que celle-ci.

La biodiversité est certes un élément important qu’il faut protéger, mais il faut aussi être cohérent dans notre action et reconnaître – ce que Mme le ministre de l’environnement ne fait pas toujours – que nous devons être exemplaires par rapport aux autres pays, parfois sous-développés, notamment en Afrique ou en Asie, auxquels nous prétendons régulièrement donner des leçons de protection des animaux. Nous expliquons aux pays africains qu’il faut protéger les rhinocéros, les lions, les éléphants… Ces pays font ce qu’ils peuvent pour protéger leur biodiversité, mais souvent ils peuvent peu, leurs moyens étant malheureusement insuffisants.

Or, nous qui avons des moyens, nous sommes parfois vis-à-vis de la biodiversité extrêmement en retrait. Mme le ministre de l’environnement traîne les pieds pour défendre les ours dans les Pyrénées, pour défendre les loups, alors que nous avons les moyens économiques et financiers de mettre en place un certain nombre d’actions. Si nous ne sommes pas capables de défendre deux espèces de mammifères qui sont à mon sens moins importantes que des éléphants, des lions ou des tigres, comment, nous, pays européens développés, pouvons-nous prétendre donner des leçons à des pays africains dans lesquels les gens se battent simplement pour avoir à manger ?

M. le président. Il va falloir conclure !

M. Jean Louis Masson. J’en termine, monsieur le président.

Les lois sur la biodiversité ne doivent pas être détournées. Une chose m’inquiète de plus en plus : certains écologistes détournent ces lois pour se battre dans un but tout à fait différent,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Dominique Bailly. Oui, c’est fini !

M. Jean Louis Masson. … comme on le voit avec le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. (Marques d’impatience sur de nombreuses travées.) En se servant de trois ou quatre espèces menacées, ils dévoient en fait les lois sur la biodiversité.

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour le groupe du RDSE.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’avais prévu de commencer mon propos par une remarque qui, de fait, tombe à plat, en disant qu’il est des moments où la politique prend la mesure de sa responsabilité envers les générations futures et est capable de consensus. Évidemment, je ne pouvais pas imaginer que cette phrase ferait suite à l’intervention que vient de faire M. Jean Louis Masson…

Au terme de cette première lecture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, je tiens à saluer le travail accompli sur ce texte, d’abord par mon compatriote Philippe Martin, ancien ministre, qui en a été à l’origine, et l’esprit coconstructif, comme l’a souligné Mme la ministre à plusieurs reprises, qui a prévalu tout au long des travaux, inspirés et parrainés par de grands noms du monde scientifique ; ont été cités Hubert Reeves, Jean-Marie Pelt et d’autres.

La ministre a constamment été à l’écoute des parlementaires pour améliorer le présent projet de loi. Nos collègues députés ont enrichi le texte et la commission du développement durable, son rapporteur, M. Jérôme Bignon – comme cela a déjà été souligné –, son président, M. Hervé Maurey, et les rapporteurs pour avis, Mmes Sophie Primas et Françoise Férat, ont fait un travail remarquable.

Dans le projet de loi sont inscrits des progrès notables et réalistes que nous souhaitons voir maintenus au cours de la navette. Nous avons reçu un courrier de Mme la ministre qui nous assure que le travail du Sénat sera respecté, nous l’espérons, par l’Assemblée nationale. Ainsi, je me réjouis de voir consacrés la reconnaissance du préjudice écologique pur et le principe de sa réparation, résultant de la proposition de loi de notre collègue Bruno Retailleau, adoptée à l’unanimité par notre assemblée.

Est également bienvenue la modification du délai de prescription des délits de pollution des eaux marines et fluviales, désormais calculé à partir de la découverte du dommage et non du fait générateur.

Je tiens particulièrement à souligner l’extension de l’exclusion de la brevetabilité des procédés essentiellement biologiques, pour l’obtention des végétaux et des animaux, à leurs parties et composantes génétiques par l’adoption d’un amendement que vous avions proposé, à l’instar d’autres groupes, ainsi que la limitation de la protection conférée à ces brevets ou encore l’interdiction de protéger par un certificat d’obtention végétale les semences non reproductibles. Il s’agit avant tout de prévenir les contournements des dispositions relatives à la propriété intellectuelle par certaines grandes firmes, qui entravent l’accès de tous aux ressources naturelles et constituent un frein à l’innovation. Ces pratiques inadmissibles, cautionnées par l’office européen des brevets, pénalisent nos agriculteurs, qui ne peuvent user librement de certaines semences. L’action de la France auprès de l’Union européenne devra être poursuivie.

En matière de gouvernance, les missions de l’Agence française pour la biodiversité ont été précisées. La composition de son conseil d’administration garantit une meilleure souplesse grâce à la mise en place de collèges. Mon collègue Guillaume Arnell, animateur du pôle « développement durable » de la collectivité de Saint-Martin, avait fortement insisté sur l’indispensable représentation de tous les territoires ultramarins en raison de la richesse et de la spécificité de leur biodiversité. À ce titre, nous ne pouvons qu’être satisfaits du maintien de la représentation de chaque bassin écosystémique au sein de l’Agence.

Nous avons, par ailleurs, procédé à la ratification du protocole de Nagoya, qui met en place un dispositif d’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, dont la traduction figure à l’article 18 du projet de loi.

La définition de la « nouvelle utilisation » d’une ressource à des fins commerciales, soumise à autorisation, a été précisée pour en renforcer la sécurité juridique auprès des utilisateurs. En outre, le plafond des contributions financières versées par ces derniers a été baissé à 1 %, au lieu de 5 %, du chiffre d’affaires annuel hors taxes conformément à un amendement que nous avions déposé.

M. Raymond Vall. Le progrès et l’innovation doivent être encouragés. Ce pourcentage nous paraît, par conséquent, plus proportionné.

En matière de simplification, les zones prioritaires pour la biodiversité qui figuraient à l’article 34 ont été supprimées par le Sénat en commission, évitant ainsi la multiplication des zonages qui ajoutaient une complexité dont l’utilité nous paraissait contestable.

En ce qui concerne les produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes, notre hémicycle a adopté une position que je considère, pour ma part, équilibrée. Elle tient compte de la récente étude de l’ANSES, qui nous alerte sur les effets néfastes pour les pollinisateurs dans le cadre de certains usages encore autorisés, en dépit du moratoire adopté sur trois substances. Un arrêté du ministre de l’agriculture viendra encadrer les conditions d’utilisation des néonicotinoïdes pour tenir compte de cette étude, mais aussi des conséquences sur la production agricole. Nous le savons, cette action est peut-être insuffisante ; elle devra être poursuivie auprès des instances européennes.

Enfin, le groupe du RDSE exprime très majoritairement sa satisfaction sur les dispositions relatives à la chasse et à la pêche de loisirs. Je me réjouis notamment de l’adoption d’un amendement pour permettre le maintien des associations communales de chasse agréées en cas de fusion de communes. (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Et nous nous réjouissons de l’avis favorable donné sur cet amendement par Mme la ministre, ce qui préjuge d’un très probable maintien lors de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Nous savons du reste que nos collègues du RDSE et notre collègue député Joël Giraud y veilleront.

Si les avancées sont réelles, je regrette, pour ma part, que les comités départementaux pour la biodiversité n’aient pas été créés ou encore, sur le principe de prévention, la suppression de l’objectif « pas de perte nette ».

Enfin, quatorze de nos amendements ont été retenus en séance publique et d’autres ont été satisfaits au cours de la discussion.

Le groupe du RDSE votera unanimement en faveur du présent projet de loi. La nature, dans la richesse de sa diversité, est une source d’enseignement et d’innovation : le biomimétisme et la bio-inspiration sont les meilleures pistes de développement durable pour les entreprises du génie écologique, qui feront de la France un modèle d’excellence environnementale pour la croissance verte et bleue. Peut-être avons-nous pris conscience, aujourd'hui, des paroles du chef Seattle, qui, en 1854, disait : « Ce n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie : il en est seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la trame, il le fait à lui-même ». (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous achevons aujourd’hui l’examen en première lecture d’un texte qui, après l’impulsion donnée par le Grenelle de l’environnement, apporte sa contribution à l’inversion de la courbe de la fragilisation de la biodiversité. Néanmoins, avec un décalage de près de deux ans entre son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale et son examen par le Sénat, il m’est également arrivé de douter du caractère prioritaire de ce texte pour le Gouvernement…

Je commencerai par une remarque d’ordre général. L’importance de la préservation de la biodiversité ne fait de doute pour personne. Il s’agit d’un enjeu capital pour la survie de l’homme et celle de notre planète. Il existe aujourd'hui un consensus pour considérer que, au-delà de son apport fondamental à l’environnement, la biodiversité contribue à l’économie, à l’attractivité du territoire et offre une matière première essentielle favorisant l’innovation, notamment en matière agricole. Il est donc indispensable de lutter contre l’érosion de la biodiversité, et cet enjeu est loin d’être secondaire pour la France, où existe, tant en métropole qu’outre-mer, une réserve considérable de biodiversité.

Ainsi, tout au long de l’examen de ce texte, la préoccupation constante de notre groupe a été de favoriser la préservation de la biodiversité tout en l’articulant avec les contraintes, mais aussi les opportunités liées au développement économique.

Deux principes ont guidé notre démarche.

Nous avons décidé de ne pas adopter, dans la précipitation, des dispositions dont l’impact n’aurait pas été sérieusement mesuré. Car, pour répondre à l’intention proclamée par la ministre de l’écologie, passer d’une « écologie punitive » à une « écologie positive » nécessite d’être attentif aux conséquences de nos décisions.

Nous avons privilégié une approche constructive avec l’ensemble des acteurs de la biodiversité pour éviter une confrontation dogmatique qui aboutit invariablement à des blocages. Aussi, cette stratégie des « petits pas »…

Un sénateur du groupe Les Républicains. Ils sont considérables !

M. Hubert Falco. Énormes !

Mme Sophie Primas. … est peut-être plus lente, mais elle est plus efficace et plus solide que la logique antagoniste qui a trop longtemps prévalu dans nos débats ainsi qu’à l’Assemblée nationale.

Dans cette perspective, notre groupe a été l’origine d’améliorations substantielles de ce texte.

Nous nous félicitons de l’insertion par notre rapporteur, Jérôme Bignon, de la proposition de loi du président de notre groupe, Bruno Retailleau, sur le préjudice écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce texte avait été voté à l’unanimité par le Sénat.

Nous nous félicitons également de la ratification, sur l’initiative de notre rapporteur, du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages. Ce mécanisme met en œuvre le droit des États à protéger leur patrimoine, pour lutter notamment contre la biopiraterie et l’appropriation abusive de ressources collectives.

Toutefois, à l’issue de ce premier examen, des craintes subsistent pour les acteurs économiques autour de la notion de « nouvelle utilisation » et des risques de distorsion de concurrence déloyale au niveau international. Nous appelons de nos vœux à une réflexion sur ces sujets en deuxième lecture.

Concernant les secteurs de la chasse et de la pêche, nous nous sommes mobilisés avec le groupe d’études, tout particulièrement son président, Jean-Noël Cardoux, afin de rappeler le rôle essentiel des chasseurs et des pêcheurs, premières vigies de la biodiversité. Nous nous réjouissons de la suppression de dispositions provocatrices qui n’avaient pas leur place dans le projet de loi et menaient à des confrontations inutiles. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Ce texte ne doit pas constituer un plaidoyer pro ou anti-chasse et pêche ! Il doit se reposer sur ces acteurs incontournables pour administrer, dans la confiance et la responsabilité, la biodiversité.

Mme Sophie Primas. C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 38, qui permet par exemple de confier à un comité des pêches la gestion d’une réserve naturelle.

En ce qui concerne le secteur agricole, notre groupe s’est positionné avec force afin de rassurer une profession particulièrement inquiète. En effet, le monde agricole, exaspéré et fragilisé par les crises, découragé par les contraintes toujours plus nombreuses, ne doit pas être la cible de ce projet de loi, sans quoi, ce dernier sera totalement rejeté, y compris par nous !

Ainsi, dans le texte, pour sauver les espèces protégées, une approche partenariale a été préférée à la mise en place d’un nouveau zonage, engendrant la suppression des « zones prioritaires de biodiversité ». Les obligations réelles environnementales ont été sécurisées et encadrées juridiquement.

Les problématiques de compensation ont fait l’objet d’un large débat, même s’il reste un travail important à engager sur ce thème entre les deux lectures. La compensation ne peut pas être financiarisée, elle doit néanmoins être repensée pour corriger ses effets secondaires, notamment sur la consommation des terres agricoles, premier support de la biodiversité.

Nous tenons aussi à saluer la reconnaissance de l’activité humaine, en particulier de l’élevage, dans les paysages. Cette disposition constitue un signal certain adressé à une activité qui traverse aujourd’hui d’importantes difficultés.

Sur la question sensible des néonicotinoïdes, le Sénat a réaffirmé dans sa très grande majorité le rôle de l’ANSES et a adopté, dans sa sagesse, un amendement déposé par notre collègue Nicole Bonnefoy. Celui-ci permettra au ministère de l’agriculture de prendre un arrêté sur les conditions d’utilisation des néonicotinoïdes, au regard de l’avis de l’ANSES publié opportunément le 7 janvier 2016, tout en prenant en compte les conséquences sur la production agricole. À ce sujet, je tiens à le rappeler, l’ANSES ne préconise en aucun cas l’interdiction des néonicotinoïdes, mais émet des réserves sur leurs conditions d’utilisation sur certaines cultures et à certaines périodes. Au-delà du débat législatif, nous pourrions donc considérer qu’il appartient désormais à l’Agence d’intégrer les conclusions de son avis dans ses critères d’autorisation de mise sur le marché des produits phytosanitaires.

Enfin, et plus largement, le projet de loi est désormais épuré de mesures d’affichage de portée limitée, telles que l’obligation faite aux futurs centres commerciaux d’intégrer sur leur toiture des procédés de production d’énergies renouvelables ou des systèmes de végétalisation. Le Sénat a ainsi rempli son rôle en privilégiant l’obligation de résultat à l’obligation de moyens et en ne complexifiant pas des dispositifs par ailleurs déjà adoptés dans la loi ALUR ou la loi relative à la transition énergétique.

Néanmoins, un certain nombre de points nécessitent d’être retravaillés pour la seconde lecture et d’autres suscitent de vives réactions.

L’Agence française pour la biodiversité est conceptuellement une bonne idée, permettant de mutualiser les services et de définir une stratégie nationale de la biodiversité cohérente et partagée par tous les acteurs. Toutefois, nous opposons deux réserves.

La première concerne les modalités de son financement. En effet, sans moyen supplémentaire, la perspective de voir les budgets de chaque agence mutualisés dans un budget unique fait craindre un dévoiement du principe de fléchage des ressources, qui veut par exemple que « l’eau paye l’eau ». C’est d’ailleurs vraisemblablement ce qui a inquiété l’ONCFS.

La seconde réserve a trait à l’organisation territoriale.

Le principe de solidarité écologique est également une source d’inquiétudes pour les acteurs économiques. Il devra indiscutablement faire l’objet d’une expertise juridique plus poussée afin d’éviter les dérives trop souvent observées du principe de précaution.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Sophie Primas. Enfin, je tiens à exprimer, au nom de mon groupe, notre opposition totale à la disposition visant à créer une action de groupe spécifique pour les dommages environnementaux. Cet amendement, adopté par ailleurs contre l’avis du rapporteur et du Gouvernement, ouvre un champ d’application beaucoup trop large et exposerait les acteurs économiques à une insécurité juridique permanente.

Pour conclure (Marques d’impatience sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.), je dirai que nous avons un avis favorable à l’issue de cette première lecture mais que nous serons très attentifs à la seconde. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour le groupe UDI-UC.

Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme d’un débat que nous attendions depuis trop longtemps, le texte de loi que nous nous apprêtons à voter a abouti à un étrange compromis, qui satisfait des objectifs parfois contradictoires.

La biodiversité, ou « fraction du vivant sur la planète », est la condition de notre existence. Elle permet l’évolution et la résilience. De telles connaissances scientifiques sont aujourd’hui très abouties et doivent nous éclairer dans notre rôle de législateur. Or ce texte de loi respecte parfois la science, parfois les traditions.

Nous avons à plusieurs reprises été étonnés par la virulence de certaines oppositions, sur un sujet qui est pourtant scientifiquement bien étayé, comme si la biodiversité était une question de société. Il n’en demeure pas moins qu’aucune position n’est illégitime, car les transitions invoquées sont lourdes de conséquences économiques et sociales. J’entends les interrogations sur l’environnement, qui bloquerait nos projets et notre croissance. J’entends aussi ceux qui nous expliquent que, si nous étions si vertueux et si nous surtransposions véritablement les directives, nous n’aurions pas autant de contentieux avec l’Union européenne. J’entends surtout que, là où l’État devrait nous accompagner, il est trop souvent procédurier, et c’est bien le vrai sujet. Les débats ont donc été vifs, et c’est normal.

Monsieur Poher, vous vous êtes ému que l’on parle de la chasse, mais nous avons plus que jamais besoin de la chasse quand les équilibres naturels sont perturbés.

M. Bruno Sido. Très bien !

Mme Chantal Jouanno. Il est vrai que nous pouvons parfois avoir une vision différente du rôle de la chasse. Pour ma part, je ne la vois pas comme un loisir, mais comme un partenaire central dans la régulation des équilibres de la biodiversité. C’est pourquoi il me semblait absolument indispensable que les chasseurs intègrent l’Agence française pour la biodiversité. (MM. Alain Bertrand et Jeanny Lorgeoux applaudissent.) Tel n’est pas le cas, mais je pense que nous aurons l’occasion d’en reparler.

De nombreux articles du projet de loi constituent autant de messages très négatifs pour la biodiversité, tout du moins en raison de leur présentation. Ainsi, alors que le rythme d’extinction des espèces est de cinquante à six cents fois supérieur au rythme naturel et que la France a une responsabilité particulière dans le monde, nous avons refusé d’inscrire le principe de non-régression de la biodiversité dans le projet de loi. Pourtant, il s’agit, selon nous, d’un principe de bon sens. De même – c’est un sujet que vous connaissez bien, monsieur le rapporteur –, quel dommage de ne pas interdire le chalutage en eaux profondes ! (M. le rapporteur opine. Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

Mme Chantal Jouanno. Un siècle de dégâts, pour moins de 1 % des pêcheurs concernés !

Et je ne parle pas des néonicotinoïdes ! Derrière ce terme parfois barbare pour ceux qui ne le connaissent pas se cache un vrai sujet environnemental et de santé publique,…

M. Jean Bizet. C’est faux !

Mme Chantal Jouanno. … sur lequel nous sommes parvenus à un étrange compromis, qui ignore, monsieur Bizet, vous qui êtes si attaché à la science, les conclusions du rapport de l’ANSES.

M. Jean Bizet. Lisez l’étude scientifique sur le sujet !

Mme Chantal Jouanno. Il est regrettable que Mme la ministre de l’environnement ne soit pas cosignataire du fameux arrêté qui a été proposé, puisque les pollinisateurs ne sont pas seulement domestiques, ils sont aussi sauvages.

À l’inverse, très étrangement, ce texte contient des positions pour le moins audacieuses sur le plan écologique : il intègre l’action de groupe environnementale, dont il faudra bien peser les conséquences en termes de responsabilité des élus, il inscrit la notion de préjudice écologique dans le code civil, il étend la protection au plateau continental, il intègre les problématiques des perturbations nocturnes de la biodiversité, il défend les semences traditionnelles et la permaculture ou encore il instaure une taxation de l’huile de palme.

Nous aboutissons finalement à un texte étrange, traversé d’aspirations contradictoires. Il constitue tout de même une progression par rapport au droit existant en raison des deux avancées fondamentales que sont la création de l’Agence française pour la biodiversité et la ratification du protocole de Nagoya.

L’Agence française pour la biodiversité permettra d’opérer une mutualisation des moyens et de réaliser des expertises. Souhaitons qu’elle puisse aider les collectivités dans leur rôle central en matière de biodiversité.

Quant au protocole de Nagoya, il permet une protection des ressources génétiques. Les enjeux financiers étant énormes, il convient d’empêcher la spoliation des peuples autochtones de leurs connaissances traditionnelles et de leurs ressources. On adresse ainsi un signal fondamental selon lequel la biodiversité est un patrimoine naturel.

Pour conclure, je voudrais remercier tous les passionnés qui ont suivi ce débat. Ils ont parfois assisté à des oppositions virulentes, mais qu’ils sachent que nous parlons tous avec nos convictions. Je remercie également notre rapporteur, qui, lui aussi, est un passionné et le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a été présent tout au long de nos discussions.

Nombre de collègues de mon groupe se sont également investis dans ces travaux. Ils étaient parfois porteurs de positions contradictoires – il faut le reconnaître –, mais étaient tous animés d’une vraie sincérité. Au terme de ce débat, malgré les insatisfactions et les reculs, nous voterons donc majoritairement ce texte, parce qu’il reste un progrès par rapport au droit existant. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)

Ouverture du scrutin public sur le projet de loi

M. le président. Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues MM. Jean Desessard, Claude Haut et Jackie Pierre, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à quinze heures cinquante, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi

Explications de vote sur l'ensemble
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi (fin)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 131 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 295
Pour l’adoption 263
Contre 32

Le Sénat a adopté.

Avant de donner la parole à M. le secrétaire d'État, je souhaite en cet instant remercier le président de la commission et le rapporteur, dont, je le sais, la tâche n’a pas toujours été facile : le résultat atteste de la qualité du travail qu’ils ont effectué. (Applaudissements.)

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à excuser l’absence de Mme Royal, qui était en déplacement en Inde avec le Président de la République et qui est actuellement aux États-Unis, où elle participe au premier grand forum des investisseurs de l’économie bas carbone mis en place lors de la COP 21.

La biodiversité est directement liée aux enjeux climatiques. Les travaux du Sénat ont beaucoup amélioré le texte.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Nous tenons à vous en remercier, mesdames, messieurs les sénateurs. Après la COP 21, vous avez su transcender les clivages partisans pour rapprocher les points de vue en recherchant l’intérêt général de notre avenir commun et en mettant la France très en avance sur les enjeux de la biodiversité et du climat.

Ces trente-deux heures de débat ont permis d’enrichir le texte, que ce soit en créant l’Agence française pour la biodiversité, en autorisant le Gouvernement à ratifier le protocole de Nagoya pour lutter contre la biopiraterie, en protégeant nos agriculteurs face aux risques de la brevetabilité du vivant, ou encore en créant les nouveaux outils pour concilier écologie et économie et favoriser les emplois de la croissance verte et bleue.

Comme vous le savez, Ségolène Royal a retenu la plupart des propositions de vos commissions, celle de l’aménagement du territoire et du développement durable ainsi que celle des affaires économiques, en particulier lorsqu’elles ont souligné l’excès de demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances. Au terme d’un travail important, aucune habilitation du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ne subsiste dans le texte définitif.

Le Gouvernement veillera à ce que dans la suite du débat les travaux de l’Assemblée nationale respectent les travaux du Sénat. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

Ségolène Royal souhaite que ce texte puisse être examiné en deuxième lecture rapidement afin qu’il soit adopté dans les meilleurs délais.

Nous avons la conviction que votre œuvre fera date, dans l’histoire de cet hémicycle et dans celle du pays (Marques d’approbation sur de nombreuses travées.), car elle est tout entière dédiée à relever des défis majeurs, pour le temps présent et les temps à venir, et surtout parce qu’elle va permettre aux entreprises du génie écologique de développer leur activité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Scrutin public ordinaire sur la proposition de loi organique

M. le président. Nous passons au scrutin public ordinaire sur la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.

Ce texte prévoit pour l’essentiel que le président ou la présidente du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité figure parmi les personnalités dont la désignation est soumise à l’article 13 de la Constitution, ce qui donnera aux commissions permanentes compétentes des deux assemblées la possibilité de bloquer, à la majorité des trois cinquièmes, une nomination qui ne leur conviendrait pas. Il renforce donc les pouvoirs du Parlement.

M. Alain Vasselle. Très bien !

M. le président. En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 132 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l’adoption 341

Le Sénat a adopté.

Mes chers collègues, afin de permettre à la conférence des présidents de se réunir et avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Desessard,

M. Jackie Pierre

M. le président. La séance est reprise.

Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi (début)
Dossier législatif : projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
 

8

Conférence des présidents

M. le président. Mes chers collègues, je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui, à seize heures.

Elle a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

MARDI 26 JANVIER 2016

À 16 heureset le soir

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’information de l’administration par l’institution judiciaire et à la protection des mineurs (texte de la commission, n° 294, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (texte de la commission, n° 275, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

MERCREDI 27 JANVIER 2016

À 14 h 30

- Suite éventuelle de l’ordre du jour de la veille

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs (texte de la commission, n° 316, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois, avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 27 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat (texte de la commission, n° 311, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 27 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

MERCREDI 27 JANVIER 2016 (SUITE)

Le soir

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie (texte de la commission, n° 307, 2015-2016)

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

- Suite de l’ordre du jour de l’après-midi

JEUDI 28 JANVIER 2016

À 10 h 30

1 convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant la ratification du protocole relatif à la convention n° 29 de l’Organisation internationale du travail sur le travail forcé, 1930 (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 318, 2015-2016)

- Suite éventuelle de l’ordre du jour de la veille

- Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 296, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 27 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 30 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 27 janvier, à 17 heures

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat)

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 28 janvier, à 11 heures

Éventuellement,à 16 h 15 et le soir

- Suite de l’ordre du jour du matin

SEMAINE SÉNATORIALE

MARDI 2 FÉVRIER 2016

À 14 h 30

- Proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, présentée par MM. Philippe BAS, Bruno RETAILLEAU, François ZOCCHETTO et Michel MERCIER (n° 280, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 2 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 1er février, à 17 heures

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat)

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 2 février, à 12 h 30

À 17 h 45, le soir et, éventuellement, la nuit

- Suite de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, présentée par MM. Philippe BAS, Bruno RETAILLEAU, François ZOCCHETTO et Michel MERCIER (n° 280, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains)

MERCREDI 3 FÉVRIER 2016

De 14 h 30à 18 h 30(ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (texte de la commission, n° 269, 2015-2016)

MERCREDI 3 FÉVRIER 2016 (SUITE)

De 14 h 30à 18 h 30(ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain)(suite)

- Proposition de loi visant à permettre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation, présentée par M. Jean-Pierre SUEUR (procédure accélérée) (n° 284, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 2 février, à 17 heures

De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit (ordre du jour réservé au groupe RDSE)

- Proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l’article 1er de la Constitution, présentée par M. Jacques MÉZARD et plusieurs de ses collègues (n° 258, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 2 février, à 17 heures

MERCREDI 3 FÉVRIER 2016 (SUITE)

De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit (ordre du jour réservé au groupe RDSE)(suite)

- Proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires (n° 3, 2015-2016) et proposition de loi organique visant à supprimer le remplacement des parlementaires en cas de prolongation d’une mission temporaire (n° 4, 2015-2016), présentées par M. Jacques MÉZARD et plusieurs de ses collègues

Ces deux textes ont été envoyés à la commission des lois. Ils feront l’objet d’une discussion générale commune.

• Réunion de la commission pour le rapport et les textes : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 2 février, à 17 heures

JEUDI 4 FÉVRIER 2016

À 10 h 30

- Proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire présentée, en application de l’article 73 quinquies du Règlement, par M. Michel BILLOUT et plusieurs de ses collègues (rapport et texte de la commission, n° 270, 2015-2016) (demande du groupe communiste républicain et citoyen)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février, à 17 heures

- Suite éventuelle de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, présentée par MM. Philippe BAS, Bruno RETAILLEAU, François ZOCCHETTO et Michel MERCIER (n° 280, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains)

JEUDI 4 FÉVRIER 2016 (SUITE)

À 14 h 30, le soir et, éventuellement,la nuit

- Proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre, présentée par M. Michel LE SCOUARNEC et plusieurs de ses collègues (n° 256, 2015-2016) (ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances, avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février, à 17 heures

- Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin

- Proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (n° 225, 2015-2016) et proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (n° 226, 2015-2016), présentées par Mme Marie-Hélène DES ESGAULX, M. Jean-Léonce DUPONT et M. Jacques MÉZARD (demande du groupe Les Républicains)

Ces deux textes ont été envoyés à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission de la culture. Ils feront l’objet d’une discussion générale commune.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février, à 17 heures

SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

MARDI 9 FÉVRIER 2016

À 9 h 30

- 27 questions orales

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

• n° 1229 de M. Patrick MASCLET à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique

(Assouplissement des règles de gestion de trésorerie des communes)

• n° 1244 de M. Dominique de LEGGE à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique

(Communication du fichier DGF aux collectivités locales)

• n° 1248 de M. Jean-Paul FOURNIER à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

(Prise en compte de la problématique des « ruisseaux couverts » de l’ex-bassin houiller cévenol)

• n° 1258 de M. René DANESI à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

(Du glissement de la réglementation à la recommandation normative)

• n° 1259 de Mme Sylvie ROBERT à M. le secrétaire d’État chargé du budget

(Améliorations fiscales pour les établissements publics de coopération culturelle)

• n° 1262 de M. Yannick BOTREL à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

(Mise en œuvre des temps d’activités périscolaires dans les établissements privés)

• n° 1276 de Mme Maryvonne BLONDIN à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

(Situation des enfants intersexes)

• n° 1282 de M. Rémy POINTEREAU transmise à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

(Création d’une zone d’aménagement concerté)

• n° 1284 de M. Jacques GENEST transmise à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

(Assouplissement des normes pour les artisans et les petites et moyennes entreprises)

• n° 1285 de M. Mathieu DARNAUD transmise à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

(Avenir de l’artisanat et du commerce de proximité)

• n° 1287 de Mme Agnès CANAYER à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

(Difficultés d’accès aux mesures agro-environnementales et climatiques en Seine-Maritime)

MARDI 9 FÉVRIER 2016 (SUITE)

À 9 h 30(suite)

• n° 1290 de Mme Chantal DESEYNE à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

(Pénurie de médecins en Eure-et-Loir)

• n° 1292 de M. Philippe KALTENBACH à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

(Destruction de 750 logements sociaux récemment rénovés à Clamart)

• n° 1295 de M. Henri de RAINCOURT à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

(Traitement des déchets de certaines entreprises)

• n° 1297 de Mme Corinne IMBERT à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

(Mutualisation des fonctions de direction et comptabilité des centres sociaux)

• n° 1298 de M. Olivier CIGOLOTTI à M. le ministre de la défense

(Zones d’entraînement à très basse altitude et croissance verte)

• n° 1299 de Mme Marie-Pierre MONIER à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, de l’enfance, des personnes âgées et de l’autonomie

(Désengagement financier de certains départements pour les actions de prévention spécialisée)

• n° 1304 de M. Jean-Jacques FILLEUL à M. le ministre des finances et des comptes publics

(Situation fiscale des établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs)

• n° 1305 de M. Christian FAVIER à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice

(Accueil des mineurs isolés étrangers dans le département du Val-de-Marne)

• n° 1306 de M. François MARC à M. le ministre des finances et des comptes publics

(Circuits d’évasion fiscale organisée)

• n° 1308 de Mme Nicole BONNEFOY à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

(Présence de chlorure de vinyle monomère dans l’eau potable)

• n° 1309 de Mme Françoise FÉRAT à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

(Rénovation des voies de chemins de fer capillaires en France)

• n° 1310 de M. Dominique BAILLY à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

(Accueil des personnes handicapées au sein des établissements médico-sociaux en France)

• n° 1314 de M. Jacques MÉZARD à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

(Desserte ferroviaire d’Aurillac à Brive)

MARDI 9 FÉVRIER 2016 (SUITE)

À 9 h 30(suite)

• n° 1324 de M. Thierry FOUCAUD à M. le secrétaire d’État chargé du budget

(Urgence douanière)

• n° 1331 de M. Roland COURTEAU à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

(Étapes de réalisation de la ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan)

• n° 1353 de M. Jean-Claude LENOIR à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche(Mise en œuvre du plan numérique dans les établissements d'enseignement)

À 14 h 30, le soiret la nuit

- Sous réserve de son dépôt, projet de loi prorogeant l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence

Ce texte sera envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 8 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 9 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 7 minutes pour chaque groupe, à raison d’un orateur par groupe, et 3 minutes pour l’orateur des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 8 février, à 17 heures

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture.

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 26 janvier après-midi, mercredi 27 janvier matin, après-midi et, éventuellement, le soir

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 4 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 9 février matin et à la suspension de l’après-midi, mercredi 10 février matin et à la suspension de l’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 2 heures

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 8 février, à 17 heures

MERCREDI 10 FÉVRIER 2016

À 14 h 30, le soiret la nuit

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016)

JEUDI 11 FÉVRIER 2016

À 10 h 30

- Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes par M. Didier MIGAUD, Premier président de la Cour des comptes

• Temps attribué à la commission des finances : 10 minutes

• Temps attribué à la commission des affaires sociales : 10 minutes

4 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant la ratification du traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali (n° 483, 2014-2015)

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Nouvelle-Zélande concernant le statut des forces en visite et la coopération en matière de défense (n° 340, 2014-2015)

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Lituanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité (n° 74, 2014-2015)

=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Croatie relatif à la coopération dans le domaine de la défense (n° 803, 2013-2014)

• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 9 février, à 17 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016)

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site internet du Sénat)

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 11 février, à 11 heures

À 16 h 15, le soir et, éventuellement,la nuit

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016)

ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 12 FÉVRIER 2016

À 9 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement,le soir

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016)

MARDI 16 FÉVRIER 2016

À 15 h 15

- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016)

• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 15 février, à 17 heures

De 16 heuresà 16 h 30

- Vote solennel par scrutin public, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016)

À 16 h 30

- Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016)

À 16 h 45

- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat)

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 16 février, à 12 h 30

À 17 h 45et le soir

- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture du projet de loi portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l’immigration (AN, n° 3128)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 16 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 février, à 17 heures

MERCREDI 17 FÉVRIER 2016

À 14 h 30

- Suite de l’ordre du jour de la veille

- Proposition de loi organique (n° 278, 2015-2016) et proposition de loi (n° 279, 2015-2016), adoptées par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle

Ces textes ont été envoyés à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission de la culture. Ils feront l’objet d’une discussion générale commune.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et les textes : mercredi 10 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 février, à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 16 février, à 17 heures

À 17 h 30

- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 18 et 19 février

 Intervention liminaire du Gouvernement : 10 minutes

 8 minutes attribuées à chaque groupe politique et 5 minutes aux sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 16 février, à 17 heures

 8 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et à la commission des affaires européennes

 Après la réponse du Gouvernement, débat spontané et interactif de 1 heure : 2 minutes maximum par sénateur avec possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes

Le soiret la nuit

- Suite de l’ordre du jour de l’après-midi

Je consulte le Sénat sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Ces propositions sont adoptées.

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Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.

M. Jean Louis Masson. Fin 2015, je suis déjà intervenu pour faire un rappel au règlement au sujet des conditions de plus en plus déplorables dans lesquelles le Gouvernement répond aux questions écrites des parlementaires.

Plusieurs collègues m’ont indiqué que les choses allaient de mal en pis et, depuis mon précédent rappel au règlement, j’ai également constaté une dérive supplémentaire ! Celle-ci m’a d’ailleurs été confirmée grâce aux statistiques réalisées par les services du Sénat sur le taux de réponse du Gouvernement.

Cela étant, un collègue a interrogé le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement par le biais d’une question écrite portant sur le même sujet. Ledit secrétaire d’État a été lui-même incapable de répondre dans les délais ! Il a répondu six mois après…

Si même le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement se moque complètement du Parlement et est totalement indifférent à ce problème, où allons-nous ? La moindre des choses pour un secrétaire d’État chargé de ce portefeuille est qu’il fasse au moins semblant de respecter le Parlement, en tenant compte des délais de réponse aux questions écrites.

En outre, dans cette réponse, le Gouvernement indiquait, comme d’habitude, qu’il y a beaucoup de questions écrites… C’est totalement faux, puisque, à l’Assemblée nationale, chaque député n’a plus la possibilité de poser qu’une seule question écrite par semaine. Et si, au Sénat, un certain nombre d’entre nous – dont je suis – posent parfois des questions écrites répétitives, c’est tout simplement parce que nous n’avons pas de réponse ! Récemment, j’ai été obligé de poser de nouveau une dizaine de questions, qui avaient été déposées il y a plus de deux ans et qui, faute de réponse, étaient devenues caduques… Or j’avais déjà été contraint de poser ces questions deux fois il y a plus de deux ans, faute de réponse…

Si le Gouvernement ne fait pas son travail, nous sommes effectivement obligés de poser quatre fois une question sur un même sujet… Et tout cela, pour ne toujours pas avoir de réponse ! Nous sommes vraiment dans une situation particulière…

Nous avons, certes, la possibilité de poser des questions orales, ce que j’ai fait ce matin. J’ai donc été obligé de poser une question orale pour avoir une réponse…

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean Louis Masson. J’ai calculé que, si je dois poser une question orale pour obtenir une réponse aux questions écrites auxquelles je n’ai pas eu de réponse et en monopolisant toutes les questions orales de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, je serai amené à poser de telles questions jusqu’en 2022 !

Quelque chose ne va pas ! Et j’aimerais bien que le Gouvernement soit un peu plus correct avec le Sénat.

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Par ailleurs, cette question a été soulevée lors de la conférence des présidents.

M. Jacques Mézard. Oui, et par moi !

M. le président. Le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement s’est engagé à faire le nécessaire auprès des membres du Gouvernement pour qu’ils répondent aux questions écrites.

M. Jean Louis Masson. Il faudrait que lui-même commence à répondre…

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Dossier législatif : projet de loi relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs
Discussion générale (suite)

Information de l'administration et protection des mineurs

Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs
Article 1er A (nouveau)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’information de l’administration par l’institution judiciaire et à la protection des mineurs (projet n° 242, texte de la commission n° 294, rapport n° 293).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner un projet de loi tout entier dédié à l’information de l’administration par l’institution judiciaire et à la protection des mineurs.

Ma collègue garde des sceaux étant retenue par un Conseil européen à Bruxelles, je m’exprimerai devant vous en notre nom à toutes les deux.

Vous vous en souvenez évidemment, au cœur de l’été dernier, nous avions déjà abordé avec vous ces questions. Et dès la décision rendue par le Conseil constitutionnel, nous avions pris l’engagement de revenir devant le Parlement avec un nouveau texte et de prendre toutes les garanties juridiques pour trouver le juste équilibre entre, d’une part, l’impératif de protection des mineurs et, d’autre part, l’exigence tout aussi importante de respect de la présomption d’innocence.

C’est précisément cet équilibre qui a été atteint dans le texte examiné par l’Assemblée nationale et adopté – je le rappelle – à l’unanimité des députés le 8 décembre dernier.

Votre assemblée ne s’est pas désintéressée non plus de cette question, en y apportant cependant une réponse très différente, sur le fond, de celle du Gouvernement. Vous avez ainsi adopté, à l’automne dernier, la proposition de loi de Mme Catherine Troendlé visant à rendre effective l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs pour une personne condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur.

Je ne vous l’apprends pas, l’adoption de cette proposition de loi n’a pas conduit le Gouvernement à renoncer au principe d’un projet de loi. Et j’estime que le présent texte est à la fois mieux centré sur la réponse à apporter aux dysfonctionnements systémiques, qui ont été constatés par les inspections générales de nos ministères en Isère et en Ille-et-Vilaine, et qu’il bénéficie de la sécurité juridique fournie par l’examen du Conseil d’État.

Au fond, ce que la garde des sceaux et moi-même avons voulu, c’est vous proposer un projet de loi de principe permettant d’en finir avec une situation insécurisante pour les magistrats, inconfortable pour les administrations et, à dire vrai, inconcevable pour les familles, qui, toutes, nous ont dit leur attente d’un service public irréprochable et exemplaire.

Ce n’est pas que rien n’ait été fait ces dernières années, mais nous avions collectivement toléré d’en rester à un cadre incertain et de vivre sur une faille juridique béante, visible de tous, et d’abord visible et connue des prédateurs – il ne faut pas en douter un instant !

Ce dont nous discutons – vous le savez bien – n’est ni virtuel ni exceptionnel. Et la tragédie qui s’est déroulée l’an passé à Villefontaine nous a fait prendre conscience de l’urgence qu’il y avait à donner enfin un cadre juridique clair à des transmissions d’informations trop souvent incertaines et traitées de manière aléatoire par la justice.

Avec ce projet de loi, nous adressons donc à la société un signal fort de notre intransigeance à l’égard de ces violences insoutenables, mais aussi un signal de la détermination commune de nos institutions pour combattre celles-ci.

En particulier, nous avons voulu fixer enfin dans la loi la réponse à plusieurs questions difficiles : celle du moment où il convient de transmettre les informations ; celle des agents concernés par cette transmission ; celle, enfin, des infractions qui rendent cette dernière nécessaire.

Nous introduisons donc deux articles nouveaux dans le code de procédure pénale avec la volonté, d’une part, de déterminer un cadre général qui concerne toutes les administrations et tous les agents et, d’autre part, de définir un régime particulier visant les personnes en contact habituel avec des mineurs et pour des infractions qui sont spécifiquement énumérées.

Ces dispositions forment l’essentiel du projet de loi, qui comporte également des nouveautés concernant les contrôles judiciaires et modifie d’autres codes – le code de l’action sociale et des familles, le code du sport et le code de l’éducation.

Je note que ces dernières dispositions sont assez consensuelles, ce qui tranche avec les deux principaux articles que j’évoquais plus tôt et au sujet desquels nous avons, avec le texte soumis au débat, des divergences de fond, dont les amendements, que le Gouvernement a déposés sur le texte de votre commission, témoignent.

À ce stade, je voudrais simplement vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles ont été nos intentions.

Je l’ai dit en introduction à mon propos, nous avions en quelque sorte l’obligation de concilier deux exigences essentielles dans ce projet de loi. D’un côté, nous avons l’obligation juridique et morale d’assurer la protection des mineurs qui sont placés sous la responsabilité de nos institutions et de nos administrations ; de l’autre, nous avons aussi l’impérieuse nécessité de respecter les grands principes de notre droit, en particulier la présomption d’innocence, que nous devons à toute personne poursuivie.

Parce que je connais votre sensibilité légitime sur ce sujet, nous avons apporté, avec le concours du Conseil d’État et la contribution de l’Assemblée nationale, le plus grand soin à vous proposer un texte dans lequel l’affirmation des principes s’accompagne de garanties fortes et proportionnées à chacune des hypothèses que nous avions à traiter.

En effet, se contenter d’une information au stade de la condamnation définitive, comme le proposent les auteurs de certains amendements, reviendrait à priver les procureurs de toute capacité à informer les administrations d’un danger. Et à cela, je ne m’y résous pas !

Je ne souscris pas davantage au refus de principe d’une délivrance d’information laissée à l’appréciation des procureurs, en cours de procédure, voire en cas de garde à vue ou d’audition libre, dès lors qu’il existe des indices graves ou concordants d’une participation à des délits ou crimes très graves.

Si je ne partage pas le raisonnement adopté par la commission des lois, ce n’est pas par dogmatisme, car je suis, comme vous, très attachée au respect de la présomption d’innocence, mais c’est parce que nous avons, avec ce projet de loi, trouvé l’équilibre juste qui permet d’apporter aux personnes mises en cause des garanties et des protections fortes que je veux rappeler : une telle personne qui fera l’objet d’un signalement à son administration sera informée de cette transmission d’informations. Si celle-ci intervient très en amont, c’est-à-dire au stade de la garde à vue ou de l’audition libre, la personne pourra faire une déclaration, qui sera consignée dans un procès-verbal. Toute transmission s’effectuera par écrit.

Si la décision de justice conclut à l’absence de culpabilité, il faudra non seulement que l’autorité judiciaire transmette à l’employeur cette décision, mais aussi que la mention antérieure soit effacée du dossier de la personne concernée. Nous rappelons par ailleurs dans ce texte que l’obligation du secret professionnel s’applique à tout destinataire de ces informations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous n’avons pas voulu opposer dans ce texte la protection des mineurs et la présomption d’innocence. Nous n’avons pas voulu renoncer sur l’autel de l’efficacité institutionnelle aux principes essentiels et aux garanties dues aux personnes mises en cause, mais nous n’avons pas davantage voulu éviter cette confrontation des principes ou bien refuser de trancher, précisément parce que les professionnels, sur le terrain, nous demandent de prendre nos responsabilités et de leur apporter enfin un cadre juridique sécurisé.

Tel est le sens du projet de loi que nous avons préparé. Il représente une rupture majeure dans les relations entre l’autorité judiciaire et l’administration, mais il est respectueux de la Constitution. En effet, le Conseil d’État nous a assurés, au terme de son étude, que ce texte parvenait à préserver l’équilibre essentiel entre une protection des mineurs renforcée et le respect de la présomption d’innocence.

Voilà l’esprit du projet de loi que je défends et que je défendrai encore devant vous avec détermination lors de nos échanges. Je le ferai parce que les professionnels de terrain, mais aussi tous les acteurs que nous avons consultés, adhèrent très largement aux principes que nous avons retenus et sont déjà prêts à les mettre en œuvre.

La garde des sceaux et moi-même avons beaucoup travaillé pour créer les conditions d’un changement radical des pratiques dans nos deux institutions et mettre en œuvre l’intégralité des recommandations du rapport des inspections générales, afin que les liens aléatoires qui pouvaient exister entre nos services deviennent des procédures claires et sécurisées.

Dès le printemps 2015, nous avions réuni à la Sorbonne les procureurs généraux et les recteurs d’académie – ces deux corps se trouvaient rassemblés pour la première fois –, afin de leur rappeler la grande vigilance dont ils doivent faire preuve dans ces domaines. Nous les avions aussi chargés de travailler pour améliorer la fluidité des échanges d’information entre nos services.

À la rentrée dernière, nous avons installé des référents « éducation nationale » dans chaque parquet et des référents « justice » dans chaque rectorat. Nous avons, par circulaire commune du 16 septembre 2015, mis en place des procédures officielles et sécurisées d’échange d’informations. En fin d’année dernière, les référents de mon ministère ont été formés pendant trois jours avec l’appui de la Chancellerie, pour que chacun maîtrise ces nouvelles procédures et connaisse le cadre juridique dans lequel s’inscrit cette transmission d’informations, ainsi que les décisions que l’administration sera amenée à prendre, à titre conservatoire ou disciplinaire.

Avec le renfort de ce projet de loi, nous pourrions donc enfin construire ce que vingt-deux circulaires n’étaient pas parvenues à créer. Voilà notre ambition et voilà le défi que nous devons collectivement relever, avec votre soutien, je l’espère, mesdames, messieurs les sénateurs !

Ce texte est très attendu. Les administrations seront ainsi sécurisées, mais elles seront aussi pleinement responsabilisées, car nous avons tenu à ce que les garanties s’imposent non seulement au parquet avant qu’il transmette une information, mais aussi à l’administration détentrice d’une information communiquée par l’autorité judiciaire.

C’est pour cela que tous les destinataires de l’information au sein de l’administration seront soumis au secret professionnel. C’est pour cela aussi que toutes les transmissions devront se faire par écrit. C’est pour cela enfin que les informations figurant au dossier de l’agent devront être effacées lorsque l’enquête se sera conclue par une décision de non-culpabilité.

Je vous ai dit que nous souhaitions tirer toutes les conséquences du rapport des inspections générales. Celles-ci nous ont invités au débat que nous avons aujourd’hui ; mais elles nous ont aussi rappelé une situation préoccupante que je veux évoquer en citant ce rapport : « Rien ne permet d’affirmer, à ce jour, que toutes les condamnations concernant des agents en fonction dans des établissements scolaires ont bien été transmises à l’éducation nationale ; il ne peut, en conséquence, être exclu que des situations identiques à celles de l’Isère et de l’Ille-et-Vilaine se reproduisent ».

M. Pierre-Yves Collombat. Parce que l’administration ne fait pas son boulot !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Face à cette situation, le Gouvernement a pris ses responsabilités. Jusqu’alors, l’administration n’avait accès au bulletin n° 2 du casier judiciaire de ses fonctionnaires qu’au moment du recrutement. Nous avons donc, après avoir consulté le Conseil d’État et la CNIL, publié, le 31 décembre dernier, un décret qui nous permettra désormais d’avoir une vision précise du bulletin n° 2 du casier judiciaire de nos agents sur l’ensemble de leur carrière.

Enfin, j’ai pris mes responsabilités en faisant publier ce matin même au Journal officiel un arrêté qui définit cette procédure de contrôle pour les agents de mon ministère. Ce texte, pour lequel la CNIL a donné un avis favorable, est très important, car près de 850 000 agents de l’éducation nationale pourront ainsi voir leur casier contrôlé.

Cette procédure, je le dis clairement, est non pas un acte de défiance à l’égard des agents de mon administration, mais un engagement collectif pour que des dysfonctionnements majeurs tels que ceux que nous avons connus ne se reproduisent plus. J’ai évidemment consulté les organisations syndicales qui adhèrent à cette opération nécessaire.

Comme ma collègue Christiane Taubira, je suis déterminée à tenir les engagements que nous avons pris : l’engagement de ne plus laisser nos professionnels se débrouiller seuls avec un cadre flou et insécurisant ; l’engagement de ne plus seulement dénoncer les dysfonctionnements, mais d’agir résolument.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ignore pas que les drames qui sont survenus dans l’Isère au printemps dernier vous ont tout autant marqués que nous. Je sais que chacun d’entre vous a beaucoup réfléchi à ces questions et que votre rapporteur et votre commission vous proposent une solution assez différente de celle que nous vous avons présentée.

Vous aurez donc un choix à faire dans quelques instants et je vous engage sincèrement à suivre les propositions que je vous soumettrai lors de l’examen de ce texte. Vous feriez ainsi le choix d’une loi ambitieuse, qui pourrait être mise en œuvre immédiatement, comme l’ont souhaité unanimement vos collègues députés. Vous feriez aussi le choix d’une loi respectueuse de nos valeurs, attentive à préserver les équilibres, même lorsqu’il s’agit d’affaires extrêmement pénibles que nous aimerions ne plus revoir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée est de nouveau réunie pour débattre de la question des communications d’informations entre l’autorité judiciaire et l’administration. J’ai bien dit l’« autorité » judiciaire, car l’intitulé du texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale mentionnait l’« institution » judiciaire. La différence peut paraître anecdotique, mais elle a constitué pour nous un premier signal : une telle approximation dans le titre du projet de loi pouvait laisser à penser que son examen avait peut-être été insuffisant et que sa rédaction était perfectible.

Nos discussions s’inscrivent dans le prolongement des affaires dramatiques dites « de Villefontaine » et « d’Orgères » qui avaient malheureusement défrayé la chronique. L’été dernier, le Gouvernement avait donc déposé des amendements lors de l’examen d’un texte de transposition de directives européennes, amendements qui avaient été adoptés. Tout à fait logiquement, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions, dans la mesure où elles n’avaient aucun lien avec le texte étudié. En l’espèce, il a laissé entendre qu’il ne fallait pas confondre vitesse et précipitation.

Au Sénat, nous savons ce qu’est la vitesse, puisque, le 20 octobre dernier, la Haute Assemblée a, exactement sur le même sujet, discuté et adopté une proposition de loi très proche du texte qui nous est proposé aujourd’hui, déposée par notre collègue Catherine Troendlé, qui s’était d’ailleurs beaucoup investie. Malheureusement, de façon assez incompréhensible, le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont refusé que la navette parlementaire se poursuive, ce que je déplore, alors que ce texte apportait une réponse aux attentes du Gouvernement, en dépit de quelques divergences de vues. La poursuite de la navette parlementaire nous aurait surtout permis de gagner du temps !

Le Gouvernement a donc décidé de ne pas s’intéresser au travail parlementaire, autrement que comme référence, de perdre du temps et de nous présenter aujourd’hui ce projet de loi qui revient sur des questions que nous avons déjà abordées à maintes reprises et qui, pour l’essentiel, recueillent un consensus.

Or, madame la ministre, je n’ai pas bien compris comment vous pourriez créer une divergence de vues artificielle entre le Sénat et vous-même, car nous sommes quasiment d’accord sur tout. Nous vous proposons même d’aller un peu plus loin en matière de contrôle judiciaire. Le seul point sur lequel nous ne transigerons pas est le respect des principes constitutionnels, en l’occurrence la présomption d’innocence.

L’article 1er du présent texte est le plus important, car il modifie de manière très substantielle le code de procédure pénale. Je dois dire que c’est un honneur de vous accueillir, madame la ministre de l’éducation nationale, à l’occasion de l’examen de ce texte, car votre avis nous aurait manqué.

Toutefois, nous aurions également aimé entendre Mme Taubira, garde des sceaux, s’exprimer devant nous sur ce sujet très important, d’autant plus que les modifications envisagées ont donné lieu à des appréciations très divergentes, non seulement au Sénat, mais également dans le monde de la magistrature – je veux parler de la Conférence nationale des procureurs généraux et la Conférence nationale des procureurs de la République. En effet, l’opinion de Mme le garde des sceaux ne nous a pas toujours paru très claire sur cette question et il aurait été intéressant de la confronter avec les hésitations de certains parlementaires présents cet après-midi dans notre hémicycle. Nous comprenons cependant qu’elle doive répondre à des obligations internationales et nous vous remercions, madame la ministre, d’être présente aujourd’hui.

L’article 1er crée un régime général de communication d’informations à l’administration. J’attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que les décisions susceptibles d’être transmises pourraient concerner une condamnation, même non définitive, la saisine d’une juridiction de jugement ou une mise en examen. Ce régime trouverait à s’appliquer à un large champ d’infractions qui ne se limite pas aux infractions sexuelles commises contre des mineurs. Il s’agit de la possibilité, pour le parquet, d’informer l’autorité administrative de tous les crimes ou délits punis d’une peine d’emprisonnement.

Ce régime général s’appliquerait non seulement aux administrations, mais aussi aux personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public – pour l’essentiel des associations –, ainsi qu’aux ordres professionnels.

Parallèlement est créé un régime d’information renforcé pour les infractions les plus graves, notamment contre des mineurs, commises par des personnes exerçant une activité supposant un contact habituel avec des mineurs. En vertu de ce régime, le ministère public serait tenu d’adresser à l’administration les décisions de condamnation et de placement sous contrôle judiciaire assorties de l’interdiction d’exercice d’une activité au contact habituel de mineurs. Pour ces mêmes infractions, le ministère public aurait également la possibilité d’informer l’administration ou l’employeur de la garde à vue ou de l’audition libre, lorsqu’il existerait des indices graves ou concordants… – je n’insiste pas davantage, puisque je m’adresse à des spécialistes des questions pénales.

Lors de son examen par les députés, le projet de loi n’a fait l’objet que de modifications rédactionnelles. Ce consensus assez étonnant a succédé à des débats très rapides. Je m’en étonne, car le sujet est loin d’être anecdotique. Lors des discussions des textes précédents, de nombreuses hésitations et divergences de vues avaient pu être constatées au sein des groupes politiques les plus nombreux.

Je veux le redire très clairement, au Sénat, personne ne conteste la nécessité d’assurer la protection la plus efficace possible aux mineurs contre les auteurs d’agressions sexuelles, en particulier dans le milieu scolaire, mais je veux redire aussi que, en tant que législateurs d’un État de droit, nous sommes tenus au respect absolu de notre ordre constitutionnel, dont fait partie intégrante le principe de la présomption d’innocence, qui suppose le respect du secret de l’instruction et de l’enquête.

Entre ces deux exigences contradictoires, le chemin est particulièrement étroit, mais j’ai le sentiment que le texte de la commission des lois, qui connaît ce sujet depuis des années, parvient mieux à les concilier que la version qui nous a été transmise par l’Assemblée nationale, et à laquelle semble tenir le Gouvernement.

Pour ce qui concerne la phase située après une reconnaissance de culpabilité, il n’y a aucune difficulté : la transmission systématique de l’information est bien sûr nécessaire et va de soi.

De même, comme nous l’avions prévu dans la proposition de loi votée au mois d’octobre, nous souhaitons que la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité auprès de mineurs soit, en cas d’infractions sexuelles en lien avec les mineurs, prononcée de manière plus systématique, dans le respect des prescriptions du Conseil constitutionnel sur l’individualisation des peines.

À cet égard, je dois dire, madame la ministre, que nous ne comprenons pas votre position : nous vous faisons une proposition qui est complètement dans l’esprit de ce que vous défendez, à savoir permettre qu’il y ait plus de décisions de justice assorties du contrôle judiciaire, et vous vous y opposez mordicus. Il s’agit là d’une contradiction que, je le répète, nous n’arrivons pas à comprendre. En tout cas, sur ce point, j’appelle le Sénat à reprendre la position qu’il avait retenue au mois d’octobre.

S’agissant de la transmission d’informations pénales sur des procédures en cours, la commission des lois a logiquement infléchi sa position. J’y insiste, cet infléchissement n’allait pas de soi et il a suscité un débat très approfondi, bon nombre de membres de la commission demeurant résolument hostiles à toute idée d’une communication avant condamnation. Telle n’est pas la thèse que je défends en cet instant, mais il faut savoir qu’elle est soutenue par certains parlementaires.

Si nous avons accepté, au regard de l’avis du Conseil d’État, le principe d’une information en cas de mise en examen ou de renvoi devant une juridiction de jugement, nous y avons posé deux conditions : d’une part, une telle information doit demeurer facultative, car il faut faire confiance aux magistrats, et, d’autre part, elle doit s’accompagner de garanties réelles, avec un minimum de contradictoire, ce qui permettra à la personne mise en cause simplement de faire connaître sa position.

Pour le reste, nous nous en sommes tenus à notre position constante, c’est-à-dire le refus d’autoriser l’information de l’administration dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre. Une telle information porterait en effet une atteinte tout à fait excessive à la présomption d’innocence. Je précise, puisque vous avez cité les magistrats tout à l’heure, madame la ministre, que la Conférence nationale des procureurs généraux et la Conférence nationale des procureurs de la République y sont tout à fait défavorables.

De plus, j’ai conscience de m’exprimer devant bon nombre d’élus locaux, qui ont tous compris qu’il s’agissait d’un transfert de responsabilité du juge vers l’employeur, souvent le maire – certains d’entre nous sont actuellement confrontés à ce type de sujet –, or nous ne souhaitons pas que ce transfert se fasse sans un minimum de garanties. En effet, ce dispositif peut avoir des conséquences importantes sur la vie des administrations, les relations avec les syndicats, et entraîner des recours en tout genre auprès des juridictions administratives.

La commission a, dans le même esprit, exclu certaines infractions du régime de transmission obligatoire. Je ne développe pas ce point, qui fait l’objet d’un consensus.

En tout état de cause, l’efficacité de ces mesures se heurtera nécessairement aux moyens dont disposent actuellement les parquets. Souvenons-nous que M. Nadal, au mois de novembre 2013, pointait la lourde charge de travail des magistrats des parquets et des greffes « qui ne peuvent plus répondre à l’ensemble de leurs missions ».

À cette inadaptation des effectifs du parquet s’ajoute celle des moyens informatiques, avec les dysfonctionnements du logiciel Cassiopée, que tous les spécialistes connaissent.

Mes chers collègues, aujourd’hui, les parquets ne disposent pas d’outils d’alerte informatiques leur permettant de remplir la mission que vise à leur confier ce projet de loi, et l’étude d’impact précise que lesdits moyens informatiques ne seront pas déployés avant l’échéance du premier trimestre 2017. Ainsi, on comprend mal que le Gouvernement nous oppose l’urgence, même si nous partageons ce sentiment, tout en avouant que les moyens n’y sont pas actuellement.

Par ailleurs, je m’étonne que le Gouvernement évalue à quinze minutes le temps nécessaire à un magistrat du parquet pour décider de transmettre ou non l’information. Ce n’est franchement pas sérieux ! (Mme Catherine Troendlé manifeste son accord.) Si Mme Taubira avait été présente, je pense qu’elle en serait convenue diplomatiquement.

Au total, nous sommes un peu dubitatifs, et vous comprendrez, madame la ministre, que nous ayons apporté des modifications qui sont, de votre point de vue, très significatives, mais qui, à notre sens, respectent l’esprit du texte. C’est aussi une façon pour nous de rappeler que le texte que nous avions déposé était assez conforme au vôtre.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d’adopter le projet de loi ainsi modifié. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot.

M. Jacques Bigot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, effectivement, les agressions sexuelles n’ont jamais été virtuelles et elles ne sont pas apparues récemment. Simplement, pendant très longtemps, elles n’ont pas été connues ni poursuivies ; pis, elles étaient parfois même tolérées.

Les agressions sexuelles à l’égard des mineurs, qu’elles se produisent dans le cercle familial ou dans le milieu scolaire, sont intolérables et doivent être réprimées. Elles sont souvent dues à des comportements pulsionnels que certaines personnes ne savent pas maîtriser et que nous devons savoir freiner en temps utile.

En 2015, à Villefontaine et à Orgères, sont survenus des faits que tout le monde connaît désormais. À chaque fois, il s’agissait de personnes qui avaient déjà été condamnées en 2006 et 2008 ; s'agissant de l'affaire d'Orgères, le prévenu avait en plus fait l’objet de poursuites en 2011. À cet égard, Mme la ministre, je vous sais gré de ne pas avoir fait de politique politicienne en renvoyant la responsabilité de ces affaires sur les personnes alors au pouvoir. Là n’est pas le sujet.

Comme vous l’avez dit et reconnu, il est exact aussi que vingt-deux circulaires de ministres de la justice successifs n’ont pas réussi à aboutir à un résultat. Espérons que nous ferons mieux, mais il faut bien reconnaître que ces questions, au-delà de la loi, restent complexes.

À la suite des affaires que j’ai évoquées, vous avez su, avec Mme la garde des sceaux, réagir très rapidement en mettant en place une mission conjointe à vos deux administrations. Celle-ci a remis, avant l’été 2015, un rapport comprenant quinze préconisations, dont neuf de nature technique et réglementaire, que vous avez très vite reprises dans une circulaire conjointe du 16 septembre 2015 généralisant les référents « justice » et les référents « éducation nationale », dont vous avez parlé.

Par ailleurs, la mission préconisait six mesures d’ordre législatif qui doivent permettre aux procureurs, et parfois même les obliger, à donner des informations à des administrations ou à des organismes employant ces personnes condamnées ou soupçonnées, de manière à prévenir des infractions.

Madame la ministre, à partir du constat que des infractions sexuelles sur des mineurs avaient pu être commises par des personnes ayant été condamnées préalablement pour détention d’images pédopornographiques, vous avez toutefois souhaité aller plus loin avec ce texte et prévoir une information générale à l’égard de toute administration pour des infractions commises.

Cette volonté pose des problèmes de principe, et, vous avez raison, monsieur le rapporteur, le Sénat ne doit pas être timoré sur ce sujet, mais il doit surtout être sage et garant des principes fondamentaux.

Ainsi, nous devons absolument respecter la présomption d’innocence, que rappellent la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, même si elle est mise à mal quotidiennement par la presse. Il est exact qu’un enseignant mis en garde à vue peut fort bien faire l’objet d’une dénonciation par voie de presse. Est-ce pour autant un comportement que l’autorité peut se permettre ? C’est un autre sujet, mais, en même temps, nous devons tenir compte de ce contexte médiatique qui s’impose à nous.

Lorsque la personne a été condamnée, il n’y a pas de difficulté, puisque la condamnation est le fruit d’un jugement en audience publique, donc par définition connu. Partant, celui-ci peut être naturellement communiqué.

Lorsque la personne condamnée en première instance fait appel et que les voies de recours ne sont pas épuisées, nous sommes dans la même situation, dans la mesure où une condamnation a été rendue publique, même si les voies de recours ouvertes rendent possible une relaxe de l’intéressé.

Dans ces deux cas, l’information est légitime et ne pose pas de problème. Elle doit simplement être organisée. À ce sujet, j’espère que votre circulaire, avec la mise en place des référents « justice », la sensibilisation des procureurs et des magistrats, la fourniture de moyens, notamment informatiques, y parviendront.

La situation devient un peu plus compliquée lorsque la personne concernée fait l’objet de mesures d’investigation, mais n’est pas encore condamnée.

S’il s’agit d’une mise examen, le juge d’instruction saisi peut ordonner une mise sous contrôle judiciaire, ce qui lui permet de prendre éventuellement un certain nombre de précautions, notamment l’interdiction de fréquenter l’établissement scolaire ou de fréquenter des enfants.

Cependant, il faut savoir que, dans nombre de cas, notamment dans les poursuites engagées pour consultation de sites internet ou détention de vidéos pédopornographiques, la condamnation intervient après une citation directe en correctionnelle plutôt qu’après une procédure, par nature lourde, menée par un juge d’instruction.

Le contrôle judiciaire n’étant donc pas possible, la solution est alors la communication par le procureur de la République, à laquelle il peut procéder, aussi bien pour un mineur que pour un majeur, à condition, comme le précise le Conseil d’État, de préserver un juste équilibre entre les droits ou intérêts légitimes de la personne et les impératifs de protection d’autres droits ou intérêts de même valeur.

C’est bien cette question de la balance, sur laquelle la justice se penche en permanence, qu’il nous faut avoir à l’esprit en examinant ce texte. Ce n’est pas simple et, pourtant, madame la ministre, je crois que vous avez trouvé, avec l’Assemblée nationale, des solutions qui sont différentes et qui vont bien plus loin que celles que prévoit la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé et que le Sénat a votée en octobre.

Dans la phase préparatoire de ce texte, le Conseil d’État vous a donné les pistes nécessaires, qui nous paraissent pour l’essentiel satisfaisantes, même si nous aurons l’occasion d’aborder, au détour d’amendements, quelques soucis techniques et de modes de fonctionnement, le sujet étant complexe. Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous avez raison, il faut se poser la question des moyens des procureurs.

En revanche, au groupe socialiste et républicain, nous sommes convaincus que nous irions trop loin dans le non-respect de la présomption d’innocence en autorisant le procureur à informer à l’issue de la garde à vue ou d’une audition. D’ailleurs, le Conseil d’État relève qu’« il s’agit du seul cas pour lequel l’information communiquée par le parquet serait susceptible de ne pas être suivie de la saisine d’une juridiction et ainsi la procédure pourrait se clore par une décision du ministère public » prononçant un classement sans suite. Or, nous le savons, les mises en examen sont publiquement connues, à la différence des ordonnances de non-lieu ; une poursuite est connue, mais je ne suis pas sûr que le classement sans suite le soit. Et les dommages occasionnés à la personne peuvent être extrêmement importants !

M. Jacques Bigot. Le Conseil d’État relève également l’hypothèse dans laquelle le ministère public dispose d’indices suffisamment graves et concordants pour une mise en examen. Dans ce cas, soit le procureur saisit un juge d’instruction, soit le ministère public considère qu’il a tous les éléments pour poursuivre et il procède alors à une citation directe, voire à une comparution immédiate. La procédure prévue par le présent texte peut alors être suivie, dans le respect à la fois de la présomption d’innocence et des droits de la défense.

Monsieur le rapporteur, vous avez raison de ne pas parler d’« institution judiciaire », mais si vous respectez l’autorité judiciaire, comme le groupe socialiste et républicain, alors laissez-lui la liberté d’agir,…

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Jacques Chiron. Très bien !

M. Jacques Bigot. … et ne retenez pas, comme vous l’aviez fait lors de l’examen de la proposition de loi de Mme Troendlé, le principe des peines automatiques.

L’autorité judiciaire peut prononcer des interdictions d’exercer, mais n’est pas obligée de le faire. Elle peut déterminer des obligations dans le cadre d’un contrôle judiciaire, lesquelles obligations sont renforcées par le texte. On ne peut pas la contraindre à le faire, ce qui nous donne le sentiment de mesures qui relèvent plus de l’affichage que de la nécessité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise clairement à renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou professions qui impliquent un contact habituel avec des mineurs. Pour ce faire, le texte encadre juridiquement la transmission d’informations entre les autorités judiciaires et administratives. Sont alors concernés les enseignants, les agents des trois fonctions publiques, les contractuels employés par la fonction publique, mais aussi les professionnels ou bénévoles relevant d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public.

Cet encadrement juridique est tout à fait légitime et bienvenu, car les pratiques d’information ne reposaient jusqu’alors que sur des circulaires ministérielles dont la validité juridique, au regard des dispositions de l’article 34 de la Constitution, pouvait être sujette à caution.

L’enjeu est également fondamental, puisqu’il s’agit de la protection de nos enfants, qui ne doivent plus être les victimes de dysfonctionnements dans le circuit de transmission des informations entre les juridictions et les administrations chargées de les accueillir. Nous avons tous en mémoire les sordides affaires de Villefontaine et d’Orgères et souhaitons, sur toutes les travées de cet hémicycle, que de tels événements ne puissent plus jamais se produire !

La nécessité de légiférer en la matière fait également consensus au sein du Parlement, qui a déjà évoqué cette question à plusieurs reprises au cours des derniers mois. Ce fut d’abord le cas l’été dernier lors de l’examen des amendements proposés par le Gouvernement au projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne – dispositions finalement invalidées par le Conseil constitutionnel. Ce fut le cas plus récemment lors de l’examen par le Sénat de la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé visant à rendre effective l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu’une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est donc, à tous égards, nécessaire, et il est urgent que certaines des dispositions qu’il contient entrent en vigueur.

Toutefois, il est capital, en matière de protection des mineurs, comme en matière de lutte contre le terrorisme, d’ailleurs, de toujours garder en tête que la défense des droits fondamentaux doit être notre seul guide en ces temps troublés.

La question qui se pose finalement à nous aujourd’hui est de savoir si ce projet de loi atteint le délicat équilibre entre l’impératif de protection des mineurs et l’indispensable respect du principe constitutionnel de présomption d’innocence.

Face au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, la réponse était positive, particulièrement après la suppression par la commission des lois sénatoriale de la possibilité d’informer l’administration en cas de garde à vue ou de simple audition libre. Cette disposition nous semblait tout à fait excessive et contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de présomption d’innocence.

Toutefois, la commission des lois ne s’est pas contentée de ce texte relativement équilibré et a souhaité introduire deux dispositions supplémentaires, issues de la proposition de loi de Mme Troendlé.

Ces dispositions mettent en place, d’une part, l’automaticité de la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur ; d’autre part, l’automaticité du placement sous contrôle judiciaire, assorti de l’interdiction d’exercice d’une activité au contact de mineurs en cas de mise en examen pour une ou plusieurs infractions entrant dans le champ du régime obligatoire d’information.

Les membres du groupe écologiste considèrent que ces dispositions constituent une certaine défiance à l’endroit des magistrats et qu’elles sont contraires au principe de l’individualisation de la peine. Nous ne pouvons donc les accepter et avons déposé des amendements de suppression.

En fin de compte et bien que le texte soit globalement positif, le groupe écologiste déterminera son vote en fonction du sort réservé à ses amendements.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon groupe a une tradition, l’inlassable défense des libertés publiques et des libertés individuelles. Nous ne sommes pas les seuls, mais nous n’avons jamais manqué à cette tradition, quels que soient les gouvernements.

J’ai souvenance d’avoir bataillé, il y a quelques années, avec mes collègues du groupe socialiste contre ce qu’on appelait les « lois médiatiques » des gouvernements Fillon. Les gouvernements changent, les méthodes restent les mêmes !

Madame la ministre, je ne sais pas si je dois vous dire « pas vous, pas ça ». Ce que je sais, c’est que, contrairement à ce que vous nous avez indiqué tout à l’heure, vous nous présentez non un texte d’équilibre, mais un texte de rupture. Je le dis parce qu’il y a une hiérarchie dans les principes et parce qu’il est des principes sur lesquels on ne peut ni tergiverser ni faire de compromis.

Tous les membres de cette assemblée sont attachés à ce que la protection des enfants soit assurée. Pour autant, ce n’est pas parce qu’il existe des failles dans l’administration qu’il est justifié de déposer un texte mettant à bas la présomption d’innocence – c’est en effet de cela qu’il s’agit !

Notre position est simple et l’objet de notre amendement est de rendre l’information obligatoire, systématique lorsqu’il y a une condamnation définitive. Cela me paraît un principe protecteur par rapport aux enfants.

Ensuite, soyons réalistes et raisonnables. S’il y a des faits graves, l’autorité judiciaire, qui s’est d'ailleurs exprimée sur ce texte, dispose d’une panoplie de mesures adaptées – le contrôle judiciaire, la comparution immédiate et toute une série de mesures qui ont d’ailleurs été rappelées afin de protéger les victimes potentielles ou celles qui ont déjà subi un ou plusieurs actes.

Il arrive que des procédures s’étalent dans le temps. Lorsqu’elles aboutissent à une condamnation définitive, nous considérons que l’information doit être systématique et obligatoire. Tel est l’objet de notre amendement. Je le dis d’emblée, s’il n’est pas adopté, aucun des membres de mon groupe ne votera le présent texte. Soit ils voteront contre, soit ils s’abstiendront.

Au nom des principes sur lesquels nous ne pouvons transiger, je remercie M. Zocchetto des efforts qu’il a faits pour que la rédaction issue des travaux de la commission soit nettement améliorée par rapport au projet de loi du Gouvernement.

Le texte de la commission autorise quand même la transmission, puisqu’il dispose : « Le ministère public peut informer ». Cela signifie que la situation changera en fonction des magistrats du parquet. Certains choisiront d’informer systématiquement l’administration, d’autres ne le feront pas. On ne peut pas dire que ce soit un système judicieux !

Le texte de la commission autorise l’information de l’administration lorsqu’il y a condamnation, même non définitive, lorsqu’il y a une simple saisine d’une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d’instruction et lorsqu’il y a une simple mise en examen. Je remercie le rapporteur de nous avoir évité la garde à vue et un certain nombre de dispositions semblables. Évidemment, tout cela est attentatoire – complètement attentatoire ! – au principe de la présomption d’innocence.

Et il y a encore d’autres textes. La décision du Conseil constitutionnel du 17 décembre 2010 sur une question prioritaire de constitutionnalité visait la possibilité pour l’autorité judiciaire de prendre des mesures restrictives des libertés avant qu’il y ait condamnation. Rappelée dans le rapport de M. Zocchetto, elle est tout à fait normale. Le Conseil constitutionnel n’est pas allé au-delà.

Il n’en est pas moins clair qu’on ne peut pas fouler aux pieds l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen relatif à la présomption d’innocence au motif que des professionnels se plaignent, entre autres, que, sur le terrain, leur travail est rendu plus difficile !

Surtout, je le redis après avoir eu l’occasion de le rappeler dans cet hémicycle en séance publique il n’y a pas longtemps, tant que, dans ce pays, on réagira et surréagira aux programmes diffusés en continu par les chaînes d’information telles BFM TV ou iTELE, tant que l’on considérera qu’il faut faire un projet de loi chaque fois que ces médias en « remettent une louche », on n’ira pas dans le bon sens ! Nous l’avions dit sous les gouvernements dirigés par François Fillon, nous le redisons aujourd'hui, parce que, pour nous, ce n’est pas acceptable ! On ne peut pas transiger sur ce point ! Si vous ouvrez cette brèche sur la présomption d’innocence, il n’y a ni barrage ni protection !

Oui, il faut protéger davantage les enfants. S’agissant de l’administration, vous avez pris beaucoup de circulaires, et c’est très bien. Il faut que l’information circule pour ne plus voir les errements qui ont conduit aux drames qui ont été rappelés.

Concernant les principes que j’ai évoqués, je doute que les juridictions européennes considèrent ce texte comme une avancée. Le projet de loi tel qu’il nous a été transmis par le Gouvernement n’est pas acceptable pour nous. Bien que la commission des lois l’ait amélioré, si le Sénat ne limite pas l’information de l’administration à la condamnation définitive, aucun des membres de mon groupe ne pourra le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Troendlé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne reviendrai par sur les tragiques événements qui se sont produits dans l’Isère et en Ille-et-Vilaine. Je sais que vous les avez tous en tête, ne serait-ce que parce nous avons déjà débattu de ce sujet à deux reprises dans cet hémicycle : d’abord, l’été dernier, lors de l’examen de l’amendement du Gouvernement au projet de loi relatif à l’adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, dit « projet de loi DDADUE », dispositions qui ont finalement été retoquées par le Conseil constitutionnel, le 13 août dernier, dans sa décision n° 2015-719 DC ; ensuite, le 20 octobre dernier, lors de l’examen et de l’adoption de ma proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d’agressions sexuelles. Aujourd’hui enfin, nous traitons de nouveau, pour la troisième fois, du même sujet, à l’occasion de la discussion d’un texte gouvernemental !

J’aimerais simplement vous rappeler que le but que nous partageons tous est celui de protéger les enfants de prédateurs qui ne devraient pas être au contact de jeunes publics.

Ce but n’est pas antinomique, bien au contraire, avec le soutien que je souhaite apporter aux professionnels concernés, notamment de l’éducation, ainsi qu’à tous les bénévoles qui œuvrent au contact des enfants. Je désire leur rendre ici hommage. En effet, il s’agit de très belles vocations qui agissent au profit des plus jeunes et forment les futurs esprits de demain. Aussi, je pense nécessaire de préciser qu’aucun des textes dont nous traitons sur ce sujet ne saurait jeter l’opprobre sur ces professionnels et ces bénévoles, qui comptent parmi les plus méritants.

Cela dit, il faut se rendre à l’évidence suivante : malgré le constat d’une parole heureusement de plus en plus libérée dans notre société sur ces agissements criminels, au sein que ce soit de l’administration ou des familles, et malgré des dispositions du code pénal et du code de l’action sociale et des familles qui encadrent de plus en plus précisément le risque pédophile, la répression de celui-ci et le suivi des personnes incriminées nous conduisent à dresser un bilan dramatique. Je ne dispose pas des chiffres de 2015, madame la ministre, mais seize révocations d’enseignants sont encore intervenues en 2014 dans ce cadre !

Où se situent les dysfonctionnements ? Ils se trouvent dans le non-respect non seulement de l’application de la circulaire du 26 août 1997 portant instruction concernant les violences sexuelles qui détermine la ligne de conduite à suivre au sein du ministère de l’éducation nationale, mais également de la dépêche du 29 novembre 2001 relative à l’avis à donner aux administrations à l’occasion des poursuites pénales exercées contre des fonctionnaires et agents publics.

Par conséquent, il apparaît que c’est au stade de la condamnation qu’une faiblesse de notre droit demeure, laquelle a pu conduire aux récents dysfonctionnements. L’interdiction d’exercer toute profession au contact d’enfants pour des personnes concernées par ce type de crime ou de délit est considérée comme une peine complémentaire laissée à la libre appréciation du juge. Temporaire ou définitive, l’interdiction peut être décidée par le juge en complément d’une peine principale.

À cet égard, j’aimerais remercier vivement notre excellent rapporteur, François Zocchetto, de son travail, de son écoute, mais aussi de sa détermination à rendre efficace le présent projet de loi. Celui-ci a permis de reconnaître le travail qui a été réalisé par les députés et les sénateurs, notamment à partir de la proposition de loi du député Claude de Ganay examinée le 3 décembre dernier à l’Assemblée nationale, et de la proposition de loi que j’ai moi-même déposée et qui a été examinée dans notre enceinte le 20 octobre dernier, sans pour autant méconnaître les travaux de notre collègue sénatrice Sylvie Goy-Chavent et du député Pierre Lellouche.

Ces différents travaux rendent complet, à mon sens, le texte issu de la commission des lois sous l’égide de notre rapporteur, texte qui tient compte de tous les débats et de toutes les questions qui ont pu être mises en évidence sur le sujet. Il répond à la situation que nous connaissons et devrait, je l’espère, protéger nos jeunes d’éventuels prédateurs.

À titre personnel, je tiens à préciser que je suis opposée à la transmission d’informations dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre que vous préconisez, madame la ministre. Cela serait contraire au principe de la présomption d’innocence et pourrait jeter le discrédit sur des personnes innocentes. De plus, nous savons tous que des dérives pourraient avoir lieu dans un tel cas de figure, ces informations étant transmises trop tôt.

C’est pourquoi je soutiens plus particulièrement la disposition présentée par M. le rapporteur et adoptée en commission des lois qui prévoit une communication certes antérieure à la condamnation, mais au seul moment de la mise en examen et du renvoi devant une juridiction de jugement, tout en renforçant les garanties et les droits de la défense pour la personne mise en cause.

Madame la ministre, le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale était imparfait : je m’étonne, en vérité, que vous n’ayez nullement tenu compte des débats auxquels Mme la garde des sceaux a assisté au Sénat : ma proposition de loi, je me permets de le rappeler, avait alors été adoptée, la majorité présidentielle s’étant largement abstenue.

Mme Taubira m’avait fait part de son adhésion à ce texte, sous réserve, je le reconnais, d’une réticence, qui portait uniquement sur le fait que le texte n’avait pas été soumis pour avis au Conseil d’État. Avec M. le rapporteur, François Zocchetto, le président de la commission des lois et mes collègues commissaires, nous avions proposé un texte qui se voulait le plus protecteur possible, mais également respectueux du principe fondamental de la présomption d’innocence. Il abordait largement les différentes situations possibles et, je l’affirme haut et fort, il répondait non pas à une émotion, mais à un constat : celui de l’inefficacité des dispositifs existants.

Madame la ministre, vous n’êtes sans doute pas étonnée que le Sénat, dans sa grande sagesse et dans sa constance, propose ce jour un texte amendé de façon qu’il corresponde au mieux au travail de fond déjà réalisé par le Sénat sur ce sujet de la plus haute importance.

J’en appelle au respect de ce travail et au respect du débat législatif qui s’est déroulé à l’automne dernier.

Je forme le vœu que ce texte dorénavant équilibré soit rapidement adopté et mis en application, pour le bien de tous, en particulier des plus jeunes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voilà saisis, pour la troisième fois en sept mois, des questions de la transmission de l’information à l’administration par les parquets et de la protection des mineurs.

Après que le Conseil constitutionnel a censuré pour des raisons de procédure, le 13 août dernier, des dispositions similaires de la loi DDADUE et après l’adoption par le Sénat, au mois d’octobre, de la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d’agressions sexuelles, le présent texte porte sur les mêmes sujets.

Si nous avions souligné, lors de l’examen de cette proposition de loi, l’opportunisme politique de la droite sur de telles questions, alors que le Gouvernement soumettait au même moment son texte au Conseil d’État, nous regrettons en revanche aujourd’hui la méthode employée par le Gouvernement, méthode un tant soit peu irrespectueuse de l’initiative parlementaire et des travaux du Sénat.

Sur le fond, ce projet de loi organise la possibilité pour les parquets de communiquer à l’administration certaines décisions prises par l’autorité judiciaire, qu’il s’agisse d’une condamnation ou de l’existence de poursuites pénales.

Aux termes de deux articles qu’il est proposé d’introduire dans le code de procédure pénale – l’article 11-2 et l’article 706-47-4 –, sont institués à la fois un régime général, applicable à toutes les personnes exerçant des activités soumises à contrôle mises en cause pour des infractions de tous types, et un régime particulier pour les personnes en contact avec les mineurs qui se voient mises en cause pour certaines infractions.

Il y a à l’évidence urgence à améliorer notre système de transmission d’informations pénales, au vu des pratiques disparates des parquets en la matière et des actuelles incertitudes juridiques entourant cette problématique.

Il y a aussi besoin d’améliorer la diffusion de ces informations dans l’ensemble de nos administrations, d’autant plus que le rapport d’étape conjoint de l’Inspection générale des services judiciaires et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche a estimé qu’il ne pouvait en l’état « être exclu que des situations identiques à celles de l’Isère et de l’Ille-et-Vilaine se reproduisent. »

Néanmoins, la question de la transmission de l’information se pose en des termes différents selon que la communication porte sur des condamnations – aucun problème alors quant à la transmission, qui doit être rapide et systématique – ou sur des éléments d’une procédure en cours.

À cet égard, la commission des lois, par l’intermédiaire de son rapporteur, François Zocchetto, dont je salue le travail, a rendu le texte plus acceptable, notamment en supprimant la possibilité de la transmission d’informations à l’issue d’une garde à vue ou d’une audition libre, dispositions que le Gouvernement – nous y reviendrons – souhaite rétablir par voie d’amendement. Or cette transmission, si elle est effectuée à un stade trop précoce et dans un cadre procédural non contradictoire, ne permettrait effectivement pas à la personne mise en cause de bénéficier des droits de la défense.

Toutefois, dans la rédaction issue des travaux de la commission des lois, cette transmission reste possible en cours de procédure, en cas de mise en examen ou de renvoi devant une juridiction, c’est-à-dire avant que la condamnation ne soit définitive. Selon nous, et comme le rappelait à l’instant Jacques Mézard, cette dernière modalité de transmission porte gravement atteinte au principe constitutionnel de présomption d’innocence.

Comme le soulignait justement Alain Anziani en commission, ce projet de loi invente une nouvelle catégorie juridique : désormais, une personne interpellée reste présumée innocente, mais son employeur est alerté par le parquet de sa possible culpabilité. La présomption d’innocence deviendrait dès lors proportionnelle au retentissement médiatique de la mise en accusation dans de telles affaires.

Quoi qu’il en soit, et tout particulièrement dans la période actuelle, nous ne pouvons transiger sur les principes et les droits fondamentaux. Rappelons que la présomption d’innocence, qui figure à l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dans notre code pénal et dans notre code civil, consiste en ce que nul ne peut être déclaré coupable sans qu’un procès public l’ait établi.

De plus, face au manque flagrant de moyens du parquet, force est de constater la portée infime d’un tel projet de loi, qui revêt davantage le caractère d’un texte d’affichage.

Le principe d’un régime général de transmission d’informations, sous certaines garanties, se heurte nécessairement à l’état de fonctionnement des parquets, qui ne peuvent plus répondre à l’ensemble de leurs missions, lesquelles n’ont par ailleurs cessé d’augmenter en matière civile comme en matière pénale, ainsi que le rappelle le rapport remis par Jean-Louis Nadal au mois de novembre 2013. Ce qui nous conduit à douter de l’efficacité d’un tel dispositif.

Et, comme le souligne la Conférence nationale des procureurs de la République sollicitée par le rapporteur, « les juridictions ne disposent à ce jour d’aucun outil informatisé d’alerte permettant de remplir les nouvelles missions imposées par le texte ». Cela importera d’autant plus s’il faut mettre en œuvre les nouvelles dispositions législatives alors même que des milliers de procédures concernées sont en cours.

De plus, le rapport des inspections générales concernées est clair : ce sont essentiellement des problèmes techniques et organisationnels qui font obstacle à la transmission d’informations, tels une insuffisance de moyens informatiques, le manque d’interlocuteurs bien identifiés et assumant des responsabilités claires au sein des rectorats, l’absence de dispositif d’alerte structuré.

Tous ces dysfonctionnements ne seront résolus que par une nécessaire réorganisation des services judiciaires et de l’éducation nationale et non par une loi. À charge, bien sûr, pour le Gouvernement de s’emparer des neuf recommandations de nature technique et organisationnelle formulées par les inspections générales concernées. C’est, semble-t-il, ce qu’il a commencé à faire par voie réglementaire.

Face à une problématique de cette gravité, et afin de protéger efficacement nos mineurs de personnes effectivement dangereuses pour eux, il nous paraît essentiel de réfléchir calmement aux réelles dispositions qui doivent être mises en place, en dehors de l’effervescence et de la confusion qui entourent ce projet de loi et qui dénotent l’émotion et l’affichage médiatique latents.

En outre, au regard de l’atteinte inadmissible portée au principe de présomption d’innocence et du manque de moyens nécessaires pour mener à bien tout projet de réorganisation des services judiciaires et de l’éducation nationale, nous ne pourrons voter en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le 20 octobre dernier, la Haute Assemblée avait examiné la proposition de loi de Catherine Troendlé relative à la protection des mineurs contre les agressions sexuelles. Ce texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Nous sommes saisis aujourd’hui d’un projet de loi portant sur le même sujet, présenté par le Gouvernement. Il comporte cinq articles, qui reprennent l’économie générale des amendements déposés par l’exécutif l’été dernier sur le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne, dit « DDADUE pénal ».

Ces dispositions avaient été proposées à la suite de deux affaires de pédophilie survenues dans le milieu scolaire au printemps 2015. Les articles additionnels insérés alors dans le projet de loi DDADUE avaient été censurés par le Conseil constitutionnel au motif qu’ils ne présentaient pas de lien, même indirect, avec l’objet du texte.

Attachée à la protection de l’enfance sous toutes ses formes, je ne rentrerai pas dans un débat politique stérile pour reconnaître la paternité, ou plutôt la maternité, devrais-je dire, des mesures proposées. Je déplore cependant, tout comme mes collègues, que le travail parlementaire ait été méprisé.

Ce qui m’importe, c’est que le texte soit adopté et, surtout, appliqué au plus vite pour éviter que les affaires de Villefontaine et d’Orgères ne se reproduisent.

La protection de l’enfance, c’est l’école de la rigueur, de la volonté et surtout de l’humilité. Elle demande donc une attention toute particulière.

Le constat a été dressé : l’organisation des relations entre l’autorité judiciaire et l’administration de l’éducation nationale est défaillante. Le cadre légal applicable est également porteur d’incertitudes juridiques pour les parquets, chargés de la transmission des informations, dès lors qu’une procédure pénale est en cours.

Quitte à me répéter par rapport à la discussion générale qui s’est tenue au mois d’octobre dernier et à réitérer les propos de précédents orateurs, je souhaite réaffirmer deux choses.

D’une part, nous devons adopter la plus grande fermeté face à des crimes commis sur des mineurs. D’autre part, s’il faut préserver un environnement sans danger pour les enfants, il faut aussi respecter les libertés individuelles et l’ordre constitutionnel. Nous devons donc nous doter d’un dispositif garantissant la plus grande sécurité juridique, tout en instaurant un partage d’informations efficace et respectueux de la présomption d’innocence.

Je félicite le rapporteur, François Zocchetto, pour son implication sur ce texte, tout comme précédemment sur celui de Catherine Troendlé.

La commission des lois a adopté dix-neuf amendements, dont dix-huit présentés par son rapporteur, qui ont pour objet de renforcer, dans le cadre du régime général d’information, les garanties pour la personne concernée : il s’agit de lui donner la possibilité de faire des observations pour toutes les décisions que le ministère public transmet à l’administration, observations qui seront ensuite transmises à celle-ci.

Cette personne aura également la possibilité de saisir le président du tribunal de grande instance ou le premier président en cas de non-transmission par le ministère public d’une décision de relaxe ou d’acquittement. C’est l’objet de l’article 1er.

Concernant le régime de transmission obligatoire, je me rallie volontiers à la voix de la raison et à la position de notre rapporteur, à savoir supprimer la faculté pour le ministère public de transmettre l’information dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre, et exclure certaines infractions de ce régime tout en les maintenant dans le champ du régime facultatif, les laissant à la libre appréciation des parquets.

Bien que le caractère facultatif puisse être considéré comme un fléchissement à l’encontre de la protection des mineurs, le respect de la présomption d’innocence s’impose évidemment. Je fais toute confiance aux magistrats, qui sauront prendre les décisions appropriées et proportionnées aux situations.

Je félicite la commission des lois qui a adopté plusieurs amendements et ainsi amélioré, d’une part, le dispositif en faveur de la protection des mineurs, et, d’autre part, la sécurité juridique de l’article 1er. Inscrire au fichier des personnes recherchées les individus interdits d’activité au contact des mineurs me semble ainsi une piste intéressante.

Les articles 2, 3 et 4 du projet de loi contiennent des dispositions qui reprennent celles qu’a adoptées la Haute Assemblée lors de l’examen de la proposition de loi précitée de Mme Troendlé. Je n’ai donc pas de remarques particulières à émettre.

L’article 2 modifie des dispositions relatives à l’interdiction d’enseigner, d’animer ou d’encadrer une activité physique ou sportive auprès de mineurs.

L’article 3 étend l’incapacité de diriger des établissements, services ou lieux de vie et d’accueil régis par le code de l’action sociale et des familles ou d’y exercer en cas de condamnation définitive pour certains délits.

L’article 4 modifie le régime disciplinaire des chefs d’établissement d’enseignement du premier degré privé.

Je salue, enfin, la commission des lois qui a repris l’article 1er de la proposition de loi de Mme Troendlé. Cet article prévoit que la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle sur mineur ait un caractère automatique. La juridiction de jugement ne pourra y déroger que par une décision spécialement motivée prise au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe UDI-UC votera en faveur de ce texte. Il n’y a plus de temps à perdre. La vulnérabilité de nos enfants n’est pas un sujet que l’on peut prendre à la légère. Elle ne peut et ne doit faire l’objet d’aucune récupération politicienne. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit aujourd’hui est complexe, difficile, car sont en jeu trois principes fondamentaux auxquels nous avons de bonnes et solides raisons de tenir : premièrement, la protection des mineurs ; deuxièmement, la présomption d’innocence ; troisièmement, le secret de l’enquête et de l’instruction.

Je dois vous dire très franchement, madame la ministre, que lorsque nous nous sommes retrouvés en commission mixte paritaire, à l’Assemblée nationale, pour examiner le projet de loi DDADUE, nous n’étions pas en accord avec la rédaction adoptée par les députés. Nous avions en effet considéré que celle-ci ne prenait pas suffisamment en compte la présomption d’innocence.

Le travail mené conjointement par notre collègue député Dominique Raimbourg, que je veux saluer, par vous-même, madame la ministre, et par Mme la garde des sceaux a permis d’améliorer le texte.

Le Conseil constitutionnel a pris une position radicale en éradiquant vingt-cinq ou vingt-six cavaliers, ce qui n’est pas sans conséquence. Cette décision, mes chers collègues, donnera lieu à davantage de projets et propositions de loi. Car si l’on se prive de la facilité d’adjoindre diverses dispositions à divers textes, il faut faire un texte sur chaque sujet.

Toujours est-il que nous sommes parvenus à un point d’équilibre qui n’est sans doute pas parfait, mais qui me paraît être la meilleure solution possible.

Sans revenir sur le cas brillamment évoqué par Jacques Bigot, j’évoquerai deux points.

Sur la peine automatique, tout d’abord, nous sommes en désaccord avec M. le rapporteur.

Vous connaissez le principe, même si l’on peut y déroger. Expliquer la dérogation, c’est s’inscrire dans une logique d’automaticité. Mon groupe y a toujours été hostile. C’est pourquoi nous n’avons jamais souscrit aux peines planchers. Nous avons confiance, en effet, dans l’indépendance du juge, dans sa capacité à juger en fonction des circonstances, de la personnalité de l’auteur de l’infraction et, bien entendu, de la loi.

Nous ne pourrons pas voter le présent projet de loi, pour cette seule raison que nous rejetons le principe de la peine automatique.

Le mot « pouvoir » est d’ailleurs important dans la rédaction actuelle du projet de loi. En cas de condamnation définitive, il n’y a pas de difficulté : il faut transmettre l’information. Mais lorsqu’il y a mise en examen, ce qui suppose l’existence de faits concordants et d’indices sérieux, le procureur pourra – du verbe « pouvoir » – communiquer. Cela veut dire qu’il aura une capacité d’interprétation et de jugement. C’est d’ailleurs sa fonction que de juger.

Sur ce point de l’automaticité de la peine, nous ne sommes donc pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, cher François Zocchetto.

Pour ce qui concerne le second point que je voulais évoquer, la garde à vue, nous sommes en revanche d’accord avec le rapporteur, mais pas avec le Gouvernement. Même si la disposition est assortie d’un certain nombre de considérations, notamment sur la gravité des faits, de deux choses l’une : soit il existe des raisons de mettre en examen, et dans ce cas le juge procédera à la mise en examen, soit on en est seulement au stade de la garde à vue. Dans ce dernier cas, nous pensons qu’un problème se posera, si le texte reste en l’état, au regard de la présomption d’innocence.

Telle est notre conviction sur ces deux points. Nous considérons, bien entendu, que de grands progrès ont été faits en termes de prise en compte des trois principes fondamentaux précités de notre République auxquels nous sommes fortement attachés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs
Article 1er

Article 1er A (nouveau)

Le titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

1° La section 5 du chapitre II est complétée par un article 222-48-3 ainsi rédigé :

« Art. 222-48-3. – En cas de condamnation pour une infraction prévue à la section 3 du présent chapitre et commise sur un mineur, la juridiction prononce la peine complémentaire prévue au 3° de l’article 222-45. Elle peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » ;

2° Après l’article 227-31, il est inséré un article 227-31-1 ainsi rédigé :

« Art. 227-31-1. – En cas de condamnation pour une infraction prévue aux articles 227-22 à 227-27, 227-27-2 et 227-28-3, la juridiction prononce la peine complémentaire prévue au 6° de l’article 227-29. Elle peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 1 est présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 5 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

L’amendement n° 9 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 1.

M. Jacques Bigot. Je n’aurai pas besoin de m’expliquer longuement, car, Jean-Pierre Sueur vient de le rappeler, nous avons déjà débattu de ce sujet.

Nous considérons qu’il y a en France trois pouvoirs : le pouvoir exécutif ; le pouvoir parlementaire, lequel est d’ailleurs indépendant de l’exécutif – raison pour laquelle, madame la ministre, nous ne sommes pas en phase avec vous sur tous les points de votre texte ; le pouvoir judiciaire, qui doit être indépendant et dans lequel nous devons avoir confiance, ce pouvoir que vous qualifiez, monsieur le rapporteur, d’« autorité judicaire ».

À partir du moment où le législateur donne au juge les moyens de décider, il appartient à celui-ci de le faire. Le fait de prévoir une peine accessoire automatique, comme si le magistrat risquait d’oublier de la prononcer alors qu’il dispose de plus en plus souvent de formulaires types où sont posées toutes les questions, c’est exprimer de la défiance à l’égard du juge.

Par ailleurs, prévoir que le juge, pour respecter l’individualisation de la peine, peut déroger à ce principe par décision motivée n’est rien de moins qu’un artifice. En effet, cette décision motivée ne sera jamais contestée par la Cour de cassation, même si elle sera peut-être appréciée de manière différente par la cour d’appel.

Encore une fois, le présent article traduit une défiance à l’égard du magistrat, à moins qu’il ne s’agisse d’une stratégie de communication visant à dire au public : « Voyez, nous sommes plus sévères que d’autres ! ».

Je maintiens, au nom du groupe socialiste et républicain, cet amendement et constate avec plaisir que je ne suis pas le seul à souhaiter la suppression de l’article 1er A.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 5.

Mme Esther Benbassa. L’article 1er A, issu d’un amendement du rapporteur, vise à donner à la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs un caractère automatique pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle sur mineur.

Nous considérons, pour notre part, que le principe d’individualisation de la peine doit primer. Nous ne pouvons donc pas souscrire au principe d’automaticité prévu au présent article.

Nous estimons également que ce genre de mécanisme constitue l’expression d’une certaine défiance à l’endroit des magistrats, ce que nous regrettons. Nous proposons en conséquence, à l’instar de nos collègues du groupe socialiste et républicain, la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 9.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il ne surprendra personne que j’adopte la position exprimée par Mme la garde des sceaux au mois d’octobre dernier : nous ne sommes pas favorables aux dispositions qui portent une atteinte inutile et très contestable au principe d’individualisation des peines.

Nous préférons faire confiance aux magistrats pour qu’ils adoptent la sanction la plus adaptée à l’auteur des faits.

Tout a été dit sur le caractère d’affichage que peut revêtir cette disposition, mais, de surcroît, je relève qu’elle ne répond nullement à l’objet même de ce projet de loi, qui est d’améliorer la transmission des informations entre l’autorité judiciaire et nos administrations.

Concentrons-nous sur le sujet, celui qui a mis au jour des dysfonctionnements structurels auxquels nous apportons des réponses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Nous avons déjà longuement débattu de cette question des peines que certains appellent « automatiques », et pas seulement au sujet des infractions commises à l’encontre des mineurs – je pense à nos discussions concernant les peines planchers ou d’autres textes de procédure pénale –, question sur laquelle nous avons des divergences de vues.

Je dois reconnaître aux représentants de l’opposition sénatoriale la constance de leur position, une position que je respecte, même si nous n’avons pas la même et que je ne pourrais pas les convaincre d’adopter la nôtre.

En revanche, je comprends moins la position du Gouvernement. Il nous présente un projet de loi qui va loin, et même très loin, jusqu’à bafouer, pensons-nous, le principe fondamental de la présomption d’innocence, et ce sur un sujet très important, au motif que tous les moyens seraient bons pour assurer la protection des mineurs. Et alors que nous proposons un dispositif qui n’est pas innovant puisqu’il existe dans d’autres matières et est parfaitement constitutionnel, comme le reconnaît d’ailleurs le Gouvernement dans l’objet de son amendement, Mme la ministre entend s’y opposer.

Je le répète, je ne comprends pas cette incohérence dans le raisonnement. C'est la raison pour laquelle je tiens à rappeler combien nous sommes attachés au dispositif que nous proposons. L’ambition, madame la ministre, est non pas simplement de faire un texte administratif, voire technocratique qui organiserait la transmission de l’information, mais d’assurer la protection des mineurs par différentes voies. Or s’il est un moyen permettant d’assurer la protection des mineurs, c’est bien de faciliter le prononcé de mesures de contrôle judiciaire, en l’espèce une interdiction d’exercice d’une activité en contact avec les mineurs.

Dois-je le rappeler, dans les affaires déjà citées – Orgères et Villefontaine –, qui ne sont malheureusement que deux parmi bien d’autres, les juges n’avaient pas prononcé de peine d’interdiction d’exercer une activité au contact des mineurs. Si une telle peine avait été prononcée, les faits n’auraient probablement pas eu lieu ou, tout du moins, il y aurait eu une plus forte probabilité qu’ils ne se produisent pas.

Donc, nous souhaitons, c'est vrai, inciter les magistrats à prononcer ces peines.

Sur le respect du principe de l’individualisation des peines, outre le fait que ce dispositif a été totalement validé par le Conseil constitutionnel, il respecte parfaitement la liberté de choix du magistrat puisqu’il suffit que ce dernier motive sa décision « en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur » - une motivation très facile à rédiger en pratique -, pour que la peine complémentaire ne soit pas prononcée.

Nous souhaitons donc maintenir cette mesure que nous avons adoptée, car elle sera efficace et, j’oserais même dire, parce qu’elle est nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Cette question des peines complémentaires a toujours posé problème. Et il est toujours bon de s’opposer les uns aux autres, que l’on soit dans l’opposition ou dans la majorité, et cela change désormais assez souvent…

Mais il est grand temps de revenir à la réalité des choses.

Il ne s’agit pas ici du prononcé obligatoire d’une peine. Vous savez bien, monsieur Bigot, vous qui êtes un praticien, que ce que prévoit le projet de loi existe déjà à de nombreux autres endroits du code pénal – je pense au moins à une dizaine de cas. La loi ne demande qu’une chose au magistrat : qu’il s’interroge sur la peine complémentaire et donne sa réponse dans le jugement. Elle n’exige rien d’autre !

Le juge peut prévoir cette peine ou non. Je rappelle, mon cher collègue, que, pour les peines planchers, dans 60 % des cas, le magistrat a écarté cette mesure, en l’indiquant.

Dans le cas présent, il lui est demandé non pas de prononcer obligatoirement la peine complémentaire, mais de dire de façon systématique s’il ne la prévoit pas. C’est ainsi que le texte est rédigé, et c’est ainsi que, chaque fois qu’un tel mécanisme est inscrit dans le code pénal, il est appliqué et interprété. C'est ce qu’a rappelé le Conseil constitutionnel à de nombreuses reprises.

Cela ne traduit donc pas une méfiance à l’égard des magistrats, comme certains ont pu le dire, et l’individualisation de la peine joue pleinement, car, je le redis, le magistrat doit obligatoirement se poser la question et y répondre dans son jugement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Nous ne voterons pas ces amendements de suppression, mais nous ne sommes pas non plus d’accord avec l’article 1er A, car nous estimons – je l’ai déjà dit très clairement – qu’il manque un mot dans sa rédaction, et ce mot, c’est l’adjectif « définitive », à propos de la condamnation. Je sais bien que c'est volontaire, mais nous avons l’habitude de défendre toujours la même ligne.

Quant à l’automaticité, je lis dans l’objet de l’amendement du Gouvernement qu’il faudrait supprimer l’article 1er A parce qu’il porte « une atteinte inutile et contestable au principe d’individualisation de la peine » et qu’il répond « uniquement à des motivations d’affichage dénotant une défiance injustifiée envers l’autorité judiciaire » : je regrette que Mme la garde des sceaux ne soit pas là ! Je lui dirais que depuis qu’elle est ministre de la justice, il y a tous les jours une atteinte « inutile et contestable au principe d’individualisation de la peine », et je n’oserai pas aller jusqu’à dire « pour des motivations d’affichage »…

En effet, comme l’a rappelé notre collègue Michel Mercier, il existe toute une série de mesures, dont les peines planchers, qui peuvent être écartées par le juge sur décision spécialement motivée. Alors, si l’on considère ici qu’il s’agit d’une atteinte inutile et contestable, que dire de nombreuses dispositions analogues qui sont appliquées de cette manière quotidiennement en France ? Là aussi, il faut revenir au respect des principes.

Je le répète, nous ne voterons pas ces amendements, en regrettant – vous le savez, monsieur le rapporteur – que vous n’ayez pas ajouté le mot « définitive » à la rédaction de cet article.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. J’ai écouté avec grand intérêt les propos des différents intervenants, en particulier ceux de notre collègue et ancien garde des sceaux Michel Mercier.

Cela a été dit et répété, il n’y a pas d’automaticité. J’ai bien compris que vous étiez des puristes, chers collègues de l’opposition (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.), et vous l’avez démontré, mais je pense que, sur ce sujet – je rappelle que nous parlons d’enfants –,…

M. Pierre-Yves Collombat. Et de l’innocence !

M. Éric Doligé. … il faut cesser de raisonner en puriste ou en linguiste et se pencher véritablement sur la question, laquelle mérite selon moi une attention particulière.

Cela étant, selon que l’on est dans la majorité ou dans l’opposition, il peut nous arriver à tous d’être des puristes. Rappelez-vous, mes chers collègues – le sujet n’a rien à voir, mais cet exemple montre bien que l’on peut toujours changer d’idée –, de nos débats sur la clause générale de compétence : il y avait aussi des puristes, et ils ont changé d’avis quand ils ont changé de camp !

M. Éric Doligé. Un certain nombre ! La majorité de la majorité, si j’ose dire.

M. Éric Doligé. Il faut s’interroger et aller au-delà d’une analyse pointilleuse des mots en n’oubliant pas que, derrière, il y a des enfants et des drames.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 5 et 9.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 139
Contre 205

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 1er A.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs
Article 2

Article 1er

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l’article 11-1, il est inséré un article 11-2 ainsi rédigé :

« Art. 11-2. – I. – Le ministère public peut informer par écrit l’administration des décisions suivantes rendues contre une personne qu’elle emploie, y compris à titre bénévole, lorsqu’elles concernent un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement :

« 1° La condamnation, même non définitive ;

« 2° La saisine d’une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d’instruction ;

« 3° La mise en examen.

« Le ministère public ne peut procéder à cette information que s’il estime cette transmission nécessaire, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, pour mettre fin ou prévenir un trouble à l’ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens.

« Le ministère public peut informer, dans les mêmes conditions, les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ou les ordres professionnels des décisions mentionnées aux 1° à 3° du présent I prises à l’égard d’une personne dont l’activité professionnelle ou sociale est placée sous leur contrôle ou leur autorité.

« II. – Dans tous les cas, le ministère public informe sans délai la personne de sa décision de transmettre l’information prévue au I et de son droit à présenter des observations écrites. L’information est transmise à l’administration, ou aux personnes ou ordres mentionnés au dernier alinéa du même I, accompagnée, le cas échéant, des observations écrites de la personne concernée.

« Le ministère public notifie sans délai à l’administration, ou aux personnes ou ordres mentionnés au dernier alinéa du même I, l’issue de la procédure et informe la personne concernée de cette notification. Si celle-ci constate la méconnaissance de cette obligation à l’issue de la procédure, elle peut saisir le président du tribunal de grande instance ou le premier président de la cour d’appel compétente par requête motivée afin qu’il ordonne l’exécution de cette obligation.

« L’administration, ou la personne ou ordre mentionné au dernier alinéa du I, qui est destinataire de l’information prévue au même I ne peut la communiquer qu’aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l’exercice de l’activité mentionnée aux premier et dernier alinéas dudit I.

« Cette information est confidentielle. Sauf si l’information porte sur une condamnation prononcée publiquement et sous réserve de l’avant-dernier alinéa du présent II, toute personne destinataire de ladite information est tenue au secret professionnel, sous les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal. Toute personne ayant eu connaissance de ladite information est tenue au secret, sous les mêmes peines. Le fait justificatif prévu au 1° de l’article 226-14 du même code n’est pas applicable lorsque la personne mentionnée à ce même 1° a eu connaissance des faits par la transmission prévue au I du présent article.

« II bis. – Les condamnations dont la mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire a été exclue en application de l’article 775-1 du présent code ne peuvent être communiquées à l’initiative du ministère public, sauf en application du 2° du II du présent article à la suite d’une première information transmise en application du I. Dans ce cas, l’information fait expressément état de la décision de ne pas mentionner la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

« III. – Hors le cas où une décision prononçant une sanction a été légalement fondée sur l’information transmise par le ministère public, lorsque la procédure pénale s’est terminée par un non-lieu ou une décision de relaxe ou d’acquittement, l’administration ou l’autorité mentionnée au dernier alinéa du I supprime l’information du dossier relatif à l’activité de la personne concernée.

« IV. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise les modalités de recueil des observations écrites de la personne concernée par l’information, les formes de la transmission par le ministère public de l’information et des observations éventuelles de la personne concernée, les modalités et les formes de transmission des décisions à l’issue des procédures et les modalités de suppression de l’information en application du III. » ;

2° Après le 12° de l’article 138, il est inséré un 12° bis ainsi rédigé :

« 12° bis Ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise ; »

2° bis (nouveau) Au 2° de l’article 230-19, après la référence : « 12°, », est insérée la référence : « 12° bis, » ;

2° ter (nouveau) L’article 706-47 est ainsi rédigé :

« Art. 706-47. – Le présent titre est applicable aux procédures concernant les infractions suivantes :

« 1° Crimes de meurtre ou d’assassinat prévus aux articles 221-1 à 221-4 du code pénal, lorsqu’ils sont commis sur un mineur, précédés ou accompagnés d’un viol, ou lorsqu’ils sont commis avec tortures ou actes de barbarie, ou lorsqu’ils sont commis en état de récidive légale ;

« 2° Crimes de tortures ou d’actes de barbarie prévus aux articles 222-1 à 222-6 du même code ;

« 3° Crimes de viols prévus aux articles 222-23 à 222-26 dudit code ;

« 4° Délits d’agressions sexuelles prévus par les articles 222-27 à 222-31 du même code ;

« 5° Délits et crimes de traite des êtres humains à l’égard d’un mineur prévus aux articles 225-4-1 à 225-4-4 du même code ;

« 6° Délit et crime de proxénétisme à l’égard d’un mineur prévus au 1° de l’article 225-7 et à l’article 225-7-1 du même code ;

« 7° Délits de recours à la prostitution d’un mineur prévus aux articles 225-12-1 et 225-12-2 du même code ;

« 8° Délit de corruption de mineur prévu à l’article 227-22 du même code ;

« 9° Délit de proposition sexuelle faite à un mineur de 15 ans par un majeur, prévu à l’article 227-22-1 du même code ;

« 10° Délits de captation, d’enregistrement, de transmission, d’offre, de mise à disposition, de diffusion, d’importation ou d’exportation, d’acquisition ou de détention d’image pornographique d’un mineur ainsi que le délit de consultation habituelle ou en contrepartie d’un paiement d’un service de communication au public en ligne mettant à disposition des images pornographiques de mineurs, prévus à l’article 227-23 du même code ;

« 11° Délits de fabrication, de transport, de diffusion ou de commerce de message violent ou pornographique susceptible d’être vu ou perçu par un mineur, prévus à l’article 227-24 du même code ;

« 12° Délit d’incitation d’un mineur à se soumettre à une mutilation sexuelle ou à commettre cette mutilation, prévu à l’article 227-24-1 du même code ;

« 13° Délits d’atteintes sexuelles prévus aux articles 227-25 à 227-27 du même code. » ;

3° Après l’article 706-47-3, sont insérés des articles 706-47-4 et 706-47-5 ainsi rédigés :

« Art. 706-47-4. – I. – Par dérogation au I de l’article 11-2, le ministère public informe par écrit l’administration d’une condamnation, même non définitive, pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au II du présent article, prononcée à l’encontre d’une personne dont il a été établi au cours de l’enquête ou de l’instruction qu’elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l’exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l’administration.

« Il informe également par écrit l’administration, dans les mêmes circonstances, lorsqu’une personne est placée sous contrôle judiciaire et qu’elle est soumise à l’obligation prévue au 12° bis de l’article 138.

« Les II à III de l’article 11-2 sont applicables aux modalités de transmission et de conservation des informations mentionnées au présent article.

« II. – Les infractions qui donnent lieu à l’information de l’administration dans les conditions prévues au I du présent article sont :

« 1° Les crimes et les délits mentionnés à l’article 706-47 du présent code ;

« 2° Les crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-7, 222-8, 222-10 et 222-14 du code pénal et, lorsqu’ils sont commis sur un mineur de quinze ans, les délits prévus aux articles 222-11, 222-12 et 222-14 du même code ;

« 3° Les délits prévus à l’article 222-33 dudit code lorsqu’ils sont commis sur un mineur de quinze ans ;

« 4° Les délits prévus au deuxième alinéa de l’article 222-39, aux articles 227-18 à 227-21 et 227-28-3 dudit code ;

« 5° Les crimes et les délits prévus aux articles 421-1 à 421-6 du même code.

« III. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise :

« 1° Les formes de la transmission de l’information par le ministère public ;

« 2° Les professions et activités ou catégories de professions et d’activités concernées ;

« 3° Les autorités administratives destinataires de l’information ;

« 4° Supprimé

« Art. 706-47-5 (nouveau). – Sauf si la personne est placée en détention provisoire, le juge d’instruction ou le juge des libertés et de la détention ordonne, sauf décision contraire spécialement motivée, le placement sous contrôle judiciaire assorti de l’obligation mentionnée au 12° bis de l’article 138 d’une personne exerçant une activité mentionnée au I de l’article 706-47-4 mise en examen pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au II du même article 706-47-4. »

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 3 à 18

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 11-2. – I. – Le ministère public informe par écrit l’administration de la condamnation d’une personne qu’elle emploie, y compris à titre bénévole, lorsqu’elle est définitive et qu’elle concerne un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.

« II. – Le ministère public informe sans délai la personne de sa décision de transmettre l’information prévue au I. » ;

II. – Alinéas 34 à 49

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je répéterai ce que le président Mézard a dit : il est indispensable que les individus convaincus, par le jugement définitif, de délits sexuels sur mineur ne puissent exercer d’activité les mettant en rapport avec ceux-ci, ce qui suppose d’en informer leurs employeurs. On peut d’ailleurs se demander pourquoi ce n’est pas déjà le cas, comme on peut s’étonner que l’on entende ainsi pallier les défaillances d’une administration par des lois.

On nous dit qu’il faut choisir entre des principes. Pas seulement ! On doit aussi choisir entre des malheurs. En effet, la simple diffusion d’un soupçon injustifié de pédophilie est, quoi qu’on fasse, la garantie d’une vie brisée. Et ce n’est pas une question théorique ou un problème de linguistique : ce sont des malheurs bien réels.

Rappelez-vous Outreau. Dans l’introduction du rapport de la commission d’enquête présidée par André Vallini – il était nettement meilleur dans cette fonction-là ! –, il était indiqué que, sur 60 000 personnes incarcérées alors dans les prisons de France – il y en a beaucoup plus maintenant ! –, 20 000 étaient en détention provisoire et que, sur ce nombre, 2 000 seraient sans doute reconnues innocentes.

Autant d’affaires d’Outreau dont on ne parlera jamais !

Mais posons-nous la question : combien de personnes cela concerne-t-il ? On n’a pas de statistiques sur les personnes qui, ayant été inquiétées pour des problèmes de pédophilie, ont finalement été innocentées, mais on connaît le nombre de demandes d’indemnisation adressées à la commission qui en est chargée : entre 2004 et 2008, il y en a eu 140 par an – c’est un minimum, puisque cela ne tient pas compte de tous ceux qui n’ont pas demandé d’indemnisation. Il s’agit donc en gros de 200 personnes par an !

Il n’est pas ici question de grands principes et de présomption d’innocence, mais de la réalité ! Je sais que, face à ces crimes abominables dont les enfants sont victimes, on a tendance à faire pencher la balance d’un certain côté, mais je voudrais qu’on réalise bien les enjeux en présence. Qu’on ne vienne pas pleurer ensuite, quand il y aura de nouveaux Outreau ! Je sais néanmoins que ce sera la même chose : on pleurera sur les victimes, mais il faudra pleurer en l’occurrence les victimes de la justice !

Alors, soyons un peu réalistes !

M. le président. L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 15

Rédiger ainsi ces alinéas :

« Art. 11-2. – I. – Le ministère public peut informer par écrit l’administration des décisions suivantes rendues contre une personne qu’elle emploie, y compris à titre bénévole, lorsque, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, cette information est nécessaire pour lui permettre de prendre les mesures utiles au maintien de l’ordre public, à la sécurité des personnes ou des biens ou au bon fonctionnement du service public :

« 1° La condamnation, même non définitive, prononcée pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ;

« 2° La saisine d’une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d’instruction pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement ;

« 3° La mise en examen pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.

« Le ministère public peut informer, dans les mêmes conditions, les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ou les ordres professionnels des décisions mentionnées aux 1° à 3° du présent I prises à l’égard d’une personne dont l’activité professionnelle ou sociale est placée sous leur contrôle ou leur autorité.

« II. – Dans tous les cas, le ministère public informe :

« 1° La personne de la transmission prévue au I ;

« 2° L’administration, ou l’autorité mentionnée au dernier alinéa du même I, de l’issue de la procédure.

« L’administration ou l’autorité mentionnée au dernier alinéa du I qui est destinataire de l’information prévue au même I peut la communiquer aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l’exercice de l’activité mentionnée aux premier et dernier alinéas dudit I. Cette information ne peut être diffusée à d’autres personnes.

« Sauf si l’information porte sur une condamnation prononcée publiquement et sous réserve du quatrième alinéa du présent II, toute personne destinataire de ladite information est tenue au secret professionnel, dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

« III. – Les condamnations dont la mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire a été exclue en application de l’article 775-1 du présent code ne peuvent être communiquées à l’initiative du ministère public, sauf en application du 2° du II du présent article à la suite d’une première information transmise en application du I. Dans ce cas, l’information fait expressément état de la décision de ne pas mentionner la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

« IV. – Hors le cas où une décision prononçant une sanction a été légalement fondée sur l’information transmise par le ministère public, lorsque la procédure pénale s’est terminée par un non-lieu ou une décision de relaxe ou d’acquittement, l’administration ou l’autorité mentionnée au dernier alinéa du I retire l’information du dossier relatif à l’activité de la personne concernée.

« V. – Un décret détermine les conditions d’application du présent article, notamment les formes de la transmission de l’information par le ministère public et les modalités de retrait de l’information en application du IV. » ;

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. J’ai eu l’occasion de m’expliquer lors de mon propos introductif sur cet amendement. J’ai la conviction que le travail réalisé au Conseil d’État puis à l’Assemblée nationale constitue une base solide à partir de laquelle votre commission des lois a pu apporter son éclairage et ses ajouts. Néanmoins, le Gouvernement ne souhaite pas reprendre à son compte les modifications introduites par la commission, dispositions dont je doute de l’intérêt.

En effet, celles-ci finissent par rendre le texte proposé pour l’article 11-2 du code de procédure pénale à la fois moins précis, trop complexe et, en fin de compte, très difficilement applicable.

D’où cet amendement, qui vise à rétablir la rédaction initiale de l’article 1er du projet de loi, adoptée, je le rappelle, à l’unanimité des députés.

Quelques exemples significatifs justifient cette position.

Premier exemple, votre commission a prévu la possibilité pour la personne mise en cause de faire, à propos de toutes les décisions que le ministère public transmet à l’administration, des observations, qui doivent elles-mêmes être transmises à l’administration. Cela paraît inutile, notamment quand il sera question d’une condamnation publique, puisque la personne condamnée pourra, dans le cadre de la procédure disciplinaire, faire toutes les observations nécessaires devant son administration.

Deuxième exemple, votre commission a prévu la possibilité d’une saisine du président du tribunal de grande instance ou du premier président de la cour d’appel compétente en cas de non-transmission par le ministère public d’une décision de relaxe ou d’acquittement. Là encore, il s’agit selon moi d’une procédure lourde et inutile, dès lors qu’un recours est possible devant le procureur général, supérieur hiérarchique du procureur de la République, et que, par ailleurs, la personne peut toujours communiquer elle-même ladite décision à son administration.

Enfin, troisième exemple, votre commission a renvoyé pour les modalités d’application du texte à un décret en Conseil d’État et non à un décret simple, comme l’avait pourtant préconisé le Conseil d’État lui-même, ce qui retardera inutilement l’entrée en vigueur de la réforme, que nous estimons pourtant tous urgente.

Les ajouts que vous avez introduits ne m’ayant donc pas convaincue, je vous propose d’adopter notre amendement de rétablissement du texte initial.

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mme Imbert, MM. Milon, D. Laurent, Béchu, Chasseing, Revet, Joyandet, Laufoaulu, Dufaut et Cardoux, Mme Di Folco, M. Morisset, Mme Morhet-Richaud, MM. Vasselle et de Raincourt, Mme Mélot, MM. G. Bailly et Charon, Mmes Gruny et Deromedi, MM. Savary, Laménie et Kennel, Mme Deroche, MM. Lefèvre, Houpert et Pillet, Mme Lopez, M. Chaize et Mme Lamure, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Après les mots :

à titre bénévole

insérer les mots :

ou contre un membre de sa famille habitant le domicile de la personne employée qui exerce ses missions dans son lieu d’habitation

II. – Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

ou à l’égard d’un membre de sa famille habitant le domicile de la personne employée qui exerce ses missions dans son lieu d’habitation

La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Les assistants familiaux ou les assistants maternels accueillent des mineurs et exercent, pour une grande majorité d’entre eux, leur activité professionnelle à domicile. Aussi, il convient que les conseils départementaux, qui leur délivrent un agrément et qui, très souvent, les emploient, puissent avoir connaissance des crimes ou délits qui auraient pu été commis par un des membres de leur famille.

Les conseils départementaux ont l’obligation d’assurer la sécurité des mineurs accueillis chez les assistants maternels ou les assistants familiaux ; il faut donc élargir le dispositif d’information aux membres de la famille vivant au domicile.

M. le président. L’amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 34 à 49

Remplacer ces alinéas par dix-sept alinéas ainsi rédigés :

3° Après l’article 706-47-3, il est inséré un article 706-47-4 ainsi rédigé :

« Art. 706-47-4. – I. – Lorsqu’une personne dont il a été établi au cours de l’enquête ou de l’instruction qu’elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l’exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l’administration est condamnée, même non définitivement, pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au II du présent article, le ministère public informe par écrit l’administration de cette condamnation.

« Il en est de même lorsque la personne exerçant une activité mentionnée au premier alinéa du présent I est placée sous contrôle judiciaire et qu’elle est soumise à l’obligation prévue au 12° bis de l’article 138.

« Le ministère public peut également informer par écrit l’administration de la mise en examen ou de la poursuite devant la juridiction de jugement par le juge d’instruction ou le procureur de la République d’une personne exerçant une activité mentionnée au premier alinéa du présent I pour une des infractions mentionnées au II.

« Le ministère public peut informer par écrit l’administration de l’audition dans les conditions prévues à l’article 61-1 ou de la garde à vue d’une personne exerçant une activité mentionnée au premier alinéa du présent I dès lors qu’il existe, à son issue, des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que cette personne ait pu participer ou tenter de participer, comme auteur ou comme complice, à la commission d’une ou de plusieurs des infractions mentionnées au II. Dans ce cas, il ne peut transmettre l’information qu’après avoir recueilli ou fait recueillir, par procès-verbal, les observations de la personne, le cas échéant selon les modalités prévues à l’article 706-71, ou l’avoir mise en mesure de le faire. Lorsque la procédure pénale s’est terminée par un classement sans suite motivé par une insuffisance de charges, hors le cas où une décision prononçant une sanction a été légalement fondée sur l’information transmise par le ministère public, l’administration retire l’information du dossier relatif à l’activité de la personne concernée.

« Les II à III de l’article 11-2 sont applicables aux modalités de transmission et de conservation des informations mentionnées au présent article.

« II. – Les infractions qui donnent lieu à l’information de l’administration dans les conditions prévues au I du présent article sont :

« 1° Les crimes et les délits mentionnés à l’article 706-47 du présent code ;

« 2° Les crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-7, 222-8, 222-10 et 222-14 du code pénal et, lorsqu’ils sont commis sur un mineur de quinze ans, les délits prévus aux articles 222-11 à 222-14 du même code ;

« 3° Les délits prévus aux articles 222-32 et 222-33 du même code ;

« 4° Les délits prévus au deuxième alinéa de l’article 222-39, aux articles 227-18 à 227-21 et 227-28-3 dudit code ;

« 5° Les crimes et les délits prévus aux articles 421-1 à 421-6 du même code.

« III. – Un décret détermine les modalités d’application du présent article. Il détermine notamment :

« 1° Les formes de la transmission de l’information par le ministère public ;

« 2° Les professions et activités ou catégories de professions et d’activités concernées ;

« 3° Les autorités administratives destinataires de l’information ;

« 4° Les modalités de retrait de l’information en application de l’avant-dernier alinéa du I. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Là encore, je vous propose de rétablir la rédaction issue de l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement estime en effet que plusieurs des modifications que la commission des lois a adoptées sur l’article 706-47-4 du code de procédure pénale ne sont pas justifiées. Par ailleurs, nous souhaitons supprimer l’alinéa insérant dans le même code un article 706-47-5 qui institue un contrôle judiciaire obligatoire, parce que cela nous semble contraire à la Constitution.

En ce qui concerne l’article 706-47-4, je ne suis pas favorable à la suppression de la faculté, pour le ministère public, de transmettre à l’administration une information dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre, alors que cette transmission peut s’avérer indispensable, j’y insiste, pour protéger les mineurs. Il ne s’agit pas que de cas théoriques, mesdames, messieurs les sénateurs, et je veux évoquer des situations concrètes qui seraient couvertes par une telle disposition.

Les actes en question, par exemple la pédopornographie, donnent généralement lieu à des enquêtes longues et ne débouchent pas nécessairement sur l’ouverture d’une information judiciaire. Serait-il normal, selon vous, que l’éducation nationale ne soit pas tenue informée de tels faits tant qu’aucune information n’est ouverte ?

Autre situation dont nous avons été témoins, celle d’un instituteur placé en garde à vue pour des caresses inappropriées sur son fils et qui avait reconnu les faits. Il avait été remis en liberté le temps d’être soumis à une expertise psychiatrique – obligatoire pour ce type de faits – et, pendant ce délai, aucune information ne pouvait être transmise à l’éducation nationale. Voilà pourquoi il est important que l’information puisse être transmise rapidement.

Ce projet de loi ne concerne d’ailleurs pas que des agents de mon ministère ; il répond aussi à des attentes exprimées par les élus locaux, qui ont validé à l’unanimité ce texte lors de son examen par le Conseil national d’évaluation des normes.

Par ailleurs, dans son avis du 19 novembre 2015, le Conseil d’État a clairement validé cette disposition essentielle du projet de loi, estimant que l’atteinte à la présomption d’innocence que représente la transmission d’informations en amont des condamnations ne présentait pas de caractère excessif et était justifiée par l’intérêt général, à savoir la prévention des atteintes à la sécurité des mineurs.

En outre, je rappelle que la saisine du Conseil d’État a conduit le Gouvernement à introduire des garanties spécifiques dans ce texte, telles que le caractère écrit des transmissions d’informations, l’exigence d’indices graves ou concordants pour justifier une information au stade de la garde à vue, le recueil des observations de l’intéressé en amont de l’information ou encore l’effacement des informations du dossier de l’agent lorsque l’enquête a conclu à sa non-culpabilité.

Enfin, le Gouvernement ne partage pas du tout l’appréciation vous ayant conduits à exclure certaines infractions du dispositif de l’article 706-47-4 du code de procédure pénale, notamment l’exhibition sexuelle et les violences sur mineurs ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant pas entraîné d’incapacité de travail. Il ne fait aucun doute, en effet, que le mineur en contact avec une personne ayant commis l’une de ces infractions est potentiellement en danger. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait exclure ces actes du dispositif.

Cela étant dit, je ne méconnais pas les améliorations apportées par votre commission au texte. Ainsi, nous maintenons par cet amendement la suppression des crimes de tortures et actes de barbarie de la liste des infractions de l’article 706-47-4. En effet, vous avez raison, ces crimes sont déjà visés par l’article 706-47, dont la commission a procédé à une réécriture explicite.

En ce qui concerne maintenant le nouvel article 706-47-5, dont je conteste l’introduction par votre commission des lois, il institue pour la première fois dans notre procédure pénale le placement obligatoire sous contrôle judiciaire – cela n’a pas échappé aux sénateurs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, qui ont déposé un amendement identique tendant à la suppression du nouvel alinéa.

Une telle disposition porte une atteinte manifestement excessive et est contraire à la Constitution, à la présomption d’innocence et aux principes de nécessité et de proportionnalité de la peine, car elle concerne non une personne condamnée, mais une personne mise en examen et donc présumée innocente. Cela me paraît par conséquent aller bien au-delà de ce qui est permis par la Constitution.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par M. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 4 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 49

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 2.

M. Jacques Bigot. Il s’agit de supprimer l’obligation pour le juge d’instruction ou pour le juge des libertés et de la détention de prononcer un placement sous contrôle judiciaire assortie de l’obligation adaptée. Je m’en suis expliqué précédemment, donc je ne développe pas.

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 4.

Mme Esther Benbassa. Mon collègue l’a indiqué et je l’ai aussi précisé tout à l’heure, nous sommes contre l’automaticité de ce dispositif qui met à mal le principe d’individualisation des peines et oblige les magistrats à prendre certaines décisions. Nous proposons donc de supprimer cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. L’amendement n° 7 rectifié de MM. Mézard et Collombat a déjà fait l’objet d’un exposé très clair. Il a le mérite de s’inscrire dans la continuité d’une position constamment réitérée par ses auteurs, ce qui ne peut qu’être respecté.

À ce stade de notre réflexion, nous avons une divergence de vues, puisque vous proposez, mes chers collègues, d’interdire toute information au stade présentenciel, c’est-à-dire avant toute condamnation définitive. Ce n’est pas l’orientation de la commission, d’où l’avis défavorable qu’elle émet sur cet amendement.

L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement et tendant à rétablir le texte issu de l’Assemblée nationale, m’inspire plusieurs remarques.

Mme la ministre veut supprimer les garanties que la commission des lois a apportées à la personne mise en cause, au motif qu’elles seraient complexes et difficilement applicables. Combattre le principe de la présomption d’innocence est déjà lourd, mais y ajouter la réduction des droits de la défense en supprimant toute notion du droit au contradictoire et toute expression d’une opinion différente de celle du parquet me paraît un peu excessif ! Cela n’est vraiment pas acceptable.

Par ailleurs, la complexité évoquée par le Gouvernement est certes réelle dans certains cas, mais tel est le droit français, qui offre à chacun la possibilité de se défendre.

Il s’agit tout de même d’un texte qui, au nom de la protection des mineurs – évidemment très importante –, introduit une première inflexion au principe constitutionnel de la présomption d’innocence. C’est tout de même sérieux. Cela a été suffisamment souligné par nos collègues Collombat et Mézard pour qu’on s’attarde un peu sur les détails du texte.

Par ailleurs, le Gouvernement voudrait que le procureur puisse se prononcer sur l’opportunité d’une transmission d’informations au regard du bon fonctionnement du service public.

Je souhaite rappeler la position de la Conférence nationale des procureurs de la République et de la Conférence nationale des procureurs généraux : un tel critère, source d’insécurité juridique, n’est pas acceptable en droit pénal.

Le bon fonctionnement du service public ne saurait relever de l’appréciation du ministère public, il s’agit là d’une question de fond. Si les procureurs doivent désormais décider de ce qui est bon ou non pour le fonctionnement du service public, notamment de l’éducation, où allons-nous ? Il faudra revoir toute l’organisation judiciaire de la France !

Les missions du procureur sont étrangères à cette notion de « bon fonctionnement du service public ». Pardon d’y insister, mais il s’agit d’un sujet fondamental, auquel tiennent non seulement les magistrats du parquet, mais aussi la très grande majorité, si ce n’est la totalité des législateurs que nous sommes - ou alors, je ne comprends plus…

Madame la ministre, l’amendement que vous avez présenté tend également à supprimer le dispositif que nous proposons permettant de sanctionner la divulgation des informations à la presse. Selon nous, ce dispositif fait, lui aussi, partie des garanties dont doit légitimement bénéficier la personne mise en cause.

Enfin, vous déclarez qu’un décret en Conseil d'État n’est pas nécessaire et qu’un décret simple suffit. Permettez-moi de vous dire que, s’agissant de mesures d’application de dispositions relevant du droit pénal et de la procédure pénale, et compte tenu de certaines imprécisions que nous avons relevées dans le texte, nous préférons un décret en Conseil d'État. Ce n’est pas faire offense à la qualité de vos services : nous considérons simplement que nul n’est à l’abri d’une erreur en ces matières.

Madame Imbert, votre amendement soulève la question tout à fait importante de l’agrément permettant aux assistants familiaux et aux assistants maternels de prendre en charge des enfants à leur domicile. Néanmoins, j’en sollicite le retrait, car l’amendement n° 12, que je présenterai tout à l'heure, me semble répondre parfaitement à votre attente. J’espère que cet amendement, qui a reçu l’approbation de la commission des lois, en particulier des membres de votre groupe, vous donnera satisfaction.

J’en viens maintenant à l’amendement n° 11, le second qu’a déposé le Gouvernement sur cet article en vue de rétablir son texte initial. Je serai bref, puisque nous nous sommes déjà exprimés sur le sujet, au demeurant assez simple.

Vous voulez rétablir, madame la ministre, la possibilité d’information au stade de la garde à vue et de l’audition libre – bref, en toutes circonstances.

Franchement, nous avons montré que nous étions prêts à consentir un effort. Notre réflexion a évolué depuis les discussions que nous avons eues en juillet dernier avec notre collègue député Dominique Raimbourg, qui avait alors une position très ferme sur le sujet et qui, à mon avis, ne doit pas être excessivement réjoui des dispositions que vous avez fait voter à l’Assemblée nationale, encore que je ne connaisse pas les circonstances du débat…

Donc, autant nous avons fait un pas vers vous, en affirmant que, sur la base de l’avis du Conseil d'État, nous pouvions adopter une ligne médiane, consistant à accepter l’information au stade présentenciel, pour tout ce qui est condamnation, même non définitive, mise en examen et transmission à la juridiction de jugement, autant nous ne saurions accepter la possibilité d’une information au stade de la garde à vue ou de l’audition libre.

Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le dire, ces procédures pénales sont malheureusement parfois détournées dans le cadre de procédures civiles. (MM. Pierre-Yves Collombat et Jacques Mézard approuvent.) Tous les praticiens du droit savent que l’action pénale est relativement facile à mettre en mouvement dans notre pays. Si c’est une bonne chose en soi, il arrive aussi que l’on utilise les procédures pénales pour créer un dommage irréversible aux personnes mises en cause. Tout le monde aura compris les cas que je vise ici, relevant notamment du droit de la famille !

Oui, nous avons très légèrement réduit le champ des infractions incluses dans le régime de transmission obligatoire. Nous en avons ainsi exclu l’exhibition sexuelle, délit d’acception extrêmement large, mais qui, dans certaines circonstances, peut avoir un lien très éloigné avec la protection des mineurs, et les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ayant entraîné aucune incapacité de travail : faut-il prévoir, par exemple, qu’une condamnation pour une gifle donnée en dehors du cadre professionnel soit systématiquement transmise à l’administration ou à l’employeur ?

M. Yves Détraigne. Ce serait excessif !

M. François Zocchetto, rapporteur. Nous préférons que le procureur juge de l’opportunité de transmettre l’information – cela devrait vous satisfaire, madame la ministre, puisque vous avez contesté, tout à l'heure, le caractère automatique du dispositif de peines complémentaires que nous soutenions. Je ne pense pas dénaturer l’esprit du texte avec une telle proposition !

Pour terminer, je suis défavorable aux amendements identiques nos 2 et 4, pour des raisons qui ont déjà été exposées lors de l’examen de l’article 1er A.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, cela ne vous surprendra pas, le Gouvernement ne peut pas accepter l’amendement n° 7 rectifié, dont l’adoption limiterait terriblement la portée du projet de loi. Ne perdons pas de vue ce que nous sommes en train de construire ici !

Bien sûr, entre la présomption d’innocence et la nécessaire efficacité, permettant que les informations utiles soient transmises le plus tôt possible à l’administration lorsqu’il s'agit d’adultes en contact avec des enfants, un équilibre doit être trouvé – je l’ai suffisamment répété pour ne pas y revenir longuement.

L’équilibre que nous avons recherché vous est présenté dans ce texte, qui a été validé et donc conforté par le Conseil d'État, lequel nous avait cependant invités, comme je l’ai déjà dit, à prévoir davantage de garanties, notamment procédurales, ce que nous avons fait.

En fait, voter cet amendement consisterait à revenir sur cet équilibre, en limitant de façon excessive les possibilités d’information par le procureur.

D’une certaine façon, non seulement son dispositif ne répond pas aux situations de Villefontaine et d’Orgères, mais son adoption marquerait encore un recul par rapport à la pratique qui, dans les faits, était celle des magistrats ces dernières années (M. Pierre-Yves Collombat proteste.) : concrètement, les magistrats savaient faire prévaloir l’intérêt de la société.

Tout à l'heure, j’ai donné l’exemple d’un instituteur dont il est établi qu’il détenait des images pédopornographiques sur son ordinateur personnel. On ne va tout de même pas attendre que cet enseignant ait été condamné définitivement, quand on sait le temps que cela prend, pour informer l’éducation nationale de ses agissements ! Au reste, je pourrais citer des tas d’exemples de ce genre.

Pour cette raison, je vous prie, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai bien évidemment un avis défavorable.

Madame Imbert, votre amendement aborde un sujet très intéressant : il met en lumière une vraie difficulté, celle de la présence, au domicile des assistants maternels ou familiaux, de personnes pouvant avoir commis des actes graves et répréhensibles sur mineurs.

Je suis d’accord avec vous : nous devons trouver une solution à ce problème. Cependant, la rédaction de votre amendement pose quelques difficultés, que M. le rapporteur a assez justement résumées – je n’y reviens pas. En revanche, je suis favorable à l’amendement que celui-ci présentera dans un instant sur le sujet : son dispositif devrait remédier à la situation.

Monsieur Bigot et madame Benbassa, j’émets évidemment un avis très favorable sur vos amendements, qui ont le même objet que l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 7 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. Je veux revenir sur plusieurs points.

Premièrement, je m’étonne qu’il n’y ait pas d’étude d'impact annexée au projet de loi – en tout cas, s’il y en a une, je ne l’ai pas trouvée –, alors que ce document est, en principe, obligatoire. Avec une étude d'impact, on saurait au moins de quoi l’on parle !

Si nous cherchons à comparer les malheurs respectifs du gamin massacré et de l’innocent qui perd son emploi et qui est mis au ban de la société, à ce petit jeu-là, nous connaissons d’avance le résultat… Cela dit, le problème se pose quelque peu différemment si l’on sait que ce sont des centaines de personnes qui sont concernées chaque année. Nous aurions bien aimé disposer de ce type d’informations.

Deuxièmement, je veux rappeler que, s’il faut se méfier autant de ces accusations infondées, c’est précisément parce qu’elles prolifèrent, les dénonciations de crimes et, surtout, de délits sexuels reposant la plupart du temps sur de simples témoignages et seulement rarement sur des preuves matérielles – quand les preuves matérielles existent, il n’y a pas de difficulté.

Je veux aussi rappeler que, actuellement, les magistrats ne sont pas dépourvus d’armes pour éviter les contacts entre des enfants et des personnes dont on sait qu’elles ne sont pas fiables ou qu’elles sont dangereuses : le contrôle judiciaire et la détention provisoire… À cet égard, il est intéressant de savoir que le placement en détention provisoire d’innocents est onze fois plus fréquent dans les affaires de crimes à caractère sexuel et six fois plus fréquent en cas de délits sexuels que lorsqu’il s’agit de vols ou de stupéfiants ; il l’est même quatre fois plus qu’en cas de violences volontaires.

Il existe donc des outils pour ne pas provoquer ces malheurs que tous nous voulons éviter.

Je sais bien que les faits et la raison pèsent peu devant l’émotion, mais il faut envisager les risques pour toutes les parties. C’est la moindre des choses ! J’estime que l’on a tort de vouloir opposer des émotions et de chercher à privilégier un malheur sur un autre.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Bien sûr, nous ne retirerons pas cet amendement, qui est excellent ! (Sourires.) Il correspond à nos convictions. Du reste, si celles-ci ne sont pas partagées par l’ensemble des groupes, elles le sont par certains.

Mme Éliane Assassi. Nous les partageons !

M. Jacques Mézard. Je n’en doutais pas, chère collègue présidente !

Il s’agit d’une question de fond. Oui, nous sommes attachés à des principes, pour nous fondamentaux.

Lorsqu’il a présenté son amendement de suppression de l’article 1 A, le Gouvernement a reproché au rapporteur d’être motivé par des considérations d’affichage. Je vous rétorquerai, madame la ministre, que, pour ce qui me concerne, je vois beaucoup d’affichage dans votre texte ! Il me semble que celui-ci fait suite à un certain nombre d’événements tout à fait regrettables et déplorables ayant donné lieu à une large publicité dans les médias nationaux – malheureusement, je constate que cette façon de légiférer est récurrente.

Par conséquent, je trouve assez original que l’on voie dans notre amendement une forme de régression par rapport à la situation actuelle, surtout quand vous ajoutez – si je vous ai bien comprise, mais peut-être ai-je mal interprété vos propos – qu’il arrive d'ores et déjà au parquet de transmettre des informations, donc en dehors de toute règle !

Peut-être cette pratique existe-t-elle (Mme la ministre le confirme.), mais je trouverais dommageable de s’en prévaloir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

MM. Jacques Bigot et Jean-Pierre Sueur. Nous nous abstenons !

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Madame Imbert, l'amendement n° 3 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Corinne Imbert. Monsieur le président, je veux remercier M. le rapporteur et Mme la ministre d’avoir été attentifs à la question que j’ai soulevée au travers de cet amendement.

J’ai lu moi-même avec attention l’objet de l’amendement que M. le rapporteur a déposé à l’article 3. J’estime que c’est un bon dispositif. Cependant, je me demande en quoi celui que je propose pourrait être inopérant : il me paraît relativement facile, pour le parquet, de connaître la situation exacte de l’assistant familial ou maternel, conjoint ou parent de la personne mise en cause, qui bénéficie de l’agrément : il lui suffit d’appeler le conseil départemental. Cela ne doit pas être envisagé comme un frein. Des liens doivent exister entre le parquet et le département.

J’ai bien noté que le président du conseil départemental pourrait avoir à sa disposition le bulletin n° 2 du casier judiciaire au moment du traitement de la demande d’agrément. Qu’en est-il toutefois si une plainte est déposée contre le conjoint pendant la durée de validité de l’agrément, qui, je le rappelle, est délivré pour cinq ans ?

Mes chers collègues, vous savez bien que, lorsque la commission consultative paritaire départementale des assistants maternels et assistants familiaux est saisie d’une telle situation, le temps de la suspension, qui est limité à quatre mois, vient percuter le temps de l’action judiciaire, lequel est bien évidemment beaucoup plus long.

Il ne me semble pas que l’amendement n° 12, que va nous présenter M. le rapporteur, et celui que j’ai défendu soient incompatibles. J’aimerais comprendre en quoi l’adoption de mon amendement serait gênante.

Je maintiens donc l’amendement, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'amendement n° 3 rectifié bis.

M. René-Paul Savary. Mme Imbert a raison, ces deux amendements sont différents.

Il s’agit de problèmes que nous rencontrons fréquemment dans nos départements. Il appartient à ces derniers de placer les enfants dans de bonnes conditions.

Nous travaillons régulièrement avec les parquets, qu’il s’agisse de la protection maternelle et infantile ou des mineurs étrangers isolés. Si le Gouvernement confie ces enfants au président du conseil départemental par le biais des parquets, c’est qu’il a confiance dans les services du département.

Pour mener cette mission à bien, nous avons besoin d’un certain nombre de garanties sans lesquelles on ne peut confier un mineur à une famille. Des problèmes sont déjà survenus et nous avons dû, en urgence, parfois de nuit, mettre à pied certaines personnes ou changer notre organisation. Pour protéger ces enfants, nous sommes malheureusement parfois amenés à compliquer encore leur existence.

Cela étant, l’amendement n° 3 rectifié bis, que je soutiens, porte sur l’information durant la période d’agrément des assistantes maternelles, à la différence de l’amendement de M. le rapporteur, qui traite de l’information au moment de la demande d’agrément. Ces deux amendements me semblent donc complémentaires.

Toujours est-il que la transmission de l’information au président du conseil départemental me paraît tout à fait importante. C'est la raison pour laquelle j’invite Mme le ministre et M. le rapporteur à soutenir cet amendement à la fois simple et, me semble-t-il, de bon sens.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je me permets d’intervenir, car je vois que le rapporteur et Mme Troendlé restent muets face aux demandes de précision de Mme Imbert et de notre collègue René-Paul Savary.

M. François Zocchetto, rapporteur. Je compte répondre, monsieur Vasselle !

M. Alain Vasselle. La question de Mme Imbert est claire : la rédaction de votre amendement n° 12, monsieur le rapporteur, permet-elle d’informer le président du conseil départemental non seulement au moment de la demande d’agrément, mais aussi durant la période d’activité de la personne concernée ?

M. Alain Vasselle. Si tel n’est pas le cas, l’amendement de Mme Imbert doit être maintenu et, comme j’en suis l’un des cosignataires, je le voterai.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Un chiffre montre à lui seul pourquoi nos collègues peuvent nourrir une légitime inquiétude. Savez-vous combien d’enfants, dans un département moyen de 500 000 habitants, sont confiés chaque année au président du conseil départemental ? Environ 2 000 !

M. René-Paul Savary. J’en ai 1 300 dans mon département !

M. Éric Doligé. Nous savons tous que votre département n’est pas dans la moyenne, mais plutôt en dessous, mon cher collègue. (Sourires.)

M. Éric Doligé. Je plaisante…

Chaque jour, le président du conseil départemental et ses services doivent prêter une attention particulière aux enfants qui leur sont confiés ou qu’ils ont confiés à des assistantes maternelles.

Le président du conseil général doit donc disposer de l’information la plus large possible lui permettant d’éviter tout problème. Le moindre petit souci peut entraîner des conséquences sur le terrain que l’on n’imagine pas, comme une traînée de poudre.

C'est la raison pour laquelle cet amendement me paraît intéressant. La précision demandée par notre collègue Alain Vasselle mérite une réponse afin que nous puissions décider du sort de ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission des lois a examiné cet amendement avec la plus grande attention.

Il n’est dans l’esprit de personne de prétendre qu’il n’y a pas de problème. Nombre d’entre nous ont été ou sont conseillers départementaux. Nous connaissons d’expérience la situation et savons à quelles difficultés se heurte le président du conseil départemental, qui délivre les agréments, pour connaître la situation du foyer où l’enfant est accueilli.

En théorie, votre proposition est intéressante et tout à fait recevable. Mais qu’en sera-t-il en pratique ? Nous avons cherché, avec Catherine Troendlé, à inscrire dans ce texte des dispositifs efficaces.

Au regard de la situation actuelle des parquets, comme l’ont signalé Pierre-Yves Collombat et Jacques Mézard, et comme l’a reconnu le Gouvernement, ce qui est voté ne pourra être mis en œuvre – sauf à ce que le Gouvernement nous explique comment ! Or les représentants de la Conférence nationale des procureurs généraux et de la Conférence nationale des procureurs de la République nous ont dit que les parquets ne pourraient pas assumer cette mission.

Dans son étude d’impact, le Gouvernement évalue à quinze minutes le temps que passera le procureur pour transmettre ou non l’information. Il ne mentionne toutefois que les informations relatives aux condamnations et fait totalement l’impasse sur les moyens à mettre en œuvre concernant les transmissions d’informations pendant les procédures en cours. On est donc encore loin de la mise en place du dispositif voté !

Nous en revenons au débat déjà ouvert par certains : les lois d’affichage sont-elles suffisantes ou ne faut-il pas plutôt voter des lois montrant à nos concitoyens que nous sommes efficaces ?

Avec l’amendement n° 12, que je défendrai tout à l'heure, nous proposons un dispositif assez simple et dont l’exécution ne doit souffrir aucune exception. Il s’agit de permettre au président du conseil départemental de recevoir systématiquement le bulletin n° 2 du casier judiciaire de toutes les personnes majeures vivant au foyer de la personne accueillant l’enfant, en lieu et place du bulletin n° 3.

M. René-Paul Savary. C’est déjà mieux !

M. François Zocchetto, rapporteur. Ceux d’entre vous qui ont eu l’occasion de comparer les deux bulletins connaissent la différence : sur les « B3 », on ne voit presque rien ; sur les « B2 », on voit toutes les condamnations. Je pense qu’il s’agit d’une disposition très efficace.

Pour vous répondre très clairement, monsieur Vasselle, non, il n’y aura pas de transmission du B2 durant toute la durée de validité de l’agrément. Il ne sera transmis qu’au moment de la demande d’agrément ou au moment où vous le solliciterez, si vous avez des doutes.

Il ne s’agit donc pas d’une mesure à même d’apporter une certitude absolue - mais qui peut prétendre proposer un dispositif permettant de réduire les risques à néant en ce domaine ?

Si nous votons l’amendement de Mme Imbert et de ses collègues, nous aurons peut-être l’illusion d’avoir traité le problème. En réalité – ce ne devrait pas être à moi de le dire, mais à la garde des sceaux –, notre analyse de l’étude d’impact montre que le Gouvernement ne pourra pas faire appliquer le dispositif qu’il présente.

Au risque de vous décevoir, voilà quelle est la situation aujourd’hui. Mais il s’agit aussi de la question du transfert de responsabilité, que j’ai déjà évoquée, du magistrat vers le maire, vers le président du conseil départemental ou vers le président d’association.

J’ajoute que nous risquons de constater une grande disparité de traitement : certains procureurs transmettront tout et d’autres ne transmettront rien, car ils sont indépendants. Voilà qui ne pourra que faire croître l’incertitude au fur et à mesure de l’application de ce texte.

Je dis tout cela à dessein, afin de relativiser ce que nous votons : chacun doit comprendre que des risques subsisteront toujours en matière de protection des mineurs. Et ces risques, c’est à nous, responsables publics, de les assumer.

M. le président. Madame Imbert, qu’en est-il de l'amendement n° 3 rectifié bis ?

Mme Corinne Imbert. Je confirme que je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 4.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

(Non modifié)

Le code du sport est ainsi modifié :

1° Au II de l’article L. 212-9, les deux occurrences du mot : « a » sont supprimées ;

2° À l’article L. 212-10, les mots : « contre rémunération » sont remplacés par les mots : « , à titre rémunéré ou bénévole, ». – (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 133-6 est ainsi modifié :

a) Au 1°, la référence : « L. 221-6 » est remplacée par la référence : « 221-6 » ;

b) Au 2°, la référence : « L. 222-19 » est remplacée par la référence : « 222-19 » ;

c) Après le onzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’incapacité prévue au premier alinéa du présent article est applicable, quelle que soit la peine prononcée, aux personnes définitivement condamnées pour les délits prévus aux articles 222-29-1, 222-30 et 227-22 à 227-27 du code pénal et pour le délit prévu à l’article 321-1 du même code lorsque le bien recelé provient des infractions mentionnées à l’article 227-23 dudit code. » ;

2° (nouveau) L’article L. 421-3 est ainsi modifié :

a) À la dernière phrase du cinquième alinéa, après les mots : « assistants familiaux est », sont insérés les mots : « , sous réserve des vérifications effectuées au titre du sixième alinéa du présent article, » ;

b) À la deuxième phrase du sixième alinéa, les mots : « casier judiciaire n° 3 » sont remplacés par les mots : « bulletin n° 3 du casier judiciaire ».

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

b) Le sixième alinéa est ainsi modifié :

- à la deuxième phrase, les mots : « casier judiciaire n° 3 » sont remplacés par les mots : « bulletin n° 2 du casier judiciaire » ;

- à la dernière phrase, les mots : « bulletin n° 3 » sont remplacés par les mots : « bulletin n° 2 ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement, que j’ai à l’instant défendu, vise à permettre la transmission du bulletin n° 2 du casier judiciaire à la place du bulletin n° 3.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L’adoption vraisemblable de ce texte dans la rédaction issue des travaux de la commission, et non dans celle du Gouvernement, présente un avantage : la navette parlementaire nous permettra d’améliorer encore ce projet de loi, notamment au regard des préconisations de Mme Imbert. Je suis très sensible au débat qui vient d’avoir lieu.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 12, tout en concevant qu’il puisse être encore amélioré dans le cadre de la navette parlementaire.

M. Yves Détraigne. Mais nous sommes en procédure accélérée !

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je voudrais remercier Mme le ministre de son avis, qui envoie un signal dans la bonne direction.

Je voterai bien entendu l’amendement de M. Zocchetto.

Les explications du rapporteur montrent les limites de notre capacité à légiférer. Nous sommes en fait bloqués en raison de l’impossibilité du Gouvernement de mobiliser les moyens nécessaires à la circulation de cette information, impossibilité actuelle et sans doute encore d’actualité dans un avenir proche.

Or, dans cette situation extrêmement délicate et sensible, cette réponse apporte de l’eau au moulin de nos collègues Mézard et Collombat, qui nous ont expliqué qu’il était ici plus question d’affichage que de mesures concrètes. Nos concitoyens risquent d’être déçus de ce qui résultera de l’application de ce texte.

Cela me rappelle une intervention de M. Badinter qui , pour s’opposer à un amendement que nous avions déposé, à l’époque déjà, visant à ce que les maires soient informés de tous les délits constatés sur le territoire de leur commune, arguait de l’impossibilité de mobiliser les moyens humains et financiers nécessaires pour répondre à cette demande.

Nous sommes dans une situation comparable ! Toutefois, Mme la ministre envisage, dans le cadre de la navette, d’améliorer la rédaction de cet amendement, pour répondre d’une manière aussi satisfaisante que possible à l’attente des présidents de conseil départemental.

Ne l’oublions pas, dans cette affaire, si le procureur fait de la rétention d’informations, c’est le président du conseil départemental qui risque d’être mis en accusation. Il faudra donc que le président du conseil départemental ait la faculté de se retourner contre le procureur ayant retenu l’information, au cas où un délit aurait été constaté.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Je vous remercie, madame la ministre, de l’avancée que vous venez de faire. Vous me rassurez, alors que le rapporteur avait soulevé en moi des inquiétudes et que je m’interrogeais sur l’intérêt d’adopter ce texte.

Il s’agit malheureusement d’un problème rencontré régulièrement.

Il y a tout de même une sacrée différence entre les deux versions du texte ! Aux termes de la première, le président du conseil départemental est prévenu par le procureur au moment de la constatation du délit, quand une condamnation ou une procédure pénale concerne le travailleur social ou un membre de sa famille. Aux termes de la seconde, l’envoi du bulletin n° 2 du casier judiciaire intervient, et encore pas systématiquement, au moment de la demande d’agrément. Or, je le rappelle, cet agrément est d’une durée de cinq ans, et est renouvelable.

Je vous remercie, madame la ministre, car nous avons besoin d’être soutenus dans cette affaire. Outre les difficultés juridiques, nous sommes confrontés à des problèmes budgétaires, compte tenu du nombre important d’enfants concernés. Je pense notamment aux familles déstructurées, de plus en plus nombreuses, ainsi qu’aux mineurs étrangers isolés, qui représentent une charge supplémentaire pour les départements. Vous connaissez bien ce problème, madame Lebranchu, et il n’est toujours pas réglé, je vous le rappelle !

Cette dépense obligatoire, qui n’est compensée par aucune recette de l’État, suscite de graves difficultés – ce ne sont pas les seules ! – aux départements et à ceux qui en ont la responsabilité directe, à savoir les présidents de conseil départemental.

Si nous n’avons ni les moyens ni la couverture juridique, nous ne pourrons pas effectuer le nécessaire travail de protection des mineurs, ce qui doit nous interpeller.

De nouveau, merci, madame la ministre. J’espère que vous serez soutenue par l’Assemblée nationale et que nous pourrons, grâce à la navette, améliorer ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.

Mme Corinne Imbert. Je ne le dirai peut-être pas avec autant de fougue que mon collègue René-Paul Savary, mais je vous remercie, madame la ministre.

Chaque année, de telles situations sont présentées devant la commission consultative paritaire des assistants maternels et des assistants familiaux. Heureusement, elles restent rares ! En Charente-Maritime, on en rencontre une par an.

Selon moi, l’information doit pouvoir être transmise. Je compte sur vous, madame la ministre !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

(Non modifié)

Au dernier alinéa de l’article L. 914-6 du code de l’éducation, les mots : « enseignement du second degré » sont remplacés par les mots : « enseignement du premier ou du second degré ». – (Adopté.)

Article 4
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Intitulé du projet de loi

Article 5

(Non modifié)

L’article 1er de la présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. – (Adopté.)

Article 5
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Intitulé du projet de loi

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Projet de loi tendant à remplacer la présomption d’innocence par le principe « pas de fumée sans feu »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Le texte de cet amendement, qui a eu quelque peine à parvenir jusqu’à nous, a été trouvé dans une bouteille lancée à la mer… (Sourires.)

Il part du constat que nous assistons, depuis quelques années, à une évolution de fond : on ne juge plus les gens en fonction des actes qu’ils ont commis, mais en se fondant sur leur dangerosité supposée.

Nous avons eu la rétention de sûreté, une innovation à l’époque violemment combattue par la gauche. La mesure devait faire l’objet d’une modification, nous attendons toujours…

Puis nous avons eu la législation sur le terrorisme.

Nous avons aujourd'hui une législation nouvelle en matière de délits sexuels dont les victimes sont des enfants.

Il n’y a pas de raison de s’arrêter là ! Comme le dit le Premier ministre, expliquer, c’est déjà un peu excuser, et il ne faut pas excuser des actes aussi abominables.

Cet amendement vise simplement à reconnaître honnêtement ce fait. Finalement, loin d’établir un équilibre entre présomption d’innocence et principe de précaution, on consacre le nouveau principe de la justice française : il n’y a pas de fumée sans feu ! Et, comme il n’y a pas de fumée sans feu, il vaut mieux éteindre le feu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Je ne peux m’exprimer qu’à titre personnel, cet amendement n’ayant pas été étudié par la commission des lois, dans la mesure où il n’avait pas encore été transmis ce matin. Mais, heureusement, l’erreur est réparée, ce qui permet à notre collègue Pierre-Yves Collombat de redire d’un mot, avec une malice que je crois sérieuse, tout ce qu’il a développé au cours de nos débats.

C’est vrai, on peut s’étonner qu’un gouvernement qui tire sa légitimité d’un discours fondée sur la défense des libertés individuelles et de grands principes puisse proposer un texte comme celui-ci.

Pour ma part, je me félicite que certains nous aient rejoints dans l’appréciation des faits et sur la législation qui doit en découler.

Pour autant, cela reste surprenant. La majorité sénatoriale est satisfaite du grand pas en avant qui a été fait, tellement grand que nous avons d’ailleurs dû calmer le jeu, certains principes devant être respectés.

Je laisse le Sénat libre d’apprécier la proposition de M. Collombat. Toutefois, à titre personnel, je ne voterai pas cet amendement. J’espère que notre collègue ne m’en voudra pas ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Très sensible à la malice et à l’humour, je prendrai cet amendement sur le même ton…

Cela étant, le Gouvernement émet bien entendu un avis défavorable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en prends acte, vous considérez qu’il existe d’autres chemins que celui que propose le Gouvernement pour aboutir à l’efficacité recherchée dans la transmission d’informations par la justice, notamment à l’éducation nationale.

Je le regrette, car j’aurais souhaité que nous ayons dans cette assemblée la même unanimité que celle qui a prévalu à l’Assemblée nationale. Quoi qu’il en soit, ma détermination reste la même pour faire adopter, en l’améliorant sur certains points, le projet de loi tel que nous l’avons rédigé. En effet, l’équilibre que nous avons savamment obtenu et qui a été conforté par le Conseil d’État nous semble indispensable pour la protection des mineurs, tout en garantissant la présomption d’innocence.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Vote sur l'ensemble

Intitulé du projet de loi
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission modifié, je donne la parole à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

M. Jacques Bigot. Madame la ministre, le Gouvernement a su proposer un texte qui permettra de trouver, pour l’essentiel, un équilibre difficile – M. Collombat vient de le dire – entre le principe de précaution et la présomption d’innocence.

Le principe de précaution doit s’appliquer, comme l’indique le Conseil d’État, lorsqu’il existe des risques de trouble grave à l’ordre public, en particulier lorsqu’il s’agit de protéger des enfants.

En fait, vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, d’évoquer l’autorité judiciaire. Par ce texte, vous avez voulu lui donner, comme le préconisaient les rédacteurs du rapport de la mission, la possibilité d’établir une meilleure communication sur des sujets compliqués.

En effet, si l’information est évidente en cas de condamnation, même non définitive, elle demeure délicate pour ce qui concerne les procédures de mise en examen, et je ne reviens pas sur la position que nous avons clairement exprimée s’agissant de la garde à vue.

Pourtant, nous ne pourrons pas voter le texte tel qu’il a été modifié par la majorité sénatoriale, en raison de la défiance qu’il traduit à l’égard de l’autorité judiciaire, nous nous sommes déjà expliqués sur ce point. C’est dommage, c’était un bon texte. Nous nous abstiendrons donc avec regret, dans la mesure où nous aurions préféré retrouver, nonobstant des modifications, madame la ministre, l’unanimité que vous avez recueillie à l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Contrairement à ce que vient de dire mon collègue, ce texte n’introduit aucun équilibre entre deux principes. La question est-elle d’ailleurs celle de l’équilibre ? Selon moi, il s’agirait plutôt de choisir la moins mauvaise solution…

Je regrette que l’on n’ait pas poussé plus loin l’analyse pour savoir combien de personnes pouvaient être concernées dans un cas et dans un autre. Et tout cela pour faire une loi de circonstance !

Pour ma part, j’ai toujours en mémoire l’affaire d’Outreau. Pendant des années, on a durci les lois et la procédure, parce qu’il fallait, disait-on, sauver les enfants et protéger les victimes. Et, un beau jour, on s’est aperçu que les victimes pouvaient aussi être celles d’une procédure un peu trop rapide, un peu trop accélérée. Conservons cette idée à l’esprit : aller trop loin dans un sens, c’est véritablement entraîner des dégâts considérables.

C’est pour cette raison que j’ai pris la peine d’essayer de déterminer combien de personnes pouvaient potentiellement être concernées. Nous sommes loin de l’équilibre, je ne reviendrai pas sur ce point. Progressivement, la présomption d’innocence se délite. Il n’en restera bientôt plus grand-chose !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l'ensemble du projet de loi relatif à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 134 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 210
Pour l’adoption 186
Contre 24

Le Sénat a adopté.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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Dossier législatif : projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
Discussion générale (suite)

Déontologie, droits et obligations des fonctionnaires

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
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Demande de réserve

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (projet n° 41, texte de la commission n° 275, rapport n° 274).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, dans le moment de crise nationale que nous traversons – que nous avons traversé, je l’espère –, prend un relief particulier.

Les événements tragiques de l’année 2015 nous ont rappelé la solidité du lien qui unit les Français à leur fonction publique. Lorsque certains veulent attenter aux valeurs de notre République – en semant la terreur, en mettant à mal nos libertés fondamentales –, ils se heurtent à l’engagement sans faille de celles et ceux qui, chaque jour, œuvrent pour protéger, soigner, servir nos concitoyens.

Ne l’oublions pas : chaque jour, par leurs actes, tous les fonctionnaires construisent la République, chacun dans l’exercice de sa mission – qu’il s’agisse d’une mission de sécurité, de secours, de soins, ou de justice, d’éducation, de solidarité, de cohésion. Le service public est un édifice ; chaque agent participe de sa solidité.

Dans les temps troublés que nous vivons, il est important de se souvenir que l’action publique n’est pas désincarnée et qu’elle est portée par des hommes et des femmes qui, dans l’accomplissement de leur tâche, contribuent à enraciner la République dans tous les territoires de notre pays.

Le texte que vous vous apprêtez à examiner aujourd’hui rappelle l’importance du rôle dévolu aux fonctionnaires. Il ne se contente pourtant pas d’énoncer quelques principes symboliques : il contient des mesures précises qui, parce qu’elles s’intéressent aux droits et obligations des fonctionnaires, contribuent à renforcer la qualité de notre action publique.

Les enrichissements successifs dont ce projet de loi a bénéficié témoignent de l’intérêt que son élaboration a suscité.

Permettez-moi de rappeler que le projet de loi initial comprenait 59 articles ; nous avions fait le choix, en juin dernier, de réduire leur nombre à 25. Le projet de loi adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, le 6 octobre dernier, compte 79 articles. Si tous les amendements qui visent à créer de nouveaux articles étaient adoptés, le texte final comporterait plus de 100 articles !

Une des grandes forces de ce texte – vous avez été nombreux à le souligner – est d’être commun aux trois versants de la fonction publique – d’État, territoriale et hospitalière. Ce projet de loi rappelle que, dans notre pays, l’action publique est une, et qu’elle est portée conjointement par les trois versants de notre fonction publique, qui est elle-même une.

En faisant le choix d’un texte commun à ces trois versants, nous réaffirmons la force de notre action publique. C’est important pour nos concitoyens, mais aussi pour les fonctionnaires eux-mêmes.

D’une part, nos concitoyens sont d’autant plus convaincus de l’utilité des fonctionnaires qu’ils bénéficient des fruits d’une action publique forte, une action publique qui concerne tous les aspects de la vie, sur tous les territoires.

D’autre part, en rappelant aux fonctionnaires l’importance de leur mission, nous les aidons à ne pas perdre le sens de ce qu’ils font et des valeurs qu’ils incarnent dans l’exercice quotidien de leurs tâches.

C’est une des raisons pour lesquelles ce texte, puisqu’il est commun aux trois piliers de la fonction publique, ne prévoit qu’une réforme limitée des centres de gestion, mesure qui concerne la seule fonction publique territoriale.

Consolider notre action publique, cela suppose également de disposer d’une fonction publique qui soit, pour les citoyens, exemplaire. C’est tout le sens du texte que vous examinez aujourd’hui.

Plusieurs mesures viennent renforcer l’exemplarité de notre fonction publique, qu’il s’agisse d’assurer la transparence des recrutements sans concours au premier grade de la catégorie C, ou de mieux encadrer la possibilité du cumul d’activités – sans l’interdire pour autant.

Sur ce dernier point, il me semble qu’un bon équilibre a été trouvé lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, même si quelques problèmes demeurent avec un certain nombre d’entreprises s’agissant du cumul de l’occupation d’un emploi de fonctionnaire à temps complet avec le statut d’auto-entrepreneur – nous y reviendrons.

Dans le même ordre d’idées, ce projet de loi prévoit l’harmonisation des sanctions disciplinaires dans les trois versants de la fonction publique.

S’agissant de l’exclusion temporaire d’activité, je suis attachée à ce que l’exclusion de trois jours demeure une sanction du deuxième groupe, soumise donc à un conseil de discipline. Il s’agit d’une mesure aux conséquences lourdes pour les agents : l’interdiction, pour une durée maximale de trois jours, de se rendre sur son lieu de travail et la privation de salaire pendant la même période.

J’ajoute – en off , devrais-je dire, mais en on , parce que nous sommes au Sénat (Sourires.) – que ce type de sanction fait souvent naître une forme de sentiment d’humiliation et d’indignité dont la portée dépasse largement la sanction elle-même – nous en reparlerons au cours de notre débat.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Oui, nous aurons un débat sur cette question !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il y va de la préservation des droits de la défense des fonctionnaires concernés, liberté fondamentale de notre République.

Ce texte vise justement à conforter les libertés fondamentales des fonctionnaires, notamment grâce aux dispositions qui permettent de protéger les lanceurs d’alerte dans la fonction publique, ou de réformer la suspension de fonctions ou la procédure disciplinaire par l’instauration de la prescription de l’acte.

J’insiste sur le fait que ces libertés fondamentales sont les mêmes pour tous les fonctionnaires. De la même façon que ce texte assigne à tous les fonctionnaires, qu’ils soient civils ou militaires, des obligations déontologiques comparables, il leur reconnaît également des droits identiques.

Nombreux sont les agents publics qui ont le sentiment d’entretenir une relation distante avec leur hiérarchie. Ce projet de loi, en rénovant profondément le dispositif déontologique, remédier en partie à cet état de fait – du moins je l’espère. Il assigne au supérieur hiérarchique une responsabilité spécifique : celui-ci devient responsable du contrôle déontologique des missions exercées par les agents placés sous son autorité.

C’est dans cette optique qu’ont été renforcées les prérogatives de la Commission de déontologie de la fonction publique : elle se voit confortée dans sa mission de contrôle des départs des agents vers le secteur privé, et lui sont également confiées de nouvelles missions de conseil et d’accompagnement des chefs de service dans l’exercice de leurs nouvelles responsabilités déontologiques.

En ce qui concerne la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, le texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale me semble équilibré – nous en avons parlé en commission. L’équilibre trouvé entre les missions de la Commission de déontologie et les prérogatives de la HATVP me paraît satisfaisant.

Renforcer le dispositif déontologique, permettre aux agents de bénéficier des conseils de référents déontologues, c’est aussi une manière de mieux prendre en compte l’aspiration des fonctionnaires à davantage de responsabilités dans la conduite de leur carrière.

Ces référents devront être généralisés, de telle façon que chaque agent public puisse en disposer. Leur mise en place se fera sous la responsabilité des employeurs, avec le maximum de souplesse, selon les spécificités de leur organisation.

Le texte qui vous est soumis aujourd’hui tend d’ailleurs à simplifier la mobilité des fonctionnaires grâce à la simplification des positions statutaires, une initiative très attendue par nombre d’entre vous.

Sur ce point, permettez-moi d’indiquer ici que la mise en œuvre du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations, voulu par le Gouvernement, renouvellera les opportunités de carrière des fonctionnaires. Qu’il soit de catégorie C ou de catégorie A+, chaque fonctionnaire doit bénéficier d’un égal accès à la mobilité, c’est-à-dire du droit à la carrière. J’insiste : les fonctionnaires n’ont pas la garantie de l’emploi, mais la garantie de la carrière.

Dans le même esprit, j’ai souhaité que ce projet de loi contribue à l’amélioration de la situation des contractuels. Le dispositif de résorption de la précarité mis en place par la loi du 12 mars 2012 dite « loi Sauvadet » – du nom de mon prédécesseur – sera ainsi prolongé jusqu’en 2018 - et non pas 2020, si vous adoptez l’amendement qui a été déposé pour en modifier le terme. Il permettra aux contractuels éligibles d’accéder à la titularisation comme fonctionnaires.

Ces mesures sont l’occasion de rappeler aux employeurs publics leur obligation d’accompagner leurs agents dans l’exercice de leurs missions, notamment dans leurs relations avec les usagers du service public, lesquelles sont malheureusement parfois difficiles, dans notre pays où le lien social se distend.

Ainsi, le rappel, à l’article 1er du projet de loi, de la laïcité comme valeur fondamentale de notre République suppose que les employeurs publics proposent à leurs agents des formations à la laïcité, dans le cadre de leur formation initiale ou de leur formation continue.

Chaque fonctionnaire doit avoir connaissance des textes qui lui interdisent le port de signes religieux dans l’exercice de sa mission, mais aussi qui encadrent l’affichage de signes religieux dans l’espace public ou les lieux de service public.

Surtout, chaque fonctionnaire doit savoir pourquoi il est garant des principes de laïcité. Il doit savoir qu’il porte les valeurs de la République et contribue à ce que son pays soit celui des valeurs de la République, valeurs qui non seulement font la France, mais nous permettent de résister à toutes les tentatives de déstabilisation.

En ce début d’année 2016, ces valeurs nous permettent d’espérer.

En matière de laïcité, c’est souvent la méconnaissance du droit qui crée des interrogations, et donc de l’inquiétude. Un module de formation à la laïcité a d’ailleurs été mis en place il y a un an dans la fonction publique de l’État et est en voie de généralisation. À l’université, une douzaine de facultés de droit proposent un diplôme universitaire intitulé « Religions et société démocratique », également accessible aux fonctionnaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’achever mon propos en rappelant certaines des priorités que nous devons nous fixer pour bâtir la fonction publique de demain, une fonction publique qui soit à l’image de notre société et en reflète toute la diversité.

Dans le sillage des orientations dégagées par les comités interministériels à l’égalité et à la citoyenneté, nous devons travailler à ouvrir le recrutement dans la fonction publique à toutes les catégories sociales. Il est nécessaire de permettre aux jeunes issus de tous les territoires de la République de rejoindre, s’ils le souhaitent, les rangs de la fonction publique.

À cet égard, le CNFPT, le Centre national de la fonction publique territoriale, s’engage à faciliter le déploiement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale en prenant en charge une partie des coûts de formation des apprentis. Si vous adoptez l’amendement du Gouvernement déposé en ce sens, le texte que vous examinez aujourd’hui consacrera cette nouvelle mission du CNFPT.

Nous avons, ensemble, un message fort à envoyer à nos jeunes concitoyens : la fonction publique a besoin d’eux et de leurs talents !

Ces mesures d’ouverture de la fonction publique nous aideront à consolider les liens qui unissent nos concitoyens à leur service public. Je garde en mémoire le souvenir marquant de ces élèves de classes préparatoires intégrées nous expliquant à quel point ils pensaient, auparavant, que la fonction publique n’était pas pour eux !

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte est porteur de notre ambition pour la fonction publique, à la fois parce qu’il garantit que les missions des agents publics s’exercent dans le respect des valeurs républicaines, et parce qu’il assure à l’ensemble de nos concitoyens un service public exemplaire.

Je suis convaincue qu’en confortant l’exemplarité de sa fonction publique, notre nation se donne les moyens de relever les défis auxquels elle doit faire face, et d’être ainsi à la hauteur de ses responsabilités en Europe et dans le monde. Nous avons, en effet, trop souvent oublié de rappeler nos valeurs, de faire République, de faire Nation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’évoquerai tout d’abord le contexte dans lequel nous examinons le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Je le rappelle, ce texte a été adopté par l’Assemblée nationale le 7 octobre dernier, après engagement de la procédure accélérée. Initialement, il avait été déposé par le Gouvernement au mois de juillet 2013 ; il a fait l’objet d’une lettre rectificative au mois de juin 2015.

Le Gouvernement souhaitait réduire le volume du projet de loi en renvoyant certaines dispositions à des ordonnances. Cette méthode a cependant échoué à l’Assemblée nationale, nos collègues députés ayant réintroduit la plupart de ces dispositions dans le texte, qui ne comporte aujourd’hui pas moins de 80 articles.

On ne peut que déplorer la dispersion entre plusieurs textes adoptés depuis 2013 des dispositifs de transparence de la vie publique. À mon sens, il aurait été plus cohérent d’examiner ce texte en même temps que la loi sur la transparence de la vie publique : leurs objectifs sont comparables.

Ainsi que Mme la ministre l’a rappelé, le projet de loi comporte deux volets : l’un de clarification des obligations déontologiques des agents publics, l’autre de traduction des résultats du dialogue social dans la loi.

Au mois de décembre dernier, la commission des lois a adopté 138 amendements, en cherchant à atteindre deux objectifs.

Le premier objectif était d’articuler et de définir les dispositifs déontologiques applicables aux agents publics, afin d’en assurer l’efficacité et la lisibilité, en vue d’une harmonisation avec les dispositions adoptées antérieurement, pour les parlementaires, les membres du Gouvernement et les magistrats de l’ordre judiciaire.

Le second objectif que je me suis fixé en qualité de rapporteur est de garantir les droits des agents publics tout en préservant les marges de manœuvre des employeurs.

Comme je le disais en commençant, il est utile de rappeler le contexte. Le statut général est un socle fondamental, apte à évoluer. Mme la ministre a insisté tout à l’heure sur l’unicité de la fonction publique.

Le secteur public comprend 5,4 millions d’agents, dont 40 % travaillent pour l’État, 35 % pour les collectivités territoriales et 21 % pour le secteur hospitalier. Parmi tous ces agents, seuls 70 % ont le statut de fonctionnaire.

Les agents de la fonction publique sont régis par un statut général constitué de quatre lois, adoptées entre 1983 et 1986.

Ce statut n’est évidemment pas intangible. Il a évolué pour répondre à l’évolution des modes d’exercice de l’action publique. Pas moins de 212 lois l’ont modifié depuis 1983 ! Il a aujourd'hui de nouveau vocation à évoluer, et ce pour deux raisons.

Premièrement, de nombreux principes déontologiques applicables aux fonctionnaires ne figurent pas explicitement dans le statut général.

En outre, l’effet dissuasif des sanctions disciplinaires ou pénales prévaut aujourd'hui en matière de déontologie, au détriment de l’action préventive. Le texte a également pour objectif de prévenir les conflits d’intérêts. En l’occurrence, le droit en vigueur prévoit uniquement un cadre répressif. Il manque aux agents un cadre préventif qui leur donne la possibilité d’éviter ou de faire cesser d’eux-mêmes un tel conflit. Nous changeons donc d’état d’esprit et de logique, en privilégiant la prévention par rapport à la sanction ou aux mesures répressives.

Deuxièmement, il faut mettre en œuvre les accords sociaux conclus entre l’État et les partenaires sociaux. Je pense notamment à l’accord relatif aux parcours professionnels, carrières et rémunérations, ou PPCR.

Il importe de poursuivre certaines réformes du droit de la fonction publique. Je pense notamment à la loi du 12 mars 2012, dite « loi Sauvadet », dont l’ambition était de résorber la précarité dans la fonction publique.

Mme la ministre ayant déjà présenté les grands axes du projet de loi de manière pédagogique et exhaustive, je puis vous faire grâce d’une partie de l’intervention que j’avais préparée. (Sourires.) J’aborderai donc dès à présent les apports de la commission des lois du Sénat. Car nous avons pris des initiatives.

Tout d’abord, nous nous sommes fixé comme objectif de renforcer l’efficacité du contrôle déontologique en simplifiant les procédures.

Il s’agit de mieux articuler et de définir les différents dispositifs déontologiques.

Nous vous proposons de consacrer au plan législatif le devoir de réserve, en vue non de remettre en cause la jurisprudence en la matière, mais de la conforter.

Nous souhaitons doter la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique des mêmes prérogatives pour le contrôle des déclarations des fonctionnaires que celles qu’elle exerce pour le contrôle des responsables politiques.

Nous suggérons également d’assurer la constitutionnalité des dispositifs déontologiques.

D’abord, il faut écarter l’insertion de la déclaration d’intérêts dans le dossier du fonctionnaire. Ensuite, il importe de circonscrire plus précisément le périmètre des fonctionnaires tenus de confier la gestion de leurs instruments financiers à des tiers. Enfin, il convient de prévoir l’envoi de la déclaration patrimoniale après la nomination du fonctionnaire, et non avant, car elle permet de contrôler l’évolution du patrimoine uniquement pendant l’exercice des fonctions publiques, et non antérieurement à celui-ci.

Nous recommandons aussi de débattre du rôle de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. J’avais proposé que la Commission de déontologie soit intégrée à la Haute Autorité à compter du 1er janvier 2019, afin d’assurer une meilleure lisibilité et une meilleure efficacité du dispositif. Au terme d’un débat approfondi, notre commission a toutefois considéré qu’il convenait, avant cette extension des compétences de la Haute Autorité, de dresser un premier bilan de son action depuis sa création, en 2013. D’ailleurs, nous avons eu ce matin un débat sur l’opportunité d’adopter des amendements, en considérant qu’il faudrait peut-être procéder à une évaluation avant d’aller plus loin dans certaines dispositions.

Certains remettent également en cause la pertinence de confier les missions de la Commission de déontologie à une autorité administrative indépendante. Le débat demeure. Mme Di Folco défendra un amendement dont le dispositif reprend ce que j’avais proposé. Cela permettra à chacun de s’exprimer sur l’intérêt d’adopter une telle mesure, sinon aujourd'hui, du moins à terme.

Nous avons aussi pour objectifs d’harmoniser et de préciser les règles applicables aux magistrats administratifs et financiers. Cette proposition a été retenue par la commission.

Nous souhaitons harmoniser ce texte et le projet de loi organique relatif à l’indépendance et l’impartialité des magistrats et à l’ouverture de la magistrature sur la société, que nous avons adopté au mois de novembre dernier, notre collègue François Pillet étant rapporteur.

C’est le cas de la transmission de la déclaration d’intérêts après l’entretien déontologique, et non avant, et de la transmission de la déclaration d’intérêts au collège de déontologie uniquement en cas de doute du supérieur hiérarchique, afin de ne pas surcharger le collège.

Ce matin, la commission a adopté, sur ma proposition, un amendement visant à donner la possibilité au candidat de modifier sa déclaration d’intérêts après cet entretien.

Un travail préalable a été réalisé au début du mois de janvier avec le ministère de la défense et la DGFAP, la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, pour étendre les dispositions déontologiques du présent projet de loi aux militaires. Un équilibre globalement satisfaisant semble avoir été trouvé ; nous le verrons en examinant les amendements de séance que le Gouvernement a déposés et que nous avons examinés en toute fin de parcours.

Nous voulons aussi garantir les droits des agents publics tout en préservant les marges de manœuvre des employeurs. Nous voici dans le deuxième volet.

Afin de garantir les droits des agents publics, nous souhaitons un assouplissement du régime de cumul d’activités, pour ne pas supprimer la capacité entrepreneuriale des fonctionnaires, et la prolongation du plan de titularisation « Sauvadet » jusqu’en 2020. Je propose également l’aménagement de l’exclusion temporaire pour une durée maximale de trois jours, avec la faculté pour le fonctionnaire de demander la réunion préalable du conseil de discipline.

J’ai bien noté qu’il y avait débat sur ce point, madame la ministre. J’ai essayé de trouver une solution de compromis, mais je n’ai pas l’assurance qu’elle pourra satisfaire à la fois les personnes qui partagent votre position en faveur du maintien de cette sanction dans le deuxième groupe et les autres, qui voudraient qu’elle relève du premier groupe. Le débat n’est donc pas clos.

Je propose également le rétablissement de la présidence par un magistrat administratif des conseils de discipline de la fonction publique territoriale. Lors des auditions, cette demande était unanime.

Je vous propose encore de renforcer la fluidité de la gestion des ressources humaines par le maintien de la faculté de recourir au travail intérimaire et par la modulation dans la fonction publique territoriale de la part de la prime d’intéressement collectif perçue par chaque fonctionnaire d’un service en fonction de son engagement professionnel et de sa manière de servir. Je suggère aussi de porter de deux à trois ans la durée maximale, dans la fonction publique territoriale, des contrats destinés à pourvoir des vacances temporaires d’emploi dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire.

Nous avons la volonté de ne pas alourdir la procédure de recrutement sans concours d’agents de catégorie C.

Enfin, pour réformer les centres de gestion, nous suggérons d’accroître la mutualisation au niveau régional et de conforter certaines compétences. Le débat se poursuivra en séance. Quatre amendements ont été déposés sur ce thème, notamment par notre collègue Catherine Di Folco.

En conclusion, mes chers collègues, la commission des lois a clarifié ce texte et en a accru l’efficacité. J’espère que, sous le bénéfice de ces observations, nous serons unanimes pour adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Demande de réserve

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
Discussion générale

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement propose de préciser les obligations déontologiques des militaires : c’est l’objet de son amendement n° 84 rectifié, portant article additionnel après l’article 2.

La rédaction retenue pour les militaires dépendra des débats et des votes qui seront intervenus pour les fonctionnaires, du chapitre Ier au chapitre III du titre Ier du projet de loi.

C’est pourquoi, monsieur le président, la commission souhaite réserver l’examen et le vote de cet amendement jusqu’à la fin de l’examen de l’article 9, avant d’entamer l’examen du chapitre IV, qui porte sur la déontologie des membres des juridictions administratives et financières. De cette manière, le Sénat pourra adopter une position cohérente sur le statut des militaires.

M. le président. Je suis donc saisi par la commission des lois d’une demande de réserve de l’amendement n° 84 rectifié du Gouvernement portant article additionnel après l’article 2, jusqu’à la fin de l’examen de l’article 9.

Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la réserve est de droit lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande formulée par la commission ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Avis favorable.

M. le président. La réserve est de droit.

Discussion générale (suite)

Demande de réserve
Dossier législatif : projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
Article 1er

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons tous été ici des employeurs publics ; certains d’entre nous le sont même encore. Et nous représentons les collectivités territoriales, qui emploient 1,9 million d’agents.

Nous connaissons tous la qualité de ces fonctionnaires, qui se consacrent au quotidien à leurs concitoyens. Ils doivent pouvoir mener à bien leurs missions de service public dans des conditions favorables. Toutefois, les droits dont ils bénéficient doivent nécessairement s’accompagner de devoirs inhérents à leur position. Le texte dont nous commençons l’examen présente plusieurs apports dans le sens de cet équilibre.

Ce projet de loi clarifie les obligations déontologiques des agents publics, qui trouvent son origine dans l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. » Il octroie également de nouveaux droits aux fonctionnaires et en consolide les obligations.

Les règles statutaires applicables à ces agents ont vocation à évoluer, pour éviter toute disparité non seulement par rapport au secteur privé et à son actualité, mais également entre les trois versants de la fonction publique – la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.

S’agissant des disparités par rapport au secteur privé, je tiens à préciser que l’initiative de M. de Montgolfier de proposer l’instauration de trois jours de carence pour les fonctionnaires est soutenue par mon groupe. Il s’agit d’une mesure d’équité, qui plus est bénéfique pour les finances publiques.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Pas tout à fait !

Mme Jacqueline Gourault. Madame la ministre, nous devons concilier les droits des fonctionnaires avec les impératifs des employeurs publics, confrontés à des tensions financières.

En France, la fonction publique génère trop souvent des passions qui nous font oublier les aménagements propres à la maintenir efficace. On l’oppose au monde de l’entreprise, comme si les deux devaient s’affronter : l’une est protégée, alors que l’autre ne l’est pas, la première refuse le changement, alors que le second y est contraint.

Or la fonction publique est, elle aussi, confrontée à ses propres besoins de souplesse. Il faut donc concilier la simplification et l’efficacité des procédures relatives à la déontologie, d’une part, avec le renforcement des droits des agents publics, d’autre part, le tout avec comme objectif l’efficacité du service public.

Pour notre groupe, cette souplesse est essentielle. Nous pensons que le concours doit demeurer la règle d’accès à la fonction publique. Cependant, il ne doit pas empêcher l’existence de contrats, plus souples, liée à des besoins momentanés.

Mme Jacqueline Gourault. De tels contrats servent au premier chef les usagers mêmes du service public et le principe d’intérêt général qui en gouverne l’action.

Ainsi, le maintien au recours à l’intérim dans l’ensemble des fonctions publiques ou l’allégement de la procédure de recrutement d’agents de catégorie C nous semblent des outils importants.

Quoique nous soyons attachés au statut général de la fonction publique, nous ne croyons pas que celui-ci soit immuable. Il peut évoluer, sans pour autant priver les fonctionnaires de la protection qui est nécessaire à l’exercice de leurs missions.

Ce statut a d’ailleurs déjà beaucoup évolué ; Bernard Pêcheur, dans son rapport, recense 212 lois qui ont modifié le statut général depuis trente ans. C’est beaucoup et cela montre combien l’assouplissement dont nous parlons est nécessaire. Il en va ainsi de la loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, dite « loi Sauvadet », qui a notamment ouvert la possibilité de titulariser des agents non titulaires par l’intermédiaire d’examens professionnels, de concours réservés ou de recrutements sans concours.

On voit donc que l’on peut, concrètement, améliorer et consolider la situation des agents contractuels tout en assouplissant l’activité de la fonction publique et en l’adaptant à des besoins en perpétuelle évolution. Pour autant, cet assouplissement n’est pas et ne doit pas être synonyme de précarité : il peut s’accompagner d’un renforcement de la protection des agents.

La commission des lois du Sénat a tenu, par la voix de son rapporteur, à maintenir cet équilibre ; nous l’en remercions. Nous proposerons certaines évolutions complémentaires à la marge.

Ainsi, nous proposerons que l’employeur qui ne rétablit pas dans ses fonctions initiales un agent mis en cause, après le délai de suspension et en l’attente d’éventuelles poursuites judiciaires, motive sa décision.

Nous appuierons également la suppression de la possibilité d’une saisine du conseil de discipline pour le fonctionnaire qui se voit infliger une exclusion temporaire de fonction de trois jours maximum. Cette nouvelle possibilité contraindrait de façon trop importante les collectivités territoriales, qui ont besoin de ce type de mesures pour assurer une discipline au sein de leur administration. Nous l’appuierons d’autant plus sereinement qu’il existe d’ores et déjà des possibilités d’actions permettant à l’agent concerné de voir ses droits à la défense respectés. En d’autres termes, nous souhaitons revenir au texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

S’agissant des ressources humaines, le Sénat doit accompagner la commission dans sa volonté d’en fluidifier la gestion. Le groupe de l’UDI-UC croit qu’une bonne gestion est bénéfique pour l’exécution des missions et pour les finances des employeurs publics ; c’est l’une des clefs de l’efficacité.

Cette efficacité peut se trouver dans les compétences des centres de gestion, mais nous ne souhaitons pas que ces derniers se voient imposer ou prennent trop de compétences obligatoires. Il nous semble important que le recours à ces centres de gestion demeure en partie souple et que les collectivités qui en sont membres puissent, comme elles le souhaitent, décider de conserver une partie de la gestion des ressources humaines ou de la confier aux centres de gestion.

C’est pourquoi nous soutenons la suppression de l’ajout de deux compétences obligatoires aux centres de gestion, que sont la gestion administrative des comptes épargne-temps ainsi que la tenue du dossier individuel de chaque agent.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, notre groupe, dans sa très large majorité, s’apprête à soutenir ce projet de loi, tel qu’il a été amendé par la commission des lois et dont nous tenterons d’améliorer encore les dispositions grâce à nos travaux en séance publique. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – M. René Vandierendonck applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires traite d’un sujet de la plus grande importance, à de multiples égards.

On observe une attente de plus en plus forte des usagers concernant les services publics, s’agissant en particulier du principe de continuité du service public. Le service public est soumis à une exigence de qualité croissante. Les fonctionnaires, quant à eux, sont des acteurs majeurs de la vie publique, dans la mesure où ils servent l’intérêt général. Enfin, le consentement des contribuables à l’impôt se révèle de plus en plus difficile à obtenir. En plus d’être performants et ambitieux, les services publics d’aujourd’hui et de demain doivent représenter un coût raisonnable pour nos finances publiques.

L’examen et l’adoption de ce projet de loi sont particulièrement attendus, car, au-delà de l’intérêt qu’il présente, il répond à une attente forte. En effet, le rôle de l’État se renouvelle. L’État gendarme a laissé place à l’État providence, qui est lui-même en train de laisser place à l’État stratège, ce que l’on regrette parfois.

Corrélativement, naissent donc des craintes nouvelles pour les usagers, les contribuables, ainsi que les fonctionnaires, craintes auxquelles il est de notre devoir de législateur d’apporter des réponses. Nous ne siégeons pas ici en tant qu’employeurs, même si nombre d’entre nous l’ont été, ou usagers, mais en tant que défenseurs de l’intérêt général sur l’ensemble du territoire.

Ce renouvellement de la conception de l’État questionne, par ricochet, la définition de l’intérêt général. Cette dernière influence la déontologie, les droits et obligations des fonctionnaires.

En effet, si on considère que l’intérêt général transcende les intérêts particuliers, alors la question du conflit d’intérêts n’a pas lieu d’être ou ne se posera jamais. En revanche, si on considère que l’intérêt général est constitué de la somme des intérêts individuels ou bien de l’intérêt majoritaire ou encore de l’intérêt du plus influent, la question du conflit d’intérêts trouve toute sa place et doit requérir la plus grande vigilance.

Interroger la définition de l’intérêt général se révèle pertinent à l’heure où le pouvoir des lobbies, quels qu’ils soient, est de plus en plus grand.

Cette question doit également être resituée dans son contexte.

D’une part, on assiste aujourd'hui à une judiciarisation croissante de notre société. La fonction publique n’est pas épargnée par ce phénomène. Cela entraîne une réflexion sur l’idée de déontologie. Certains faits ont donné naissance à des scandales pouvant expliquer parfois une certaine défiance à l’égard de certains fonctionnaires. Mais ne faisons pas de généralités : la quasi-totalité des fonctionnaires sont des personnes très scrupuleuses, soucieuses de l’intérêt général. Dans le contexte actuel, il devient important de redonner confiance en la fonction publique et de rassurer tous ceux qui la servent.

D’autre part, on constate une place nouvelle de l’argent et du matérialisme. Celle-ci influe sur la définition de l’intérêt général et surtout sur les craintes nouvelles dont peuvent faire l’objet les fonctionnaires.

Quel que soit le fruit de ces réflexions, les écologistes posent l’objectif clair, net et précis d’une fonction publique transparente, où les pratiques professionnelles ne sont pas discutables ! En ce sens, l’objectif du projet de loi dont nous discutons ce soir est très louable.

Nous partageons la volonté du Gouvernement de réaffirmer les valeurs qui guident l’action publique et de clarifier les règles déontologiques. De la même manière, eu égard à notre attachement au service public, nous ne pouvons qu’appeler de nos vœux un service public de grande qualité. Seulement, pour être atteints et devenir effectifs, ces objectifs ne doivent pas seulement être inscrits dans la loi. Tout comme les valeurs, ils doivent être intériorisés par les fonctionnaires. Cette intériorisation, cette appropriation ne peut intervenir par la seule magie de la loi.

La formation joue ici un rôle majeur. Sur ce sujet, Antony Taillefait, professeur de droit public à l’université d’Angers, spécialiste de la déontologie, écrit qu’« un régime des conflits d’intérêts, une action de donneur d’alerte ne peuvent avoir d’effectivité complète que s’ils s’inscrivent dans une transformation de la culture administrative. […] La formation initiale et continue des agents publics est donc déterminante pour assurer l’effectivité des régimes de conflits d’intérêts. Or, dans les administrations, des coupes claires ont été effectuées dans les budgets destinés à la formation. […] Au surplus, le contenu de cette formation, lorsqu’elle subsiste, est trop souvent techniciste alors qu’elle devrait être une formation culturelle. »

Je partage totalement cette position. À titre d’illustration, le présent projet de loi met en place des référents-déontologues. Si je salue l’idée, je déplore que ne soient envisagées ni la question de leur formation ni celle de leurs compétences.

Au-delà de la question de la culture administrative, sur le fond, certains points attirent particulièrement notre attention.

Le devoir de réserve doit selon nous rester uniquement jurisprudentiel et ne doit pas être inscrit dans la loi. Tant que nous vivrons dans une démocratie, tout ira bien, mais si nous devions demain changer de régime, cela serait très dangereux. Voyez ce qui se passe en Turquie !

L’intérim doit à nos yeux être uniquement réservé à la fonction publique hospitalière. Cela nous semble important.

Ensuite, il faut un droit disciplinaire soucieux du principe de sécurité juridique et des droits de la défense, un meilleur suivi des lauréats aux concours de la fonction publique territoriale, ainsi qu’une protection rigoureuse des lanceurs d’alerte.

Pour conclure, madame la ministre, je salue la volonté que traduit ce texte et la ténacité qui a été la vôtre pour l’élaborer dans un contexte difficile, mais j’attire votre attention sur le fait qu’un texte vertueux demeurera une déclaration d’intention si les textes réglementaires qui l’accompagnent ne sont pas rapidement pris, comme en témoigne l’exemple de la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, dite « loi Blandin », dont les décrets d’application n’ont été publiés qu’après plus d’un an. Quant à la fameuse commission ad hoc prévue, elle n’existe toujours pas. À cet égard, je compte sur vous, madame la ministre ! (M. René Vandierendonck applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent texte étend le champ de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique aux fonctionnaires des directions des trois fonctions publiques, aux responsables des cabinets des conseils régionaux, départementaux ou assimilés, aux directions des établissements publics de coopération intercommunale et des communes de plus de 20 000 habitants, ainsi qu’aux membres des juridictions administratives et financières – selon un régime spécial, noblesse oblige !

Il rappelle aussi, ce qui n’est pas vraiment une révélation, que « le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, réserve, intégrité et probité », qu’il est tenu à l’obligation de neutralité et qu’il « exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité ». Comme on sait, ce qui va sans le dire va mieux en le disant, même si la portée législative de ces principes m’échappe un peu…

Toute bonne loi se devant d’être « équilibrée », à obligations nouvelles, droits nouveaux, d’où diverses dispositions destinées à favoriser le dialogue social, à renforcer la protection fonctionnelle des fonctionnaires et les garanties disciplinaires dont ils peuvent bénéficier, à améliorer la situation des agents contractuels, notamment en matière de prise en compte de l’ancienneté acquise. En outre, l’Assemblée nationale a ajouté plusieurs dispositions répondant aux problèmes spécifiques de diverses catégories de fonctionnaires.

En matière de cumul des activités, le texte n’apporte pas vraiment de clarifications à une doctrine traditionnelle plutôt floue. Le dilemme demeure : le principe – « Le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. » –est assorti d’une liste impressionnante de dérogations. L’interrogation est toujours la même : s’agit-il de faire profiter la société des talents des fonctionnaires ou de compenser la faiblesse notoire de leur rémunération ?

Pour ceux qui en douteraient, je donnerai l’exemple des enseignants français – il est dommage que Mme Vallaud-Belkacem soit partie –, qui, selon un récent rapport de l’OCDE, figurent parmi les moins bien payés des pays membres de cette organisation et qui, depuis l’année 2000, ont même vu leur salaire baisser de 11 % en monnaie constante pour les enseignants du primaire et de 10 % pour ceux du collège, ce qui est un record absolu à l’échelle de l’OCDE !

Ces grandes lignes étant rappelées, la grande majorité des membres du groupe RDSE n’a pas vu de raison de s’opposer au vote de ce texte.

Personnellement, et à l’instant « t », j’en vois une majeure : n’ayant pas voté la loi du 11 octobre 2013 et ayant expérimenté la façon dont elle est appliquée, je ne suis pas convaincu que créer 20 000 assujettis de plus à une déclaration d’intérêts et 4 000 de plus à une déclaration de patrimoine soit suffisant pour réconcilier l’opinion publique avec les sommets de l’État.

Pour parodier Houellebecq, je dirai que je ne vois pas l’avantage que tirera le pays de cette extension du domaine du soupçon généralisé et du contrôle politique par un organisme administratif dont le président est nommé par l’Élysée, siège de presque tous les pouvoirs en cette Ve République finissante, et donc de toutes les tentations, comme on a pu le constater.

Sauver les apparences sans toucher au système de pouvoirs qui rend possibles les maux que l’on prétend combattre, détourner les regards de l’opinion publique, créer l’apparence d’un ordre moral : telle a toujours été la fonction des croisades moralisatrices.

Ainsi, d’affaire Woerth en affaire Cahuzac, plutôt que de se préoccuper des moyens d’application effective du code pénal, on s’est focalisé sur le « conflit d’intérêts », notion mi- morale, mi-juridique, plus facile à définir qu’à établir. Il est clair que « conflit d’intérêts », cela vous a quand même une autre allure que le « trafic d’influence » ou la « prise illégale d’intérêts » figurant dans le code pénal…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il n’y a pas de fumée sans feu ! (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Selon la définition donnée par la loi relative à la « transparence », « influencer » ou « paraître influencer » l’exercice d’une fonction, c’est la même chose. L’interférence entre divers intérêts publics – comme si l’intérêt public était divisible ! – est aussi répréhensible que l’interférence entre intérêts publics et intérêts privés. Par parenthèse, c’est une confusion que ne fait pas le rapport Sauvé, intellectuellement plus rigoureux que les textes législatifs qu’il a inspirés.

Constatons aussi que, si le champ d’intervention – en extension et en compréhension – de la toute puissante Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et, concurremment, de l’administration fiscale en matière de contrôle des patrimoines ne cesse de s’étendre, les procédures de la Haute Autorité ne sont toujours pas, malgré cela, encadrées et se développent dans les faits sans limite de temps. Quant à ses décisions, on cherche les voies de recours. Plusieurs amendements que j’ai déposés avec des collègues ont précisément pour objet de supprimer ces entorses à l’État de droit.

Mon vote personnel sera déterminé par les progrès que ce texte permettra de faire sur ces questions tout à fait essentielles. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste. – M. René Vandierendonck applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention par une remarque sur le recours à la procédure accélérée pour l’examen de ce texte.

Il est tout de même étonnant qu’une telle procédure soit mise en œuvre pour un projet de loi déposé en juillet 2013 et dont le Gouvernement n’avait jamais demandé l’inscription à l’ordre du jour auparavant. (M. Pierre-Yves Collombat rit.) Aucune urgence ne motive cette nouvelle atteinte au travail parlementaire.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !

M. Christian Favier. Cela est même totalement incompréhensible si l’on considère qu’il s’agit du premier, et sans doute du dernier texte législatif portant sur la fonction publique que le Gouvernement soumettra au Parlement d’ici à la fin de la mandature.

Le statut des fonctionnaires, qui concerne directement plus de 5 millions d’agents et, plus largement, leurs familles, ainsi que l’ensemble de la population, mérite mieux qu’un débat raccourci et finalement bâclé.

Dans le climat actuel de stigmatisation permanente des fonctionnaires et au moment du trentenaire des lois portant statut général des fonctionnaires, présentées à l’époque par Anicet Le Pors, nous étions en droit d’attendre un tout autre texte.

Nous pouvions espérer un texte confortant la place et le rôle du service public dans notre société et renforçant les garanties statutaires, en commençant par le retrait de toutes les mesures prises par la droite ces dernières années qui ont fragilisé l’édifice statutaire.

Il est d’ailleurs à noter que, le jour où nous entamons l’examen de ce texte, les fonctionnaires se sont mobilisés à l’appel de plusieurs syndicats pour défendre leur pouvoir d’achat. Je tiens à leur exprimer le soutien de notre groupe.

Nous savons que leurs nombreuses préoccupations trouvent peu d’échos dans ce projet de loi. Nous savons aussi que d’importantes négociations ont été menées, madame la ministre, et que vous en menez encore.

Cela dit, la plupart des sujets évoqués ne trouveront une réponse éventuelle que d’ici à quelques mois. En une mandature, peu de choses auront réellement bougé ; on peut le regretter.

Certes, le texte qui nous est présenté aujourd’hui contient de nombreuses dispositions utiles au regard de la lutte contre les conflits d’intérêts, de la déprécarisation d’agents publics au statut incertain, de l’apport de nouvelles garanties dans certaines circonstances et de la promotion du dialogue social.

Cependant, le risque d’installation d’une fonction publique low cost reste présent, en particulier pour les versants territorial et hospitalier. Bon nombre de fonctionnaires ne disposent toujours pas pleinement de leur statut, du fait des fonctions qu’ils occupent dans certains organismes, telles les diverses autorités administratives créées ces dernières années.

Tel qu’il est présenté aujourd’hui, ce texte est devenu un projet de loi relatif à diverses mesures portant sur les droits et obligations des fonctionnaires, plutôt qu’un texte ambitieux fondant ou refondant un engagement politique fort en faveur d’une fonction publique démocratisée, ouverte et dynamique, au service de l’intérêt général.

En effet, il ne s’agit pas ici de modifier la convention collective de la fonction publique.

Le statut est un ensemble de garanties, non pas au seul bénéfice des agents, mais à celui de l’ensemble de notre société, de l’ensemble des citoyens, qui ont ainsi l’assurance de disposer, sur l’ensemble du territoire, de services publics accessibles et de qualité, de nature à répondre à leurs besoins. Ils ont ainsi la garantie du total respect des valeurs de la République dans la mise en œuvre des politiques publiques. Tel est le sens du pacte républicain que nous devons à nos concitoyens.

En ces temps troublés, c’est aussi une garantie pour notre cohésion nationale et un gage d’efficacité au service de tous, comme nous venons de le voir au travers des événements tragiques que nous avons traversés.

Cette disponibilité, cet engagement au service de l’ensemble de nos concitoyens, sans discrimination d’aucune sorte, sont la marque d’une fonction publique que nous devons préserver.

On oublie bien souvent cet aspect du statut, qui est autant un ensemble de garanties en faveur des agents publics que l’assurance, pour les pouvoirs publics, de disposer des agents nécessaires à la mise en œuvre de leurs politiques. Ce statut représente aussi la garantie, pour chaque citoyen, de disposer d’une administration au service de l’intérêt général, respectueuse des principes républicains.

Aussi apprécions-nous les dispositions contenues dans ce texte visant à lutter contre les conflits d’intérêts, qui sont de nouveaux marqueurs au service de cet engagement. Pour s’appliquer, ces nouvelles règles devront en bousculer bien d’autres, non écrites, tenant à des fonctionnements hiérarchiques parfois trop pesants, sans parler de pratiques institutionnalisées qui font trop souvent d’un fonctionnaire l’exécutant d’une administration très hiérarchisée, et trop peu souvent un citoyen fonctionnaire agissant en pleine responsabilité.

Compte tenu de l’ensemble de ces remarques, vous comprendrez, madame la ministre, que nous ayons déposé plusieurs amendements.

Ainsi, pourquoi vouloir ajouter, dès l’article 1er, l’obligation de dignité à celles d’impartialité, d’intégrité et de proximité ? Peut-être l’auteur du texte s’est-il laissé influencer par les turpitudes d’un ancien ministre du budget, mais il faut se méfier des amalgames.

Nous serons particulièrement attentifs à la situation des contractuels. Il convient de lutter contre la précarité qu’ils subissent, en étendant le champ des dispositions de la loi Sauvadet.

Nous rejetterons aussi la remise en cause des restrictions au droit de grève persistant dans notre législation.

Enfin, nous serons vigilants à l’égard des amendements défendus par la majorité sénatoriale, craignant que les sénateurs de droite ne saisissent l’occasion de ce texte pour fragiliser la situation des fonctionnaires.

Pour conclure, nous regrettons que certains de nos amendements portant sur le droit de grève et sur les libertés syndicales aient été jugés irrecevables, au nom des dépenses que leur adoption entraînerait. C’est faire, à notre avis, peu de cas des libertés démocratiques. Aussi notre vote final dépendra-t-il de la teneur de nos débats et des modifications éventuelles qui seront apportées au texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.

M. René Vandierendonck. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd'hui le seul projet de loi de notre législature pleinement consacré aux quelque 5,4 millions d’agents qui sont au cœur de notre République, car chargés de l’exécution même du service public, comme l’année 2015 l’a tragiquement rappelé.

Je tiens à remercier le Gouvernement, et vous tout particulièrement, madame la ministre, pour la concertation menée avec les organisations syndicales. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a duré !

Je salue le travail important de la rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Françoise Descamps-Crosnier, qui a profité du temps de la concertation pour faire évoluer le texte.

Cela m’amène à mettre tout spécialement en lumière le travail de notre rapporteur, M. Vasselle, qui, dans un délai extrêmement resserré, a pris le temps d’écouter, d’organiser des auditions. Ce matin, la commission des lois a examiné 180 amendements… Je le dis à l’adresse de ceux qui s’étonneraient que nos travées soient quelque peu clairsemées : il ne faut pas tomber dans la caricature.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est vrai, vous avez raison de le rappeler.

M. René Vandierendonck. Ce texte a donc pour ambition de lutter contre les représentations fausses qu’encore trop facilement les gens se font de l’engagement des fonctionnaires. Rappelons que six années de gel du point d’indice représentent une économie budgétaire de 7 milliards d'euros.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Rien que cela !

M. René Vandierendonck. Le Premier ministre serait peut-être bien avisé de conclure un accord avec l’Association des maires de France pour étaler la diminution des dotations de l’État aux collectivités territoriales sur une durée plus longue.

M. le président de la commission des lois a bien voulu mettre en œuvre une mission sénatoriale de contrôle et d’évaluation de la réforme territoriale, dont les co-rapporteurs sont Mathieu Darnaud et votre serviteur. Je ne l’en remercierai jamais assez. Les fonctionnaires territoriaux que nous rencontrons sur le terrain nous font part de leurs inquiétudes quant au maintien de leur régime indemnitaire dans le cadre de la fusion des régions, par exemple. Je leur rappelle alors que, au Sénat, nous nous sommes battus pied à pied, avec Jean-Jacques Hyest, pour la garantie du maintien des avantages individuels. Néanmoins, les agents se demandent quelles seront les incidences de la création des nouvelles collectivités territoriales. Il est évident qu’il ne suffit pas de leur dire, comme on le fait ici au Sénat, qu’on leur a donné une garantie de carrière, mais pas une garantie d’emploi.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est cela !

M. René Vandierendonck. Il s’agit d’être tout à fait concrets et de mettre en œuvre de véritables accords sur les carrières.

Ces préoccupations ne sont pas le monopole du groupe socialiste et républicain : d’autres se sont exprimés en ce sens ce matin en commission.

Je tiens à souligner, monsieur le rapporteur, votre art consommé de la recherche du compromis. (Sourires.) Nos points de divergence portent essentiellement sur la question disciplinaire. Si l’on estime que les centres de gestion n’arriveront jamais à organiser les conseils de discipline dans des délais aussi brefs que ceux prévus par le texte, alors desserrons-les ! En revanche, quand le point d’indice est gelé depuis six ans, il est impensable d’imaginer, fût-ce une seule seconde, que l’on puisse priver un fonctionnaire de l’équivalent de trois jours de rémunération sans lui garantir l’application du principe du contradictoire.

Le rapporteur, cédant à la perfide séduction de l’intelligence (Sourires.), a proposé que les fonctionnaires concernés puissent saisir a posteriori le conseil de discipline. Croyez-moi, cela risque d’aboutir à créer une coutume contra legem !

Je remercie Pierre-Yves Collombat d’avoir cité le rapport Sauvé, très éclairant sur la question de la déontologie.

Je ne mésestime absolument pas l’accord relatif aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations, madame la ministre, mais il faut vraiment accompagner de très près sa mise en œuvre dans les collectivités territoriales, car elle soulève des préoccupations fondamentales. S’il n’y avait pas eu des élections régionales au mois de décembre, des commissions paritaires se seraient réunies dans tous les conseils régionaux de France et de Navarre et auraient accordé, à six mois de la retraite, leur « bâton de maréchal » – en d’autres termes un avancement au choix – à un certain nombre de personnes pour récompenser leurs services. Quand ces commissions se tiendront-elles ? Mystère et boule de gomme ! (Sourires.)

En conclusion, je sais gré à M. le président de la commission des lois et à M. le rapporteur de nous avoir écoutés sur une grande partie des amendements déposés par le groupe socialiste et républicain.

Il me semble que la démocratie locale gagnerait à ce que le bilan social fasse l’objet d’un débat annuel devant l’organe délibérant de la collectivité, sur le modèle du débat d’orientation budgétaire. Cela ne manquerait pas d’allure. Dans cette période où l’on s’apprête à revoir la Constitution, il est bon de rappeler que les collectivités s’administrent par des organes élus au suffrage universel direct. Il ne serait donc pas anormal que, une fois par an, on dresse un bilan sur les ressources humaines des collectivités. On pourrait ainsi, par exemple, mettre en exergue si telle collectivité a dû embaucher des intérimaires pour répondre à une situation d’urgence ou si elle a respecté le plan Sauvadet sans chercher à le diluer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Marc Gabouty applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco.

Mme Catherine Di Folco. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, le statut général des fonctionnaires, constitué entre 1983 et 1986, a déjà été modifié 212 fois…

Le Gouvernement, par la voix de Mme Lebranchu, nous a expliqué en quoi il était nécessaire d’adopter une loi relative à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires. M. le rapporteur Alain Vasselle, que je remercie pour son excellent travail, nous a précisé les grandes lignes du texte et la position adoptée par la commission des lois.

Concernant l’émergence d’un nouveau dispositif déontologique, la perte des repères et des valeurs que connaît notre société rend indispensable la réaffirmation des principes de la fonction publique.

Le déclin de l’autorité parentale, l’affaiblissement de l’argumentation et de la réflexion qu’entraîne la dictature de l’immédiateté des réseaux sociaux et le développement du communautarisme ont abouti à des dérives en matière de dignité, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neutralité et, évidemment, de laïcité. En cela, ce projet de loi est nécessaire.

À l’instar de la commission des lois, j’y ajouterai aussi le devoir de réserve, un agent public étant tenu de s’exprimer avec tact et discernement.

Les nombreux droits octroyés pour la protection des fonctionnaires ne doivent pas occulter le fait qu’ils sont également assortis d’obligations.

Cependant, ces obligations, rappelées ou nouvelles, ne doivent pas porter atteinte à la vie privée. En ce sens, le dispositif qui prévoyait de verser la déclaration d’intérêts au dossier du fonctionnaire est écarté.

De même, l’envoi de la déclaration de situation patrimoniale par les fonctionnaires qui seront concernés devra intervenir dans les deux mois suivant leur nomination, plutôt que d’être demandée à tous les candidats au poste.

En revanche, la déclaration d’intérêts demeure nécessaire avant la nomination, pour que l’employeur puisse connaître d’une éventuelle contre-indication avant de prendre sa décision.

Afin de contrôler les déclarations, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sera dotée des mêmes prérogatives que celles dont elle dispose à l’égard des responsables politiques. En outre, la commission de déontologie verra ses prérogatives renforcées et ses compétences élargies.

Comme M. le rapporteur l’a rappelé tout à l’heure, je me permettrai de présenter un amendement sur ce sujet, tendant à ce que la commission de déontologie devienne une section de la Haute Autorité, afin de garantir à terme davantage de lisibilité, de transparence et d’efficience. Je sais que cette proposition fera débat, comme ce fut le cas ce matin en commission.

La commission des lois a assoupli le texte du Gouvernement en matière de cumul d’emplois publics. En effet, si l’interdiction doit demeurer la règle, la limitation drastique des dérogations mettrait les employeurs et les agents en difficulté. Par exemple, un fonctionnaire doit avoir la possibilité de cumuler, pour un temps limité, son activité avec la création d’une entreprise. Ce cumul peut participer à la valorisation des agents publics et constituer une source de revenus complémentaires dans un contexte de gel du point d’indice : un fonctionnaire à temps complet ne doit donc pas être interdit « par principe » de créer sa propre entreprise en dehors des heures de travail.

Concernant les droits des agents publics, il est absolument anormal, en matière de droit au reclassement des fonctionnaires, qu’un fonctionnaire placé en disponibilité d’office pour raison médicale soit privé du bénéfice de ce principe général du droit. Je propose de mettre fin à cette discrimination, pour que ces fonctionnaires puissent exercer toute activité ordonnée et contrôlée médicalement au titre de la réadaptation, conformément à une proposition de la Fédération nationale des centres de gestion et de l’Association nationale des directeurs de centre de gestion.

En matière disciplinaire, il est regrettable que, sous prétexte d’harmoniser les trois fonctions publiques, on veuille imposer qu’une sanction de un à trois jours d’exclusion devienne une sanction du deuxième groupe, systématiquement soumise au conseil de discipline. Mme la ministre a argumenté que cette mesure aurait un impact très important pour l’agent concerné. Il perdrait en effet de 3 % à 10 % de son salaire mensuel. La modification de cette disposition entraînerait une multiplication des réunions du conseil de discipline, des dépenses conséquentes pour les collectivités – je rappelle qu’une séance du conseil de discipline coûte environ 1 200 euros –, une dilution dans le temps de l’application de la sanction – il faut un certain temps pour réunir le conseil de discipline –, et elle pourrait avoir comme effet pervers de pousser les employeurs, tant qu’à passer devant le conseil de discipline, à prononcer une durée d’exclusion plus longue. Il faut donc bien y réfléchir.

Dans le même temps, le Gouvernement souhaite supprimer la présidence des conseils de discipline par un magistrat du tribunal administratif pour la fonction publique territoriale.

Là encore, la seule motivation est l’alignement des pratiques sur celles des deux autres fonctions publiques. Or, chers collègues, les commissions administratives paritaires de l’État sont-elles présidées par des élus ? Bien sûr que non ! Ainsi, on laisserait les élus locaux être juges et parties dans les conseils de discipline, dont le nombre sera démultiplié.

Il faut savoir aussi que cette mesure est proposée contre l’avis des employeurs, des organisations syndicales et des magistrats eux-mêmes, qui ont été consultés sur cette question et assurent l’impartialité de cette instance disciplinaire.

Le quinzième plan de titularisation des contractuels, dit « Sauvadet », sera prolongé jusqu’en 2018, voire 2020. Soit, mais soyons conscients des conséquences de celui-ci. Il n’éradiquera pas la présence des « vrais » contractuels, dont les employeurs ont besoin. En revanche, il siphonne le nombre de postes ouverts aux concours, qui, de ce fait, ne peuvent plus être organisés annuellement. Il fera cohabiter de plus en plus de fonctionnaires qui auront réussi de très sélectifs concours avec d’anciens contractuels qui auront seulement passé un entretien.

Alors que l’on n’a de cesse d’ouvrir la voie au recrutement de contractuels, et même directement de fonctionnaires en CDI, dans la seule fonction publique d’État – bizarrement, la volonté d’harmoniser les trois fonctions publiques ne joue plus en l’occurrence – et que l’on facilite leur « déprécarisation » par le biais de simples entretiens, il faut désormais se poser la question de la place et du rapport coût-utilité des concours, qui, me semble-t-il, étaient censés assurer un égal accès des citoyens à la fonction publique.

En effet, le concours doit demeurer la règle, sauf lorsqu’il ne représente qu’une formalité inutile, comme dans le cas des professions réglementées par un diplôme d’État. Devant les innombrables difficultés, voire l’impossibilité, pour les employeurs locaux de recruter des professionnels de la filière médico-sociale titulaires de diplômes d’État, tels les médecins ou les auxiliaires de puériculture, il conviendrait d’être pragmatique et de permettre le recrutement direct de ces professionnels. C’est un vrai sujet.

Permettez-moi, à ce stade de la discussion générale, d’aborder trois thèmes tenant au renforcement de l’exemplarité de la fonction publique.

Premièrement, dans l’attente de la remise du Livre blanc sur le temps de travail dans la fonction publique qu’a commandé Mme la ministre au président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT, Philippe Laurent, et devant l’augmentation dramatique et ininterrompue de l’absentéisme dans la fonction publique, nous appelons au rétablissement de un à trois jours de carence, seule mesure qui avait fait baisser le nombre des arrêts maladie courts lors de sa trop brève existence. En effet, les statistiques du courtier en assurances Sofaxis prouvent que le nombre des seuls arrêts maladie d’une journée avait chuté de plus de 62 % entre 2011 et 2013 dans les collectivités locales comme dans les hôpitaux, corrélativement à une baisse de la durée moyenne des arrêts.

J’ajouterai même que, afin d’éviter toute discrimination avec le secteur privé, cette mesure devrait s’y appliquer de la même façon, et même être assortie de l’interdiction d’une prise en charge par les mutuelles ou les employeurs.

Deuxièmement, 1 550 collectivités utilisent la possibilité que la loi de 1984 leur a laissée de maintenir un temps de travail inférieur à la durée légale. Nous vous proposerons de mettre fin à cette disposition, qui ne respecte pas la durée légale du travail, fixée à 35 heures hebdomadaires.

Troisièmement, dans le même ordre d’idées, la décharge de fonctions des emplois fonctionnels territoriaux ou des suppressions d’emplois entraînent la gestion de « fonctionnaires momentanément privés d’emploi ». Si la majeure partie d’entre eux, fort heureusement, retrouvent du travail, accompagnés par le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, ou les centres de gestion, les CDG, une minorité ne joue pas le jeu, ce qui peut engendrer des coûts de plusieurs centaines de milliers d’euros pour les employeurs. Je suis confrontée à des situations de ce genre dans le centre de gestion que je préside.

Je présenterai une mesure afin de limiter ces dérives. J’avais proposé également la mise à la retraite d’office de ces agents lorsqu’ils remplissent les conditions minimales pour ce faire. Cette proposition a été rejetée au titre de l’article 40 de la Constitution, alors que, en réalité, sa mise en œuvre n’aurait généré aucune dépense supplémentaire, mais au contraire des économies pour les collectivités, à qui il est demandé par ailleurs de limiter leurs dépenses de fonctionnement.

Concernant la fluidité de la gestion des ressources humaines, le Gouvernement estime les élus locaux assez responsables pour présider les conseils de discipline, mais pas suffisamment pour recruter leurs agents de catégorie C sur le grade de base. Il souhaite donc instaurer des « comités de sélection ». On nous dit que les recrutements directs représentent 3,5 % des nouveaux fonctionnaires de l’État, mais sont majoritaires dans la fonction publique territoriale. On oublie simplement de préciser que les agents de catégorie C représentent 20 % des effectifs de la fonction publique d’État et 75 % de ceux de la fonction publique territoriale…

Si une suspicion pèse sur les élus locaux, cela est grave, car cela signifie que 75 % des fonctionnaires territoriaux, soit plus d’un million d’agents, ont pu être recrutés sur d’autres critères que celui de leurs compétences ! On se demande, dès lors, qui trouvera grâce aux yeux du Gouvernement pour constituer lesdits comités de sélection.

Nous pensions naïvement que le droit du travail était trop rigide dans ce pays, mais nous nous apercevons finalement que l’on peut arriver à le rendre encore plus complexe.

Concernant l’allongement de la durée de validité des listes d’aptitude des lauréats de concours, je peux vous affirmer, en tant que présidente d’un des centres de gestion qui organisent le plus de concours, que c’est une fausse bonne idée. À titre d’exemple, lorsqu’on examine les chiffres nationaux du concours d’attaché de 2010, dont les listes d’aptitude ont expiré en mai 2014, 64 % des lauréats ont été recrutés la première année, 12 % la deuxième année et 5 % la troisième année. Ils sont 11 % à ne pas avoir demandé leur réinscription, ce qui laisse 9 % de « reçus-collés ». Après les avoir tous contactés, il s’avère que la moitié d’entre eux n’avait fait aucun acte de candidature. Le vrai taux de « reçus-collés » s’établit donc à moins de 5 %.

Voilà l’exemple type d’une « mesurette » qui donnera un inutile espoir aux candidats aux concours et rendra plus complexe le suivi des lauréats.

Enfin, il est louable que la commission des lois ait maintenu la faculté de recourir au travail intérimaire dans les trois fonctions publiques, faculté bien utile aux employeurs.

Je terminerai en évoquant les dispositions visant à la poursuite de la réforme des centres de gestion.

On parle beaucoup aujourd’hui de mutualisation, mais je souligne que les centres de gestion la pratiquent à un niveau départemental depuis plus de trente ans. Le plus grand reproche qui doit leur être fait, comme l’a souligné un récent rapport de l’Inspection générale de l’administration remis à Mme la ministre, tient à la disparité des missions qu’ils exercent d’un département à l’autre. C’est pourquoi un renforcement de leurs missions mutualisées à un niveau régional serait un minimum.

Comment comprendre que le Gouvernement s’oppose aux observatoires régionaux de l’emploi, qui existent déjà et sont les seuls à pouvoir agréger les statistiques de l’emploi dans la fonction publique territoriale ? Le Gouvernement se retranche derrière l’argument selon lequel le CNFPT peut assurer cette mission, mais cet argument n’est pas recevable, puisque cet organisme n’exerce que des missions liées à la formation !

Comment comprendre que le Gouvernement s’oppose à ce que les centres de gestion assurent des missions administratives, organisationnelles ou de gestion pour le compte des collectivités qui le leur demandent ? S’ils le font déjà à la requête des communes rurales, mais aussi des intercommunalités, c’est parce que l’État a disparu du paysage et parce qu’ils assurent une assistance juridique, informatique ou urbanistique au meilleur rapport coût-efficacité.

Dans le département du Rhône – exemple que je connais le mieux –, le centre de gestion propose aux employeurs locaux une assistance juridique non statutaire depuis 1992 : 231 collectivités adhèrent à ce service facultatif, pour un coût moyen de 1 800 euros par an et plus de 3 000 questions résolues. À titre d’exemple, la préfecture elle-même a sollicité ce service pour coorganiser les réunions d’information préalables aux dernières élections municipales.

On nous objectera que c’est le rôle de l’intercommunalité, mais alors, privilégier le territoire d’une intercommunalité plutôt que celui d’un département, j’appelle cela de la démutualisation !

Enfin, la loi Sauvadet a créé, en 2012, un socle commun de compétences que les centres de gestion proposent facultativement aux collectivités non affiliées d’exercer.

En 2013, déjà plus de 60 % des collectivités non affiliées adhéraient à ce socle, qui leur assure notamment la gestion des commissions de réforme et comités médicaux, transférée par l’État aux centres de gestion pour leurs collectivités affiliées sans transfert de ressources. Ce socle pourrait être enrichi de l’organisation de tous les concours – à l’exception des concours de la catégorie A+, qui relèvent du CNFPT –, sans aucune dépense nouvelle pour les collectivités non affiliées, puisqu’elles assument déjà le financement.

La pérennité de l’organisation de ces missions aurait pu être assurée par l’adhésion de toutes les collectivités non affiliées à ce socle, ainsi que le recommandent les auteurs du rapport de mai 2014 de l’Inspection générale de l’administration, sachant que ces collectivités sont désormais fortement représentées dans les conseils d’administration des centres de gestion.

Là encore, le Gouvernement s’oppose à ces propositions de mutualisation en matière de gestion des ressources humaines.

Très sincèrement, je pense qu’il est regrettable de ne pas saisir l’occasion de renforcer les outils de mutualisation et de privilégier, au contraire, un émiettement des acteurs.

Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, les quelques thèmes qu’il me semblait important d’aborder avant que nous n’entamions l’examen des articles de ce projet de loi, par ailleurs fort utile. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. René Vandierendonck applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.

M. Georges Labazée. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne sais si ce projet de loi sera l’unique texte de la mandature concernant la fonction publique… En tout cas, je veux vous en remercier, madame la ministre : je le trouve important et nécessaire et je ne doute pas qu’il sera, à la fin de nos travaux, un texte audacieux.

Ce projet de loi est important, car si les statuts de 1983, de 1984 et de 1986 tiennent toujours, près de trente ans plus tard, il convient de les moderniser sans cesse. Je rappellerai, à cet égard, les évolutions intervenues dans le domaine de la formation continue, à compter de 1989, de l’aménagement et du contrôle du temps de travail, à partir de 2000, des indemnités, en 2002, ou encore de la mobilité au travers de la loi de 2009.

Ce projet de loi est audacieux, car, en ces temps troublés où certains se permettent d’attaquer et de remettre en question le bien-fondé du statut des fonctionnaires, il apparaît à beaucoup d’entre nous comme un marqueur indispensable.

Ce projet de loi est nécessaire, enfin, car les attentes des fonctionnaires et des usagers sont grandes. Nous sommes, de ce point de vue, en train de vivre une journée particulière, marquée par l’expression de nombre de revendications qui ne peuvent nous laisser insensibles.

Il était temps d’y répondre ; oui au statut, mais le statu quo n’est plus possible.

Il est temps aujourd’hui de redonner du sens à l’action publique.

Il est temps d’assurer la confiance des citoyens dans les agents publics.

Il est temps de poursuivre la rénovation du cadre commun de gestion des trois versants de la fonction publique et de mieux gérer les ressources humaines, en définissant un cadre salarial plus motivant dans la durée et en assurant des parcours professionnels de qualité.

Beaucoup d’orateurs ont évoqué les questions de déontologie ; je voudrais, pour ma part, revenir sur quatre points qui me semblent importants.

Premièrement, je souhaite attirer l’attention sur la multiplicité des statuts particuliers dans la fonction publique territoriale. Alors que la loi de 1984, dont j’ai été le corapporteur à l’Assemblée nationale avec mon ami Guy Ducoloné, député communiste, avait prévu quinze statuts : ce chiffre est aujourd’hui largement dépassé, même si nous n’en sommes certes pas aux 1 200 statuts de la fonction publique d’État ! La création d’un trop grand nombre de statuts particuliers a finalement amené la dilution d’un certain nombre de responsabilités.

M. Georges Labazée. Deuxièmement, la fonction publique territoriale n’est souvent appréhendée que sous l’angle administratif. Nous avons, hélas ! tendance à oublier, dans nos débats et réflexions, la filière technique, qui peut pourtant apparaître comme la plus valorisante, parce que la notion d’encadrement y est plus forte et le salaire souvent meilleur.

Troisièmement, j’aborderai la thématique importante de l’évolution de carrière. Avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, nous avons déposé un amendement tendant à rétablir l’article 24 G, qui porte à quatre ans la durée d’inscription sur la liste d’aptitude des lauréats des concours de la fonction publique territoriale. Ce dispositif doit permettre d’éviter beaucoup de déceptions à ceux qui ont réussi un concours et qui, au bout de deux ou trois ans, voient le fruit de leurs efforts réduit à néant.

Quatrièmement, il est nécessaire d’étudier à nouveau au fond la question de la mobilité entre les différents versants de la fonction publique.

En 1983, nous avions fait le choix de permettre à des agents de la fonction publique territoriale de passer à la fonction publique d’État, et inversement. Mais, trente ans après, on constate que 95 % des transferts se sont faits de la fonction publique d’État vers la fonction publique territoriale, et seulement 5 % dans l’autre sens ! Il est vrai que le volume des postes dans la fonction publique d’État est allé en s’amenuisant. De fait, le mécanisme de passerelle, qui était une avancée intelligente de la loi de 1983, ne fonctionne malheureusement plus. Peut-être aurez-vous l’occasion, madame la ministre, de vous exprimer sur ce point.

Pour conclure, j’observerai à regret que, chaque fois que l’on évoque la fonction publique, on pense aux fonctions publiques d’État et territoriale, en oubliant la fonction publique hospitalière. J’ai pour elle le plus grand respect. Je le dis avec force, nous n’avons jamais pris les mesures d’envergure nécessaires pour régler la question du temps de travail dans cette fonction publique.

Enfin, je soutiendrai résolument l’amendement du groupe socialiste et républicain tendant à rétablir le recours à l’intérim dans la fonction publique territoriale, qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires

TITRE Ier

DE LA DÉONTOLOGIE

Chapitre Ier

De la déontologie et de la prévention des conflits d’intérêts

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
Article 2

Article 1er

Le chapitre IV de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Des obligations et de la déontologie » ;

2° L’article 25 est ainsi rédigé :

« Art. 25. – Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, réserve, intégrité et probité.

« Dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité.

« Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. À ce titre, il s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses.

« Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité.

« Il appartient à tout chef de service de veiller au respect de ces principes dans les services placés sous son autorité. Tout chef de service peut préciser, après avis des représentants du personnel, les principes déontologiques applicables aux agents placés sous son autorité, en les adaptant aux missions du service. »

M. le président. La parole est à M. René Danesi, sur l’article.

M. René Danesi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai une observation à faire à propos de l’article 1er. Celui-ci consacre certaines valeurs – au demeurant déjà reconnues par la jurisprudence –, qui fondent la spécificité de l’action des agents publics : la dignité, l’impartialité, l’intégrité, la probité, la neutralité et l’égalité de traitement.

Ces valeurs sont déjà énumérées dans la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et elles n’entraînent donc aucune observation de ma part.

En revanche, le présent projet de loi y ajoute la laïcité, principe déjà pris en compte par la jurisprudence, en application des articles 1er des Constitutions de 1946 et de 1958, disposant que la France est une République laïque.

Mais si la jurisprudence traite les problèmes au cas par cas, la loi, elle, s’applique à tout le monde. Or, l’Alsace-Moselle est placée sous le régime du concordat signé avec le Saint-Siège le 15 juillet 1801 et étendu ensuite aux églises réformées et au culte israélite. Ce régime a été maintenu par les autorités allemandes après 1871 et par la République française par la loi du 1er juin 1924.

Dans le régime local d’Alsace-Moselle, les ministres des trois cultes reconnus sont des salariés contractuels du ministère de l’intérieur ; ils sont donc financièrement pris en charge par l’État. On peut aussi noter que, en Guyane, les ministres du culte catholique sont financièrement pris en charge par le conseil départemental.

Certes, on ne peut pas dire que ces ministres des cultes sont des fonctionnaires à part entière, avec les devoirs et les droits attachés au statut de la fonction publique, mais n’y aura-t-il pas de bons apôtres de la laïcité pour évoquer une contradiction entre l’obligation qui sera faite à tous les fonctionnaires, lorsque la loi aura été votée, de respecter le principe de laïcité et la fonction de prêtre, de pasteur ou de rabbin salarié de l’État et intervenant aussi dans les écoles ou dans les hôpitaux ?

Je me devais de faire état de cette spécificité et des difficultés probables que posera l’application de cet article 1er, qui mentionne explicitement le principe de laïcité. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous en teniez compte dans la réglementation qui suivra la promulgation de la loi. Je vous en remercie par anticipation. (Mme Catherine Troendlé, MM. Claude Kern, Philippe Mouiller et René Vandierendonck applaudissent.)

M. le président. L’amendement n° 34, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer le mot :

dignité,

La parole est à M. Christian Favier.

M. Christian Favier. Par cet amendement, nous proposons de supprimer l’obligation de dignité à l’alinéa 4 de l’article 1er.

En effet, cette obligation renvoie de fait à une forme de devoir de moralité. L’instaurer permettrait de sanctionner un agent en cas de comportement, y compris dans sa vie privée, jugé indigne ou incompatible avec l’exercice d’une fonction publique.

Si comparaison n’est pas raison, il faut néanmoins noter que la dernière fois qu’une obligation de dignité a été imposée aux fonctionnaires, c’était par la loi du 14 septembre 1941, élaborée sous le régime de Vichy et abrogée par ordonnance en 1945.

Tout comme les obligations d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neutralité ou de respect du principe de laïcité prévues à cet article du projet de loi, l’obligation de dignité d’un fonctionnaire est largement documentée par une importante jurisprudence, dans le cadre des obligations d’ores et déjà inscrites dans le statut des fonctionnaires. Nous pourrions d’ailleurs nous interroger sur la nécessité de les faire figurer dans le texte que nous examinons aujourd’hui.

En tout état de cause, nous souhaitons que l’obligation de dignité demeure jurisprudentielle, pour assurer une certaine souplesse dans l’appréciation de ce qu’elle peut recouvrir et permettre la prise en compte de l’évolution des esprits dans une matière aussi subjective.

Pour information, sachez qu’une demande de suppression de cette obligation a été adoptée à l’unanimité par les organisations syndicales lors des réunions du Conseil commun de la fonction publique des 27 juin 2013 et 18 mai 2015. En plein accord avec elles, nous vous demandons donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des lois a exprimé un avis défavorable sur cet amendement, considérant que le principe de dignité est un principe républicain, ancré de longue date dans la jurisprudence administrative et garantissant l’exemplarité du service public.

Vous avez indiqué, monsieur Favier, qu’une demande de suppression de ce principe avait été approuvée à l’unanimité par les organisations syndicales lors des réunions du Conseil commun de la fonction publique des 27 juin 2013 et 18 mai 2015. Je ne doute pas un seul instant que Mme la ministre soit en mesure de vous expliquer pourquoi le Gouvernement a jugé nécessaire de le maintenir dans cet article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il s’agit de récrire le statut général des fonctionnaires, puisque nous ne disposons pas encore d’un code. Dans cette perspective, nous avons repris les mots qui y figurent. Nous avons longuement échangé avec les organisations syndicales, notamment sur la notion de dignité. Le fonctionnaire n’est pas un salarié comme les autres, car il porte les valeurs de la République ; son travail achevé, il reste fonctionnaire : le professeur qui sort de l’école reste professeur après avoir traversé la rue. Il m’a donc paru préférable de maintenir les principes qui avaient été retenus lors de la révision du statut de 1983.

En effet, notre volonté est bien d’affirmer que le fonctionnaire n’est pas un salarié comme un autre. Ce sujet est très difficile et je sais les interrogations qu’il suscite, mais, aujourd’hui plus que jamais, je fais une distinction très nette entre les élus et les fonctionnaires, dont le statut et les fonctions ne sont pas du tout de même nature. Autant je n’aurais pas fait figurer l’obligation de dignité dans un statut de l’élu,…

M. René Vandierendonck. Encore heureux !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … autant l’inscrire dans la loi me paraît absolument défendable concernant les fonctionnaires. Les débats avec Anicet Le Pors avaient montré que cette notion trouvait un écho dans la population.

J’ai choisi de conserver ce mot. J’admets que ce choix puisse être discuté et je connais la position des organisations syndicales, mais, je le répète, le fonctionnaire n’est pas un salarié comme les autres.

M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.

M. Christian Favier. Madame la ministre, je vous remercie de vos explications, qui ne m’ont cependant pas convaincu.

Tout d’abord, cet ajout ne résulte pas d’une demande émanant des fonctionnaires eux-mêmes ; aucune organisation syndicale ne l’a réclamée.

Pourquoi serions-nous plus exigeants à l’égard des fonctionnaires que nous ne le sommes parfois à l’égard de certains dirigeants de notre pays ? Lorsque l’on voit un Président de la République en short monter quatre à quatre les marches du perron de l’Élysée, la fonction présidentielle s’en trouve-t-elle valorisée ? Lorsqu’il répond « Casse-toi, pauv’con ! » à une personne lui ayant parlé un peu vivement, son comportement est-il « digne » ?

Je ne vois donc pas pourquoi on ajouterait aux nombreuses obligations figurant déjà dans le statut général des fonctionnaires celle de dignité, qui renvoie à une sorte de devoir de moralité, notion à mon avis quelque peu dépassée.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce n’est pas de cela qu’il est question !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers amendements sont identiques.

L’amendement n° 35 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L’amendement n° 95 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 154 est présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Supprimer le mot :

réserve,

La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 35.

M. Christian Favier. Ce projet de loi renforce les obligations du fonctionnaire en lien avec le principe de responsabilité, ce que nous soutenons, en lui reconnaissant ainsi une marge d’appréciation des ordres et consignes qu’il reçoit. Il élargit donc le champ de la citoyenneté du fonctionnaire, notamment par ses dispositions relatives aux lanceurs d’alerte et aux conflits d’intérêts.

Il nous semble que ce serait contrevenir à ce principe de responsabilité et de liberté propre aux fonctionnaires que de leur imposer, au travers de cet article 1er, une obligation de réserve, alors qu’il leur est demandé de faire preuve, le cas échéant, de jugement critique, de dénoncer des actes répréhensibles ou des situations délicates.

De plus, si cette disposition venait à être adoptée par le Parlement, elle pourrait s’imposer de façon indifférenciée et absolue à l’ensemble des fonctionnaires, quand bien même l’obligation de réserve d’un préfet, par exemple, ne saurait être identique à celle qui s’impose à tout fonctionnaire. Il existe d’ailleurs une jurisprudence complexe et abondante qui permet d’ores et déjà d’appliquer cette obligation de réserve, en cas de conflit, de façon raisonnable et particulière aux différents corps et aux diverses situations.

Par ailleurs, les obligations que l’article 1er énumère, notamment l’obligation de neutralité, devraient donner des garanties suffisantes pour empêcher les agents d’utiliser leurs fonctions au service d’une propagande quelconque.

Enfin, ce devoir de réserve peut également poser problème du point de vue de la liberté syndicale, car il est bien plus contraignant que l’obligation de discrétion professionnelle qui s’impose d’ores et déjà à tous les fonctionnaires. Celle-ci nous paraît suffisante et elle est largement respectée.

Ainsi, sur un sujet aussi sensible, nous proposons, conformément à la demande de l’ensemble des organisations syndicales, de laisser au juge administratif le soin de continuer à poser, en cas de contentieux, des limites à la liberté d’expression de chaque agent public, en prenant en compte sa position tout en lui assurant, comme à tout citoyen, une libre expression.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 95.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avons débattu de cette question avec les organisations syndicales, ainsi qu’avec des juristes. Nous croyons qu’un équilibre a été trouvé par le juge entre la possibilité, pour un fonctionnaire – qui reste un citoyen –, d’exprimer ses convictions et d’user de sa liberté d’expression et son obligation de réserve. Au regard de l’ensemble de ces jurisprudences, cet équilibre ne serait pas remis en cause par l’adoption de cet amendement.

Le Gouvernement retire cet amendement et se rallie à celui, identique, que vient de présenter M. Favier.

M. le président. L’amendement n° 95 est retiré.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 154.

Mme Corinne Bouchoux. Sauf erreur de ma part, la mention de ce devoir de réserve dans le statut général des fonctionnaires avait été supprimée en 1983, ce qui avait été présenté à l’époque comme une grande avancée. Le groupe écologiste déplore le rétablissement de cette mention par la commission des lois, car il lui semble plus pertinent d’en rester à la jurisprudence.

Tout d’abord, la jurisprudence présente l’avantage de tenir compte des spécificités de l’emploi occupé. On nous a beaucoup parlé de la grande confiance que l’on doit accorder au juge administratif dans cette période d’état d’urgence ; pourquoi ne pas lui faire confiance aussi sur cette question du devoir de réserve ?

Par ailleurs, on peut aussi considérer que l’instauration de ce devoir de réserve risque de mettre à mal la liberté d’expression des fonctionnaires. La rigidité du devoir de réserve – je vous invite à examiner la jurisprudence de près – pourrait porter atteinte à une liberté fondamentale et, éventuellement, faire l’objet d’un recours.

Par exemple, un fonctionnaire ayant exercé « de bonne foi » son droit d’alerte sans que cela aboutisse pourrait être sanctionné pour avoir averti la presse : il aurait ainsi manqué à son devoir de réserve.

De la même manière, l’expression des fonctionnaires exerçant des responsabilités syndicales pourrait très bien être limitée sur le fondement de ce devoir de réserve.

Nous nous interrogeons également sur les limites de l’obligation de réserve, sur son extension possible, mais aussi sur les dangers qu’elle présente. Nous devons, mes chers collègues, envisager la possibilité que des forces politiques moins démocratiques que celles que, de façon très majoritaire, nous représentons dans cet hémicycle ne se saisissent de ce devoir de réserve une fois parvenues au pouvoir.

Pour toutes ces raisons, jurisprudentielles, philosophiques et, surtout, juridiques, nous vous invitons à supprimer cette obligation.

M. le président. L’amendement n° 151, présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :

Le devoir de réserve doit être concilié avec le droit d’alerte du fonctionnaire. Le fonctionnaire exerce son droit d’alerte au sein de l’administration dans les conditions prévues par la voie réglementaire. S’il échoue et qu’il est de bonne foi, il peut avertir la presse sans risquer d’être sanctionné.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Il s’agit d’un amendement de repli. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. La mention du devoir de réserve ne figurait pas dans le texte initial. Elle a été introduite en commission par adoption d’un amendement de notre collègue René Vandierendonck. La commission des lois a considéré que cet amendement était d’autant plus pertinent que ce principe fondamental de la fonction publique a été admis par le Conseil d’État dès 1935.

Mentionner l’obligation de réserve dans le texte ne revient absolument pas à remettre en cause la jurisprudence équilibrée du Conseil d’État ; au contraire, cela la conforte.

La commission est donc défavorable aux amendements de suppression nos 35 et 154, ainsi qu’à l’amendement n° 151, pour les mêmes motifs.

Je précise à l’intention de Mme Bouchoux que ce dernier amendement ne cible pas suffisamment le régime applicable aux lanceurs d’alerte, parce qu’il permet une divulgation à la presse, ce qui ne nous paraît pas du tout opportun. Le régime du lanceur d’alerte est déjà prévu par les textes et je ne pense pas qu’il faille aller aussi loin que le propose notre collègue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je comprends les arguments de M. le rapporteur. La jurisprudence est désormais très claire, mais ce n’était pas le cas auparavant. Anicet Le Pors, lors des cérémonies organisées pour le trentième anniversaire de la loi qui porte son nom, a insisté sur l’équilibre entre devoir de réserve et liberté d’expression. Il nous a semblé que récrire ces dispositions risquait de remettre en cause cet équilibre en ouvrant la voie à une nouvelle jurisprudence. Mieux vaut selon nous rester à droit constant. Comme M. le rapporteur, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 151.

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.

M. René Vandierendonck. Face à l’effet de mode des lanceurs d’alerte et à leur nécessaire liberté d’expression, il fallait bien qu’un ancien fonctionnaire territorial rappelle que l’obligation de réserve existe. Il s’agit d’une contrepartie, consubstantielle à la nature de la fonction publique.

J’ai le mauvais rôle en défendant ces amendements, mais je l’assume complètement !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

M. Jean-François Longeot. En tant que fonctionnaire de la fonction publique territoriale, ayant relevé successivement des cadres C, B et aujourd’hui A, je ne vois pas l’utilité de ces amendements. À mon sens, la réserve s’impose à tout fonctionnaire. Lorsque l’on exerce au sein d’une collectivité, il faut « jouer le jeu » en cas de changement de municipalité ou à la tête de l’exécutif du conseil départemental.

Quant à laisser au juge administratif le soin de trancher, il faut avoir conscience des délais de jugement des tribunaux administratifs ! Ceux-ci sont complètement débordés, d’autant que les contentieux administratifs sont de plus en plus nombreux. À Besançon, par exemple, les magistrats administratifs ne s’en sortent plus !

Je pense donc qu’il ne faut pas compliquer les choses. À mon sens, entre un élu et les fonctionnaires, au-delà de l’obligation de réserve, il doit exister un certain climat de confiance.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 et 154.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 145, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé

« Le fonctionnaire n'est pas assujetti, pour l'exercice de ses fonctions, à l'obligation d'adhésion à un ordre professionnel.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Je prends acte du vote qui vient d’intervenir, mais, depuis le début de nos débats, j’ai l’impression que nous nous exprimons tous ici en tant qu’employeurs de fonctionnaires territoriaux. Or, mes chers collègues, je vous rappelle que nous sommes là pour légiférer sur la déontologie des fonctionnaires et défendre l’intérêt général, et non des intérêts catégoriels.

Mme Annie David. Oui, vous avez raison !

Mme Corinne Bouchoux. J’en viens à l’amendement n° 145.

Pour les professions relevant d’un ordre professionnel, telles que celles d’infirmier ou d’architecte, il peut y avoir contradiction entre des injonctions provenant de la hiérarchie du fonctionnaire et celles qui émanent de l’ordre professionnel.

Aussi demandons-nous, dans un souci de simplification, que les fonctionnaires concernés ne soient pas assujettis, pour l’exercice de leurs fonctions, à l’obligation d’adhésion à un ordre professionnel. En effet, il nous semble très délicat, d’un point de vue juridique et éthique, qu’un fonctionnaire puisse recevoir des injonctions déontologiques contradictoires.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonctionnaire n’est pas assujetti, pour l’exercice de ses fonctions, à l’obligation d’adhésion édictée par un ordre professionnel. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cette question revient régulièrement dans nos débats, notamment lors de l’examen de textes relatifs à la santé.

Plusieurs corps de fonctionnaires, tels que les infirmiers, les kinésithérapeutes, les sages-femmes, les architectes-urbanistes ou les vétérinaires, relèvent d’un ordre professionnel. Or diverses dispositions législatives ont conduit, de façon explicite ou implicite, à donner un caractère obligatoire à l’adhésion à ces ordres professionnels pour les agents publics. Ainsi, les juridictions ordinales exercent des compétences dans le domaine disciplinaire et peuvent infliger des sanctions pour manquement au code de déontologie ou pour simple refus d’adhésion à l’ordre, pouvant aller jusqu’à la suspension, voire à l’interdiction d’exercer.

Nous n’allons pas ouvrir une nouvelle fois ce débat, mais saisissons l’occasion de l’examen ce texte relatif à la déontologie pour régler définitivement cette question qui empoisonne la vie de nombreux agents publics, est source de polémiques et, finalement, d’instabilité juridique.

Rappelons tout de même que le pouvoir disciplinaire détenu par ces ordres constitue d’abord une ingérence dans les prérogatives de la puissance publique et remet en cause le pouvoir d’autorité de celle-ci sur ses agents. Par ailleurs, il porte atteinte aux droits et obligations des fonctionnaires, ainsi qu’aux règles disciplinaires prévues dans le statut de la fonction publique.

Cet amendement vise donc à mettre fin à cette situation, comme l’ont souhaité, une nouvelle fois, à l’unanimité les organisations syndicales lors du Conseil commun de la fonction publique du 27 juin 2013.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Sur ces deux amendements, la commission des lois a émis un avis défavorable, pour les mêmes motifs que ceux qui avaient été exposés par la commission des affaires sociales lorsqu’elle avait été appelée à examiner des amendements de même nature. Il n’y a pas eu, depuis, d’éléments nouveaux justifiant que le Sénat change de position sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je crois que ce débat se poursuivra pendant plusieurs années, les positions des uns et des autres évoluant au fil du temps.

Le seul élément qui m’amène à ne pas donner un avis favorable à ces amendements, c’est que nous allons autoriser les fonctionnaires, dans un certain nombre de cas, à exercer quelques heures d’activité en dehors de la fonction publique, sous des conditions assez difficiles à remplir.

M. René Vandierendonck. C’est bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Or l’adoption de tels amendements créerait une rupture d’égalité de droits entre les fonctionnaires exerçant une activité extérieure et les autres. C’est le seul argument qui mérite à mon sens d’être invoqué. La question a d’ailleurs été posée et tranchée dans ce sens lors de l’examen de la loi relative à la santé.

Cela étant, à terme, il me semble que c’est la notion même d’ordre professionnel qui devra être revue. Il y a un véritable travail à accomplir, par exemple sur le sujet de la cotisation. Ainsi, l’infirmier qui n’exerce qu’à l’hôpital doit acquitter une cotisation à l’ordre, alors même que c’est l’hôpital qui le défendra en cas de besoin, sauf question particulière de déontologie.

Malgré tous les doutes que j’éprouve, je ne peux suivre les auteurs de ces amendements, sachant que nous devrons travailler un jour sur ce que doivent devenir les ordres au XXIe siècle.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Autant la position de M. le rapporteur est claire et cohérente, autant votre argumentation selon laquelle il faut maintenir l’obligation d’adhérer à l’ordre professionnel au motif que certains fonctionnaires travailleront quelques heures en dehors de la fonction publique n’est pas convaincante, madame la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Peut-être est-ce parce que je ne suis pas moi-même convaincue… (Sourires.)

Mme Corinne Bouchoux. Peut-être devrais-je rectifier mon amendement afin de ne viser que les fonctionnaires n’ayant pas d’activité extérieure… Je suis favorable à une certaine souplesse, mais on ne peut pas, au nom de quelques cas de cumul d’activités, refuser de régler cette question, alors même que nous examinons un texte relatif à la déontologie. Je le répète, du fait de leur appartenance à un ordre professionnel, des fonctionnaires peuvent être soumis à des injonctions déontologiques contradictoires.

Nous sommes bien ici au cœur du sujet qui nous occupe ce soir, et il est un peu décevant que vous renvoyiez la question à plus tard. Il faut lever l’obligation d’adhésion au moins pour les fonctionnaires n’ayant aucune activité libérale.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. J’évoquerai plus particulièrement la fonction publique hospitalière. Je ne vois pas pourquoi ses agents, notamment les infirmiers, devraient être contraints d’adhérer à un ordre professionnel s’ils n’exercent aucune activité dans un cadre libéral ou privé. Pourquoi ne pas rendre cette adhésion facultative, ou du moins calculer la cotisation au prorata des heures effectuées en dehors de l’hôpital public ?

Madame la ministre, tout comme Mme Bouchoux, je ne suis pas complètement convaincue par vos arguments. Je maintiens l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Dans un certain nombre de professions pouvant être exercées en tant que fonctionnaire, notamment dans le domaine de la santé, des règles s’appliquent, que l’administration n’est pas tenue d’imposer à ses personnels. Or je ne pense pas qu’un directeur d’hôpital, qui a une formation administrative, puisse juger de la pertinence d’un acte d’un infirmier ou d’un médecin. (Mme la ministre acquiesce.)

C’est un vrai problème ! Je connais de nombreux cas, madame David, où un médecin a été défendu par son ordre professionnel devant son administration. Le code de déontologie des médecins ne peut pas figurer dans un règlement hospitalier. L’adhésion à l’ordre ne saurait, à mon sens, être optionnelle : quand on s’engage dans une profession, telle qu’infirmier, médecin ou architecte, on s’engage à respecter son code de déontologie, qui ne relève pas d’un règlement administratif.

Il faut donc maintenir ces ordres, peut-être en prévoyant des aménagements, j’en conviens, en ce qui concerne les cotisations à acquitter en l’absence d’exercice libéral.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La situation des médecins hospitaliers est très différente : ils ne sont pas fonctionnaires, mais assimilés. Ils sont protégés par l’hôpital pour ce qui relève de l’obligation de moyens, mais pas pour leurs actes médicaux. À cet égard, le cas des médecins de la protection maternelle et infantile, de la sécurité sociale ou du travail, qui ne font pas d’actes, est spécifique. Pour eux, la question de la levée de l’obligation d’adhérer à l’Ordre des médecins pourrait se poser ; encore ne la soulèvent-ils plus guère eux-mêmes aujourd'hui.

Soyons clairs, s’il y a une difficulté aujourd'hui, elle tient au fait que l’Ordre des infirmiers est de création très récente. Il a été instauré à la demande des infirmiers libéraux pour instituer une discipline collective, éviter les concurrences déloyales, protéger les patients. Les règles qu’il édicte s’appliquent à l’ensemble de la profession. L’infirmier a une responsabilité individuelle. Aujourd’hui, compte tenu de son nouveau statut, il est, comme le médecin, protégé par l’hôpital au titre de l’obligation des moyens, mais pas pour ses actes. S’il a commis une erreur ou une faute, cela ne relève pas de la responsabilité de l’hôpital.

Vous avez raison de souligner, monsieur le sénateur, qu’un médecin ou un infirmier a parfois besoin d’être protégé par son ordre professionnel, y compris contre son propre hôpital. Dans ces conditions, on ne voit pas pourquoi les médecins et les infirmiers hospitaliers seraient exemptés d’adhérer à leur ordre professionnel. Je sais que, dans quelques cas en suspens, des infirmiers, en particulier dans certains services d’urgence qui manquaient de personnel et de matériel, se sont retournés contre leur hôpital après avoir été mis en cause par des patients pour la qualité de leurs gestes. Dans ce genre de situation, l’Ordre des infirmiers peut les protéger.

Soyons attentifs au fait que les architectes et les médecins fonctionnaires ne remettent pas en question leur adhésion à leur ordre professionnel.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er .

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article additionnel après l'article 2 (réservé)

Article 2

Après l’article 25 de la même loi, il est inséré un article 25 bis ainsi rédigé :

« Art. 25 bis. – I. – Le fonctionnaire veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver.

« Au sens de la présente loi, constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions.

« II. – À cette fin, le fonctionnaire qui estime se trouver dans une situation de conflit d’intérêts :

« 1° Lorsqu’il est placé dans une position hiérarchique, saisit son supérieur hiérarchique ; ce dernier, à la suite de la saisine ou de sa propre initiative, confie, le cas échéant, le traitement du dossier ou l’élaboration de la décision à une autre personne ;

« 2° Lorsqu’il a reçu une délégation de signature, s’abstient d’en user ;

« 3° Lorsqu’il appartient à une instance collégiale, s’abstient d’y siéger ou, le cas échéant, de délibérer ;

« 4° Lorsqu’il exerce des fonctions juridictionnelles, est suppléé selon les règles propres à sa juridiction ;

« 5° Lorsqu’il exerce des compétences qui lui ont été dévolues en propre, est suppléé par tout délégataire, auquel il s’abstient d’adresser des instructions.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. » – (Adopté.)

Article 2
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Article 3

Article additionnel après l'article 2 (réservé)

M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 84 rectifié portant article additionnel après l’article 2 est réservé jusqu’à la fin de l’examen de l’article 9.

Article additionnel après l'article 2 (réservé)
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Article 4

Article 3

I. – L’article 6 ter A de la même loi est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « la formation » sont remplacés par les mots : « la rémunération, la formation, l’évaluation » ;

b) Après les mots : « , de bonne foi, » sont insérés les mots : « aux autorités judiciaires ou administratives » ;

c) Les mots : « ou d’un crime » sont remplacés par les mots : « , d’un crime ou susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts au sens du I de l’article 25 bis » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas d’un conflit d’intérêts, le fonctionnaire doit avoir alerté en vain l’une des autorités hiérarchiques dont il relève. Il peut également témoigner de tels faits auprès du référent déontologue prévu à l’article 28 bis. » ;

3° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « deux premiers » sont remplacés par les mots : « trois premiers » ;

b) Les mots : « ou d’un crime » sont remplacés par les mots : « d’un crime, ou d’une situation de conflits d’intérêts » ;

4° Après le troisième alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonctionnaire qui relate ou témoigne de faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts de mauvaise foi, avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal. »

II. – Au cinquième alinéa de l’article 6, au quatrième alinéa de l’article 6 bis, au quatrième alinéa de l’article 6 ter et au deuxième alinéa de l’article 6 quinquies de la même loi, après le mot : « titularisation, », sont insérés les mots : « la rémunération, » et, après le mot : « formation, », sont insérés les mots : « l’évaluation, ».

M. le président. L'amendement n° 149, présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…) Les mots : « dont il aura eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions » sont supprimés ;

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Les écologistes saluent la création d’un dispositif de protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte qui témoignent de bonne foi de faits susceptibles d’être qualifiés de conflits d’intérêts.

Cependant, le régime juridique proposé nous semble devoir évoluer pour gagner en effectivité.

Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires subordonne la protection du fonctionnaire à la révélation de faits dont il aurait eu connaissance « dans l’exercice de ses fonctions ».

Pour nous, rien ne justifie qu’un fonctionnaire puisse être sanctionné pour avoir témoigné de bonne foi de faits susceptibles d’être qualifiés de conflits d’intérêts sous prétexte qu’il aurait appris ces faits en dehors de l’exercice de ses fonctions. Cette précision, qui nous paraît contraire à l’objectif de protection des lanceurs d’alerte, risque d’affaiblir la portée de ce nouveau statut. En effet, elle ne tient pas compte du fait que la révélation d’un conflit d’intérêts n’est pas toujours faite dans le plein exercice des fonctions.

Nous aimerions donc supprimer cette précision selon laquelle le fonctionnaire devra avoir eu connaissance du conflit d’intérêts dans l’exercice de ses fonctions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je suis désolé de devoir encore émettre un avis défavorables sur un amendement présenté par Mme Bouchoux !

Lorsque nous avons commencé à légiférer sur les lanceurs d’alerte, nous avons défini très clairement leur périmètre d’intervention. Il nous paraît d’autant moins opportun d’étendre ce périmètre que la condition de connaissance d’un conflit d’intérêts « dans l’exercice des fonctions » reprend une précision applicable aux salariés du secteur privé. Nous souhaitons aller vers une harmonisation. De plus, notre rédaction reprend celle de l’article 40 du code de procédure pénale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’avis est également défavorable.

Il s’agit d’appliquer le droit commun si le fonctionnaire a appris les faits en dehors de l’exercice de ses fonctions.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 152, présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 7, première phrase

Remplacer les mots :

le fonctionnaire doit avoir alerté en vain l'une des autorités hiérarchiques dont il relève

par les mots :

le fonctionnaire doit avoir consigné l'alerte par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Vous le savez, la protection des lanceurs d’alerte nous tient à cœur. Nous y avons beaucoup travaillé avec ma collègue Marie-Christine Blandin, qui a acquis une très fine connaissance de ce sujet.

Nous proposons de modifier la rédaction proposé de l’article s’agissant des lanceurs d’alerte qui relatent ou témoignent de bonne foi de faits susceptibles d’être qualifiés de conflits d’intérêts, afin de faire évoluer le régime juridique. En effet, limiter la protection du lanceur d’alerte au seul cas où le fonctionnaire aurait d’abord alerté en vain son supérieur hiérarchique affaiblit celle-ci : d’une part, parce que le texte ne définit pas ce qu’est « l’alerte vaine » ; d’autre part, parce que cette rédaction ne tient pas compte des cas où les agissements du supérieur hiérarchique lui-même sont la raison de l’alerte.

Le groupe écologiste du Sénat propose de prévoir de consigner l’alerte dans un registre, à l’image de ce qui se pratique en termes de droit d’alerte en matière sanitaire et environnementale. Ce dernier est déjà applicable aux salariés des entreprises privées, des établissements publics à caractère industriel et commercial, des établissements de santé et des établissements publics administratifs lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé.

Outre qu’elle améliore la protection des lanceurs d’alerte, cette alternative présente l’avantage de taille de constituer une première étape à la construction d’un droit des lanceurs d’alerte applicable à tous !

Pour nous, la protection des lanceurs d’alerte doit transcender la distinction entre salariés et agents publics et s’inscrire dans une démarche beaucoup plus globale, conformément à l’esprit de la proposition de loi dont Mme Blandin était l’auteur et que le Sénat a adoptée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement de Mme Bouchoux ne rencontrera pas beaucoup plus de succès que les précédents…

En effet, il nous apparaît essentiel que les autorités hiérarchiques examinent en premier ressort les alertes, afin de couper court à des alertes abusives.

En outre, l’Assemblée nationale a prévu que l’alerte puisse être transmise à l’une des autorités hiérarchiques, afin de prendre en compte le cas dans lequel les agissements du supérieur hiérarchique direct lui-même sont la raison de l’alerte.

Pour ces deux raisons principales, la commission des lois n’a pas jugé pertinent d’accéder à votre demande, madame Bouchoux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Le statut du lanceur d’alerte permettra d’éviter des situations que nous avons connues par le passé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 148, présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 7, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, auprès de la commission mentionnée à l’article 25 octies ou d’une association de lutte contre la corruption agréée en application du II de l’article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ou de l’article 2-23 du code de procédure pénale

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Je regrette que, pour une fois, notre collègue Dominique Gillot ne soit pas présente parmi nous. Elle aurait pu témoigner d’un certain nombre de dysfonctionnements constatés dans une université qui impliquaient des fonctionnaires.

Je remercie M. le rapporteur de sa grande amabilité à mon endroit. Je comprends ses explications, mais j’estime que les positions de la commission ne vont pas dans le sens de ce qu’attendent nos concitoyens.

S’agissant de l’amendement n° 148, nous saluons la création d’un dispositif de protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte. Nous pensons qu’il faut encore améliorer ce régime. Nous aimerions faire en sorte que ces personnes soient protégées pour tous les faits qui auront été révélés à la commission nationale de déontologie et aux associations agréées de lutte contre la corruption.

D’une part, le projet de loi instaure la commission nationale de déontologie, dont les missions s’articulent autour de la lutte contre les conflits d’intérêts. Devant ce constat, il convient, en toute logique, d’étendre la protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte aux faits relatés par eux à la commission nationale de déontologie.

D’autre part, doit être, selon nous, protégée la révélation de faits susceptibles de constituer un conflit d’intérêts à une association agréée de lutte contre la corruption, comme le prévoit l’article 25 de la loi relative à la transparence de la vie publique.

D’une manière générale, favoriser l’alerte implique de multiplier les interlocuteurs des lanceurs d’alerte. Évidemment, n’importe qui ou n’importe quelle structure ne peut traiter ce type de problématique. La commission nationale de déontologie, comme les associations agréées, présente l’avantage d’être sérieuse et spécialiste du sujet.

Cet amendement vise à protéger la révélation de faits à la commission de déontologie et aux associations agréées de lutte contre la corruption, qui sont très nombreuses à suivre nos débats ce soir et attendent un geste en ce sens. Le projet de loi ne va pas assez loin selon nous.

M. le président. L'amendement n° 147, présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 7, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ou auprès de la commission mentionnée à l'article 25 octies

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Comme je l’ai indiqué précédemment, favoriser l’alerte implique de multiplier les interlocuteurs des lanceurs d’alerte. En effet, il arrive malheureusement parfois que l’origine du problème soit le supérieur hiérarchique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mme Bouchoux veut multiplier les canaux d’alerte en permettant à des associations de lutte contre la corruption de pouvoir être éventuellement des vecteurs.

La commission n’a pas jugé souhaitable d’émettre un avis favorable sur ces propositions. Il existe déjà deux canaux d’alerte : d’une part, la commission nationale de déontologie, qui peut être considérée comme une autorité administrative au sens de l’article ; d’autre part, les autorités administratives et judiciaires, à qui il revient, et nullement aux associations, de régler les situations de conflit d’intérêts.

Le Sénat a toujours été sur cette ligne, y compris durant les débats sur le projet de loi relatif à la transparence de la vie publique.

J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce qui n’a peut-être pas suffisamment été dit, c’est que si l’autorité hiérarchique ne bouge pas, le lanceur d’alerte peut saisir l’échelon hiérarchique supérieur. Et si ce dernier ne réagit pas non plus, le lanceur d’alerte a la possibilité de saisir l’autorité judiciaire ou l’autorité administrative, selon les cas.

J’ai l’impression que vous craignez un blocage par une autorité hiérarchique qui serait impliquée dans les agissements que le lanceur d’alerte entend dénoncer. Dans ce cas, tout est déjà prévu pour que le fonctionnaire puisse passer outre. Il n’est pas besoin d’en rajouter.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 148 et 147.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 123, présenté par MM. Vandierendonck, Delebarre, Sueur, Manable, Botrel, Labazée et Camani, Mme Yonnet, M. Tourenne, Mmes Campion, Bataille, Lienemann et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 11 et 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. René Vandierendonck.

M. René Vandierendonck. Peut-être vais-je remonter dans votre estime, madame la ministre… (Sourires.) C’est une course à handicap !

L’article 3 harmonise le régime des lanceurs d’alerte au sein de la fonction publique. Il prévoit un dispositif de sanctions pour les lanceurs d’alerte de mauvaise foi, animés par une intention de nuire, qui relateraient des faits qu’ils savent inexacts.

Or, même si je ne suis pas pénaliste, j’observe que l’article 226-10 du code de procédure pénale sanctionne déjà la dénonciation calomnieuse. Une jurisprudence abondante en définit aujourd'hui les contours s’agissant de la matérialité de la mauvaise foi, de l’intention de nuire, de la connaissance erronée des faits rapportés.

Cet amendement prévoit, en conséquence, d’en rester au régime de droit commun de la dénonciation calomnieuse sans intention de nuire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mon cher collègue, cette disposition a été introduite dans la loi relative à la transparence de la vie publique. Il nous apparaît nécessaire, dans une perspective d’harmonisation, de maintenir ces alinéas pour lutter contre des alertes abusives qui pourraient gravement pénaliser le fonctionnement des services publics.

Pour cette raison, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission : par parallélisme des formes avec les dispositions de la loi relative à la transparence de la vie publique, nous avons repris les mêmes termes, après en avoir discuté avec les organisations syndicales.

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.

M. René Vandierendonck. Il peut m’arriver de faire preuve d’élégance : je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 123 est retiré.

Je mets aux voix l’article 3.

(L’article 3 est adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
Article additionnel après l’article 4 (début)

Article 4

Après l’article 25 de la même loi, sont insérés des articles 25 quater à 25 septies A ainsi rédigés :

« Art. 25 quater. – I. – La nomination dans l’un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionné sur une liste établie par décret en Conseil d’État, est conditionnée à la transmission préalable par le fonctionnaire d’une déclaration exhaustive, exacte et sincère de ses intérêts à l’autorité investie du pouvoir de nomination.

« Dès la nomination du fonctionnaire dans l’un des emplois définis au premier alinéa du présent I, l’autorité investie du pouvoir de nomination transmet la déclaration d’intérêts produite par le fonctionnaire à l’autorité hiérarchique dont il relève dans l’exercice de ses nouvelles fonctions.

« II. – Lorsque l’autorité hiérarchique constate que le fonctionnaire se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, au sens du I de l’article 25 bis, elle prend les mesures nécessaires pour y mettre fin ou enjoint au fonctionnaire de faire cesser cette situation dans un délai qu’elle détermine.

« Lorsque l’autorité hiérarchique ne s’estime pas en mesure d’apprécier si le fonctionnaire se trouve en situation de conflit d’intérêts, elle transmet la déclaration d’intérêts de l’intéressé à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

« III. – La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique apprécie, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration, si le fonctionnaire dont la déclaration d’intérêts lui est transmise se trouve dans la situation de conflit d’intérêts, au sens du I du même article 25 bis.

« Dans le cas où la Haute Autorité constate que le fonctionnaire se trouve en situation de conflit d’intérêts, elle adresse une recommandation à l’autorité hiérarchique. Cette dernière prend les mesures nécessaires pour mettre fin à cette situation ou enjoint au fonctionnaire de faire cesser cette situation dans un délai qu’elle détermine.

« Dans les autres cas, la Haute Autorité informe l’autorité hiérarchique et le fonctionnaire concerné que la situation n’appelle aucune observation.

« IV. – La déclaration d’intérêts ne comporte aucune mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé, hormis lorsque la révélation de ces opinions ou de ces activités résulte de la déclaration de fonctions ou de mandats exercés publiquement. La déclaration d’intérêts n’est ni versée au dossier du fonctionnaire, ni communicable aux tiers.

« Au cours de l’exercice des fonctions, toute modification substantielle des intérêts du fonctionnaire donne lieu, dans un délai de deux mois, à une déclaration dans les mêmes formes.

« Le modèle et le contenu de la déclaration d’intérêts ainsi que ses modalités de transmission, de mise à jour et de conservation sont fixés par décret en Conseil d’État.

« Art. 25 quinquies. – I. – (Supprimé)

« II. – Le fonctionnaire exerçant des responsabilités en matière économique ou financière et dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient est tenu de prendre, dans un délai de deux mois suivant cette nomination, toutes dispositions pour que ses instruments financiers soient gérés, pendant la durée de ses fonctions, dans des conditions excluant tout droit de regard de sa part.

« Le fonctionnaire justifie des mesures prises auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

« Les documents produits en application du présent II ne sont ni versés au dossier du fonctionnaire, ni communicables aux tiers.

« III. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.

« Art. 25 sexies. – I. – Le fonctionnaire nommé dans l’un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionné sur une liste établie par décret en Conseil d’État, adresse au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans un délai de deux mois suivant sa nomination, une déclaration exhaustive, exacte et sincère de sa situation patrimoniale concernant la totalité de ses biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. Ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droits de mutation à titre gratuit.

« II. – Dans les deux mois qui suivent la cessation de ses fonctions, le fonctionnaire soumis au I du présent article adresse une nouvelle déclaration de situation patrimoniale au président de la Haute Autorité. La déclaration de situation patrimoniale comporte une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus par le fonctionnaire et, le cas échéant, par la communauté depuis le début de l’exercice des fonctions ainsi qu’une présentation des événements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine depuis la précédente déclaration. Le fonctionnaire peut joindre des observations à chacune de ses déclarations.

« Lorsque le fonctionnaire a établi depuis moins de six mois une déclaration de situation patrimoniale en application du I, aucune nouvelle déclaration mentionnée au même I n’est exigée et la déclaration prévue au premier alinéa du présent II est limitée à la récapitulation et à la présentation mentionnées à la deuxième phrase du même premier alinéa.

« La Haute Autorité apprécie la variation de la situation patrimoniale de l’intéressé. Cette appréciation résulte de la comparaison entre, d’une part, la déclaration de situation patrimoniale transmise préalablement à la prise de ses fonctions et, d’autre part, la déclaration de situation patrimoniale transmise dans les deux mois qui suivent la cessation de ses fonctions.

« Lorsque les évolutions patrimoniales constatées n’appellent pas d’observation ou lorsqu’elles sont justifiées, la Haute Autorité en informe l’intéressé.

« III. – La déclaration de situation patrimoniale n’est ni versée au dossier du fonctionnaire, ni communicable aux tiers. Au cours de l’exercice des fonctions, toute modification substantielle de la situation patrimoniale du fonctionnaire donne lieu, dans un délai de deux mois, à une déclaration dans les mêmes formes. Le modèle, le contenu et les modalités de transmission, de mise à jour et de conservation de la déclaration de situation patrimoniale sont fixés par décret en Conseil d’État.

« IV. – La Haute Autorité peut demander au fonctionnaire soumis au I du présent article toute explication nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle des déclarations de situation patrimoniale. En cas de déclaration incomplète ou lorsqu’il n’a pas été donné suite à une demande d’explication adressée par la Haute Autorité, cette dernière adresse à l’intéressé une injonction tendant à ce que la déclaration soit complétée ou que les explications lui soient transmises dans un délai d’un mois à compter de cette injonction.

« V. – La Haute Autorité peut demander au fonctionnaire soumis au I du présent article communication des déclarations qu’il a souscrites en application des articles 170 à 175 A du code général des impôts et, le cas échéant, en application de l’article 885 W du même code.

« Elle peut, si elle l’estime utile, demander les déclarations, mentionnées au premier alinéa du présent V, souscrites par le conjoint séparé de biens, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de tout fonctionnaire soumis au I.

« À défaut de communication dans un délai de deux mois des déclarations mentionnées aux deux premiers alinéas du présent V, elle peut demander copie de ces mêmes déclarations à l’administration fiscale, qui les lui transmet dans les trente jours.

« La Haute Autorité peut demander à l’administration fiscale d’exercer le droit de communication prévu à la section 1 du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, en vue de recueillir toutes informations utiles à l’accomplissement de sa mission de contrôle. Ces informations sont transmises à la Haute Autorité dans les soixante jours suivant sa demande.

« Elle peut, aux mêmes fins, demander à l’administration fiscale de mettre en œuvre les procédures d’assistance administrative internationale.

« Les agents de l’administration fiscale sont déliés du secret professionnel à l’égard des membres et des rapporteurs de la Haute Autorité au titre des vérifications et contrôles qu’ils mettent en œuvre pour l’application du présent article.

« Art. 25 septies A. – I. – Le fait, pour un fonctionnaire qui est soumis à l’obligation prévue au I de l'article 25 quater, au II de l’article 25 quinquies et au I de l’article 25 sexies, de ne pas adresser la déclaration prévue au I du même article 25 sexies, d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

« Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code.

« II. – Le fait, pour un fonctionnaire soumis à l’obligation prévue au I de l’article 25 sexies, de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique prévues au IV du même article 25 sexies ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« III (nouveau). – Le fait de publier ou de divulguer, de quelque manière que ce soit, tout ou partie des déclarations, des informations ou des observations mentionnées aux articles 25 quater à 25 sexies de la présente loi est puni des peines mentionnées à l’article 226-1 du code pénal. »

M. le président. L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle est versée au dossier du fonctionnaire selon des modalités permettant d’en garantir la confidentialité.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement souhaite garantir au maximum la confidentialité de la déclaration d’intérêts.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je voudrais signaler à Mme la ministre que si nous adoptions sa proposition, le texte risquerait fort d’être frappé d’inconstitutionnalité. Le Conseil d’État a souligné ce risque et suggéré de disjoindre la déclaration d’intérêts du dossier personnel afin de ne pas porter atteinte à la vie privée.

La commission des lois a partagé ce point de vue. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 96.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 179, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le modèle, le contenu et les modalités de transmission, de mise à jour et de conservation de la déclaration d'intérêts ainsi que les modalités de destruction des déclarations transmises par les personnes n'ayant pas été nommées à l'emploi concerné sont fixés par décret en Conseil d'État.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous proposons, par cet amendement, que seule la déclaration d’intérêts du candidat nommé soit transmise par l’autorité de nomination à l’autorité hiérarchique du fonctionnaire. Ainsi, les déclarations d’intérêts transmises par les candidats non retenus pour l’emploi concerné seraient détruites. Nous renvoyons à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les modalités d’application de cette disposition. Ce point nous avait échappé lors de l’examen du texte par la commission des lois ; nous entendons réparer cet oubli au travers de cet amendement, que celle-ci a approuvé lors de sa réunion de ce matin.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Avis favorable.

M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Collombat, Portelli et Mézard, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

II. – Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

III. – Alinéa 22, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Une fois n’est pas coutume, nous proposons que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique soit consultée sur les projets de décrets définissant le modèle et le contenu des différents documents visés. Dans la mesure où c’est cette même Haute Autorité qui traitera ces informations, il est logique qu’on lui demande son avis. Cela peut être techniquement utile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je signale à M. Collombat que son amendement deviendra sans objet si celui de la commission est adopté. Pour éviter cela, je lui suggère d’en transformer le I en sous-amendement à l’amendement n° 179 de la commission. Dans cette hypothèse, la commission émettrait un avis favorable.

M. le président. Monsieur Collombat, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?

M. Pierre-Yves Collombat. Comment n’accepterais-je pas ?

M. le président. Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 205, présenté par MM. Collombat, Portelli et Mézard, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Je suis également saisi d’un amendement n° 27 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, Portelli et Mézard, et ainsi libellé :

I - Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

II - Alinéa 22, dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous demandez, monsieur le sénateur, que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique soit saisie des projets de décrets. Or le Conseil d’État est déjà consulté à ce stade. Je ne comprends donc pas du tout pourquoi vous demandez une consultation supplémentaire avant publication des décrets, d’autant que, si l’on devait procéder ainsi, les décrets d’application ne seraient pas près de paraître.

Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne vous comprends pas non plus, madame la ministre. Il s’agit de documents que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique devra traiter. Qu’on lui demande son avis sur ces projets de décrets me paraît assez élémentaire ! Pourquoi donc aller chercher des histoires tordues ? Je ne me battrai pas sur ce point, mais franchement, je ne comprends pas votre position.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mme la ministre ne semble pas percevoir la pertinence de la proposition de M. Collombat.

On peut considérer qu’il existe un parallélisme des formes entre les dispositions proposées et celles qui existent déjà pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL : on demande en effet parfois l’avis de cette autre autorité indépendante sur des projets de décrets.

De toute façon, nous pourrons y revenir lors de la commission mixte paritaire. Si nécessaire, nous pourrons alors parfaire le dispositif.

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.

M. René Vandierendonck. La proposition de M. le rapporteur me paraît sage : la nuit porte conseil, de même que la lecture de l’excellent rapport de Jacques Mézard sur les autorités administratives indépendantes.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 205.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27 rectifié bis.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 12

Rétablir le I de l’article 25 quinquies dans la rédaction suivante :

« I. – Le fonctionnaire peut librement détenir des parts sociales et percevoir les bénéfices qui s’y attachent. Il gère librement son patrimoine personnel et familial.

II. – Alinéa 13

1° Supprimer les mots :

ou financière

2° Après les mots :

est tenu de prendre,

insérer les mots :

à peine de nullité de sa nomination dans ces fonctions,

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. En instaurant un dispositif de mandat de gestion, le Gouvernement souhaite cibler, comme à l’article 8 de la loi relative à la transparence de la vie publique, les fonctions exercées dans le domaine économique qui associent un accès privilégié à des informations sensibles et une capacité de décision permettant d’influer sur les marchés. Il s’agit, en particulier, de restreindre les possibilités de gestion de son propre patrimoine par le fonctionnaire. Cela implique de rappeler par ailleurs le principe général selon lequel les fonctionnaires gèrent librement leur patrimoine. L’objet principal de ces dispositions est d’éviter tout doute, par exemple à l’occasion de l’attribution d’un marché public à une entreprise dont un fonctionnaire impliqué dans la passation de celui-ci détiendrait des actions. L’élargissement à des fonctions d’ordre financier excède l’objectif de la réforme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Les dispositions de cet amendement sont contraires à la position de la commission. La rédaction que celle-ci a adoptée était le fruit d’une proposition conjointe du rapporteur et du groupe socialiste et républicain. Nous avions estimé que la mention des responsabilités financières n’étendrait pas excessivement le champ d’application de l’obligation de confier la gestion de ses instruments financiers à un tiers dès lors que sont également concernées les responsabilités économiques. Cet ajout nous semble important. Ces deux types de responsabilités se recoupent dans les fonctions concernées : je pense, par exemple, à la direction générale du Trésor.

En outre, la commission a supprimé la nullité automatique de la nomination si le fonctionnaire concerné ne prouve pas l’accomplissement de cette obligation. En effet, pourquoi réserver cette sanction à la violation de cette obligation à l’exclusion de celle des obligations relatives aux déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale ?

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Au-delà du parallélisme des formes, la question est de savoir si tous les fonctionnaires de tous les services de gestion financière de toutes les collectivités territoriales doivent être soumis à cette obligation.

Il s’agissait vraiment, pour nous, de faire œuvre de simplification et de clarification. Le champ de l’obligation du mandat de gestion ne doit pas être trop large. Dans cette perspective, il convient de cibler les agents qui exercent une responsabilité dans des services budgétaires.

On nous a fait remarquer qu’une vingtaine de personnes peuvent être appelées à contribuer, de près ou de loin, à la gestion financière d’une collectivité. Toutes ces personnes doivent-elles impérativement être soumises à l’obligation du mandat de gestion ? Pour notre part, nous en doutons. Nous préférons réserver cette obligation aux personnes exerçant une responsabilité évidente.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. En définitive, dans cette affaire, madame la ministre, c’est vous qui avez la main. En effet, c’est le Gouvernement qui, par décret, définira le périmètre et les éventuelles restrictions de cette obligation. Je ne pense donc pas qu’il y ait une incompatibilité ou une incohérence entre ce que nous proposons et ce que vous souhaitez.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 97.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 168, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le fonctionnaire joint à cette déclaration la déclaration prévue à l'article 25 quater.

La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. L’article 4 du projet de loi, nous l’avons vu, organise la transmission des déclarations d’intérêts à la Commission de déontologie de la fonction publique et à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Or nous estimons que, pour gagner en effectivité, cette déclaration de situation patrimoniale doit être jointe à la déclaration d’intérêts, car elle est indispensable pour juger de la pertinence de l’évolution du patrimoine.

Il ne s’agit pas de faire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique l’autorité de la déontologie des fonctionnaires, mais de lui donner les éléments indispensables pour juger de la pertinence d’une déclaration de situation patrimoniale.

Prévoir une simple possibilité de transmission d’informations entre la Haute Autorité et la Commission de déontologie est insuffisant pour les cas limités signalés par Mme la ministre. C’est pourquoi nous aimerions voir adopté cet amendement, qui tend à prévoir que, à la déclaration patrimoniale, est systématiquement jointe la déclaration d’intérêts. Vous pouvez être pauvre et non vertueux ; ces deux qualités ne sont pas forcément concordantes…

Limiter cette disposition à un certain nombre de cas, comme l’a indiqué Mme la ministre, nous semblerait plutôt positif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ma chère collègue, nous considérons que la règle que vous préconisez créerait une confusion et une exception notable au principe selon lequel les déclarations d’intérêts ne sauraient être transmises à la Haute Autorité qu’en cas de doute de l’autorité hiérarchique. En outre, il n’est pas du tout évident que la déclaration d’intérêts permette d’éclairer la situation patrimoniale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous avons bien fait la part des choses entre le conflit d’intérêts, qui relève de la Commission de déontologie, et la déclaration de patrimoine, qui est soumise à la Haute Autorité. Il n’y a pas lieu d’opérer un mélange des genres.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 168.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 98 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 174 rectifié est présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 20, première phrase

Après le mot :

apprécie

insérer les mots :

, dans un délai de six mois à compter de la réception de la déclaration,

La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 98.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je le retire au bénéfice de l’amendement n° 174 rectifié de M. Mézard, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 98 est retiré.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 174 rectifié.

M. Jacques Mézard. Ce moment est exceptionnel, et je le savoure au plus haut point ! (Sourires.) Vous avez en effet déposé, madame la ministre, le même amendement que moi au nom de mon groupe. C’est dire si c’était nécessaire !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est une preuve de l’existence de Dieu ! (Nouveaux sourires.)

M. Jacques Mézard. Prévoir un délai de six mois à compter de la réception de la déclaration pour que la Haute Autorité statue sur celle-ci, c’était indispensable, mes chers collègues.

Ce qui est encore plus indispensable – je ne sais pas, madame la ministre, si nous sommes d’accord sur ce point –, c’est de prévoir une sanction pour le cas où la Haute Autorité ne respecterait pas ce délai.

Aujourd’hui, la Haute Autorité ne respecte pas les délais qui lui sont impartis par la loi organique. Elle n’a d’ailleurs rien à faire de ces délais et passe outre. Ainsi, voilà désormais douze mois que les sénateurs qui ont été réélus en septembre 2014 ont déposé leur déclaration et la procédure d’examen n’est toujours pas terminée. Cela peut durer des années !

Quand la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ne respecte pas les délais qui lui sont impartis par la loi, cela commence à devenir inquiétant. Il faut donc inscrire dans la loi non seulement, comme c’est le cas aujourd’hui, qu’il est nécessaire de transmettre les dossiers à la Haute Autorité, mais aussi que, lorsque cette instance n’a pas effectué le travail pour lequel elle est mandatée dans le délai imparti, elle est réputée donner un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement vient en discussion avant un autre, que nous examinerons ultérieurement et qui a fait l’objet d’une très longue discussion, ce matin, en commission des lois. Un grand nombre d’entre nous partage la préoccupation des auteurs de l’amendement. M. Collombat est ainsi intervenu avec force, de même que M. Portelli, pour juger que la Haute Autorité prenait vraiment beaucoup de temps pour émettre ses avis, ce qui pouvait être préjudiciable pour ceux qui les attendaient.

Nous avons considéré, après ce long débat, que cette loi n’avait été votée qu’il y a peu de temps, en 2013. Or nous sommes en train de prendre des dispositions qui concernent les fonctionnaires, notamment les membres du Conseil d’État et les magistrats. Nous opérons donc une harmonisation du dispositif de la loi de 2013 et commençons à pressentir qu’il conviendrait sans doute de l’améliorer. J’ai suggéré ce matin en qualité de rapporteur que le président de la commission prenne l’initiative, peut-être dans le courant de 2016, de déclencher une mission qui permettrait d’évaluer l’application de cette loi pour évaluer les améliorations éventuelles à y apporter.

Notre commission pourrait ainsi déposer une proposition de loi, ou bien profiter d’un véhicule législatif adapté pour apporter des améliorations de fonctionnement ou tordre le cou à des dysfonctionnements relevés dans le comportement de la Haute Autorité.

Il est vrai qu’il est assez irritant de constater que la Haute Autorité met parfois deux ans avant de donner son avis. Je comprends donc tout à fait l’impatience qui a conduit au dépôt de l’amendement.

Je pense – je l’ai dit en commission et je le répète dans cet hémicycle – que si nous étions conduits, peut-être au moment de la commission mixte paritaire, à adopter le principe proposé, il nous faudrait envisager une autre solution en matière de délai, lequel ne serait plus de six mois, mais plutôt de douze mois environ, et ce pour deux raisons : d’une part, nous allons confier à la Haute Autorité une charge de travail supplémentaire ; d’autre part, il ne faudrait pas qu’en adoptant un délai trop court, on mette en place un système contreproductif pour celles et ceux qui ont déposé un dossier auprès de cette instance. Dans ce cas, en effet, si la Haute Autorité avait un doute sur tel dossier, elle pourrait émettre aussitôt un avis négatif.

Pour ces raisons, la commission des lois a considéré qu’un retrait des amendements identiques serait préférable, au bénéfice de l’engagement du président de la commission, lequel ne s’est manifesté ni négativement ni positivement – qui ne dit mot consent ! –, de prendre assez rapidement une telle initiative, pour corriger les problèmes constatés.

Mes chers collègues, pardonnez-moi d’avoir été un peu long. Nous aurons sans doute l’occasion de parler de cette question de nouveau lors de l’examen des amendements suivants.

Au nom de la commission des lois, je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 174 rectifié ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Six mois, c’est très long ; c’est pourquoi nous avons maintenu ce délai.

Nous examinerons dans un instant l’amendement n° 124 de M. Vandierendonck, puis votre amendement n° 180, monsieur le rapporteur, au profit duquel je m’apprête à retirer l’amendement n° 115 du Gouvernement. À cet égard, nous sommes donc d’accord. En revanche, si nous n’inscrivons pas de délai dans la loi, nous nous retrouverons dans la même situation que celle que connaissent aujourd’hui les élus.

Je comprends la difficulté du travail de la Haute Autorité. Toutefois, nous parlons de fonctionnaires qui vont devoir attendre avant de pouvoir exercer leurs missions. Nous rencontrons là un problème différent. Il ne s’agit pas de dire qu’un avis donné a posteriori entérine une situation, mais de permettre d’exercer une fonction. Si l’on attend plus d’un an une décision, comment fera-t-on ?

Je pense qu’il faut prévoir un délai et en discuter lors de la commission mixte paritaire.

J’émets donc un avis favorable, comme je le ferai ultérieurement sur les amendements nos 124 et 180, tout en retirant, je le répète, l’amendement n° 115.

Vous déciderez si le délai de six mois est ou non excessif, mais je tiens à rappeler qu’il est question ici de fonctionnaires devant exercer une mission. Le problème du délai se pose donc, en l’occurrence, différemment.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Qu’il s’agisse d’élus ou de fonctionnaires, il faut savoir ce que l’on veut !

Vous avez voulu, madame la ministre, créer une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Pour notre part, nous avons pris nos responsabilités et mon groupe a voté contre le texte qui la mettait en place. Nous savions en effet ce qui allait se passer.

On constate d’ores et déjà des difficultés d’application. Pourquoi ? Le texte étant vague et flou en termes de délais et ne prévoyant pas de sanction en cas de non-respect desdits délais, la Haute Autorité n’en tient pas compte et prend le temps qui lui paraît nécessaire pour examiner les dossiers. Et en cas de retard, elle dit que c’est la faute de Bercy et des directions départementales des finances publiques, les DDFIP, et non la sienne. Elle ajoute que, pour améliorer les choses à l’avenir, mieux vaudrait qu’elle dispose d’une brigade ne dépendant que d’elle, plutôt que de travailler avec les DDFIP. Ce n’est pas bon !

C’est aujourd’hui, au moment où nous examinons ce texte relatif aux fonctionnaires et d’ici à son vote final, que les règles doivent être fixées, de façon claire, et qu’il faut dire à la Haute Autorité de quel délai elle dispose et qu’en cas de non-respect de ce délai, sa décision sera réputée favorable. Ne pas faire cela, c’est laisser se déclencher des mécanismes complexes en termes de durées, qui entraîneront des difficultés pour les fonctionnaires.

Ce n’est pas parce que vous vous êtes infligé ces méthodes qu’il faut en faire pâtir les fonctionnaires !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je souhaite ajouter quelques précisions.

Je rappelle que les élus ont fait une déclaration de situation patrimoniale de fin de mandat en mars 2014. S’ils ont été réélus, ils ont dû en faire une nouvelle, et cela a donc traîné jusqu’au mois d’octobre 2014. On se demande d’ailleurs pourquoi l’on tient compte de la déclaration de mars 2014, puisque la Haute Autorité se base sur celle d’octobre…

Si ma mémoire est bonne, la loi de 2013 dispose que l’instrument de la Haute Autorité, c’est-à-dire les services fiscaux, doit répondre dans un délai de deux mois. En effet, la Haute Autorité n’a pas les moyens de mener à bien ses investigations. Que se passe-t-il alors ? Les services fiscaux font leur travail et répondent à la Haute Autorité qui, plusieurs mois après – on ne voit d’ailleurs pas pourquoi –, demande des précisions. Dans mon cas, cela fait quatorze mois que cela dure ! Et encore, si je compte depuis le mois d’octobre. Si je le fais à partir de mars 2014, cela fera bientôt deux ans…

On a l’impression que la Haute Autorité « nage » complètement ; il ne semble pas qu’il s’agisse de mauvaise volonté d'ailleurs. Franchement, il faut encadrer tout cela. Et si la Haute Autorité, dont je rappelle que je n’ai pas voté la création, a des besoins, soyons à la hauteur de ces engagements et donnons-lui les moyens de traiter les dossiers !

La disposition que nous apprêtons à adopter représente tout de même 24 000 dossiers supplémentaires pour la Haute Autorité ! Et je suppose que l’on en a encore oublié et que l’on va en rajouter… De grâce, arrêtons !

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.

M. René Vandierendonck. Le seul fait de voir M. Mézard et Mme Lebranchu d’accord devrait nous faire réfléchir ! (Rires.) C'est un instant important… Nous pourrions laisser prospérer la perspective d’une synthèse d’ici à la commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Mézard a dit, et cela ne semblait pas le gêner, que ce n’est pas parce que nous nous sommes imposé la loi de 2013 qu’il faut faire subir aux fonctionnaires le même sort.

Je tenais à souligner un point que je n’ai pas mentionné dans mon avis : cette règle viserait uniquement les fonctionnaires et non tous les déclarants auprès de la Haute Autorité, ce qui créerait une rupture d’égalité. (MM. Pierre-Yves Collombat et Jacques Mézard font un signe de dénégation.)

En qualité de rapporteur, mon objectif est de rechercher une meilleure harmonisation dans l’application du dispositif. Que se passe-t-il au bout de six mois si la Haute Autorité ne s’est pas prononcée ? On ne le sait pas, car rien n’est prévu ! Cela justifie, si besoin était, qu’on se donne un temps de réflexion pour trouver une rédaction qui prenne en compte ce que vous demandez, mon cher collègue.

Peut-être le Gouvernement décidera-t-il de retenir un délai, qui se compte en mois, et dotera-t-il la Haute Autorité des moyens qui lui permettront de traiter les dossiers en temps et en heure.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 124, présenté par MM. Vandierendonck, Delebarre, Sueur, Manable, Botrel, Labazée et Camani, Mme Yonnet, M. Tourenne, Mmes Campion, Bataille, Lienemann et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice de l'article 40 du code de procédure pénale, dans le cas où la Haute Autorité, après une procédure contradictoire, constate des évolutions patrimoniales pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications suffisantes, elle transmet le dossier à l'administration fiscale et en informe l'intéressé.

La parole est à M. René Vandierendonck.

M. René Vandierendonck. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous sommes hostiles à cet amendement, qui est contraire à la position de la commission. La finalité du contrôle de la déclaration de situation patrimoniale est de déceler des manquements non pas fiscaux, mais déontologiques. Or des manquements déontologiques peuvent n’avoir entraîné aucune faute fiscale, et inversement. Consciente de ce mélange des genres, la Haute Autorité elle-même est opposée à cette procédure.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. L'amendement n° 180, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Après les mots :

du même article 25 sexies,

insérer les mots :

de ne pas justifier des mesures prises en application du II de l'article 25 quinquies,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il s'agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 115, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 30

Après le mot :

substantielle

insérer les mots :

ou l’intégralité

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 115 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
Article additionnel après l’article 4 (interruption de la discussion)

Article additionnel après l’article 4

M. le président. L'amendement n° 173 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le II de l'article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La Haute Autorité rend ses décisions dans les délais impartis par les lois et règlements. L'absence de décision prise dans ces délais vaut accord tacite. »

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. J’irai dans le sens que souhaitait M. le rapporteur : si l’on fixe un délai à la Haute Autorité pour effectuer les missions que le législateur lui a confiées, il est nécessaire de prévoir une sanction si ce délai n’est pas respecté.

Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission avait émis un avis favorable sur cet amendement, mais parce qu’elle pensait que l’amendement précédent, relatif au délai de six mois, serait rejeté. Elle n’a donc pas pu se prononcer de manière éclairée, ne sachant pas par avance quelle serait la position de notre assemblée.

Je maintiens l’avis exprimé par la commission des lois, car je n’ai pas le pouvoir de prendre une autre initiative. Toutefois, il appartient maintenant au Sénat, dans sa sagesse, de considérer si l’amendement de Jacques Mézard est une conséquence de ce que nous avons adopté précédemment et s’il y a lieu de l’adopter, ou de le rejeter.

Je le redis, le dispositif ne s’appliquera qu’aux fonctionnaires. Il aurait été à mon avis plus cohérent et logique qu’il s’applique à tous. Il est dommage que nos collègues, lorsqu’ils ont rédigé cet amendement, l’aient limité aux fonctionnaires, même si c'est évidemment logique dans un texte relatif à la déontologie des fonctionnaires. Néanmoins, rien n’interdisait de prévoir une harmonisation totale. Nous aurons donc un système quelque peu bancal, certains bénéficiant du délai de six mois, et d’autres non.

M. Collombat regrettait de ne pas savoir à quoi s’en tenir au bout de quatorze mois ; peut-être qu’il sera toujours dans la même attente dans six mois…

M. Alain Vasselle, rapporteur. Si, monsieur Mézard, car le délai de six mois s’appliquera seulement aux fonctionnaires, et non aux parlementaires. C'est en tout cas l’interprétation qu’en fait la commission, même si je peux me tromper ! Nous verrons ce que l’on fera en commission mixte paritaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’avais défendu l’instauration de délais pour les fonctionnaires. Je n’irai pas aussi loin que M. Mézard : notre grand accord ne continuera pas ! (Sourires.)

Là, nous avons affaire à des fonctionnaires qui ont une autorité hiérarchique. Si la Haute Autorité ne rend pas son avis, l’autorité hiérarchique doit lui demander quelle est la raison de ce délai supplémentaire. Il peut s’agir d’une affaire complexe, cela peut arriver. C’est, à mon sens, le rôle de l’autorité hiérarchique du fonctionnaire.

Je reste persuadée que, si un délai est fixé dans la loi, la Haute Autorité respectera la loi, sauf cas extraordinaire. J’ai à son égard un a priori de confiance que n’a pas M. Mézard. Il reviendra à l’autorité hiérarchique du fonctionnaire de demander pourquoi le délai en question a été dépassé.

M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.

M. René Vandierendonck. Le groupe socialiste estime qu’il vaudrait la peine d’utiliser le laps de temps qui nous sépare de la commission mixte paritaire pour trouver une solution simple comme celle qui est proposée par M. Mézard, c’est-à-dire une décision tacite.

Monsieur le rapporteur, Rémy Pointereau ne disait-il pas qu’il fallait secouer le joug des normes ? Rendons possible ou, à tout le moins, crédible la recherche d’un accord. Si cela ne règle que le problème des fonctionnaires et non celui des élus, c'est déjà bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. L’amendement que je propose au nom de mon groupe tend à régler le problème de tout le monde. Je rappelle qu’il vise à ajouter à la loi du 11 octobre 2013 les phrases suivantes : « La Haute Autorité rend sa décision dans les délais impartis par les lois et règlements. L’absence de décision prise dans ces délais vaut accord tacite. »

Madame la ministre, je suis désolé que vous ne soyez plus d’accord avec moi, c'était un tel moment de bonheur et de satisfaction… (Sourires.)

M. René Vandierendonck. C’était émouvant !

M. Jacques Mézard. C’est le mot qui convient, mon cher collègue !

Toutefois, je ne suis pas d’accord avec vous quand vous affirmez que la Haute Autorité respecte les délais qui lui sont impartis pour se prononcer sur la situation des élus.

Mes chers collègues, aujourd’hui, la Haute Autorité ne respecte pas les délais qui lui sont fixés par la loi organique. J’ai auditionné en votre nom M. Nadal, dans le cadre de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes, pendant cinq heures, à la fois au Sénat et dans son bureau. Je vous confirme qu’il considère que les services des impôts ne répondent pas assez rapidement et que ses propres services n’en ont pas non plus les moyens. Il faut sortir de cette situation.

Il est de l’intérêt de tous, y compris de la Haute Autorité, d’avoir des règles claires et de les appliquer ; s’agissant de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la première chose à faire, c’est qu’elle soit elle-même transparente !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Mme Corinne Bouchoux. Je voudrais être sûre d’avoir bien compris. J’étais tout à fait d’accord avec la logique et le raisonnement de notre collègue Jacques Mézard, dont j’apprécie les interventions, mais je suis saisie d’un doute : au motif – bien réel – que la Haute Autorité a de grandes difficultés à gérer la situation des élus – je confirme qu’il y a un véritable problème –, on ferait adopter ce soir un amendement dont les dispositions régleraient d’un seul trait de plume le problème des fonctionnaires, puisque le texte porte sur la déontologie des fonctionnaires, et celui des élus…

J’aurais voulu avoir une réponse claire à ce doute qui m’étreint. Le groupe écologiste a collectivement travaillé sur tous les amendements que nous avons déposés – j’acte, avec courtoisie, que nous sommes très minoritaires –, mais, pour le coup, je ne suis pas sûre que nous serions prêts, pour des motifs de confort, à utiliser le véhicule législatif prévu pour les fonctionnaires pour faire passer cette mesure. Sauf erreur de ma part, ne serait-ce pas un cavalier législatif ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je ne sais pas si mon intervention sera de nature à éclairer Mme Bouchoux, mais il me semble qu’il faut lever l’éventuelle ambiguïté qui pourrait naître de l’intervention de M. Mézard. On pourrait en effet avoir le sentiment que l’adoption de ces amendements règlerait d’un seuil coup à la fois la situation des fonctionnaires et celle des élus, mais c’est inexact.

Il existe effectivement des délais applicables à la Haute Autorité, mais ils sont de nature différente : il s’agit de délais de publication : actuellement, le seul délai prévu par la loi du 11 octobre 2013 touche à la publication ou à la mise en consultation des déclarations. Ce délai de trois mois court à compter de la réponse de l’administration fiscale, qui dispose elle-même d’un mois et non de deux.

En revanche, il n’existe aucun délai impératif entre la transmission de la déclaration et la saisine de l’administration fiscale ; en clair, le délai peut être contourné par une transmission tardive à l’administration fiscale. On peut en outre se poser la question de la portée de l’accord tacite. Cette précision me paraissait importante.

Par ailleurs, l’extension aux élus du dispositif applicable aux fonctionnaires constituerait-elle ou non un cavalier législatif ? À ce stade, je ne suis pas en mesure de le dire, mais on cherche tout de même à harmoniser le plus totalement ce qui s’appliquera aux fonctionnaires et aux élus et membres du Gouvernement ; cela a été ma préoccupation majeure.

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, dans mon propos liminaire en discussion générale, j’ai souligné qu’il eût été plus pertinent d’examiner d’un seul coup l’ensemble des dispositions déontologiques concernant les élus, les membres du Gouvernement, les magistrats de l’ordre administratif et judiciaire et tous les fonctionnaires.

On est en effet en train de procéder au fil de l’eau, mais on se rend compte peu à peu que l’on se heurte à des difficultés et à la question des moyens. La Haute Autorité aura en effet 20 000 ou 24 000 dossiers supplémentaires à traiter, entraînant une surcharge de travail. Lui donnera-t-on alors les moyens d’agir ? On verra… Il faudra donc mettre à profit les travaux de la commission mixte paritaire pour améliorer tout cela, sans quoi nous sommes mal partis.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement vise à modifier la loi du 11 octobre 2013, donc la mesure concerne tout le monde !

On a inventé la Haute Autorité dans un moment de panique. On a constaté qu’il fallait étendre encore et encore ses attributions, puis, presque deux ans plus tard, on s’aperçoit que le système ne fonctionne pas très bien. Par conséquent, on essaye d’encadrer la procédure, de fixer des délais, pour que l’on reste tout de même dans un État de droit. Nous poserons aussi la question des voies de recours à l'occasion de l’examen d’un prochain amendement.

Je veux toutefois rendre justice à M. le rapporteur : la loi de 2013 est effectivement rédigée de telle façon qu’on ne sait par quel bout prendre les délais qui y figurent !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est vrai.

M. Pierre-Yves Collombat. Mais oui ! Il y a l’intervention des services fiscaux, celle de la Haute Autorité, en amont et en aval, puis à nouveau celle des services fiscaux… Il faut que cela se rode, soit ; mais il conviendrait de réguler un peu tout cela.

Nous sommes saisis de ce sujet, nous essayons donc d’y mettre un peu de clarté. Peut-être faudra-t-il améliorer le dispositif proposé au travers de cet amendement, mais la mesure s’impose !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 173 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 24 amendements au cours de la soirée ; il en reste 166.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article additionnel après l’article 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires
Discussion générale

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 27 janvier 2016 :

À quatorze heures trente :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (n° 41, 2015-2016) ;

Rapport de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des lois (n° 274, 2015-2016) ;

Texte de la commission des lois (n° 275, 2015-2016).

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs (n° 281, 2015-2016) ;

Rapport de M. François Bonhomme, fait au nom de la commission des lois (n° 315, 2015-2016) ;

Texte de la commission des lois (n° 316, 2015-2016) ;

Avis de M. Alain Fouché, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 314, 2015-2016).

Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat (n° 252, 2015-2016) ;

Rapport de M. Michel Houel, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 310, 2015-2016) ;

Texte de la commission des affaires économiques (n° 311, 2015-2016).

Le soir :

Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie.

Suite de l’ordre du jour de l’après-midi.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 27 janvier 2016, à zéro heure cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART