Mme Ségolène Royal, ministre. L’action de groupe est effectivement un élément important de la démocratie participative. Même si cette voie de recours a pour objet de permettre l’indemnisation de plusieurs victimes d’un même manquement, elle est le moyen d’agréger la somme des intérêts individuels en vue d’une efficacité judiciaire accrue.
Le droit de l’environnement n’est pas étranger à la prise en considération des intérêts collectifs, puisqu’il ménage une large place aux associations de protection de l’environnement en vue d’actions juridictionnelles qui profitent à tous. Ces associations bénéficient d’un intérêt à agir présumé dans toutes les procédures juridictionnelles relatives à la protection de l’environnement. De fait, les actions qu’elles engagent visent à mettre un terme à un manquement à la réglementation environnementale et bénéficient à tous.
Il existe donc en la matière une dynamique particulière qui est déjà collective, du fait de l’importance des associations de protection de l’environnement.
Par ailleurs, le code de l’environnement permet déjà à ces mêmes associations d’agir en justice, notamment en tant que parties civiles, en vue de la défense des intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre. Elles peuvent être également mandatées pour agir en réparation par plusieurs personnes physiques ayant subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d’une même personne.
Vous le voyez, les actions de groupe existent déjà en droit de l’environnement.
Ces dispositions permettent de faire cesser un manquement ou de porter des actions indemnitaires collectives de façon satisfaisante et propre à la spécificité de la protection de l’environnement et de la biodiversité.
Puisque cet amendement est satisfait, j’en sollicite le retrait.
Mme Nicole Bonnefoy. Je le maintiens !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 51 quater A.
Article 51 quater A (nouveau)
L’article 8 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai de prescription de l’action publique des délits mentionnés aux articles L. 216-6 et L. 432-2 du code de l’environnement court à compter de la découverte du dommage. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 51 quater A
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 51 quater A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier et au second alinéas de l’article L. 142-2 du code de l’environnement, après le mot : « infraction », sont insérés les mots : « ou un manquement ».
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement tend à permettre aux associations de protection de l’environnement d’exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d’inobservation d’obligations non pénalement sanctionnées.
M. Ronan Dantec. C’est un amendement important !
Mme Évelyne Didier. Tout à fait, mon cher collègue !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je viens d’émettre un avis défavorable sur l’amendement de Mme Bonnefoy, dont les dispositions étaient assez similaires… Aussi, j’émets également un avis défavorable sur le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Ces dispositions sont en cohérence avec celles qui viennent d’être adoptées au sujet de l’action de groupe.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 51 quater A.
Article 51 quinquies
Après l’article L. 253-7-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 253-7-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 253-7-2. – Dans l’intérêt de la santé publique ou de l’environnement, l’autorité administrative définit par arrêté les modalités de mise en œuvre des produits destinés à être mélangés à de l’eau dans une cuve avant leur utilisation, d’épandage des fonds de cuve, de vidange des fonds de cuve et de réutilisation du fond de cuve résultant d’une première application de produit. »
M. le président. L'amendement n° 71 rectifié, présenté par MM. Pointereau et Bas, Mmes Primas et Morhet-Richaud, MM. Chaize, Commeinhes et Mouiller, Mme Cayeux, MM. Pinton, de Nicolaÿ, Milon, Mayet, Cardoux, Vaspart, Cornu, Poniatowski, D. Laurent, Danesi et Bockel, Mme Troendlé, MM. Bizet, César, Laménie et Pierre, Mme Canayer, MM. Lenoir et P. Leroy, Mmes Deseyne et Gruny et MM. Raison, Savary, Gremillet et Husson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. La gestion des fonds de cuve est un sujet récurrent dans nos débats, pour ne pas dire un marronnier. Or elle est régie par un arrêté. Il n’est donc pas nécessaire de légiférer sur ce point.
En outre, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt complète d’ores et déjà la réglementation relative aux produits phytosanitaires, ce qui conduira à une modification de l’arrêté de 2006.
Enfin, dans le cadre du plan Écophyto 2, la priorité en termes de recherche et d’innovation est donnée à l’agroéquipement. Ces travaux devront permettre d’accompagner au mieux les agriculteurs pour la préservation de l’environnement.
Ainsi, même si nous nous sentons tous concernés par ce problème, il ne paraît pas nécessaire de légiférer en la matière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Bien sûr, un arrêté existe déjà. Mais voter un article de loi sur lequel il pourra reposer ne conduit pas à créer une norme supplémentaire : le but est tout simplement de donner une base légale à l’arrêté et, partant, de le consolider.
Cette amélioration technique relève d’impératifs purement juridiques, et elle a du sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. M. le rapporteur l’a souligné avec raison : il ne s’agit pas de créer une réglementation supplémentaire, mais de donner une base légale à l’arrêté existant, ce qui s’inscrit tout à fait dans le travail législatif que nous sommes en train d’accomplir. Aussi, je suggère le retrait de l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. J’avoue que je ne comprends plus rien à notre façon de légiférer !
Pour combattre certains de nos amendements, on nous oppose souvent que leurs dispositions relèvent du domaine du règlement et non de celui de la loi. En l’occurrence, nous sommes manifestement face à des mesures réglementaires. Pourquoi ne pas leur opposer aussi l’article 41 de la Constitution ?
Franchement, c’est à n’y rien comprendre !
M. Didier Guillaume. N’exagérons pas !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le sénateur, j’entends bien vos arguments, qui sont d’une cohérence implacable.
Néanmoins, je vous rappelle que nous sommes en train de rassembler dans un même texte des dispositions existantes et des mesures nouvelles. La loi doit être lisible, monsieur le sénateur. Au lieu de laisser coexister différents textes de force juridique inégale, ce qui oblige à courir sans cesse de la loi aux arrêtés, on s’efforce ici de réunir toutes les dispositions concernées au sein d’un seul et même texte bien délimité, un texte cohérent, simple, lisible, car tout figurera dans la loi : la loi, toute la loi et rien que la loi !
Ainsi, l’ensemble des partenaires concernés par l’application de cette loi pourront s’appuyer sur un texte définitif, clair et complet, toutes les dispositions normatives étant placées au même niveau. Il ne sera donc pas nécessaire d’aller vérifier le mode d’application de telle ou telle mesure dans des supports juridiques différents.
Je le répète, il ne s’agit pas, en l’occurrence, de créer de nouvelles réglementations : les agriculteurs ne feront pas l’objet de contraintes supplémentaires. L’arrêté existe déjà, il s’agit simplement de le consolider. L’enjeu, c’est bien d’obtenir un texte de loi lisible et complet.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire. Monsieur Cornu, le problème n’est pas de savoir si les dispositions visées sont du domaine de la loi ou du règlement. Une réglementation existe, nul ne le conteste. Seulement, elle n’a pas pour l’heure de base légale et, de ce fait, elle pourrait tout à fait être attaquée devant les juridictions administratives. Voilà pourquoi nous souhaitons inscrire ces dispositions dans le présent texte. Mais, en l’espèce, le problème n’est pas celui de la création d’une norme supplémentaire ni de la frontière entre la loi et le règlement.
M. Gérard Cornu. Mais c’est un projet de loi relatif à la biodiversité !
M. André Trillard. Exactement !
M. le président. Je mets aux voix l'article 51 quinquies.
(L'article 51 quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 51 quinquies
M. le président. L'amendement n° 98 rectifié bis, présenté par MM. Trillard et Doligé, Mme Cayeux, MM. Laufoaulu et Bizet, Mme Lamure, MM. Bouchet, D. Laurent, P. Leroy, Mayet, Pierre, G. Bailly, Bonhomme, Lefèvre, Retailleau et B. Fournier, Mme Mélot, MM. Vasselle, Falco, Kennel, Revet, Raison et Chasseing, Mmes Deromedi et Deseyne, M. Houel, Mme Billon, MM. Pointereau et Gilles, Mme Gruny et MM. Roche, Gremillet, Charon, Longeot, L. Hervé, Guerriau et César, est ainsi libellé :
Après l'article 51 quinquies,
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de l’article L. 213-10-8 du code de l’environnement est ainsi modifié :
a) Au a, après le mot : « minérale », sont insérés les mots : « et de la famille des nématicides fumigants » ;
b) Le b est complété par les mots : « sauf celles d’entre elles relevant de la famille des nématicides fumigants, pour lesquelles il est fixé à 0,9 ».
II. – La perte de recettes résultant pour les agences de l’eau du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. André Trillard.
M. André Trillard. Cet amendement tend à alléger la redevance pour pollutions diffuses sur les cultures légumières, lesquelles sont, en France, à haute valeur ajoutée.
Appliquée au taux actuel, cette redevance représente un montant de 700 à 1 000 euros par hectare. Or ces cultures, qui couvrent des surfaces modestes - 8 000 hectares en France -, se voient menacées dans leur existence même par la concurrence étrangère.
Ainsi, depuis 2004, les surfaces cultivées en légumes reculent dans notre pays, et les importations augmentent pour pallier cette baisse.
Or, mes chers collègues, l’utilisation de nématicides reste indispensable pour lutter contre les nématodes. Je ne vous ferai pas aujourd’hui un cours de parasitologie. Je précise simplement que les trois substances actives nématicides employées dans ce cadre sont non toxiques pour la reproduction, qu’elles ne sont ni cancérigènes ni mutagènes, qu’elles ne laissent pas de résidus dans les produits récoltés.
J’ajoute que le risque immédiat pour les applicateurs fait l’objet d’une très forte attention de la part de la profession et qu’il reste limité, grâce aux formations à l’utilisation de matériels spécifiques que suivent les maraîchers et à l’intervention d’applicateurs agréés.
Pour ce qui est de l’environnement, les risques de pollution des eaux et des sols sont très réduits. En effet, les produits de dégradation sont simples et inoffensifs : de l’eau, du gaz carbonique et du sulfure d’hydrogène !
En tout état de cause, même avec le changement de catégorie que je sollicite, le montant de cette taxe resterait quinze à vingt-quatre fois plus élevé chez nous que chez nos voisins européens. Selon le produit employé, il serait en France de 170 euros, de 321 euros ou de 436 euros par hectare, contre 6,8 euros, 21 euros et 71 euros en Italie et en Belgique, étant précisé qu’en Espagne cette taxe n’est tout simplement pas appliquée !
Le département dont je suis l’élu doit faire face à ce problème, tout particulièrement pour la mâche, qui, par définition, se mange plutôt crue que cuite et dont la culture représente de nombreux emplois.
Certes, ma demande ne s’inscrit peut-être pas totalement dans le cadre du présent texte, mais la réponse de Mme la ministre a toute son importance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Considérant qu’elle n’était pas suffisamment informée pour émettre un avis sur ce sujet, la commission m’a chargé de solliciter l’avis du Gouvernement sur le sujet.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement sur les nématicides fumigants ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Bien entendu, le Gouvernement ne peut pas émettre un avis favorable : il serait tout de même assez paradoxal de réduire ainsi les ressources des agences de l’eau, qui réinvestissent, y compris pour aider les entreprises à réduire les taux de pollution.
M. André Trillard. Ces entreprises vont fermer !
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Madame la ministre, pour garantir les emplois actuels et futurs des agences de l’eau, on va perdre 1 000 emplois en Loire-Atlantique !
M. André Trillard. Vraiment merci, chers collègues !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 40 est présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 470 rectifié est présenté par M. Labbé, Mme Blandin, M. Dantec et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 51 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’utilisation, la culture et la commercialisation de semences de colza et de tournesols tolérantes aux herbicides issues de mutagenèse sont suspendues sur l’ensemble du territoire national.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 40.
Mme Évelyne Didier. Dans un rapport commun publié en 2011, l’INRA et le CNRS ont alerté sur le risque avéré de transfert de gènes d’une plante à l’autre. En l’occurrence, il s’agit de plantes rendues tolérantes aux herbicides dont les gènes se croisent avec ceux de plantes sauvages et invasives, comme la moutarde. De ce fait, les plantes adventices, c’est-à-dire celles que l’on ne souhaite pas voir pousser dans les champs, deviennent elles-mêmes résistantes et, parce qu’elles se développent massivement, risquent tout bonnement d’entrer en concurrence avec les plantes qui, elles, sont cultivées.
Le colza est particulièrement propice à une telle diffusion. Il a la faculté de s’hybrider facilement, et la dissémination de ses graines, très petites et très mobiles, se révèle incontrôlable.
De plus, le colza, rendu tolérant aux herbicides, est très largement utilisé comme plante intercalaire dans la rotation des grandes cultures - il s’agit de blé et d’orge, naturellement tolérants à ces herbicides, ou de tournesol, rendu tolérant aux mêmes herbicides.
Un retour d’expérience de vingt années de pratique aux États-Unis et au Canada a montré que les doses d’herbicides ont été augmentées chaque année. En outre, de nombreuses espèces d’adventices – ces plantes envahissantes - sont devenues résistantes aux produits disponibles sur le marché. Les paysans voient ainsi leurs cultures envahies par des plantes qu’ils ne peuvent plus éradiquer.
Le Gouvernement a saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, des risques liés à ces disséminations sur les cultures. Face aux atteintes irréversibles pour la biodiversité et aux enjeux sanitaires, il me semble que, en attendant, il serait bon d’instaurer un moratoire. L’article 18 de la directive 2002/53/CE nous y autorise en raison de la présence de risques de nuisances à la culture d’autres espèces et de variétés, à l’environnement et à la santé.
Madame la ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions quant à l’état d’avancement du rapport de l’ANSES, quant à ses conclusions et aux intentions du Gouvernement pour ce qui concerne les suites à y donner, par exemple une possible saisine de la Commission européenne au sujet de cette interdiction ?
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l'amendement n° 470 rectifié.
M. Joël Labbé. Mme Didier a très bien détaillé les arguments en la matière.
Pour ma part, ces histoires d’apprentis sorciers me donnent le vertige. Parce que, en France du moins, la transgénèse est interdite par la réglementation, du coup, on se tourne vers la mutagenèse ! En l’occurrence, il s’agit tout simplement de rendre des plantes tolérantes aux herbicides, dans le but de pouvoir littéralement arroser les cultures de produits chimiques. Où allons-nous ?
La nature est si bien faite qu’en milieu très hostile les êtres vivants, qu’il s’agisse de la faune ou de la flore, luttent toujours et finissent par survivre. Aux États-Unis, les méthodes de mutagenèse conduisent ainsi les plantes à développer des résistances. S’ensuit une interminable course en avant qui, en matière de biodiversité, nous conduit droit dans le mur !
Pour le colza, précisément, les conséquences seront particulièrement graves sur les parcelles cultivées selon les principes de l’agriculture conventionnelle. Les agriculteurs devront multiplier les doses d’herbicides pour se débarrasser des plantes adventices.
Mme Évelyne Didier. C’est déjà le cas !
M. Joël Labbé. Dans le rapport qu’a cité notre collègue, l’INRA et le CNRS alertent en effet sur les conséquences avérées de transfert de gènes des plantes rendues tolérantes à ces herbicides aux plantes interfertiles sauvages et invasives, comme la ravenelle ou les moutardes, rendant les adventices elles-mêmes résistantes.
De plus, par leur petite taille – quelques millimètres – et leur forte mobilité, les graines de colza sont disséminées de manière incontrôlable, tant lors de la récolte que lors du transport et du stockage. Dans la mesure où une proportion d’environ 5 % des graines est fréquemment perdue dans le champ lors de la moisson, soit beaucoup plus que ce qui est nécessaire lors du semis, la contamination deviendra vite ingérable.
Certes, toutes ces graines ne germeront pas à la saison suivante, mais elles pourront rester dans le sol de nombreuses années en attente des conditions favorables…
De grâce, pour la préservation et la reconquête de la biodiversité, il est temps d’arrêter les frais et de décider d’un moratoire en attendant qu’une évaluation prouve l’absence d’impact sur la biodiversité, et nous en sommes loin ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.
J’ai bien compris que Mme la ministre avait saisi l’ANSES pour faire le point sur l’utilisation de ces semences et sur les risques associés, afin de déterminer les décisions opérationnelles à prendre. Ce rapport devrait être disponible sous peu et nous aurons sans doute l’occasion de le consulter durant la navette. N’agissons pas sans expertise scientifique sur un sujet aussi complexe.
Ces amendements posent également un problème de conformité au droit européen, et ce n’est pas négligeable. N’oublions pas que nous nous intégrons dans un système juridique dans lequel nous ne sommes pas entièrement autonomes.
En considérant à la fois la dimension scientifique du problème et le contexte juridique qui est le nôtre, l’avis ne peut être que défavorable sur cet amendement.
Mme Évelyne Didier. Et sur le fond ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. L’utilisation de ces plantes pose un problème réel. Pour le dire vite, ce sont presque des OGM.
Mme Corinne Bouchoux. Exactement !
Mme Ségolène Royal, ministre. Leur utilisation se développe massivement, en particulier en ce qui concerne le colza. Les agriculteurs eux-mêmes s’interrogent, car nous avons mis en place un moratoire sur les OGM, mais il ne concerne pas ces semences. Le système actuel est donc incohérent, et nous devons aller dans le sens que souhaitent les auteurs de ces amendements.
J’ai en effet saisi l’ANSES, le 4 mars 2015. Je tiens à votre disposition la lettre de saisine, rédigée en liaison, bien entendu, avec le ministre de l’agriculture, car cette problématique nous concerne tous les deux.
En conséquence, je m’en remets à la sagesse du Sénat pour voter ce moratoire, qui permettrait également d’accélérer la remise du rapport demandé il y a presque un an, et de signifier que le législateur a la volonté de faire toute la clarté sur cette question.
À mon sens, votre vote aiderait la profession agricole à participer aux discussions afin que les règles soient cohérentes et ne pénalisent pas l’agriculture française par rapport aux autres. Une telle démarche pourrait être relayée au niveau européen.
Ainsi, nous fixerions des étapes tout en accélérant le processus et en conférant une base législative aux travaux que le ministre de l’agriculture et moi-même avons confiés à l’ANSES.
Je précise que ce moratoire concernerait essentiellement le colza.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Ces sujets sont extrêmement sérieux et sont aujourd’hui au cœur même de la protection de la biodiversité.
On voit bien la logique qui est ici à l’œuvre.
Il ne s’agit pas de remettre en cause la sélection des plantes, qui fait partie de l’histoire de l’agriculture depuis les origines. Aujourd’hui, il est par exemple nécessaire de disposer de plantes qui consomment moins d’eau.
Cependant, au lieu de sélectionner des espèces qui ont la capacité de résister aux agressions habituelles, comme les parasites ou la sécheresse, nous choisissons des plantes résistantes aux agressions chimiques que nous avons nous-mêmes inventées pour résoudre ces problèmes ! La logique intellectuelle est différente : nous sommes en train de créer des monstres !
Ces plantes vont nous échapper et vont poser des problèmes de gestion très importants. On le voit bien pour la jussie, qui n’est pourtant pas bricolée, mais qui nous met déjà en échec, alors imaginez quand nous aurons répandu dans la nature des plantes bricolées dont nous n’avons aucun moyen de nous débarrasser !
Oui, il s’agit véritablement d’une démarche d’apprenti sorcier.
La position de Mme la ministre me semble être la bonne. Je vous rappelle que, lorsque nous adoptons un amendement en première lecture, il n’est pas définitivement applicable puisqu’il y a la deuxième lecture. En tenant compte de ce calendrier, nous définirions un cadre afin que l’ANSES aille plus vite et que nous ayons la possibilité de mettre immédiatement en application ses préconisations.
J’ai d’ailleurs bien entendu que tous les orateurs étaient favorables à la mise en œuvre rapide des recommandations de l’ANSES… Cela devrait nous servir pour d’autres discussions !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je remercie Mme la ministre pour la position qu’elle a prise, qui nous permettra de ne pas évacuer le débat aujourd’hui. Nous pourrons ainsi, effectivement, y revenir.
Ce type de plantes suscite légitimement des inquiétudes pour la production agricole. Les adventices – c’est le joli nom qu’on leur donne – vont pourrir la vie des agriculteurs, qui ne parviendront plus à s’en débarrasser. En conséquence, certaines productions risquent de disparaître purement et simplement. Les États-Unis se sont saisis du sujet, c’est dire s’il y a péril en la demeure !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Ce sujet est véritablement important et il n’est pas satisfaisant de le traiter au détour d’amendements identiques. M. Dantec a très bien expliqué que nous étions en première lecture. Le sujet est sérieux, mais il serait préférable de retirer ces amendements et de poursuivre la réflexion. Si ces amendements n’étaient pas retirés, nous serions dans l’impossibilité de les voter et nous demanderions un scrutin public.
On ne peut pas régler la question par de simples amendements identiques !
Mme Évelyne Didier. La règle de l’entonnoir nous empêchera alors d’en reparler !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, nous sommes attendus par notre population ! Nous parlons aujourd’hui de la préservation des intérêts des jeunes générations, dont certains représentants nous écoutent aujourd’hui dans les tribunes !
Il est temps de faire rimer à nouveau éthique et politique. Or ce que nous venons d’entendre est absolument étranger à l’éthique, au regard de l’intérêt des générations futures. Monsieur Cornu, je comprends votre choix, il est tactique : vous demandez un scrutin public pour vous assurer que ces amendements identiques ne soient surtout pas adoptés. C’est dommage et je le regrette !
Mais nous en reparlons très vite, parce que notre population n’acceptera plus que nous continuions ainsi !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Évelyne Didier nous a alertés sur la prolifération des adventices, que les gens appellent vulgairement des mauvaises herbes, et sur le fait que l’on ne parvient pas à s’en débarrasser.
Quant à moi, je souligne que ceux qui vendent ces semences issues de mutagenèses sont les mêmes qui vendent les produits pesticides nécessaires pour se débarrasser des mauvaises herbes. Cherchez l’erreur !… (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 et 470 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 123 :
Nombre de votants | 306 |
Nombre de suffrages exprimés | 199 |
Pour l’adoption | 33 |
Contre | 166 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mme Laurence Cohen. Dommage !
Article 51 octies
(Non modifié)
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du V de l’article L. 212-1, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Les échéances d’atteinte du bon état chimique mentionné aux 1° et 2° du IV, prescrites par les directives européennes, sont fixées par voie réglementaire. » ;
2° Le dernier alinéa de l’article L. 212-2-2 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « eaux », sont insérés les mots : « , du biote » ;
b) Les mots : « par le ministre chargé » sont remplacés par les mots : « au titre de la protection ».