M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Si je lis les trois amendements en faisant abstraction de la qualité de leurs auteurs, je ne peux deviner que leurs dispositions concernent des pratiques de chasse. De quels usages s’agit-il ? De nombreux randonneurs cueillent des bouquets d’aconits et de digitales en montagne alors que c’est interdit. Trop de gens jettent encore leur vieux matelas dans les ravines…
Tout à l’heure vous vous êtes opposés à des amendements au motif que leur adoption risquerait de bloquer l’évolution du droit de l’environnement. Or, avec l’inscription dans la loi de la « préservation des usages » que vous proposez, rien ne pourra plus bouger ! Il n’est même pas précisé qu’il s’agit des usages licites… Il y a cinquante ans, avec une telle rédaction, vous auriez préservé le droit de clouer des chouettes sur les portes !
Je sais que l’intention des auteurs de ces amendements était en fait de préserver les pratiques de chasse, mais la formulation proposée est dangereuse !
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Madame Blandin, je vous ferai d’abord observer que, en défendant un premier amendement relatif aux usages, j’ai cité la randonnée, la cueillette de champignons, l’herboristerie…
Il est vrai que ces amendements ont été rédigés par des chasseurs, mais si vous n’aviez pas eu de cesse, depuis des années, d’attaquer les chasseurs d’une manière inconsidérée au travers d’amendements relevant de la désinformation, ils ne seraient pas sur la défensive comme ils le sont actuellement !
M. Ronan Dantec. Nous avons besoin des chasseurs ! Nous les adorons !
M. Jean-Noël Cardoux. J’ai pris tout à l’heure l’exemple de la réhabilitation d’un marais pour la chasse de la bécassine. Beaucoup de chasseurs ouvrent leurs marais aux randonneurs en dehors des périodes de chasse afin qu’ils puissent observer les oiseaux. Certains construisent même des miradors d’observation de la faune.
C’est donc un mauvais procès que vous leur faites.
M. Ronan Dantec. C’est vous qui faites leur procès ! Ce n’est pas nous !
Mme Marie-Christine Blandin. Au contraire !
M. Jean-Noël Cardoux. Je le redis : si l’on conteste à l’activité humaine, et en particulier au chasseur aménageur, son rôle dans la préservation de la biodiversité, le texte sera incomplet.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié ter, 82 rectifié ter et 532 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Article 2 bis (nouveau)
Après le titre IV bis du livre III du code civil, il est inséré un titre IV ter ainsi rédigé :
« TITRE IV TER
« DE LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES ATTEINTES À L’ENVIRONNEMENT
« Art. 1386-19. – Toute personne qui cause un dommage à l’environnement est tenue de le réparer.
« Art. 1386-20. – La réparation du dommage à l’environnement s’effectue prioritairement en nature.
« Lorsque la réparation en nature du dommage n’est pas possible, la réparation se traduit par une compensation financière versée à l’État ou à un organisme désigné par lui et affectée, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État, à la protection de l’environnement.
« Art. 1386-21. – Les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage, en éviter l’aggravation ou en réduire les conséquences peuvent donner lieu au versement de dommages et intérêts, dès lors qu’elles ont été utilement engagées. »
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement soutient tout à fait l’introduction par la commission du développement durable de l’article 2 bis, qui insère dans le code civil trois articles relatifs à la responsabilité environnementale.
Le premier dispose que toute personne qui cause un dommage à l’environnement est tenue de le réparer. Le deuxième prévoit que la réparation des dommages se fait prioritairement en nature et, à défaut, que l’État ou un organisme désigné par lui peut percevoir le dédommagement. Enfin, le troisième prévoit la possibilité de dommages et intérêts.
Le Gouvernement se rallie à cet ajout, tout à fait opportun.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.
M. Bruno Retailleau. Cet article constitue la reprise d’une proposition de loi dont j’étais l’auteur et qui avait été votée au printemps 2012 à l’unanimité par le Sénat.
Je voudrais préciser l’origine de ce dispositif, indiquer pourquoi il me semble important de l’inscrire dans le code civil et enfin expliquer pourquoi le Gouvernement ne pourra pas se tenir quitte avec cette rédaction, qui mérite d’être complétée.
En premier lieu, ce dispositif a été inspiré par la catastrophe de l’Erika, survenue en décembre 1999. J’ai ensuite mené un combat juridique de treize ans, qui a abouti en septembre 2012 à un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation reconnaissant le préjudice écologique. Je remercie M. le rapporteur d’avoir repris le texte de la proposition de loi que j’avais déposée.
En deuxième lieu, s’il me semble important d’introduire le préjudice écologique dans le code civil, c’est d’abord parce qu’il existe désormais : c’est une construction prétorienne, jurisprudentielle, avec les avantages et les inconvénients que cela suppose. Des dizaines de décisions de justice, parfois contradictoires ou conduisant à des doublons en termes d’indemnisation, ont été prises sur le territoire français depuis l’arrêt de septembre 2012. Comme disait Victor Hugo, il est temps de faire entrer le droit dans la loi.
Par ailleurs, j’observe que le droit de la responsabilité a du mal à appréhender la notion de préjudice écologique. En effet, pour qu’un dommage soit réparable, il doit normalement être personnel. La nature n’étant pas une personne, il n’y a donc pas de victime et, partant, pas de préjudice ou de dommage.
Enfin, le droit de la réparation est parfaitement inapte à appréhender la réparation, notamment en termes de nature, du préjudice écologique.
Je suis très heureux que Mme la ministre soit favorable à cet article. En 2012, la garde des sceaux avait demandé à un groupe de travail présidé par le professeur Jégouzo de définir des modalités d’application, le principe en lui-même soulevant un certain nombre de questions.
Ainsi, à partir de quel seuil de gravité le fait générateur est-il constitué ? Le groupe de travail avait proposé de retenir la notion d’« anormalité » du préjudice, pour signifier la nécessité d’une forme de gravité pour le déclenchement du processus. Cela me semble important.
En outre, qui a intérêt à agir ? L’État, par le biais du ministère public, les collectivités, des associations reconnues d’utilité publique ? Cette question devra être tranchée.
Quel est le régime de réparation ? Alain Anziani, rapporteur de la proposition de loi, et moi avions estimé qu’une réparation en nature était nettement préférable.
Enfin, quid des délais de prescription ? Même si cette question n’était pas abordée dans la proposition de loi, le groupe de travail avait proposé de retenir un délai de prescription de deux ans à partir de la manifestation du préjudice.
On le voit, le sujet est complexe. Le terrain a été pour partie défriché par le groupe de travail ; il appartient désormais au Gouvernement, madame la ministre, de rendre le dispositif opérationnel.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 173 est présenté par M. Pellevat.
L'amendement n° 482 rectifié est présenté par MM. Kern, Luche, Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne et L. Hervé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Cyril Pellevat, pour présenter l’amendement n° 173.
M. Cyril Pellevat. Au vu des éléments présentés par mon collègue Bruno Retailleau, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 173 est retiré.
L’amendement n° 482 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 305, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le titre IV bis du livre III du code civil, il est inséré un titre IV ter ainsi rédigé :
« TITRE IV TER
« DE LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES ATTEINTES À L’ENVIRONNEMENT
« Art. 1386-19. – Toute personne qui cause un dommage à l’environnement est tenue de le réparer.
« Art. 1386-20. – Le dommage à l’environnement s’entend de l’atteinte anormale aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement.
« Art. 1386-21. – Sans préjudice des procédures instituées par les articles L. 160-1 et suivants du code de l’environnement, l’action en réparation du dommage à l’environnement visé à l’article 1386-19 est ouverte à l’État, au ministère public, aux collectivités territoriales ainsi qu’à leurs groupements dont le territoire est concerné, aux établissements publics, aux fondations et associations, ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement.
« Art. 1386-22. – La réparation du dommage à l’environnement s’effectue prioritairement en nature, par des mesures de réparation primaire, complémentaire et le cas échéant, compensatoire.
« Lorsque la réparation en nature du dommage n’est pas possible, la réparation se traduit par une compensation financière versée à l’État ou à un organisme désigné par lui et affectée, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État, à la protection de l’environnement.
« Art. 1386-23. – Les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage, en éviter l’aggravation ou en réduire les conséquences peuvent donner lieu au versement de dommages et intérêts, dès lors qu’elles ont été utilement engagées.
« Art. 1386-24. – Lorsque l’auteur du dommage a commis intentionnellement une faute grave, notamment lorsque celle-ci a engendré un gain ou une économie pour son auteur, le juge peut le condamner, par une décision spécialement motivée, au paiement d’une amende civile. Cette amende est proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l'auteur ou aux profits qu'il en aura retirés. L’amende ne peut excéder le décuple du montant du profit ou de l’économie réalisés. Si le responsable est une personne morale, l’amende peut être portée à 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice au cours duquel le dommage a été commis. Cette amende est affectée au financement d’opérations de protection et de restauration de l’environnement dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. La commission a introduit dans le texte un article 2 bis visant à intégrer la notion de préjudice écologique dans le code civil, en reprenant la teneur de la proposition de loi de M. Retailleau.
Ce texte mérite d’être complété et précisé avec les éléments du rapport Jégouzo. Il est en effet indispensable de donner une définition du dommage environnemental, de préciser qui peut agir et d’ouvrir largement l’action, en respectant ainsi les engagements internationaux de la France.
La question de la biodiversité ne se limite pas aux dates d’ouverture de la chasse au gibier d’eau ! Cette vision, centrée sur une seule activité liée à la nature, était en voie d’affaiblir la qualité de nos débats. On en revient, avec l’article 2 bis, à la vocation profonde du texte, à savoir trouver les moyens de répondre aux grands enjeux de la biodiversité.
M. Retailleau et moi-même avons été marqués par la catastrophe provoquée par le naufrage de l’Erika. On ne peut laisser impunis de tels délits. Le dispositif de cet article permettra une avancée importante à cet égard.
Pour l’heure, il importe – c’est un point d’accord entre nous – d’inscrire dans la loi la notion de préjudice écologique. On peut débattre de l’opportunité d’intégrer d’ores et déjà les éléments du rapport Jégouzo. Pour une fois que nous pouvons parvenir à un consensus sur les enjeux de la protection de la nature, ne boudons pas notre plaisir !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je rejoins MM. Retailleau et Dantec : il convient de compléter le dispositif.
Cet article, introduit par la commission, reprend tel quel le contenu de la proposition de loi de M. Retailleau, qui représentait une avancée juridique importante. La commission s’est interdit de compléter ses dispositions, estimant qu’il convenait d’établir les modalités d’un travail commun entre le ministère de l’environnement, la Chancellerie, la commission des lois du Sénat et elle-même.
Les apports proposés par notre collègue Ronan Dantec me paraissent pertinents, de même que les préconisations du rapport Jégouzo. Dans le cadre de la préparation de l’examen de ce projet de loi, j’ai auditionné, notamment, les professeurs Laurent Neyret et François-Guy Trébulle, ainsi que Mme Makowiak, directrice du Centre de recherches interdisciplinaires en droit de l’environnement, de l’aménagement et de l’urbanisme. Reste à définir les voies et moyens pour avancer.
Ce n’est pas faire acte de faiblesse ou de lâcheté que de me tourner vers le Gouvernement à cet instant : même si le Parlement doit apporter sa pleine contribution, le sujet est éminemment régalien, comme l’a souligné Bruno Retailleau. Peut-être pourriez-vous réunir, madame la ministre, des juristes et des parlementaires pour l’examiner plus à fond ? Notre pays doit se doter d’instruments juridiques permettant de répondre aux questions soulevées par la proposition de loi de M. Retailleau.
Pour l’heure, je propose de nous en tenir à la rédaction adoptée par la commission, afin qu’elle serve de base de travail. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Mon département, voisin de la Vendée, a lui aussi été victime du drame de l’Erika, même si ce fut dans des proportions moindres.
Je propose que cet article serve de base de travail. Depuis les travaux en commission, nous avons continué à travailler sur ce sujet. Nous pouvons constituer un groupe de travail technique rassemblant des juristes et des parlementaires, en vue de préciser au maximum les choses et de préparer la deuxième lecture au Sénat. Il faut avancer sur les questions du délai de prescription, de l’articulation avec la police de l’environnement, de la définition des personnes ayant intérêt à agir, de la fixation des niveaux d’indemnisation…
Tel est l’engagement que je peux prendre ce soir devant la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J’accepte la proposition de Mme la ministre de mettre en place un tel groupe de travail. Je suis disponible pour travailler sur cette question extrêmement importante d’ici à la deuxième lecture.
Dans cette perspective, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 305 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 58 rectifié est présenté par M. Pointereau, Mme Morhet-Richaud, MM. Chaize, Commeinhes et Mouiller, Mme Cayeux, MM. Pinton, de Nicolaÿ, Milon, Mayet, Cardoux, Vaspart et Cornu, Mme Primas, MM. Poniatowski et D. Laurent, Mme Lamure, M. Danesi, Mme Troendlé, MM. Bizet, César, Laménie et Pierre, Mme Canayer, MM. Lenoir, P. Leroy, B. Fournier et Bas, Mme Gruny et MM. Raison, Savary, Kennel, Bockel et Husson.
L'amendement n° 483 rectifié est présenté par MM. Kern, Luche, Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne et L. Hervé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 4 et 5
Après le mot :
dommage
insérer les mots :
grave et notable
La parole est à M. Rémy Pointereau, pour présenter l’amendement n° 58 rectifié.
M. Rémy Pointereau. L’article 2 bis a pour objet d’inscrire dans le code civil un principe de responsabilité en matière d’atteintes à l'environnement, sans définir le périmètre de cette dernière notion, ni prévoir une gradation de la compensation en fonction de la gravité du dommage. Tel est l’objet du présent amendement.
Par ailleurs, les espèces protégées relevant déjà d’un régime de protection et de compensation, l’article prévoit de dépasser largement le cadre des espèces protégées. Sans remettre en cause l’intérêt d’instaurer dans la loi un principe de réparation des dommages causés à l'environnement, il convient de préciser à quel type de dommages ce principe doit s’appliquer : en l’occurrence, les dommages exceptionnels, tels ceux qui ont été causés par le naufrage de l'Erika. L’absence de précision sur la nature des dommages à l’environnement visés entraînerait un risque de jurisprudence important.
M. le président. L’amendement n° 483 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 404 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Lenoir, Bizet, Milon, J.P. Fournier et G. Bailly, Mme Deromedi, M. Chatillon, Mmes Lamure et Lopez, MM. Pellevat, Savary, Morisset, Calvet, Mandelli et Pierre, Mmes Primas et Morhet-Richaud et M. Mouiller, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
dommage
insérer les mots :
grave et durable
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Nous proposons de restreindre le champ d’application de l’article 2 bis en visant les dommages graves et durables et d’envisager une gradation de la compensation en fonction de l’importance du dommage causé à l’environnement. Au regard de la jurisprudence, la notion de durabilité est souvent mieux interprétée que d’autres.
M. le président. L'amendement n° 174, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue un dommage à l’environnement toute détérioration grave et mesurable de l’environnement.
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Au vu des éléments fournis par M. Retailleau et Mme la ministre, je retire cet amendement, ainsi que les quatre suivants. Je suis disponible pour participer au groupe de travail annoncé.
M. le président. L'amendement n° 174 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 58 rectifié et 404 rectifié ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Certes, on pourrait accepter ces amendements, mais il me semble préférable de travailler d’ici à la deuxième lecture sur la base du texte de M. Retailleau, comme l’a proposé Mme la ministre, et donc de ne pas amender l’article. C’est d’ailleurs dans cet esprit que M. Dantec a retiré son amendement. Je vous propose donc, mes chers collègues, de faire de même, sachant que vos contributions seront versées au dossier et étudiées par le groupe de travail réunissant des juristes et des parlementaires dont Mme la ministre a annoncé la création. Pour l’heure, il serait prématuré d’adopter vos propositions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je sollicite à mon tour le retrait de ces deux amendements, même si, sur le fond, ils sont tout à fait justifiés. Il est évident que le dommage devra être grave et notable pour ouvrir droit à réparation. Le rapport Jégouzo avait préconisé de retenir la notion d’« atteinte anormale à l’environnement ». Je vous propose de mettre rapidement en place le groupe de travail, afin qu’il puisse approfondir la réflexion sur cette question d’ici à la deuxième lecture au Sénat, en vue d’assurer la stabilité de la jurisprudence et le caractère opérationnel du dispositif.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Il convient de rassurer un certain nombre d’acteurs économiques en expliquant que notre objectif est de mieux établir la sécurité du dispositif.
Le préjudice écologique existe, dès lors qu’il a été consacré par la Cour de cassation. Le problème tient à un foisonnement des interprétations et à des contradictions de jurisprudence, auxquels la loi doit mettre un terme.
Par ailleurs, je rappelle que, à l’origine, la proposition de loi visant à inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil tendait à instaurer un régime de responsabilité pour faute. Puis notre collègue Alain Anziani avait expliqué que l’on allait finalement évoluer vers une responsabilité sans faute. Dans ces conditions, comme vous l’avez indiqué à demi-mot, madame la ministre, la question se pose de la compatibilité avec les régimes d’autorisation administrative des installations. Le groupe de travail présidé par le professeur Jégouzo avait levé cette difficulté en ayant recours à la théorie du trouble anormal de voisinage.
Il ne s’agit pas pour moi, par esprit de contradiction, de prendre le contre-pied de M. le rapporteur ou de Mme la ministre, mais il me semble que nous pourrions dès à présent inscrire dans la rédaction de l’article la notion de gravité : nous savons très bien que, de toute façon, seul un fait générateur présentant un certain niveau de gravité pourra déclencher la mise en jeu d’une responsabilité. Cela permettrait peut-être de rassurer les acteurs économiques.
Je tiens à dire que je suis pour la liberté, bornée par la responsabilité, qui en même temps lui donne toute sa force. On ne peut pas vouloir, en économie, la liberté sans la responsabilité ! Le principe pollueur-payeur s’inscrit dans cette philosophie. Il reste à encadrer le dispositif pour le sécuriser. Je pense que nous pourrons largement le faire, d’ici à la deuxième lecture, en nous fondant sur les travaux juridiques déjà réalisés.
Dans cette attente, je propose d’inscrire sans attendre la notion de gravité dans le projet de loi, afin de donner un signal.
M. le président. Monsieur Pointereau, l’amendement n° 58 rectifié est-il maintenu ?
M. Rémy Pointereau. Des inquiétudes s’expriment parmi les acteurs économiques, comme M. Retailleau vient de le signaler, en particulier dans le monde agricole.
Les agriculteurs craignent d’être mis en cause pour les micro-dommages qui se produisent parfois, par exemple lorsqu’un bidon de produits phytosanitaires se renverse.
J’ai proposé d’ajouter, après le mot « dommage », les termes « grave et notable ». Notre collègue Daniel Gremillet propose la formulation « dommage grave et durable ». J’ignore quelle rédaction est la meilleure sur le plan juridique.
M. Bruno Retailleau. Parlons simplement de gravité !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. En effet, ce sera mieux !
M. Rémy Pointereau. En tout cas, je veux bien retirer mon amendement au profit de celui de Daniel Gremillet.
M. le président. L’amendement n° 58 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 404 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. L’amendement n° 175, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 1386-19-… – Une personne victime d'un préjudice résultant d'un dommage à l’environnement ne peut en demander réparation sur le fondement du présent titre.
L’amendement n° 176, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. 1386-19-… – Sont seuls habilités à agir en réparation du dommage à l’environnement :
« – Les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les établissements et organismes publics exerçant une compétence spéciale en matière environnementale. Un décret en Conseil d’État précise la liste de ces établissements ou organismes ;
« – Les associations agréées mentionnées à l’article L. 141-1 du code de l’environnement dès lors que le dommage en cause a un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires.
L’amendement n° 177, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
supprimer le mot :
prioritairement
II. – Alinéa 6
Après les mots :
se traduit par
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
des mesures de restauration globales compensatoires de l’élément environnemental endommagé.
L’amendement n° 178, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le juge détermine les mesures de réparation sur la base de celles proposées par le demandeur et débattues entre les parties.
Ces quatre amendements ont été précédemment retirés.
L’amendement n° 306, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 1386-21. – Les dépenses exposées par le demandeur pour prévenir la réalisation imminente d'un dommage à l’environnement, en éviter l’aggravation ou en réduire les conséquences constituent un préjudice réparable, dès lors qu'elles ont été utilement engagées.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. De même que j’ai retiré l’amendement n° 305, je retire cet amendement et le suivant ; je les verse tous trois au débat qui s’ouvrira au sein du groupe de travail.
M. le président. L’amendement n° 306 est retiré.
L’amendement n° 307, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’article L. 160-1 du code de l’environnement, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre … : De la responsabilité du fait des atteintes à l'environnement
« Art. L. 160-… – Toute personne qui cause un dommage à l'environnement est tenue de le réparer.
« Art. L. 160 bis-… – La réparation du dommage à l'environnement s'effectue prioritairement en nature.
« Lorsque la réparation en nature du dommage n'est pas possible, la réparation se traduit par une compensation financière versée à l'État ou à un organisme désigné par lui et affectée, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État, à la protection de l'environnement.
« Art. L. 160 ter-… – Les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d'un dommage, en éviter l'aggravation ou en réduire les conséquences peuvent donner lieu au versement de dommages et intérêts, dès lors qu'elles ont été utilement engagées. »
Cet amendement a été précédemment retiré.
Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article 3
Le premier alinéa de l’article L. 110-2 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Les mots : « sain et » sont remplacés par les mots : « sain. Ils » ;
2° Sont ajoutés les mots : « ainsi que la préservation et l’utilisation durable des continuités écologiques ».