Sommaire
Présidence de Mme Françoise Cartron
Secrétaires :
MM. Serge Larcher, Jean-Pierre Leleux.
2. Candidature à un organisme extraparlementaire
3. Désignation d’un sénateur en mission temporaire
4. Demande d’avis sur un projet de nomination
6. Communication relative à une commission mixte paritaire
7. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
9. Candidature à une délégation sénatoriale
10. Communication du Conseil constitutionnel
11. Décisions du Conseil constitutionnel relatives à trois questions prioritaires de constitutionnalité
12. Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – Discussion d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Discussion générale commune :
Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire
13. Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
14. Nomination d'un membre d'une délégation sénatoriale
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
15. Questions d'actualité au Gouvernement
annonces du président de la république pour l’emploi
M. Jean-Claude Boulard ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; M. Jean-Claude Boulard.
plan pour l’emploi et régionalisation de la formation professionnelle
M. Jean-François Longeot ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Jean-Claude Lenoir ; M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement ; M. Jean-Claude Lenoir.
M. Guillaume Arnell ; Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mme Corinne Bouchoux ; M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur ; Mme Corinne Bouchoux.
M. Jean-Pierre Bosino ; Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; M. Jean-Pierre Bosino.
M. Jean-Louis Carrère ; M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
lenteur du processus parlementaire
M. François Pillet ; M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement ; M. François Pillet.
M. Claude Nougein ; M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget ; M. Claude Nougein
rentrée scolaire en guadeloupe et martinique
M. Jacques Cornano ; Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
16. Dépôt d’un avis
17. Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – Suite de la discussion d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Discussion générale commune (suite)
Clôture de la discussion générale commune.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
19. Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages – Suite de la discussion d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l'article 1er
Amendement n° 266 rectifié de Mme Nicole Bonnefoy. – Retrait.
Amendement n° 18 de Mme Évelyne Didier. – Rejet.
Amendement n° 320 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 531 rectifié de M. Alain Bertrand. – Retrait.
Amendement n° 533 rectifié de M. Alain Bertrand. – Rejet.
Amendement n° 172 rectifié de M. Cyril Pellevat. – Rejet.
Amendement n° 304 de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Amendement n° 216 de M. Maurice Antiste. – Retrait.
Amendement n° 417 de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Amendement n° 379 rectifié de Mme Gisèle Jourda. – Retrait.
M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 2
Amendement n° 305 de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Amendement n° 404 rectifié de M. Daniel Gremillet. – Adoption.
Amendement n° 174 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 175 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 176 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 177 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 178 de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 306 de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Amendement n° 307 de M. Ronan Dantec. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 308 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
Articles additionnels après l’article 3
Amendement n° 47 rectifié quater de M. Gérard Bailly. – Retrait.
Amendement n° 150 de Mme Annick Billon. – Retrait.
Amendement n° 596 rectifié bis du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
20. Ordre du jour
COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Secrétaires :
M. Serge Larcher,
M. Jean-Pierre Leleux.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 14 janvier 2016 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Candidature à un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir lui faire connaître le nom d’un sénateur désigné pour siéger au sein du Conseil national du développement et de la solidarité internationale.
La commission des affaires étrangères a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Henri de Raincourt comme membre titulaire pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été publiée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
3
Désignation d’un sénateur en mission temporaire
Mme la présidente. Par courrier en date du 18 janvier 2016, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Jérôme Durain, sénateur de Saône-et-Loire, en mission temporaire auprès de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique.
Cette mission portera sur la proposition d’un cadre législatif et réglementaire favorisant le développement en France des compétitions de jeux vidéo.
Acte est donné de cette communication.
4
Demande d’avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. Conformément au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, M. le Président du Sénat a saisi la commission des affaires sociales pour qu’elle procède à l’audition et émette un avis sur la nomination de Mme Agnès Buzyn, dont la nomination aux fonctions de présidente de la Haute autorité de santé est envisagée.
Acte est donné de cette communication.
5
Commission mixte paritaire
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
6
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
7
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’un projet de loi
Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées, déposé sur le bureau du Sénat le 2 décembre 2015.
8
Dépôt de documents
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- l’avenant n° 1 à la convention du 2 septembre 2010 entre l’État, l’Agence nationale de la recherche et la Caisse des dépôts et consignations relative au programme d’investissements d’avenir, action « France Brevets » ;
- l’avenant n° 3 à la convention du 29 juillet 2010 entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « Valorisation, fonds national de valorisation » ;
- la convention entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « Instituts convergences ».
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Ils ont été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires économiques et à celle de la culture, de l’éducation et de la communication.
9
Candidature à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le groupe Les Républicains a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Vivette Lopez, démissionnaire.
Cette candidature a été publiée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
10
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 18 janvier 2016, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant respectivement :
- sur l’article 8 de la loi du 3 avril 1955 (Fermetures de salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion et interdictions de réunions dans le cadre de l’état d’urgence) (2016-535 QPC) ;
- sur le I de l’article 11 de la loi du 3 avril 1955 dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2015 (Perquisitions administratives dans le cadre de l’état d’urgence) (2016-536 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
11
Décisions du Conseil constitutionnel relatives à trois questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. Le Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date des 14 et 15 janvier, trois décisions du Conseil relatives à des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur :
- le cumul des poursuites pénales pour délit d’initié avec des poursuites devant la commission des sanctions de l’AMF pour manquement d’initié (nos 2015-513, 2015-514, 2015-526 QPC) ;
- l’exclusion de certains compléments de prix du bénéfice de l’abattement pour durée de détention en matière de plus-value mobilière (n° 2015-515 QPC) ;
- l’incompatibilité de l’exercice de l’activité de conducteur de taxi avec celle de conducteur de VTC (n° 2015-516 QPC).
Acte est donné de ces communications.
12
Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Discussion d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (projet n° 359 [2014-2015], texte de la commission n° 608 [2014-2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014-2015], avis nos 549 et 581 [2014-2015]) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (projet n° 364 rectifié [2014-2015], texte de la commission n° 609 [2014-2015], rapport n° 607, tomes I et II [2014-2015]).
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. –M. Raymond Vall applaudit également.)
Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame la présidente, monsieur le président Hervé Maurey, monsieur le rapporteur au fond de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Jérôme Bignon, madame la rapporteur de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, madame la rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, Françoise Férat, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de vous présenter aujourd’hui ce projet de loi relatif à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a pour ambition de donner un nouvel élan à la protection et à la valorisation de nos richesses naturelles en conférant force de loi au choix de ce nouveau modèle de développement, de société et, à vrai dire, de civilisation.
Nous voulons agir, non plus contre la nature, mais avec elle, et la traiter en partenaire, dans une chaîne du vivant à laquelle nous appartenons ; nous voulons aussi créer les emplois de la croissance verte et de la croissance bleue – en lien avec l’eau douce ou marine – qui constituent, dans le monde d’aujourd’hui, notre nouvelle frontière, cette nouvelle alliance entre l’humanité et la nature.
Permettez-moi de remercier la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable pour ses travaux, de même que la commission des affaires économiques et celle de la culture, de l’éducation et de la communication.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, devant laquelle j’ai présenté ce texte en juin dernier, l’a minutieusement examiné au cours du mois de juillet, et je tiens à féliciter les trois rapporteurs pour l’excellence de leurs travaux.
En 2007, déjà, deux de vos collègues sénateurs, Pierre Laffitte et Claude Saunier, avaient déposé, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport passionnant sur la biodiversité, dont le titre, L’autre choc ? L’autre chance ? disait à la fois l’ampleur de l’altération des écosystèmes, l’urgence d’agir ainsi que le potentiel scientifique, technologique et économique remarquable de la diversité du vivant.
Le texte qui vous est soumis, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale en mars dernier, puis retravaillé par les commissions permanentes du Sénat, est aussi le fruit d’une implication active des associations, des ONG et de toutes les parties prenantes du Conseil national de la transition écologique, que je remercie, elles aussi, pour leurs contributions et leur vigilance. Il a également fait l’objet, sur l’initiative notamment de Joël Labbé, d’une consultation participative remarquable, qui a suscité 50 000 votes et a ouvert la voie à des amendements dont nous aurons l’occasion de débattre dans cette enceinte. Je félicite le Sénat pour cette démonstration remarquable. Nous continuons d’ailleurs à étudier le contenu de ces différentes contributions pour leur donner une suite, législative ou d’une autre nature.
Ce projet s’inscrit, comme vous le soulignez à raison, monsieur Bignon, dans le même esprit que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte : la France se dote, avec ces deux textes complémentaires, du cadre législatif le plus avancé en Europe, le plus complet et le plus volontariste.
Ensemble, ces deux textes donnent corps dans notre pays à cette avancée majeure et, pour la première fois, explicite dans l’histoire des négociations internationales sur le climat : la reconnaissance du lien étroit entre le changement climatique et la biodiversité, entre la prise en compte des impacts du dérèglement climatique sur l’intégrité de tous les écosystèmes, terrestres et aquatiques, et la valorisation de la biodiversité comme solution d’atténuation et d’adaptation à la dérive du climat.
L’agenda des solutions qui a accompagné l’accord de Paris et anticipé la mise en application de cet accord en témoigne également, qu’il s’agisse des nombreux événements programmés sur ce sujet ou des alliances et des coalitions internationales d’acteurs qui se sont engagés à agir sans délai.
Je pense, par exemple, au pacte de Paris sur l’eau et l’adaptation au changement climatique dans les bassins versants des fleuves, des lacs et des aquifères, signé par plus de 305 organisations et 87 États, ou la promotion des solutions fondées sur la nature. J’ai ainsi eu l’occasion de m’engager, au nom de la France, à protéger 55 000 hectares de mangroves d’ici à 2020, lesquelles jouent dans les outre-mer un rôle pour l’atténuation des tempêtes climatiques, et à protéger 75 % de nos récifs coralliens, ces écosystèmes fragilisés par le dérèglement climatique et les pollutions, qui remplissent pourtant des fonctions décisives de nurserie pour la faune aquatique, d’épuration des eaux, de captation du carbone et d’adaptation aux impacts climatiques.
Oui, la COP 21 a accéléré la prise de conscience des enjeux de la biodiversité et a donné un éclairage particulier à vos travaux, grâce à la prise en compte des relations avec la question climatique. Elle a témoigné aussi d’une volonté d’agir inédite.
Tel est donc le nouveau contexte, marqué par l’urgence, car les activités humaines détruisent la biodiversité à un rythme et à une échelle qui ne lui permettent pas de se régénérer.
Certains experts parlent d’une sixième extinction de masse. Un rapport de l’Agence européenne estime que 60 % des espèces sont en situation défavorable en Europe où, en trente ans, 420 millions d’oiseaux ont disparu.
Je n’accumulerai pas ici les chiffres : M. le rapporteur cite les plus frappants, qui donnent la mesure de l’érosion accélérée, due aux activités humaines, d’une biodiversité pourtant vitale et de la cadence de cette disparition, qui excède de beaucoup les capacités de régénération de la nature.
« Nous coupons la branche sur laquelle nous sommes assis, c’est nous qui sommes désormais dans le collimateur de cette destruction », nous prévient Hubert Reeves. La reconquête de la biodiversité est aujourd’hui impérative ; « elle est aussi possible, ajoute-t-il, mais elle nécessite la mobilisation de tous les acteurs, publics et privés, à toutes les échelles ». C’est l’ambition de ce projet de loi et des plans d’action qui l’accompagnent, auxquels vos travaux ont permis d’apporter des améliorations, mesdames, messieurs les sénateurs.
Faire de l’urgence une chance en rétablissant avec la nature des relations non seulement harmonieuses, mais aussi fructueuses, bonnes pour la santé, bonnes pour l’innovation, bonnes pour l’emploi ; protéger et valoriser notre capital naturel pour faire de la France le pays de l’excellence environnementale : tel est l’objectif.
Notre pays est l’un des plus riches au monde en merveilles de la nature, tout particulièrement dans les outre-mer français, qui concentrent plus de 80 % de la biodiversité nationale. Nous sommes, Hexagone et outre-mer, au premier rang des pays européens pour la variété des amphibiens, oiseaux et mammifères et parmi les dix pays du monde qui abritent le plus grand nombre d’espèces ; notre domaine maritime est le deuxième de la planète ; nous sommes le quatrième pays au monde pour ses récifs coralliens. Mais nous sommes aussi, selon la liste de l’Union internationale pour la conservation de la nature, au sixième rang des pays abritant le plus grand nombre d’espèces menacées. Nous avons donc une responsabilité majeure.
La loi qui vous est soumise est une loi de mobilisation, qui inscrit dans notre droit positif de grands principes opérationnels, qui clarifie et simplifie pour plus d’efficacité, qui crée, avec l’Agence française de la biodiversité, un outil d’expertise et de pilotage unique au monde – je puis vous dire qu’il est regardé avec grand intérêt par nombre de pays, notamment nos voisins européens.
Cette loi s’accompagne d’actions concrètes – vous connaissez ma préoccupation à ce sujet – qui en préfigurent les dispositions et vont en approfondir la dynamique. Bien sûr, la France s’est dotée, au fil des ans, de moyens de protection, comme le Conservatoire du littoral, les parcs nationaux et régionaux, les parcs marins ou les grands sites. Pour résister à la très forte pression qui pèse sur le patrimoine naturel et pour en tirer parti sans l’épuiser, des initiatives avaient déjà été prises dans le Grenelle de l’environnement. Tous ces travaux permettent d’aboutir au texte sur lequel nous travaillons aujourd’hui.
Si ce projet de loi est adopté, trois valeurs majeures de la biodiversité seront inscrites dans le code de l’environnement.
Premier de ces grands principes : la solidarité écologique, qui est la reconnaissance scientifique des interactions multiples entre les écosystèmes. En effet, la biodiversité, c’est beaucoup plus qu’une collection d’espèces ou une juxtaposition d’espaces ; c’est le tissu vivant de la planète, au sein duquel tout se tient et se soutient et dont nous, les êtres humains, faisons partie. Il ne s’agit pas de mettre la nature sous cloche, bien évidemment, mais au contraire de préserver les capacités d’évolution et d’adaptation du vivant. Elles constituent notre assurance sur la vie elle-même !
Deuxième principe opérationnel : le triptyque « éviter, réduire, compenser ». Il met l’accent sur l’action préventive et sur la notion de valeur écologique. Il s’agit d’anticiper, plutôt que de réparer après coup – réparer coûte nettement plus cher et est parfois même impossible ! –, et d’intégrer les enjeux de la biodiversité et les impacts sur l’environnement en amont des projets d’aménagement.
L’ordre des priorités est clairement indiqué : « éviter, réduire, compenser », sachant que l’obligation de compenser n’est pas un permis de détruire, mais au contraire une obligation de responsabilité.
Dans ce cadre, il est important de mettre en mouvement les territoires autour des continuités écologiques et des trames vertes et bleues. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de le dire ce matin même, puisque les représentants des 400 territoires à énergie positive étaient réunis. Nous entamons ainsi le volet « biodiversité » de la transition énergétique, avec l’arrivée du nouveau fonds de 250 millions d’euros, dont la deuxième étape va permettre de financer, dans les territoires, les actions liées à la biodiversité et les emplois induits.
Troisième principe opérationnel qui va être inscrit dans le code de l’environnement : « innover sans piller ». Il s’agit de soutenir l’innovation, ainsi que les emplois de la croissance verte et de la croissance bleue, en érigeant contre la biopiraterie un principe de justice pour un partage équitable des avantages tirés des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles, au bénéfice mutuel des habitants, des territoires directement concernés, des petites entreprises, de la recherche scientifique et de ses prolongements industriels et commerciaux. Cela concerne des secteurs considérables, comme celui de l’agroalimentaire, des cosmétiques ou de la pharmacie. Certaines entreprises françaises ont commencé à le faire et nous disposons, dans tous ces champs, d’un potentiel d’activités nouvelles.
Je vous proposerai d’ailleurs une disposition qui permettra de s’assurer qu’aucun dépôt intempestif de brevet ne vienne limiter l’accès à des ressources, dont il s’agit de partager les bénéfices, ou à des savoir-faire utilisés depuis longtemps par certaines personnes, qui s’en trouvent alors brutalement privées.
Ensuite, le projet de loi prévoit la création de l’Agence française de la biodiversité.
Trop d’instances se sont additionnées au fil du temps ! Le projet de loi en réunit les missions et en simplifie les structures avec la création d’une seule instance d’expertise scientifique – le Conseil national de la protection de la nature – et d’une instance de débat qui rassemblera toutes les parties prenantes – le Comité national de la biodiversité…
M. Jean-Louis Carrère. Tous localisés à Paris !
Mme Ségolène Royal, ministre. … qui sera complété par les comités régionaux dans les outre-mer où les enjeux de la biodiversité sont stratégiques.
Il s’agit d’une innovation majeure et d’un outil très attendu, qui répond à un engagement pris par le Président de la République, lors de la conférence environnementale de 2014, et à une forte demande des ONG. Elle s’inscrit également dans la continuité du Grenelle de l’environnement.
Pour que cette agence puisse être opérationnelle immédiatement après la promulgation de la loi, j’ai installé, dès octobre 2014, une mission de préfiguration. Celle-ci a énormément travaillé pour que l’agence soit en mesure d’exercer, dès sa création, les missions qui vont lui incomber en matière d’appui technique, de conseil, d’expertise, de mobilisation des moyens en faveur de la biodiversité terrestre, marine et aquatique, de gestion des aires protégées, d’appui aux missions de police de l’eau, de formation initiale et continue, de référence et de représentation dans les instances européennes et internationales.
J’ai réuni, en février 2015, un atelier sur la déclinaison dans les outre-mer des objectifs de la future agence. Un séminaire avec l’ensemble des futurs partenaires de l’agence s’est ensuite tenu les 22 et 23 mai à Strasbourg, dans le cadre d’une démarche de coconstruction, à laquelle je suis très attachée. Il a témoigné d’une ambition partagée par tous. Les professionnels de la biodiversité, en particulier dans le secteur économique, ont été étroitement associés à la réflexion sur les services attendus de l’agence. Ce fut notamment le cas à l’occasion des assises de la biodiversité, qui se sont tenues à Dijon les 10 et 11 juin.
Ces différents éléments de préparation ont été formalisés dans le rapport qui m’a été rendu le 25 juin, puis dans le complément relatif aux déclinaisons de l’agence dans les outre-mer, qui m’a été remis en juillet.
L’agence bénéficiera de 60 millions d’euros, qui s’ajouteront au budget dont elle dispose au titre des investissements d’avenir – de l’ordre de 230 millions d’euros –, la biodiversité relevant indéniablement de cette thématique.
Elle regroupera l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, le groupement d’intérêt public Atelier technique des espaces naturels, l’Agence des aires marines protégées et l’établissement public Parcs nationaux de France. Des services communs assurés par l’agence seront ainsi mis en place.
Elle privilégiera une logique de réseaux avec des organismes intégrés – pour faire des économies de fonctionnement –, des organismes rattachés et d’autres avec lesquels elle passera des conventions de partenariat. Ce sera par exemple le cas avec le Muséum national d’histoire naturelle, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, ou le Centre d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.
J’ai bien entendu que nombre d’ONG et certains d’entre vous auraient souhaité que l’ONCFS soit intégré à l’agence, au même titre que l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, mais j’ai la conviction qu’une bonne contractualisation des relations de l’office avec l’agence ainsi que le rapprochement des équipes dans l’action sur le terrain permettront de dépasser les blocages institutionnels et créeront une dynamique plus positive et beaucoup plus économe en temps.
Cette agence sera le lieu de l’excellence, de la recherche et des actions volontaristes, en lien étroit avec tous les territoires. Elle nouera aussi des partenariats avec les organisations créées par les conseils départementaux et régionaux. Elle donnera une meilleure lisibilité à la stratégie française et décloisonnera les politiques de l’eau et de la biodiversité, afin de mettre au service de tous les acteurs un instrument unique et intégré en appui de leur action.
Je vous proposerai d’ailleurs un amendement corrigeant une disposition de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui affecte aux communes la compétence de gestion des eaux et des milieux aquatiques, ainsi que celle de la prévention des inondations. En effet, aujourd’hui, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale qui ont transféré leurs compétences à un syndicat ou à un établissement public ne peuvent pas lever la taxe qui a été instaurée.
M. Hubert Falco. Très bien !
Mme Ségolène Royal, ministre. Il s’agit là, simplement, de supprimer un frein inutile et de rendre plus cohérente notre organisation territoriale.
Je vous proposerai un autre amendement, dont la rédaction permettra l’adoption, région par région, d’une organisation souple, sur mesure et en fonction des demandes des nouveaux exécutifs, sans imposer une structure identique partout. Ce qui compte, c’est l’efficacité de l’action !
Je tiens à souligner que toutes les collectivités sont concernées par les objectifs de ce projet de loi et les outils qu’il met en place. Les départements jouent, à ce titre, un rôle important en matière de gestion des espaces naturels sensibles. Je sais que nombre d’entre vous connaissent très bien ces questions et ont à cœur d’approfondir les liens à établir entre l’agence et les gestionnaires de ces espaces.
Par ailleurs, l’élargissement du champ de compétences des agences de l’eau à la biodiversité et au milieu marin va aussi permettre d’apporter des moyens financiers supplémentaires.
Un très important volet du projet de loi porte sur la protection et la valorisation des paysages, en englobant dans une action vigoureuse, au-delà de nos sites remarquables, les paysages du quotidien, qui concernent directement la qualité de vie des Français et contribuent si puissamment à forger l’image de la France.
Le capital paysager est le bien commun des Français ; ils y sont très sensibles, car une part de notre histoire et de notre identité commune s’y rattache. Je remettrai d’ailleurs prochainement, le 3 février, le grand prix des paysages, pour faire en sorte que ce patrimoine national soit définitivement reconnu. Les citoyens doivent prendre soin de leur jardin planétaire et avoir le droit d’en partager les beautés.
Le projet de loi contient aussi des dispositions relatives aux relations entre la biodiversité et la santé.
Je sais que, pour certains Français, la biodiversité apparaît encore comme un terme un peu abstrait, une notion complexe. Elle est pourtant très concrète et concerne directement la santé de chacun, car une nature malmenée par le dérèglement climatique et les pollutions entraîne aussi des risques sanitaires accrus. Ce projet de loi intègre donc la relation entre la santé et le bon état de la biodiversité, par exemple en facilitant le recours au traitement naturel de l’eau et en interdisant le rejet en mer des eaux de ballast non traitées.
Le génie écologique, avec les emplois qui y sont liés, protège la santé, en encourageant l’utilisation de solutions fondées sur la nature, qui empêchent le développement de maladies transmises par des vecteurs biologiques et agissent sur le maintien des équilibres entre les espèces. Ces démarches sont d’ailleurs encouragées par le plan santé-environnement pour la période 2015-2019.
Le texte qui vous est soumis, ainsi que les plans d’action qui l’ont anticipé et l’accompagnent, se fixe des objectifs de santé publique, avec notamment la réduction de l’utilisation des pesticides qui passe par le développement d’alternatives, comme le montrent les territoires engagés dans la démarche « Terre saine, communes sans pesticides », et par la mise en place de périmètres d’interdiction d’épandage autour des écoles et des lieux sensibles, conformément aux recommandations de la dernière conférence environnementale.
La restauration de la qualité écologique des eaux marines, comme la réduction des déchets et des polluants qui contaminent le milieu marin, vise le même objectif de santé publique.
Vous le savez, dès 2016, les sacs plastiques à usage unique seront supprimés et, au début de 2017, la distribution de sacs plastiques non biodégradables sera interdite. Non seulement ils défigurent les paysages, mais les microdéchets de plastique passent au travers des systèmes d’épuration.
Les actions d’accompagnement de la loi sont également très importantes, afin que les acteurs sur les territoires puissent être directement partie prenante des mesures décidées par le Parlement. Dans les territoires à énergie positive, dont vous êtes souvent le relais, le volet de financement des actions de la biodiversité est mis en place – je le disais à l’instant. Le développement de l’éducation à l’environnement est également engagé.
J’en viens maintenant à la filière de développement économique, qui constitue l’une de mes préoccupations majeures. Comment utiliser les défis liés à la biodiversité pour créer des emplois dans les domaines de la croissance bleue et de la croissance verte ? Il s’agit d’un objectif essentiel.
J’ai évoqué l’importance de l’océan, thermostat de la planète. Il est évident que l’innovation scientifique et technologique, le développement de filières d’avenir, la création d’emplois ancrés sur les territoires peuvent de plus en plus s’appuyer sur les phénomènes de transition que nous connaissons.
À court terme, les emplois directement liés à la protection et à la gestion de la biodiversité dans les parcs nationaux et régionaux et dans les aires marines protégées atteindront le chiffre de 40 000. Les différents métiers du secteur des jardins et des paysages représentent aujourd’hui plus de 150 000 emplois et un marché de 10 milliards d’euros. Les activités fortement dépendantes de la biodiversité et de ses services écosystémiques, comme la pêche, l’agriculture, la sylviculture et la première transformation, pèsent 2 millions d’emplois en France. Les emplois indirects induits par la protection et la valorisation de la biodiversité – par exemple dans le tourisme, la filière bois ou les cosmétiques – se chiffrent à près de 5 millions. Le secteur, en plein essor, du génie écologique regroupe déjà un demi-millier d’entreprises et réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 2 milliards d’euros. Les travaux du dixième programme des agences de l’eau soutiennent près de 70 000 emplois.
Je cite ces chiffres pour donner une idée du poids économique actuel de la biodiversité et du potentiel d’activités et d’emplois qui lui est lié. C’est aussi ce tournant que la loi sur la biodiversité, la nature et les paysages doit permettre d’accélérer, d’amplifier et d’approfondir, en facilitant la création d’un réseau de start-up et de PME à la pointe de l’ingénierie écologique dans le secteur du biomimétisme et de la bioinspiration. Ces entreprises ont déjà, à leur actif, de formidables découvertes scientifiques.
Robert Barbault avait raison, « la biodiversité est une véritable bibliothèque d’innovations auprès de laquelle les bibliothèques de nos pays ne représentent même pas un bout d’étagère. »
Une autre découverte passionnante a été faite : la chimie verte, affranchie des hydrocarbures, qui mise sur la nature et sur l’industrialisation des bioprocédés. C’est pourquoi le programme des investissements d’avenir soutient ces démarches, au travers de l’appel à projets « Initiative PME-biodiversité » lancé dans le cadre de son action sur les démonstrateurs de la transition écologique et énergétique, de même que les trophées de la stratégie nationale de la biodiversité. Beaucoup d’autres exemples pourraient être cités.
Pour conclure, je ferai deux remarques.
Tout d’abord, nous avons l’ambition, avec ce texte, de doter notre pays d’une loi d’action et de mobilisation de toutes ses forces vives.
Ensuite, nous devons simplifier les dispositifs. À cet égard, j’ai été très attentive aux observations que vos rapporteurs ont faites, notamment pour déplorer que le texte contienne quinze habilitations à légiférer par ordonnances. Après un travail accéléré prenant en considération ces griefs, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’il n’y aura finalement aucune demande en ce sens.
M. Claude Bérit-Débat. Très bien !
Mme Ségolène Royal, ministre. Après un examen personnel détaillé de toutes ces demandes d’habilitation, j’ai pu obtenir que la rédaction de certains projets d’ordonnance soit accélérée afin de pouvoir les intégrer au projet qui vous est soumis. Par ailleurs, j’ai choisi d’éliminer certaines ordonnances, qui ne me paraissaient pas vraiment utiles eu égard au sujet qui nous préoccupe. Enfin, il m’est apparu qu’un certain nombre de dispositifs pouvaient parfaitement être mis en place par des circulaires ministérielles, que j’ai immédiatement fait rédiger.
Je le répète, j’ai donc le plaisir de vous confirmer que quinze articles d’habilitation à légiférer par ordonnances ont été supprimés. C’est ma façon de vous montrer à quel point je suis sensible à la qualité de vos travaux et combien je me soucie de coconstruire avec vous cette loi magnifique, qui va donner à notre pays un nouveau potentiel de création d’activités et d’emplois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE – M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes ici aujourd’hui pour examiner le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a commencé son cheminement, comme l’a rappelé Mme la ministre, depuis quelque temps déjà.
En effet, il a été adopté en conseil des ministres voilà bientôt deux ans, en mars 2014, puis par l’Assemblée nationale, qui l’a passablement modifié, en mars 2015. Enfin, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, qui m’a fait l’honneur et le plaisir de me nommer rapporteur, a adopté son texte au début de juillet 2015.
Ma tâche de rapporteur sur ce texte a été – et continue d’être – passionnante. Les nombreuses auditions que j’ai menées, les personnes que j’ai rencontrées, toutes profondément engagées, quelle que soit leur appréciation sur le projet de loi, ainsi que les innombrables contributions que j’ai reçues et décortiquées une à une, ont fini de me convaincre, s’il en était besoin, que nous abordons avec ce texte un sujet capital et exigeant.
J’en profite pour remercier tout particulièrement mes collègues de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, ainsi que son président Hervé Maurey. Par leur implication et leur confiance, ils ont rendu possible la construction d’une solution par notre commission, pour reprendre une expression de Mme la ministre. Cette solution n’est certainement pas parfaite, et nous sommes d’ailleurs là pour continuer d’en débattre, mais elle a le mérite d’atteindre un équilibre logique, pragmatique et réfléchi.
Nous avons adopté en commission 222 amendements, issus de tous les groupes politiques. Nous avons repris la quasi-totalité des amendements de Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, et nous avons voté une vingtaine d’amendements de simplification proposés par notre collègue Rémy Pointereau, ainsi qu’une dizaine d’amendements déposés par notre collègue Jean-Noël Cardoux au nom du groupe d’études Chasse et pêche. J’en profite pour les remercier et les saluer.
Mes chers collègues, comme l’a dit Mme la ministre, nous allons parler cet après-midi de la planète que nous laisserons à nos petits-enfants, en tout cas de celle que j’aimerais laisser aux miens, et des conditions de notre survie sur Terre.
Dans un livre paru récemment, La sixième extinction, qui a d’ailleurs reçu le prix Pulitzer, Elizabeth Kolbert a mené une enquête sur l’histoire de la vie terrestre. Elle raconte une anecdote saisissante que je vais vous livrer. Au centre de la galerie de la biodiversité du Muséum américain d’histoire naturelle, où elle s’est rendue pour les besoins de l’écriture de son livre, une plaque rappelle que cinq phénomènes d’extinction majeurs se sont succédé depuis l’apparition des animaux complexes voilà 500 millions d’années. Sur cette plaque figure l’inscription suivante : « Le changement climatique planétaire et d’autres causes, comme les collisions entre la Terre et des astéroïdes, ont été à l’origine de ces événements ; actuellement, nous sommes en plein milieu de la sixième extinction, provoquée cette fois-ci par la seule action de l’homme sur l’environnement. » C’est ce que l’on appelle le début de l’anthropocène.
L’enjeu est donc immense. Les exemples, qui pleuvent, sont autant de signaux d’alarme que nous ne pouvons plus ignorer. Aujourd’hui, il semble que le taux d’extinction actuel des amphibiens soit 45 000 fois plus élevé que leur taux d’extinction de fond. Un tiers de tous les coraux bâtisseurs de récifs, un tiers de tous les mollusques d’eau douce, un tiers des requins et des raies, un quart des mammifères, un cinquième des reptiles et un sixième des oiseaux – Mme la ministre a évoqué les 400 millions d’oiseaux morts en Europe – sont en voie d’extinction, et ces disparitions interviennent partout sur le globe.
C’est pourquoi le devoir qui nous incombe est important. Nous devons, en conscience, changer notre regard sur notre modèle de développement et sur nos actions quotidiennes, dont l’impact, que l’on mesure aujourd’hui, peut être catastrophique pour nous. Saisissons ce moment comme une véritable opportunité dynamique, ce que sont souvent les crises, pour valoriser la vie sur Terre, notre bien le plus précieux, tout en la protégeant.
J’insiste sur cette dimension, car je crois qu’elle est susceptible d’éclairer nos débats. Gardons toujours en tête que ce texte n’est pas une énième loi agricole, ni une énième loi sur la chasse, ni d’ailleurs une énième loi sur la nature, se caractérisant par une approche statique qui consisterait à mettre nos paysages sous cloche.
Non, ce texte est un des maillons du changement de paradigme qui est devant nous. Il est une des clés de la réussite des accords de Paris de la COP 21, comme l’était déjà le projet de loi relatif à la transition énergétique, ainsi que nous l’avait expliqué notre collègue Louis Nègre, que je salue.
Tout se tient et nous ne pouvons plus nous payer le luxe de cloisonner ces sujets au nom d’intérêts sectoriels, certes souvent légitimes à première vue, mais qui, en fin de compte, ne seraient satisfaits que pour un temps. Nous ne ferions que reculer pour mieux sauter si nous prenions ce texte sous cet angle.
C’est cette ambition-là que je vous encourage à avoir aujourd’hui. Nous avons tous salué l’accord historique sur le climat, et je me souviens de la réunion des parlementaires du monde entier dans cet hémicycle, à l’occasion de laquelle nous avons voté une déclaration à l’unanimité, au début du mois de décembre 2015. Nous avons une occasion concrète de commencer sans attendre à mettre en œuvre cet accord historique sur lequel 190 pays aux intérêts divergents se sont retrouvés. Je souhaite que le Sénat montre son engagement, son sens des responsabilités et sa modernité – certes, nous ne sommes que 348 sénateurs, alors que 195 pays ont participé à la COP 21. En tout cas, ce ne serait pas la première fois que le Sénat se placerait au-dessus de la mêlée.
Mes chers collègues, je n’entrerai pas maintenant dans le détail du texte, ce qui serait trop long. Mme la ministre en a esquissé les grands traits, et nous aurons bien évidemment l’occasion d’y revenir très longuement au cours des débats.
Cependant, je voudrais vous éclairer sur l’état d’esprit qui a présidé à l’adoption de notre texte en commission. Le fil rouge que j’ai proposé tient en quelques phrases.
J’ai d’abord tenté de faire partager à mes collègues cette conscience de l’urgence, comme je l’ai dit tout à l’heure. J’ai ensuite appelé de mes vœux la recherche de positions d’équilibre et de compromis, loin de la caricature. Par ailleurs, j’ai souligné la nécessité de recentrer le texte sur ses véritables enjeux – je le répète, comme il ne s’agit pas d’une loi sur la chasse, nous avons supprimé tous les articles qui pouvaient légitimement être considérés comme « anti-chasse » ou « pro-chasse », inutilement polémiques et hors sujet. Enfin, je me suis efforcé d’alléger les contraintes pour tous les acteurs et d’adopter une démarche pragmatique.
Cette démarche pragmatique, j’ai tenu à ce qu’elle soit systématique et qu’elle associe tous mes collègues. Je prendrai deux exemples.
Le premier concerne l’article 34, qui crée des zones prioritaires pour la biodiversité. Nous les avons supprimées en commission à titre conservatoire et je m’étais engagé à regarder si une autre solution plus satisfaisante existait. Je me suis donc rendu en Alsace, avec certains de mes collègues de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, car, s’il importe de légiférer dans cet hémicycle, il est aussi important de se rendre dans les territoires pour se rendre compte de ce que pensent les acteurs de terrain.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Avec Jean-François Longeot, Pierre Médevielle et notre collègue sénateur du Bas-Rhin, Guy-Dominique Kennel, j’ai pu constater que la mise en place de ces zones était inutile, compte tenu du travail important effectué par les chambres d’agriculture, en partenariat avec les services de l’État et les agriculteurs locaux. Ce dispositif a donc été supprimé et Mme la ministre a accepté de ne pas revenir sur cette suppression, à la lumière de cet exemple que nous lui avons rapporté du terrain. Le problème du grand hamster n’est pas pour autant réglé définitivement, et il appelle encore des efforts, mais l’outil proposé par le texte n’était pas le bon.
Je me suis également rendu dans les Yvelines avec Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, pour évaluer le projet de compensation par l’offre élaboré par le conseil départemental, qui vise à fournir aux porteurs de projets publics et privés un service « clef en main ». Ce déplacement nous a permis de constater que les réserves constituaient une modalité de mise en œuvre de la compensation particulièrement intéressante, via une mutualisation plus efficace de la compensation, une garantie de sa mise en œuvre ex ante ou encore une meilleure insertion dans le territoire.
Le département des Yvelines, qui connaît d’immenses problèmes d’urbanisation et d’équipement, a su trouver un équilibre avec la compensation, qui est rendue aujourd’hui obligatoire, de façon intelligente et pragmatique. Ainsi, il nous a été démontré que la compensation pouvait apporter un complément de revenus aux agriculteurs, lorsque sa mise en œuvre privilégiait une logique contractuelle par rapport à l’acquisition foncière. Dès lors, la situation devient beaucoup moins problématique et douloureuse.
Ce pragmatisme, nous avons également tenu à le conjuguer avec une exigence de simplification du droit et d’allégement des contraintes pour les acteurs. Il ne faut pas être simpliste, car les problèmes compliqués que nous avons à résoudre appellent des solutions parfois complexes.
Il ne faut pas non plus être obscur, opaque et inutilement compliqué. La complexité peut être l’ennemie du législateur, car nous devons trouver des solutions qui soient comprises par les gens à qui les législations s’appliquent, mais, parfois, par excès de simplicité, nous pouvons avoir tendance à nous laisser aller à la facilité du simplisme, ce qui peut s’apparenter à une forme nouvelle de poujadisme. Telle est l’extraordinaire difficulté à laquelle nous sommes confrontés.
Nous avons ainsi opté pour un édifice plus lisible de la gouvernance de la biodiversité, d’une part en instituant une représentation de tous les secteurs économiques et de tous les acteurs concernés au sein du Comité national de la biodiversité, d’autre part en rationalisant le fonctionnement de l’Agence française pour la biodiversité, établissement public administratif ayant vocation à constituer l’outil de mise en œuvre de la politique nationale de la biodiversité.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Enfin, je voudrais dire un mot sur l’accès aux ressources et le partage des avantages, ou APA. Pardonnez-moi, madame la présidente, mais le texte est trop long pour que je puisse le présenter en dix minutes…
M. Jean-Claude Lenoir. Et l’orateur est très intéressant !
M. François Grosdidier. Passionnant !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Le titre IV du projet de loi, qui transpose le protocole de Nagoya, est emblématique, je pèse mes mots, de la position unique au monde de la France, à la fois pays fournisseur de ressources génétiques – nos outre-mer présentent une richesse unique en matière de biodiversité – et pays utilisateur, grâce à nos entreprises dynamiques dans la pharmaceutique, l’agroalimentaire ou encore la cosmétique.
Je me félicite donc que nous inscrivions dans notre droit un dispositif permettant d’assurer à la fois la préservation des ressources et leur utilisation en toute sécurité par nos entreprises. Sans mettre la nature sous cloche, nous garantissons que nos ressources seront utilisées de manière durable et que les communautés locales en recevront des retombées justes et équitables. Je me réjouis, une fois de plus, que ce travail de Nagoya, auquel j’ai participé en 2010, trouve ici un aboutissement intelligent.
Je ne serai pas plus long, mes chers collègues, car de copieux débats nous attendent. Je souhaite que nous réussissions à entrer, avec ce texte, dans une mutation qui ne s’arrêtera pas à un point considéré comme un juste milieu, et que nous nous employions à « redéfinir le progrès », selon les mots du pape François, qui peuvent, à mon sens, parler à tous, au-delà de toute considération théologique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC, du RDSE et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ma chère collègue, je vous rappelle que vous disposez d’un temps de parole de dix minutes.
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur Jérôme Bignon, mes chers collègues, l’accélération fulgurante du développement économique qu’a connue notre monde, notamment aux XIXe et XXe siècles, s’est imposée à nos sociétés. Emblématique d’une forme de conquête de l’homme sur les lois de la nature, l’avancée des techniques était alors synonyme de progrès et de prospérité et l’environnement n’était pas une préoccupation majeure.
Depuis un demi-siècle, les esprits ont bien changé : aujourd’hui, la raréfaction annoncée des ressources, les conséquences polluantes de certaines activités, les dégradations des écosystèmes et la perte de biodiversité paraissent des enjeux majeurs qu’il convient de considérer avec le plus grand sérieux. Dès lors, pour exercer son activité, le monde économique doit pleinement intégrer les enjeux environnementaux, voire s’ouvrir à de nouvelles opportunités.
La protection de l’environnement est ainsi considérée comme la condition d’une prospérité nouvelle, avec le déploiement de l’économie bleue et de l’économie verte.
La législation environnementale a pris son essor en France à partir des années 1970, s’employant à interdire certaines pratiques, à protéger des espaces particulièrement remarquables ou encore à imposer des études d’impact autour des projets d’aménagements ou d’infrastructures.
Parallèlement, à l’échelon européen, des directives ont été adoptées pour demander aux États membres de mieux protéger les milieux : la directive « Oiseaux », la directive-cadre sur l’eau, les directives « Habitats ».
Enfin, à l’échelon international, la problématique environnementale a pris une importance croissante. L’accord de Paris, intervenu à l’issue de la COP 21 de décembre dernier, en constitue le dernier épisode en date – pas l’ultime, bien sûr, et fort heureusement !
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui se fixe plusieurs objectifs : lutter contre l’érosion de la biodiversité, la disparition d’espèces, qu’elles soient animales ou végétales, phénomènes qui peuvent être lourds de conséquences environnementales et sanitaires, mais aussi économiques.
Ce texte ne part pas d’une feuille vierge. Il intervient quelques années après les lois « Grenelle I » et « Grenelle II », qui avaient posé les bases d’une nouvelle ambition environnementale de la France et inscrit dans notre paysage législatif des outils inédits, parmi lesquels les trames vertes et bleues, la prise en compte de l’environnement dans les documents d’urbanisme ou la lutte contre la production de déchets.
Ce projet de loi, qui n’est pas en contradiction avec l’ambition d’alors, s’inscrit dans une logique d’approfondissement et de complément.
Si la commission des affaires économiques du Sénat s’est saisie de plusieurs articles de ce projet de loi, c’est parce qu’elle considère que les préoccupations environnementales et économiques ne peuvent pas aujourd’hui être traitées indépendamment les unes des autres.
L’ensemble des acteurs économiques – les agriculteurs, les pêcheurs, les forestiers, en particulier – sont des acteurs majeurs de la biodiversité. Il en va de même, bien sûr, pour les chasseurs, qui sont les premières vigies de la biodiversité.
Or, s’il convient toujours de mieux apprécier l’impact de leurs activités sur les milieux naturels, il convient aussi, en retour, d’évaluer l’impact économique des réglementations environnementales que tous ces acteurs doivent appliquer dans leur vie quotidienne. De ce point de vue, la démarche partenariale doit s’imposer en lieu et place de l’écologie punitive.
La multiplication des zonages, des organismes publics ou parapublics, l’enchevêtrement des normes conduisent aujourd’hui inexorablement à la complexification, parfois à l’incompréhension, à l’impossibilité de répondre à toutes les réglementations qui s’empilent et se croisent ; il arrive même qu’elles se contredisent ! Tout cela provoque trop souvent l’hostilité des acteurs économiques et conduit parfois à la confrontation. En définitive, l’environnement n’est pas mieux protégé, tandis que l’économie est, quant à elle, pénalisée.
Je regrette que quelques-unes des dispositions présentées dans ce texte ne relèvent pas totalement de cette logique. En effet, la première lecture à l’Assemblée nationale a conduit à l’ajout de nombreuses mesures nouvelles qui n’ont fait l’objet d’aucune évaluation préalable sérieuse. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques a recommandé, dans son avis, l’adoption de dispositifs plus pragmatiques qui ont été, pour la plupart, acceptés par la commission du développement durable et se trouvent intégrés dans le texte que nous examinons aujourd’hui.
Je remercie Jérôme Bignon pour son écoute toujours attentive et son souci de l’équilibre. Grâce à son soutien, nous avons pu modifier certains points concernant l’urbanisme et le droit des sols, dans le but de ne pas complexifier le droit actuel, notamment pour les élus locaux.
Ainsi, nous avons supprimé l’article 27 bis, qui prévoyait que les schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, devaient transposer les dispositions des chartes de parc national.
Nous avons supprimé l’article 32 quater, qui donnait à l’Agence des espaces verts d’Île-de-France un droit de préemption sur les espaces naturels sensibles concurrent du droit de préemption des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER.
Nous avons également supprimé l’article 36 quinquies A, qui imposait de nouvelles normes en matière de végétalisation des toitures et des parkings, alors même que nous avons déjà récemment tranché la question lors de l’examen de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR », laquelle n’est pas encore appliquée.
Nous avons souhaité favoriser une approche plus réaliste et moins idéologique des dispositions impactant le monde agricole.
Nous avons ainsi supprimé l’article 34, qui créait la possibilité d’établir un nouveau zonage et de délimiter des « zones prioritaires pour la biodiversité », au sein desquelles des pratiques agricoles auraient pu être imposées. L’idée louable de protéger certaines espèces fragiles, comme le grand hamster d’Alsace précédemment cité, peut tout à fait être traitée de façon pragmatique sur le terrain par un travail partenarial entre les acteurs. Nul n’est besoin de légiférer à outrance !
Nous avons rappelé, à l’article 35, que le but premier de l’assolement en commun devait être économique et social.
Nous avons précisé les règles applicables en matière de traitement des fonds de cuve et des résidus de produits phytopharmaceutiques et supprimé la mesure purement nationale d’interdiction des néonicotinoïdes prévue à l’article 51 quaterdecies. En la matière, je pense que nous aurons des débats intéressants.
Nous avons aussi souhaité que soit mieux encadré le dispositif sur les obligations réelles environnementales prévu par l’article 33. Ainsi, nous avons demandé que soit respecté un équilibre entre obligations et contreparties, afin que les agriculteurs ne soient pas victimes de ce nouvel outil et puissent, au contraire, l’intégrer positivement.
Au sujet de la pêche et de la chasse, je souhaite rappeler, après Jérôme Bignon, que ce texte n’est pas d’une loi « chasse » ou d’une loi « pêche ». Nombre d’amendements adoptés par l’Assemblée nationale en séance de nuit ont été extrêmement mal ressentis par nos concitoyens chasseurs ou pêcheurs, notamment ceux des zones rurales, pour lesquels ces activités sont essentielles d’un point de vue social, mais aussi au titre de la régulation des espèces. Je remercie le président du groupe d’études, Jean-Noël Cardoux, pour le travail conjoint que nous avons effectué avant la première réunion de la commission.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des modifications que nous avons apportées.
Je voudrais, avant de conclure, évoquer la question de l’accès aux avantages résultant de l’exploitation de ressources génétiques issues de la nature et de leur partage, qui fait notamment l’objet des articles 18 et suivants du projet de loi. C’est un sujet techniquement difficile, car il est indispensable de concilier le droit des communautés d’habitants des territoires dont sont issues ces ressources avec la nécessité de conserver une recherche forte et performante.
La France doit protéger ses ressources génétiques, notamment au regard de la grande richesse de celles-ci en outre-mer, mais elle ne peut pas, de sa propre initiative, entraver son propre appareil de recherche, qu’il soit public ou privé, alors même qu’une féroce compétition mondiale se joue en matière de génie génétique, domaine dans lequel notre pays excelle particulièrement.
C’est le souci d’équilibre permanent entre développement économique et préservation de la biodiversité qui a guidé mes travaux en tant que rapporteur et que je défendrai durant nos débats, au nom de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. Bravo pour votre concision !
La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.)
Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, madame, monsieur les rapporteurs, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis du projet de loi « biodiversité » sur deux points : d’abord, la réforme de la procédure d’inscription des sites prévue aux articles 69 à 71 ; ensuite, l’article 74, par lequel les députés ont supprimé, en séance publique, le dispositif relatif aux bâches publicitaires sur les chantiers des monuments historiques, institué par la loi de finances pour 2007.
Notre commission n’a pas fait entrer dans le champ de sa saisine la création de l’Agence française de la biodiversité, car les enjeux principaux qui s’y attachent sont du ressort de la commission du développement durable. Cependant, il est vrai que certaines de ses missions – le développement des connaissances sur la biodiversité, de même que la formation et la communication sur ce sujet – intéressent notre commission.
Nous avons noté avec satisfaction les dispositions introduites par l’Assemblée nationale visant à faire en sorte que la nouvelle agence entretienne des liens avec le monde scientifique et les bases de données qui existent déjà, par exemple, celle de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité. De même, nous nous sommes félicités de l’institution d’un conseil scientifique.
Si, à ce stade, notre commission a choisi de ne pas intervenir, rien ne nous empêchera, par la suite, de vérifier, par exemple, que les établissements supérieurs de recherche s’y « connectent » bien pour que les connaissances sur la biodiversité se diffusent dans l’enseignement et dans la communication. Notre commission y est particulièrement attachée.
J’en viens aux deux volets de notre saisine : premier sujet, la réforme de la procédure d’inscription des sites, opérée par les articles 69, 70 et 71.
La matière est technique, mais elle revêt, nous le savons, une grande portée pratique dans la gestion de nos territoires.
Les vingt dernières d’années ont montré l’évolution des schémas de l’action publique en matière de protection du patrimoine. On a ainsi cherché à mieux concilier celle-ci avec le développement des territoires, tout en associant davantage les citoyens, conformément à la Charte de l’environnement. Ce passage à un modèle plus coopératif s’est également accompagné de l’apparition de nouveaux outils de protection. Il s’ensuit qu’il devient aujourd’hui nécessaire de faire le tri au sein des sites inscrits sur les listes départementales.
On compte, aujourd’hui, 4 800 sites inscrits, qui représentent 2,5 % du territoire, et force est de reconnaître que l’on y trouve de tout ! La procédure d’inscription, qui nous vient de la grande loi de 1930, est restée quasiment intacte et a servi à des usages bien différents au cours du temps. C’est ici que le projet de loi nous propose de faire une sorte de « grand ménage de printemps » afin de répartir les sites inscrits dans les nouvelles cases de la protection.
Le Gouvernement fait un double diagnostic, que je partage très largement, compte tenu de ce qu’ont pu m’en dire les professionnels.
D’une part, alors que l’inscription sur la liste départementale des sites devait être « l’antichambre » du classement, celle qui précède l’adoption de mesures protectrices, cette inscription a été utilisée pour bien d’autres motifs, sans cohérence et avec des règles différentes, au prix d’une grande dispersion des moyens consacrés à la protection.
D’autre part, l’inscription sur cette liste départementale n’assure pas une protection suffisante : sur un site inscrit, l’avis des architectes des Bâtiments de France, les ABF, est consultatif et l’on fait à peu près tout ce que l’on veut, du moment que l’on ne démolit pas ce qui a justifié l’inscription.
L’administration estime que l’inscription ne protégerait finalement que les territoires sur lesquels aucune pression foncière ne s’exerce. Pour autant, les sites inscrits mobilisent beaucoup les ABF, les services territoriaux de l’architecture et du patrimoine, désormais intégrés à la direction régionale des affaires culturelles, la DRAC, et, pour les espaces naturels, les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement, les DREAL, qui relèvent du ministère de l’écologie, et les propriétaires, qui doivent annoncer leurs travaux au moins quatre mois à l’avance.
Pour résoudre ces problèmes, le Gouvernement nous propose, avec l’article 69, de « geler » la liste des sites inscrits et de redistribuer le « stock » – pardonnez-moi ce terme, mais je n’en ai pas trouvé d’autre ! – des sites actuellement inscrits dans trois catégories, d’ici à 2026.
Première catégorie, les sites « dont la dominante naturelle ou rurale présente un intérêt paysager justifiant leur préservation » : cette « nouvelle liste » serait établie par arrêté ministériel, après avis de la commission supérieure des sites, perspectives et paysages.
Deuxième catégorie, les sites qui méritent d’être classés : cette tâche devrait être accomplie d’ici à 2026 par décret et après enquête publique.
Enfin, la troisième catégorie regroupe tous les autres sites qui ont vocation à être radiés de la liste, c’est-à-dire ceux qui sont dégradés de manière « irréversible », au point qu’il ne serait plus utile de les protéger, ou ceux qui bénéficient d’une protection équivalente, au titre d’un dispositif plus récent que l’inscription.
C’est peu dire, mes chers collègues, que ce « grand ménage » inquiète les élus, les techniciens et les associations que j’ai auditionnés, mais ce qui les inquiète plus encore, c’est ce « gel » de la liste, c’est-à-dire l’impossibilité, à l’avenir, d’y inscrire des sites à protéger. Le Gouvernement a beau souligner qu’un nombre finalement restreint de sites se verraient « désinscrits », ce que nous retenons, c’est que l’impossibilité d’inscrire désormais un site nous privera d’un outil souple et apprécié de gestion territoriale soucieuse de patrimoine.
Quelles sont les motivations profondes de cette réforme ?
Certes, il faut mettre de l’ordre, de la cohérence, classer les sites qui méritent de l’être, résoudre les cas de superposition, simplifier les procédures. Toutefois, pourquoi « geler » la liste, qui peut continuer à jouer le rôle d’antichambre du classement et qui donne un accès très utile aux ABF et aux services territoriaux de l’architecture et du patrimoine ? Pourquoi devoir « fermer » la liste sous prétexte qu’on y met enfin de l’ordre ? L’un n’empêche pas l’autre, me semble-t-il ! Faut-il croire que l’objectif pour le Gouvernement est surtout de « recentrer » ses forces sur le patrimoine le plus sensible, quitte à laisser les collectivités territoriales orchestrer elles-mêmes la protection de leurs territoires ?
Les députés ont, très logiquement, rétabli la possibilité d’inscrire des sites, mais ils l’ont fait de manière particulièrement restreinte, pour les seuls sites qui se trouvent à proximité de sites classés. Notre commission a marqué sa volonté d’aller plus loin en proposant de rétablir la possibilité d’inscrire des sites sur la liste départementale. Je me félicite, à cet égard, de la communion de pensée avec la commission du développement durable sur ce sujet.
J’en viens au deuxième sujet et volet de notre saisine, la suppression des bâches publicitaires lors de travaux sur les monuments classés ou inscrits.
Vous le savez, depuis 2007, la publicité est autorisée sur les bâches qui recouvrent les échafaudages lors de travaux affectant des immeubles classés ou inscrits. Cette dérogation au code de l’environnement est importante d’un point de vue patrimonial, car elle permet d’affecter les recettes publicitaires au financement de ces travaux. Les députés ont décidé de la supprimer en séance publique, contre l’avis du Gouvernement, et de la commission, et la commission de la culture vous propose de la rétablir.
Si nous sommes conscients que des abus ont pu se produire et en choquer certains, il a semblé très excessif à une grande majorité des membres de la commission de supprimer un dispositif qui a prouvé son intérêt pour la protection du patrimoine.
Ses avantages sont d’abord, évidemment, pécuniaires. Depuis 2007, environ 20 millions d’euros de recettes publicitaires auraient été affectés aux travaux. Certains pics importants auraient été décisifs, tels que les 2 millions d’euros dégagés pour la restauration de la Conciergerie. À la clé, il ne faut pas oublier le soutien important que ces recettes procurent aux métiers de la restauration, dont les savoir-faire sont menacés par le repli des crédits publics.
Par ailleurs, il faut souligner que ce dispositif est raisonnable et très encadré. Ainsi, la surface de la publicité ne doit pas dépasser la moitié de la bâche ; son message fait en outre l’objet d’un contrôle de l’autorité administrative. Au total, ces bâches, notamment par l’utilisation de trompe-l’œil, donnent des résultats esthétiques bien plus convaincants que si elles étaient « brutes de chantier ».
De plus, l’affichage est strictement limité à la durée des travaux. Nous sommes donc largement en deçà de ce qui se pratiquait dans les années 1930. Vous ne vous en souvenez sûrement pas, mes chers collègues (Sourires.), mais la Tour Eiffel, par exemple, était alors illuminée par le nom d’une célèbre marque automobile française et son double chevron.
Pour toutes ces raisons, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de rétablir la dérogation, telle qu’elle existe aujourd’hui, en supprimant l’article 74. Cette décision, à mes yeux, ne ferme la porte ni à une discussion sur l’évolution du dispositif ni à l’amélioration de la loi sur ce point. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je voudrais avant tout remercier notre rapporteur Jérôme Bignon, qui vient de présenter avec beaucoup de talent, de force et conviction la position de la commission. La tâche n’était pas facile. En effet, alors que le présent texte comporte un très grand nombre de dispositions importantes, notre rapporteur disposait d’un temps très limité pour s’exprimer. Bien plus important encore est le travail énorme qu’il a accompli tout au long de l’année 2015 et jusqu’en 2016, pour étudier chacune des dispositions du projet de loi, rencontrer et entendre l’ensemble des acteurs intéressés, soit près de deux cents personnes.
Je tiens aussi à remercier les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques et de la commission de la culture, chacun des membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que tous les groupes représentés dans notre assemblée, à qui nous devons ce texte que nous avons adopté grâce à une approche très consensuelle. Merci à Mme la ministre, qui a comme toujours fait preuve de beaucoup d’écoute, et merci aux services de la commission, qui ont accompli un énorme travail.
Ce texte a été adopté à une très large majorité par la commission le 8 juillet dernier. Il intègre de nombreux apports, en provenance de toutes les sensibilités représentées au sein de la commission : pas moins de 222 amendements ont été adoptés au total, soit plus d’un tiers de ceux qui nous avaient été soumis.
C’est donc un travail collectif qui vous est présenté aujourd’hui, un texte équilibré, réaliste, pragmatique et même simplificateur – je le précise à l’attention de mon collègue Rémy Pointereau –, comme nous avions cherché à le faire pour le projet de loi relatif à la transition énergétique, sur l’initiative de notre collègue Louis Nègre.
Je souhaite que notre débat en séance publique se déroule comme celui qui s’est tenu en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, c’est-à-dire sans a priori ou postures idéologiques, avec le seul souci de l’efficacité et de l’écoute et, surtout, avec un objectif permanent d’intérêt général.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire. Ce texte ne doit pas être abordé de manière clivante : majorité contre opposition, défenseurs de l’environnement contre agriculteurs ou chasseurs… Au contraire, ce projet de loi doit nous rassembler par l’importance de ses enjeux.
Ce texte s’inscrit en effet parfaitement dans le prolongement de l’accord historique et universel de Paris sur le climat, signé le 12 décembre dernier, dont nous nous sommes tous félicités dans cet hémicycle. Il faut désormais le mettre en œuvre concrètement et respecter les engagements que nous avons pris devant la communauté internationale pour limiter le réchauffement de la planète.
Le projet de loi que nous examinons est l’un des éléments qui doit y contribuer. La préservation de la biodiversité figure d’ailleurs explicitement dans la résolution adoptée à l’unanimité par le Sénat, le 16 novembre dernier, sur la proposition de Jérôme Bignon.
Les interactions entre biodiversité et climat sont en effet nombreuses. Les modifications de la température, de l’humidité ou de la concentration en CO2 dans l’atmosphère influent – c’est incontestable – sur la biodiversité. Elles ont un impact sur la croissance des animaux et des plantes, ainsi que sur leur cycle de vie. Elles entraînent des migrations d’espèces animales et végétales, voire leur disparition, lorsque ces espèces ne parviennent pas à s’adapter aux nouvelles conditions.
Aussi, du fait de ces évolutions, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou GIEC, prévoit la disparition, d’ici à 2050, de 20 % à 30 % des espèces végétales et animales. La France est très exposée à ce phénomène du fait de la variété de ses territoires, notamment outre-mer.
Or, en sens inverse, ce sont bien les écosystèmes qui ont influencé les modes de vie des hommes, contribué à dessiner les paysages et permis la diversité des espèces qui y habitent. Ils ont aussi contribué à l’agriculture et à l’alimentation humaine ; ils ont assuré la qualité de notre santé et modelé nos civilisations, notre culture et notre économie.
Aussi, en adoptant des stratégies efficaces de maintien de la biodiversité, par la gestion des habitats et des espèces menacées ou encore par la création d’aires protégées sur terre et en mer, il est possible d’améliorer la résistance des écosystèmes humains et naturels aux changements climatiques.
La biodiversité peut même, grâce à l’agriculture et à la forêt, atténuer la croissance de la quantité de CO2 dans l’atmosphère par la création de puits de carbone. Elle a donc une véritable utilité ; sa préservation est incontestablement nécessaire.
La biodiversité représente aussi un atout économique. En effet, elle contribue aux activités humaines, notamment l’agriculture et la pêche, mais aussi la pharmacopée ou le tourisme. On mesure donc les conséquences que pourraient avoir son altération ou sa disparition. Elle est également source d’innovation : on peut ainsi citer le biomimétisme.
Dans le contexte postérieur à la COP 21, ce projet de loi est donc bienvenu. Il était d’ailleurs attendu : présenté en conseil des ministres le 26 mars 2014, il a été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 24 mars 2015 ; nous l’attendions donc ici depuis déjà plusieurs mois.
Ce texte propose une vision plus dynamique de la biodiversité : il rappelle le lien étroit qu’elle entretient avec les activités humaines. Il nous revient d’en adopter une version juste et équilibrée, plus mesurée et pragmatique que celle issue de l’Assemblée nationale, qui pourra fixer le cap pour les prochaines années. Le texte issu de notre commission a cette ambition. Les amendements que nous adopterons en séance devront, selon la commission, préciser et améliorer cet équilibre sans le bouleverser.
C’est une vision positive de la biodiversité que nous voulons inscrire dans la loi. Pour y parvenir, la commission veillera à ce que nos débats soient placés sous le signe du pragmatisme et animés par la recherche du seul intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, quatre ans après la conférence environnementale, nous voici enfin réunis pour débattre du projet de loi visant à la reconquête de la biodiversité.
Nous le savons tous : protéger aujourd’hui la biodiversité, c’est créer les conditions pour assurer demain un avenir à l’humanité.
La France a une responsabilité particulière. Grâce à ses territoires d’outre-mer et à l’importance de son espace maritime, le deuxième au monde – ce n’est pas mon collègue Paul Vergès, que je salue, qui me contredira –, elle est l’un des pays les plus remarquables par la richesse et la diversité de ses paysages et de ses écosystèmes.
Ce texte est attendu. Après la loi fondatrice de 1976, il marque un pas supplémentaire pour la protection de la biodiversité. Nos débats, je l’espère, seront par leur qualité à l’image des travaux de la commission, marqués par un climat constructif sous la houlette de notre rapporteur Jérôme Bignon.
L’entreprise de définition réalisée dans ce texte, notamment au titre Ier, est considérable ; elle constitue un atout important de ce projet de loi. Nous partageons en particulier la définition de la biodiversité comme un système vivant, dynamique et interactif. C’est une avancée importante, qui rompt avec l’approche patrimoniale de la loi de 1976.
Il est par ailleurs bienvenu de placer cette définition dans une vision écosystémique en évolution permanente. Outre la protection des espèces et espaces remarquables, il s’agit aujourd’hui toujours plus de favoriser la biodiversité ordinaire et les corridors écologiques et de permettre aux espèces de faire face aux conséquences du changement climatique ou au morcellement de leur habitat, y compris en milieu urbain. Ces questions sont au cœur de ce texte.
Il y a urgence à agir pour la biodiversité. Les chiffres ont largement été rappelés par Mme la ministre et notre rapporteur, je n’en citerai qu’un : chaque année, 17 000 espèces disparaissent. Les scientifiques parlent d’une sixième crise d’extinction des espèces et estiment que 60 % des services écosystémiques mondiaux sont dégradés.
Nous nous trouvons donc, comme pour la question du climat, à un moment charnière. Il y a dix ans déjà, nous avions organisé ici même un colloque sur cette question, sous la houlette des sénateurs Jean-François Le Grand et Marie-Christine Blandin, colloque qui avait bénéficié du parrainage d’Hubert Reeves, président de la ligue ROC, devenue Humanité et Biodiversité.
Durant ces dix années, les consciences ont continué de progresser. Le constat que l’activité humaine est à l’origine de la dégradation écologique a été validé. De même, nous savons maintenant que l’humanité en subit les conséquences. L’idée qu’il faut redéfinir ce qu’est le progrès et les conditions qui sont nécessaires pour y conduire émerge de plus en plus fort dans la société. Nicolas Hulot nous appelle d’ailleurs à oser changer la société.
Parmi les mesures phares du présent projet de loi figure, au titre III, la création, initialement prévue au 1er janvier 2016 puis repoussée au 1er janvier 2017, d’une Agence française pour la biodiversité, ou AFB. La création de cet opérateur unique devrait être gage de cohérence et d’efficacité. Elle traduit un changement d’approche et la volonté de cesser de cloisonner biodiversités sèche, humide et aquatique, puisque le vivant est un tout. Cette démarche est la bonne.
Cet établissement public sera chargé d’animer et de coordonner la mise en œuvre des politiques publiques dans les domaines de la connaissance, de la prévention, de la conservation et de la protection de la biodiversité.
Aujourd’hui, 225 millions d’euros sont annoncés pour cette agence. Ils correspondent à la simple addition des moyens des entités existantes fusionnées. Les 60 millions d’euros supplémentaires correspondent à des aides apportées dans le cadre des investissements d’avenir. L’appel à projets pour ces aides a été confié par le ministère à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, qui n’a pas de compétence particulière en interne sur la biodiversité. C’est quelque peu étrange et, finalement, c’est bien peu d’argent ! Rappelons que les premiers travaux de préfiguration de 2013 chiffraient les besoins à 400 millions d’euros par an, chiffre repris par le second rapport de préfiguration, remis en juin dernier.
Une chose est claire : la seule fiscalité de l’eau ne pourra financer l’ensemble de la biodiversité. Or, tel qu’il est prévu, le budget de l’AFB sera pour majeure partie lié aux ressources des agences de l’eau via l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA. Les agences contribueront ainsi à hauteur de 150 millions d’euros.
Or ces ressources proviennent à 80 % des ménages, à travers leurs factures d’eau. Ce financement de la biodiversité par les ménages est particulièrement infondé !
Dans ce cadre, l’élargissement des compétences des agences de l’eau à l’ensemble de la biodiversité, prévu dans un amendement gouvernemental adopté par l’Assemblée nationale, ne peut nous satisfaire.
Nous pouvons comprendre que ces agences financent des projets liés au milieu marin en raison de la continuité des eaux douces, littorales et marines. En revanche, étendre leur compétence à l’ensemble de la biodiversité terrestre va beaucoup plus loin. Cette mesure ouvre en effet la voie à un désengagement financier total de l’État, qui se reposerait sur les seules agences de l’eau. Rappelons que le Grenelle de l’environnement avait formulé l’objectif d’engagement de 300 millions d’euros par an de crédits budgétaires en faveur de la biodiversité. Avec 150 millions d’euros inscrits au budget de 2016, nous en sommes loin !
En outre, ce chiffre ne prend pas en compte la contribution directe des agences de l’eau au budget de l’État par le prélèvement sur leur fonds de roulement. Elles devront faire plus à ressources constantes, tout en continuant d’alimenter le budget de l’État. Comment ne pas craindre, dans ce cadre et faute de ressources supplémentaires, une hausse des redevances pour les usagers ?
La mission de préfiguration renvoie maintenant la question financière au Comité pour l’économie verte. Il faut espérer que ses conclusions ne subiront pas le même sort que celui réservé par Bercy aux préconisations formulées en matière fiscale par le groupe « déchets » de ce comité.
Un débat doit rapidement être ouvert sur les moyens, comme le préconise l’avis rendu en décembre 2013 par le Conseil national de la transition écologique, ou CNTE, sur le présent projet de loi. La conférence nationale de Strasbourg, en mai 2015, consacrée à l’AFB, ainsi que les Assises nationales de la biodiversité, en juin de la même année, ont rappelé la nécessité de ce débat. Nous vous avons alertée, madame la ministre, lors du débat budgétaire, quand bien même nous savons que tout ne dépend pas de vous !
La loi de finances pour 2016 prévoit 76 nouvelles suppressions d’emploi dans les établissements publics de l’État chargés de l’eau et de la biodiversité, dont la moitié dans le périmètre de la future AFB !
L’absence d’un dialogue plus poussé avec les organisations syndicales est un problème. En effet, les personnels de l’environnement vivent la création de l’AFB non comme la chance qu’elle pourrait constituer, mais comme la suppression de l’ONEMA. Nous regrettons que les discussions concernant la situation des contractuels, s’agissant à la fois de leur nouveau statut et des conditions de leur titularisation, soient à l’arrêt. Peut-être des avancées dont vous pourrez nous informer sont-elles intervenues entre-temps, madame la ministre ?
Pour défendre la biodiversité, il faut des agents du service public reconnus et valorisés, dans leurs statuts et dans les conditions d’exercice de leurs missions. Les personnels de l’environnement seront en grève le 4 février prochain, à l’appel de leur intersyndicale. Nous les soutiendrons.
En ce qui concerne la gouvernance, nous estimons que la cohérence, les missions et même les financements de la future AFB pâtiront de l’absence de l’ONCFS en son sein, situation à laquelle certains sont favorables, mais nous pensons que ces deux organismes auront intérêt à être réunis. J’ai bien compris que l’on cherchait pour l’instant à les faire travailler ensemble, mais nous espérons que cette situation évoluera vers une intégration et nous proposerons l’adoption d’un amendement en ce sens, ne serait-ce qu’à titre d’appel.
Si nous avons proposé et fait adopter la création de délégations territoriales de l’agence, disposition sur laquelle vous nous avez indiqué que vous reveniez, madame la ministre, c’est que nous entendions allier la nécessaire proximité et la nécessaire adaptation territoriale de politiques nationales. Le Gouvernement, au travers de l’amendement déposé, organise quant à lui une mutualisation avec les régions volontaires. Vous nous avez expliqué votre souci de pragmatisme, souci que nous comprenons. Nous pensons tout de même qu’il s’agit à terme de déléguer les missions, ce qui ouvre sans doute la voie à un transfert de compétence. Vous le savez, nous ne partageons pas cette philosophie. De plus, une telle situation ajoute de l’incertitude et une inquiétude quant à de possibles redéploiements pour les agents de l’État.
Dans ce cadre, le rapprochement prévu des polices de l’environnement est un signal positif à conforter, à condition qu’il ne s’agisse pas d’un énième plan pour réduire les moyens, comme ce fut le cas avec la RGPP en 2008.
La concrétisation du projet dépendra donc en définitive d’une clarification des objectifs, de l’engagement des moyens budgétaires supplémentaires de l’État, de l’identification des coopérations entre les services, les établissements publics de l’État et l’ensemble des collectivités territoriales qui, il faut le souligner, jouent un rôle moteur en matière d’investissement en faveur de la biodiversité.
Nous saluons la création, au titre II, du Comité national de la biodiversité, structure commune qui doit permettre à l’ensemble des instances ayant un rapport avec la biodiversité de communiquer et de travailler ensemble.
Le titre IV transpose le protocole de Nagoya, qui modifie la convention sur la diversité biologique de 1992. L’objectif est de prévoir un dispositif d’accès aux ressources génétiques, présentes sur notre territoire, et aux connaissances traditionnelles associées, et de définir les modalités de partage des avantages issus de l’utilisation de ces ressources. Nous proposerons des amendements pour garantir une plus grande équité dans ce partage.
Cependant, ce dispositif est contestable sur le fond. En effet, en 1992, on a fait le choix de conserver la biodiversité par la mise en marché de ses éléments, les « ressources génétiques ». Or nous continuons de penser que ces ressources ne devraient pas être assimilées à des biens marchands. Nous proposerons des amendements sur la notion de « services écosystémiques », le calcul de leur valeur monétaire, la multiplication des brevets sur le vivant, parce que cela participe de la privatisation de la nature et contribue à l’appauvrissement de la notion de bien commun, à laquelle nous tenons beaucoup et qui devrait à notre avis prévaloir.
L’argument est que les marchés ne pourraient pas prendre en compte les biens sans valeur monétaire. Je sais que certains ici se sont résolus à accepter la notion de « ressources génétiques », au motif que ce serait un moindre mal. Pourtant, si tous les pays du monde et l’OMC décidaient de faire de la politique, on pourrait affirmer que l’économie est au service des hommes, et pas le contraire ! Mais je rêve… (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Hubert Falco. Continuez à rêver !
Mme Évelyne Didier. Parlons maintenant du titre V.
Le projet de loi crée ou renforce des outils pour la protection de l’environnement, comme les obligations réelles environnementales, la création d’espaces de continuité écologique, l’extension de la protection des espèces à la zone économique exclusive et au plateau continental, les sanctions renforcées en cas d’atteinte à la biodiversité, une cohérence consolidée au sein des documents d’urbanisme des collectivités territoriales, pour ne citer que quelques mesures. C’est considérable, et nous en sommes heureux.
Cependant, nous regrettons l’évolution du débat en commission qui a conduit à la suppression de l’article sur les produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes. Nous proposerons son rétablissement.
Concernant le titre VI, qui porte sur les paysages, nous sommes satisfaits de la réécriture effectuée par la commission, car elle permet de conserver pour l’avenir la possibilité de désigner des sites « inscrits ».
J’en viens au sujet qui nous préoccupe particulièrement : les réserves d’actifs naturels.
Les dispositions insérées à l’Assemblée nationale visent à définir les conditions de la compensation en application du principe « ERC », reconnu dans notre droit et prévu dans les traités internationaux, principe selon lequel il convient d’abord d’éviter, puis de réduire, enfin seulement de compenser les effets des activités humaines sur la nature et la biodiversité.
En engageant la réglementation de cette compensation à l’aide d’un dispositif dit de « réserve d’actifs », ce projet de loi fait un pas dans le sens de la financiarisation de la biodiversité : payer pour avoir le droit de polluer, en somme… Nous ne sommes pas certains que ce dispositif ait démontré son efficacité, mais, mon temps de parole étant épuisé, je me bornerai à dire que nous espérons que nos débats permettront de faire évoluer le projet de loi sur ce point.
Voilà, mes chers collègues, les quelques éléments que je voulais évoquer à l’ouverture de nos débats sur un sujet qui mériterait autant d’engagement que le climat.
Madame la ministre, à quand une COP à Paris sur la biodiversité ?
Un sénateur du groupe UDI-UC. Pourquoi à Paris ?
Mme Évelyne Didier. Madame la ministre, je salue à cet instant votre engagement, votre écoute et celle de M. le rapporteur. Nos réserves sont réelles, mais elles ne nous empêchent pas d’avoir un regard positif sur le texte en l’état et de reconnaître les progrès accomplis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Poher.
M. Hervé Poher. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes au début de la discussion du projet de loi « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ». Si je me permets de répéter ce titre, c’est simplement parce que chaque mot est important, chaque mot est essentiel, chaque mot est responsable !
Important dans la démarche, parce que la reconquête est une véritable ambition, et toutes les lois ne parlent pas de reconquête.
Essentiel dans les champs d’intervention : la nature, les paysages, la biodiversité font bien partie de notre environnement commun, de notre patrimoine commun, de notre héritage commun… Héritage en indivision, pourrais-je même ajouter.
Responsable enfin dans les objectifs et les moyens d’y arriver, parce que, quelles que soient nos sensibilités, nous sommes tous d’accord : on ne peut plus se permettre d’attendre et on ne peut pas rester inerte quand on entend parler de sixième extinction.
Aussi, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rester sur cette ligne directrice et de vous parler non pas du contenu du projet de loi, que nous aurons l’occasion d’examiner pendant trois jours, mais bien de la démarche, des objectifs et de la philosophie.
Tout d’abord, je ferai une remarque. On reproche souvent aux décideurs et aux politiques de n’avoir ni continuité dans l’action ni logique. C’est un reproche qu’on ne peut sincèrement vous faire, madame la ministre. Loi sur la transition énergétique, mobilisation pour le climat, reconquête de la biodiversité… Il y a une logique ; il y a une continuité ; il y a un fil rouge. Personne ne peut dire le contraire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Ensuite, parlons de la philosophie et du fond.
Dans ce noble palais, et parce que c’est le processus législatif qui le veut, les mots qu’on entend le plus sont « code, procédure, contentieux, portée juridique, droit »… C’est logique, mais je vous demande l’autorisation de rester dans un tout autre registre. Parce que la biodiversité m’y pousse, parce que la biodiversité m’en donne l’occasion et parce que la biodiversité le mérite, je vais essayer de mettre un peu de tendresse dans un océan de pragmatisme. (Ah ! sur les mêmes travées.)
M. Hubert Falco. Très bien !
M. Jean-François Husson. Quelle chance vous avez !
M. Hervé Poher. J’ai eu la chance et l’honneur de présider, dans une vie antérieure et pendant quelques années, un parc naturel régional. Un parc, c’est forcément un territoire d’expérimentation, d’exception et d’excellence. Du moins, ce devrait l’être.
Lors de mon dernier discours de président, je n’ai pas pu m’empêcher de rappeler à mes collègues, élus, responsables, gestionnaires et décideurs, la chose suivante : « N’oubliez jamais que les gens ont besoin qu’on leur raconte une histoire,…
M. Jérôme Bignon, rapporteur. C’est vrai !
M. Hervé Poher. … joyeuse ou triste, vraisemblable ou impossible, réaliste ou fantasmagorique… Peu importe : le principal, c’est qu’on leur raconte une histoire. Si nous, décideurs, nous ne le faisons pas, les gens écriront une histoire eux-mêmes et le résultat ne sera pas toujours ce qu’on aurait souhaité. »
Si je vous dis cela, mes chers collègues, c’est simplement parce que la biodiversité, la nature et les paysages peuvent être et sont, par essence même, des ingrédients formidables pour créer une véritable histoire et inventer une nouvelle et belle aventure. Avec de surcroît le mot « reconquête », que demander de plus ?…
C’est effectivement une belle aventure : Nicolas Hulot, Yann Arthus-Bertrand ou Jacques Perrin nous l’ont démontré et le démontrent régulièrement. Et c’est tout à fait normal, car, pour chacun d’entre nous, quelles que soient notre personnalité et l’image que l’on veut donner, l’ours, le dauphin et l’éléphant font obligatoirement partie de notre enfance. La fleur, quelle qu’elle soit, est et sera toujours une image de la beauté parfaite. Un coucher de soleil sur un horizon vierge, c’est forcément un moment de plaisir. Et, pour petits et grands, la coccinelle restera toujours la bête à bon Dieu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Hervé Poher. Comment voulez-vous ne pas inventer de belles histoires avec tout cela ? Même si, je le répète, ce n’est pas forcément une habitude dans cette maison, mais même nous, législateurs, ne devons jamais oublier ce que veulent les gens !
Sur la finalité, sur l’objectif, sur l’ambition, je crois pouvoir dire, madame la ministre, que nous sommes tous d’accord, de droite ou de gauche, vieux ou jeunes, ruraux ou citadins, parce qu’il s’agit d’héritage commun, de patrimoine commun.
Bien sûr, au cours de la discussion, nous verrons apparaître quelques nuances, quelques options, quelques divergences, voire quelques oppositions sur certains articles. C’est logique, c’est la règle du jeu et il est presque normal que certains défendent leur vision de la nature et de sa gestion, de la biodiversité, du fonctionnement et de l’activité de l’homme au sein de son environnement. Je veux, bien entendu, parler du monde agricole et de nos amis chasseurs.
Mais le principal, quand on est d’accord sur l’objectif, c’est d’informer, de parler, d’échanger, en n’oubliant jamais que, la biodiversité, ce n’est pas que des contentieux, du droit et de la procédure. C’est aussi du symbole, de l’image, du vivant. Malheureusement, toutes les lois n’ont pas ces qualités !
Voilà pourquoi, en réunion de commission, lorsque nous avons eu le plaisir de discuter avec vous, madame la ministre, j’ai commencé en vous disant : « Merci de nous avoir fourni un document qui fait travailler nos neurones tout en alimentant notre affectif. » Ce n’était pas qu’une formule de politesse ni une formule de style. C’était le simple remerciement d’un citoyen lambda, praticien de la nature, amoureux des paysages et pleinement conscient du rôle initiatique que doit avoir un grand-père.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Très bien !
M. Hervé Poher. Qu’une loi soit le nouveau début d’une grande aventure, avec des victoires et, surtout, des reconquêtes, pourquoi pas ?
Marquer son temps et laisser son empreinte, pour un humain ou pour une loi, c’est quand même une noble ambition. C’est en tout cas tout le malheur que je souhaite au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Bravo ! C’était très littéraire !
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au moment d’entamer – enfin ! –, près d’un an déjà après son examen à l’Assemblée nationale, la discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, je me dois tout de même d’exprimer quelques craintes quant à la nature du débat qui nous attend.
Nous pouvons en effet toujours redouter que, au-delà des discours généreux et généraux sur l’importance de la biodiversité, de possibles coalitions entre tenants d’une agriculture toujours plus shootée aux produits phytosanitaires, porte-voix des défenseurs du droit de chasser sans contrainte et défenseurs de grandes infrastructures qui font marcher le BTP ne transforment le Sénat en caisse de résonance de cette petite musique « L’environnement, cela commence à bien faire », ici reprise en chœur. Toutefois, le pire n’est pas non plus certain. C’est pourquoi je rends ici hommage au rapporteur Jérôme Bignon et à l’ensemble de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable présidée par Hervé Maurey d’avoir su travailler ensemble et pu améliorer un texte sans le détricoter.
Madame la ministre, il faut beaucoup d’abnégation pour tenter d’apprendre à ce pays à acquérir une approche raisonnable des questions de protection de la nature, tant la France, plus que d’autres pays, semble rechigner à considérer la biodiversité comme un enjeu majeur de politique publique au point de nier les conséquences désastreuses d’un effondrement de cette biodiversité, socle pourtant de notre alimentation, de notre santé et, bien sûr, de notre climat. Pour illustrer ce constat, il n’est qu’à comparer la situation de l’ours en France et dans les pays voisins – Italie ou Espagne – où il est un étendard des campagnes de promotion touristique.
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. En Californie !
M. Ronan Dantec. Presque partout en Europe, les populations de plantigrades sont plutôt en progression : 7 % de plus en sept ans dans l’Union européenne. En Grèce, un tracé d’autoroute a même été modifié pour les préserver ! Pourtant, en France, cet été, deux ours bruns mâles se sont frottés désespérément aux arbres, ont laissé leur odeur un peu partout, en espérant rencontrer des femelles qui n’existent malheureusement plus dans l’ouest des Pyrénées. (Mouvements divers sur plusieurs travées.)
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Le mariage pour tous va tout régler ! (Sourires.)
M. Ronan Dantec. Ainsi, nous allons débattre d’une loi sur l’enjeu majeur de la préservation de la biodiversité et de la faune sauvage, alors que la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, n’est pas capable de relâcher deux ourses, de trouver en son sein le minimum de consensus pour préserver son plus grand carnivore, laissant littéralement crever de solitude ses derniers plantigrades.
C’est dans ce contexte particulier que ce texte tente de se frayer un chemin, dans un pays où certains considèrent encore possible de défendre la chasse à la glu au nom de je ne sais quelle tradition historique ou culturelle. Je suis presque même surpris que nous n’ayons pas eu un amendement sur le retour des pièges à mâchoires… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Provocations inutiles !
M. Ronan Dantec. Pour préserver et reconquérir la biodiversité en France, nous savons pourtant globalement quels sont les enjeux. Il faut préserver le territoire, éviter la perte du sol, trop facilement artificialisé, fragmenté par des infrastructures, les mitages et les étalements d’urbanisation. Je regrette d’ailleurs – il en a été question en commission – que le principe de la protection des sols n’ait pas été plus fortement réaffirmé dans le projet de loi.
La cohérence globale de la trame verte et bleue et des continuités écologiques est justement l’un des véritables progrès apportés ces dernières années à la gestion de la biodiversité en France. Le schéma régional de cohérence écologique et le schéma régional d’aménagement du territoire, avec son caractère prescriptif, constituent de réelles avancées dans les textes que nous avons adoptés l’année dernière. On ne peut donc que s’inquiéter aujourd’hui de certaines déclarations, comme celle de Xavier Bertrand, nouveau président de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, de remettre en cause le SRCE, outil pourtant clef de préservation de la biodiversité.
Nous le voyons bien, le combat n’est pas encore totalement gagné et nous pouvons toujours nourrir quelques inquiétudes pour l’avenir. Espérons que, cette fois, avec une vision plus globale et partagée – ce sera bien l’un des rôles de l’Agence française pour la biodiversité –, nous réussirons à gagner définitivement cette bataille culturelle, tant certaines avancées restent encore fragiles. Dans cette optique se pose évidemment la question des moyens, qu’Évelyne Didier a longuement évoquée. Se pose aussi celle des mutualisations : alors que nous reconnaissons tous qu’il faut améliorer l’action publique, nous continuons à garder différentes polices de l’environnement réparties dans différentes agences, quand le sens de l’action publique imposerait de n’en avoir qu’une seule.
Dans les combats qui restent à mener, la question de la compensation est aussi centrale. Nous savons que, pour certains aménageurs, les principes « éviter, réduire, compenser » se transforment en « surtout éviter et réduire toute mesure de compensation ». Ce projet de loi devra tendre vers une obligation de résultat en termes d’équivalence écologique. J’espère que le débat au Sénat permettra d’avancer sur ce point et de définir des mesures de suivi et de contrôle efficientes, l’enjeu étant bien d’éviter au maximum d’avoir à compenser.
Je ne reviens pas sur les autres enjeux. Joël Labbé reviendra sur les agressions chimiques, notamment la question des néonicotinoïdes. La non-privatisation des ressources naturelles, le refus de la brevetabilité à tout-va spoliant les communautés traditionnelles de leur savoir-faire constituent aussi un enjeu important, Marie-Christine Blandin aura l’occasion de proposer des amendements d’encadrement lors de la discussion des articles.
Mes chers collègues, le projet de loi comporte plusieurs avancées. À cet égard, je remercie Mme la ministre de son écoute, qui a déjà permis à l’Assemblée nationale d’intégrer des amendements d’importance. Toutefois, ce texte est imparfait pour atteindre l’enjeu qui est de stopper la perte du vivant dans notre pays, y compris dans les territoires ultramarins, et de trouver l’équilibre entre activités humaines et préservation des écosystèmes. Nous n’avons pourtant pas le choix. Si nous ne trouvons pas cet équilibre, c’est bien notre avenir que nous menaçons.
Peu de débats disent autant la difficulté de se dégager du court terme, voire parfois de la prochaine échéance électorale. La commission du développement durable, je l’ai dit, a souvent été capable d’améliorer le texte et d’appréhender ce long terme. Essayons donc de poursuivre dans cette voie et évitons de laisser plus longtemps deux ours célibataires se morfondre dans les Pyrénées françaises ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la biodiversité doit bien évidemment être un souci permanent, car, sans elle, nous en sommes tous convaincus, plus de vie humaine ! Toutefois, un développement durable de nos sociétés doit envisager la biodiversité dans sa globalité : les usages doivent être vus non pas uniquement comme un problème, mais aussi comme une partie de la solution, car les utilisateurs de la ressource ont indéniablement un intérêt à la conserver.
Si ce texte vise à reconquérir la biodiversité, il est aussi une nouvelle fois le révélateur d’une contradiction majeure. Il tente en effet de répondre à des bouleversements engendrés par votre modèle économique ultralibéral et mondialiste, mais, plutôt que de remettre en cause ce modèle, vous préférez essayer d’en limiter les effets pervers. Vous tentez de vous attaquer aux conséquences, sans jamais vous attaquer aux causes, les Verts ou écolos autoproclamés, mondialistes assumés, se faisant ainsi les alliés objectifs des transnationales, dont la priorité ne sera jamais que d’accumuler des milliards de profits au mépris de tout respect écologique.
Face à ce sans-frontiérisme ennemi de l’équilibre écologique, le protectionnisme intelligent que nous proposons est un moyen de limiter l’envahissement de nos marchés par des produits fabriqués dans des pays qui ne respectent aucune norme, pas même et surtout pas des normes environnementales.
Dans ces conditions, comment pouvons-nous débattre la main sur le cœur de la « reconquête de la biodiversité » et, dans le même temps, continuer à négocier, ou plutôt à se faire tordre le bras, pour signer le traité transatlantique dit « TAFTA », dont les objectifs sont diamétralement opposés à ceux qu’affiche ce texte ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour respecter la biodiversité, soyons donc pragmatiques : instaurons un patriotisme économique et écologique en revenant à la proximité. Produisons et consommons local ! Je ne prendrai que l’exemple des quinze millions de repas servis chaque année dans les lycées de ma région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Voilà un marché qui doit être alimenté par un réseau de producteurs locaux. L’Europe, pour une fois, nous le permet. Qu’attendons-nous pour saisir cette opportunité, qui servira autant l’emploi que l’environnement ? Nul doute que notre super résistant niçois y pourvoira…
Permettez-moi également de relever sur un autre sujet environnemental l’incohérence du Gouvernement ! Madame la ministre, comment pouvez-vous nous présenter un texte qui vise à reconquérir la biodiversité, alors que, dans le même temps, le Premier ministre justifie l’autorisation de polluer davantage ce site remarquable que sont les calanques marseillaises après avoir accepté le rejet d’effluents liquides hautement toxiques par la société Alteo, laquelle a pratiqué le chantage à l’emploi pour masquer sa coupable inertie ? Même si c’est contre votre gré, vous mettez ainsi en péril la biodiversité marine dans ce joyau naturel, mais également l’emploi de nombreux professionnels de la pêche.
Puisqu’on est dans le Sud, il me faut dire un mot d’une tradition millénaire qui a failli faire les frais de l’idéologie sectaire des écologistes,…
M. Joël Labbé. Ça suffit !
M. Stéphane Ravier. … plus préoccupée par la destruction de notre identité que par la préservation de la biodiversité. Je parle bien évidemment de la si mal nommée « chasse à la glu » ; si mal nommée, car l’action est non pas de chasser, mais de capturer des oiseaux vivants afin d’en faire des appelants.
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. C’est vrai !
M. Stéphane Ravier. Une chasse, plutôt une technique, très encadrée, ultra-réglementée dans le temps et dans son fonctionnement, avec un carnet de capture contrôlé et un nombre total d’oiseaux capturés sur une saison de trois mois – durée dérisoire – qui n’a bien sûr rien à voir avec la disparition des 400 millions d’oiseaux qui ont été évoqués. Il s’agit ici d’une transmission de notre identité, et il faut tout l’acharnement idéologique de quelques ayatollahs verdoyants (Exclamations sur plusieurs travées) pour vouloir faire table rase de cette tradition. Je me félicite que la commission ait supprimé cette interdiction.
Oui, les chasseurs et surtout les chasseurs traditionnels sont les principaux alliés de toute personne se réclamant de la défense de l’environnement ! Un chasseur à la glu, héritier d’une tradition millénaire, qui vit au contact de la nature, me semble bien plus soucieux et expert de la biodiversité qu’un écolo-bobo qui n’a jamais connu de marais que le Marais parisien ! (Vives exclamations sur de nombreuses travées.)
M. Joël Labbé. Oh !
M. Michel Raison. Populisme !
M. Stéphane Ravier. Notre cohérence nous pousse à proposer une réelle écologie débarrassée de tout écologisme, et nous refusons ainsi la soumission aux firmes agrochimiques. Ainsi, comme nous l’avions fait voilà quelques mois, nous réitérons notre soutien à l’interdiction des néonicotinoïdes, et nous regrettons que la commission ait supprimé cette interdiction.
Pour conclure, je voudrais dire que nous soutenons bien évidemment la reconquête de la biodiversité et nous reprenons, pour résumer l’action qui doit être menée, les propos du Saint-Père dans son encyclique Laudato si’ (Exclamations sur plusieurs travées.),…
M. François Grosdidier. Lisez aussi celle sur les migrants !
M. Stéphane Ravier. … abondamment citée au moment de la COP 21 : « Une stratégie de changement réel exige de repenser la totalité des processus, puisqu’il ne suffit pas d’inclure des considérations écologiques superficielles pendant qu’on ne remet pas en cause la logique sous-jacente à la logique actuelle. »
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprimerai sur un autre ton…
Le Sénat examine aujourd’hui un projet de loi crucial et attendu relatif à la protection de notre biodiversité et à la simplification de sa gouvernance. Dans la lignée des engagements internationaux contraignants fournis par les États à l’issue de la 21e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies contre le changement climatique, la COP 21, notre gouvernement érige une nouvelle fois les enjeux environnementaux au premier rang de ses priorités.
Au mois d’août dernier, l’ONG Global Footprint Network, créatrice du concept d’« empreinte écologique », célébrait amèrement ce qu’elle a nommé « le jour du dépassement », date de l’année à laquelle l’ensemble des ressources renouvelables de la planète disponibles pour une année ont été entièrement consommées. Au-delà de cette date, fixée en 2015 au 13 août, notre humanité vivrait ainsi « à crédit », puisant pour les quatre mois restants ses besoins en ressources dans des réserves non renouvelables. Ce décalage entre nos besoins et les possibilités de notre planète font encourir l’épuisement des ressources et, par voie de conséquence, la dégradation de notre biodiversité. Le constat est donc le suivant : il faudrait aujourd’hui à l’humanité une planète et demie pour absorber l’ensemble de ses besoins. À ce rythme, il lui en faudra deux d’ici à 2030. Avec ces quelques chiffres, nous prenons la mesure de l’ampleur du défi qui s’ouvre devant nous et qui devient de jour en jour plus urgent.
Nous le savons, la France possède un patrimoine naturel extrêmement riche. Elle est le deuxième espace maritime du monde et possède, grâce aux outre-mer, une biodiversité marine d’exception. Elle est aussi le seul pays européen à posséder une triple façade maritime. Pour autant, et comme le souligne notre collègue Jérôme Bignon dans son excellent rapport, elle est le cinquième pays du monde hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées.
Comme nous l’ont rappelé les nombreuses personnes auditionnées cette année, cette richesse commune est particulièrement menacée par la surexploitation, la destruction des habitats naturels, la pollution ou l’introduction d’espèces envahissantes. Nous sommes vulnérables non seulement à l’érosion croissante de nos réserves, mais aussi à la dégradation des écosystèmes et au dérèglement climatique.
Cette responsabilité est globale, elle dépasse le cadre de notre pays, voire de notre continent : à l’échelle de la planète, ce sont 30 % des espèces mondiales qui sont menacées de disparition d’ici à 2050. Dans les territoires ultramarins, qui abritent plus de 90 % de la faune invertébrée et des plantes spécifiques à la France, ce sont plus de 15 % des espèces qui sont en danger.
Actant l’urgence du défi à relever, la France, par la voix de son gouvernement, amorce un tournant majeur en matière de prise de conscience environnementale, comme en témoignent les aboutissements contraignants de la conférence de Paris pour le climat. Le présent projet de loi vient former, avec la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, un dispositif législatif ambitieux en faveur de l’avènement d’un modèle économique et social plus respectueux de notre planète.
En tentant de fournir des alternatives concrètes à nos modes actuels de production et de consommation, ces deux textes nous permettent de mettre en œuvre dans les meilleures conditions une transition écologique. Ils ont vocation à faire de la France un modèle d’excellence environnementale pour la croissance verte et bleue. Je salue donc un texte transversal liant le concept de biodiversité à un ensemble d’enjeux globaux, à commencer par le changement climatique et la croissance économique.
Il n’est nul besoin de le rappeler, la préservation de notre biodiversité conditionne nos possibilités futures d’approvisionnement en ressources naturelles, particulièrement en matières premières. Elle ne se limite pas à une volonté, certes importante, de préservation des espaces naturels et des espèces vivantes, car la détérioration de nos écosystèmes menace également notre accès à l’eau potable, aux matières premières alimentaires et, à terme, notre bien-être. La biodiversité est également un vivier pour la recherche et l’innovation, avec potentiellement, à la clé, des emplois et des activités durables. En somme, la conservation de notre biodiversité est un maillon indispensable du processus économique et social de transition écologique.
Le présent projet de loi tente ainsi de faire face à un enjeu clé en matière de biodiversité, celui de la gouvernance. Nous saluons à ce titre la création d’un interlocuteur unique doté de moyens considérables, l’Agence française pour la biodiversité, destinée à porter d’une seule voix la stratégie nationale pour la biodiversité. Nous rappelons néanmoins les nécessités de consolider le périmètre de ses missions et de lui assurer un réel pouvoir de décision.
La protection de la biodiversité est un devoir auquel nul ne peut se soustraire, ni les instances gouvernementales, ni les associations, ni les citoyens. La genèse d’une instance inclusive et participative, le Comité national de la biodiversité, est à nos yeux également positive.
En ma qualité d’animateur du pôle « développement durable » de ma collectivité, j’insiste fortement sur l’indispensable représentation de tous les territoires d’outre-mer dans ces deux instances, ces territoires abritant une part considérable de la biodiversité de notre pays.
Compte tenu de la richesse que représentent les territoires ultramarins, la prise de conscience les concernant doit être plus forte. En effet, leur biodiversité est confrontée quotidiennement aux aléas du climat et de l’activité humaine.
La dégradation des mangroves nous rend plus vulnérables aux catastrophes naturelles. Les dégâts causés à Saint-Martin par les ouragans Luis et Marilyn en 1995, plus récemment par Gonzalo, nous l’ont amèrement rappelé.
Dans un autre registre, la prolifération des algues sargasses sur nos littoraux et l’arrivée d’espèces invasives dans nos eaux, tel le poisson-lion, sont autant de menaces pour la préservation de notre biodiversité.
Nos îles, isolées, sont également fortement exposées à l’acidité accrue de nos eaux et à la montée du niveau des mers.
Le groupe du RDSE, conscient de la nécessité de simplifier la gouvernance des politiques en faveur de la biodiversité, salue l’initiative de ce texte. La richesse de nos écosystèmes est un atout social, économique et environnemental pour notre pays. Il est de notre devoir de parlementaires de sensibiliser sans relâche nos concitoyens à l’urgence de ces problématiques.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons pouvoir approuver le plus largement possible ce texte mardi prochain. Son adoption dépendra bien évidemment de nos travaux et de nos échanges cette semaine dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno.
Mme Chantal Jouanno. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout texte ayant trait à la biodiversité est à l’origine en général d’antagonismes parfois irréconciliables, reposant sur une vision plus philosophique que scientifique de l’homme. Deux sujets suscitent néanmoins un assez grand consensus : la création de l’Agence française de la biodiversité et l’application du protocole de Nagoya, sur lesquelles le Sénat comme l’Assemblée nationale travaillent de longue date.
La création de l’Agence française de la biodiversité est une formidable occasion de mettre en commun notre immense potentiel d’expertise. La France compte dans ce domaine des scientifiques absolument remarquables. La création de cette agence, la fameuse agence de la nature, était un engagement du Grenelle de l’environnement – il s’agissait de l’engagement n° 78. En qualité de secrétaire d’État à l’écologie, j’avais commencé à travailler sur ce projet, mais je n’ai pas exercé mes fonctions aussi longtemps que cela était prévu…
Comme un certain nombre de mes collègues, je regrette que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage ne puisse pas être complètement partie intégrante de cette agence. Les chasseurs le disent pourtant souvent : ils sont des connaisseurs de la biodiversité. J’imagine que nous parviendrons à progresser sur ce point.
La transcription dans notre droit du protocole de Nagoya est aussi absolument fondamentale. Ce protocole, à la négociation duquel nous avons participé en 2010, cher Jérôme Bignon, est une belle réussite des Nations unies. Il contient deux principes, qui, s’ils peuvent paraître anodins, sont absolument fondamentaux.
Le premier, c’est la reconnaissance de la contribution de la biodiversité au développement économique. Ainsi, de 25 % à 50 % de nos médicaments sont issus des ressources génétiques, ce qui représente un marché supérieur à 640 milliards de dollars.
Le second principe, c’est la patrimonialité de la biodiversité. Les peuples qui contribuent à découvrir, à entretenir, à protéger ces ressources et la biodiversité doivent bénéficier d’une partie des richesses économiques à la création desquelles ils participent. J’imagine que des discussions auront lieu sur l’équilibre entre la concertation avec les peuples autochtones et le droit de la propriété intellectuelle.
Vous l’avez évidemment compris, j’adhère à ce texte, qui s’inscrit dans le cadre de mes convictions. Y a-t-il plus beau sujet qu’un débat sur le vivant sur la planète et dans les océans ? La biodiversité, c’est en effet très simple : c’est le vivant sur la planète et dans les océans.
Un débat, ici, au Sénat, avec de grands scientifiques, comme Gilles Bœuf, Hubert Reeves, Christophe Aubel ou Jean-Marie Pelt, si ce dernier ne nous avait malheureusement pas quittés, aurait d’ailleurs été utile pour battre en brèche la traduction trop rapide de Darwin selon laquelle l’homme serait étranger à une nature par essence hostile et sauvage. Regardons l’histoire : depuis 3,9 milliards d’années, c'est-à-dire depuis le début de la vie sur Terre, la vie se construit selon le principe de l’associativité. Des protocellules aux métazoaires, puis à l’apparition de la sexualité, le principe dominant est celui de l’association des cellules pour créer une entité nouvelle dont les qualités sont supérieures à la seule addition des entités qui la compose.
L’homme n’est pas étranger à la nature. Vous êtes tous ici, mes chers collègues, comme je vous le dis fréquemment, une ode à la biodiversité. Vous avez dans votre corps dix fois plus de cellules non humaines que de cellules humaines. C’est ce qui contribue à vous maintenir en vie.
Bien évidemment, tout est lié. C’est pour cela que l’on peut s’inquiéter de la disparition des espèces. Les scientifiques évoquent une sixième extinction des espèces. Je vous rappelle que, lors de la plus importante d’entre elles, la troisième, 96 % de toute forme de vie avait disparu de la Terre. Nous nous devons donc d’agir !
Il a été question aujourd'hui de la nécessité de parvenir à un équilibre dans le texte. En réalité, le déséquilibre est total, compte tenu de la rapidité à laquelle disparaît la biodiversité. Il n’est pourtant pas si compliqué d’agir, les scientifiques ayant clairement identifié les causes de disparition de la biodiversité : la disparition des habitats des espèces, la surexploitation des espèces, leur dissémination anarchique et enfin les changements climatiques.
J’entends bien la difficulté de traduire concrètement les principes sur le terrain, mais le présent texte contient des principes très importants, auxquels je suis favorable, comme la solidarité écologique et la clarification de la compensation. Pour ma part, j’aurais aimé qu’on conserve le principe de non-perte de biodiversité, ou à tout le moins cet objectif. Ces principes sont nécessaires.
De même, je suis favorable à l’interdiction du chalutage profond, dont on connaît les effets dévastateurs.
Je suis favorable également à l’interdiction des néonicotinoïdes, dont nous reparlerons. Il nous faudra trouver un équilibre en termes de calendrier pour interdire ce type de produits.
Je suis aussi favorable à la suppression des méthodes cruelles de chasse. Nous connaissons aujourd'hui la sensibilité animale. Autant la chasse est nécessaire puisque les équilibres naturels ne fonctionnent plus – les grands prédateurs ont aujourd'hui disparu –, autant certaines méthodes de chasse, comme la chasse à la glu, me laissent perplexe. (Exclamations sur certaines travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Ravier. Allez sur le terrain, vous verrez ce qu’il en est !
Mme Chantal Jouanno. Je vous invite à vous pencher sur la réalité de cette pratique !
Mes chers collègues, vous connaissez mes convictions, elles n’ont pas changé. Notre débat et nos oppositions sont nécessaires, mais je vous invite, au lieu de faire de la politique, à écouter ce que disent les scientifiques. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre temps n’a que des incertitudes géopolitiques, économiques ou politiques à nous proposer. Toutefois, l’accord de Paris sur le climat intervenu le 12 décembre 2015 constitue une accalmie et suscite un large consensus auprès de nos concitoyens. Voilà enfin un grand sujet de notre temps dont gouvernements et sociétés civiles semblent s’être emparés avec vigueur. À l’issue d’un travail considérable, notre excellent rapporteur, Jérôme Bignon, a su rendre le texte qui nous est aujourd'hui proposé équilibré et donc applicable.
Ce chantier d’une ampleur exceptionnelle doit participer à l’édification d’un nouveau modèle économique, énergétique et écologique. C’est finalement tout notre modèle actuel de développement qu’il faut questionner. Je partage ce postulat de départ sans réserve, d’autant plus aisément que je ne fais pas mien les discours culpabilisants tournés vers le passé.
La poursuite du progrès technique et une croissance purement extensive nous ont conduits à cette sorte d’adolescence technologique dans laquelle nous nous trouvons et dont il convient de sortir pour s’engager résolument dans un nouveau mode de gestion de notre planète. Telle est la raison d’être de ces deux grands textes que sont la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont la Haute Assemblée est aujourd'hui saisie.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dont j’ai eu l’honneur d’être l’un des rapporteurs, visait déjà à adapter notre économie aux nouvelles contingences climatiques et énergétiques. Nous introduisions une nouvelle vision, un nouveau paradigme qui bousculait les traditionnelles visions antérieures, voire un certain nombre de lobbies.
Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages est pour moi complémentaire de la loi relative à la transition énergétique. Il participe lui aussi, depuis les lois Grenelle, à la nouvelle grande politique publique en matière d’écologie que nous appelons de nos vœux, compte tenu de la dégradation accélérée et dramatique de notre « maison commune », pour reprendre l’expression tant du pape François que d’Hubert Reeves.
Le rapport publié le 19 juin dernier par les experts des plus prestigieuses universités américaines - Stanford, Princeton ou Berkeley - évoque désormais le risque d’une sixième extinction de masse. C’est, pour moi, et cela devrait l’être pour nous tous, une alerte rouge majeure !
La maison est donc bien en feu : de grâce, ne regardons pas ailleurs ! Il s’agit effectivement de reconquête. Saint-Exupéry avait très bien décrit notre situation : « On n’hérite pas de la terre de nos ancêtres, on l’emprunte à nos enfants. » C’est notre responsabilité humaine, morale et politique qui est engagée.
Je voudrais donc me féliciter de la substance de ce texte à travers plusieurs exemples. Je pense d’abord à la réforme de la gouvernance, avec un nouveau système d’accès et de partage des avantages. Le texte s’attaque également au nouveau périmètre des parcs naturels régionaux. Enfin, le projet de loi institue les contrats d’obligations environnementales, de même qu’il entend favoriser le développement des activités en mer.
Ce projet de loi est donc manifestement ambitieux. Pour autant, son architecture est-elle cohérente ? Je ne ferai pas grief au Gouvernement sur ce point, mais je serai critique sur nombre d’articles additionnels qui sont venus parasiter ce projet de loi. Ces articles, introduits à l’Assemblée nationale par des membres de la majorité, mais qui ne sont pas le fait du Gouvernement, ont affaibli le texte en rompant avec son architecture initiale. Je pense notamment à l’article 74 visant à interdire la publicité sur les monuments historiques à l’occasion de travaux et aux centaines d’amendements apparus ces derniers jours, qui ne peuvent que porter atteinte à la qualité du travail parlementaire.
Pour la bonne compréhension politique de ce texte, on peut regretter ces ajouts qui confirment l’adage : « le mieux est l’ennemi du bien ». C’est parce que ces articles venaient mettre à mal un équilibre précaire que je salue les initiatives de notre rapporteur, qui a souhaité rendre à ce texte sa clarté originelle et son équilibre. Le projet de loi a donc retrouvé son architecture initiale.
S’agissant des choix structurants, je m’autorise là encore quelques remarques. En matière de gouvernance de la biodiversité, ce texte commet une omission importante, car il ne fait qu’effleurer la réforme de la police de l’environnement, qui est un sujet très sensible.
S’agissant ensuite du système d’accès et de partage des avantages, dit APA, découlant de l’utilisation de ressources génétiques, il s’agit de mettre en œuvre le protocole de Nagoya qui a été signé par la France le 20 septembre 2011, tel que cela a été rappelé.
Malheureusement, le texte soumis à notre examen ne lève pas encore toutes les inquiétudes. Sur ce point, il nous faut à nouveau être plus clairs. Ce dispositif doit s’appliquer aux nouvelles utilisations qui peuvent être faites d’une ressource génétique. Cependant, ce dispositif ne doit souffrir d’aucune ambiguïté sur son éventuel caractère rétroactif. Or tel n’est pas le cas pour l’instant.
Pour conclure, je voudrais évoquer l’article 33 et les obligations environnementales.
Ici encore, nous saluons l’action de notre rapporteur, qui est venu sécuriser un dispositif qui pouvait, dans sa première mouture, se retourner contre la profession agricole, première concernée par celui-ci - profession qui traverse une passe difficile, rappelons-le, qu’il faut aider et accompagner, plutôt que sanctionner.
Ce contrat, car il s’agit d’un contrat, ne pourra pas s’imposer aux agriculteurs. Ils seront libres de consentir ou non à ces obligations environnementales. Cependant, je compte sur leurs compétences, leurs connaissances du terrain et l’amour qu’ils portent à la nature pour définir des politiques ambitieuses de reconquête de la biodiversité dont les Français seront fiers. Nous nous rapprochons ainsi de l’écologie incitative que vous prônez, madame la ministre, à juste raison.
Dernier dispositif que je souhaitais évoquer : l’article 69 et la nouvelle politique sur les sites inscrits au titre du code de l’environnement.
Pour le dire très simplement, je crois que c’est une erreur que notre collègue et rapporteur Jérôme Bignon est venu corriger en modifiant les critères de cette rationalisation excessive et en réinstaurant la possibilité d’inscrire de nouveaux sites.
Je dois à la vérité confesser que j’étais circonspect à la lecture du texte transmis par l’Assemblée nationale. Nous étions passés d’un texte rationnel et ambitieux à un texte parfois insécurisant pour les acteurs économiques, voire à un texte brouillon, un peu à l’image de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte que le Sénat avait bien modifiée en son temps. Aujourd’hui, avec les modifications envisagées par le rapporteur, le texte retrouve son équilibre et toute sa force pédagogique et pragmatique. En conséquence, je peux à nouveau émettre un vote favorable sur un projet de loi ô combien nécessaire pour les générations futures et l’avenir de la planète. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
13
Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire
Mme la présidente. La commission des affaires étrangères a proposé une candidature pour le Conseil national du développement et de la solidarité internationale.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Henri de Raincourt membre titulaire du Conseil national du développement et de la solidarité internationale.
14
Nomination d'un membre d'une délégation sénatoriale
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Christiane Hummel membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Vivette Lopez, démissionnaire.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
15
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et le site internet du Sénat.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je salue la présence dans nos tribunes des militaires du 1er régiment de tirailleurs d’Épinal, qui participent à l’opération Sentinelle. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)
À travers eux, je remercie l’ensemble des militaires, des forces de police et de gendarmerie, des services civils qui assurent notre sécurité à tous. (Applaudissements.)
annonces du président de la république pour l’emploi
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour le groupe socialiste et républicain.
J’indique que l’horaire sera aujourd’hui militaire : deux minutes ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Boulard. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et porte sur le plan pour l’emploi présenté par le Président de la République devant le Conseil économique, social et environnemental. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce plan répond à une urgence sociale – cela devrait être reconnu. Ce n’est pas un plan de corrections statistiques : un jeune en formation, c’est mieux, humainement, qu’un jeune au chômage ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ce plan, en vérité, traite d’un certain nombre d’obstacles structurels à l’emploi, qu’il s’agisse de l’allégement du coût de la première embauche, de la simplification des recrutements, et, surtout, de la mobilisation de notre appareil de formation et de la correction de son inadaptation au marché de l’emploi. Un paradoxe illustre cette inadaptation : l’existence d’offres d’emploi non satisfaites dans une société de chômage massif. Ainsi, des entreprises qui ont des projets de développement dans le secteur du numérique se heurtent à l’insuffisance des qualifications dans ce domaine, alors que, dans nos quartiers, beaucoup de jeunes aptes à la formation maîtrisent mieux le langage informatique que la langue de Molière.
Ma question est très simple : au-delà de la mobilisation attendue des régions, quelles mesures concrètes le Gouvernement envisage-t-il pour assurer le succès de ce plan ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Nous le savons, le contexte économique – comme l’attestent les prévisions de croissance – permettra de créer plus d’emplois en 2016 qu’en 2015. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Néanmoins, nous savons qu’une partie des demandeurs d’emploi, les moins qualifiés, peuvent rester sur le bord du chemin.
L’enjeu de ce plan de formation est donc de partir des besoins des entreprises, bassin d’emploi par bassin d’emploi, pour construire des parcours de formation et d’insertion dans l’emploi. Nous avons de formidables outils pour ce faire, mais, parfois, les lourdeurs administratives ne nous permettent pas toujours d’apporter des réponses dans des délais rapides.
J’ai saisi les DIRECCTE et l’ensemble des directeurs régionaux de Pôle emploi afin que, d’ici à la fin du mois, nous connaissions les besoins en matière d’emplois non pourvus, notamment dans les secteurs stratégiques – je pense à la transition énergétique ou au numérique –, et que nous puissions véritablement construire ces parcours de formation.
Le deuxième objectif de ce plan, c’est le soutien à la création d’emplois par le soutien à l’embauche. En effet, nous souhaitons également, à travers cette formation des demandeurs d’emploi, mieux accompagner la création d’entreprises. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Monsieur le sénateur, je sais que vous faites énormément dans ce domaine dans votre circonscription.
Nous savons que l’accompagnement des demandeurs d’emploi permet aussi de les rendre moins fragiles. La formation a donc un enjeu humain, mais elle est également bonne pour la compétitivité de notre pays. Sachez que nous partirons des besoins des entreprises et que nous développerons les préparations opérationnelles à l’emploi.
Le diagnostic doit bien sûr être partagé avec les régions. Celles-ci ont une compétence en matière de développement économique, en matière de formation professionnelle, en matière d’apprentissage.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Nous réunirons au début du mois de février l’ensemble des régions, avec les partenaires sociaux, pour définir avec elles les modalités pratiques de la mise en œuvre opérationnelle de ce plan. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste.)
M. Didier Guillaume. Très bonne réponse !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Boulard, pour la réplique.
M. Jean-Claude Boulard. Depuis le 1er janvier, tous nos vœux se terminent par un appel à l’union et au rassemblement. J’espère que, pour la réussite de ce plan, nous serons unis et rassemblés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
plan pour l’emploi et régionalisation de la formation professionnelle
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe UDI-UC. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-François Longeot. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, ma collègue Chantal Jouanno vous interrogeait sur votre politique économique. Vous lui répondiez que le Président de la République allait proposer un « plan », « de nouveaux outils » contre le chômage. Ce plan a été annoncé hier matin, et nous sommes tout sauf convaincus.
Pour rappel, avec 5,6 millions de chômeurs, c’est près de 10 % des Français qui sont sans emploi. Et 43 % d’entre eux sont des chômeurs de longue durée !
Le Président de la République invoque les aides publiques, un hypothétique assouplissement des 35 heures, promet une baisse des charges, mais après 2017. C’est une opération à 2 milliards d’euros financée par des économies non précisées.
Une prime à l’embauche n’est pas opportune : c’est d’une baisse pérenne des charges que les entreprises ont besoin pour recruter !
Financer 500 000 formations supplémentaires – soit moins de 1 % du nombre des chômeurs –…
M. Didier Guillaume. Ce serait déjà pas mal !
M. Jean-François Longeot. … pour déboucher sur un emploi : oui ! Pour donner l’illusion d’une baisse du chômage avant les élections : ce serait totalement inacceptable ! Il serait plus pertinent de réformer notre système de formation, horriblement complexe, coûteux et très peu réactif.
Libérer l’organisation du travail dans les entreprises : oui ! Mais aussi, réformons ce droit du travail qui se retourne d’abord et avant tout contre les demandeurs d’emploi ! Il faut plus de souplesse pour les entreprises !
Par ailleurs, il faut faire confiance aux régions. En 2015, le Sénat voulait confier aux présidents de région le pilotage du service public de l’emploi ; vous vous y êtes opposé, comme vous vous êtes également opposé à la régionalisation de Pôle emploi, à laquelle votre secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale était pourtant favorable.
M. le président. Votre question !
M. Jean-François Longeot. Monsieur le Premier ministre, allez-vous de nouveau changer d’avis et faire confiance aux régions, plus proches des réalités et des acteurs ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, vous dites que vous n’êtes pas convaincus. Mais de quoi n’êtes-vous pas convaincus ? Qu’il faut former les demandeurs d’emploi dans notre pays ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Qu’il faut mieux répondre à ces offres d’emploi non pourvues ?
On se compare toujours à l’Allemagne, mais, dans ce pays, on forme deux demandeurs d’emploi sur dix ; en Autriche, on forme quatre demandeurs d’emploi sur dix ; dans notre pays, on en forme un sur dix !
Alors, en effet, nous souhaitons mettre en œuvre un plan de formation supplémentaire des demandeurs d’emploi. Il ne s’agit pas d’un traitement statistique du chômage, vous le savez fort bien. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Les demandeurs d’emploi qui seront formés ne disparaîtront pas des chiffres de Pôle emploi.
M. Roger Karoutchi. Si !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Partir des besoins des entreprises, développer les préparations opérationnelles à l’emploi, passer, comme l’a dit hier le Président de la République, de 8 000 à 50 000 contrats de professionnalisation pour soutenir l’effort de formation des entreprises, voilà le premier enjeu de ce plan !
Le deuxième enjeu, c’est de véritablement soutenir la création d’emplois. En effet, durant le temps de basculement du CICE en allégements de charges pérennes, l’objectif est de mettre en place cette prime à l’embauche de manière à susciter de façon beaucoup plus massive des créations d’emplois à un moment où l’on observe une reprise de l’activité économique.
Monsieur le sénateur, je vous le dis très sincèrement : tous les acteurs de l’emploi devront prendre leurs responsabilités. Le Premier ministre organisera un séminaire avec l’ensemble des présidents de région (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.),…
M. François Grosdidier. On est sauvé !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … avec tous les partenaires sociaux, avec les représentants de l’État, à partir des besoins qui nous seront transmis bassin d’emploi par bassin d’emploi. L’objectif est de préparer ensemble la mise en œuvre opérationnelle de ce plan.
Enfin, vous le savez, le Président de la République l’a dit hier, nous sommes ouverts à toutes les expérimentations. Nous en discuterons lors de ce séminaire avec les présidents de région. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
situation agricole
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Claude Lenoir. Chacun le sait, notre agriculture et l’élevage français connaissent depuis des mois une crise sans précédent. Cette crise menace des dizaines de milliers d’emplois ainsi que nos territoires ruraux.
Le Gouvernement, en juillet dernier, a pris un certain nombre de mesures conjoncturelles pour soulager la trésorerie des exploitations.
Le Sénat, quant à lui, sur l’initiative de son président, travaille sans relâche en liaison avec la profession pour apporter des réponses structurelles à ce secteur d’activité et pour offrir des perspectives au monde agricole. C’est ainsi que, en décembre dernier, nous avons adopté à une large majorité une proposition de loi dont l’objet est de replacer la compétitivité au cœur de la politique agricole. Ce texte viendra en discussion le 4 février prochain devant l’Assemblée nationale.
Monsieur le ministre de l’agriculture, je voudrais savoir si vous allez soutenir cette proposition de loi devant les députés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la proposition de loi que nous avons débattue ici au Sénat et dont vous êtes à l’initiative, proposition de loi qui comportait un certain nombre de mesures.
Je voudrais rappeler que la crise de l’élevage que nous connaissons aujourd’hui est d’abord une crise de marché à l’échelle européenne et à l’échelle mondiale. En tant que grand pays exportateur de lait – ce qui est un atout –, nous sommes dépendants des évolutions de prix sur un marché qui est bien loin du marché européen : le marché asiatique.
Cette crise laitière a eu des conséquences également sur la filière bovine puisque les restructurations qui ont été engagées dans un certain nombre de pays se sont traduites par des abattages de vaches de réforme laitières qui ont pesé sur le marché de la viande bovine.
La filière de la viande porcine, quant à elle, est extrêmement touchée aujourd’hui. Le marché est dans cette situation depuis près de dix ans et a perdu en compétitivité. C’est un débat que nous avons eu lors de l’examen de votre proposition de loi.
À cet égard, je rappelle que le pacte de responsabilité, dans sa partie consacrée à l’agriculture et à l’agroalimentaire, c’est l’équivalent du budget de l’agriculture. Le budget de l’agriculture, aujourd’hui, c’est 4,2 milliards d’euros ; la totalité du pacte de responsabilité agricole et agroalimentaire en 2016, ce sera 4,3 milliards d’euros !
Cet engagement en faveur de la compétitivité se poursuit dans le plan qui a été présenté par le Président de la République et qu’ont salué les organisations professionnelles, en particulier les organisations de coopératives, qui approuvent la transformation du CICE en baisse des charges sociales.
M. François Grosdidier. Répondez à la question !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez fait des propositions ; elles doivent venir en appui d’un dispositif qui, en réorganisant les filières agricoles et l’élevage, doit donner la capacité à notre pays d’être un grand pays agricole au sein de l’Europe grâce à son élevage et à son industrie agroalimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour la réplique.
M. Jean-Claude Lenoir. Une logorrhée n’est pas la meilleure réponse à une question précise ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Au moment où je parle, dans nos territoires, les éleveurs connaissent une vraie détresse, un véritable désarroi ; chacun ici, sur quelque travée qu’il siège, peut en témoigner.
Aujourd’hui, les prix sont en train de dégringoler, qu’il s’agisse du porc, de la viande ou du lait. Le premier semestre est annoncé comme particulièrement difficile. Or nous avons proposé une série de mesures qui permettront de rétablir une relation juste et équilibrée entre les acteurs de la filière agricole, de soutenir les nécessaires investissements, d’assurer le financement de la gestion des risques et aléas, notamment sanitaires – je pense à la grippe aviaire et autres calamités qui s’abattent aujourd’hui sur nos élevages –, et, enfin, d’alléger les charges, qu’elles soient fiscales, sociales ou administratives.
Nous avons entendu la réponse du porte-parole du Gouvernement ; nous attendions celle du ministre des agriculteurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
virus zika
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du RDSE.
M. Guillaume Arnell. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Selon le dernier bulletin de la cellule interrégionale d’épidémiologie Antilles-Guyane, il semblerait que nous soyons au début d’une nouvelle épidémie d’ampleur mondiale en raison de la propagation rapide d’un nouvel agent infectieux : le virus Zika.
Tout comme la dengue ou le chikungunya, le Zika se transmet par piqûres de moustiques, mais ses effets sur la santé sont encore peu connus, souvent asymptomatiques. Les spécialistes évoquent principalement des conséquences cutanées et neurologiques, et, pour les femmes enceintes, surtout au premier trimestre de leur grossesse, le risque est important de microcéphalie de l’enfant.
Après avoir été rapportée en Afrique, en Asie et dans le Pacifique, cette maladie atteint depuis 2015 le continent américain et touche principalement le Brésil.
Au total, une douzaine de pays étaient infectés au début de 2016 en Amérique latine, soit entre 400 000 et 1,3 million de cas selon un responsable du laboratoire de virologie de l’Institut Pasteur de la Guyane.
En novembre 2015, les premiers cas ont été enregistrés en Guyane, en Martinique ainsi qu’à Saint-Martin. Depuis, ce sont plus de 600 cas qui sont rapportés aux Antilles, dont deux femmes enceintes.
Madame la ministre, je souhaite vous exposer mon inquiétude réelle sur l’évolution de l’épidémie et vous interroger sur les mesures qu’envisage de prendre votre ministère, de même que sur le degré de mobilisation des agences régionales de santé des collectivités antillaises et guyanaises exposées. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste et républicain et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez indiqué, les premiers cas autochtones de Zika ont été détectés à la fin du mois de décembre en Guyane. Depuis, la situation épidémiologique a évolué. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un début d’épidémie en Martinique et en Guyane, avec, respectivement, 47 et 15 cas confirmés. Les premiers cas autochtones ont également été identifiés en Guadeloupe et à Saint-Martin.
Vous l’avez dit, il s’agit d’un virus qui se transmet d’homme à homme par l’intermédiaire d’une piqûre de moustique tigre, comme la dengue ou le chikungunya. Les symptômes sont le plus souvent de type grippal, peu importants, mais s’accompagnent, dans les cas les plus graves, de complications neurologiques. Par ailleurs, les femmes enceintes sont particulièrement à risque, car le virus peut entraîner des malformations congénitales.
Dès le premier cas identifié au mois de décembre, j’ai pris un certain nombre de mesures visant à informer la population à travers des messages de prévention. Des messages d’information ont été diffusés aux voyageurs et les professionnels de santé ont été alertés de l’importance de la surveillance et de la détection des cas le plus précocement possible.
Les autorités sanitaires locales se sont mobilisées et la lutte anti-vectorielle a été renforcée. Chaque directeur général d’ARS a mis en place un plan d’action, et l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, se tient prêt à envoyer des renforts en professionnels de santé et en matériel de prise en charge si la situation locale le nécessite.
Par ailleurs, j’attends pour cette semaine les recommandations actualisées de la part du Haut Conseil de la santé publique pour la conduite à tenir à l’égard des patients, particulièrement des femmes enceintes.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, les pouvoirs publics sont pleinement mobilisés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
fiches « s »
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour le groupe écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
Mme Corinne Bouchoux. Ma question s’adresse à M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur.
La récente actualité funeste de janvier et de novembre 2015 a attiré l’attention du grand public sur les fiches « S ». Sans nier ni leur utilité ni leur objectif, nous aimerions connaître les motivations qui entraînent l’inscription d’un individu sur ces fiches « S », le nombre de catégories existantes, éventuellement les effectifs de chacune et, surtout, les modalités de mise à jour ou de rectification des informations qu’elles contiennent.
Depuis la mise en place de l’état d’urgence – vous vous en êtes expliqué, monsieur le ministre –, certaines mises en lumière des fiches « S » peuvent parfois susciter des interrogations. Par exemple, suffit-il de s’être rendu à une manifestation anti-aéroport pour être classé fiche « S » ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
À l’heure des intrusions dans les services informatiques, comment être certain qu’il n’y a pas de mésusages de ces fiches ? Quel « recours » pour un individu qui s’aperçoit qu’il est classé fiche « S » et qui n’a rien commis d’illégal ? Quelles sont les conditions de sortie éventuelle d’un fichier « S » ? Quid des homonymies ? Avez-vous déjà relevé des erreurs matérielles ? Quelle est la collaboration avec la CNIL ? Enfin, avez-vous un historique minutieux des personnes qui consultent ou ont consulté ce fichier ?
Si nous entendons bien la nécessité de garantir la sécurité publique, il semble important d’éclairer les citoyens sur cet outil de signalement qui est aujourd’hui plus connu. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui laisse à penser que les services de renseignement, par les dispositifs qu’ils initient, pourraient être plus dangereux que les terroristes eux-mêmes… (Rires et applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE et de l’UDI-UC, ainsi sur les travées du groupe Les Républicains.) Je veux vous rassurer : ce n’est absolument pas le cas ! Dans un contexte de menace très élevée, nos services de renseignement essaient de bien faire leur travail, en prenant toutes les précautions et dans le respect du droit.
Pour vous rassurer totalement, je répondrai précisément à toutes les questions que vous soulevez.
La fiche « S » n’est pas une fiche de culpabilité, de condamnation pénale. C’est une fiche de mise en attention des services de renseignement, notamment de la direction générale de la sécurité intérieure et du renseignement territorial, en raison du comportement d’un individu ou du risque qu’il présente, en particulier dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le nombre de personnes fichées pour cette raison a beaucoup été évoqué.
Cette fiche n’est pas élaborée pour l’éternité. Elle n’est pas figée dans le temps. D’une part, à tout moment, les services de renseignement peuvent réévaluer la classification opérée en raison des informations dont ils disposent. D’autre part, cette fiche a une durée de vie d’un an, à l’issue de laquelle le service de renseignement est saisi pour savoir s’il souhaite ou non la proroger. S’il n’a pas réagi après expiration d’un délai de deux mois, la fiche sort du dispositif.
Par ailleurs, vous me demandez si des erreurs peuvent être commises, en raison notamment d’homonymies. Non, parce que la fiche est précise et, même si des individus portent le même nom, il est rare que leur date de naissance soit identique.
M. le président. Il faut conclure !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par conséquent, le niveau de précision des fiches est un gage de garantie.
J’aurais encore mille choses à vous dire, mais, faute de temps, je vous propose de me poser la prochaine fois une autre question… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour la réplique.
Mme Corinne Bouchoux. Il n’y avait ni malice ni soupçon dans ma question. Il est simplement important que nous soyons clairs sur le sujet. Je vous le dis très franchement, monsieur le ministre, dans un État de droit, il est normal que des partis démocratiques s’interrogent sur la mise en application de ces fiches.
À l’ère de l’informatique, à l’ère des hackers, à l’ère d’une forme de modernité, il est important que, dans un État de droit, aucune question ne soit taboue. Si, un jour, malheureusement, nous connaissions un régime moins sensible aux libertés publiques que le nôtre, nous nous réjouirons de nous être interrogés sur ce sujet aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
plan pour l'emploi
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour le groupe CRC.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la ministre du travail, d’emblée, je vous pose cette question : quand allez-vous renoncer, en matière d’emploi, aux vieilles recettes initiées par Raymond Barre il y a quarante ans ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Vous continuez et amplifiez des mesures qui ont montré leur inefficacité. En effet, les aides aux entreprises et les exonérations ne créent aucun emploi. Vous sacralisez des dispositifs inefficaces comme le CICE qui coûtent 20 milliards d’euros aux contribuables et à nos communes, sans résultat.
Vous prétendez résoudre le chômage avec 500 000 formations par an, mais vous ne prévoyez aucune mesure pour créer réellement de l’emploi.
M. Alain Chatillon. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Bosino. Où est la nouvelle politique industrielle, où est la relance du pouvoir d’achat pour la croissance, permettant seules de lutter contre le chômage de masse ?
Ce qui a été annoncé hier est une liste à la Prévert de mesures plus libérales les unes que les autres : casse du code du travail, remise en cause des 35 heures, plafonnement des indemnités prud’homales, mise en danger de l’indemnisation des chômeurs, tout y passe ! En revanche, interdire les licenciements boursiers que la gauche sénatoriale a pourtant votés ici en décembre 2011, vous n’y pensez même plus !
Madame la ministre, je répète ma question : allez-vous renoncer enfin à ces vieilles recettes ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le sénateur, vous ne pouvez pas dire que le fait d’investir humainement dans la formation de 500 000 demandeurs d’emploi soit une recette libérale.
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Au moment où l’on constate une reprise de l’activité économique et où l’on peut dire que la croissance sera meilleure en 2016 qu’elle ne l’a été en 2015 (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), alors que le Président de la République a annoncé la semaine dernière 3 milliards d’euros d’investissements publics, notamment dans la rénovation thermique, l’investissement humain en direction de ces personnes, pour qu’elles ne restent pas au bord du chemin en retrouvant un emploi, est un élément déterminant pour notre pays. Former des demandeurs d’emploi, c’est également bon pour la compétitivité de notre économie.
Nous sommes actuellement en train de parler du compte personnel d’activité, qui est une mesure de progrès social.
M. Didier Guillaume. C’est une grande avancée sociale !
Mme Myriam El Khomri, ministre. En effet, aujourd’hui, on n’entre plus dans une entreprise à l’âge de dix-huit ans pour en sortir à soixante ans. Notre expérience professionnelle sera constituée de ruptures. L’enjeu est aussi d’attacher les droits, non pas seulement aux statuts, mais aux personnes. C’est aussi cela construire un nouveau modèle social : le statu quo n’est plus possible dans notre pays.
L’enjeu n’est pas d’idéaliser le passé, c’est d’être capables, tous ensemble, de construire l’avenir.
M. Thierry Foucaud. C’est de la tricherie !
Mme Myriam El Khomri, ministre. Quand nous prévoyons d’accompagner les demandeurs d’emploi en vue de la création d’entreprises, c’est une chance pour eux, car nous savons que le taux de fragilité, derrière, sera bien moindre.
Les mesures qui ont été prises, à savoir le pacte de responsabilité, le CICE, ne sont pas des cadeaux aux entreprises,…
M. Luc Carvounas. C’est vrai !
Mme Myriam El Khomri, ministre. … mais un moyen de mettre en œuvre un écosystème.
La loi « Travail » que je porterai visera justement à introduire plus de négociation collective, car je crois au dialogue social et à la force des syndicats pour nouer des compromis au niveau des entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Bosino. Madame la ministre, vous ne nous ferez pas dire que l’investissement dans l’humain ne nous intéresse pas. Il ne s’agit pas de cela. Votre plan ne bénéficiera ni aux salariés ni aux chômeurs : il répond à un certain nombre d’exigences du patronat et de l’actionnariat.
Un sondage vient de paraître aujourd’hui même, selon lequel les Français ne sont pas dupes : 75 % d’entre eux estiment que votre politique ne sert pas les intérêts des travailleurs.
M. le président. Il vous faut conclure !
M. Jean-Pierre Bosino. Il est grand temps de mettre en œuvre les promesses qui ont été faites en 2012 par François Hollande. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
grippe aviaire
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Louis Carrère. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
La France est en présence d’une épizootie d’influenza aviaire. Cette dernière ne concerne que les oiseaux, mais elle frappe dix-huit départements métropolitains, dont les cinq départements d’Aquitaine.
Pour éviter que le virus ne subsiste et ne se réactive à l’avenir, nous devons organiser un dépeuplement complet de la zone touchée. L’objectif est l’absence totale de palmipèdes dans ce territoire pendant au moins un mois. C’est là l’approche pratiquée dans tous les pays où des cas d’influenza aviaire ont été constatés.
M. Bruno Sido. Elle est salutaire !
M. Jean-Louis Carrère. Ce dépeuplement doit être opéré dans le respect du rythme des oiseaux. Les trois quarts de la production de canards IGP du sud-ouest sont concernés. Rendez-vous compte, mes chers collègues : en volume, cela représente 28 millions d’animaux, dont tous les effectifs du département dont je suis l’élu !
La profession s’oppose à l’euthanasie immédiate des volailles présentes dans cette zone. Elle préfère des mesures de dépeuplement, pour que les animaux terminent leur cycle à leur rythme. Elle semble avoir été entendue.
En outre, les risques de pertes ou de manque à gagner se situeraient, pour la filière, entre 250 et 400 millions d’euros.
Monsieur le ministre, à cet égard plusieurs problèmes subsistent. Je vous les communique en style télégraphique :…
M. Bruno Sido. De fait, il ne vous reste que vingt secondes !
M. Jean-Louis Carrère. … les prises en charge par l’État, les aides de minimis – quelle sera la règle en la matière ? – ou encore l’absence certaine de compensation des pertes par les marchés.
L’agriculture est une part essentielle de notre ADN. Elle témoigne de notre exemplarité et de notre excellence. Aidez-nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous évoquez l’épizootie dite « influenza aviaire ». Il n’est jamais facile de répondre à une question comme celle que vous posez : faut-il prendre des décisions qui ont de lourdes conséquences ou bien faut-il les différer, au risque que ces conséquences se révèlent encore plus lourdes pour l’ensemble de la filière ?
Au lieu d’abattre les animaux des élevages actuels, j’ai effectivement choisi de mettre en œuvre un processus inédit en France, consistant à faire un vide sanitaire au fur et à mesure que les bandes mises en production atteindront leur issue. Ce vide sanitaire commencera début avril. Suivront des mesures de biosécurité assurant l’éradication du virus. Le but est de permettre la reprise de la production dès la fin du premier semestre de 2016. Ainsi, cette filière pourra repartir sur des bases saines.
Vous l’avez rappelé, à juste titre, le virus est là, et il peut muter. Nous ne pouvions pas prendre ce risque. Il fallait donc agir. Dès lors, vous l’avez parfaitement souligné, il faut tenir compte des conséquences économiques.
Le commissaire européen à la santé l’a annoncé la semaine dernière : l’Europe soutient le plan élaboré par la France, et elle sera à ses côtés pour apporter les aides dont auront besoin tous les producteurs, petits, moyens et grands. J’insiste sur ce point : j’ai cru entendre parler de discrimination. Ce n’est absolument pas le cas !
L’interruption de la production va logiquement entraîner celle des abattages. Il va falloir trouver des solutions pour faire face à cette situation. Mme El Khomri et moi-même avons déjà ouvert la possibilité du chômage partiel pour les employés de ces abattoirs. Ces derniers seront en outre inclus dans le plan d’aide, destiné à faire face à la perte de revenus causée par ce vide sanitaire.
La semaine prochaine, je rencontrerai les représentants de tous les professionnels de la filière pour parachever avec eux l’ensemble de ce plan d’aide.
Monsieur le sénateur, aujourd’hui même, l’Assemblée nationale débat de la question du gavage, en présence de grandes vedettes venues d’outre-Atlantique. Je connais de surcroît la position d’un certain nombre de sénatrices sur ce sujet. Je suis là pour défendre la filière avicole, et je tiens à préciser que je vous réponds en tant que ministre de l’agriculture ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
lenteur du processus parlementaire
M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Pillet. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
En présentant ses vœux aux corps constitués, le Président de la République a évoqué le problème de la lenteur législative. Certes, chacun doit prendre ses responsabilités. Mais, comme notre collègue Philippe Bas l’a fait observer dans une lettre adressée au chef de l’État, quelques éclaircissements s’imposent sur ce point.
Nous sommes soumis par l’actuel gouvernement à une inflation législative qui nous paraît sans précédent. On nous somme de nous exprimer sur des textes dont la surcharge et la complexité dénoncent la précipitation dans laquelle ils ont été imaginés. Ce fut le cas, par exemple, de la loi de transition énergétique, avec ses 215 articles.
Outre l’inflation législative engendrée par ses initiatives, le Gouvernement engage presque systématiquement la procédure accélérée, qui, paradoxalement, participe de la lenteur législative, dans la mesure où elle laisse parfois s’écouler plus de six mois de délai entre l’examen des textes par les deux assemblées du Parlement. Ce fut le cas de la fameuse loi dite « Macron », qui, nonobstant l’article 49-3 de la Constitution, a occupé toute une année de débats. Le texte, présentant à l’origine 106 articles, en comptait finalement 300.
La lenteur législative vient également du fait que les textes de loi pléthoriques impliquent des décrets d’application pléthoriques. Là encore, les délais dépassent la logique politique. Pour ce qui concerne cette même loi dite « Macron », une très large part des quatre-vingt-quatre décrets d’application est encore en attente de publication.
Monsieur le secrétaire d’État, afin que les parlementaires puissent soutenir au mieux une action gouvernementale qui s’inscrit de plus en plus dans l’urgence, ne croyez-vous pas que des textes plus réfléchis, donc plus aboutis, seraient de nature à accélérer considérablement cet itinéraire législatif ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Bien entendu, nous sommes tous concernés par la réflexion actuelle portant sur l’efficacité des politiques publiques, notamment sur la capacité de notre pays à légiférer dans les meilleures conditions et de manière plus réactive. J’en veux pour preuve le fait que les deux assemblées du Parlement se sont penchées sur ces questions et ont adopté, à ce titre, un certain nombre de mesures. Je tiens à saluer les mesures suggérées par M. le président du Sénat, par exemple pour assurer l’application de l’article 41 de la Constitution, qui n’a jamais été véritablement mis en œuvre. De telles dispositions sont effectivement de nature à alléger le travail parlementaire.
En veillant à ne réduire en rien la qualité du travail parlementaire, nous devons continuer à réfléchir au temps de l’action, même si les résultats que nous avons obtenus en termes de production législative au cours des deux dernières années se révèlent satisfaisants : la plupart des textes de loi ont été adoptés en moins de 150 jours. Cependant, d’autres textes prennent plus de 300 jours, ce qui pose question. À l’opposé, la loi prorogeant l’application de la loi relative à l’état d’urgence et renforçant l’efficacité de ses dispositions a été adoptée en quelques jours seulement, ce qui était normal compte tenu des attentes de nos concitoyens.
Vous noterez avec moi, monsieur le sénateur, qu’un certain nombre de modes de fonctionnement de nos assemblées ne correspondent plus véritablement à une nécessité, voire peuvent aboutir à une forme d’usure du travail parlementaire. Malgré la révision constitutionnelle de 2008, une redondance persiste entre les travaux en commission et en séance plénière. En résultent de nombreux inconvénients, non seulement pour ce qui concerne le temps que les uns et les autres consacrent à ces discussions, mais aussi pour la qualité et la spontanéité du débat. Cette solennité répétitive n’est pas positive.
Nous devons, ensemble, continuer à réfléchir. C’est ce à quoi nous a invités le Président de la République, tout en fixant un certain nombre de sauvegardes, pour l’intensité de l’action de réforme dans ce pays !
M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour la réplique.
M. François Pillet. Sans vouloir faire polémique, je constate que, lorsqu’on compare, d’un côté, la durée d’examen des projets de loi et, de l’autre, la durée d’élaboration des ordonnances et des décrets d’application, le résultat est toujours à l’avantage du Parlement.
J’ajoute que les réformes dites « sociétales », qui ont largement occupé la première moitié du quinquennat du Président de la République, ont toutes connu une application presque immédiate, alors que les dispositions d’ordre économique sont encore un peu à la traîne… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
emploi
M. le président. La parole est à M. Claude Nougein, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Claude Nougein. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
La bonne nouvelle est arrivée : le chômage est tombé à 6 %, atteignant son taux le plus bas depuis vingt-cinq ans !
Ne rêvez pas mes chers collègues, il s’agit de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Dans le même temps, l’Espagne amorce une décrue. Mais la France est l’un des seuls pays d’Europe où le chômage progresse. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous récoltons ce que ce gouvernement a semé.
M. Claude Nougein. Selon l’OCDE, nos recettes fiscales atteignent désormais 45 % du PIB, soit 10 points de plus que la moyenne des pays riches. La France est vice-championne du monde en matière d’impôts. Est-ce un hasard ? J’en doute, car la folie fiscale de 2012, frappant les entreprises et les ménages, a totalement paralysé l’économie française.
Par des artifices coûteux, via des emplois publics financés à crédit, la courbe du chômage va probablement s’inverser en 2016. J’ai confiance en l’habileté politique du Président de la République – nous avons été, de nombreuses années durant, élus du même département… Mais, hélas, son habileté ne résoudra rien à long terme.
Pourquoi investir en France, choisir de construire une usine en France quand le taux d’impôt sur les sociétés y est de 33 %, contre 25 % en moyenne en Europe ? Quand le taux d’impôt sur les revenus des capitaux, agrémenté de la CSG, est le plus élevé d’Europe ? Quand l’ISF, prélèvement unique au monde visant les capitaux des actionnaires non dirigeants d’entreprises familiales, pousse chaque jour à vendre nos entreprises à des groupes étrangers ? Quand l’interprétation du code du travail est plus aléatoire encore que le code du travail lui-même ?
M. Simon Sutour. C’est laborieux…
M. Claude Nougein. Les mesures annoncées hier matin par le Président de la République ne sont que des demi-mesures qui continuent de contourner la réalité.
Monsieur le Premier ministre, il est urgent d’agir. Aussi, ma question est précise : quand prendrez-vous des mesures structurelles…
M. Didier Guillaume. Vous allez voir !
M. Claude Nougein. … identiques à celles que mettent en œuvre les autres pays européens, pour que la France soit à armes égales avec ses voisins et qu’elle revienne dans le peloton de tête des économies mondiales ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du budget.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, vous évoquez essentiellement la question de la fiscalité. À cet égard, il est bon de rappeler un certain nombre de réalités.
Certains s’en plaignent, d’autres la jugent insuffisante, mais la baisse de la pression fiscale et sociale exercée sur les entreprises est bel et bien une réalité pour ce gouvernement.
Mme Pascale Gruny. Ah bon ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Même si certains le critiquent, le CICE assure une réduction de l’imposition des entreprises de l’ordre de 18 milliards d’euros par an.
Dans le cadre du pacte de responsabilité, par une première tranche en 2015, puis par une seconde en 2016, le Gouvernement garantira une réduction des contributions sociales des employeurs de l’ordre de 7 milliards d’euros.
Nous avons allégé les cotisations sociales des travailleurs indépendants de 1 milliard d’euros. Nous avons mis fin à la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises, créée d’ailleurs, sauf erreur de ma part, par M. Fillon, pour un montant d’environ 2,5 milliards d’euros. Nous avons modifié les seuils applicables aux PME pour l’application d’un certain nombre de contributions pour plusieurs centaines de millions d’euros. Nous avons allégé l’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui investissent par le suramortissement, pour environ 500 millions d’euros par an.
M. Jean-Pierre Bosino. Et pour quel résultat !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Alors ça suffit ! Ça suffit d’affirmer que ce gouvernement écraserait les entreprises d’impôts ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) Je pèse mes mots : en faveur des entreprises, ce gouvernement a engagé une réduction d’impôts inégalée depuis une décennie. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Didier Guillaume. Exactement !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, si j’ai bien compté, il vous reste une vingtaine de secondes pour nous décrire les mesures structurelles que vous souhaitez présenter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques-Bernard Magner. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Claude Nougein, pour la réplique.
M. Claude Nougein. Aucun des pays où l’on constate une importante baisse du chômage n’a créé un dispositif équivalent au CICE. Aucun d’eux n’a pris les mesures que ce gouvernement a adoptées. Ces États ont tous appliqué la même méthode : ils ont tout simplement allégé les contraintes pesant sur les entreprises et réduit l’impôt sur les sociétés ! (C’est fini ! sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jean-Louis Carrère. Le temps de parole est épuisé !
M. François Marc. Et où sont les mesures structurelles ?
M. Claude Nougein. Cela suffit ! Il ne faut pas inventer n’importe quoi ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
rentrée scolaire en guadeloupe et martinique
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jacques Cornano. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, dans votre présentation de la répartition des 6 639 postes d’enseignants pour la rentrée scolaire 2016, vous annonciez « un effort sans précédent au service de tous les élèves ». Vous affirmiez également que « tous les territoires » bénéficieraient de « marges de manœuvre exceptionnelles ». Or nous déplorons qu’aucun poste ne soit créé dans l’académie de la Guadeloupe dans le premier degré et que trente-cinq soient supprimés dans le second degré.
Cette situation est tout à fait incompréhensible eu égard au contexte. La Guadeloupe accuse en effet un taux d’illettrisme dépassant les 25 %, alors que, chaque année, plus de 1 000 élèves se trouvent en décrochage scolaire et quittent le système éducatif sans diplôme. À cela s’ajoute une situation socio-économique catastrophique, avec un taux de chômage qui dépasse 65 % chez les jeunes de moins de vingt-cinq ans.
Vous n’avez pas tenu compte du contexte archipélagique, qui requiert pourtant un contrat d’objectifs spécifique, prenant en compte les caractéristiques sociales et territoriales. Dès lors, vous comprendrez notre malaise. Les syndicats enseignants et les parents d’élèves nous ont fait part de leur profonde inquiétude et préparent des grèves.
Ainsi, madame la ministre, nous souhaitons connaître vos intentions quant à la prise en compte de la situation de l’académie de la Guadeloupe. Quels sont les moyens supplémentaires que vous lui allouerez sans doute afin de rétablir l’équilibre en faveur d’une jeunesse guadeloupéenne au potentiel formidable, qui ne demande qu’à croire en l’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir rappelé que ce gouvernement déploie des efforts considérables pour l’éducation depuis 2012. Je profite de votre question pour confirmer que les 60 000 nouveaux postes dans l’éducation que nous avions annoncés seront bien créés d’ici à la fin du quinquennat. À la rentrée prochaine, nous en aurons déjà créé 47 000 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Didier Guillaume. Bravo !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cette promesse confirmée, je souhaite vous répondre, car des interrogations demeurent sur la répartition de ces moyens.
Ce n’est pas parce que l’on crée toujours plus d’emplois qu’il ne faut pas tenir compte de la démographie. Monsieur Cornano, vous le savez bien, premier et second degrés confondus, la Guadeloupe perd, pour la rentrée 2016, 2 336 élèves et la Martinique, 1 639. Le nombre de trente-cinq postes supprimés est en réalité très inférieur à ce qui aurait résulté de la seule prise en compte de cette baisse démographique.
En vérité, les académies que vous évoquez ont pleinement bénéficié de notre politique volontariste visant à apporter des moyens, y compris là où la démographie était en baisse. Nous l’avons fait en respectant deux principes.
Le premier est la priorité accordée au primaire. Dans ces académies, comme ailleurs, parce que nous estimons qu’il faut créer plus de maîtres que de classes en école primaire et qu’il importe de préscolariser les enfants avant l’âge de trois ans, nous ne supprimons aucun poste dans le premier degré, alors même, je le répète, que nous attendons 1 920 élèves de moins en Guadeloupe et 1 135 en Martinique.
Le second principe, qui explique également que ces deux académies perdent moins de postes qu’elles n’auraient pu le craindre, est l’allocation progressive des moyens. Vous savez que j’ai souhaité, au-delà de la démographie, accorder des moyens aux établissements scolaires en fonction de la difficulté sociale. C’est le cas dans les deux académies que vous évoquez.
Pour conclure, je vous rappelle que l’éducation prioritaire, réformée cette année, leur profite très largement. Ainsi, la Guadeloupe compte désormais trois établissements en REP+ et treize en REP, et la Martinique neuf en REP+ et treize en REP. Cela signifie notamment que les indemnités des enseignants y sont plus élevées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu jeudi 28 janvier, de quinze heures à seize heures, et seront retransmises sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.)
PRÉSIDENCE DE Mme Françoise Cartron
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Dépôt d’un avis
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Thierry Santa, président du congrès de la Nouvelle-Calédonie, par lettre en date du 19 janvier 2016, l’avis formulé par le congrès de la Nouvelle-Calédonie au cours de sa séance publique du mercredi 13 janvier 2016 sur la proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (n° 226, 2015-2016).
Ce document a été transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
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Reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
Suite de la discussion d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme Annick Billon. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chacun en a bien conscience aujourd’hui, l’évolution de la biodiversité est extrêmement préoccupante partout dans le monde. Son état est en particulier alarmant en France, que la variété de ses territoires métropolitains et ultramarins place au huitième rang des pays hébergeant le plus grand nombre d’espèces menacées.
Notre responsabilité est donc colossale. Il nous faut agir. C’est cette nécessité que veut traduire en politiques publiques le présent texte. Pour une large part, il transpose en droit français le droit international de défense de la biodiversité autour de son institution opérationnelle : l’Agence française pour la biodiversité, évoquée par Chantal Jouanno. Je me concentrerai donc sur les principes fondamentaux et l’architecture générale de la gouvernance, autrement dit sur les titres I et II.
Sans remettre en cause notre droit, les principes fondamentaux sanctionnent une différence d’approche, plus dynamique. Une définition de la biodiversité dérivée de celle de la convention sur la diversité biologique de 1992 entre ainsi dans le code de l’environnement. Intégrant la relation des êtres vivants à leurs écosystèmes, elle est moins statique. Nous saluons aussi la transposition du triptyque « éviter-réduire-compenser », prolongement opérationnel de l’action préventive.
Toutefois, l’avancée la plus importante est sans doute l’introduction de la complémentarité entre l’environnement, l’agriculture et la sylviculture pour obtenir un résultat significatif et pérenne. On ne peut continuer à opposer défense de la nature et exploitation économique des ressources naturelles : c’est bien là que réside le principal défi à relever.
C’est donc un changement profond de culture dans les deux sens du terme qu’il nous faut amorcer. Il existe ainsi des méthodes agricoles innovantes, telles que les méthodes promues dans mon département, la Vendée, par des associations comme l’ADAP, association pour la promotion d’une agriculture durable. Celle-ci développe des techniques de semis directs sous couvert végétal pour cultiver sans travailler le sol et en stockant du carbone.
Quant à la refonte de la gouvernance du système, elle va dans le bon sens, celui de la clarification de l’objectif consistant à défendre la biodiversité dans son ensemble et celui d’une simplification des structures.
Le groupe UDI-UC a déposé des amendements visant à améliorer la représentation des agents économiques et à valoriser la mutation de leur activité, car c’est bien au sein des instances de gouvernance que doit se concrétiser la collaboration de tous les acteurs dédiés à la défense de la biodiversité dont font partie les agriculteurs. Grâce à Jérôme Bignon, dont je salue l’investissement, toutes les catégories d’acteurs concernés sont bien représentées au sein du Comité national de la biodiversité, le « parlement » qui fixe les grandes orientations. Néanmoins, soyons lucides, c’est l’AFB, véritable exécutif, qui devrait être étoffée. Les objectifs devront prendre en compte la complexité et le pragmatisme des actions à mettre en œuvre localement, ce dont, dans les marais vendéens par exemple, nous sommes des témoins privilégiés.
Le réchauffement climatique aide des espèces exotiques invasives importées à se développer au détriment de tout l’écosystème. C’est le cas de plantes aquatiques envahissantes comme la jussie et le myriophylle du Brésil. Des actions d’arrachages tentent de réduire leur taux de recouvrement, mais le prix à payer est exponentiel. De ce fait, rien d’équivalent n’est mis en œuvre contre des plantes terrestres comparables, telles le baccharis. Dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité, il faudrait que l’ensemble des plantes exotiques envahissantes soit interdit à la vente. Madame la ministre, est-ce bien le cas ?
Côté faune, même constat ! Si les acteurs locaux luttent contre les rongeurs aquatiques nuisibles, ragondins et rats musqués sur leur territoire, c’est à leurs frais, vu qu’aucune subvention n’est accordée alors que cette action est indispensable pour la préservation des espèces autochtones. L’AFB suppléera-t-elle à cette carence ?
De même, l’écrevisse de Louisiane ruine la biodiversité des marais : propriétaires et associations se heurtent à une réglementation de plus en plus drastique pour intervenir.
Nous soutenons ce texte et espérons qu’il bénéficiera de l’accompagnement réglementaire et financier nécessaire à son déploiement opérationnel sur les territoires. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, un fascicule vient de vous être distribué. Il illustre très bien les thèmes qui seront abordés lors de nos débats. Le ministère avait déjà réalisé un tel fascicule pédagogique lors de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique.
M. Gérard Longuet. Cette fois-ci, il y a des images. C’est mieux ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en décembre, les 195 pays réunis à Paris par le Président de la République et le ministre des affaires étrangères ont fait de la COP 21 un grand succès en reconnaissant, enfin, collectivement, la réalité du réchauffement climatique et des dérèglements liés à l’activité humaine et en se fixant par accord un objectif de limitation du réchauffement mondial entre 1,5 et 2 degrés d’ici à 2100.
C’est en cela que l’accord de la COP 21 est d’une importance capitale. Il signifie que plus aucun des 195 pays signataires ne nie encore la réalité : le dérèglement climatique et la grave dégradation de notre environnement existent ; ils sont le fait de l’activité humaine. À nous d’en tirer désormais les conséquences.
Ce texte nous encourage et nous engage. Il n’est que le début d’un travail colossal que nous avons l’obligation de mener constamment et de faire aboutir. Il est une base solide qui justifie les efforts que nous devrons poursuivre pour réduire nos impacts sur l’environnement. Il doit surtout nous servir à approfondir, avec une véritable résolution, notre réflexion sur la nécessaire redéfinition de nos modèles de développement et de progrès économique et social.
Cela signifie que nous devons collectivement changer, que nous devons prendre des mesures fortes et être exigeants avec nous-mêmes. Car entretenir l’espoir d’une possible réduction de nos émissions et de nos pollutions sans amender nos comportements et les normes sociales tendant à envisager l’accomplissement humain et social des individus en fonction de leur niveau de consommation reviendrait à nous bercer d’illusions ! Une telle réduction suppose aussi de sortir du raisonnement, encore très prégnant, d’après lequel les exigences environnementales et sanitaires constituent un frein à l’activité économique.
Notre première responsabilité est dès lors de prendre la pleine mesure des coûts occasionnés pour la collectivité par la dégradation de notre environnement. Rappelons-nous qu’une étude scientifique intitulée Le coût de l’inaction politique, présentée en 2008 à la conférence des Nations unies de Bonn, estimait entre 1 350 et 3 100 milliards d’euros le coût annuel de l’érosion de la biodiversité à l’échelle mondiale. Non seulement notre modèle de développement économique et industriel détruit chaque jour davantage notre planète de manière irréversible, mais encore nous coûte-t-il très cher.
Lorsqu’une activité est envisagée économiquement, la norme est de ne considérer que les coûts directs supportés par les entrepreneurs privés, en comparaison avec les revenus qu’ils en tirent. Les externalités négatives sont quant à elles systématiquement écartées. C’est pourtant la société qui partage les coûts induits de la pollution de l’eau, de l’air et des sols, des émissions de gaz à effets de serre et des atteintes multiples à la biodiversité occasionnés par l’agriculture intensive, la surexploitation des ressources halieutiques ou forestières, la production d’énergie carbonée. Ces coûts induits vont des travaux de dépollution aux dépenses de santé, en passant par la dégradation consécutive de l’attractivité de nos territoires.
L’accumulation consécutive des normes environnementales, dont se plaignent notamment bon nombre de nos agriculteurs, est une vraie problématique. Je pense aux réglementations anti-nitrates ou aux conditions d’utilisation et d’épandage de pesticides de plus en plus strictes. Nous devons entendre la détresse de ceux qui sont obligés de composer avec des contraintes toujours plus dures à assumer, malgré un travail très difficile et dont la rémunération ne reflète pas nécessairement le haut degré d’investissement.
Pourtant, devant ces constats, notre responsabilité est justement d’accepter de prendre conscience que l’accumulation des contraintes est d’abord la conséquence de pratiques parfois déraisonnables, que nous pourrions corriger si nous acceptions de nous y confronter réellement. Pour prendre l’exemple d’une thématique que je connais bien, le Commissariat général au développement durable a estimé dans un rapport publié en décembre 2015 que, sur les 2,2 millions de tonnes de produits phytosanitaires utilisés en 2013, deux tiers l’étaient en surdose. Une fois dépassée la dose d’intrants que la plante peut absorber, ceux-ci se dispersent dans la nature, se volatilisent dans l’air, se dissolvent dans l’eau, persistent dans les sols. Ce trop-plein coûte jusqu’à 3 milliards d’euros par an aux seuls services de l’eau potable et de l’assainissement.
Voilà des paramètres que nous devons aussi avoir en tête quand le modèle intensif est systématiquement présenté comme le moins cher par les industriels qui y ont leur intérêt et quand le projet de réduction des intrants est le plus souvent présenté comme irréaliste et naïf.
L’environnement et la biodiversité ne sont pas des notions à la mode. Ce sont des réalités que nous devons prendre en compte pour nous, nos enfants et les générations futures, ainsi que pour notre présent et notre avenir. Car un cours d’eau pollué l’est souvent de manière irréversible ; une espèce disparue ne réapparaît plus. Or nous sommes allés suffisamment loin ! La communauté scientifique parle de « sixième extinction de masse », et elle estime que la moitié des espèces vivantes que nous connaissons pourrait disparaître d’ici à un siècle. En trente ans, ce sont 420 millions d’oiseaux qui ont déjà disparu et, pratiquement chaque année depuis le début des années 2000, un nouveau record de température est dépassé sur l’ensemble du globe.
Ce projet de loi vise donc à inventer un nouveau modèle, qui nous dotera d’une riche palette d’outils en vue d’atteindre l’objectif ambitieux de renouveler les politiques publiques en faveur de la biodiversité, quarante ans après la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature.
La réforme de la gouvernance de la biodiversité et de la politique de l’eau, la création de l’Agence française pour la biodiversité, les mécanismes de compensation environnementale, les mesures de protection du littoral et des milieux marins, le renforcement des outils en matière de lutte contre la pollution et les infractions au droit de l’environnement, la meilleure prise en compte de la dimension paysagère dans la biodiversité : ces nombreux axes de réforme serviront les grandes valeurs ayant présidé à l’élaboration de ce projet de loi, à savoir la solidarité écologique, le principe « éviter, réduire, compenser », la mise en mouvement des territoires, la nécessité d’« innover sans piller » et la mutualisation des savoirs et des sciences participatives.
M. Jean Desessard. Très bien !
Mme Nicole Bonnefoy. Le groupe socialiste soutiendra la vision ambitieuse de ce projet de loi au travers d’une série d’amendements visant à instaurer une action de groupe dans le domaine environnemental, à défendre la création des zones prioritaires pour la biodiversité ou encore à renforcer les dispositions au service des mesures compensatoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’aurais aimé dire quelques mots à notre collègue national-populiste – je regrette son absence –, lui qui a la gâchette si facile pour tirer sur les écologistes !
M. Jean-Louis Carrère. Vous n’êtes pas une espèce en voie de disparition ! (Sourires.)
M. Joël Labbé. Mais son intervention ne mérite pas que l’on s’y arrête, car les propos des orateurs qui m’ont précédé ont élevé le débat.
Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont la discussion commence enfin à la Haute Assemblée, fait suite au premier accord universel visant à assurer l’avenir de l’humanité, signé le 12 décembre 2015, une date historique. Il y aura donc un avant et un après !
Ce texte, à l’intitulé très COP21 compatible, si je puis dire, puisqu’il comporte la mention « pour la reconquête de la biodiversité », arrive au bon moment.
La biodiversité souffre du dérèglement climatique et elle est en même temps indispensable pour remédier à ce problème. Aussi, ce sont de bons signes que nous devons adresser à nos concitoyens. En effet, nous sommes en situation d’urgence environnementale !
Ce projet de loi a connu quelques avancées à l'Assemblée nationale et quelques reculs ici l’été dernier en commission (M. le président de la commission s’exclame.), mais c’était avant l’accord intervenu lors de la COP21 !
Je tiens à relayer les propos de ma collègue Marie-Christine Blandin, qui suit ces questions depuis de nombreuses années : « Du Grenelle de l’environnement était sorti un consensus qui malheureusement n’avait pas été repris complètement par le Gouvernement de l’époque. Un point en revanche n’était pas acquis : la création d’une Agence pour la biodiversité. C’est chose faite aujourd’hui, et nous nous en félicitons. Un petit bémol cependant, avec l’absence de l’ONCFS dans cette agence.
« Les écologistes seront très attentifs à l’article 18, sur les questions relatives à l’accès et au partage des avantages. Cet article apporte quelques avancées que nous saluons, mais nous dénombrons également des reculs, notamment sur les méthodes permettant de mieux associer les communautés d’habitants. »
Permettez-moi maintenant d’évoquer les sujets qui me préoccupent dans ce texte : l’interdiction des brevets sur le vivant ; la suspension des cultures issues de mutagenèse pour insuffisance d’évaluation préalable ; la question de l’étiquetage des huîtres nées en mer ou en écloseries. Je défendrai par ailleurs un amendement, qui peut paraître anecdotique, relatif à l’énergie animale et à la reconnaissance du statut de meneur territorial, un amendement issu de la consultation citoyenne dont je parlerai ultérieurement s’il me reste un peu de temps.
J’insisterai aussi sur la question des pesticides néonicotinoïdes qui me tient à cœur et dont nous avons débattu au mois de février dernier lors de l’examen d’une proposition de résolution que j’avais défendue avec force, et qui restera dans l’histoire. Depuis lors, de nouvelles études ont confirmé les conclusions que j’avais exposées : ces pesticides systémiques sont de puissants neurotoxiques qui touchent gravement non seulement les abeilles, mais aussi l’ensemble des pollinisateurs, des insectes, des oiseaux insectivores, des vers de terre, des invertébrés aquatiques ; ils ont des effets sur la faune et la flore microbienne du sol. Cela fait beaucoup !
Quand on apprend que, dans une seule poignée de terre végétale, il y a plus d’organismes vivants que d’êtres humains sur la planète, on comprend mieux cette phrase simple : « La vie fait le sol, et le sol fait la vie. » Et là, la chimie crée un grand désordre.
L’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, vient d’ailleurs de publier un avis très éclairant sur le sujet que je vous invite, mes chers collègues, à consulter. Mais je sais que certains d’entre vous l’ont déjà lu.
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Tout à fait !
M. Joël Labbé. « En l’absence de mesures de gestion adaptées, l’utilisation des néonicotinoïdes entraîne de sévères effets négatifs sur les espèces pollinisatrices » : tel est le constat rappelé par l’Agence.
J’ai évoqué précédemment la consultation citoyenne au moyen de la plateforme Parlement et Citoyens. À cet égard, je salue votre action, madame la ministre : vous avez joué le jeu, ce qui n’était pas si simple. M. le rapporteur, Jérôme Bignon, a également fait en sorte que le texte issu des travaux de la commission soit soumis à l’avis citoyen. Ainsi, nos concitoyens ont pu exprimer leur avis sur chacun des articles et ont formulé des propositions. Même si cela a été un peu compliqué, le nombre de contributions dépasse les 9 300, ce qui démontre l’intérêt que portent nos concitoyens à ce que nous faisons. Il y a une nécessité absolue de se reconnecter, et cette plateforme est l’un des outils modernes susceptibles d’assurer cette reconnexion entre les citoyens et les politiques que nous sommes.
Cela étant, la position du groupe écologiste dépendra évidemment du texte qui résultera de nos travaux. Mais après tout ce que j’ai entendu et comme je suis une personne optimiste, j’espère bien que nous le pourrons le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens moi aussi à remercier Jérôme Bignon de son rapport remarquable ; il a beaucoup travaillé sur ce sujet.
Bien sûr, il y a urgence pour la biodiversité et urgence pour l’homme, car nos sociétés se sont construites et subsistent grâce aux services rendus par la nature, une nature que nous menaçons.
Selon une étude récente de la revue britannique Nature, modifier plus de 50 % de la surface du globe provoquerait un effondrement des écosystèmes dont les conséquences sont incalculables pour nos conditions de vie. Or le taux actuel s’élève à 43 %. Il faut donc agir !
À ce stade du débat, beaucoup de choses ont déjà été dites, et bien dites. Mais je ne peux m’empêcher de revenir sur un point qui a été souligné précédemment. Il y a encore actuellement des discussions un peu trop politiques, et nous n’avons certainement pas, il est vrai, suffisamment tenu compte des avis exprimés depuis de nombreuses années par les scientifiques.
Voilà vingt-cinq ans que Hubert Reeves – il apparaît dans le petit fascicule qui nous a été remis en tant que parrain de la mission de préfiguration et de la future Agence française pour la biodiversité – parcourt le monde entier, la France – et le Gers ! (Sourires.) – pour essayer sans relâche de nous faire prendre conscience de la situation. Comment concevoir que cette prise de conscience ait été aussi difficile, alors que les hommes ne pourront pas quitter cette planète demain matin ou en trouver une autre dans un temps compatible avec l’état de celle-ci ? Aussi, il est nécessaire de prendre conscience que nous sommes interdépendants pour y sauvegarder la vie.
Mais j’en reviens au texte qui nous est soumis.
Je veux le souligner, le renforcement des principes de solidarité écologique et de compensation est un point positif.
Par ailleurs, l’introduction du préjudice écologique par la commission du développement durable et son inscription dans le code civil fondent le principe de la responsabilité pour atteinte à l’environnement et la réparation des dommages qui lui sont causés.
La création de l’obligation réelle environnementale constitue une réponse pragmatique aux contraintes financières qui s’imposent à toute personne publique ou privée souhaitant agir en faveur de la biodiversité sur un terrain qui ne lui appartiendrait pas.
Certes, je pourrais vous faire part d’un certain nombre de points sur lesquels les membres du groupe du RDSE ont débattu ce matin en commission, mais la majeure partie d’entre eux suivra l’examen de ce texte avec attention et, j’en suis certain, le votera.
En effet, ce projet de loi, qui comporte un train de mesures, est indispensable. À cet égard, permettez-moi, madame la ministre, de revenir sur vos propos concernant l’engagement des territoires au travers de l’expérimentation dans les territoires à énergie positive pour la croissance verte.
Il faut que la future Agence française pour la biodiversité fonctionne au plus près du terrain. Comme vous l’avez souligné, c’est sur le terrain qu’auront lieu les actes concrets, auxquels nos concitoyens participeront. C’est ainsi que nous avancerons sur ce sujet essentiel.
Il importe aussi de traiter la question préoccupante des pesticides néonicotinoïdes, dont l’incidence sur les abeilles est scientifiquement avérée. Pouvons-nous encore invoquer notre incompétence juridique pour ne pas agir, alors que le principe d’action préventive figure dans le titre Ier du projet de loi ? Madame la ministre, il faut intervenir auprès de nos partenaires européens pour obtenir une interdiction ou, à tout le moins, un moratoire.
Enfin, le titre VI de ce texte renforce la prise en compte des paysages dans les politiques d’aménagement du territoire et introduit des objectifs de qualité paysagère dans les SCOT, les schémas de cohérence territoriale. C’est un encouragement pour les territoires, comme le mien, qui se sont volontairement engagés dans la réalisation d’un plan de paysage.
Mes chers collègues, notre responsabilité est grande. Dans le prolongement du Grenelle de l’environnement, de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et de la COP21, la future loi constituera une étape décisive et indispensable en vue de réduire les pressions que nous exerçons sur la biosphère qui héberge notre vie.
À cet égard, permettez-moi de citer l’une des phrases que répète souvent Hubert Reeves, président d’honneur de l’association Humanité et Biodiversité, que j’ai eu l’honneur d’accueillir à de nombreuses reprises dans ma ville dans le cadre d’un festival qui a pris, grâce à lui, une dimension européenne : « La biodiversité nous concerne au premier chef, car la biodiversité c’est nous, nous et tout ce qui vit sur Terre. » Soyons-en conscients, nous sommes dépendants de la biodiversité !
C’est avec beaucoup d’attention que nous suivrons le sort réservé à la centaine d’amendements que nous présenterons. Mais, comme je l’ai souligné dans mon propos introductif, nous ne pouvons pas ne pas parvenir à un consensus : la politique doit aujourd'hui laisser place à la responsabilité. Nous devons faire en sorte que perdure la vie de notre espèce sur Terre.
Enfin, je salue le travail de tous les scientifiques qui se battent depuis de nombreuses années pour l’humanité et qui se sont largement fait les porte-parole de votre initiative, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous entamons la discussion risque, faute d’avoir fait l’objet d’un dialogue constructif, apaisé et fructueux entre tous les utilisateurs de la nature et les défenseurs de la biodiversité, d’aboutir à un formidable rendez-vous manqué, en particulier avec les chasseurs et les pêcheurs.
À plusieurs reprises, les rapporteurs et Mme la ministre ont affirmé, à juste titre, qu’il ne s’agissait pas d’un projet de loi relatif à la chasse et à la pêche. Seulement, à la faveur d’amendements déposés tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, certains parlementaires ont nettement voulu en faire un projet de loi attaquant principalement l’exercice de la chasse (M. Ronan Dantec s’exclame.), telle qu’elle est pratiquée actuellement, avec ses particularismes locaux, au nom d’arguments trahissant une méconnaissance totale de la réalité de terrain. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)
À la vérité, les chasseurs sont des acteurs essentiels de la biodiversité. D’ailleurs, dans un entretien en date du 20 octobre dernier, le Président de la République a reconnu qu’ils étaient « parfois déçus du manque de compréhension qu’ils peuvent rencontrer », alors qu’ils « entretiennent la flore et protègent la faune ». Songeons, mes chers collègues, aux zones humides : sans les chasseurs, il y a bien longtemps qu’elles auraient été réduites dans notre pays. Et n’oublions pas que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, finance la quasi-totalité de la répression du braconnage, preuve que, n’en déplaise à M. Dantec, les chasseurs s’imposent des contraintes !
La priorité doit être, ainsi que le Président de la République l’a confirmé, de renforcer l’activité cynégétique, qui représente 3,6 milliards d’euros par an, 26 000 emplois et 75 millions d’heures de bénévolat chaque année et qui doit être considérée comme l’un des atouts pour le développement diversifié de nos territoires ruraux. Au demeurant, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement a émis un avis favorable sur l’amendement, cosigné par quatre-vingt-quatre sénateurs, visant à supprimer la baisse du plafond des redevances cynégétiques affectées à l’ONCFS, un amendement que le Sénat a adopté à l’unanimité.
En commission, les sénateurs du groupe d’études Chasse et pêche, que j’ai l’honneur de présider, ont présenté des amendements défensifs tendant à revenir sur les interdictions, décidées par l’Assemblée nationale, de la chasse à la glu et de la chasse des mammifères en période de reproduction. Je remercie mes collègues de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable qui, dans leur sagesse, ont adopté ces amendements défensifs et supprimé les mesures d’« agression » – notez bien les guillemets – adoptées par l’Assemblée nationale.
À écouter les orateurs précédents, on avait parfois l’impression que la chasse à la glu était l’élément central de ce projet de loi relatif à la biodiversité… (M. Ronan Dantec s’exclame.) C’est bien ce que vous avez dit, monsieur Dantec, et vous n’avez pas été le seul ! Or, je le répète, cette chasse locale est abordée sur le fondement de désinformations notoires.
Mes chers collègues, il faut bien mesurer que, à force d’être mis en cause en permanence (M. Ronan Dantec s’exclame de nouveau.), les chasseurs sont devenus extrêmement méfiants et dubitatifs à l’égard de toutes les initiatives, pourtant parfois louables, dont ils craignent qu’elles ne les diluent au sein d’organismes incontrôlables, avec, à la clé, une restriction considérable des temps de chasse.
Nous avons également déposé des amendements offensifs, visant à faire ressortir le rôle joué par les chasseurs et les pêcheurs dans le fonctionnement de la nature. Aussi bien, je suis de ceux qui considèrent que l’espèce humaine en tant que telle fait partie intégrante de la biodiversité : je ne crois pas, comme certains opposants à la chasse, que la nature soit un sanctuaire réservé à la faune et à la flore dans lequel l’activité humaine n’aurait pas sa place. Madame Primas, je vous remercie de l’avoir bien souligné : les chasseurs sont la première vigie de la biodiversité ! C’est pourquoi nous insistons pour que les principes d’usage et d’utilisation durable de la nature soient retenus et que, à l’inverse, le principe de non-régression écologique soit repoussé.
Nous défendrons également des amendements tendant à maintenir l’indépendance des organismes représentant les chasseurs. Nombre d’orateurs ont dit regretter que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage ne soit pas intégré dans l’Agence française pour la biodiversité. Je leur rappelle que cet office représente 1,2 million de pratiquants et que la chasse est une filière à part entière, au même titre que les filières agricole et forestière. Il est donc logique que l’ONCFS, qui, du reste, réalise nombre d’études techniques commandées par le ministère de l’environnement, conserve son intégrité et son indépendance, tout en concluant, comme Mme la ministre l’a signalé, une convention avec l’Agence française pour la biodiversité. Nous ne voulons pas que cette indépendance soit peu à peu grignotée au profit d’une vaste agence dans laquelle les chasseurs seraient dilués !
Madame la ministre, mes chers collègues, dans la discussion qui s’engage, j’espère que chacun pourra faire valoir son point de vue dans un climat apaisé. Je souhaite aussi que les arguments des chasseurs et des pêcheurs, qui sont des prédateurs entrant dans un cycle naturel, soient entendus, car je pense que les uns et les autres, chasseurs comme opposants à la chasse, ont tout intérêt à ce que le projet de loi soit voté de manière consensuelle. En vérité, la défense de la biodiversité mérite mieux qu’un combat dogmatique contre des activités naturelles et millénaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées de l'UDI-UC, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Jean-Louis Carrère applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Chantal Jouanno a rappelé le protocole de Nagoya et la genèse du présent projet de loi, à laquelle elle a participé ; il faut bien garder à l’esprit que nombre des dispositions soumises à notre examen correspondent à la mise en œuvre de protocoles internationaux. Mme Jouanno a aussi insisté sur la mesure emblématique du présent texte : la création de l’Agence française pour la biodiversité, qui sera le véritable exécutif de la politique en faveur de la biodiversité.
Pour sa part, Annick Billon a exposé les positions du groupe UDI-UC sur les principes généraux énoncés par le projet de loi et sur les questions de gouvernance.
En ce qui me concerne, je m’attacherai aux titres IV et V du projet de loi qui mettent en œuvre concrètement les mesures proposées sur notre territoire.
Mes chers collègues, ces deux titres reflètent bien la dualité des approches que nous devons suivre en matière de biodiversité.
Une première approche, défensive, et dont tout le monde a bien conscience, correspond principalement au titre V. Elle se fonde sur la prise de conscience qu’il faut agir tout de suite. De fait, la biodiversité est menacée partout dans le monde, et la France ne fait pas exception. À l’heure où l’on parle de sixième grande extinction – une expression qu’ont employée Mme la ministre et nombre d’orateurs –, il n’y a plus de tergiversation possible : nous devons nous mobiliser très rapidement ! N’oublions pas en effet que, en matière de changement climatique – un problème étroitement lié à la biodiversité –, les évolutions s’avèrent beaucoup plus rapides que ce qu’avaient prévu même les experts les plus pessimistes.
Le titre V du projet de loi dote l’action publique d’un certain nombre d’outils destinés à prévenir la catastrophe : il en améliore certains qui préexistaient et en crée de nouveaux. Bien entendu, nous sommes favorables à ces outils ; mais, parce que la situation est vraiment grave, nous pensons qu’ils sont encore perfectibles à un certain nombre d’égards.
Le principal des outils prévus est, à n’en pas douter, le système de compensation de l’atteinte à la biodiversité destiné à améliorer l’effectivité de la compensation. Nous pensons que, en impliquant systématiquement tous les acteurs locaux – collectivités territoriales, associations, chasseurs et pêcheurs, agriculteurs – par la signature des contrats définissant les mesures de compensation, nous améliorerons ce dispositif. De même, confions à l’Observatoire national de la consommation des espaces agricoles la mission de dresser un état des lieux des espaces mobilisables dans le cadre de la compensation des atteintes à la biodiversité.
Le deuxième grand outil figurant au titre V est le système des obligations réelles environnementales qui permettra de pérenniser des actions en faveur de la biodiversité à un coût moindre pour la collectivité.
Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Absolument !
M. Pierre Médevielle. S’agissant de cette première approche, que j’ai qualifiée de « défensive », je tiens à dire quelques mots des néonicotinoïdes. Ces insecticides ont encore été à l’honneur, si l’on peut dire, la semaine dernière, lorsque l’ANSES a rendu public son rapport sur le sujet. Le temps des doutes est largement révolu : la nocivité de ces produits est aujourd’hui avérée. C’est pourquoi je soutiendrai, comme nombre de mes collègues, l’amendement de Mme Jouanno visant à programmer leur interdiction. Mes chers collègues, c’est aujourd’hui une mesure de sagesse !
Veillons à nous concentrer sur le cœur du sujet, la biodiversité, sans nous éparpiller sur des questions anecdotiques par rapport à ce qui est en jeu ; je pense à la chasse à la glu, une pratique traditionnelle destinée non pas à tuer des animaux, mais à attraper des appelants, et dont l’interdiction ne me semble pas avoir sa place dans un texte aussi important.
La seconde manière d’aborder la biodiversité, prospective et positive, inspire le titre IV du projet de loi qui transpose le protocole de Nagoya pour ce qui concerne l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées. Il s’agit de reconnaître que la biodiversité représente un patrimoine extraordinaire. Pour un pays comme la France, à la fois fournisseur et utilisateur de ressources, ce patrimoine recèle une richesse inestimable !
En d’autres termes, défendre la biodiversité, c’est non seulement répondre à une menace vitale, mais aussi préparer l’avenir, celui de nos enfants et de toutes les générations futures.
Cet avenir, nous devons le préparer sur le plan tant environnemental qu’économique. Ainsi, la compensation des atteintes à la biodiversité est de nature à réconcilier l’environnement et l’activité économique : fondée sur des dispositifs contractuels, elle pourra être une source de revenus supplémentaire pour les agriculteurs et les autres acteurs. De même, le mécanisme d’accès et de partage des avantages pourrait devenir l’un des fers de lance de l’innovation et de la croissance de demain.
Madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi sonne comme un cri d’alarme, mais aussi comme un formidable message d’espoir : sachons préserver le patrimoine, le capital, le trésor que représente la biodiversité ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe écologiste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, « aujourd’hui les femmes et les hommes savent protéger leur mémoire : leur patrimoine culturel. À peine commence-t-on à protéger l’environnement immédiat, notre patrimoine naturel. » Voilà ce qu’on peut lire dans la Déclaration internationale des droits de la mémoire de la terre, signée le 13 juin 1991 à Digne-les-Bains, dans mon département des Alpes-de-Haute-Provence.
C’est dire si le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont nous entamons l’examen, est une bonne nouvelle pour le monde rural et montagnard, qui vit pleinement de ses ressources naturelles et qui a à cœur de valoriser un patrimoine multiforme, interdépendant et profondément vivant. Il est d’autant plus important qu’il s’inscrit dans le droit fil de l’accord signé à Paris le 12 décembre dernier relatif à la réduction de la température terrestre – une très belle réussite que nous devons saluer.
Il ne me paraît pas inutile de rappeler que les territoires ruraux, en particulier montagnards, sont de très longue date des fers de lance précieux de la prise de conscience des dégradations parfois irréversibles subies par les espaces naturels.
Plus que jamais, nous avons la possibilité de privilégier une approche globale, qui permette d’appréhender la nature dans son ensemble. C’est la raison pour laquelle je suis satisfait que figurent dans les principes fondamentaux la préservation de la géodiversité et le support minéral comme constituant de la biodiversité.
Dans le même temps, il convient de prendre en compte les avantages considérables que les territoires concernés pourraient tirer d’une valorisation raisonnée et durable de leurs écosystèmes ; tel sera le sens de mon intervention.
À ce titre, le texte est porteur de beaucoup d’espoirs, mais aussi d’attentes concrètes.
Je souhaite plaider en cet instant pour que la future Agence française pour la biodiversité qui naîtra de nos discussions se dote d’une stratégie qui réponde à nos préoccupations en matière de ressources en eau et d’entretien des cours d’eau, notamment en zone de montagne.
La question des débits réservés a fait l’objet d’un débat important à l’Assemblée nationale. Une mission parlementaire a également permis d’avancer quelques pistes sur le sujet. Madame la ministre, pouvez-vous d’ores et déjà nous faire connaître l’état des discussions sur la question de la possible mise en place de dérogations aux débits réservés en zone de montagne en cas de sécheresse ?
Je souhaite plus particulièrement attirer votre attention sur l’entretien des cours d’eau et, plus spécifiquement, sur la question du curage et du dragage des rivières. Ce problème a été récemment soulevé dans cet hémicycle par Pierre-Yves Collombat, qui tirait les leçons des inondations dramatiques survenues dans le sud-est de la France. Durant des décennies, nos cours d’eau ont fait l’objet d’une exploitation totalement déraisonnée, qui a considérablement dégradé le milieu naturel.
Heureusement, le législateur a par la suite encadré la pratique du curage. Ainsi, l’article L. 215-15 du code de l’environnement interdit les extractions dans le lit mineur et l’espace de mobilité du cours d’eau, ainsi que dans les plans d’eau traversés par un cours d’eau.
Désormais, le curage est rendu quasiment impossible, car il est soumis à des autorisations qui sont en réalité des interdictions. Aujourd’hui, certains cours d’eau ne sont plus entretenus comme ils le devraient, ce qui est contreproductif pour la faune et la flore, et parfois source de danger pour les habitants.
Il est devenu nécessaire de faire évoluer certaines pratiques. Cette tâche pourrait être confiée à l’Agence française pour la biodiversité, qui exercera à la fois la mission de restauration des zones humides et la mission de police de l’eau. Je suggère que l’Agence puisse s’appuyer sur des associations syndicales autorisées – les ASA – mieux mobilisées, mais aussi sur les syndicats de rivière pour piloter efficacement des expérimentations en cas de besoin.
En conclusion, madame la ministre, mes chers collègues, la reconquête de la biodiversité devra aussi s’appuyer sur ces initiatives locales, facilitées et mieux coordonnées.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Yves Roux. Comme le disait Winston Churchill : « Là où se trouve une volonté, il existe un chemin. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui a connu un chemin législatif tortueux, c’est le moins que l’on puisse dire !
Annoncé en 2012 par le Président de la République peu après son élection, adopté par l’Assemblée nationale en mars 2015, examiné par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable en juillet 2015, ce projet de loi n’arrive en séance publique que plus de six mois plus tard. Je ne suis pas certain que la démocratie ait beaucoup à gagner à un examen aussi haché !
Pour commencer, je tiens à saluer le travail considérable et remarquable réalisé par M. le rapporteur, Jérôme Bignon, qui a auditionné au printemps dernier d’innombrables acteurs, organismes, autorités liés à la biodiversité. Ce travail a consisté à préserver l’équilibre du texte, instillant du réalisme et prenant en considération les nécessités économiques que la majorité de gauche à l’Assemblée nationale n’avait pas toujours envisagées.
C’est ainsi que les agriculteurs, ces acteurs majeurs de la biodiversité qui sont touchés par une crise profonde, ont pu être entendus par M. le rapporteur et par la commission. En cet instant, j’ai une pensée pour eux, ainsi que pour la Bretagne évidemment et, plus particulièrement, les Côtes-d'Armor où les éleveurs sont confrontés à des situations absolument dramatiques et vivent une réalité très éloignée des considérations qui ont inspiré ce texte, bien que je n’en nie évidemment pas l’importance. (Mme Françoise Gatel applaudit.)
Mais, en fait, c’est l’équilibre du texte à l’issue de son examen qui en fera ou non une bonne loi de la République qui sera acceptée par les acteurs économiques de notre pays.
En effet, tel qu’il est arrivé au printemps dernier devant nos collègues députés, le projet de loi était une accumulation de contraintes, d’obligations et d’interdictions affectant les agriculteurs. Nos collègues du groupe politique Les Républicains, qui appartiennent à l’opposition à l’Assemblée nationale, n’avaient d’ailleurs pas manqué de le dénoncer.
Madame la ministre, dans le cadre de la reconquête de la biodiversité, serait-il possible de protéger et de conserver nos agriculteurs, espèce qui risque d’être en voie de disparition si l’on continue d’augmenter les contraintes qui pèsent sur leur métier ? (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Plus généralement, les dispositions de ce projet de loi complexifient le paysage, non celui que l’on admire, mais le paysage réglementaire actuel ! Elles visent à restreindre certaines activités humaines sur le territoire français. Ces restrictions, qui n’existent pas dans d’autres pays de l’Union européenne, auront un effet économique négatif sur les activités forestières et agricoles en France, ainsi que sur le développement économique de nos territoires ruraux.
Pourtant, la crise économique qui sévit et perdure dans notre pays devrait au contraire nous conduire à simplifier les règles, à relancer l’activité économique et à desserrer certaines contraintes réglementaires et fiscales qui pèsent tout à la fois sur nos agriculteurs et sur nos entreprises. Madame la ministre, où sont passées les perspectives liées au choc de simplification que l’on nous a tant de fois annoncé ?
En ce domaine comme dans d’autres, c’est désormais le Sénat qui fait entendre la voix du réalisme et des acteurs de la vie économique de ce pays !
Mes chers collègues, espérons que la retenue qu’a su garder M. le rapporteur permette au texte, tel qu’il a été remanié en commission, intégrant notamment les amendements proposés par Mme la rapporteur pour avis Sophie Primas, de poursuivre son chemin législatif !
Mais tâchons aussi, lors des débats en séance publique, d’aller au-delà des compromis et de faire de ce projet de loi un outil véritablement utile pour les acteurs concernés ! Mes chers collègues, n’est-ce pas le propre d’un texte législatif que d’être utile ? Le débat en séance plénière n’est-il pas destiné à nous permettre de l’améliorer encore ?
Je suivrai avec la plus grande attention les amendements déposés non seulement par Rémy Pointereau en faveur des agriculteurs, mais aussi par Gérard Bailly pour les éleveurs, ou encore par M. Jean-Noël Cardoux en faveur des chasseurs et des pêcheurs, amendements que de nombreux collègues ont cosignés en espérant que les discussions qu’ils susciteront permettront un dialogue aussi constructif que possible dans cet hémicycle. J’ajoute avoir moi-même déposé un amendement visant à sécuriser le titre de paysagiste.
Je conclurai mon propos en évoquant le courriel que m’a adressé une personne qui s’est spécialisée dans le lombricompostage, autrement dit le traitement des déchets organiques par des vers, et auquel, j’en suis certain, vous serez aussi sensible que moi, madame la ministre. En effet, même si le sujet peut paraître anecdotique, il est très révélateur du blocage de notre société : « À l’heure où nous cherchons à réduire les déchets, à avoir un environnement plus sain, à sensibiliser nos concitoyens sur l’environnement, certaines activités sont incapables de démarrer en France, croulant sous le poids de législations et réglementations non proportionnées qui bloquent toute initiative. C’est ainsi que toute société qui souhaiterait développer le lombricompostage ou produire des insectes de type “coccinelle” pour lutter de façon écologique contre les ravageurs des cultures au lieu d’utiliser des produits chimiques, ou encore produire des escargots pour la transformation ultérieure, est soumise à une réglementation extrêmement contraignante concernant la faune sauvage “captive”, à savoir l’obtention d’une autorisation préfectorale d’ouverture, qui requiert également que l’entretien des animaux soit placé sous la responsabilité d’une personne titulaire du “certificat de capacité” délivré en application de l’article L. 423-2 du code de l’environnement ».
Tenez-vous bien, mes chers collègues : la réglementation qui doit être respectée en matière de lombricompostage est identique à celle qui est en vigueur dans les zoos et les cirques. Je vous rappelle pourtant qu’il n’est question ici que de lombrics, de coccinelles et d’escargots !
Pour conclure, madame la ministre, je tiens à dire que je suis de ceux qui continueront de militer pour la simplification avant toute chose et pour la coexistence intelligente entre écologie et économie.
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. Michel Vaspart. Il faut que tout dogmatisme laisse place au pragmatisme et au réalisme, seuls gages d’une adaptation aux changements grandement nécessaires à notre pays !
Comme le disait un grand naturaliste, Charles Darwin, « ce n’est pas la société la plus forte qui survit, ni même la plus intelligente, mais celle qui s’adapte le mieux aux changements. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. le rapporteur et Mme Sophie Primas, rapporteur pour avis, applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous y voilà ! Nous abordons ce beau et grand débat sur le vivant, les vivants, les interactions qu’ils ont avec leurs milieux et leur préservation conjointe.
Notre pays, la France, possède l’un des patrimoines naturels les plus riches et les plus variés au monde par son territoire et sa surface maritime répartie sur tous les continents. Je pense naturellement aux grandes barrières de corail de Nouvelle-Calédonie, classées au patrimoine mondial de l’UNESCO, mais également aux climats du vignoble de Bourgogne eux aussi récemment classés.
Pour autant, l’équilibre est fragile. Des études évoquent ainsi une sixième extinction de masse, ce dont chaque citoyen est – je le crois – désormais conscient. J’ai d’ailleurs en tête le combat de ces jeunes agriculteurs de l’Yonne qui demandent l’arrêt du grignotage systématique des espaces naturels cultivables.
En effet, on le perçoit bien, mes chers collègues, les tendances lourdes qui sont à l’œuvre favorisent le développement de villes-monde qui se livrent à une féroce concurrence internationale.
En définitive, la « mégamachine » décrite dans les années cinquante par Lewis Mumford est en train de devenir réalité, avec tout ce que cela contient en germe de dépersonnalisation des relations. Ou quand la personne, au lieu d’être insérée dans des communautés de vie et de partage, s’efface pour n’être qu’un individu ballotté, peut-être désespéré.
C’est ce que Henry David Thoreau, l’auteur de Walden ou la vie dans les bois, avait lui aussi prédit dès la fin du XIXe siècle : « L’existence que mènent en général les hommes est une existence de tranquille désespoir. Ce que l’on appelle résignation n’est autre chose que du désespoir confirmé. De la cité désespérée vous passez dans la campagne désespérée, et c’est avec le courage de la loutre et du rat musqué qu’il vous faut vous consoler. Il n’est pas jusqu’à ce qu’on appelle les jeux et divertissements de l’espèce humaine qui ne recouvre un désespoir stéréotypé quoique inconscient ».
Pourquoi dresser un tel tableau en préambule ? C’est parce que le débat que nous allons avoir, mes chers collègues, renvoie aussi au sens que nous souhaitons donner aujourd’hui à notre action dans le monde !
La vie transforme les êtres vivants. La vie évolue. Henri Bergson l’a bien expliqué : il y a coappartenance des vivants et des milieux, il y a codépendance. Mais ne perdons pas de vue que l’homme reste l’être le plus capable de conscience sur notre planète. Par conséquent, c’est aussi à nous d’avoir conscience de la Terre.
Cette prise de conscience doit nous réconcilier avec le long terme, quand nous subissons la tyrannie de l’accélération du temps. Elle doit également nous réconcilier avec les « petites patries » que sont les territoires dans lesquels plongent nos racines. Bref, à naufrage mondial, répondons par un ancrage local, à échelle humaine, à hauteur d’homme.
Face à ces immenses défis auxquels nous devons faire face, nous ne devons pas céder à la tentation de désigner des bons et des mauvais. Bref, pour une fois, ne succombons pas à cette passion française de désigner des boucs émissaires ! Or c’est bien ainsi que se sentent parfois considérés les « œuvriers » de la planète que sont les agriculteurs, les chasseurs ou les élus des collectivités locales.
Agissons plutôt avec le souci du dialogue et du pragmatisme, qui sont – comme l’a dit Michel Vaspart précédemment – un gage d’efficacité ! Nous avons besoin de tout le monde. La reconquête de la biodiversité passe par des partenariats forts avec tous les acteurs. Ne ravivons pas des conflits par des approches par trop vécues comme punitives.
J’ai par exemple vu que Mme Blandin avait déposé un amendement sur l’interdiction de la chasse le mercredi. Il s’agit pourtant d’un vieux débat qui a déjà été tranché.
Mme Marie-Christine Blandin. C’est raté, monsieur Lemoyne, l’amendement n’est plus d’actualité !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Il est donc inutile de revenir sur le sujet.
Il s’agit non pas de mettre la nature sous cloche, mais de révéler au contraire son incroyable potentiel.
Nous, les ruraux, avons la conviction d’être des acteurs de premier plan en termes de maintien de la biodiversité et des paysages. Or l’avalanche normative à laquelle, la vérité m’oblige à le dire, nous avons contribué conduit à la lente apoplexie d’un certain nombre d’acteurs de ces territoires.
Par exemple, la mise en œuvre des décisions relatives aux captages « Grenelle » se traduit par des mesures de résorption, qui ont été prises selon un processus un peu trop vertical et après une insuffisante concertation.
Dans ce contexte, je salue les efforts réalisés par M. le rapporteur et par Mmes les rapporteurs pour avis, Sophie Primas et Françoise Férat, pour aller vers un texte davantage équilibré qu’il ne l’était au moment de son dépôt ou de son adoption par l’Assemblée nationale. Il s’agit désormais d’un texte qui construit « avec » et pas « contre », notamment avec les chasseurs. Ces derniers jouent en effet un rôle important dans l’aménagement du territoire et la préservation de la faune sauvage.
Mes chers collègues, imaginons la situation s’il n’y avait pas de régulation : certaines espèces se développeraient avec excès et entraîneraient un dérèglement de l’équilibre existant. On le voit régulièrement avec les dégâts de gibier.
Les recensements de la faune sauvage, les subventions attribuées pour les travaux de recherche sur les espèces, la collecte de données, ou encore la surveillance sanitaire de la faune sauvage sont autant d’actions qui font des chasseurs des acteurs majeurs de la gestion du territoire et de la sauvegarde de cette faune sauvage.
À cet égard, je salue l’amendement de Sophie Primas qui permet d’intégrer des représentants des collectivités locales à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, sans toucher au principe selon lequel les représentants issus des milieux cynégétiques constituent la moitié des membres du conseil.
Le texte de la commission prend également en compte les agriculteurs, qui sont aussi des acteurs de premier plan. Là encore, je salue le pragmatisme qui a conduit Jérôme Bignon et Sophie Primas à supprimer l’article 34. Cet article permettait à l’autorité administrative – une fois de plus ! – de créer des zones soumises à contraintes environnementales au sein desquelles des pratiques agricoles pouvaient être imposées. Je le répète : le contrat et le partenariat doivent prévaloir sur la contrainte !
De la même façon, M. le rapporteur a déposé à l’article 27 un amendement dont l’adoption permet d’associer les chambres d’agriculture à la procédure d’élaboration de la charte d’un parc naturel régional. Cette disposition est utile tant les craintes sont nombreuses au sujet d’une démarche qui peut pourtant se révéler « gagnant-gagnant » pour reprendre une expression que vous affectionnez, madame la ministre ! (Sourires.)
C’est au prix du dépassement de ces clivages artificiels que nous pourrons répondre à l’immense défi qui se présente et, ainsi, éviter le scénario imaginé par les Cowboys fringants, poètes chanteurs québécois. Je ne résiste pas, mes chers collègues, à l’envie de vous lire quelques strophes de leur très belle chanson intitulée Plus rien :
« Il ne reste que quelques minutes à ma vie
« Tout au plus quelques heures, je sens que je faiblis
« Mon frère est mort hier au milieu du désert
« Je suis maintenant le dernier humain de la Terre
« On m’a décrit jadis, quand j’étais un enfant
« Ce qu’avait l’air le monde il y a très très longtemps
« Quand vivaient les parents de mon arrière-grand-père
« Et qu’il tombait encore de la neige en hiver
« En ces temps on vivait au rythme des saisons
« Et la fin des étés apportait la moisson
« Une eau pure et limpide coulait dans les ruisseaux
« Où venaient s’abreuver chevreuils et orignaux
« Mais moi je n’ai vu qu’une planète désolante
« Paysages lunaires et chaleur suffocante
« Et tous mes amis mourir par la soif ou la faim
« Comme tombent les mouches jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien…
« Plus rien…
« Plus rien… » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis de l’examen en séance, au Sénat, de ce projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
À plus d’un titre, ce texte est très attendu. Quarante ans après la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, il vient compléter et modifier notre conception et notre rapport à la nature.
Différentes évolutions l’imposent, qu’elles concernent les découvertes scientifiques, de nouveaux instruments normatifs et juridiques, ou encore la prise de conscience de l’urgence climatique et environnementale par les pouvoirs publics et la société, notamment par les acteurs économiques.
La destruction de la biodiversité, du fait de l’action de l’homme, de l’incertitude des effets susceptibles d’en découler et du risque d’irréversibilité de cette perte, doit nous conduire à nous interroger collectivement sur nos propres pratiques. Elle remet également en question le droit en tant qu’instrument de régulation des relations sociales.
Le professeur Michel Prieur considère que l’environnement renvoie aux interactions et aux relations des êtres vivants entre eux et avec leur milieu. Dès lors, le droit de l’environnement doit réglementer des secteurs comme la protection de la nature, l’aménagement, l’urbanisme ou les ressources maritimes.
Première richesse de la biodiversité française et européenne, l’outre-mer présente une exceptionnelle variété d’espèces et d’écosystèmes. J’illustrerai mon propos en évoquant très sommairement l’archipel de la Guadeloupe.
Ses deux îles principales diffèrent de par leur origine géologique. Ainsi, la Grande-Terre d’origine corallienne dispose d’un sol calcaire peu accidenté, tandis que la Basse-Terre d’origine volcanique est traversée du nord au sud par une chaîne montagneuse dont le point culminant est le volcan de la Soufrière.
La biodiversité demeure peu connue, ce qui a conduit à la mésestimer et à méconnaître le rôle fonctionnel attribué aux habitats.
Outre les quatre types d’habitat que sont les zones humides, les herbiers de phanérogames marines, les communautés coralliennes et les plages et estrans, il est possible d’évoquer également plusieurs habitats marins, sans statut particulier, mais qui doivent être considérés si l’on veut prendre en compte l’ensemble de la biodiversité guadeloupéenne. Il s’agit notamment des fonds sablo-vaseux, des fonds détritiques, des algueraies, des zones rocheuses ne présentant pas de formations coralliennes et des zones détritiques profondes.
La Guadeloupe est également identifiée comme un hot spot de biodiversité du fait du caractère endémique de nombreuses espèces.
Par ailleurs, échappant aux catégories juridiques existantes, les outre-mer constituent un fabuleux champ d’expérimentation des potentialités du droit constitutionnel et administratif. Le droit est source d’innovations importantes et provoque le débat. Il enrichit la réflexion sur une décentralisation de l’environnement. Nos outre-mer soulèvent des questions originales et pertinentes, qui n’entrent pas dans les cadres préconçus.
Malgré cela, les atteintes à la biodiversité ultramarine demeurent importantes. L’analyse des situations locales fait ressortir la gravité des problèmes écologiques affectant la majorité des territoires, tels que la régression des espaces sensibles, la raréfaction d’espèces endémiques, ou encore l’extension, importante et constante, de l’emprise humaine sur le littoral.
Force est de constater que le développement économique de nos outre-mer n’a pas été favorable à l’environnement. Les transformations créées, notamment sur les rivages, nécessitent de replacer ce dernier au centre des préoccupations et des projets, mais également de se poser des questions sur les choix du modèle actuel de développement.
Pour en revenir au projet de loi qui nous est présenté ce jour, différentes problématiques sont abordées au travers de ses sept titres. J’évoquerai certaines d’entre elles.
Au titre Ier, qui pose les grandes orientations, je me réjouis de l’inscription dans le code de l’environnement d’une vision renouvelée des composantes de la biodiversité. Toutefois, je regrette que le principe de non-régression en droit de l’environnement, cher au professeur Michel Prieur, n’ait pas été introduit.
De même, le titre IV relatif à l’accès aux ressources génétiques nécessite des précisions quant à sa mise en œuvre, en raison de nombreuses limites.
Les procédures d’accès et d’utilisation des ressources génétiques semblent insuffisamment développées.
S’agissant des communautés et de leurs connaissances traditionnelles, j’ai le souvenir que le Conseil national de la transition écologique, le CNTE, avait appelé au mois de décembre 2013, à propos de la notion de communautés autochtones et locales, à une « transcription en droit français […] la moins restrictive possible pour couvrir l’ensemble des détenteurs de connaissances traditionnelles qui doivent bénéficier d’un partage des avantages ».
Par ailleurs, il est dommageable que cette mise en cohérence se fasse par une segmentation artificielle et injustifiée des compétences.
J’en viens au titre V, relatif aux outils de préservation de la biodiversité. Celui-ci traite bien du milieu marin, du littoral et de la biodiversité terrestre, mais je regrette une distinction qui, manifestement, méconnaît les réalités de nos territoires insulaires.
Je rappelle enfin que, dans le cadre de la stratégie nationale pour la biodiversité du mois de septembre 2006, le plan outre-mer développe, pour la première fois dans l’histoire de la conservation de la biodiversité ultramarine, des orientations transversales à l’outre-mer.
Je conclurai avec cette citation : « il ne faut pas attendre du droit des conséquences qu’il ne peut pas avoir ou lui infliger un programme qu’il ne peut pas réaliser ». (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai par saluer, à mon tour, le travail colossal réalisé par le rapporteur, Jérôme Bignon. Celui-ci a su écouter tous les acteurs, au travers d’auditions qui ont été nombreuses. Au stade de l’examen en commission – c’était en juillet dernier, voilà près de six mois –, il a opéré des aménagements bienvenus pour tâcher d’équilibrer le texte et, ainsi, de satisfaire les nombreux acteurs de la biodiversité.
Je salue également l’excellence du travail effectué par Sophie Primas, la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, dont les propositions ont d’ailleurs toutes été reprises.
Quel plus beau concept que celui de préservation de la biodiversité ? Le capital vert s’érode de jour en jour ; beaucoup trop d’espèces sont menacées ou ont déjà disparu. La violence du progrès, le pillage de certaines matières premières, la pollution des sols et des océans, la réduction des espaces, le réchauffement climatique : tous les indicateurs de la biodiversité sont au rouge et nous nous demandons tous ce que nous allons léguer à nos descendants.
Près de quarante ans après la loi de protection de la nature de 1976, nous avions besoin de faire évoluer notre perception de la biodiversité pour renouveler les grands principes structurant la politique de conservation de cette biodiversité.
Ce sujet aurait dû faire consensus, à l’image de ce que nous avons connu avec le Grenelle de l’environnement, dont l’esprit, inspiré par Jean-Louis Borloo, soulevait des débats rassemblant bien au-delà des convictions politiques.
Le texte sur la biodiversité aurait dû être ce moment privilégié pour la République où l’ensemble des citoyens se retrouvent sur l’essentiel. Rien de tel, hélas ! En laissant libre cours à un acharnement idéologique contre ceux qui vivent et travaillent dans les territoires ruraux, le Gouvernement, avec sa majorité à l’Assemblée nationale, n’a pas su faire consensus.
Pour être durable, le développement devrait reposer sur trois piliers fondamentaux – l’économie, l’environnement et la société –, et non découler d’une vision idéologique d’une nature préservée, mise sous cloche ! Pourquoi opposer l’homme à la nature, et l’agriculture à l’environnement ?
Je n’entrerai pas dans le détail technique qu’impose le sujet – nous y viendrons lors de la discussion des articles –, mais concentrerai mon propos sur quelques traits saillants.
Un mot, tout d’abord, sur les instances de gouvernance de la biodiversité.
L’article 5 du projet de loi crée deux institutions relatives à la biodiversité : le Comité national de la biodiversité et le Conseil national de la protection de la nature.
Le rapporteur a proposé une modification sensible de cet article que nous avons reprise avec mes collègues de la commission du développement durable, dans le sens d’un renforcement de la composition du Comité national de la biodiversité. Il a précisé ses missions, en lien avec la nouvelle Agence française pour la biodiversité.
Parmi les acteurs concernés, je tiens beaucoup à ce que l’on rappelle les agriculteurs, particulièrement leur rôle en matière de biodiversité.
Ce projet de loi, c’est un boulet supplémentaire aux chevilles des agriculteurs de notre pays ! Quelle sera la compétitivité d’un secteur déjà submergé de contraintes administratives, sociales et environnementales ? Pourtant, ce sont bien les agriculteurs qui entretiennent la nature et les paysages. Ce sont eux qui maintiennent les prairies, les haies, les bosquets, autant d’habitats pour les oiseaux et les batraciens. Plutôt que de reconnaître leur rôle de gestionnaires des espaces naturels, le Gouvernement a choisi de les soumettre à de nouvelles tracasseries administratives.
Par la voix de leurs organisations syndicales et de leurs chambres consulaires, les agriculteurs ont rappelé qu’ils étaient d’accord pour agir en faveur de la biodiversité, mais pas telle que définie par le projet de loi.
J’entends bien que le rapporteur se préoccupe de conserver un équilibre, afin que le texte puisse progresser sans risquer d’être immédiatement retoqué par nos collègues de l’Assemblée nationale. Pour autant, j’ai cosigné les amendements déposés par Rémy Pointereau, ici présent, pour que les agriculteurs, qui sont aux prises avec tant d’autres contraintes et soucis, soient davantage entendus. Il est criminel, madame la ministre, de leur imposer de nouvelles contraintes, au vu de ce qu’est déjà leur quotidien.
Je veux aussi saluer – et vous me rejoindrez peut-être sur ce point – le travail réalisé par les chasseurs, notamment en milieu rural, pour préserver la nature, faire connaître la vie sauvage et transmettre un certain nombre de savoirs.
Je pense également aux pêcheurs, qui, pour évoluer quotidiennement dans des espaces naturels remarquables et souvent dégradés, sont parfaitement au fait de la question de la gestion de l’eau. Ce sont eux qui conservent la mémoire de l’évolution des paysages, de nos vallées et de nos rivières.
Jean-Noël Cardoux, également présent sur ces travées, qui préside le groupe d’études Chasse et pêche, a annoncé tout à l’heure qu’il présenterait des amendements. J’en ai cosigné un certain nombre, comme beaucoup de mes collègues.
Enfin, peut-on considérer que la reconquête de la biodiversité est en marche avec ce texte ?
On le sait, la France a une responsabilité particulière en la matière. Elle dispose en effet de territoires d’outre-mer – ils viennent d’être évoqués par notre collègue Jacques Cornano –, qui sont très riches en biodiversité, notamment en espèces endémiques. Elle possède également le deuxième domaine maritime mondial.
Or il faut bien constater que ce projet de loi se cantonne à des avancées mineures. Pour tout dire, avec ce minimum que constitue la création d’une Agence française pour la biodiversité, nous sommes même loin des simples objectifs du Grenelle de l’environnement !
De plus, comme bien souvent, les objectifs fixés demeureront du simple affichage, faute de moyens financiers.
De nombreux observateurs ont fait valoir que, face à l’érosion de la biodiversité, des financements étaient nécessaires pour agir. En même temps, je le comprends bien, les temps sont durs, et si des arbitrages doivent être rendus, je ne sais s’ils doivent l’être en faveur d’ambitions écologiques.
Pour ma part, à l’instar de tous les Français, j’attends des traductions concrètes, dans ce domaine comme dans d’autres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale commune est close.
Mes chers collègues, en raison de la tenue de la conférence des présidents, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures cinq, sous la présidence de M. Hervé Marseille.)
PRÉSIDENCE DE M. Hervé Marseille
vice-président
18
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui, à dix-neuf heures.
La conférence des présidents a tout d’abord décidé d’ouvrir cette nuit et celle de demain, ainsi que, éventuellement, vendredi matin et après-midi, afin de terminer l’examen du projet de loi et de la proposition de loi organique relatifs à la biodiversité.
Elle a par ailleurs établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
MARDI 19 JANVIER 2016 |
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Le soir et la nuit |
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (texte de la commission, n° 608, 2014-2015) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (texte de la commission, n° 609, 2014-2015) |
MERCREDI 20 JANVIER 2016 |
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À 14 h 30,le soir et la nuit |
- Suite de l’ordre du jour de la veille |
JEUDI 21 JANVIER 2016 |
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De 10 h 30 à 11 h 30, à 14 h 30et le soir |
- Suite de l’ordre du jour de la veille |
ÉVENTUELLEMENT, VENDREDI 22 JANVIER 2016 |
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À 9 h 30 et à 14 h 30 |
- Suite de l’ordre du jour de la veille |
MARDI 26 JANVIER 2016 |
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À 9 h 30 |
- 26 questions orales L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement. • n° 1182 de M. Richard YUNG à M. le ministre des finances et des comptes publics (Gestion des impôts dus en France par les non-résidents) • n° 1202 de M. Philippe MADRELLE à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (Fonctionnement de la centrale nucléaire du Blayais) • n° 1211 de Mme Michelle DEMESSINE à M. le ministre de l’intérieur (Accueil collectif des mineurs en refuge) • n° 1218 de M. Bruno SIDO à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (Intégrité scientifique) • n° 1224 de Mme Colette GIUDICELLI à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes (Politique européenne d’identification des migrants) • n° 1228 de M. Jean-Claude LENOIR à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (Menaces sur l’alternance intégrative pour les formations en travail social) |
MARDI 26 JANVIER 2016 (SUITE) |
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À 9 h 30(suite) |
• n° 1234 de M. Cyril PELLEVAT transmise à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique (Ralentissement de l’activité de l’industrie du bâtiment et des travaux publics en Haute-Savoie) • n° 1238 de M. Daniel GREMILLET à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité (Délais d’instruction des autorisations d’urbanisme) • n° 1240 de M. Martial BOURQUIN à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (Glyphosate et pollution des rivières comtoises) • n° 1245 de Mme Anne-Catherine LOISIER à M. le ministre des finances et des comptes publics (Fermeture des trésoreries en milieu rural) • n° 1247 de M. Roland COURTEAU à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement (Expérimentation d’une nouvelle méthode de lutte contre le chancre coloré) • n° 1257 de Mme Agnès CANAYER à M. le secrétaire d’État chargé du budget (Localisation des services de douanes dans le cadre de la Normandie réunifiée) • n° 1260 de Mme Catherine PROCACCIA à M. le ministre de la défense (Service historique de la défense et préservation du château de Vincennes) • n° 1264 de M. François COMMEINHES à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie (Lutte contre la prolifération du moustique tigre) • n° 1274 de Mme Brigitte MICOULEAU à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche (Réalisation des lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax) • n° 1275 de M. Patrick CHAIZE à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique (Régime indemnitaire des exécutifs de syndicats intercommunaux) • n° 1277 de M. Hervé MAUREY transmise à M. le ministre des finances et des comptes publics (Comptes bancaires inactifs et contrats d’assurance sur la vie en déshérence) • n° 1280 de M. Yannick VAUGRENARD à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique (Trésorerie des petites et moyennes entreprises) • n° 1283 de Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (Fermetures de centres de sécurité sociale dans les Hauts-de-Seine) • n° 1286 de M. Antoine KARAM à M. le ministre de l’intérieur (Augmentation importante des demandes d’asile en Guyane) |
MARDI 26 JANVIER 2016 (SUITE) |
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À 9 h 30(suite) |
• n° 1288 de Mme Gisèle JOURDA à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique (Nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale) • n° 1289 de M. Jacques MÉZARD à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (Pôle d’anesthésie dans les hôpitaux publics) • n° 1291 de M. Louis-Jean de NICOLAY à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (Maisons de santé hospitalières) • n° 1294 de M. Olivier CIGOLOTTI à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes (Médicament dépakine et malformations) • n° 1301 de M. Jean-Pierre BOSINO à Mme la ministre de la culture et de la communication (Théâtre de la faïencerie de Creil) • n° 1316 de M. Jean Louis MASSON à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports (Champ d’intervention de l’agence nationale pour la rénovation urbaine) |
À 14 h 30 |
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité • Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe • Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 25 janvier, à 17 heures |
De 15 h 15à 15 h 45 |
- Vote solennel par scrutin public, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages |
À 15 h 45 |
- Proclamation du résultat du scrutin public sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages et scrutin public ordinaire en salle des séances sur la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité |
MARDI 26 JANVIER 2016 (SUITE) |
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À 16 heureset le soir |
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’information de l’administration par l’institution judiciaire et à la protection des mineurs (texte de la commission, n° 294, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 21 janvier, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 janvier matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 janvier, à 17 heures - Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (texte de la commission, n° 275, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 21 janvier, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 janvier matin et mercredi 27 janvier matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 janvier, à 17 heures |
MERCREDI 27 JANVIER 2016 |
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À 14 h 30 |
- Suite éventuelle de l’ordre du jour de la veille - Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs (n° 281, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des lois, avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 20 janvier matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 janvier, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 27 janvier matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 26 janvier, à 17 heures - Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat (n° 252, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques. • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 20 janvier matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 janvier, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 27 janvier matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 26 janvier, à 17 heures |
MERCREDI 27 JANVIER 2016 (SUITE) |
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Le soir |
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie (texte de la commission, n° 307, 2015-2016) • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 26 janvier, à 17 heures - Suite de l’ordre du jour de l’après-midi |
JEUDI 28 JANVIER 2016 |
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À 10 h 30 |
- 1 convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié : => Projet de loi autorisant la ratification du protocole relatif à la convention n° 29 de l’Organisation internationale du travail sur le travail forcé, 1930 (procédure accélérée) (n° 630, 2014-2015) • Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 26 janvier, à 17 heures - Suite éventuelle de l’ordre du jour de la veille - Projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 296, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 20 janvier matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 janvier, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 27 janvier matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 30 minutes • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 27 janvier, à 17 heures |
À 15 heures |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur France 3, Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 28 janvier, à 11 heures |
Éventuellement,à 16 h 15 et le soir |
- Suite de l’ordre du jour du matin |
SEMAINE SÉNATORIALE
MARDI 2 FÉVRIER 2016 |
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À 14 h 30 |
- Proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, présentée par MM. Philippe BAS, Bruno RETAILLEAU, François ZOCCHETTO et Michel MERCIER (n° 280, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 janvier, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 2 février matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 1er février, à 17 heures |
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À 16 h 45 |
- Questions d’actualité au Gouvernement (Diffusion en direct sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat) • Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 2 février, à 12 h 30 |
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À 17 h 45, le soir et, éventuellement, la nuit |
- Suite de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, présentée par MM. Philippe BAS, Bruno RETAILLEAU, François ZOCCHETTO et Michel MERCIER (n° 280, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains) |
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MERCREDI 3 FÉVRIER 2016 |
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De 14 h 30à 18 h 30(ordre du jour réservé au groupe socialiste et républicain) |
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (texte de la commission, n° 269, 2015-2016) - Proposition de loi visant à permettre l’application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation, présentée par M. Jean-Pierre SUEUR (procédure accélérée) (n° 284, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 janvier, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 2 février, à 17 heures |
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De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit (ordre du jour réservé au groupe RDSE) |
- Proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l’article 1er de la Constitution, présentée par M. Jacques MÉZARD et plusieurs de ses collègues (n° 258, 2015-2016) Ce texte a été envoyé à la commission des lois. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 janvier, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 2 février, à 17 heures |
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MERCREDI 3 FÉVRIER 2016 (SUITE) |
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De 18 h 30 à 20 heures et de 21 h 30 à minuit (ordre du jour réservé au groupe RDSE) (suite) |
- Proposition de loi organique visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires, présentée par M. Jacques MÉZARD et plusieurs de ses collègues (n° 3, 2015-2016), et proposition de loi organique visant à supprimer le remplacement des parlementaires en cas de prolongation d’une mission temporaire (n° 4, 2015-2016), présentée par M. Jacques MÉZARD et plusieurs de ses collègues Ces deux textes ont été envoyés à la commission des lois. Ils feront l’objet d’une discussion générale commune. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 janvier, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et les textes : mercredi 27 janvier matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 2 février, à 17 heures |
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JEUDI 4 FÉVRIER 2016 |
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À 10 h 30 |
- Proposition de résolution européenne sur les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire présentée, en application de l’article 73 quinquies du Règlement, par M. Michel BILLOUT et plusieurs de ses collègues (rapport et texte de la commission n° 270, 2015-2016) (demande du groupe communiste républicain et citoyen) Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques. • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février, à 17 heures - Suite éventuelle de la proposition de loi tendant à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste, présentée par MM. Philippe BAS, Bruno RETAILLEAU, François ZOCCHETTO et Michel MERCIER (n° 280, 2015-2016) (demande du groupe Les Républicains) |
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JEUDI 4 FÉVRIER 2016 (SUITE) |
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À 14 h 30, le soir et, éventuellement,la nuit |
- Proposition de loi favorisant l’accès au logement social pour le plus grand nombre, présentée par M. Michel LE SCOUARNEC et plusieurs de ses collègues (n° 256, 2015-2016) (ordre du jour réservé au groupe communiste républicain et citoyen) Ce texte a été envoyé à la commission des finances, avec une saisine pour avis de la commission des affaires économiques. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 janvier, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février, à 17 heures - Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin - Proposition de loi portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (n° 225, 2015-2016) et proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (n° 226, 2015-2016), présentées par Mme Marie-Hélène DES ESGAULX, M. Jean-Léonce DUPONT et M. Jacques MÉZARD (demande du groupe Les Républicains) Ces deux textes ont été envoyés à la commission des lois, avec une saisine pour avis de la commission de la culture. Ils feront l’objet d’une discussion générale commune. • Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 janvier, à 12 heures • Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier matin • Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 1er février, à 12 heures • Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 3 février matin • Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 1 heure • Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février, à 17 heures |
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Je consulte le Sénat sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Ces propositions sont adoptées.
19
reconquête de la Biodiversité, de la nature et des paysages
Suite de la discussion d’un projet de loi et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.
La discussion générale commune a été close.
Nous passons à l’examen du texte de la commission relatif au projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
TITRE Ier
PRINCIPES FONDAMENTAUX
Article 1er
Le I de l’article L. 110-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le mot : « naturels », sont insérés les mots : « terrestres et marins » ;
2° et 3° (Supprimés)
4° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les processus biologiques et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine.
« On entend par biodiversité, ou diversité biologique, l’ensemble des organismes vivants ainsi que les interactions qui existent, d’une part, entre les organismes vivants eux-mêmes, d’autre part, entre ces organismes, leurs habitats naturels et leurs milieux de vie. »
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Depuis le 28 décembre 2015, les arrêtés de protection des géotopes sont publiés. Madame la ministre, vous avez respecté vos engagements face aux géologues et aux enseignants-chercheurs du Muséum.
Mieux, cette prise de conscience se retrouve désormais dans l’article 1er du présent projet de loi qui inclut dans le patrimoine la « géodiversité ». Il y va de nos paysages, des essences de nos forêts, des cultures et, pour prendre un exemple qui motive souvent le Sénat, des viticultures.
Ainsi, à exposition semblable, à altitude égale, à pente semblable, selon que le sous-sol est jurassique moyen ou jurassique supérieur, et son sol associé, vous aurez du vin Côtes de Nuits ou Côtes de Beaune… Et s’il y a de petites huîtres fossiles, ou Ostrea, l’appellation Chablis vous sera refusée…
Au-delà de ces incidences économiques et gastronomiques, l’attention portée au patrimoine géologique a toute son importance en matière de rôle joué par les sols et leur faune : tout comme notre organisme héberge deux kilogrammes de micro-organismes, biodiversité indispensable à notre santé, les sols non empoisonnés abritent une masse d’animaux et de bactéries contributeurs de fertilité et de résilience, dont le poids dépasse celui des troupeaux qui pâturent en surface.
Recevez donc, madame la ministre, la gratitude des géologues, des pédologues et des défenseurs de l’humus, et permettez-nous d’espérer pour les amendements nos 457 rectifié, 121 rectifié bis et 525 rectifié bis, qui ont reçu un avis négatif de M. Bignon, mais qui visent pourtant simplement à mentionner l’importance des sols dans le patrimoine pour la biodiversité. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l’article.
M. Joël Guerriau. Nous avons la responsabilité de mener une politique qui vise à protéger et entretenir notre écosystème trop souvent mis à mal par l’homme. La reconquête de la nature et des paysages est essentielle pour l’humanité et son devenir. Aussi, préserver la diversité de la vie naturelle, de la faune, de la flore, terrestre ou marine, doit être notre priorité.
À ce titre, l’article 1er permet d’enrichir le code de l’environnement par des concepts et un vocabulaire renouvelé et raisonné. Il donne une définition plus affinée de la biodiversité en intégrant l’ensemble des êtres vivants dans une dynamique.
Cet article contribue à rassembler, organiser et clarifier ce qui fait la biodiversité en tenant compte de l’avis des chercheurs.
La chaîne du vivant dont nous dépendons mérite que l’on soit d’accord sur l’évolution du code de l’environnement, sans pour autant omettre l’énorme chemin qu’il reste à parcourir pour préserver l’écosystème de notre planète.
Le groupe UDI-UC soutient la rédaction de cet article issue des travaux de la commission.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. Cet article 1er permet de compléter la notion de patrimoine commun de la nation, telle que définie à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
Reconnaître que les espaces, ressources et milieux naturels sont issus à la fois des mondes terrestre et maritime me semble par exemple une évidence, car la biodiversité englobe effectivement des espaces, ressources et milieux naturels tant terrestres que marins. Ainsi, la Méditerranée abrite près de 10 % des espèces marines connues dans le monde.
Mais, selon moi, la biodiversité inclut également les sites et paysages diurnes et nocturnes. Oui, il y a des paysages nocturnes affectés par la pollution causée par l’excès de lumière artificielle, ce qui touche directement la biodiversité et la vie des insectes, par exemple.
Pour moi, les paysages, tant diurnes que nocturnes, font donc partie du patrimoine commun de la nation et je regrette que cette référence ait été supprimée lors des travaux de la commission au Sénat.
Je regrette également que les sols ne figurent plus dans le texte de la commission. Je présenterai d’ailleurs des amendements sur ce sujet, car nous devons les considérer comme un bien commun, à l’instar de l’eau et de l’air, non dans leur seule et unique valeur foncière. Ce n’est pas un hasard si l’ONU a déclaré 2015 l’année internationale du sol.
Les sols – faut-il le rappeler ? – abritent un quart des espèces de la planète, font pousser nos forêts, nos fruits et nos légumes, stockent carbone et gaz à effet de serre et luttent contre les inondations. Ils rendent une multitude de services à l’humanité. Or nous détruisons ou dégradons nos sols agricoles dans l’indifférence générale. Entre 2006 et 2014, près de 500 000 hectares ont été artificialisés en France, soit l’équivalent d’un département ! Cette imperméabilisation empêche la circulation de l’air et de l’eau qui constituent des éléments vitaux pour les milliards d’organismes qui vivent dans les sols.
Nos sols sont aussi dégradés par l’épuisement des substances nutritives, l’acidification, la salinisation ou les pollutions. Cela entraîne une perte de fertilité et une réduction de la biodiversité.
Le phénomène est mondial : 33% des sols, dans le monde, sont dégradés.
Bref, la biodiversité est un tout et l’article 1er permet de renouveler et de préciser sa définition.
Je vous remercie, madame la ministre, d’attirer notre attention, par ce projet de loi, sur cette situation alarmante.
On apprend ainsi, dans une étude lancée sur l’initiative des Nations unies, que les espèces vivantes s’éteignent à un rythme 1 000 fois plus intense que celui dont font état les paléontologues pour les dernières 65 millions d’années… Qui pourrait rester inerte, alors que le monde est entré dans une sixième extinction de masse ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Joël Labbé applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux de la tenue de ce débat sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Il témoigne d’une volonté de donner une indispensable ampleur à la politique de protection de la nature et de mieux appréhender la diversité et la complexité de la biodiversité.
Comme vous le savez, ce sujet nous préoccupe au plus haut point, puisque les territoires français d’outre-mer sont riches d’espèces animales et végétales endémiques avec 3 600 plantes et 240 vertébrés.
Cette biodiversité foisonnante, unique, représente 1,4 % des plantes du monde, 3 % des mollusques, 2 % des poissons d’eau douce, 1 % des reptiles et 0,6 % des oiseaux. En outre, les récifs coralliens couvrent 55 000 kilomètres carrés et représentent 10 % de ceux qui existent dans le monde.
La biodiversité ultramarine représente 80 % de la biodiversité française. Le patrimoine naturel des collectivités françaises d’outre-mer est donc exceptionnel, tant par sa diversité que par son haut niveau d’endémisme.
Si ce tableau succinct témoigne de la place irremplaçable de l’outre-mer au sein de l’ensemble français, il ne peut occulter la fragilité de cette richesse patrimoniale, menacée par la surexploitation, la destruction et la fragmentation des habitats, l’introduction d’espèces invasives et les pollutions.
Le projet de loi qui nous est soumis a l’incontestable mérite de mettre en valeur une vision dynamique des écosystèmes, de valoriser le concept de solidarité écologique et, surtout, d’apporter des réponses pertinentes mobilisant les acteurs publics au service de la protection et de la restauration. Parmi ces réponses, je pense en particulier à la création d’un opérateur intégré, l’Agence française pour la biodiversité.
Vous avez déjà été sensibilisée, madame la ministre, à l’intérêt de la mise en place de délégations ultramarines, aux périmètres et aux compétences variables, qui auraient vocation à exercer tout ou partie des missions dévolues à la nouvelle agence.
En ce sens, l’article 32 du présent projet de loi prévoit la constitution d’établissements publics de coopération environnementale, ou EPCE, chargés d’accroître et d’améliorer les connaissances sur l’environnement ainsi que leur diffusion, la sensibilisation et l’information des publics et d’assurer la conservation d’espèces ou la mise en œuvre d’actions de restauration des milieux.
Dans ce cadre, vous aviez été réceptive à l’idée de la mise en place d’une préfiguration de l’agence, qui conduirait à la création d’un établissement public de coopération environnementale en Martinique. Je m’inscris dans cette perspective de faire de la Martinique un EPCE pilote.
À ce titre, il me paraît vivement souhaitable que soient clarifiés par voie réglementaire le champ des missions de l’EPCE, les financements nécessaires, les mutualisations de moyens humains, la coopération avec les états de la Caraïbe, le mode de gouvernance et ses incidences sur celui des établissements publics que l’EPCE serait amené à intégrer, ainsi que les liens organiques entre l’EPCE et l’Agence française pour la biodiversité.
Je ne développe pas davantage cette question, sachant que j’y reviendrai lors de l’examen de l’article 32. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, sur l’article.
M. François Grosdidier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet de la biodiversité est parfois tourné en dérision. Je crois d’ailleurs avoir perçu quelques sarcasmes lors de la discussion générale, mais j’ai dû mal entendre… Toutefois, il est vrai que les urgences économiques et sécuritaires tendent à reléguer au second plan les défis écologiques, la biodiversité encore plus que le climat.
En outre, on oppose encore, parfois, environnement et développement, écologie et économie, nature et humanité. Or nous ne devons pas cliver nos débats, même si cette question peut faire appel aux fondements idéologiques, voire philosophiques, de notre engagement personnel.
Chers amis de la majorité, nous nous revendiquons, dans notre famille politique, d’une éthique de la responsabilité. Pour ma part, et sans craindre d’être taxé de conservateur, je crois que nous devons, avant tout, transmettre à nos enfants ce que nous ont légué nos parents. Davantage si nous pouvons, en tout cas pas moins ! La biodiversité, qui est décrite dans l’article 1er du projet de loi comme notre patrimoine commun, fait partie de cet héritage.
Alors que, dans la discussion générale, certains ont ri au sujet des ours, nous ne pourrions pas imaginer un monde sans lions, sans tigres ou sans éléphants.
M. Jean-Louis Carrère. Il en reste, des éléphants !
M. François Grosdidier. Nous demandons aux peuples du tiers-monde de préserver ces fauves et pachydermes, beaucoup plus dangereux pour l’homme que les 30 ours et les 300 loups avec lesquels nous sommes manifestement incapables, en France, de cohabiter…
Même si vous ne partagez pas ce point de vue philosophique, plaçons-nous d’un point de vue purement utilitariste et anthropocentriste !
La biodiversité nous apporte d’infinis services, comme la pollinisation, mais elle est surtout le premier gisement de la pharmacopée. L’organisme animal ou végétal même le plus insignifiant contient en effet la molécule qui a sauvé, ou qui sauvera demain, des foules d’êtres humains.
Au cours de la discussion générale, plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, ont rendu hommage à Hubert Reeves. Vous me permettrez de rendre, pour ma part, hommage au botaniste Jean-Marie Pelt, qui nous a quittés juste avant Noël. Il nous rappelait à quel point la biodiversité est une question essentielle pour l’humanité, en même temps qu’elle constitue, en faisant appel à notre esprit de responsabilité et à notre sentiment d’empathie, un test pour notre propre humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, nous abordons le titre Ier du projet de loi dont je vous voudrais, en quelques mots, souligner la portée.
Ce titre contient d’abord trois grandes idées nouvelles.
Il affirme le principe selon lequel la biodiversité fait partie du patrimoine commun de la nation, comme cela a été rappelé lors de la discussion générale, de grande qualité, ce dont je vous remercie.
Il affirme également que la biodiversité génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage. Elle est donc indispensable à notre vie, que ce soit, par exemple, sur un plan économique ou du point de vue de la santé publique.
Enfin, le titre Ier inscrit explicitement dans notre droit le triptyque éviter, réduire, compenser.
Je voudrais aussi rappeler que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a inséré un article 2 bis, qui crée trois articles dans le code civil et est très important. Il est en effet relatif à la responsabilité environnementale. Bien évidemment, le Gouvernement soutient pleinement cet enrichissement du texte.
Les articles 3, 3 bis et 3 ter ajoutent les notions de continuité écologique et de pollution lumineuse, ainsi qu’un inventaire pédologique à la liste des inventaires du patrimoine naturel. Ce sont également des avancées.
L’article 4 définit le rôle de l’Agence française pour la biodiversité dans la stratégie nationale et sa contribution aux stratégies régionales.
Pour ce qui concerne l’article 1er que nous abordons maintenant, je souhaite préciser qu’il apporte des modifications très importantes à notre droit.
D’abord, il précise qu’il y a des milieux naturels qui sont terrestres et d’autres qui sont marins.
Ensuite, il inscrit dans le droit la notion de biodiversité. Par rapport au texte émanant de l’Assemblée nationale, qui avait repris la quasi-totalité de la définition issue de la convention internationale pour la diversité biologique telle qu’adoptée en 1992, la commission a simplifié la définition de la biodiversité. Cette dernière définition, qui fait consensus parmi les milieux associatifs et scientifiques, est également soutenue par le Gouvernement.
L’article 1er rappelle par ailleurs que la biodiversité est à la fois le produit de processus biologiques et de la géodiversité. C’est une vision plus dynamique que celle qui est en vigueur. Il est en effet essentiel de préserver les capacités d’évolution et d’adaptation des espèces et des écosystèmes, notamment dans le contexte du changement climatique.
Le patrimoine géologique, aussi appelé « géotope », est également pris en compte, comme vient de le souligner Marie-Christine Blandin.
Les discussions à l’Assemblée nationale ont abordé la question de la présence des sols dans les processus biologiques et la géodiversité. Les sols se situent effectivement exactement entre ces processus et la roche inerte ; ils constituent l’interface entre les deux.
La commission a retiré les sols du texte et nous aurons un débat sur ce sujet.
Des inquiétudes se sont manifestées pour ce qui concerne le droit de propriété et les activités agricoles. Nous devrons rassurer sur ces questions. Les sols sont bien des lieux majeurs de biodiversité. Ainsi, il existe en moyenne 260 millions d’animaux dans un mètre cube de prairie permanente et un hectare de sols forestiers compte davantage d’organismes vivants que la Terre compte d’êtres humains… En outre, la biomasse animale moyenne du sol est estimée à 2,5 tonnes par hectare. Certes, il s’agit largement de micro-organismes, mais les enjeux sont considérables.
Nous devons donc lever les inquiétudes relatives au droit de propriété et aux activités agricoles, car les sols font bien partie de la biodiversité. Je serai très à l’écoute du débat qui aura lieu dans quelques instants sur ce point.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 456 est présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 524 rectifié est présenté par MM. Mézard, Amiel, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
2° Les mots : « sites et paysages » sont remplacés par les mots : « sites, les paysages diurnes et nocturnes » ;
La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 456.
M. Ronan Dantec. En ajoutant, dès cet article, les adjectifs « diurnes et nocturnes » au mot « paysages », il s’agit de permettre d’engager une lutte active contre les pollutions lumineuses et ainsi de préserver l’environnement nocturne. À nos yeux, l’importance des paysages s’apprécie de jour comme de nuit, et non pas uniquement de manière spatiale.
Par ailleurs, en commission, nous avons émis un avis favorable sur l’amendement n° 149 à l’article 3, qui a pour objet d’introduire dans le texte un objectif de sauvegarde de l’environnement nocturne. L’amendement n° 456 est donc pratiquement un amendement de cohérence par anticipation…
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour présenter l’amendement n° 524 rectifié.
M. Raymond Vall. Cet amendement a pour objet de rétablir la précision introduite par l’Assemblée nationale.
L’alternance entre le jour et la nuit conditionne de nombreuses fonctions physiologiques, or la pollution lumineuse la met en cause, alors que 28 % des vertébrés et 64 % des invertébrés vivent partiellement ou totalement la nuit. Nous souhaitons donc préciser que les paysages tant diurnes que nocturnes font partie du patrimoine commun de la nation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. La commission a émis un avis défavorable.
Je rappelle à la Haute Assemblée que l’article L. 110-1 du livre Ier du code de l’environnement sur lequel nous travaillons est le premier article du code. Il s’agit non pas d’un article isolé dans un texte lointain, mais du premier article d’un code qui fonde le droit de l’environnement.
Si nous commençons à qualifier les sites et paysages, nous risquons de ne pas nous en sortir : il faudrait aussi parler des paysages montagnards, des paysages maritimes, des paysages vallonnés, avant ou après le coucher du soleil (Sourires.), et j’en passe.
On comprend bien le souci des auteurs, et l’idée est sympathique, encore que je ne sois pas complètement convaincu, car sait-on réellement ce qu’est un paysage nocturne ? Mais même si je prends pour argent comptant cette précision, elle n’a pas sa place ici.
Pour autant, les débats d’une assemblée parlementaire servent à enrichir la réflexion et chacun se souviendra que vous avez voulu sous-entendre que les paysages diurnes et nocturnes étaient concernés par le texte, ce à quoi la commission n’est pas hostile si la mention n’est pas expressément inscrite dans l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement est favorable à ces amendements, par cohérence avec le vote de l’Assemblée nationale.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 456 et 524 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 121 rectifié bis est présenté par MM. Courteau et M. Bourquin et Mme Bataille.
L'amendement n° 457 rectifié est présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 525 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le mot : « végétales », sont insérés les mots : « , les sols » ;
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 121 rectifié bis.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à restaurer la mention des sols parmi les éléments constitutifs du patrimoine commun de la nation. En effet, ces derniers ont des fonctions écologiques, économiques et sociales inestimables.
Tout d’abord, ils constituent un patrimoine génétique immense à protéger : au moins 25 % de la biodiversité terrestre se trouve dans les sols, dont la grande majorité reste inconnue.
Ensuite, les services qu’ils fournissent sont très nombreux : le stockage et la transformation d’éléments nutritifs, le filtrage de l’eau, la production de biomasse, notamment pour l’agriculture et la foresterie ; ils jouent également un rôle important comme réservoirs de carbone ou encore dans la conservation du patrimoine géologique, archéologique et architectural.
En définitive, les sols sont le support du vivant. Or, selon le dernier rapport sur l’état des sols publié le 5 décembre 2015 par le Partenariat mondial sur les sols, 33 % des sols dans le monde sont dégradés par l’érosion, l’épuisement des substances nutritives, l’acidification, la salinisation, le tassement et la pollution chimique provoqués par les activités humaines.
En France, le constat est également alarmant, avec 11 millions d’hectares sur 56 millions, soit près de 20 % du territoire, qui sont aujourd’hui touchés par l’érosion, et 610 000 hectares qui sont urbanisés chaque année, soit l’équivalent d’un département comme l’Hérault artificialisé tous les sept ans, alors que 75 millions de Français attendront que l’agriculture pourvoie à leur alimentation en 2025.
Ainsi, reconnaître en France la composante des sols comme faisant partie du patrimoine national est un premier pas pour rappeler l’importance de la préservation de ces sols, avec tout le potentiel agronomique qu’ils représentent.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 457 rectifié.
M. Ronan Dantec. Si l’amendement n° 456 n’était pas essentiel, il n’en va pas de même ici, car il me paraît pour le coup impossible de préserver la biodiversité sans préserver les sols. Comme l’a dit Roland Courteau, l’une des principales atteintes à la biodiversité est aujourd’hui la destruction des sols, notamment agricoles, la perte de ces derniers constituant un enjeu majeur.
Je ne comprends pas qu’il n’y ait pas dans cet article d’indication précise sur ce point absolument central pour la biodiversité, qui ne doit surtout pas être vu comme une contrainte par rapport aux activités. En effet, l’enjeu principal aujourd’hui n’est pas tant le déficit de réserves naturelles que la destruction des terres agricoles.
La préservation des sols doit donc figurer dès l’article 1er. Tel est le sens de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 525 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Essentielles pour l’agriculture et la forêt, la production de biomasse ou encore le stockage de carbone, les fonctions écologiques, économiques et sociales des sols sont d’une importance qui mérite d’être soulignée dans le cadre de l’examen du présent projet de loi, d’autant plus que ces sols font l’objet d’une dégradation inquiétante.
En effet, l’érosion, l’acidification, la salinisation, le tassement ou encore la pollution chimique et l’épuisement des substances nutritives concernent, comme l’a dit Roland Courteau, 33 % des sols dans le monde et près de 20 % dans notre pays.
Le présent amendement vise donc à rétablir la rédaction de l’Assemblée nationale, qui mentionne les sols parmi les éléments constitutifs du patrimoine commun de la nation.
Nous avons décidé de déposer le même amendement que les écologistes.
M. Ronan Dantec. Et ce n’est pas tous les jours ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Requier. Pour cet article, Mézard, Dantec, même combat ! (Nouveaux sourires.) C’est assez rare pour être signalé !
Pourtant, pour paraphraser Clemenceau, pour qui la guerre était une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires, je dirai que l’écologie est une chose trop sérieuse pour être confiée aux seuls écologistes… (Rires. –Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Cornu. Il a raison !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, cette référence ayant été supprimée tant sur mon initiative que sur celle de nombreux collègues.
Nous ne contestons pas l’intérêt des sols, mais la géodiversité qui est visée dans le texte inclut les sols. Si elle ne l’incluait pas, je comprendrais ces amendements, mais, selon les dictionnaires et les nombreux scientifiques que nous avons consultés, la géodiversité représente bien l’ensemble des éléments des sous-sols, sols et paysages, qui, assemblés les uns aux autres, constituent des systèmes organisés, issus de processus géologiques.
La notion de « géodiversité » est donc plus vaste que celle de « sols », mais elle comprend cette dernière, avec aussi les roches, les minéraux, les formes du relief, etc.
Nous avons retenu cette approche quasi sémantique pour supprimer la référence aux sols.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. Comme je l’ai souligné, les sols font partie de la biodiversité, les espèces animales et végétales pouvant se trouver dans ou sur les sols.
À mon sens, toutefois, intégrer les sols dans le texte aurait une portée normative assez limitée. Compte tenu des objections que nous avons entendues, s’agissant notamment de l’instabilité juridique que ferait peser la question des sols sur l’activité agricole et le droit de propriété, je le répète, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Certes, les sols sont par définition très importants par la richesse de la biodiversité, mais ils sont inclus dans la définition même du patrimoine naturel, telle qu’elle est rédigée de façon très complète dans le code de l’environnement et dans l’article qui vous est soumis.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Je suivrai la position de notre rapporteur, mais je voudrais, en toute amitié, faire quelques remarques à l’intention de certains de mes collègues.
Je suis d’accord avec eux sur l’importance des sols, mais je les incite à faire très attention à la véracité des chiffres qu’ils citent à l’appui de leurs amendements. Il y a non pas 600 000 hectares urbanisés dans notre pays chaque année, mais 60 000 hectares, ce qui est déjà énorme. Et si l’on considère que ce chiffre est faux, les autres pourcentages le sont sans doute aussi…
Je ferai une deuxième remarque. Beaucoup d’entre vous, ici, qui sont opposés à la mondialisation, bien qu’elle soit incontournable, seraient bien inspirés de ne pas mondialiser le discours et le débat dans les deux ou trois jours qui vont suivre.
M. Roland Courteau. Pourquoi pas ?
M. Michel Raison. Je ne veux pas que les agriculteurs de France…
M. Alain Néri. Et de Navarre !
M. Michel Raison. … soient accusés de faire les mêmes erreurs que les agriculteurs de Chine, d’Amérique du Sud ou des pays anciennement communistes.
Un tel discours me gêne, car il est déshonorant pour les agriculteurs. Il est injuste de les accuser de ne pas connaître le fonctionnement d’un sol, de ne pas respecter le sol qu’ils vont transmettre à leurs enfants. C’est faux et je l’atteste ici : dans les différents organismes agricoles, les chambres d’agriculture et dans les coopératives, même si c’est avec un peu de retard pour ces dernières, des efforts considérables sont faits.
Certes, des erreurs ont pu être commises voilà quelques années, mais certains d’entre vous n’ont pas l’air de bien se rendre compte des évolutions techniques qu’a connues l’agriculture de notre pays. Les agriculteurs français ont en moyenne une formation de niveau IV, et beaucoup de BTS et d’ingénieurs s’installent en agriculture. Et ils savent comment fonctionne un sol, ils savent ce que c’est, un sol hydromorphe, un sol acide ou trop calcaire.
Je ne voudrais donc pas que l’on prenne uniquement des références mondiales pour illustrer le propos sur la dégradation des sols. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Mes chers collègues, il n’y a pas, de l’autre côté de l’hémicycle, les défenseurs des agriculteurs, et, de ce côté-ci, ceux qui leur tapent dessus.
M. Jacques Genest. Un peu, quand même !
M. Michel Raison. Mais oui !
Mme Évelyne Didier. Non, c’est faux ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour rebondir sur l’amendement de nos collègues, je dirai que le sol est essentiel non seulement pour l’agriculture, mais également pour tout le vivant en général. Ce n’est pas être contre l’agriculture que de dire cela. Arrêtons de raisonner ainsi !
Je suis d’accord, les agriculteurs sont les premiers à avoir conscience de l’importance de leurs sols et nous savons bien pourquoi. M. Jean-Paul Emorine, que j’aperçois en face de moi dans l’hémicycle, sait parfaitement ce que représente la connaissance intime des sols et des climats en Bourgogne.
M. Jackie Pierre. Il est amoureux de sa terre !
Mme Évelyne Didier. Nous ne goûterions pas des vins aussi fameux de cette région s’il n’y avait pas eu tout ce travail des moines sur l’acidité et sur la connaissance intime. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.) Je ne vois pas en quoi mes propos sont comiques, chers collègues !
En tout cas, nous le disons, nous sommes tous conscients de l’importance des sols. Et il s’agit non de s’opposer par principe à la rédaction de la commission, mais, au contraire, de voir dans quelle mesure nous pouvons faire en sorte de rapprocher les points de vue.
Certains collègues ont pensé qu’ils devaient déposer ces amendements. Je voulais les soutenir, mais j’ai suivi le débat et écouté le rapporteur, qui nous a expliqué que cette notion de « sols » est implicitement incluse dans le texte. Je n’aurais pas trouvé très grave de l’ajouter, mais je vais m’en remettre à la démonstration du rapporteur Bignon, car j’estime qu’il faut aussi savoir s’entendre les uns et les autres et éviter les clivages inutiles.
Pour conclure, j’aimerais bien que les élus de la majorité sénatoriale cessent de penser qu’ils sont les seuls à défendre l’agriculture ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Quelle que soit la place que nous occupons dans cet hémicycle, nous nous accordons à considérer que le sol est un élément majeur, pour la survie de la biodiversité comme pour la survie de l’agriculture. Je pense aussi que personne, ici, ne souhaite faire un procès à quiconque, à aucun sénateur, sur aucune des travées. En effet je suis convaincue que la conscience de l’utilité du sol et de son importance est partagée.
Je m’adresse maintenant à notre collègue Roland Courteau, qui a dit sa préoccupation quant à l’érosion de terres. Le sujet a déjà été traité dans un certain nombre de lois ; je pense notamment aux textes qui limitent l’artificialisation des sols et privilégient la densification. Il y est déjà fait mention de cette consommation importante des terres, qu’il s’agit d’éviter.
Ce genre de sujet est typiquement de nature à exacerber les tensions inutiles ;particulièrement au moment où nous débattons d’un projet de loi pour la reconquête de la biodiversité.
À partir du moment où le rapporteur nous démontre que le terme de « géodiversité » est beaucoup plus large que la simple évocation des « sols », nous pouvons suivre ses recommandations. Cela nous permettra de ne pas attiser les tensions avec les agriculteurs et, au-delà, avec d’autres propriétaires, ceux qui, quand on leur parle de « sols », entendent « propriété du sol » et « droit du sol », avec toute l’insécurité juridique que cela peut susciter.
La sagesse commune qui est de mise dans cet hémicycle devrait nous conduire à suivre le rapporteur !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote. (On encourage affectueusement « l’abbé Pierre » sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Joël Labbé. Je crois avoir entendu des encouragements destinés à « l’abbé Pierre » ! J’accepte cette référence avec fierté !
En tout cas, je voudrais, à mon tour, parler de sagesse. Cela a été dit, 2015 était l’année mondiale des sols. Le 1er décembre 2015, je faisais partie, dans le cadre de la COP 21, de la délégation qui accompagnait Stéphane Le Foll pour le lancement de l’opération « 4 pour 1 000 », une initiative soutenue par plus de cent États et organisations. Tout le monde en est d’accord, les sols sont importants pour la sécurité alimentaire, mais ils le sont aussi pour la régulation climatique.
Il faut mettre un terme au prétendu clivage entre agriculteurs, car ils s’accordent tous à penser que le sol vivant de la terre nourricière doit être préservé.
Je ne comprends pas que nous ne parvenions pas à nous rejoindre sur un point aussi évident. On sort de la COP 21, la France a tiré la négociation vers le haut, et nous ne sommes pas capables d’inscrire les sols dans notre texte ! Je suis terriblement déçu, je ne comprends pas et je me dis que le débat est mal parti.
Mais je me ressaisis et le dis calmement, cette mention des « sols » me semble d’un tel bon sens, elle est tellement simple, elle est tellement sage ! Cher rapporteur, cela, tu peux le comprendre ! Je conçois que tu ne puisses pas revenir sur la décision de la commission, mais Mme la ministre s’en remet à la sagesse de notre assemblée. Alors, soyons sages, et adressons à la population un véritable signe positif dans cette loi pour la reconquête de la biodiversité !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je relève une petite difficulté dans le terme de « géodiversité », lequel contient l’idée de préserver la diversité des sols existants. Mentionner dans la loi le mot « sols » s’inscrit en effet dans une perspective économique, ce qui n’est pas du même ordre. Le terme de « géodiversité » reste extrêmement ambigu. Même si on parle de « sols », ce n’est plus leur diversité qui est visée.
C'est la raison pour laquelle je pense qu’il faut conserver cette mention des sols. D’autant qu’il serait dommage qu’un axe Dantec-Mézard – cela n’arrive pas si souvent !– n’aboutisse pas à un succès. (Sourires.)
Surtout, je pense qu’il faut nous garder d’un clivage entre ceux qui seraient les défenseurs de l’agriculture et ceux qui ne connaîtraient pas les paysans. C’est absolument faux ! Celui qui s’est exprimé avant moi est fils de paysan.
Sans doute avons-nous, de part et d’autre de l’hémicycle, des visions de l’avenir de l’agriculture qui ne sont pas exactement les mêmes. J’ai tendance à penser que la nôtre est porteuse de création d’un plus grand nombre d’emplois d’actifs agricoles. Ce débat entre nous, on le connaît, il est de nature politique. En tout cas, sur ce point, ne restons pas dans la caricature !
Je suis élu de la Loire-Atlantique, département dans lequel un certain projet est contesté. Ce projet fait l’unanimité du monde agricole contre lui, même s’il y a des désaccords sur la manière de lutter contre.
L’ensemble des syndicats agricoles s’accordent aujourd'hui sur cette idée qu’il faut préserver les sols. C'est la raison pour laquelle il me paraît important de garder le mot « sols ».
M. Alain Vasselle. Il fallait écouter le rapporteur !
Mme Sophie Primas. Il a compris, lui !
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Je partage le point de vue de M. Dantec sur l’ambiguïté du terme « géodiversité ».
Pour en revenir au texte de nos amendements, franchement, je ne vois pas en quoi le fait de reconnaître en France la composante des sols comme faisant partie du patrimoine de la nation serait contraire aux intérêts des agriculteurs ! Vraiment, je ne vois pas !
M. Alain Vasselle. Il faut relire le texte ! Vos amendements sont satisfaits par la rédaction du projet de loi !
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Je suis d’accord avec mon collègue Raison. Il y a deux choses : sur la protection des surfaces agricoles, nous sommes tous d’accord. C’est vrai, on l’a dit tout à l’heure, le nombre d’hectares abandonnés au profit de l’urbanisation ne cesse de croître. Qui voudra nourrir la planète demain ?
Mais, ce qui nous inquiète, et qui nous interroge, c’est l’objet de l’amendement. Qu’entend-on ici par « restaurer » ? Faut-il comprendre que les agriculteurs ont détruit les sols au point qu’il faut les restaurer ? Devons-nous nous attendre à une prochaine interdiction de labourer ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Sera-t-il interdit, demain, de travailler la vigne à la main ?
Si nous nous posons des questions, c’est que nous vivons d’ores et déjà dans les exploitations les suites du Grenelle de l’environnement. Je vous invite à venir voir sur place !
Nous mesurons aussi les effets de la loi Santé, qui va jusqu’à nous empêcher d’aller chercher chez le vétérinaire de quoi traiter la mammite d’une vache ! C’est au vétérinaire de venir et de parcourir les kilomètres ! Et toujours au nom de l’environnement…
Aujourd'hui, ceux qui vivent dans les fermes voient toutes les conséquences de l’application des décisions prises au nom de l’environnement ! Ce dont nous avons peur, c’est que, demain, on interdise aux agriculteurs de labourer ou de retourner la terre. On a essayé de faire sans labours, c’est vrai. Dans certaines régions, cela marche très bien et il y a même des endroits où les agriculteurs ont vendu les charrues. Et puis, sept ou huit ans plus tard, il a fallu en racheter parce que les cultures n’étaient plus bonnes.
Ce que je ne voudrais pas, mesdames, messieurs, c’est que, demain, des décrets d’application viennent interdire aux agriculteurs, au nom de ces objectifs de restauration, de ne plus faire ceci ou cela. Telle est notre crainte, madame la ministre. Et, ces sols, les a-t-on à ce point détruits qu’il faille les restaurer ? C’est ce que je vous demande, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. M. le rapporteur a été très clair, mais n’a pourtant pas été compris. Je monte au créneau pour conforter son propos, qui est tout à fait exact.
Je suis allé vérifier la définition de la géodiversité en consultant le site de l’Inventaire national du patrimoine. La définition retenue pour la biodiversité est empruntée à Sharples. « Elle représente l’ensemble des éléments des sous-sols, sols et paysages qui, assemblés les uns aux autres, constituent des systèmes organisés issus de processus géologiques. »
On ne peut pas faire plus simple ! Si l’on veut être redondant, continuons, mais il ne faudra pas se plaindre, après, que les lois et les textes sont bavards ! Si l’on veut passer des heures et des heures sur les amendements, continuons !
Les choses sont claires et nettes. Dans la rédaction de la commission, la notion de « sols » est implicitement incluse. Ceux qui ne veulent pas le comprendre ne le comprendront jamais, même si la discussion doit se prolonger encore trois heures !
L’analyse des débats, à laquelle on procède toujours quand il y a doute, aidera à la compréhension du texte. Elle fera apparaître que nous avons voté en prenant en compte les sols dans leur totalité.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Je veux compléter ce que vient de dire M. le président de la commission. Si nous engageons des débats sémantiques qui n’ont pas lieu d’être, nous allons rentrer dans des guéguerres entre nous qui ne nous permettront pas d’atteindre l’objectif principal, qui est de faire en sorte de sauver cette biodiversité.
De grâce, essayons de nous concentrer sur l’essentiel et non pas sur une acception qui est complètement vérifiée et admise au niveau légal !
M. le président. Mes chers collègues, il nous reste plus de six cents amendements à examiner ; vous aurez donc matière à discuter encore ! (Sourires.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 121 rectifié bis, 457 rectifié et 525 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 122 rectifié est présenté par MM. Courteau et M. Bourquin et Mme Bataille.
L'amendement n° 458 est présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le livre II du code de l’environnement est complété par un titre … ainsi rédigé :
« Titre …
« Préservation et protection des sols
« Art. L. 230-… – Est d’intérêt général la protection des sols contre les processus de dégradation, tant naturels que provoqués par les activités humaines, qui compromettent la capacité des sols à remplir chacune de leurs fonctions écologiques, économiques, sociales et culturelles.
« L’État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l’objectif est la protection et l’utilisation durable des sols. Cette politique comprend des mesures de suivi des sols, de prévention de leur dégradation, d’utilisation rationnelle et durable ainsi que de remise en état et d’assainissement des sols dégradés de manière à leur restituer un niveau de fonctionnalité qui respecte les besoins des générations futures. »
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 122 rectifié.
M. Roland Courteau. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l'amendement n° 458.
M. Ronan Dantec. Cet amendement est opérationnel, mais, allez savoir pourquoi, je crains que cela ne suive pas… (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur ces amendements identiques. Ils visent à créer un nouveau titre au sein du code de l’environnement relatif à la préservation et la protection des sols et à énoncer qu’elle est d’intérêt général.
Nous avons eu ce débat en commission. L’article 1er du projet de loi, tel qu’il est rédigé, paraît suffisant. Il n’y a pas lieu de surcharger le nouveau code de l’environnement de dispositions qui relèvent de la simple incantation et qui sont donc dépourvues de valeur juridique.
Je suggérerai aux auteurs des amendements de bien vouloir les retirer, car la rédaction de l’article 1er, comme j’ai eu l’occasion de le dire au sujet des précédents amendements, donne satisfaction à leur légitime préoccupation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je demande, moi aussi, au nom du Gouvernement, le retrait de ces amendements. Nous comprenons l’objectif, mettre en place une politique nationale de prévention, de préservation et de protection des sols qui comprendrait des mesures de suivi des sols, de prévention de leur dégradation, d’utilisation rationnelle et durable, ainsi que de remise en état et d’assainissement des sols dégradés.
Je suis sensible à l’enjeu de la gestion durable des sols. C’est d'ailleurs la raison pour laquelle le ministre de l’agriculture et moi-même avons lancé sur ce sujet une enquête interministérielle suivie par nos deux inspections. Cette enquête doit aboutir à la définition d’une stratégie nationale des sols qui énoncera des mesures de suivi, de prévention et d’utilisation rationnelle et durable. Cette démarche permettra alors d’élaborer des dispositions législatives.
Je suggère le retrait de ces amendements, soulignant que ces travaux sont en cours avec les professions concernées et qu’ils doivent déboucher sur des dispositifs bien calibrés par rapport à l’objectif qui est le vôtre, monsieur Courteau, monsieur Dantec.
M. le président. Monsieur Courteau, l’amendement n° 122 rectifié est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Non, monsieur le président, j’ai été convaincu par les propos de Mme la ministre et, par conséquent, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 122 rectifié est retiré.
Monsieur Dantec, maintenez-vous l’amendement n° 458 ?
M. Ronan Dantec. Non, je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 458 est retiré.
L’amendement n° 266 rectifié, présenté par Mme Bonnefoy, MM. Poher, Madrelle, Guillaume, Bérit-Débat, Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Miquel et Roux, Mme Tocqueville, MM. Cabanel, Yung, Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 312-19 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle comporte également une sensibilisation à la préservation de notre biodiversité, notamment par la création de jardins de la biodiversité dans les écoles élémentaires. »
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement vise à faire mention dans le code de l’éducation, à l’article L. 312–19, d’une sensibilisation spécifique à la préservation de notre biodiversité.
En effet, nous savons que les habitudes s’ancrent dès le plus jeune âge. Par conséquent, si nous souhaitons que nos comportements sociaux évoluent de façon pérenne, nous devons mieux sensibiliser et former les nouvelles générations. Cette éducation à l’environnement dispensée dès l’école primaire en est l’un des vecteurs.
Je rappellerai par ailleurs que nous avons déjà modifié de façon similaire le même code de l’éducation pour y insérer une sensibilisation à l’alimentation – modification effectuée par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt – ; nous devrions bientôt introduire une modification similaire en faveur d’une sensibilisation au gaspillage alimentaire – la proposition de loi à ce sujet doit être débattue au début de février. Il me semble donc normal, sur le principe, de mentionner de même une sensibilisation à la biodiversité.
Il est indiqué dans mon amendement que cette sensibilisation peut passer par la création de « jardins de la biodiversité ». Il n’y a là, bien évidemment, aucune obligation : cela figure à titre d’exemple.
Pour en terminer, je voudrais rappeler que cette proposition figurait dans le rapport Pesticides, vers le risque zéro, que j’ai remis en 2012 et qui a été adopté à l’unanimité par la mission d’information. Sophie Primas, qui en était la présidente, avait voté les recommandations de ce rapport : je compte donc sur son soutien, comme sur celui du Sénat tout entier, pour cet amendement à mes yeux important.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. En effet, son objet est pour le moins du domaine réglementaire. Certes, c’est une excellente idée que de chercher à sensibiliser les enfants à la biodiversité ; cependant, cela relève des activités et du temps périscolaires.
M. Alain Néri. Merci de conforter le temps périscolaire du Gouvernement ! (Sourires.)
M. Jérôme Bignon, rapporteur. On ne va tout de même pas écrire dans la loi que les enfants doivent créer des jardins de la biodiversité !
Je ne porte pas là de jugement de valeur sur cette idée, que je trouve plutôt ingénieuse ; du reste, je partage l’objectif de Mme Bonnefoy. Et notre collègue met beaucoup de cœur à défendre son amendement, ce qui est d’autant plus sympathique que nos discussions ont pu être dures…Cela dit, cet amendement ne relève pas du domaine de la loi : il faudrait plutôt suggérer à Mme la ministre de l’éducation nationale de reprendre cette bonne idée dans un arrêté traitant des activités périscolaires.
Mme Nicole Bonnefoy. Mais on l’a décidé pour l’alimentation et on s’apprête à le faire pour le gaspillage alimentaire !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je suggérerai aussi le retrait de cet amendement.
L’idée est bonne : d’ailleurs, dans le cadre des territoires à énergie positive, mon ministère finance des coins nature et des potagers dans les écoles. Néanmoins, cela ne relève pas du domaine législatif, d’autant que le dispositif serait facultatif. Par ailleurs, nous avons déjà beaucoup à faire avec la réforme du code de l’environnement ; il serait donc malvenu de commencer à modifier le code de l’éducation, comme vous le proposez ici.
Par conséquent, si je salue votre idée et votre initiative – je souhaite d’ailleurs qu’il existe des jardins éducatifs non pas seulement, comme vous le proposez, dans les écoles élémentaires, mais aussi dans tous les établissements scolaires, y compris donc les lycées et les collèges –, je demeure persuadée qu’il nous faut être extrêmement rigoureux dans l’élaboration dans la loi et rester dans le cadre du code de l’environnement.
Voilà pourquoi je vous suggère, madame la sénatrice, de retirer cet amendement.
M. le président. Madame Bonnefoy, l’amendement n° 266 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nicole Bonnefoy. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 266 rectifié est retiré.
Article 2
I A (nouveau). – Après la première phrase du I de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage. »
I. – Le II du même article L. 110-1 est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :
a) Au début, sont ajoutés les mots : « Leur connaissance, » ;
b) Les mots : « et leur gestion » sont remplacés par les mots : « , leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu’ils fournissent » ;
2° Le 2° est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce principe implique d’éviter les atteintes significatives à l’environnement ; à défaut, de les réduire ; enfin en dernier lieu, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées et réduites. » ;
2° bis (Supprimé)
3° Il est ajouté un 6° ainsi rédigé :
« 6° Le principe de solidarité écologique, qui appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires directement concernés, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés. »
I bis (nouveau). – Après le dix-huitième alinéa de l’article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, il est ajouté un 18° ainsi rédigé :
« 18° De promouvoir le principe de complémentarité entre l’environnement, l’agriculture et la sylviculture, selon lequel les surfaces agricoles et forestières sont porteuses d’une biodiversité spécifique et variée et les activités agricoles et forestières peuvent être vecteur d’interactions écosystémiques garantissant, d’une part, la préservation des continuités écologiques, d’autre part, des services environnementaux qui utilisent les fonctions écologiques d’un écosystème pour restaurer, maintenir ou créer de la biodiversité. »
II. – Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le principe de non-régression et l’opportunité de l’inscrire dans le code de l’environnement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, sur l’article.
M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, en examinant l’article 2, nous allons traiter, par notre volonté politique, de la question des usages. Sur cette question, et sur la biodiversité plus largement, je souscris à la position de la commission, qui n’a pas souhaité faire de cette discussion un débat sur la chasse et la pêche. Je voudrais simplement vous dire deux mots sur deux chasses traditionnelles dont vous avez pu entendre parler.
Dans le département des Landes, on pratique la chasse à deux types de passereaux : le pinson des arbres et le pinson du Nord, d’une part, le bruant ortolan, d’autre part. Je comprends que la chasse au pinson du Nord et au pinson des arbres puisse choquer quelque peu. Néanmoins, des études scientifiques font apparaître que leur population compte parmi les plus importantes du paléarctique. Alors, qu’on ne vienne pas me dire que c’est pour lutter en faveur de la biodiversité qu’on interdit ce prélèvement !
Il s’agit d’un prélèvement ancestral, historique, réalisé avec des pièges très légers qui ne blessent pas les animaux mais permettent de les relâcher. Que l’on surveille, que l’on sanctionne, que l’on punisse et que l’on interdise la vente, pourquoi pas ! Mais que l’on interdise la chasse au nom de la biodiversité, non !
S’agissant du bruant, c’est encore pire. Ce sont les chasseurs, dont je suis comme bien d’autres, ainsi que les collectivités territoriales qui financent une étude commise par le Muséum d’histoire naturelle afin de tenter de démontrer que les populations de bruants se portent bien. Je suis le seul, madame la ministre, à avoir eu le courage politique d’aller devant plus de mille chasseurs pour leur demander de voter que, en cas de mauvaise santé de l’espèce, nous cesserions tout prélèvement. En revanche, dans le cas où l’espèce se porterait bien, nous souhaiterions une dérogation.
Le pire, mes chers amis, c’est que, dans cette situation, nous avons des autorisations, mais de bouche à oreille. Personne n’ose aller devant les chasseurs, sauf votre serviteur, et pour leur dire que, parce qu’ils ont accepté de respecter les règles et de réduire leurs tenderies et leurs prélèvements, ils pourront encore chasser. Et pourtant, les mêmes chasseurs voient des plaintes déposées par des Parisiens qui arrivent harnachés de caméras : les magistrats instruisent ces plaintes et sanctionnent les chasseurs. Nous vivons là un moment absolument schizophrénique : d’un côté, l’exécutif tolère ; de l’autre côté, la magistrature sanctionne.
Pour ma part – vous le comprendrez, madame la ministre –, c’est comme un appel au secours que je vous lance ici : je vous demande de nous aider, d’aider notre territoire à vivre ce moment, qui sera dur à passer si l’on n’y met pas bon ordre.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. L’article 2 du présent texte consacre la reconnaissance de la biodiversité et précise notamment les principes d’action préventive résumés dans le triptyque éviter- réduire- compenser, cet ERC qui se voit ainsi inscrit dans notre droit.
Cet article introduit aussi un nouveau principe, celui de solidarité écologique, qui implique de prendre en compte dans toute prise de décision publique ayant une incidence sur l’environnement les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés.
J’apprécie surtout que le texte pose l’obligation de compensation comme moyen ultime, après l’évitement et la réduction du dommage, de préservation de la biodiversité. L’objectif d’absence de perte nette de biodiversité est, selon moi, essentiel.
De fait, la meilleure des compensations écologiques est celle qui n’a pas lieu d’être, disait à raison Jacques Weber. En effet, mieux vaut éviter de détruire que d’être obligé de réparer : c’est d’ailleurs ce que faisait remarquer la mission Économie de la biodiversité.
Le problème est que les activités humaines ne parviennent pas toujours à éviter les impacts. Il convient donc de chercher à les éviter au maximum et, si cela n’est pas possible, à les réduire au minimum, mais il convient, si nécessaire, de les compenser. Cette compensation est donc bien l’un des moyens nous permettant d’aboutir à l’absence de perte de biodiversité.
Je reste convaincu que plus l’exigence de restauration écologique sera forte, plus la compensation aura un coût important, et plus les entreprises seront alors incitées à éviter et à réduire leurs impacts.
Voilà pourquoi ces dispositions me paraissent essentielles. Voilà pourquoi cet article me paraît important. Voilà pourquoi il serait maladroit de condamner par principe la compensation, dernière étape et moyen ultime d’une démarche plus large, qui vise d’abord à éviter et à réduire les impacts.
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, sur l’article.
M. François Grosdidier. L’article 2, tel que rédigé par la commission, rappelle que la biodiversité est un patrimoine commun qui génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage. Il rappelle aussi la responsabilité de tous, et notamment de ceux qui l’exploitent – les exploitants sont légitimes, à la différence des exploiteurs, là est toute la nuance – ; pour autant, la biodiversité n’appartient pas à certains, mais constitue un bien commun.
Très justement, cet article rappelle la nécessité d’éviter les atteintes à l’environnement, de les réduire et, en dernier lieu – si l’on évite à tout prix, alors on ne fait plus rien –, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ou réduites.
L’article 2 pose le principe de responsabilité, qui me tient à cœur comme il devrait tenir à cœur de tous les membres de ma famille politique, qui le revendique dans tous les domaines. J’évoquais déjà ce principe au sujet de l’article 1er.
Je voudrais à cet égard, monsieur le rapporteur, vous féliciter quelque peu en avance pour l’article 2 bis, qui aménage enfin le principe de responsabilité environnementale et l’intègre au code civil. Il reprend les dispositions d’une proposition de loi de Bruno Retailleau que nous avions adoptée à l’unanimité en mai 2013, mais que l’actuelle majorité de l’Assemblée nationale n’a manifestement jamais voulu adopter. Mme la garde des sceaux voulait accaparer le sujet, promettant de s’y dévouer, mais n’a jamais conclu ses travaux.
Il est temps selon moi d’intégrer la notion de « préjudice écologique » dans le code civil : c’est ce que fait l’article 2 bis, qui donnera son effectivité à la responsabilité environnementale introduite à l’article 2.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié quater est présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Vasselle, Mme Canayer, MM. Gilles, Pointereau, Milon, Mouiller et Panunzi, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lopez, MM. Bouchet, Laufoaulu, D. Laurent, Trillard, César, Mayet, Lemoyne, Cornu, Morisset et Laménie, Mmes Micouleau et Primas, M. Commeinhes, Mme Giudicelli, M. Charon, Mme Lamure, MM. Vaspart, Doligé, J.P. Fournier, Poniatowski, Genest, Danesi, Grand, Bizet, Pillet, Pellevat, Pinton, de Nicolaÿ, Revet, Lefèvre, B. Fournier, Longuet, Pintat, Vial et Darnaud, Mme Morhet-Richaud, MM. Allizard, Delattre, Masclet, P. Leroy et Lenoir, Mme Deseyne et MM. A. Marc, Dassault, Chasseing, Raison, Gremillet, Luche, Houpert, Savary, Médevielle, Guerriau, D. Dubois et Gournac.
L’amendement n° 79 rectifié ter est présenté par MM. Bérit-Débat, Patriat et Carrère, Mmes Cartron et D. Michel, MM. Vaugrenard, Camani, Labazée, Roux et Manable, Mmes Jourda, Herviaux et Bataille, MM. Montaugé, Lalande, Jeansannetas, Lorgeoux, J.C. Leroy, Chiron et Courteau, Mme Riocreux et MM. Mazuir, Madrelle, Cazeau et Raynal.
L’amendement n° 528 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…°Après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Elles prennent en compte les valeurs intrinsèques ainsi que les différentes valeurs d'usage de la biodiversité reconnues par la société. » ;
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié quater.
M. Jean-Noël Cardoux. Nous sommes là dans un débat assez technique concernant la composition de la biodiversité et la prise en compte de certaines valeurs.
Je ne répéterai pas l’objet de l’amendement, qui fait référence aux données objectives actuellement en vigueur, telles que la définition patrimoniale de la diversité qui figure dans le code de l’environnement et la définition de la valeur intrinsèque qu’est la biodiversité à l’égard d’elle-même.
En revanche, un certain nombre d’activités humaines constituent des valeurs d’usage. On est là au cœur du problème que j’ai évoqué dans mon propos liminaire : il faut comprendre que les paisibles activités humaines d’utilisation des choses de la nature font partie de la biodiversité. Ces activités sont rapidement définies dans l’objet de l’amendement : elles comprennent, bien évidemment, la chasse et la pêche, mais aussi la cueillette, la randonnée, l’alimentation ou encore l’énergie.
Je vous ferai grâce des détails de tout ce qui peut se transmettre depuis des siècles, de génération en génération. Je ne parlerai pas de la chasse : notre collègue Jean-Louis Carrère y a décrit en détail des techniques extrêmement précises. Je mentionnerai en revanche certaines médecines naturelles, l’utilisation d’herbes, certaines techniques de pêche, certaines techniques culinaires et gastronomiques, enfin certaines approches météorologiques qui sont des usages ancestraux…
Il faut pouvoir prendre en compte l’ensemble de ces usages.
Je ne comprends pas, sur ce point, la position de notre rapporteur. La commission a adopté un amendement de M. Dantec selon lequel le patrimoine commun de la nation génère des systèmes écosystémiques et des valeurs d’usage : nous sommes d’accord sur ce point. J’ai lu attentivement le rapport : le rapporteur nous y explique que, si les systèmes écosystémiques, c’est-à-dire ce qu’apporte la biodiversité elle-même, ou encore la relation des éléments naturels, faune et flore, entre eux, relèvent bien de ce texte, les valeurs d’usage que je viens de définir doivent quant à elles être fléchées par le code rural.
Je ne comprends pas cette nuance. En effet, nous définissons la biodiversité de façon novatrice. Il faudrait donc à mon sens, dès lors que cet amendement du groupe écologiste a été adopté par la commission, que les valeurs d’usage, dans toute leur diversité, se rajoutent aux valeurs patrimoniales et aux valeurs intrinsèques de la biodiversité.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l’amendement n° 79 rectifié ter.
M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement est identique au précédent. Ce n’est pas le fruit du hasard : tous deux sont portés par le groupe d’études Chasse et pêche du Sénat. Les signataires de mon amendement partagent les arguments développés par M. Cardoux. En effet, au-delà de la dimension patrimoniale de la biodiversité, il importe à nos yeux de mentionner ici les valeurs d’usage, qui comprennent la chasse et la pêche, mais vont au-delà.
J’espère que cet amendement sera voté par l’ensemble des membres de cette assemblée.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 528 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Relisons l’article L. 110–1 du code de l’environnement : « Les espaces, les ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques font partie du patrimoine commun de la nation. »
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a apporté une précision utile en reconnaissant expressément que ce patrimoine « génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage ».
En effet, la biodiversité, par l’ensemble des services qu’elle rend, a une valeur inestimable ; plusieurs études, notamment le rapport de Bernard Chevassus-au-Louis, ont tenté de les « monétariser ».
Deux des trois catégories de valeurs de la biodiversité ont été consacrées dans notre droit : sa valeur intrinsèque et sa valeur patrimoniale. Ce projet de loi est l’occasion de consacrer les valeurs d’usage que sont, par exemple, l’alimentation, la chasse, la pêche ou encore l’énergie.
Cet amendement a pour objet de préciser que les mesures prises en faveur de la biodiversité doivent prendre en compte ces valeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques, qui ont déjà été déposés en commission et rejetés. Ils me semblent d’ailleurs satisfaits par un amendement adopté en commission, qui inscrit de façon équilibrée dans ce projet de loi que le patrimoine commun de la nation génère des valeurs d’usage et des services écosystémiques.
J’ajoute, au risque de paraître insistant, que nous en sommes à l’article L. 110-1, soit le premier article du code de l’environnement, qui pose les grands principes du droit de l’environnement et affirme que la restauration, la protection et la mise en état des espaces et milieux naturels sont d’intérêt général.
Alors que nous ne cessons de réclamer des simplifications et des textes clairs, de vouloir que nos compatriotes comprennent ce que nous voulons dire dans les lois que nous faisons, nous ne pouvons nous empêcher – moi le premier – de tout compliquer et d’en rajouter. Ce faisant, nous créons de l’imprécision, de la complexité et des sources de contentieux. Nous nous prenons les pieds dans le tapis et tombons dans le travers même que nous combattons.
Je suis donc extrêmement prudent : nous rédigeons ici un article du code de l’environnement, pas un arrêté préfectoral !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’avis de la commission. Avec toute l’amitié que j’ai pour le rapporteur, je me permets de lui faire remarquer que, si le texte issu des travaux de la commission précise que ce patrimoine « génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage », il ne s’agit là que d’un constat, et nous ne pouvons nous en contenter. C’est pourquoi ces amendements identiques défendus notamment par M. Cardoux visent à aller beaucoup plus loin, en prévoyant non pas le seul constat mais bien la prise en compte de ces usages, laquelle devient un élément opposable à tous ceux qui, d’aventure, voudraient faire en sorte que cela passe par pertes et profits.
Je comprends très bien que le rapporteur ne veuille pas surcharger le texte. Pour autant, je pense qu’il faut adopter ces amendements identiques et laisser à la commission mixte paritaire le soin de trouver une rédaction permettant d’intégrer à la fois ce qui est souhaité par la commission et ce qui est souhaité très majoritairement par les deux tiers, les trois quarts, voire les quatre cinquièmes des membres de la Haute Assemblée.
Rien ne s’oppose à ce que nous adoptions ces amendements identiques dès maintenant. Ce sera un signal fort témoignant que les valeurs d’usage doivent être prises en compte dans le cadre de ce texte, parce qu’il s’agit d’un élément essentiel de la biodiversité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je remercie Alain Vasselle d’avoir parfaitement explicité la démarche des signataires de ces amendements identiques, qui font référence à l'amendement de Ronan Dantec. On constate que le patrimoine commun génère des valeurs écosystémiques et des valeurs d’usage, mais, comme l’a souligné Alain Vasselle, nulle part il n’est mentionné que l’on prend en compte ces mêmes valeurs d’usage dans la défense de la biodiversité. Nous voulons donc que cette précision soit apportée.
Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple simple, voire simpliste, hors de notre pays – pardonnez-moi, cher collègue Raison, je vais faire de la mondialisation ! (Sourires.) En Amazonie, on découvre parfois des populations indigènes qui, vivant en autarcie, étaient jusque-là inconnues. Ces populations, qui sont très marginales, utilisent la biodiversité et en font partie, parce qu’elles ont des méthodes de vie très naturelles.
Si je suis la logique de l’amendement de Ronan Dantec, ces populations font partie de la biodiversité et on le constate. Cependant, il faut aller plus loin et les défendre. Si ce principe avait été appliqué, on ne les aurait pas chassées des territoires où elles vivaient depuis si longtemps, pour faire de la déforestation. Maintenant que le principe est posé que le patrimoine commun contient des services écosystémiques et des valeurs d’usage, nous devons nous engager à défendre ces dernières.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. L’article L. 110-1 du code de l’environnement met en avant le principe du développement durable, principe qui prend en compte l’environnement, le social, mais également l’activité économique. Je crains d’ailleurs fort que la réécriture de l’alinéa 6, qui met en œuvre la solidarité écologique, ne sous-entende une primauté de l’écologie par rapport à l’activité humaine.
L’adoption de ces amendements identiques est donc importante, puisqu’elle permettra d’inscrire les usages dans le texte de façon positive et non pas comme un simple constat.
Voilà pourquoi j’ai cosigné l’amendement n° 1 rectifié quater et je le voterai.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Jusqu’à présent, sur ces amendements identiques, j’étais d’avis que le groupe CRC s’abstienne. Toutefois, après avoir entendu les explications de la commission et les différentes interventions, je prends conscience que l’on est en train de confondre l’outil et son utilisation, alors que c’est tout à fait différent. Pour définir un marteau, on donne sa description, on précise comment il est constitué, mais on ne mentionne pas, dans le même temps, tout ce que l’on peut faire avec cet outil. Outil et utilisation sont deux notions différentes.
L’explication du rapporteur est tout à fait juste. Mes chers collègues, vous êtes en train de vouloir imposer dans un texte une façon d’utiliser la biodiversité, parce que vous voulez tout verrouiller. Pour ma part, je ne crois pas que ce soit de bonne politique, car nous en sommes à la définition de ce qu’est la biodiversité. Il ne faut pas mélanger cette définition avec les usages.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je relis l’alinéa 2 de l’article 2 dans la rédaction proposée : « Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage. » Comment justifier une telle rédaction à nos concitoyens ? C’est un pur constat ! J’ai l’impression que l’on enfonce une porte ouverte !
Ce qui importe à nos concitoyens, c’est de faire en sorte que les habitudes qui découlent des usages soient prises en compte. Madame la ministre, il va bien falloir faire accepter à nos concitoyens cette loi à laquelle vous tenez tant, si nous voulons qu’elle soit respectée et, avec elle, la nature, qui est notre souci à tous.
Mme Évelyne Didier. Nos concitoyens ont compris ! Nous, nous sommes en retard !
M. René-Paul Savary. Il nous appartient d’expliquer à nos concitoyens que ce patrimoine est extraordinaire. Pour ce faire, un certain nombre de concessions s’imposent. Il faut insister sur le fait que les usages pourront continuer dans les années à venir, car ils ne vont pas à l’encontre de la biodiversité.
C’est la raison pour laquelle on pourrait compléter l’alinéa 2 de l’article 2, qui me semble trop générique, en précisant par sous-amendement que ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage « qu’il est nécessaire de prendre en compte ». Ainsi, nous résumons bien les enjeux et nous soulignons que les usages sont bien pris en compte dans ce texte.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. J’ai écouté attentivement les différentes interventions, notamment l’explication d’Alain Vasselle. Certes, l’article L. 110-1 fait le constat que ce patrimoine « génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage », mais le texte ne s’arrête pas là et tout ce que vous voulez ajouter, mes chers collègues, s’y trouve déjà : « Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable. »
Vous ne pouvez pas nous faire le procès de proposer un texte sec. Ce n’est pas vrai !
Par ailleurs, je ne comprends pas très bien ce qu’est une « valeur intrinsèque » et j’aimerais bien que l’on m’en donne un exemple précis et pratique.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié quater, 79 rectifié ter et 528 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par Mme Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la fin du 1°, les mots : « à un coût économiquement acceptable » sont supprimés ;
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Nous avions présenté cet amendement en commission et prévenu que nous le défendrions de nouveau en séance, malgré le sort qui risquait de lui être réservé.
Le principe de précaution est un principe fondamental du droit de l’environnement depuis qu’il a été posé dans la déclaration de Rio.
Or, depuis plusieurs années, ce principe est contesté, attaqué et même parfois presque détourné au motif qu’il constituerait un frein inutile à la recherche et développement et conduirait à l’inaction. Il a été démontré que c’était totalement faux ; une proposition de loi a même été déposée et débattue sur ce sujet.
Nous considérons, dix ans après l’adoption de la Charte de l’environnement, qu’il serait opportun que ce projet de loi, qui entreprend par ailleurs – nous venons de le voir - un travail de définition important concernant les principes fondamentaux du droit de l’environnement, revienne sur les contours du principe de précaution. Il convient en effet de retrouver plus précisément l’esprit de la déclaration de Rio, qui énonce clairement qu’« en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement ».
La législation française, par le biais de la loi Barnier de 1995, a complété la définition de Rio par les notions de « réaction proportionnée » et de « coût économiquement acceptable ». Aujourd’hui, c’est cette définition qui est reprise à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
Nous proposons de supprimer la notion de « coût économique acceptable », qui laisse entendre non seulement que le principe de précaution est soumis, lui aussi, à des considérants financiers et que c’est ce qui doit primer, mais aussi que son application pourrait être écartée au regard du coût de sa mise en œuvre. Compte tenu des pressions fortes et de la volonté inébranlable du monde économique libéral de remettre en cause ce principe, nous estimons qu’une telle définition fragilise le principe de précaution.
Nous suggérons donc d’en revenir à une définition du principe de précaution qui lui donne plus de force, conformément à l’ambition de ce projet de loi, dont les promoteurs souhaitent donner les moyens aux pouvoirs publics de mieux protéger la biodiversité. Le principe de précaution en est l’un des outils.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Pour en être membre, Mme Didier sait bien que la commission a émis un avis défavorable, et j’en suis désolé, sur cet amendement qui tend à modifier la définition du principe de précaution figurant à l’article L. 110-1 du code de l’environnement en supprimant la notion de « coût économiquement acceptable ».
Ce principe, vous l’avez rappelé, a été introduit dans notre droit par la loi relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « loi Barnier ». Il s’agit ici d’un principe procédural interprété comme tel par les juges afin d’encadrer l’exercice des pouvoirs de l’administration.
Un juste équilibre a été trouvé. Je ne pense pas utile de rouvrir les débats sur le principe de précaution à ce stade de notre discussion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 320, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Ce principe implique d’éviter les atteintes significatives à l’environnement et à défaut, de les réduire. Par dérogation au principe de prévention, pour les atteintes à la biodiversité qui n’ont pu être évitées ou réduites, des mesures de compensation doivent être prises en dernier lieu pour les réparer.
« Les mesures de compensation doivent être additionnelles, respecter l’équivalence écologique et être effectives pendant toute la durée des impacts. Leur réalisation est soumise à une obligation de résultat. » ;
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement tend à proposer une nouvelle rédaction de l’alinéa 8, qui porte sur le principe éviter-réduire-compenser, afin que la compensation ne soit pas placée sur le même plan que les mesures d’évitement et de réduction.
La compensation doit clairement apparaître comme une dérogation au principe d’action préventive. Il s’agit là de l’un des grands débats que suscite le présent projet de loi.
La compensation vise non pas à empêcher la réalisation du dommage, mais bien à apporter une contrepartie à des dommages considérés comme inévitables. Elle se rapproche en ce sens davantage d’une déclinaison du principe pollueur-payeur. C’est d’ailleurs la solution retenue par le droit de l’Union européenne pour les sites Natura 2000 dans l’article 16 c de la directive 92/43/CEE. Les atteintes et, partant, les mesures compensatoires y sont définies explicitement comme des dérogations aux obligations de conservation.
En proposant que les mesures de compensation soient additionnelles, qu’elles respectent l’équivalence écologique et qu’elles soient effectives pendant toute la durée des impacts, en prévoyant en outre une obligation de résultat, nous nous inscrivons dans la logique européenne.
M. le président. L'amendement n° 531 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Laborde et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer le mot
significatives
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’axe Mézard-Dantec continue ! (Rires.)
Cet amendement est semblable au précédent.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 225 rectifié est présenté par Mme Billon, MM. D. Dubois et Luche, Mme Loisier et MM. L.Hervé, Guerriau, Cadic, Longeot, Lasserre et Roche.
L'amendement n° 329 rectifié est présenté par M. Revet, Mme Lamure, M. Lenoir, Mme Canayer et M. D. Laurent.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8
Après le mot :
compenser
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, lorsque cela est possible, les atteintes notables qui n’ont pu être évitées et suffisamment réduites. » ;
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 225 rectifié.
Mme Annick Billon. Les nouveaux principes ajoutés au code de l’environnement étant peu clairs, voire incohérents par rapport au droit existant, les risques d’insécurité juridique pour les entreprises actrices de la biodiversité ne sont pas négligeables.
Plus précisément, l’article R. 122-4, 7°, du code de l’environnement définissant déjà le mécanisme de compensation, on voit bien que la notion de compensation peut connaître des acceptions, des interprétations et des applications très diverses.
Tout en contribuant à préserver la biodiversité, nous devons protéger les projets d’aménagement acceptés contre toute insécurité juridique. Les trois dimensions environnementale, économique et sociale du développement durable doivent être respectées.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 329 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission est défavorable à ces quatre amendements en discussion commune.
L’amendement n° 320 vise à réécrire le principe d’action préventive que nous avons déjà précisé en commission. Il tend à bien indiquer que les mesures relevant du dernier volet du triptyque ERC, à savoir les mesures de compensation, n’interviennent qu’en dernier lieu de manière additionnelle et respectent l’équivalence écologique et que, en outre, les mesures de compensation sont soumises à une obligation de résultat.
La finalité de cet amendement ne me paraît pas évidente. En effet, la notion de compensation est en soi déjà une obligation de résultat. Par ailleurs, si un organisme comme l’AFB s’occupe, lorsqu’elle sera créée, de la compensation, la progression sera rapide.
Enfin, il ne me paraît pas nécessaire de préciser que les mesures de compensation sont additionnelles. Le texte prévoit déjà qu’elles interviennent « en dernier lieu ».
La commission est également défavorable à l’amendement n° 531 rectifié, qui vise à supprimer une disposition adoptée en commission sur l’initiative de M. Pointereau. En effet, le principe ERC s’applique pour éviter les atteintes les plus importantes à l’environnement, afin de ne pas devenir un principe trop contraignant ou bloquant.
Enfin, la commission est défavorable aux amendements identiques nos 225 rectifié et 329 rectifié, qui tendent à préciser le principe d’action préventive défini à l’alinéa 8 de l’article 2 en ajoutant qu’il implique d’éviter les atteintes significatives à l’environnement ; à défaut, de les réduire ; enfin, en dernier lieu, de compenser « lorsque cela est possible », les atteintes « notables » qui n’ont pu être évitées et « suffisamment » réduites.
Il tend donc à prévoir d’atténuer le dernier volet du triptyque éviter-réduire-compenser en introduisant l’idée que la compensation n’est pas obligatoire, puisqu’elle ne vise que les atteintes « notables » et qui n’ont pas pu être « suffisamment » réduites.
Je rappelle que la définition que nous avons adoptée en commission a été proposée par nos collègues Michel Raison, Daniel Gremillet et Jean-Jacques Lasserre. S’il était adopté, cet amendement aboutirait en réalité à tuer l’idée même de compensation. La compensation est unique, on ne peut pas plus ou moins compenser ou compenser davantage.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat pour le premier amendement et suggère le retrait des suivants.
L’amendement n° 320 vise à réécrire la séquence éviter-réduire-compenser en renforçant la qualité de la compensation écologique. Il tend à préciser que la compensation écologique doit être additionnelle et qu’elle doit respecter l’équivalence écologique. Toutefois, il ne définit pas ce qu’est l’additionnalité. D’où mon avis de sagesse.
Ce point, vous le savez, a été débattu au sein du comité pour l’économie verte et n’a pas été bien défini. M. Dantec a réalisé un travail important et fait des propositions afin de mieux encadrer la compensation écologique. J’aurai d’ailleurs l’occasion de soutenir certains de ses amendements tout à l’heure. Toutefois, l’article 2 portant sur les grands principes du droit de l’environnement, je ne pense pas qu’il faille détailler autant sa rédaction.
L’amendement n° 531 rectifié vise à supprimer l’exigence d’une atteinte « significative ». Or la rédaction actuelle a été proposée par la commission du Sénat. L’Assemblée nationale avait, pour sa part, retenu une autre rédaction et préféré parler d’« incidence notable sur l’environnement », mais c’est bien la même notion, qu’il convient de conserver. Je suggère donc le retrait de cet amendement.
Les amendements identiques nos 225 rectifié et 329 rectifié visent, eux aussi, à préciser que la compensation ne porte que sur les atteintes à la biodiversité pouvant être qualifiées de « notables » et qu’elle n’est mise en œuvre que lorsque cela est possible.
Il est louable de vouloir apporter des précisions, mais le code indiquant qu’il faut éviter les atteintes « significatives » à l’environnement, je pense qu’il existe un risque de confusion juridique entre atteinte « significative » à l’environnement et atteinte « notable ». C’est pourquoi je suggère également le retrait de ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je ne voterai pas ces amendements, mais je m’interroge sur le caractère normatif du terme « significatif », ajouté sur l’initiative de notre collègue Rémy Pointereau.
Nous allons devoir attendre la jurisprudence pour savoir comment ce texte sera appliqué. Le risque est que les magistrats aient une interprétation très différente d’un endroit à l’autre du territoire. Certains d’entre eux considéreront que peut être qualifiée de « significative » une atteinte quasi totale, d’autres que peut l’être une atteinte à hauteur de 60 %, 70 % ou 80 %.
Je tenais à faire part de mon interrogation à la Haute Assemblée.
M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 531 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 531 rectifié est retiré.
Madame Billon, l'amendement n° 225 rectifié est-il maintenu ?
Mme Annick Billon. Oui, monsieur le président.
M. le président. Madame Lamure, l'amendement n° 329 rectifié est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 225 rectifié et 329 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 267 est présenté par M. Poher, Mme Bonnefoy, MM. Cornano et Filleul, Mme Herviaux, M. Miquel, Mme Tocqueville et M. Yung.
L'amendement n° 302 est présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Rétablir le 2° bis dans la rédaction suivante :
2° bis Le même 2° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce principe doit viser un objectif d’absence de perte nette, voire tendre vers un gain de biodiversité ; »
La parole est à M. Hervé Poher, pour présenter l’amendement n° 267.
M. Hervé Poher. Cet amendement est fondé uniquement sur l’interprétation logique de la langue française.
Tout d’abord, en acceptant le principe éviter-réduire-compenser, vous allez de facto valider la notion d’absence de perte nette. Si vous évitez les impacts sur la biodiversité, le capital de biodiversité reste le même. Si vous réduisez et compensez les impacts sur la biodiversité, le capital de biodiversité reste, dans ce cas aussi, le même.
En acceptant la démarche éviter-réduire-compenser, on officialise donc la notion « d’absence de perte nette ». Autant l’afficher clairement !
Ensuite, pourquoi ajouter la notion de gain, en la pondérant ? Tout simplement parce que, dès son intitulé, ce texte est « projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » et non un « projet de loi pour le déclin, le maintien ou le sauvetage de la biodiversité ».
Jusqu’à preuve du contraire, à la fin d’une reconquête, on en a plus qu’au début de la démarche, sauf à envisager d’emblée la reconquête comme un échec ou à avoir une conception très masochiste du mot « conquête »…
En toute logique, si l’on ne veut pas inclure les notions de perte nette ou de gain dans le texte, il faut refuser la démarche éviter-réduire-compenser et modifier l’intitulé du projet de loi. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l'amendement n° 302.
M. Ronan Dantec. Notre collègue Hervé Poher a bien expliqué la situation. La question est de savoir si nous voulons faire preuve d’ambition en matière de biodiversité.
Nous le savons, les pertes de biodiversité sont considérables dans tous les domaines, dans les zones humides ou en termes d’espèces. Ne pouvant plus accepter de continuer de perdre de la biodiversité, nous optons aujourd'hui pour une démarche dynamique, ce qui signifie regagner de la biodiversité.
L’amendement, qui propose une rédaction extrêmement mesurée, vise à prévoir qu’il faut aujourd'hui, lorsqu’on intervient sur la nature, y compris pour des raisons économiques – ’il ne s’agit pas de mettre la nature sous cloche – se poser la question de la dynamique de gain de biodiversité.
Adopter cet amendement serait envoyer le signal collectif que nous avons tous pris acte du fait que nous ne pouvons plus accepter de pertes de biodiversité et qu’intervenir sur la nature, c’est se placer dans une perspective de création de gains. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 533 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Amiel, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rétablir le 2° bis dans la rédaction suivante :
2° bis Le même 2° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce principe doit viser un objectif d'absence de perte nette de la biodiversité ; »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Comme nous l’avons précédemment évoqué, l’article 2 permet de préciser le contenu du principe de prévention des atteintes à l’environnement.
Dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, ce principe devait « viser un objectif d’absence de perte nette, voire tendre vers un gain de biodiversité ». Cette précision a été supprimée par la commission, qui a considéré qu’elle était dépourvue de portée normative.
Pourtant, l’application du triptyque éviter-réduire- compenser les atteintes à l’environnement implique de se fixer un objectif d’absence de perte nette de biodiversité.
L’amendement que nous vous proposons vise à consacrer cette précision dans le texte, sans pour autant retenir l’objectif de gain de biodiversité, qui ne nous semble pas relever du principe de prévention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Les amendements identiques nos 267 et 302 tendent à réintroduire l’idée que le principe d’action préventive a pour objectif l’absence de perte nette, voire le gain de biodiversité, alinéa que nous avions supprimé en commission, sur l’initiative de Rémy Pointereau, de moi-même et de plusieurs autres collègues qui nous avaient soutenus.
Cette phrase, même si elle est intéressante, est floue et n’apporte pas de plus-value juridique justifiant qu’elle soit inscrite dans la loi. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire ce soir à plusieurs reprises, les termes de l’article L. 110-1 du code de l’environnement sont importants, puisqu’ils fondent les principes généraux du droit de l’environnement.
Nos travaux législatifs peuvent certes inspirer ceux qui auront à les commenter en les éclairant sur ce que certains législateurs avaient en tête. Toutefois, en cas de contentieux, on ne peut pas placer le juge devant la difficulté d’interpréter les concepts que vous proposez. Cela ne me paraît pas souhaitable juridiquement.
Les auteurs de l’amendement n° 533 rectifié ont limité l’objectif du principe en question à l’absence de perte nette de biodiversité. Comme pour les amendements précédents, cet objectif est trop flou pour être introduit dans le code de l’environnement, même si je comprends la perspective qu’il trace, qui peut servir d’indication pour ceux qui auront à se pencher sur ces dispositions et à les mettre en application.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement est bien évidemment favorable à ces amendements identiques, un amendement analogue ayant été adopté à une large majorité à l’Assemblée nationale, à l’issue d’un vaste débat.
La reconquête de la biodiversité, ce n’est pas le recul de la biodiversité. L’absence de perte nette de biodiversité est un objectif global qui correspond complètement à l’esprit de la loi, qui n’en fait pas une obligation de résultat mètre carré par mètre carré.
Lors de la discussion générale, tout le monde a cité des exemples spectaculaires de la régression très dangereuse de la biodiversité, y compris pour les services qu’elle rend dans bien des domaines, qu’il s’agisse de l’agroalimentaire, du médicament, du biomimétisme, ainsi que les enjeux pour l’équilibre de l’air, des sols, des espèces animales et végétales. Ce recul est dramatique et il faut affirmer que l’objectif est bien l’absence de perte nette de biodiversité. Je le répète, ce n’est pas un calcul arithmétique, c’est un objectif global, un objectif civilisationnel de reconquête de la biodiversité.
Le Gouvernement est donc tout à fait favorable à ces amendements identiques tendant, je le répète, à revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Peut-être y a-t-il eu un malentendu sur la portée de ces amendements, mais je pense qu’ils sont totalement cohérents.
Le fait de repousser de tels amendements laisse d’ailleurs peser un doute sur l’objectif même du texte dont nous débattons et que chacun a défendu ici, sur l’ensemble des travées. Il s’agit bien de reconquérir ce qui a été détruit, dans une démarche dynamique et non pas statique. Quand on sait que le réchauffement climatique accélère le recul de la biodiversité, il est très important que ces combats soient menés. Ils le sont d'ailleurs, y compris par le monde agricole, qui est la première victime de la régression de la biodiversité notamment végétale, ainsi que de l’appauvrissement des sols et de l’air.
Mais si cet objectif est pour moi sans ambiguïté, peut-être convient-il de lever un certain nombre d’incertitudes par rapport au rejet dont ces amendements ont fait l’objet en commission.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je voudrais tout d'abord faire remarquer à Mme la ministre que la disposition qu’elle vient de défendre ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement ; c’est un ajout de l’Assemblée nationale.
J’ajoute que nous avons adopté précédemment une disposition tendant à veiller à l’absence d’atteinte significative à l’environnement. Il convient de rester cohérent : nous ne pouvons pas dire que l’objectif est, d’un côté, de s’assurer de l’absence de perte nette de biodiversité et, de l’autre, d’éviter les atteintes significatives à l’environnement ; c’est l’un ou l’autre !
Il ne faut pas être maximaliste. La commission est cohérente en n’affichant pas un objectif d’absence de perte nette dès lors que la rédaction de l’alinéa précédent fait référence à des atteintes significatives à l’environnement. À défaut, il faudrait revoir la rédaction initiale, approuvée d’ailleurs par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. L’argumentaire qui vient d’être développé ne me semble pas du tout juste. Nous sommes dans un principe d’opérationnalité. S’il n’y a pas d’atteinte « significative », on ne va pas s’engager dans une machinerie relativement lourde de diagnostic, de définition puis d’application de différentes mesures. Nous en sommes tous conscients et il n’y a aucun dogmatisme de ce point de vue. Si ce n’est pas significatif, on ne fait rien.
En revanche, si c’est significatif, on s’engage dans une opération beaucoup plus lourde, en mobilisant des moyens publics, et l’on se place dans la reconquête.
Il y a donc une véritable cohérence entre les deux, contrairement à ce que vous souteniez, monsieur Vasselle.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 267 et 302.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 172 rectifié, présenté par MM. Pellevat et D. Dubois, est ainsi libellé :
Alinéas 10 et 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. L’article 2 du projet de loi-cadre Biodiversité entend ajouter un principe de solidarité écologique aux principes énoncés à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
Ce principe de solidarité écologique, qui introduit une solidarité entre les êtres vivants, dont l’homme, les écosystèmes et les milieux naturels ou aménagés, présente un caractère nébuleux propice à interprétations, le rendant juridiquement contestable et d’autant plus problématique qu’il est appelé à être pris en compte avant toute décision publique.
Tel qu’édicté, le principe de solidarité écologique ne répond pas aux objectifs de l’article L. 110-1, à savoir énoncer les principes directeurs du droit de l’environnement, dotés d’une portée juridique clairement identifiable et destinés, dans une visée opérationnelle, à inspirer les législations sectorielles qui en préciseront la portée.
Ce principe de solidarité écologique apparaît incantatoire ou déclaratoire et non pas à vocation normative, de sorte qu’il n’a pas sa place dans l’article visé.
D’ailleurs, contrairement à ce qu’indique l’exposé des motifs de la loi, le principe de solidarité écologique, en tant que grand principe d’interaction entre les activités humaines et la biodiversité, n’existe à ce jour dans aucune réglementation. La législation sur l’eau n’évoque que la solidarité financière ou territoriale des bassins. Quant à la solidarité écologique au sens de la législation des parcs nationaux, elle est évoquée en référence à deux espaces géographiques, ce qui correspond à une solidarité biologique qu’il est aisé d’appréhender.
En ce sens, le principe de solidarité écologique méconnaît aussi l’exigence constitutionnelle de normativité de la loi, de même que celle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.
De plus, et surtout, si le principe de solidarité écologique a pour objet d’asseoir la nécessité de concilier le développement économique et la biodiversité, force est de constater qu’il serait dénué d’effet utile dès lors que préexiste à cet égard le principe de développement durable, figurant à la fois dans la Charte de l’environnement et à l’article L. 110-1.
Le principe de développement durable paraît en outre plus équilibré dans la prise en compte des trois piliers, économique, environnemental et social, tandis que la solidarité écologique sous-tend une primauté de l’écologie par rapport aux activités humaines et les enjeux socio-économiques.
Enfin, le principe de solidarité écologique est un facteur d’insécurité juridique pour les porteurs de projets : d’une part, ces derniers ne sont pas en mesure de déterminer les contraintes découlant de ce principe ; d’autre part, l’incertitude liée à cette notion fait peser un doute sur la validité des décisions dont ils bénéficient et qui sont supposées prendre en compte un tel principe. À cet égard, outre le risque, non négligeable, d’une multiplication des contentieux, cela revient à abandonner au juge le soin de définir a posteriori les contours de cette notion.
Par conséquent, il est proposé de supprimer l’introduction du principe de solidarité écologique à l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 226 rectifié est présenté par Mme Billon, MM. Longeot, Roche et Lasserre, Mme Loisier et MM. L. Hervé, Guerriau, Cadic et Luche.
L'amendement n° 330 rectifié est présenté par M. Revet, Mme Lamure, M. Lenoir, Mme Canayer et M. D. Laurent.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
toute prise de décision publique
par les mots :
les plans et programmes publics
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l'amendement n° 226 rectifié.
Mme Annick Billon. Toujours dans le souci d’une plus grande cohérence, le principe de solidarité écologique, qui fait l’objet de l’article 2, doit s’appliquer aux plans et programmes publics, qui sont connus et reconnus.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 330 rectifié.
Mme Élisabeth Lamure. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 268 est présenté par M. Poher, Mme Bonnefoy, MM. Madrelle, Bérit-Débat, Camani, Cornano et Filleul, Mme Herviaux, MM. J.C. Leroy, Miquel et Roux, Mme Tocqueville, MM. Cabanel, Yung, Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 303 est présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 526 rectifié bis est présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Barbier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Supprimer le mot :
directement
La parole est à M. Hervé Poher, pour présenter l'amendement n° 268.
M. Hervé Poher. Il est précisé, à l’alinéa 11, que le principe de solidarité écologique « appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires directement concernés, ». Cet amendement vise à supprimer l’adverbe « directement ».
Tout d’abord, la notion de territoire est vague. Vous pouvez le concevoir comme un espace minimal ou, à l’opposé, comme une vaste étendue : territoire communal, intercommunal, bassin versant, territoire de parc, territoire cantonal, territoire départemental…
Ensuite, l’air, l’eau, les pollens, les insectes et la faune en général n’ont pas l’habitude de respecter les frontières ou les découpages administratifs. (Sourires.)
Enfin, tout projet, important ou non, d’ailleurs, peut avoir des répercussions ou des conséquences sur un autre territoire, qu’il soit voisin ou parfois très éloigné, territoire qui peut subir des effets négatifs sur sa biodiversité, sans bénéficier des « plus » ou des « moins » de l’aménagement, mais qui ne pourrait pas, si on laisse le texte en l’état, profiter éventuellement d’une certaine solidarité écologique.
À cet égard, je citerai simplement deux exemples.
Premier exemple, une intervention sur un cours d’eau peut avoir des conséquences sur les territoires en aval, parfois très en aval et quelquefois même en amont.
Second exemple, les aménagements autoroutiers et les lignes de TGV, qui s’apparentent à de véritables barrières, peuvent détruire des zones riches en biodiversité, mais aussi influer sur le fonctionnement de la faune et sur les équilibres des territoires voisins. Nous connaissons tous, sur nos territoires, des cas éloquents. Je pourrais vous parler longuement des sangliers de ma commune, qui ont changé leurs habitudes de promenade après la construction de la ligne de TGV et ont pris la fâcheuse manie d’aller chatouiller les agriculteurs de territoires voisins…
Tout cela pour réaffirmer que tout projet peut avoir une répercussion environnementale sur le territoire qui l’accueille, bien entendu, mais aussi sur des territoires parfois éloignés ! Pourquoi ces territoires touchés indirectement devraient-ils se sentir exclus de la notion de « solidarité écologique » ? C’est pourquoi nous vous proposons la suppression de l’adverbe « directement ».
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l'amendement n° 303.
M. Ronan Dantec. Ici et là, on a le sentiment qu’il y a ceux qui défendent la nature et ceux qui défendent les humains. Pourtant, cet article est très humain. (Sourires.) Pour compléter ce qu’a dit notre collègue Poher, par exemple, à partir du moment où l’on imperméabilise les sols en amont, il y a de vraies conséquences en aval.
Réfléchir aux incidences de l’aménagement d’un territoire sur d’autres territoires, avoir une approche des interactions, tout cela constitue une vraie progression dans notre conception et notre appréhension, y compris de notre intervention humaine. Je trouverais dommage que l’on supprime les deux alinéas.
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour présenter l'amendement n° 526 rectifié bis.
M. Raymond Vall. Même argumentation !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Ces six amendements en discussion commune relèvent de trois catégories.
Le premier, l'amendement n° 172 rectifié, est isolé ; il vise à supprimer le principe de solidarité écologique, revenant donc sur le dispositif qui a été adopté en commission.
Le principe de solidarité écologique me semble au contraire très intéressant, notamment pour repenser la question de la responsabilité environnementale.
En outre, la rédaction proposée par le texte est celle qu’a proposée le Conseil d’État, qui a considéré que le principe n’avait pas de portée immédiate, mais qu’il invitera le législateur et le pouvoir réglementaire à se poser la question, dans les textes qu’il prévoit, de la déclinaison ou non de ce principe de solidarité écologique, par exemple pour améliorer les études d’impact.
J’ajoute que ce principe existe déjà dans le code de l’environnement pour les parcs nationaux.
Enfin, l’amendement que nous avions adopté en commission avait permis de préciser ce principe et d’en limiter le caractère flou en supprimant, sur la suggestion de Mme Primas, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, la notion de territoires « indirectement concernés ».
La commission émet donc un avis défavorable.
S’agissant de la deuxième catégorie, c'est-à-dire des amendements identiques nos 226 rectifié, présenté par Mme Billon, et 330 rectifié, présenté par Mme Lamure, le principe de solidarité écologique, défini à l’alinéa 11 de l’article 2, implique que l’on prend en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires directement concernés, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés.
Ces deux amendements visent à préciser le champ d’application de ce principe en prévoyant qu’il s’appliquera aux plans et programmes publics qui ont une incidence notable sur l’environnement des territoires, et non pas à « toute prise de décision publique ».
Madame Billon, il me semble que le dispositif que vous prévoyez est contradictoire avec l’objet de votre amendement. Vous souhaitez en effet que le principe puisse être appliqué de manière plus large, et non pas seulement au moment de la prise de décision. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce que vous souhaitez réellement faire ? Je comprendrais, à la limite, que vous souhaitiez compléter les mots « toute prise de décision publique » par les mots « les plans et programmes publics », mais ces derniers pris isolément n’ont pas de sens.
Au final, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements, sauf s’ils venaient à être rectifiés dans le sens qu’elle propose.
S’agissant, troisième et dernière catégorie, des amendements identiques nos 268 de M. Poher, 303 de M. Dantec et 526 rectifié bis de M. Mézard, nous avions décidé en commission de préciser, notamment sur la proposition de Mme Primas, le principe de solidarité écologique, qui, à l’origine, visait les territoires « directement ou indirectement concernés ».
Notre collègue avait en effet alerté sur le caractère flou de la notion de territoires « indirectement concernés » par le principe de solidarité écologique ; nous avions donc supprimé cette précision, qui pouvait avoir de lourdes conséquences dans la mise en œuvre des études d’impact de certains projets.
Ces amendements visent à supprimer la précision « directement », ce qui va à l’encontre des résultats des travaux de la commission. Leur adoption reviendrait à soumettre tous les territoires concernés au principe de solidarité écologique, ce qui est bien trop large.
La commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission sur les amendements nos 172 rectifié, 226 rectifié et 330 rectifié. En effet, ces amendements, qui visent à supprimer le principe de solidarité ou à le limiter aux seuls plans et programmes publics, ne sont pas en cohérence avec les objectifs du projet de loi, comme les travaux de votre commission l’ont montré. Par conséquent, j’en suggère le retrait.
Les amendements identiques nos 268, 303 et 526 rectifié bis tendent à en revenir au texte dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Par cohérence, j’y suis favorable.
À cet égard, je voudrais faire part d’une petite nuance à M. le rapporteur.
Dans le texte voté par l’Assemblée nationale, la solidarité écologique s’appliquait aux « territoires directement ou indirectement concernés ». Les deux adverbes étaient donc bien dans le texte, ce qui constituait une certaine souplesse. M. le rapporteur s’interrogeait à juste titre à cet égard. Il convient donc ici de supprimer la référence aux territoires « directement » concernés, car en restant dans l’implicite on met moins de rigueur dans le texte.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Mme la ministre nous explique qu’il faut étendre le principe de solidarité écologique aux territoires voisins, en quelque sorte, tandis que, selon M. le rapporteur, ce principe sera mis en œuvre finalement dans les futurs réglementations, décrets et autres décisions que prendront ce gouvernement ou les gouvernements qui lui succéderont.
C’est la raison pour laquelle, j’y insiste auprès de mes collègues, j’ai cosigné cet amendement de suppression des alinéas 10 et 11. Je voudrais relire devant vous l’alinéa 11 : « Le principe de solidarité écologique, qui appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable » – encore faut-il définir ce qu’on entend par là – « sur l’environnement des territoires directement concernés, » – et peut-être même indirectement concernés – « les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés. »
Très clairement, cela signifie que, dès que l’on mettra en œuvre un projet sur n’importe quel territoire, en plus du principe de précaution auquel on est déjà confronté, on se heurtera au principe de solidarité écologique. Pour démontrer l’absence d’impact notable de telle ou telle prise de décision publique sur l’environnement, nous aurons à nous adjoindre les services de toutes sortes d’accompagnants.
Ce principe aura donc une incidence extrêmement lourde. Et qui sera concerné ? Encore une fois, les territoires ruraux, ceux qui y vivent, ceux qui en sont les élus ! C’est pourquoi j’y suis tout à fait opposé.
Avec le principe de précaution, on ne peut plus gérer ni bouger ; avec la loi ALUR, on a gelé tous les terrains dans les territoires ruraux ; avec le principe de solidarité écologique, il faudra tout démontrer.
Mais que peut-on faire encore aujourd’hui dans les territoires ruraux, à part y vivre comme dans des réserves d’Indiens ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Avant de rassurer M. Pellevat et de lui expliquer pourquoi je ne voterai pas son amendement, je propose à M. Dubois, qui vient de brandir le spectre de lourdes études préalables qui seraient demandées à tout maire rural ayant un projet – effectivement, il y a de quoi avoir peur –, de transformer son alerte en demande adressée à la ministre pour que le décret qu’elle prendra soit raisonnable et ne prévoie pas de nouveaux schémas ou autres, qui font peur à tout le monde.
Je reviens sur l’argumentaire de M. Pellevat.
« Solidarité écologique », c’est effectivement une drôle de dénomination, parce que la solidarité est une valeur humaine qui procède de notre esprit, de notre pensée, de notre cœur, alors que la nature, les bestioles, ne sont pas solidaires avec nous. La seule chose, c’est que l’on en dépend, c’est une solidarité de fait, et cela s’appelle tout simplement l’interdépendance.
Mon cher collègue, vous proposez de supprimer l’alinéa 11 au motif que, selon vous, cela reviendrait à dire que la nature l’emporterait sur l’homme. J’attire votre attention sur la toute fin de l’alinéa, qui vise les « milieux naturels ou aménagés ». Il est question ici non pas de castors, mais de choses élaborées par l’homme. Par conséquent, l’activité économique de l’homme, son activité de bâtisseur sont concernées par cette solidarité écologique.
Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie qu’on demandera des études d’impact intelligentes, systémiques, prenant en compte toutes les interactions.
Monsieur Dubois, j’entends l’alerte que vous lancez et j’espère que vous serez rassuré à ce sujet. Mais tourner le dos à cette interdépendance, qui est aujourd’hui actée par tout le monde, ce serait dommage, surtout dans un texte sur la biodiversité. Nous sommes tous sur le même bateau planétaire et notre survie dépendra du bon état de fonctionnement de tous les écosystèmes !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. L’intervention de Daniel Dubois m’amène à m’interroger sur un point. Lorsque l’on parle de l’intervention publique, on vise aussi bien les actions de l’État que celles des collectivités territoriales et des intercommunalités.
Demain, lorsque nous réaliserons des travaux routiers sur le territoire de nos communes, faudra-t-il systématiquement lancer des études d’impact ? Cette question mériterait quand même de la part du Gouvernement quelques précisions. Quelles limites seront apportées à ce principe de solidarité écologique ? Chaque fois qu’il sera envisagé un investissement, pour construire une salle polyvalente, une mairie, un local technique, il faudra s’interroger sur l’impact de ces constructions sur l’environnement ! Jusqu’où ira-t-on ? Jusqu’à présent, les études d’impact étaient menées lors de la réalisation de très grands projets structurants sur le plan national. En revanche, pour des projets purement locaux, il n’a jamais été demandé la moindre étude d’impact !
J’aimerais, concrètement, connaître la limite de l’application de ce principe pour nos collectivités.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Je rejoins les propos de nos collègues Daniel Dubois et Alain Vasselle.
Nous sommes nombreux ici à gérer des collectivités locales – commune, département, etc. – et nous avons tous en tête un certain nombre de dossiers qui ont connu des retards considérables – deux ans ou trois ans – parce qu’ils étaient contestés au nom de la protection de telles ou telles petites fleurs, ou de telle ou telle espèce de papillons, de crapauds, d’écrevisses - cela dit, j’ai le plus grand respect pour les écrevisses. (Sourires.) En tant que président de conseil général, je n’ai même jamais pu faire rectifier le virage d’une route départementale particulièrement dangereuse et accidentogène tout simplement parce que poussait en bord de voie, et uniquement là, une certaine variété de fleurs - des collègues m’ont apporté ces mêmes fleurs, cueillies ailleurs…Finalement, les travaux n’ont jamais pu être réalisés et ce virage est toujours aussi dangereux.
Tout cela relève de l’abus. C’est bien pour cette raison qu’il faut laisser dans le texte du projet de loi l’adverbe « directement », et c’est déjà aller bien loin !
Dans le Jura, et je ne pense pas que ce soit un cas particulier, on ne compte aujourd’hui qu’un seul champ photovoltaïque. Madame la ministre, aucun des dossiers qui ont été engagés n’a encore abouti. Sauf un, et encore : il était prévu pour quatorze hectares au départ, mais la commune à l’origine du projet a dû se résoudre à réduire sa taille à huit hectares, la DREAL ayant découvert sur une parcelle une espèce endémique de papillon – heureusement, cet insecte vit également ailleurs. Résultat ? Le coût supplémentaire pour la commune ne sera pas négligeable et elle ne retirera pas de ce champ autant d’énergie renouvelable qu’elle en escomptait au départ.
J’entends bien ce qu’a dit Mme Blandin sur les grands projets, et je suis favorable au débat public, à ces grandes discussions. Mais force est de constater que l’on bute bien souvent sur de toutes petites choses, et si notre pays en est là où il est aujourd’hui, c’est aussi parce qu’on introduit en permanence des contraintes supplémentaires. Ce n’est pas ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui qui améliorera les choses, j’en suis convaincu !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 226 rectifié et 330 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 268, 303 et 526 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 304, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Le principe de non-régression en matière d’environnement selon lequel les dispositions législatives et réglementaires nécessaires pour protéger l’environnement et la biodiversité ne doivent pas entraîner un recul dans le niveau de protection déjà atteint. »
II. – Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. L’étude d’impact annexée à ce projet de loi – page 18 – précise que l’introduction d’un principe de non-régression a été une option suggérée, mais non retenue.
L’étude précise que ce principe peut s’entendre de différentes façons : « une non-régression du droit appliquée à la protection de la biodiversité » ; « une non-régression de la biodiversité, aussi appelée “pas de perte nette de biodiversité”, développée notamment dans la stratégie européenne pour la biodiversité. Aucune de ces deux acceptions n’a malheureusement été retenue.
Il s’agit d’essayer de réintégrer ce principe de non-régression en matière d’environnement, selon lequel les dispositions législatives et réglementaires nécessaires pour protéger l’environnement et la biodiversité ne doivent pas entraîner un recul dans le niveau de protection déjà atteint. Cela rejoint les débats que nous avons eus précédemment.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 3 rectifié quater est présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Vasselle, Mme Canayer, MM. Gilles, Pointereau, Milon, Mouiller et Panunzi, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lopez, MM. Bouchet, Laufoaulu, D. Laurent, Trillard, Mandelli, César, Mayet, Lemoyne, Cornu, Morisset et Laménie, Mmes Micouleau et Primas, M. Commeinhes, Mme Giudicelli, M. Charon, Mme Lamure, MM. Vaspart, Doligé, J.P. Fournier, Poniatowski, Genest, Danesi, Grand, Bizet, Pillet, Pellevat, Pinton, de Nicolaÿ, Revet, Lefèvre, B. Fournier, Longuet, Pintat, Vial et Darnaud, Mme Morhet-Richaud, MM. Allizard, Delattre, Masclet, P. Leroy et Lenoir, Mme Deseyne et MM. A. Marc, Dassault, Chasseing, Raison, Gremillet, Luche, Houpert, Savary, Médevielle, Guerriau, D. Dubois et Gournac.
L'amendement n° 81 rectifié ter est présenté par MM. Bérit-Débat, Patriat et Carrère, Mmes Cartron et D. Michel, MM. Vaugrenard, Camani, Labazée, Roux et Manable, Mmes Jourda, Herviaux et Bataille, MM. Montaugé, Lalande, Lorgeoux, J.C. Leroy, Jeansannetas, Chiron et Courteau, Mme Riocreux et MM. Mazuir, Madrelle, Cazeau et Raynal.
L'amendement n° 530 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Arnell, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié quater.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement est tout à fait à l’opposé de celui que vient de présenter M. Dantec.
Nous sommes un certain nombre de signataires à penser que ce principe de « non-régression écologique » qui, tel qu’il était issu des travaux de l’Assemblée nationale, devait faire l’objet d’un rapport émis dans les deux ans – nous avons réduit ce délai à un an –, repose sur un système d’une perversité telle qu’elle mérite que l’on y revienne. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais cela me rappelle « les avantages acquis » dans le dialogue social.
Cela signifie que, pour telle ou telle raison parfaitement fondée à partir d’une étude scientifique – le rapport fait aussi référence aux universitaires ; leurs travaux sont parfois de bonne qualité, mais pas toujours –, on va mettre le monde sous cloche et on n’avancera plus !
Je citerai quelques exemples pour illustrer mon propos.
Je me souviens d’une époque, voilà vingt-cinq ou trente ans, où, dans mon département, les riverains étaient mis en demeure, à juste titre d’ailleurs, de nettoyer le lit de la rivière et de dégager les arbres qui étaient tombés, et ce afin de ne pas provoquer d’inondation. Aujourd’hui, au même endroit, les castors européens sont revenus et ont construit des barrages. Or, bien que les terres soient inondées, on ne peut pas toucher aux castors. Allez faire comprendre au propriétaire qu’il doit aujourd’hui faire procéder, à ses propres frais, à des travaux importants parce qu’à une certaine époque on a décrété l’interdiction de toute élimination de ce rongeur…
Ainsi, ce principe de mise sous cloche de la biodiversité de la nature, en ce qu’il ne permet pas de revenir en arrière quand de mauvaises décisions ont été prises ou d’évoluer quand la situation a changé, ne saurait être satisfaisant.
Je pourrai vous citer d’autres cas, mais cet exemple est éloquent, car il illustre in fine ce à quoi aboutit un système extrêmement pervers dans lequel on aura voulu aller toujours plus loin et demander toujours plus, quitte à interdire tout espace d’utilisation humaine dans la biodiversité.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l'amendement n° 81 rectifié ter.
M. Claude Bérit-Débat. Mon argumentation est identique à celle de M. Cardoux. Je citerai, outre le castor, le cormoran, sur lequel nous ne pourrions pas revenir en arrière, ou le loup, qui fait sans doute débat ici. Avec mes collègues signataires, j’estime qu’il ne faut pas graver ce principe dans le marbre. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet alinéa 14.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l'amendement n° 530 rectifié.
M. Guillaume Arnell. À défaut de le consacrer au niveau législatif, le présent projet de loi prévoit la remise d’un rapport sur le principe de non-régression, ainsi que sur l’opportunité de l’inscrire au rang des principes généraux du droit de l’environnement. Il aurait pour objet d’empêcher tout retour en arrière en matière de protection de l’environnement.
Si une telle initiative part d’une bonne intention, elle pourrait soulever quelques difficultés juridiques et constituer une source de rigidité. Par exemple, en matière de protection des espèces, comment appliquerait-on un tel principe ? Une espèce aujourd’hui menacée ne le serait pas forcément à l’avenir, conformément à la vision dynamique de la biodiversité retenue par le présent projet de loi.
En outre, cette mesure ne va pas dans le sens de la simplification du droit de l’environnement et vient restreindre la souveraineté de la loi, qui autorise toute modification de cette dernière.
Le présent amendement vise ainsi à supprimer la remise d’un rapport sur l’opportunité d’inscrire ce principe dans le code de l’environnement.
M. le président. L'amendement n° 216, présenté par MM. Antiste, Cornano et Karam, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
II. – Le II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le principe de non-régression en matière d’environnement selon lequel les dispositions législatives et réglementaires nécessaires pour protéger l’environnement et la biodiversité ne doivent pas entraîner un recul dans le niveau de protection déjà atteint. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Le principe de non-régression du droit de l’environnement a fait l'objet d’une résolution adoptée au dernier congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN, et il est largement partagé par la communauté de juristes en droit de l’environnement.
C’est un principe d’action identifié lors des états généraux de modernisation du droit de l’environnement, puis validé par le Gouvernement au sein de la feuille de route pour la modernisation du droit de l’environnement.
Il est donc important, dans le cadre de cette loi, d’inscrire le principe de non-régression au rang des principes à valeur législative.
Le principe de non-régression est défini comme « excluant tout abaissement du niveau d’exigence de la protection de l’environnement » qui devrait figurer dans cette loi sur la biodiversité. En effet, la convention sur la diversité biologique de 1992 précise, dans son article 8-K, que chaque partie « maintient en vigueur les dispositions législatives et autres dispositions réglementaires nécessaires pour protéger les espèces et les populations menacées ». Cela implique l’interdiction de supprimer les mesures de protection de la biodiversité et donc de régresser dans le niveau de protection déjà atteint.
La consécration législative du principe de non-régression en matière d’environnement entérinerait une idée déjà largement répandue et réclamée par de nombreux acteurs à l’occasion de la conférence de Rio. Elle permettrait, en outre, de satisfaire à des obligations juridiques au niveau de l’Union européenne.
Comme le prévoit la résolution de l’UICN, il conviendrait idéalement que ce principe, pour qu’il ait toute la portée qu’il mérite, soit adossé à la Constitution au sein de la Charte de l’environnement, et que son champ d’application soit plus large que celui de la biodiversité, ce qui pourrait être également envisagé à l’avenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Nous sommes confrontés à plusieurs amendements différents. La commission proposait la rédaction d’un rapport, en reprenant une proposition que le député UDI Bertrand Pancher avait introduite à l’Assemblée nationale, sur l’opportunité d’inscrire un principe de non-régression dans notre droit de l’environnement.
Certains collègues souhaitent inclure d’emblée le principe dans la loi, tandis que d’autres discutent de l’opportunité d’un rapport à ce sujet. Pour notre part, nous proposons la rédaction d’un rapport à la fois sur le principe de non-régression et sur l’opportunité d’inscrire ce principe. Le présent débat comporte donc plusieurs nuances.
Cela fait longtemps que nous nous interrogeons sur ce sujet. Notre législation environnementale en France est d’ailleurs largement influencée par un principe implicite de non-régression affirmé depuis longtemps au niveau de l’Union européenne. Dès 1987 et l’Acte unique, l’objectif de la politique environnementale européenne était en effet non seulement « la préservation et la protection », mais aussi « l’amélioration de la qualité de l’environnement ».
Parallèlement, force est de constater qu’il existe des tentatives de régression, volontaires, ou des circonstances, elles involontaires, aboutissant au même résultat.
Pour avoir rencontré certains experts en la matière, comme la directrice du Centre de recherches interdisciplinaires en droit de l'environnement, de l'aménagement et de l'urbanisme, le CRIDEAU, qui a succédé au professeur Michel Prieur, l’un des grands spécialistes français de l’environnement – nombre d’entre vous les connaissent et ont déjà pris connaissance de leurs recherches –, je sais que leurs travaux sur ce principe sont déjà assez avancés.
Je connais la réticence, pour ne pas dire l’aversion de notre assemblée pour les rapports en général. Ayant intégré cette donnée dans mon logiciel (Sourires.), j’ai essayé, chaque fois que j’en ai eu la possibilité, de supprimer les rapports au profit d’une autre solution. Cela étant, il serait très intéressant d’établir un bilan global sur ce point, peu importe le temps que prendrait une telle démarche, même si une durée d’un an me paraît suffisante, compte tenu de l’état d’avancement des travaux des universitaires spécialisés.
Nous pourrions poser, de façon précise et circonstanciée, les questions de la définition du principe de non-régression, de l’opportunité de l’inscrire dans notre droit, et sous quelle forme. Les réponses obtenues pourraient nous permettre, avant de légiférer, d’avancer de façon construite et prudente sur un sujet dont je comprends qu’il puisse inquiéter, ne serait-ce que compte tenu de l’intitulé du principe.
La commission avait précisé, sur l’initiative de M. Bizet, que les auteurs de ce rapport devaient aussi se prononcer sur le principe. Ce serait effectivement une bonne chose, nous avons déjà eu ce débat.
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements qui s’écartent tous de sa position.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement émet le même avis que la commission s’agissant de l’ajout du principe de non-régression dans le code de l’environnement, car il faudrait effectivement procéder à une mise à plat de l’ensemble des impacts juridiques qu’aurait l’adoption d’une telle mesure. C’est pourquoi le Gouvernement s’est engagé à remettre au Parlement un rapport sur le sujet dans un délai d’une année seulement à compter de la promulgation de la loi.
Par conséquent, je suggère le retrait de l’amendement n° 304. Sur les amendements identiques nos 3 rectifié quater, 81 rectifié ter et 530 rectifié, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée. En revanche, je sollicite le retrait de l’amendement n° 216, pour la même raison que celle que je viens d’exprimer : il est sans doute prématuré de faire figurer directement ce principe dans le droit, sans en avoir mesuré toutes les implications juridiques.
M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. Je soutiens évidemment l’amendement n° 3 rectifié quater, que j’ai cosigné, comme ceux de mes collègues visant également à supprimer l’alinéa 14.
Ce principe de non-régression pourrait devenir une sorte de « nouveau droit de l’homme ». Je voudrais citer à ce propos un communiqué de Mme la ministre, du 3 avril 2015, dans lequel celle-ci se déclare « très attachée au respect des principes de modernisation du droit de l’environnement qui irrigue ces travaux : non-régression, efficacité et proportionnalité, sécurité juridique, effectivité. »
À l’appui de mon soutien à la suppression de l’alinéa 14, j’invoquerai plusieurs arguments.
Ce principe de non-régression soulève de très nombreuses questions, qui doivent être traitées avant même d’envisager sa possible inscription dans le code de l’environnement. Rédiger un rapport sur ce sujet, c’est mettre le doigt dans un engrenage dangereux.
En outre, doit-on considérer que toute loi traitant de l’environnement est par principe bonne et que les seuils qu’elle fixe ne pourront être revus qu’à la hausse ? Pourquoi le plus serait-il nécessairement associé à un mieux environnemental ? Le progrès est-il synonyme de lois éternelles, immuables ?
M. Jean-Louis Carrère. Mais non !
M. Michel Raison. Notre histoire politique montre que la survie d’une société dépend de sa capacité à s’adapter au changement, à remettre en cause ce qui semblait acquis.
La prise en compte des générations futures implique également que nous restions modestes au regard des connaissances présentes. À cet égard, la promotion du principe de non-régression relève, de notre part, d’une forme de prétention.
La loi devra peut-être permettre demain ce qu’elle interdit aujourd’hui, du fait des avancées de la science et des connaissances, ainsi que de l’évolution du seuil d’acceptation des risques par la société. Pourquoi entraver notre liberté de décision, d’adaptation et d’évolution au nom d’un principe d’interdiction de remettre en cause ce qui a un jour été inscrit dans un texte de loi ? Cela reviendrait, au demeurant, à supposer que toutes les lois sont correctement écrites et conçues…
Mes chers collègues, voilà pourquoi je vous invite à supprimer l’alinéa 14.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. M. le rapporteur s’est montré sensible au fait que la Haute Assemblée ne soit pas très encline à voter la remise de rapports, souvent voués, quand ils sont effectivement publiés, à s’accumuler et à s’empoussiérer dans les ministères…
En l’occurrence, Michel Raison a souligné à juste titre qu’en demandant la rédaction d’un rapport, on risque de mettre le doigt dans un engrenage.
Mes chers collègues, voilà peu, la commission des lois a examiné une proposition de loi constitutionnelle présentée par Rémy Pointereau, vice-président de la commission du développement durable. Ce texte ne concernait que les collectivités territoriales, mais il indiquait très nettement qu’il ne fallait pas aller au-delà de ce que prévoient les normes européennes, qu’il n’était pas la peine d’en rajouter.
Or, au travers de cet amendement, j’ai le sentiment que l’on veut d’ores et déjà aller plus loin que ce que le droit européen nous impose !
Madame la ministre, pas une année ne se passe sans que s’engage une bataille sans fin au sujet des dates d’ouverture ou de fermeture de la chasse de tels ou tels oiseaux migrateurs, par exemple. J’ai ainsi eu l’occasion d’accompagner Mme Roselyne Bachelot, alors ministre de l’environnement, dans un déplacement à Bruxelles pour attirer l’attention des instances européennes sur les difficultés posées par l’application des normes décidées au niveau communautaire.
Nous avons déjà suffisamment à faire avec les normes européennes : n’en rajoutons pas via notre droit national ! Il serait sage que nous ne votions pas la production d’un rapport relatif à la non-régression. Il sera toujours temps de légiférer et de transposer une directive européenne dans notre droit lorsque l’Europe se sera prononcée. Gardons-nous de tout excès de zèle !
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. À mon sens, le débat doit nous permettre d’avancer dans la réflexion, sans rester totalement figés sur nos positions de départ. En l’occurrence, notre discussion montre à quel point un rapport est nécessaire. C’est pourquoi je vais retirer mon amendement, dont le dispositif me semble prématuré.
Je lirai avec attention ce rapport, s’il survit au débat parlementaire, car je voudrais vraiment comprendre quel est l’enjeu.
Lorsqu’on évoque la non-régression du droit de l’environnement, on traite des grands enjeux environnementaux, des atteintes fortes portées à l’environnement, dans une logique de reconquête de la biodiversité. Or j’entends évoquer les cormorans, les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse à l’oie… Ce n’est pas le sujet ici : le débat se situe à un autre niveau. Au demeurant, les amendements tendant à supprimer le rapport en question sont surtout défendus par les membres d’un certain groupe politique.
Je le répète, l’élaboration d’un rapport me semble nécessaire pour préciser les enjeux. Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 304 est retiré.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur Dantec, vous venez d’admettre que vous ne compreniez pas vous-même de quoi il s’agit, d’où votre appel à la remise d’un rapport. (M. Ronan Dantec proteste.) Certes, il est un peu délicat de débattre de quelque chose que l’on ne comprend pas…
Mme Évelyne Didier. Ce n’est pas sur le même plan !
M. Jean-Noël Cardoux. Pour ma part, il me semble avoir compris le sujet dont il s’agit. Les exemples que vous avez cités sont familiers aux usagers de la nature, notamment aux chasseurs.
Le principe de non-régression relève d’une appréciation statique de la biodiversité.
À cet égard, monsieur Bignon, vous écrivez à la page 32 de votre rapport que « le principe de développement durable, qui repose intrinsèquement sur l’interaction entre l’homme et son environnement, proscrit d’envisager la protection de la biodiversité sous le seul angle de la conservation statique. Si cette approche peut être nécessaire afin de protéger des éléments de biodiversité uniques ou en danger d’extinction, elle compromet une préservation de la nature compatible avec le développement humain et donc la pérennité des efforts demandés. »
Nous sommes tout à fait d’accord, mais cette position me semble en contradiction avec l’inscription dans le présent texte d’une demande de rapport portant sur le principe de non-régression.
J’en reviens aux propos de M. Dantec et à l’éventuelle pertinence de contributions qualifiées de scientifiques ou d’universitaires.
À une époque déjà lointaine, on nous a déclaré, à nous autres chasseurs de gibier d’eau, que les sarcelles d’été étaient en voie de disparaître et qu’il fallait donc d’urgence inscrire cet oiseau sur la liste des espèces non chassables. Mais, deux ans plus tard, les sarcelles d’été ont réapparu : elles avaient tout simplement changé de lieux d’hivernage, par suite d’une sécheresse au Sahel. Si la sarcelle d’été avait été placée au nombre des espèces non chassables, l’application d’un principe de non-régression aurait rendu ce classement irrévocable.
M. Raison l’a souligné à juste titre, inscrire dans ce projet de loi la remise d’un rapport portant sur le principe de non-régression, c’est mettre le doigt dans un engrenage.
Cela étant, madame le ministre, personne ne vous empêche de demander à vos services d’établir un tel rapport. Nous sommes nombreux, je pense, à être prêts à travailler avec vous sur cette question. J’espère que, sur la base des éléments qui seront alors réunis, M. Dantec et moi-même pourrons bien comprendre ce qu’est la non-régression !
M. Ronan Dantec. Moi je l’ai bien compris, cher collègue !
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. M. Cardoux propose, en somme, une solution médiane, susceptible d’être approuvée sur l’ensemble des travées.
En revanche, monsieur Dantec, je n’ai pas très bien compris la position que vous avez défendue. Vous avez déclaré que le principe de non-régression était un grand principe, sans aucun rapport avec les problèmes posés par les cormorans sur le terrain.
Eh bien, moi, je vois le rapport ! En effet, en tant que maire, je sais que, le cormoran étant une espèce protégée, l’avantage compétitif, si j’ose dire, dont il bénéficie de ce fait pourrait susciter un véritable problème demain ou après-demain, au regard d’une bonne gestion de la faune, si l’on n’a pas la possibilité de s’adapter aux évolutions à venir. Sur le terrain, la mise en œuvre des dispositions juridiques peut poser des difficultés majeures sur le plan pratique.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je tiens à remercier Mme la ministre d’avoir entendu nos préoccupations et d’avoir émis un avis de sagesse.
M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.
M. François Grosdidier. Pourquoi légiférons-nous aujourd’hui, si ce n’est pour enrayer l’érosion de la biodiversité ?
Moi aussi, en tant que maire, je dois faire face à des problèmes posés par la présence de cormorans. Il s’agit d’éviter la régression de la biodiversité, et non pas de figer les situations ou de favoriser l’expansion de toutes les espèces ! Voter de tels amendements reviendrait à jeter le bébé avec l’eau du bain !
M. Ronan Dantec. Tout à fait !
M. François Grosdidier. Il me semblait qu’un consensus existait au sein de la Haute Assemblée sur le point de mettre un terme à l’érosion de la biodiversité.
Mme Évelyne Didier. Eh oui !
M. François Grosdidier. Il s’agit de préserver des équilibres, ce qui exige des ajustements constants. À cet égard, le pouvoir réglementaire devra certainement apporter de la souplesse afin que des adaptations soient possibles, par exemple en cas de surpopulation de telle ou telle espèce, mais nous ne débattons pas ici des modalités de mise en œuvre des dispositions législatives.
Je suis très attaché à ce que l’on inscrive dans la loi le principe de non-régression de la biodiversité, mais, j’insiste sur ce point, cela ne signifie pas qu’il faille instaurer un système complètement rigide. L’enjeu est de maintenir des équilibres auxquels de nombreux acteurs concourent, au premier chef les chasseurs. Pour cela, des adaptations sont en permanence nécessaires, car la donne change constamment. (M. Ronan Dantec et Mme Christine Prunaud applaudissent.)
Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Mes chers collègues, au sujet de cette demande de rapport, il me semble que l’on joue à se faire peur.
Mme Évelyne Didier. Tout à fait !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je ne vois pas dans quel engrenage on mettrait le doigt en engageant la réflexion !
Réfléchir, c’est préparer l’avenir. Or, je le répète, les instances européennes se penchent actuellement sur ce principe de non-régression. Dans cette perspective, il serait coupable de notre part de ne pas nous intéresser à cette question : le moment venu, nous risquons de nous voir imposer par Bruxelles des normes sur un sujet auquel nous n’aurons même pas réfléchi. (M. Ronan Dantec opine.) Mieux vaut que nous préparions un corps de doctrine adapté à notre droit positif : la peur n’évite pas le danger.
Au demeurant, ni la commission ni moi-même n’avons dit adhérer au principe de non-régression. Je me suis même opposé à l’amendement n° 304, tendant à inscrire ce principe dans le projet de loi. D’ailleurs, constatant que le sujet n’était pas encore mûr, M. Dantec a intelligemment retiré son amendement, indiquant qu’il valait mieux commencer par réfléchir au contenu exact du principe de non-régression, avant d’examiner la question de l’opportunité de l’inscription de celui-ci dans la loi. À l’heure actuelle, peu de gens sont en mesure de dire en quoi consiste précisément ce principe. Si nous décidons de l’inscrire dès maintenant dans la loi, sans avoir mené ce travail de réflexion, nous risquons fort de le regretter.
Mes chers collègues, quel risque courons-nous ? Vous connaissez le processus législatif aussi bien que moi : si nous votons la réalisation de ce rapport, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts avant qu’un tel principe ne figure, le cas échéant, dans une loi. Nous n’en sommes pas du tout là : n’ayons pas d’inquiétudes prématurées à cet égard. Si nous n’engageons pas la réflexion sur ce sujet, un jour viendra où nous le regretterons !
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour explication de vote.
M. Maurice Antiste. Il me semble que la sagesse serait de retirer ces amendements et de suivre la proposition de Mme la ministre d’établir un rapport fondé sur l’observation, afin de nourrir notre réflexion.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire. Ce n’est pas la proposition de Mme la ministre, mais celle de l’Assemblée nationale !
M. Maurice Antiste. Je retire l’amendement n° 216.
M. le président. L’amendement n° 216 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié quater, 81 rectifié ter et 530 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 2 rectifié quater est présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Vasselle, Mme Canayer, MM. Gilles, Pointereau, Milon, Mouiller et Panunzi, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lopez, MM. Bouchet, Laufoaulu, D. Laurent, Trillard, César, Mayet, Lemoyne, Cornu, Morisset et Laménie, Mmes Micouleau et Primas, M. Commeinhes, Mme Giudicelli, M. Charon, Mme Lamure, MM. Vaspart, Doligé, J.P. Fournier, Poniatowski, Genest, Danesi, Grand, Bizet, Pillet, Pellevat, Pinton, de Nicolaÿ, Revet, Lefèvre, B. Fournier, Longuet, Pintat, Vial et Darnaud, Mme Morhet-Richaud, MM. Allizard, Delattre, Masclet, P. Leroy et Lenoir, Mme Deseyne et MM. A. Marc, Dassault, Chasseing, Raison, Béchu, Gremillet, Luche, Houpert, Savary, Médevielle, Guerriau, D. Dubois et Gournac.
L’amendement n° 80 rectifié ter est présenté par MM. Bérit-Débat, Patriat et Carrère, Mmes Cartron et D. Michel, MM. Vaugrenard, Camani, Labazée, Roux et Manable, Mmes Jourda, Herviaux et Bataille, MM. Montaugé, Lalande, Lorgeoux, J.C. Leroy, Jeansannetas, Chiron et Courteau, Mme Riocreux et MM. Mazuir, Madrelle, Cazeau et Raynal.
L’amendement n° 529 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le principe de la conservation par l’utilisation durable, selon lequel la pratique des usages est un instrument au service de la conservation de la biodiversité. »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié quater.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement fait suite à l’amendement relatif aux valeurs d’usage précédemment adopté.
Les lois adoptées en matière de protection, de mise en valeur, de restauration, de remise en état et de gestion des espaces, des ressources et milieux naturels, des sites et paysages, de la qualité de l’air, des espèces animales et végétales, de la diversité et des équilibres biologiques obéissent à certains principes : principe de précaution, principe d’action préventive et de correction, principe pollueur-payeur, principe d’accessibilité des informations environnementales et principe de participation.
En matière de gestion et de conservation de la biodiversité, la liste des principes susvisés, cités au II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, n’inclut pas les nouveaux concepts et principes internationaux relatifs à l’utilisation durable de la biodiversité. Il convient donc d’en tirer les conséquences et d’inscrire dans le droit positif le principe de conservation par l’utilisation durable des ressources biologiques, prôné par la Convention sur la diversité biologique, parce que les avantages économiques, culturels et sociaux qui en découlent incitent les utilisateurs à conserver ces ressources, qui sont des éléments de la biodiversité.
Il s’agit de faire valoir un principe novateur qui replace l’homme au sein de la conservation de la nature. La défense d’un prochain amendement me donnera l’occasion d’évoquer quelques exemples montrant qu’inscrire ces usages dans le principe de biodiversité permet une conservation durable de certains biotopes.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l’amendement n° 80 rectifié ter.
M. Claude Bérit-Débat. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l’amendement n° 529 rectifié.
M. Guillaume Arnell. Il s’agit de compléter les principes généraux du droit de l’environnement par l’introduction d’un principe de la conservation par l’utilisation durable des ressources biologiques.
L’introduction de ce principe, auquel fait référence la Convention sur la diversité biologique du 5 juin 1992, apporterait une alternative à l’approche de la conservation de la nature par la mise sous protection stricte. Cela mettrait ainsi fin à la tendance à opposer protection de l’environnement et utilisation des ressources biologiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements identiques, qu’elle avait déjà rejetés.
L’idée est d’insérer un nouveau principe à l’article L. 110-1 du code de l’environnement : celui de la conservation par l’utilisation durable, selon lequel la pratique des usages est un instrument au service de la conservation de la biodiversité.
Je le redis, je suis très défavorable à la multiplication des principes sans portée normative au sein de cet article du code de l’environnement, tendance que nous dénonçons régulièrement. Comme le dit notre collègue Pointereau, « il faut cesser d’ajouter des phrases et des phrases qui ne prescrivent plus rien, mais qui se contentent d’affirmer telle ou telle chose et s’empilent dans des lois qui deviennent bien trop bavardes ».
La conservation par l’utilisation durable n’est en rien un principe : il ne s’agit en aucun cas d’une vérité générale. La pratique des usages n’est pas nécessairement un instrument au service de la conservation de la biodiversité.
Ce n’est faire insulte à personne que de dire cela : il n’y a pas de principe qui permette de décider qu’une activité est a priori au service de la conservation de la biodiversité. Certaines pratiques le sont ; il faut les promouvoir, et vous avez raison de vous y employer, mes chers collègues.
Je rappelle néanmoins que nous avons adopté en commission un amendement promouvant la conservation par l’utilisation durable des continuités écologiques, ce qui satisfait ces amendements, sans pour autant introduire un principe dénué de sens.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement partage l’avis du rapporteur. Ces amendements sont en effet satisfaits, dans la mesure où, par définition, une loi pour la reconquête de la biodiversité ne saurait conduire à interdire des usages qui lui seraient favorables.
En revanche, nous devons effectivement veiller à ne pas alourdir la loi de concepts nouveaux qui donneront lieu à des contentieux. Le Gouvernement suggère donc le retrait de ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié quater, 80 rectifié ter et 529 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 417, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après le mot :
lequel
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
certaines surfaces agricoles et forestières sont porteuses d’une biodiversité spécifique et variée et les activités agricoles et forestières doivent contribuer à la préservation des continuités écologiques et de la biodiversité. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Il s’agit, par cet amendement, de rendre une forme d’hommage aux activités agricoles et forestières.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Cet amendement présente une nouvelle définition du principe de complémentarité entre l’environnement, l’agriculture et la sylviculture inscrit à l’article L. 1 du code rural, en précisant que certaines surfaces agricoles et forestières seulement sont porteuses d’une biodiversité spécifique. Je crois au contraire que toutes ces surfaces sont dans ce cas et peuvent être vecteurs d’interactions écosystémiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je suggère le retrait de cet amendement. La formulation « certaines surfaces » est juridiquement très imprécise et risque de donner lieu à des contentieux. Elle me semble en outre affaiblir la portée de l’article.
M. le président. Monsieur Dantec, l’amendement n° 417 est-il maintenu ?
M. le président. L’amendement n° 417 est retiré.
L’amendement n° 379 rectifié, présenté par Mme Jourda et M. Cabanel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en œuvre du principe de solidarité́ écologique prévu au 6° de l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. La prise en compte des notions novatrices de « solidarité écologique » et, tout particulièrement, d’incidence « notable » dans les décisions publiques est nouvelle et sera forcément soumise à des interprétations.
L’aspect novateur de ce principe de solidarité écologique, lequel constitue une véritable avancée en matière de solidarité environnementale, mérite d’être évalué et mesuré. Nous disposerons ainsi d’une bonne connaissance de l’efficacité de cette mesure et de la façon dont elle aura été interprétée, et surtout traduite en actions concrètes.
Un rapport sur ce sujet peut constituer, en ce sens, un outil très efficace, dont le Gouvernement comme le Parlement ne doivent pas se priver.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission est défavorable non pas à une réflexion sur le bilan de la mise en œuvre d’un principe nouveau, mais, d’une manière générale, aux demandes de rapports. Il existe d’autres moyens, pour le Parlement, de faire son travail de contrôle : par exemple, en mettant en place une mission d’information sur l’efficacité du dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je partage l’avis du rapporteur et suggère le retrait de cet amendement. Ce travail relève en effet de la mission du Parlement.
M. le président. Madame Jourda, l’amendement n° 379 rectifié est-il maintenu ?
Mme Gisèle Jourda. Non, je le retire, monsieur le président, mais je ne comprends pas tout à fait la réponse qui m’est faite. Concernant le principe de non-régression, le rapporteur soutient la rédaction d’un rapport ; en revanche, il s’y oppose à propos d’une notion aussi novatrice que celle-ci ! Je ne perçois pas très bien la logique de cette réponse.
M. le président. L’amendement n° 379 rectifié est retiré.
La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote sur l’article.
M. Daniel Dubois. L’article L. 110-1 du code de l’environnement met en exergue le principe même du développement durable, appuyé sur trois piliers : l’économique, le social et l’environnemental.
Au travers de la mise en œuvre du principe de solidarité écologique, l’alinéa 11 de cet article 2 va donner la primauté à l’écologie. Toute action publique sur les territoires se verra donc confrontée à des difficultés importantes. Dès lors qu’un projet ne conviendra pas à une certaine catégorie de la population ou à une association, des occupations de terrains se produiront. Cet alinéa promet de beaux jours aux « zadistes », en particulier dans les territoires ruraux ! Je ne voterai donc pas cet article.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. J’ai senti tout à l’heure le rapporteur très contrarié par l’opposition d’une large majorité de la Haute Assemblée au rapport sur le principe de non-régression. Il a expliqué qu’en prenant une telle position nous nous tirions une balle dans le pied, parce que nous refusions ainsi d’engager la réflexion sur le sujet et risquions de nous voir un jour imposer une norme européenne sans nous y être préparés.
Je comprends tout à fait les préoccupations du rapporteur, mais est-il nécessaire que le Gouvernement remette un rapport ? Rien ne s’oppose à ce que la commission du développement durable prenne une initiative dans ce domaine.
J’observe d’ailleurs que le rapporteur a ensuite émis un avis défavorable sur une autre demande de rapport, en se fondant sur des arguments qui auraient pu être invoqués pour rejeter le rapport sur le principe de non-régression.
En définitive, si le Parlement souhaite vraiment se saisir de ce sujet pour déterminer s’il serait pertinent d’introduire dans la loi française le principe de non-régression, il peut le faire, notamment en auditionnant des scientifiques : cela fait partie de ses missions.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je ne suis pas contrarié qu’un amendement présenté par la commission ne soit pas adopté ! C’est le jeu normal du débat parlementaire.
Concernant l’amendement défendu par Mme Jourda, le problème n’était pas du tout le même : dans un cas, il s’agissait de proposer un rapport pour engager la réflexion sur l’instauration dans notre droit positif d’un principe dont nous ne connaissons pas exactement les contours et d’en vérifier à la fois l’opportunité et le contenu ; dans l’autre cas, il s’agissait d’apprécier une politique déjà inscrite dans notre droit positif.
Enfin – je le dis avec l’autorisation du président de la commission –, rien n’interdira à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable de mener un travail de réflexion sur le principe de non-régression, notre assemblée ayant besoin, me semble-t-il, d’être éclairée sur ce sujet.
M. Alain Vasselle. Très bien ! Ce serait une bonne initiative !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l’article 2
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 13 rectifié ter est présenté par M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Vasselle, Mme Canayer, MM. Gilles, Pointereau, Milon, Mouiller et Panunzi, Mme Gruny, M. Kennel, Mme Lopez, MM. Bouchet, D. Laurent, Trillard, Mandelli, César, Mayet, Lemoyne, Cornu, Morisset et Laménie, Mmes Micouleau et Primas, M. Commeinhes, Mme Giudicelli, M. Charon, Mme Lamure, MM. Vaspart, Doligé, J.P. Fournier, Poniatowski, Genest, Danesi, Grand, Bizet, Pillet, Pellevat, Pinton, de Nicolaÿ, Revet, Lefèvre, B. Fournier, Longuet, Pintat, Vial et Darnaud, Mme Morhet-Richaud, MM. Allizard, Delattre, Masclet, P. Leroy et Lenoir, Mme Deseyne et MM. A. Marc, Dassault, Chasseing, Luche, Gremillet, Houpert, Savary, Médevielle, Guerriau et D. Dubois.
L'amendement n° 82 rectifié ter est présenté par MM. Bérit-Débat, Patriat et Carrère, Mmes Cartron et D. Michel, MM. Vaugrenard, Camani, Labazée, Roux et Manable, Mmes Jourda, Herviaux et Bataille, MM. Montaugé, Lalande, Lorgeoux, J.C. Leroy, Jeansannetas, Chiron et Courteau, Mme Riocreux et MM. Mazuir, Madrelle, Cazeau et Raynal.
L'amendement n° 532 rectifié est présenté par MM. Bertrand, Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° du III de de l'article L. 110-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« 2° La préservation de la biodiversité, des milieux, des ressources ainsi que la sauvegarde des services qu'ils fournissent et des usages qui s'y rattachent ; »
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié ter.
M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement vise à faire explicitement référence à la préservation des services et des usages parmi les finalités du développement durable, telles que définies à l'article L. 110-1 du code de l'environnement.
En effet, les usages ne doivent pas être vus uniquement comme un problème, mais également comme une partie de la solution, dans la mesure où les utilisateurs de la ressource ont aussi un intérêt à la conserver. Préservation et usages de la biodiversité doivent donc être mis en balance.
À titre d’illustration, permettez-moi de vous donner lecture d’un article paru récemment dans une revue cynégétique et concernant les efforts consentis par un chasseur aménageur pour remettre en eau son marais. Il s’agit bien ici de la préservation des usages et de la biodiversité.
Ce chasseur s’est adressé à l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, afin d’entreprendre un certain nombre de travaux. Cet article témoigne des contraintes administratives auxquelles il s’est vu exposé :
« Il est toujours possible de déposer auprès de l’ONEMA du département un dossier étayé justifiant une intervention technique. Il est toujours répondu qu’une étude d’impact est indispensable. L’ONEMA désigne alors un cabinet. […] Des années sont nécessaires pour les résultats. Les frais de cette enquête sont imputables au demandeur. Souvent ils sont d’un coût supérieur au coût réel des travaux ! Dans la majeure partie des cas, l’ONEMA, en finale, s’oppose à l’intervention.
« Toutes les raisons sont bonnes pour qu’il n’y ait plus en France aucun entretien de la nature. Ne cherchez pas ailleurs une des causes de la plupart des inondations répétées et meurtrières. Ces contraintes administratives datent d’une vingtaine d’années, c’est pourquoi certaines zones humides partent en déshérence ou certaines communes vendent leurs marais communaux qu’elles n’arrivent plus à gérer. Quand le chasseur aménageur se lassera ou n’aura plus les moyens physiques ou financiers de continuer sa tâche […], il y aura de moins en moins de chasseurs consommateurs. »
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l'amendement n° 82 rectifié ter.
M. Claude Bérit-Débat. Sans revenir sur l’argumentation développée par M. Cardoux, je dirai simplement que la sauvegarde des usages est indispensable au regard de leur utilité en matière de gestion durable de l’environnement, ainsi que de mobilisation des utilisateurs directs, qui doivent être associés aux objectifs fixés par la loi en termes de reconquête de la biodiversité. L’exemple cité à l’instant par M. Cardoux est tout à fait parlant.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l'amendement n° 532 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement a le même objet que les deux précédents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Ces amendements avaient été examinés et rejetés par la commission en juillet dernier. Ils visent à compléter l’article L. 110-1 du code de l’environnement, qui prévoit que l’objectif de développement durable répond à cinq finalités, dont la préservation de la biodiversité, des milieux et des ressources : ils tendent à y ajouter la sauvegarde des services qu’ils fournissent et des usages qui s’y rattachent.
Je reste défavorable à ces amendements, essentiellement pour une question de droit : on peut bien répéter indéfiniment le contraire, la préservation des usages n’est pas un principe. Les usages peuvent seulement être un instrument au service du principe de préservation des milieux. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Si je lis les trois amendements en faisant abstraction de la qualité de leurs auteurs, je ne peux deviner que leurs dispositions concernent des pratiques de chasse. De quels usages s’agit-il ? De nombreux randonneurs cueillent des bouquets d’aconits et de digitales en montagne alors que c’est interdit. Trop de gens jettent encore leur vieux matelas dans les ravines…
Tout à l’heure vous vous êtes opposés à des amendements au motif que leur adoption risquerait de bloquer l’évolution du droit de l’environnement. Or, avec l’inscription dans la loi de la « préservation des usages » que vous proposez, rien ne pourra plus bouger ! Il n’est même pas précisé qu’il s’agit des usages licites… Il y a cinquante ans, avec une telle rédaction, vous auriez préservé le droit de clouer des chouettes sur les portes !
Je sais que l’intention des auteurs de ces amendements était en fait de préserver les pratiques de chasse, mais la formulation proposée est dangereuse !
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Madame Blandin, je vous ferai d’abord observer que, en défendant un premier amendement relatif aux usages, j’ai cité la randonnée, la cueillette de champignons, l’herboristerie…
Il est vrai que ces amendements ont été rédigés par des chasseurs, mais si vous n’aviez pas eu de cesse, depuis des années, d’attaquer les chasseurs d’une manière inconsidérée au travers d’amendements relevant de la désinformation, ils ne seraient pas sur la défensive comme ils le sont actuellement !
M. Ronan Dantec. Nous avons besoin des chasseurs ! Nous les adorons !
M. Jean-Noël Cardoux. J’ai pris tout à l’heure l’exemple de la réhabilitation d’un marais pour la chasse de la bécassine. Beaucoup de chasseurs ouvrent leurs marais aux randonneurs en dehors des périodes de chasse afin qu’ils puissent observer les oiseaux. Certains construisent même des miradors d’observation de la faune.
C’est donc un mauvais procès que vous leur faites.
M. Ronan Dantec. C’est vous qui faites leur procès ! Ce n’est pas nous !
Mme Marie-Christine Blandin. Au contraire !
M. Jean-Noël Cardoux. Je le redis : si l’on conteste à l’activité humaine, et en particulier au chasseur aménageur, son rôle dans la préservation de la biodiversité, le texte sera incomplet.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié ter, 82 rectifié ter et 532 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Article 2 bis (nouveau)
Après le titre IV bis du livre III du code civil, il est inséré un titre IV ter ainsi rédigé :
« TITRE IV TER
« DE LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES ATTEINTES À L’ENVIRONNEMENT
« Art. 1386-19. – Toute personne qui cause un dommage à l’environnement est tenue de le réparer.
« Art. 1386-20. – La réparation du dommage à l’environnement s’effectue prioritairement en nature.
« Lorsque la réparation en nature du dommage n’est pas possible, la réparation se traduit par une compensation financière versée à l’État ou à un organisme désigné par lui et affectée, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État, à la protection de l’environnement.
« Art. 1386-21. – Les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage, en éviter l’aggravation ou en réduire les conséquences peuvent donner lieu au versement de dommages et intérêts, dès lors qu’elles ont été utilement engagées. »
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement soutient tout à fait l’introduction par la commission du développement durable de l’article 2 bis, qui insère dans le code civil trois articles relatifs à la responsabilité environnementale.
Le premier dispose que toute personne qui cause un dommage à l’environnement est tenue de le réparer. Le deuxième prévoit que la réparation des dommages se fait prioritairement en nature et, à défaut, que l’État ou un organisme désigné par lui peut percevoir le dédommagement. Enfin, le troisième prévoit la possibilité de dommages et intérêts.
Le Gouvernement se rallie à cet ajout, tout à fait opportun.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.
M. Bruno Retailleau. Cet article constitue la reprise d’une proposition de loi dont j’étais l’auteur et qui avait été votée au printemps 2012 à l’unanimité par le Sénat.
Je voudrais préciser l’origine de ce dispositif, indiquer pourquoi il me semble important de l’inscrire dans le code civil et enfin expliquer pourquoi le Gouvernement ne pourra pas se tenir quitte avec cette rédaction, qui mérite d’être complétée.
En premier lieu, ce dispositif a été inspiré par la catastrophe de l’Erika, survenue en décembre 1999. J’ai ensuite mené un combat juridique de treize ans, qui a abouti en septembre 2012 à un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation reconnaissant le préjudice écologique. Je remercie M. le rapporteur d’avoir repris le texte de la proposition de loi que j’avais déposée.
En deuxième lieu, s’il me semble important d’introduire le préjudice écologique dans le code civil, c’est d’abord parce qu’il existe désormais : c’est une construction prétorienne, jurisprudentielle, avec les avantages et les inconvénients que cela suppose. Des dizaines de décisions de justice, parfois contradictoires ou conduisant à des doublons en termes d’indemnisation, ont été prises sur le territoire français depuis l’arrêt de septembre 2012. Comme disait Victor Hugo, il est temps de faire entrer le droit dans la loi.
Par ailleurs, j’observe que le droit de la responsabilité a du mal à appréhender la notion de préjudice écologique. En effet, pour qu’un dommage soit réparable, il doit normalement être personnel. La nature n’étant pas une personne, il n’y a donc pas de victime et, partant, pas de préjudice ou de dommage.
Enfin, le droit de la réparation est parfaitement inapte à appréhender la réparation, notamment en termes de nature, du préjudice écologique.
Je suis très heureux que Mme la ministre soit favorable à cet article. En 2012, la garde des sceaux avait demandé à un groupe de travail présidé par le professeur Jégouzo de définir des modalités d’application, le principe en lui-même soulevant un certain nombre de questions.
Ainsi, à partir de quel seuil de gravité le fait générateur est-il constitué ? Le groupe de travail avait proposé de retenir la notion d’« anormalité » du préjudice, pour signifier la nécessité d’une forme de gravité pour le déclenchement du processus. Cela me semble important.
En outre, qui a intérêt à agir ? L’État, par le biais du ministère public, les collectivités, des associations reconnues d’utilité publique ? Cette question devra être tranchée.
Quel est le régime de réparation ? Alain Anziani, rapporteur de la proposition de loi, et moi avions estimé qu’une réparation en nature était nettement préférable.
Enfin, quid des délais de prescription ? Même si cette question n’était pas abordée dans la proposition de loi, le groupe de travail avait proposé de retenir un délai de prescription de deux ans à partir de la manifestation du préjudice.
On le voit, le sujet est complexe. Le terrain a été pour partie défriché par le groupe de travail ; il appartient désormais au Gouvernement, madame la ministre, de rendre le dispositif opérationnel.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 173 est présenté par M. Pellevat.
L'amendement n° 482 rectifié est présenté par MM. Kern, Luche, Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne et L. Hervé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Cyril Pellevat, pour présenter l’amendement n° 173.
M. Cyril Pellevat. Au vu des éléments présentés par mon collègue Bruno Retailleau, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 173 est retiré.
L’amendement n° 482 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 305, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le titre IV bis du livre III du code civil, il est inséré un titre IV ter ainsi rédigé :
« TITRE IV TER
« DE LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES ATTEINTES À L’ENVIRONNEMENT
« Art. 1386-19. – Toute personne qui cause un dommage à l’environnement est tenue de le réparer.
« Art. 1386-20. – Le dommage à l’environnement s’entend de l’atteinte anormale aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement.
« Art. 1386-21. – Sans préjudice des procédures instituées par les articles L. 160-1 et suivants du code de l’environnement, l’action en réparation du dommage à l’environnement visé à l’article 1386-19 est ouverte à l’État, au ministère public, aux collectivités territoriales ainsi qu’à leurs groupements dont le territoire est concerné, aux établissements publics, aux fondations et associations, ayant pour objet la protection de la nature et de l’environnement.
« Art. 1386-22. – La réparation du dommage à l’environnement s’effectue prioritairement en nature, par des mesures de réparation primaire, complémentaire et le cas échéant, compensatoire.
« Lorsque la réparation en nature du dommage n’est pas possible, la réparation se traduit par une compensation financière versée à l’État ou à un organisme désigné par lui et affectée, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État, à la protection de l’environnement.
« Art. 1386-23. – Les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage, en éviter l’aggravation ou en réduire les conséquences peuvent donner lieu au versement de dommages et intérêts, dès lors qu’elles ont été utilement engagées.
« Art. 1386-24. – Lorsque l’auteur du dommage a commis intentionnellement une faute grave, notamment lorsque celle-ci a engendré un gain ou une économie pour son auteur, le juge peut le condamner, par une décision spécialement motivée, au paiement d’une amende civile. Cette amende est proportionnée à la gravité de la faute commise, aux facultés contributives de l'auteur ou aux profits qu'il en aura retirés. L’amende ne peut excéder le décuple du montant du profit ou de l’économie réalisés. Si le responsable est une personne morale, l’amende peut être portée à 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice au cours duquel le dommage a été commis. Cette amende est affectée au financement d’opérations de protection et de restauration de l’environnement dans les conditions prévues par un décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. La commission a introduit dans le texte un article 2 bis visant à intégrer la notion de préjudice écologique dans le code civil, en reprenant la teneur de la proposition de loi de M. Retailleau.
Ce texte mérite d’être complété et précisé avec les éléments du rapport Jégouzo. Il est en effet indispensable de donner une définition du dommage environnemental, de préciser qui peut agir et d’ouvrir largement l’action, en respectant ainsi les engagements internationaux de la France.
La question de la biodiversité ne se limite pas aux dates d’ouverture de la chasse au gibier d’eau ! Cette vision, centrée sur une seule activité liée à la nature, était en voie d’affaiblir la qualité de nos débats. On en revient, avec l’article 2 bis, à la vocation profonde du texte, à savoir trouver les moyens de répondre aux grands enjeux de la biodiversité.
M. Retailleau et moi-même avons été marqués par la catastrophe provoquée par le naufrage de l’Erika. On ne peut laisser impunis de tels délits. Le dispositif de cet article permettra une avancée importante à cet égard.
Pour l’heure, il importe – c’est un point d’accord entre nous – d’inscrire dans la loi la notion de préjudice écologique. On peut débattre de l’opportunité d’intégrer d’ores et déjà les éléments du rapport Jégouzo. Pour une fois que nous pouvons parvenir à un consensus sur les enjeux de la protection de la nature, ne boudons pas notre plaisir !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Je rejoins MM. Retailleau et Dantec : il convient de compléter le dispositif.
Cet article, introduit par la commission, reprend tel quel le contenu de la proposition de loi de M. Retailleau, qui représentait une avancée juridique importante. La commission s’est interdit de compléter ses dispositions, estimant qu’il convenait d’établir les modalités d’un travail commun entre le ministère de l’environnement, la Chancellerie, la commission des lois du Sénat et elle-même.
Les apports proposés par notre collègue Ronan Dantec me paraissent pertinents, de même que les préconisations du rapport Jégouzo. Dans le cadre de la préparation de l’examen de ce projet de loi, j’ai auditionné, notamment, les professeurs Laurent Neyret et François-Guy Trébulle, ainsi que Mme Makowiak, directrice du Centre de recherches interdisciplinaires en droit de l’environnement, de l’aménagement et de l’urbanisme. Reste à définir les voies et moyens pour avancer.
Ce n’est pas faire acte de faiblesse ou de lâcheté que de me tourner vers le Gouvernement à cet instant : même si le Parlement doit apporter sa pleine contribution, le sujet est éminemment régalien, comme l’a souligné Bruno Retailleau. Peut-être pourriez-vous réunir, madame la ministre, des juristes et des parlementaires pour l’examiner plus à fond ? Notre pays doit se doter d’instruments juridiques permettant de répondre aux questions soulevées par la proposition de loi de M. Retailleau.
Pour l’heure, je propose de nous en tenir à la rédaction adoptée par la commission, afin qu’elle serve de base de travail. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Mon département, voisin de la Vendée, a lui aussi été victime du drame de l’Erika, même si ce fut dans des proportions moindres.
Je propose que cet article serve de base de travail. Depuis les travaux en commission, nous avons continué à travailler sur ce sujet. Nous pouvons constituer un groupe de travail technique rassemblant des juristes et des parlementaires, en vue de préciser au maximum les choses et de préparer la deuxième lecture au Sénat. Il faut avancer sur les questions du délai de prescription, de l’articulation avec la police de l’environnement, de la définition des personnes ayant intérêt à agir, de la fixation des niveaux d’indemnisation…
Tel est l’engagement que je peux prendre ce soir devant la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. J’accepte la proposition de Mme la ministre de mettre en place un tel groupe de travail. Je suis disponible pour travailler sur cette question extrêmement importante d’ici à la deuxième lecture.
Dans cette perspective, je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 305 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 58 rectifié est présenté par M. Pointereau, Mme Morhet-Richaud, MM. Chaize, Commeinhes et Mouiller, Mme Cayeux, MM. Pinton, de Nicolaÿ, Milon, Mayet, Cardoux, Vaspart et Cornu, Mme Primas, MM. Poniatowski et D. Laurent, Mme Lamure, M. Danesi, Mme Troendlé, MM. Bizet, César, Laménie et Pierre, Mme Canayer, MM. Lenoir, P. Leroy, B. Fournier et Bas, Mme Gruny et MM. Raison, Savary, Kennel, Bockel et Husson.
L'amendement n° 483 rectifié est présenté par MM. Kern, Luche, Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne et L. Hervé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 4 et 5
Après le mot :
dommage
insérer les mots :
grave et notable
La parole est à M. Rémy Pointereau, pour présenter l’amendement n° 58 rectifié.
M. Rémy Pointereau. L’article 2 bis a pour objet d’inscrire dans le code civil un principe de responsabilité en matière d’atteintes à l'environnement, sans définir le périmètre de cette dernière notion, ni prévoir une gradation de la compensation en fonction de la gravité du dommage. Tel est l’objet du présent amendement.
Par ailleurs, les espèces protégées relevant déjà d’un régime de protection et de compensation, l’article prévoit de dépasser largement le cadre des espèces protégées. Sans remettre en cause l’intérêt d’instaurer dans la loi un principe de réparation des dommages causés à l'environnement, il convient de préciser à quel type de dommages ce principe doit s’appliquer : en l’occurrence, les dommages exceptionnels, tels ceux qui ont été causés par le naufrage de l'Erika. L’absence de précision sur la nature des dommages à l’environnement visés entraînerait un risque de jurisprudence important.
M. le président. L’amendement n° 483 rectifié n’est pas soutenu.
L'amendement n° 404 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Lenoir, Bizet, Milon, J.P. Fournier et G. Bailly, Mme Deromedi, M. Chatillon, Mmes Lamure et Lopez, MM. Pellevat, Savary, Morisset, Calvet, Mandelli et Pierre, Mmes Primas et Morhet-Richaud et M. Mouiller, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
dommage
insérer les mots :
grave et durable
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Nous proposons de restreindre le champ d’application de l’article 2 bis en visant les dommages graves et durables et d’envisager une gradation de la compensation en fonction de l’importance du dommage causé à l’environnement. Au regard de la jurisprudence, la notion de durabilité est souvent mieux interprétée que d’autres.
M. le président. L'amendement n° 174, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue un dommage à l’environnement toute détérioration grave et mesurable de l’environnement.
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Au vu des éléments fournis par M. Retailleau et Mme la ministre, je retire cet amendement, ainsi que les quatre suivants. Je suis disponible pour participer au groupe de travail annoncé.
M. le président. L'amendement n° 174 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 58 rectifié et 404 rectifié ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Certes, on pourrait accepter ces amendements, mais il me semble préférable de travailler d’ici à la deuxième lecture sur la base du texte de M. Retailleau, comme l’a proposé Mme la ministre, et donc de ne pas amender l’article. C’est d’ailleurs dans cet esprit que M. Dantec a retiré son amendement. Je vous propose donc, mes chers collègues, de faire de même, sachant que vos contributions seront versées au dossier et étudiées par le groupe de travail réunissant des juristes et des parlementaires dont Mme la ministre a annoncé la création. Pour l’heure, il serait prématuré d’adopter vos propositions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je sollicite à mon tour le retrait de ces deux amendements, même si, sur le fond, ils sont tout à fait justifiés. Il est évident que le dommage devra être grave et notable pour ouvrir droit à réparation. Le rapport Jégouzo avait préconisé de retenir la notion d’« atteinte anormale à l’environnement ». Je vous propose de mettre rapidement en place le groupe de travail, afin qu’il puisse approfondir la réflexion sur cette question d’ici à la deuxième lecture au Sénat, en vue d’assurer la stabilité de la jurisprudence et le caractère opérationnel du dispositif.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Il convient de rassurer un certain nombre d’acteurs économiques en expliquant que notre objectif est de mieux établir la sécurité du dispositif.
Le préjudice écologique existe, dès lors qu’il a été consacré par la Cour de cassation. Le problème tient à un foisonnement des interprétations et à des contradictions de jurisprudence, auxquels la loi doit mettre un terme.
Par ailleurs, je rappelle que, à l’origine, la proposition de loi visant à inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil tendait à instaurer un régime de responsabilité pour faute. Puis notre collègue Alain Anziani avait expliqué que l’on allait finalement évoluer vers une responsabilité sans faute. Dans ces conditions, comme vous l’avez indiqué à demi-mot, madame la ministre, la question se pose de la compatibilité avec les régimes d’autorisation administrative des installations. Le groupe de travail présidé par le professeur Jégouzo avait levé cette difficulté en ayant recours à la théorie du trouble anormal de voisinage.
Il ne s’agit pas pour moi, par esprit de contradiction, de prendre le contre-pied de M. le rapporteur ou de Mme la ministre, mais il me semble que nous pourrions dès à présent inscrire dans la rédaction de l’article la notion de gravité : nous savons très bien que, de toute façon, seul un fait générateur présentant un certain niveau de gravité pourra déclencher la mise en jeu d’une responsabilité. Cela permettrait peut-être de rassurer les acteurs économiques.
Je tiens à dire que je suis pour la liberté, bornée par la responsabilité, qui en même temps lui donne toute sa force. On ne peut pas vouloir, en économie, la liberté sans la responsabilité ! Le principe pollueur-payeur s’inscrit dans cette philosophie. Il reste à encadrer le dispositif pour le sécuriser. Je pense que nous pourrons largement le faire, d’ici à la deuxième lecture, en nous fondant sur les travaux juridiques déjà réalisés.
Dans cette attente, je propose d’inscrire sans attendre la notion de gravité dans le projet de loi, afin de donner un signal.
M. le président. Monsieur Pointereau, l’amendement n° 58 rectifié est-il maintenu ?
M. Rémy Pointereau. Des inquiétudes s’expriment parmi les acteurs économiques, comme M. Retailleau vient de le signaler, en particulier dans le monde agricole.
Les agriculteurs craignent d’être mis en cause pour les micro-dommages qui se produisent parfois, par exemple lorsqu’un bidon de produits phytosanitaires se renverse.
J’ai proposé d’ajouter, après le mot « dommage », les termes « grave et notable ». Notre collègue Daniel Gremillet propose la formulation « dommage grave et durable ». J’ignore quelle rédaction est la meilleure sur le plan juridique.
M. Bruno Retailleau. Parlons simplement de gravité !
M. Jérôme Bignon, rapporteur. En effet, ce sera mieux !
M. Rémy Pointereau. En tout cas, je veux bien retirer mon amendement au profit de celui de Daniel Gremillet.
M. le président. L’amendement n° 58 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 404 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. L’amendement n° 175, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. 1386-19-… – Une personne victime d'un préjudice résultant d'un dommage à l’environnement ne peut en demander réparation sur le fondement du présent titre.
L’amendement n° 176, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. 1386-19-… – Sont seuls habilités à agir en réparation du dommage à l’environnement :
« – Les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les établissements et organismes publics exerçant une compétence spéciale en matière environnementale. Un décret en Conseil d’État précise la liste de ces établissements ou organismes ;
« – Les associations agréées mentionnées à l’article L. 141-1 du code de l’environnement dès lors que le dommage en cause a un rapport direct avec leur objet et leurs activités statutaires.
L’amendement n° 177, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
supprimer le mot :
prioritairement
II. – Alinéa 6
Après les mots :
se traduit par
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
des mesures de restauration globales compensatoires de l’élément environnemental endommagé.
L’amendement n° 178, présenté par M. Pellevat, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le juge détermine les mesures de réparation sur la base de celles proposées par le demandeur et débattues entre les parties.
Ces quatre amendements ont été précédemment retirés.
L’amendement n° 306, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 1386-21. – Les dépenses exposées par le demandeur pour prévenir la réalisation imminente d'un dommage à l’environnement, en éviter l’aggravation ou en réduire les conséquences constituent un préjudice réparable, dès lors qu'elles ont été utilement engagées.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. De même que j’ai retiré l’amendement n° 305, je retire cet amendement et le suivant ; je les verse tous trois au débat qui s’ouvrira au sein du groupe de travail.
M. le président. L’amendement n° 306 est retiré.
L’amendement n° 307, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’article L. 160-1 du code de l’environnement, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre … : De la responsabilité du fait des atteintes à l'environnement
« Art. L. 160-… – Toute personne qui cause un dommage à l'environnement est tenue de le réparer.
« Art. L. 160 bis-… – La réparation du dommage à l'environnement s'effectue prioritairement en nature.
« Lorsque la réparation en nature du dommage n'est pas possible, la réparation se traduit par une compensation financière versée à l'État ou à un organisme désigné par lui et affectée, dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État, à la protection de l'environnement.
« Art. L. 160 ter-… – Les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d'un dommage, en éviter l'aggravation ou en réduire les conséquences peuvent donner lieu au versement de dommages et intérêts, dès lors qu'elles ont été utilement engagées. »
Cet amendement a été précédemment retiré.
Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article 3
Le premier alinéa de l’article L. 110-2 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Les mots : « sain et » sont remplacés par les mots : « sain. Ils » ;
2° Sont ajoutés les mots : « ainsi que la préservation et l’utilisation durable des continuités écologiques ».
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. L’article 3 du projet de loi inscrit dans le code de l’environnement la notion très importante de continuités économiques, qui recouvre de nombreux dispositifs mis en œuvre sur les territoires, tels que les trames verte et bleue ou les schémas régionaux de cohérence écologique.
Voilà bien longtemps que l’on sait combien la richesse de la biodiversité dépend de ces continuités écologiques, qui mettent en connexion les diverses zones de biodiversité, de richesse variable, définies par les schémas régionaux de cohérence écologique, en prenant en compte les identités particulières des différents territoires. Il est essentiel que ces continuités écologiques puissent être restructurées et, le cas échéant, réparées, car leur rupture précipite la dégradation de la biodiversité.
M. le président. L’amendement n° 308, présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
et l’utilisation durable
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cet amendement vise à supprimer la mention, introduite par la commission, de l’« utilisation durable » Il s’agit de prévenir la fragilisation juridique qui pourrait résulter de son caractère un peu vague. De surcroît se pose la question des moyens employés pour assurer cette durabilité.
Surtout, les schémas régionaux de cohérence écologique, ainsi que les plans d’action stratégiques correspondants, prennent déjà en compte la dimension des usages. Ainsi, les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques prévoient que l’élaboration des plans d’action stratégiques « tient compte d’aspects socioéconomiques, de la conciliation des usages et de la pertinence de maintenir certains obstacles susceptibles de limiter la dispersion d’espèces ».
En l’occurrence, la notion d’« utilisation durable » n’est pas claire. Veut-on parler de l’utilisation des continuités écologiques par les espèces, par les randonneurs ? Mieux vaudrait, dans ces conditions, supprimer cette formule.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Nous avons précisé, à l’article L. 110-2 du code de l’environnement, que les lois et règlements « contribuent à assurer un équilibre harmonieux entre les zones urbaines et les zones rurales ». L’article 3 du projet de loi le complète pour intégrer « la préservation et l’utilisation durable des continuités écologiques ». Il est bon que les lois et règlements tendent à une utilisation durable des continuités écologiques. Cette précision nous paraissant utile, nous ne sommes pas favorables à l’amendement visant à la supprimer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 149 est présenté par Mmes Billon et Jouanno, M. Médevielle et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L’amendement n° 309 est présenté par M. Dantec, Mme Blandin, M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le deuxième alinéa de l’article L. 110-2 du code de l’environnement est complété par les mots : « , y compris nocturne ».
La parole est à Mme Annick Billon, pour présenter l’amendement n° 149.
Mme Annick Billon. Cet amendement a pour objet d’introduire un dispositif de sauvegarde de l’environnement nocturne dans les principes généraux du projet de loi, aux fins de donner une traduction concrète à l’ambition suivante, énoncée dans la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement : « les émissions de lumière artificielle de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l’observation du ciel nocturne feront l’objet de mesures de prévention, de suppression ou de limitation ». Plus précisément, il s’agit d’indiquer que l’objectif de préservation des continuités écologiques, que l’article 3 du projet de loi introduit à l’article L.110-2 du code de l’environnement, vaut de jour comme de nuit.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 309.
M. Ronan Dantec. À l’article 1er du projet de loi, l’expression « paysages diurnes et nocturnes » n’a pas été retenue. Nous proposons d’y revenir ici : un paysage au clair de lune mérite d’être préservé !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Ces deux amendements identiques visent à mentionner l’environnement nocturne à l’alinéa 2 de l’article L. 110-2 du code de l’environnement, aux termes duquel « il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l’environnement ».
Nous avons longuement débattu de l’opportunité de supprimer la mention « diurnes et nocturnes » pour caractériser les paysages qui font partie du patrimoine de la nation. Nous avons supprimé cette précision pour assurer une meilleure lisibilité du droit et garantir la nécessaire normativité de la loi. J’ai dit, à cette occasion, que je ne comprenais pas très bien ce qu’était un paysage nocturne.
Toutefois, la question se pose ici dans des termes différents, le caractère nocturne pouvant être affecté par un excès d’éclairage. À titre personnel, je suis assez favorable à ces amendements. La commission, quant à elle, a émis un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je suis favorable à ces amendements identiques, qui visent à prendre en compte la dimension nocturne de l’environnement. En effet, des travaux scientifiques récents font apparaître que les activités nocturnes contribuent à la fragmentation des espaces et de la biodiversité.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 149 et 309.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mercredi 20 janvier 2016, à zéro heure quarante-cinq, est reprise à zéro heure cinquante.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 47 rectifié quater, présenté par M. G. Bailly, Mme Mélot et MM. Trillard, Vasselle, Revet et Lenoir, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre Ier du même code est complété par un article L. 110-… ainsi rédigé :
« Art. L. 110-… – Certaines activités économiques telles que l’élevage herbivore sont reconnues comme contributrices à la protection de l’environnement. »
La parole est à M. Gérard Bailly.
M. Gérard Bailly. En matière de biodiversité, il a beaucoup été question, depuis le début de nos échanges, d’insectes, d’oiseaux, de gibier, de poissons, bref d’animaux sauvages. Il ne faudrait pas pour autant oublier les animaux d’élevage, en particulier les herbivores. Sans eux, que seraient en effet nos montagnes, nos prairies, nos pâtures, nos paysages ?
Si le présent projet de loi insiste largement sur les services que la nature rend aux hommes – services d’ailleurs parfaitement intégrés par les agriculteurs –, il ne rend à l’inverse aucunement compte des externalités positives pour l’environnement et la biodiversité que créent des activités économiques comme l’élevage herbivore.
En effet, il nous faut considérer une réalité totalement absente de ce texte et pourtant primordiale : la plupart des espaces naturels à préserver sont avant tout des constructions humaines, qui ont été entretenues par plusieurs générations d’agriculteurs.
Le présent amendement vise donc à compléter la rédaction du code de l’environnement, en y insérant un nouveau principe de reconnaissance de la contribution de ces activités économiques à la protection de l’environnement.
M. le président. L'amendement n° 150, présenté par Mmes Billon et Jouanno, M. Médevielle et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants–UC, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre Ier du même code est complété par un article L. 110-… ainsi rédigé :
« Art. L. 110-… – Certaines activités économiques, comme l’élevage herbivore, peuvent être reconnues comme contribuant à la protection de l’environnement et de la biodiversité. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements.
Il est exact que certaines activités économiques peuvent avoir un effet positif sur l’environnement ou la biodiversité. Pour autant, en quoi cela justifie-t-il d’ériger ce constat en principe ? Quelle serait la portée normative de ces dispositions si on les inscrivait dans le code de l’environnement ? Ces amendements sont certes intéressants, mais déclaratifs. Il ne me semble pas utile d’empiler des dispositions n’emportant aucune conséquence juridique.
Cela étant, monsieur Bailly, je me souviens que la commission a donné un avis favorable à un autre de vos amendements soulignant la contribution des grandes prairies aux paysages. Je pense donc que vous aurez satisfaction.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement reconnaît le rôle très important de l’élevage herbivore. Comme je l’ai constaté encore récemment dans des zones de moyenne montagne, cette activité économique permet d’éviter des déprises agricoles et rurales, ainsi que des problèmes de dégradation des paysages et des sols.
Cependant, il ne paraît pas tout à fait opportun d’introduire un article à cet endroit du texte pour souligner ce rôle. D’ailleurs, bien d’autres activités contribuant au maintien des paysages et des continuités écologiques mériteraient aussi d’être mises en valeur.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Je remercie M. le rapporteur et Mme la ministre d’avoir souligné l’importance du rôle de l’élevage herbivore dans nombre de nos départements, de montagne en particulier. Je vais suivre la suggestion de M. le rapporteur et retirer mon amendement.
Néanmoins, après un tel credo dans le rôle positif de l’élevage herbivore en matière environnementale, il faudra mentionner celui-ci dans le texte, à un endroit plus approprié.
M. le président. L’amendement n° 47 rectifié quater est retiré.
Madame Billon, l'amendement n° 150 est-il maintenu ?
M. le président. L'amendement n° 150 est retiré.
Article 3 bis
(Non modifié)
Au 5° de l’article L. 219-8 du même code, après le mot : « sous-marines, », sont insérés les mots : « ou de sources lumineuses ». – (Adopté.)
Article 3 ter
(Non modifié)
À la seconde phrase du premier alinéa du I de l’article L. 411-5 du même code, après le mot : « géologiques, », il est inséré le mot : « pédologiques, ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 405 rectifié est présenté par MM. Gremillet, Lenoir, Bizet, Milon, J.P. Fournier et G. Bailly, Mme Deromedi, M. Chatillon, Mmes Lamure et Lopez, MM. Pellevat, Savary, Morisset, Calvet, Mandelli et Pierre, Mme Primas, M. D. Laurent, Mme Morhet-Richaud et M. Mouiller.
L'amendement n° 484 rectifié est présenté par MM. Kern, Luche, Guerriau, Bonnecarrère, Détraigne et L. Hervé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 405 rectifié.
M. Daniel Gremillet. La suppression de l’article 3 ter permettrait de gagner en efficacité et de faire des économies.
Cet article prévoit de confier la réalisation d’un inventaire du patrimoine naturel au Muséum national d'histoire naturelle, alors que le groupement d’intérêt scientifique « sol », ou GIS « sol », qui rassemble le ministère de l'agriculture, le ministère de l’environnement, l'Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l’ADEME, l'Institut de recherche pour le développement ou l'Inventaire forestier national, constitue déjà et gère un système d'information sur les sols de France.
Par ailleurs, un tel inventaire n’aurait pas de portée opérationnelle. Il serait plus efficace de confier à des structures dont c’est la vocation première, tel l’Observatoire des espaces agricoles naturels et forestiers, un travail qui ne se bornerait pas à recueillir et à mettre à disposition des données, mais viserait à proposer des outils et des méthodologies opérationnelles pour mieux préserver la qualité des sols agricoles, naturels et forestiers.
M. le président. L'amendement n° 484 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 405 rectifié ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. La commission réitère l’avis défavorable qu’elle avait formulé en juillet dernier.
Cet amendement vise à supprimer l’article 3 ter, qui étend le champ de l’inventaire dont le Muséum national d’histoire naturelle a la responsabilité scientifique de réaliser aux richesses pédologiques.
La crainte exprimée par notre collègue est légitime, mais elle n’est pas fondée : si le Muséum a la responsabilité scientifique de conduire cet inventaire, c’est bien l’État qui pilote et qui peut décider de confier ce travail au GIS « sol ».
En outre, comme je l’avais indiqué en commission, le Muséum travaille sur cette question en lien avec les chambres d’agriculture, notamment par le biais de l’Observatoire agricole de la biodiversité.
Il n’y a donc pas d’inquiétudes à avoir, ni sur la qualité du travail scientifique mené par le Muséum ni sur le contrôle exercé par l’État.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Je suggère le retrait de cet amendement.
Si le code de l’environnement dispose déjà que les inventaires nationaux sont pilotés par l’État et « conduits sous la responsabilité scientifique du Muséum national d’histoire naturelle », il n’est nullement dit que ce dernier réalisera tous ces inventaires. Au contraire, la tâche reviendra à un certain nombre d’opérateurs procédant à des inventaires et disposant de services de recherche. À ce titre, monsieur Gremillet, le groupement d’intérêt scientifique « sol » pourra tout à fait être sollicité, comme vous le proposez.
Il est d’autant plus important de laisser le dispositif en l’état que je vais dans un instant présenter, au nom du Gouvernement, un amendement visant précisément à rendre l’ensemble de ces données accessibles en open data. Cela favorisera la création d’entreprises dans le domaine du génie écologique.
De la même façon, nous ouvrons toutes les données liées à l’énergie pour permettre le développement d’entreprises actives dans le secteur des services intelligents. Il est impératif que la France ne prenne pas de retard à cet égard. Cela nécessite que nos start-up puissent accéder aux données. La transition numérique doit accompagner la transition énergétique et la préservation de la biodiversité.
M. le président. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Compte tenu des explications fournies par M. le rapporteur et Mme la ministre, j’accepte de retirer mon amendement. La garantie qu’aucune structure nouvelle ne sera créée et que le Muséum fera travailler les entités existantes est de nature à nous rassurer. Ma proposition allait cependant encore un peu plus loin, notamment en prévoyant qu’un travail soit réalisé, sous l’autorité du Muséum, avec l’Observatoire national des espaces naturels, agricoles et forestiers.
M. le président. L'amendement n° 405 rectifié est retiré.
L'amendement n° 596 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Au septième alinéa de l'article L. 371-3, le mot : “régionaux” est remplacé par le mot : “territoriaux” ;
2° La seconde phrase du III de l'article L. 411-3 est supprimée ;
3° L’article L. 411-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 411-5. – I. – L'inventaire national du patrimoine naturel est institué pour l'ensemble du territoire national terrestre, fluvial et marin. On entend par inventaire national du patrimoine naturel, l'inventaire des richesses écologiques, faunistiques, floristiques, géologiques, pédologiques, minéralogiques et paléontologiques.
« L’État en assure la conception, l’animation et l’évaluation.
« Les maîtres d’ouvrage, publics ou privés, doivent contribuer à cet inventaire national par la saisie ou, à défaut, le versement des données brutes de biodiversité acquises à l’occasion des études d’évaluation préalable ou de suivi des impacts, réalisés dans le cadre de l’élaboration des plans et programmes mentionnés à l’article L. 122-4 et des projets d’aménagement soumis à l’approbation de l’autorité administrative.
« On entend par données brutes de biodiversité, les données d’observation de taxons, d’habitats d’espèces ou naturels obtenues par observation directe, par bibliographie ou par acquisition de données auprès d’organismes détenant des données existantes.
« La saisie ou le versement de données s’effectue au moyen d’une application informatique mise gratuitement à la disposition des maîtres d’ouvrage par l’État.
« II. – En complément de l’inventaire national du patrimoine naturel, les collectivités territoriales peuvent contribuer à la connaissance du patrimoine naturel par la réalisation d'inventaires locaux ou territoriaux ou d’atlas de la biodiversité, ayant notamment pour objet de réunir les connaissances nécessaires à l'élaboration du schéma régional de cohérence écologique mentionné à l'article L. 371-3 ou à la mise en œuvre des articles L. 412-2-1 et suivants lorsque la région concernée a adopté la délibération prévue à l’article L. 412-12-1.
« Le préfet de région, les préfets de départements et les autres collectivités territoriales concernées sont informés de ces réalisations.
« III. – Les inventaires mentionnés au présent article sont conduits sous la responsabilité scientifique du Muséum national d’histoire naturelle qui en assure la validation et la diffusion conformément aux principes définis aux articles L. 127-1 et suivants.
« Sauf cas prévus par l’article L. 124-4, les données brutes contenues dans les inventaires mentionnés au présent article sont diffusées comme des données publiques, gratuites, librement ré-utilisables. » ;
4° Le titre 1er du livre III est abrogé.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Ségolène Royal, ministre. L’article 3 ter, dans la rédaction ici proposée, répond à la préoccupation exprimée dans le cadre des travaux de la commission : le Gouvernement renonce à demander l’autorisation de légiférer par ordonnance sur cette question de l’inventaire national du patrimoine naturel. J’ai transformé cette demande en amendement, dont vous allez pouvoir débattre, mesdames, messieurs les sénateurs.
Quel est l’objectif ? Il s’agit de consolider, de procéder à une montée en puissance, en termes de densité, de l’inventaire national du patrimoine naturel.
Je rappelle que, à l’heure actuelle, l’inventaire mis en ligne par le Muséum national d’histoire naturelle rassemble 14 millions de données, plus de 145 000 espèces, 24 600 contours d’espaces naturels, 13 600 photos en ligne. Ces données, ouvertes aux chercheurs mais aussi, comme je l’indiquais à l’instant, aux entreprises développant des services intelligents liés par exemple à la biodiversité ou à la transition énergétique, donnent déjà lieu à 110 000 connexions par mois.
Il s’agit de prévoir le versement obligatoire à l’inventaire national du patrimoine naturel de toutes les données collectées par les maîtres d’ouvrage, par exemple dans le cadre de la réalisation d’études d’impact sur la biodiversité. Cela se pratique déjà, d’ailleurs, le Muséum recueillant en général toutes ces données.
Les collectivités locales sont aussi concernées, au titre des observatoires régionaux ou des atlas communaux de la biodiversité, actuellement en cours de déploiement dans tout le pays, notamment dans les territoires à énergie positive pour la croissance verte. J’ai réuni leurs représentants ce matin et je peux témoigner de l’engagement des communes, en particulier rurales, dans la réalisation de ces atlas retraçant leur patrimoine. Ces éléments font partie des données accessibles en open data.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jérôme Bignon, rapporteur. Comme vient de le souligner Mme la ministre, cet amendement est la traduction, très concrète et rapide, d’une décision arrêtée récemment de ne pas légiférer par ordonnance sur ce sujet. Il s’agit d’expliciter et de mettre en œuvre les modalités de réalisation de l’inventaire national du patrimoine naturel. Nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet en deuxième lecture.
Enfin, madame la ministre, je vous remercie d’avoir accepté de rectifier votre amendement, afin d’éviter que ne disparaisse l’article 3 ter, introduit par la commission.
Au bénéfice de ces explications, l’avis de la commission est très favorable.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement est vraiment le bienvenu, madame la ministre.
Sur la forme, vous tenez la promesse que vous nous aviez faite d’éviter le recours aux ordonnances ; nous vous en remercions.
Surtout, sur le fond, nous allons ainsi pouvoir tous disposer d’un outil similaire au système d’information géographique, nous offrant une vision partagée de la biodiversité et de son évolution. Nous pourrons procéder à des superpositions entre réseaux, cadastres, accéder à de nombreuses données sur les parcelles, les cours d’eau, l’état des forêts, des différents sols. C’est une avancée considérable !
Il s’agira d’un outil essentiel, permettant de lever certaines craintes, de se poser les bonnes questions, de réfléchir à partir de données établies scientifiquement, et non plus d’impressions, de préjugés, d’a priori. Nous aurons ainsi l’occasion, me semble-t-il, de faire un grand pas en avant.
M. le président. En conséquence, l'article 3 ter est ainsi rédigé.
Mes chers collègues, nous avons examiné 59 amendements au cours de la journée ; il en reste 492.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
20
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 20 janvier 2016, à quatorze heures trente, le soir et la nuit :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n° 359, 2014-2015) et de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (n° 364 rectifié, 2014-2015).
Rapport de M. Jérôme Bignon, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 607 tomes I et II, 2014-2015).
Texte de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 608, 2014-2015).
Avis de Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 581, 2014-2015).
Avis de Mme Sophie Primas, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 549, 2014-2015).
Texte de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 609, 2014-2015).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 20 janvier 2016, à une heure dix.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART