M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. Dans un monde où l’homme exploite sans vergogne les ressources naturelles, le gaspillage des ressources, quelles qu’elles soient, n’est plus tolérable ! Des initiatives sont lancées partout dans le monde pour lutter contre un tel gaspillage, mais aussi contre la surexploitation des océans ou la déforestation.
En adoptant ce texte à une semaine de l’examen du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, vous contribuerez également, mesdames, messieurs les sénateurs, à la préservation des ressources naturelles de notre planète ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Chantal Jouanno, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été cosignée par plus de trois cents députés et a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 9 décembre dernier.
En réalité, elle reprend des dispositions qui avaient été introduites en deuxième lecture dans la loi relative à la transition énergétique et que le Sénat avait déjà adoptées. Seulement, le Conseil constitutionnel les avait censurées pour des raisons de pure forme.
Ce texte, relativement court et en apparence assez simple, pose en réalité des questions complexes.
La première d’entre elles concerne la définition du gaspillage alimentaire. Celui-ci commence-t-il à partir du moment où des légumes sont laissés dans les champs parce qu’ils ne correspondent pas aux calibres souhaités par les distributeurs ou par les transporteurs ? Ou faut-il considérer qu’il n’y a gaspillage alimentaire qu’à compter d’un stade plus lointain de la chaîne de production ?
Guillaume Garot, dans le rapport qu’il a remis au Premier ministre au mois d’avril 2015, a adopté une définition du gaspillage alimentaire qui me semble très claire. Il s’agit de « toute nourriture destinée à la consommation humaine, qui à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée, dégradée ». Cette étape peut correspondre à la production, au transport, à la logistique, à la distribution, ou même à la consommation.
Sur le fondement de cette définition, certains chiffres dont on dispose montrent l’ampleur du problème. En 2007, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, a ainsi évalué que ce gaspillage représentait vingt kilogrammes par personne dans notre pays, dont sept kilogrammes de nourriture non déballée, et cela parce que les dates de péremption sont généralement dépassées !
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, un tiers des aliments destinés à la consommation humaine est gaspillé, perdu ou jeté entre le champ et l’assiette à l’échelle internationale. Cela pousse souvent la FAO à affirmer que, aujourd’hui, nous avons en réalité très largement la capacité de nourrir la population de la planète entière.
Dans un contexte post-COP 21, il me semble également intéressant de souligner les incidences du gaspillage en termes de gaz à effet de serre, puisque les produits gaspillés représentent 3,3 gigatonnes d’équivalent carbone. Si le gaspillage alimentaire était un pays, ce serait le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre !
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Chantal Jouanno, rapporteur. La proposition de loi qui nous occupe ce soir, et qui va probablement nous occuper une autre soirée, vise plutôt la grande distribution.
Pour autant, n’oublions pas que celle-ci n’est qu’un maillon de la chaîne du gaspillage dont le principal maillon reste les ménages. Viennent ensuite la restauration hors domicile et la distribution en grande et moyenne surface.
Le gaspillage alimentaire est un problème économique, environnemental et social, mais c’est surtout un problème éthique.
Tout d’abord, il renvoie à la pauvreté économique. Je l’ai déjà dit lorsque j’ai précisé que nous aurions en théorie les moyens de nourrir toute la planète.
Ensuite, il renvoie aussi à la pauvreté intellectuelle. En effet, le gaspillage est finalement le signe d’une société qui considère l’abondance, le superflu et la surconsommation comme une fin en soi. De surcroît, aujourd’hui, il est nécessaire de redonner une juste valeur aux produits alimentaires. Nous sommes submergés par les messages publicitaires sur la nécessité de tirer le prix de tous les produits, y compris les produits alimentaires, vers le bas. En conséquence, la part de l’alimentation dans le budget des ménages est passée de 35 % en 1960 à 20 % en 2014. Autre effet : on ne rémunère plus les agriculteurs au juste prix de la production. On ne leur permet donc plus non plus de fournir des produits de qualité. En définitive, les prix sont tellement bas que jeter devient pour certains un acte tout à fait anodin !
J’en arrive plus précisément au contenu de cette proposition de loi, qui reprend les conclusions du rapport de Guillaume Garot sur le gaspillage alimentaire.
L’article 1er définit une hiérarchie en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire qui commence par la prévention de ce gaspillage, passe ensuite par la valorisation destinée à l’alimentation animale, et aboutit enfin à l’utilisation des invendus pour fabriquer du compost ou produire de la méthanisation. Cette hiérarchie s’inspire de la directive européenne relative aux déchets que l’on connaît relativement bien dans cet hémicycle. Elle s’applique à tous les maillons de la chaîne alimentaire, du producteur au consommateur, en passant par les distributeurs et les associations.
Par ailleurs, l’article 1er interdit la javellisation des invendus encore propres à la consommation que pratiquent certains restaurants ou des enseignes de la grande distribution. À cet effet, il crée une sanction lourde en établissant une amende de 3 750 euros par infraction constatée, c’est-à-dire par poubelle javellisée.
En outre, cet article lève les obstacles au don de produits vendus sous marque de distributeur, ce qui constitue un enjeu de responsabilité assez technique.
Enfin, point important et qui nous occupera certainement longtemps, il formalise les pratiques de don en vigueur en imposant qu’une convention de don soit établie entre le distributeur et l’association caritative, afin d’en négocier toutes les modalités, et ce dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi.
J’insiste sur le fait qu’il s’agit non pas d’une obligation de donner – les associations n’en veulent d’ailleurs pas, car elles craignent de devenir le « déversoir » des invendus de la grande ou de la moyenne distribution –, mais d’une obligation de s’engager dans la démarche et de proposer au moins la reprise des invendus.
L’article 2 transfère la responsabilité des produits défectueux du distributeur vers le fournisseur, dans le cas où ce dernier réalise un don de denrées sous marque de distributeur que le distributeur ne souhaite pas commercialiser pour des raisons autres que sanitaires. En d’autres termes, en cas de problème d’étiquetage – par exemple, l’étiquetage est en italien alors que vous êtes en France –, vous ne pouvez pas donner vos produits pour des raisons de responsabilité. Avec l’adoption de ce texte, cela deviendra désormais possible.
L’article 3 complète l’information et l’éducation à l’alimentation dans les écoles en prévoyant un volet sur la lutte contre le gaspillage alimentaire. À cet égard, il faut noter que de nombreuses collectivités locales se sont déjà engagées dans cette voie.
Enfin, l’article 4 précise le contenu du rapport sur la responsabilité sociale et environnementale publié chaque année par les entreprises cotées.
À l’unanimité, la commission vous propose, mes chers collègues, d’adopter conforme cette proposition de loi.
Il s’agit tout d’abord d’une question de cohérence, puisque nous avons voté ce dispositif dans des termes strictement identiques voilà à peine six mois.
Par ailleurs, il nous est apparu urgent d’adopter ce texte, car le calendrier parlementaire est relativement chargé dans les mois à venir, monsieur le secrétaire d’État. L’adoption de cette proposition de loi avant la fin de cette année par l’Assemblée nationale est peu probable si nous ne l’adoptons pas rapidement.
Enfin, les leviers qu’il reste à mobiliser pour poursuivre la lutte contre le gaspillage alimentaire ne sont pas nécessairement législatifs. Beaucoup d’aspects relèvent en effet du Gouvernement et de mesures réglementaires.
Je souhaite maintenant évoquer un point particulier, qui est régulièrement soulevé par nos interlocuteurs, à savoir la réduction d’impôt dont bénéficient les agriculteurs lorsqu’ils font des dons de produits agricoles. Ce dispositif existe déjà pour les dons de lait ou de légumes frais. En revanche, certains produits agricoles doivent être transformés, ce qui a un coût et génère un transfert de propriété. Pour prendre un exemple, les fruits peuvent être transformés en compote ou en jus de fruit. Toutefois, il est nettement plus difficile de donner des animaux sur pied, car une association ne saurait qu’en faire ! Il est alors nécessaire de les transformer. Des discussions sont en cours à Bercy pour que les agriculteurs aient la possibilité de bénéficier de réductions d’impôt dans de tels cas.
Compte tenu des amendements déposés, le dernier point que je souhaite aborder correspond à une réelle préoccupation de la commission : il s’agit de la question du coût éventuel de la mesure pour les collectivités territoriales.
Les collectivités locales souhaiteraient que les produits invendus, s’ils sont donnés en trop grand nombre aux associations, ne se retrouvent pas par la suite dans le circuit du service public de gestion des déchets. En d’autres termes, elles ne veulent pas payer le traitement de déchets qui est aujourd’hui pris en charge par les distributeurs.
Théoriquement, ce risque est assez limité si les conventions signées sont bien calibrées. En effet, les associations elles-mêmes ne veulent pas crouler sous les invendus. Néanmoins, nous avons maintenu nos amendements pour l’examen du texte en séance publique, parce qu’il s’agit là d’une préoccupation réelle, qui est soulevée par de nombreuses associations et collectivités.
Nous aimerions enfin obtenir des garanties de la part du Gouvernement sur les dispositifs d’évaluation de cette proposition de loi et sur les différentes clauses de revoyure qui nous permettraient éventuellement d’en corriger la rédaction si jamais l’on venait à constater de telles dérives.
En conclusion, je tiens à souligner que le présent texte a obtenu le soutien unanime de la commission, tout comme les dispositions similaires qui avaient été examinées dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique avaient reçu un accueil unanime dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe écologiste et du groupe socialiste. – M. le président de la commission applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Mme la rapporteur d’avoir présenté, comme toujours, avec beaucoup de compétence et de conviction la proposition de loi que nous examinons ce soir. Vous ne serez pas étonnés, je pense, que mon intervention vienne en appui de la sienne. J’exprimerai ainsi la position très consensuelle des membres de la commission.
Comme l’a rappelé Chantal Jouanno, nous avons adopté cette proposition de loi à l’unanimité, suivant en cela la position de l’Assemblée nationale, qui a elle-même unanimement adopté ce texte le 9 décembre dernier.
Je voudrais rappeler que notre collègue du groupe UDI-UC, Mme Nathalie Goulet, avait initialement déposé une proposition de loi très proche de celle que nous étudions ce soir, et ce dès le mois d’août dernier, lorsque le Conseil constitutionnel avait annulé les dispositions de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte portant sur le gaspillage pour des questions de procédure et en application de la règle de l’entonnoir.
Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale pour des raisons de calendrier et d’efficacité. Néanmoins, cette convergence d’initiatives montre bien l’importance qu’il y a à traiter ce sujet sans tarder.
Le gaspillage alimentaire est en effet loin d’être anecdotique. Il s’agit d’un phénomène de grande ampleur. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, estime que la quantité de nourriture perdue ou gaspillée à l’échelle de la planète s’élève à 1,3 milliard de tonnes par an, ce qui représente plus de 1 000 milliards de dollars de nourriture inutilisés !
En France, l’ADEME indique qu’au moins 20 kilogrammes de nourriture sont jetés par an et par personne, ce qui porte le coût du gaspillage alimentaire entre 100 et 160 euros par an et par personne et, pour l’ensemble du pays, entre 12 et 20 milliards d’euros.
Ces montants, considérables, forcent à réfléchir et, surtout, à agir, car, nous le savons bien, certaines parties du globe connaissent des famines et, dans notre pays aussi, de véritables situations de pauvreté alimentaire sont rencontrées.
Par ailleurs, les difficultés que le réchauffement climatique fait naître en matière de sécurité alimentaire et la limitation des ressources naturelles de la planète incitent à une préservation de ces dernières. Il y a là une priorité.
Pour toutes ces raisons, nous devons fortement réduire le gaspillage alimentaire, bien sûr sur notre territoire, mais aussi, au-delà, à l’échelle mondiale.
Dans le cadre de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la lutte contre le gaspillage alimentaire a été inscrite parmi les piliers de l’économie circulaire, celle-ci étant désormais consacrée comme l’un des objectifs de la transition énergétique.
Cette inscription dans notre droit est tout à fait positive ; il reste maintenant à la mettre en œuvre. Cela appelle une forte mobilisation de l’ensemble des acteurs de la chaîne alimentaire : producteurs agricoles, industries agroalimentaires et, bien sûr, la grande distribution et les restaurations collective et commerciale. Cela nécessite aussi un fort engagement des collectivités locales et des élus, pour inciter et faciliter les évolutions indispensables. Néanmoins, il ne faudrait pas que, une fois de plus, toute la responsabilité de ces évolutions retombe sur nos collectivités ou que ces dernières fassent les frais de mauvaises coordinations entre la grande distribution et les associations.
En réalité, rien ne pourra se faire sans un véritable changement des comportements, individuels, en particulier, mais aussi collectifs.
Nous vivons dans une société de consommation et le temps est bien loin où l’on élevait les enfants en leur apprenant à respecter la nourriture, à ne pas gaspiller le moindre quignon de pain. L’éducation à la lutte contre le gaspillage alimentaire constitue donc une dimension tout à fait essentielle, et je me réjouis que la proposition de loi comporte une disposition en ce sens.
Par cette initiative, les parlementaires veulent donner un signal très fort. De nombreux intervenants de la chaîne alimentaire sont prêts à s’engager et je crois, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement devra garantir un suivi de ces efforts en mettant en place des indicateurs précis et pertinents pour mesurer plus finement ce que le gaspillage alimentaire recouvre et accompagner judicieusement les démarches des élus et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Jouve.
Mme Mireille Jouve. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, voici une proposition de loi qui semble découler du bon sens… Pourtant, qu’elle fut longue à parvenir jusqu’à notre assemblée ! Cela étant, je voudrais aujourd’hui saluer son caractère transpartisan et consensuel.
Le gaspillage alimentaire est emblématique des dérives de notre société de consommation. Il met en lumière le caractère limité de nos ressources et l’importance de leur préservation. Un tel combat ne peut recueillir qu’une franche unanimité sur les travées de la Haute Assemblée.
Tout le monde s’accorde à le dire, le gaspillage alimentaire est un fléau, et les chiffres donnent le tournis. Rien qu’en France, entre 20 et 30 kilogrammes de nourriture, dont 7 kilogrammes encore parfaitement emballés, sont jetés par personne et par an, soit, sur le plan économique, un coût estimé entre 12 et 20 milliards d’euros chaque année.
C’est aussi un enjeu écologique crucial, le gaspillage alimentaire représentant l’équivalent du troisième émetteur de gaz à effet de serre, après la Chine et les États-Unis.
Il y avait donc urgence à agir, tant les enjeux de cette proposition de loi sont multiples : économiques et sociaux, bien sûr, mais également écologiques et éthiques. Comment penser, en effet, qu’une société fonctionne correctement quand elle dilapide des tonnes de nourriture saine tous les ans, alors que, dans le même temps, trop de personnes peinent à se nourrir convenablement ?
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Mireille Jouve. Devant l’ampleur de ce scandale, il fallait réfléchir à nos comportements et structurer le cadre des bonnes pratiques déjà existantes.
C’est ainsi que l’article 1er de cette proposition de loi inscrit dans le code de l’environnement une hiérarchie bienvenue dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, allant de la prévention à la méthanisation.
Chaque acteur de la chaîne alimentaire est responsabilisé par les actions qu’il doit s’engager à mener afin de lutter contre la gabegie alimentaire, la valorisation des surplus alimentaires s’accompagnant d’une généralisation des dons alimentaires de la moyenne et grande distribution vers les associations caritatives, dans le cadre d’une convention qui organisera les modalités du don. L’élaboration de cette convention, qui devra être signée avant le 1er juillet 2016, répond à une demande des associations.
Dans le cadre de cet article 1er, des sanctions sont également prévues pour les distributeurs rendant les produits impropres à la consommation.
L’interdiction de ce que l’on appelle plus communément la « javellisation » n’allait pas du tout de soi, puisque certains distributeurs continuaient d’asperger d’eau de Javel leurs produits invendus, comme l’a mis en évidence, avec humour et lucidité, le film Discount de Louis-Julien Petit, sorti au cinéma voilà tout juste un an.
Le frein juridique que posait le régime des produits sous marque de distributeur – c’est-à-dire la responsabilité juridique des producteurs – est également levé par l’article 2 de la proposition de loi. Cela permettra aux producteurs de faire, eux aussi, des dons réglementés aux associations, plutôt que de devoir jeter les produits refusés, pour diverses raisons, par les supermarchés.
Si ces mesures s’avèrent indispensables, elles ne sauraient épuiser le champ de la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Ce sont avant tout les usages des consommateurs qu’il faut regarder et changer en profondeur. Les ménages jettent chaque année 6,5 millions de tonnes de produits encore consommables, contre 2,3 millions de tonnes pour la distribution. À ce titre, il est essentiel d’éduquer contre les méfaits de cette dilapidation d’une ampleur considérable.
Il faut donc saluer l’inscription dans le parcours scolaire d’une sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire, inscription prévue à l’article 3 du texte. On le sait, en matière d’innovation, ce sont souvent les enfants qui mettent leurs parents à la page. Pour atteindre l’objectif fixé, il faut redonner de la valeur à l’alimentation, ce qui peut passer par la connaissance de l’origine des produits ou encore de la manière dont ils sont transformés ou dont on peut les cuisiner.
Pour sensibiliser les consommateurs et offrir des solutions à ceux qui ne savent pas quoi faire de produits périssables qu’ils ne pourront pas utiliser, nous pourrions, en outre, nous inspirer de nos voisins allemands. Depuis bientôt deux ans, des réfrigérateurs en libre-service ont été installés par les bénévoles d’une association berlinoise dans les rues de la ville. Grâce à une plateforme internet, les consommateurs peuvent déposer dans ces appareils de la nourriture qu’ils ne pourront pas consommer ; chacun est ensuite libre de venir se servir.
De façon plus réaliste et plus immédiate, il faudrait peut-être encourager davantage la pratique du doggy bag qui, pour des raisons culturelles, peine à se mettre en place en France. La restauration gaspille chaque année 1,5 million de tonnes de nourriture. Une grande campagne en ce sens ne paraîtrait pas superflue.
La lutte contre le gaspillage alimentaire est donc un combat contre l’absurde et la France, grâce au volontarisme de cette proposition de loi, est à l’avant-garde de ce combat. Ce n’est pas anodin pour une culture accordant une telle importance à la gastronomie !
En espérant que l’adoption de ce texte entraînera nombre d’autres pays européens dans son sillage et les poussera à progresser sur le sujet, les membres du groupe du RDSE, dans leur ensemble, soutiendront la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte dont nous avons l’honneur de débattre aujourd’hui doit tous nous rassembler sur ces travées. Il est effectivement l’aboutissement d’un travail important d’associations comme la Croix-Rouge ou Action contre la faim et de plusieurs parlementaires que je veux saluer ici : Jean-Pierre Decool, Guillaume Garot, Frédéric Lefebvre, Nathalie Goulet. Je citerai enfin M. Arash Derambarsh, qui a travaillé sur le sujet dans sa ville de Courbevoie, sensibilisant l’opinion sur cette question par ses actions et sa pétition signée par 750 000 personnes. Son rôle a donc été essentiel.
Au mois de mars 2015, j’avais interrogé le Gouvernement sur ce problème du gâchis alimentaire. Je souhaitais qu’il agisse en urgence, car nombre de nos concitoyens ne pouvaient attendre plus longtemps. Il était primordial de disposer d’une loi permettant, enfin, la distribution des produits invendus aux personnes qui en ont le plus besoin, et incitant encore plus les supermarchés à s’engager dans cette voie.
Dans le même esprit, j’avais déposé en avril dernier un amendement au projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, afin de permettre aux supermarchés de distribuer les invendus alimentaires à des associations.
Cela a été évoqué, le Conseil constitutionnel a invalidé ces dispositions de la loi. Je n’ai donc pas hésité à signer la proposition de loi déposée alors par Nathalie Goulet.
Le présent texte, issu d’un rapport sur la lutte contre le gaspillage, a été adopté à l’unanimité en première lecture par l’Assemblée nationale. Dans le même sens, il a été adopté sans modification par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, au sein de laquelle j’ai l’honneur de siéger. Nous allons donc créer l’arsenal législatif et juridique qui permettra de changer la vie des plus démunis.
Environ 10 millions de Français seront concernés par l’application de ce texte. Chacun d’entre nous, mes chers collègues, rencontre dans ses permanences des personnes qui sont dans la misère ou doivent se limiter à un seul repas par jour.
À cet effet, l’article 1er de la proposition de loi hiérarchise les actions de lutte contre le gaspillage alimentaire. Est d’abord citée « la prévention du gaspillage alimentaire », suivie de « l’utilisation des invendus propres à la consommation humaine, par le don ou la transformation ». Vient ensuite « la valorisation destinée à l’alimentation animale », une démarche essentielle qui, là aussi, concernerait des volumes importants et serait utile tant à l’agriculture qu’aux particuliers. La liste est close par « l’utilisation à des fins de compost pour l’agriculture ou la valorisation énergétique, notamment par méthanisation », ce qu’évoquait précédemment Mme la rapporteur.
Par ailleurs, les supermarchés se verront interdire de jeter les invendus et les actes de javellisation, véritable scandale auquel on peut assister régulièrement, seront sanctionnés.
D’ailleurs, aucune stipulation contractuelle ne pourra dorénavant s’opposer au don de denrées alimentaires vendues sous marque de distributeur à une association.
Les dons aux associations feront l’objet d’une convention pour les surfaces dépassant 400 mètres carrés. Voilà, monsieur le secrétaire d’État, une avancée réelle et significative !
Si, toutefois, le distributeur rend les invendus alimentaires impropres à la consommation, des amendes élevées pourront être prononcées.
Je crois que la grande distribution peut faire plus, et la future loi l’y obligera !
La proposition de loi prévoit également que la lutte contre le gaspillage alimentaire soit intégrée dans les parcours scolaires. Cette sensibilisation des plus jeunes, qui en ont besoin, est effectivement un point très important.
Les entreprises pourront aussi faire valoir leurs actions en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire dans le cadre de leur responsabilité sociale et environnementale.
Vous l’avez bien compris, mes chers collègues, l’adoption de ce texte changera profondément la vie de nombreux Français.
La prochaine étape sera européenne : la Commission va se saisir du sujet, les députés européens ayant déjà voté, au mois de juillet dernier, un texte dans ce sens.
En conclusion, les membres du groupe Les Républicains, dont je suis membre, soutiennent donc cette proposition de loi avec enthousiasme. Mais celle-ci va bien au-delà des sensibilités politiques – droite, centre, gauche –, et son adoption à l’unanimité, tout comme celle de l’amendement relatif au gaspillage alimentaire en avril dernier, serait un beau symbole. Ainsi, nous serons l’un des premiers pays à légiférer sur le sujet et, comme très souvent, le Sénat sera à l’avant-garde ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, il est précisément une heure du matin. Le temps attribué au groupe socialiste et républicain étant écoulé, je vais lever la séance.
Il appartiendra à la conférence des présidents d’inscrire la suite de l’examen de cette proposition de loi à l’ordre du jour d’une prochaine séance.