M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Philippe Dallier. Rappelons-le : le gain esquinté… je voulais dire « escompté » (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)…
M. Jean-Claude Carle. Esquinté aussi ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. … au titre de cette mesure était en moyenne de 400 euros par foyer fiscal, ce qui – vous auriez pu en convenir – était loin d’être négligeable pour le pouvoir d’achat.
Nous avions adopté une autre mesure fiscale : le relèvement du quotient familial, de 1 500 à 1 750 euros par demi-part, permettant de revenir partiellement sur les effets des deux baisses successives de ce quotient.
Avec ces deux mesures, nous proposions de réduire nettement le poids des prélèvements obligatoires pesant sur les familles et sur les classes moyennes, à rebours de votre politique, qui les a fortement pénalisées depuis 2012.
Monsieur le secrétaire d’État, ne nous leurrons pas : la baisse d’impôts que vous nous proposez est l’arbre qui cache la forêt. Contrairement à ce qu’assure le Gouvernement, il n’y aura pas de pause fiscale en 2016. M. le rapporteur général l’a rappelé. La multiplication des hausses de taxes dans le collectif budgétaire, que nous allons également examiner cette après-midi, l’illustre parfaitement.
Nous n’avons qu’une seule petite satisfaction : si l’instauration d’une déclaration automatique des revenus tirés par les particuliers de leurs activités sur les plateformes en ligne de l’économie collaborative n’a pas été retenue par les députés, le Sénat peut se féliciter que, dans la continuité des travaux de sa commission des finances, les sites internet concernés aient désormais l’obligation, en fin d’année, d’adresser à leurs clients un récapitulatif des sommes perçues. C’est un tout petit pas, mais au moins il existe.
Cela étant, nous regrettons la suppression de la franchise fiscale de 5 000 euros, que le Sénat avait adoptée à la quasi-unanimité et qui résultait de la réflexion d’un groupe de travail transpartisan. À l’évidence, il faudra aller plus loin dans ce domaine, comme pour la perception de la TVA liée au commerce électronique. Sinon, nous serons condamnés à voir fondre comme neige au soleil les rentrées fiscales dont nous avons tant besoin.
Bien entendu, la majorité sénatoriale s’était également montrée attentive au sort des entreprises, en prolongeant le suramortissement Macron et en l’étendant à toutes les coopératives professionnelles, aux installations de magasinage et de stockage de produits agricoles. Nous entendions ainsi adresser un signal fort aux agriculteurs français, dont l’état de détresse est aujourd’hui alarmant.
Nous avions également introduit la possibilité de renoncer à l’option pour la moyenne triennale, afin de limiter l’imposition.
De même, nous avions supprimé diverses taxes pour les agriculteurs, allégé les charges patronales des entreprises agricoles pour leurs salariés permanents touchant jusqu’à 1,5 SMIC, ou encore maintenu l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les zones Natura 2000. Il s’agissait là de mesures vitales pour le monde agricole.
Il est regrettable que ces dispositions n’aient pas toutes été retenues dans le projet de loi de finances. Mais elles ont été en grande partie reprises par le Gouvernement et sa majorité, pour leur propre compte, dans le collectif budgétaire. Au moins le Sénat vous aura-t-il inspirés !
En outre, nous avions supprimé la taxe sur les farines, qui bride la compétitivité de nos meuniers en aggravant les distorsions de concurrence au bénéfice de leurs homologues étrangers. Nous regrettons fortement le rétablissement de cette taxe par les députés.
Soucieux de l’avenir de la place de Paris, nous avions supprimé l’élargissement du champ de la taxe sur les transactions financières aux transactions intrajournalières. Il s’agissait ni plus ni moins que de préserver la compétitivité de la place de Paris. Mais, à l’Assemblée nationale, votre majorité a préféré opter pour un nouvel affaiblissement du système bancaire français. Nous le répétons : à notre sens, de telles mesures ne devraient être prises qu’à l’échelle de l’Europe. Il en est de même de la communication des données financières relatives à nos entreprises, disposition que l’Assemblée nationale a heureusement fait sauter du présent texte.
Enfin, nous avions tenu à atténuer la brutalité de l’effort demandé aux collectivités territoriales. Ces dernières – nous avons eu ce débat à de nombreuses reprises – sont contraintes de renoncer à une partie de leurs dépenses d’investissement au détriment de la croissance, et nombre d’entre elles sont obligées d’augmenter les impôts locaux.
À cet égard, nous avions adopté une position responsable consistant à minorer de 1,6 milliard d’euros la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales, correspondant au coût des normes transférées par l’État aux collectivités et à geler la hausse de la péréquation verticale et horizontale. Nous avions également supprimé le transfert aux régions, à compter de 2017, de la moitié du produit de la CVAE que perçoivent les départements. Cette mesure privera ces derniers d’une recette dynamique de 4 milliards d’euros,…
M. Michel Bouvard. Eh oui !
M. Philippe Dallier. … alors que leurs finances sont souvent dans le rouge, à cause de la baisse des dotations et surtout de l’augmentation continue des dépenses à caractère social. Nous avions utilement remplacé cette disposition par le versement d’une dotation de compensation des seules compétences transférées des départements vers les régions. Les départements auraient ainsi pu continuer à bénéficier du dynamisme de la CVAE.
Par ailleurs, nous étions totalement revenus sur la réforme de la DGF, en en supprimant les modalités, plutôt que d’accepter un simple report sur les mêmes bases. En la matière, on aboutit à un consensus : ces bases devront être revues. Les simulations qui nous ont été transmises l’ont démontré, nous ne pourrons pas construire une véritable réforme sur les fondements qui nous ont été proposés. Voilà pourquoi nous avons été conduits à réécrire totalement cet article. Nous regrettons que l’Assemblée nationale soit revenue sur notre rédaction.
Au sujet de nos collectivités locales, je tiens à insister sur un autre enjeu. En adoptant un amendement déposé par Patrick Chaize, le Sénat a tenu à rendre éligibles au FCTVA les crédits dépensés par les communes pour remédier au problème des zones blanches. Il ne s’agissait pas d’une dépense considérable. Malheureusement, nos collègues députés ne nous ont pas suivis. Notre idée n’était pas mauvaise et, j’en suis persuadé, il faudra aider les communes à effectuer ces travaux.
Pour compenser le coût des mesures que nous avions proposées, nous avions voté un certain nombre d’économies, notamment sur la masse salariale de l’État, qui, à elle seule, représente 40 % des dépenses de l’État. Dans un souci d’équité, nous avons par exemple souhaité augmenter le temps de travail effectif dans la fonction publique pour le porter à 35 heures et y instaurer trois jours de carence, comme dans le privé.
Au total, nous déplorons qu’aucune de nos mesures les plus substantielles en faveur des familles, des classes moyennes, des entreprises et des collectivités territoriales, qu’aucune de nos propositions d’économies de dépenses n’ait été retenue lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, la majorité socialiste s’étant une fois encore ingéniée à détricoter le travail du Sénat. Nos initiatives auraient pourtant permis de rendre du pouvoir d’achat à des Français étranglés par la pression fiscale, de donner un peu plus d’air à nos entreprises et à nos collectivités territoriales, qui, par leurs investissements, sont également des moteurs de la croissance. Or la croissance peine à repartir en France. Elle y redémarre moins rapidement que dans le reste de l’Europe et ne permet pas d’endiguer la montée inexorable du chômage, qui a battu un nouveau record en octobre dernier avec 42 000 chômeurs supplémentaires.
Dans ces conditions, il nous paraît inutile de débattre une nouvelle fois de ce budget, au regard du sort presque certain qui attendrait les propositions du Sénat. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe Les Républicains voteront en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable déposée par le rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier, que je tiens à féliciter pour la qualité de son travail…
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Philippe Dallier. … et la ténacité dont il a fait preuve durant ces longues semaines ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. de Montgolfier, au nom de la commission, d'une motion n° 9.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement du Sénat,
Considérant que le projet de loi de finances pour 2016, établi sur des hypothèses macroéconomiques favorables, ne prévoit aucune marge de sécurité au regard des incertitudes qui entourent la prévision de croissance pour 2016 ;
Considérant qu’il prévoit une réduction de notre déficit structurel inférieure aux recommandations du Conseil de l’Union européenne et des efforts d’économies non documentés et sans effet pérenne sur le niveau de la dépense de l’État et de ses opérateurs ;
Considérant qu’il comprend une hausse sensible des effectifs de l’État, qui n’est due qu’en faible partie au renforcement de la sécurité intérieure et extérieure de notre pays, et traduit ainsi une incapacité à arbitrer entre les missions de l’État ;
Considérant qu’il ne fait porter aucun effort réel sur le temps de travail et la masse salariale de la fonction publique pour contenir le dynamisme de la dépense publique ;
Considérant que la nouvelle diminution des dotations aux collectivités territoriales prévue au projet de loi de finances portera atteinte au niveau d’investissement public et à la croissance en 2016 ;
Considérant que le projet de loi de finances pour 2016 ne comprend aucune mesure fiscale de nature à remédier à l’accroissement de la fiscalité ayant pesé en particulier sur les ménages et les familles depuis 2012 et créé, selon les termes mêmes du Premier ministre, une forme de rupture entre les Français et l'impôt ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur général, pour la motion.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je serai bref, car j’ai déjà présenté dans ses grandes lignes la motion tendant à opposer la question préalable lors de la discussion générale.
Les orateurs qui se sont succédé ont rappelé plusieurs arguments relatifs à la fiscalité. À cet égard, nous sommes en profond désaccord avec un certain nombre de dispositions du texte qui nous revient de l’Assemblée nationale.
Pour ma part, je me contenterai de revenir sur le sujet des économies, évoqué par les uns et les autres, et en particulier sur la masse salariale de l’État.
La masse salariale représente 40 % du budget de l’État. Et l’on s’interdirait d’étudier tout moyen d’en maîtriser l’évolution, notamment au titre des effectifs ? Des divergences d’approches se sont fait jour. Aussi, je tiens à opérer une mise au point.
Certes, les événements dramatiques du 13 novembre ont exigé de nouvelles mesures en matière de sécurité. Les annonces se sont traduites par des amendements, que nous avons approuvés, et vont entraîner des créations d’emplois. Toutefois, avant même ces annonces, le projet de loi de finances initial comportait plus de 8 000 créations de postes, dont, c’est vrai, 4 875 au titre de la révision de la loi relative à la programmation militaire. Les mesures annoncées après le 13 novembre y ajoutent, dès l’année prochaine, 3 560 emplois. Au total, on aboutit à plus de 13 000 créations d’équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, via le projet de loi de finances tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale.
C’est sur ce point que nous nous heurtons à un désaccord de fond. Bien sûr, certaines missions sont prioritaires, notamment les actions liées à la sécurité. Mais, plusieurs orateurs l’ont indiqué, nous souhaiterions que ces priorités soient gagées par des économies : ce n’est pas ce que nous avons observé dans le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale. Cette dernière a, dans l’ensemble, opté pour le rejet des décisions prises par le Sénat.
Certes, nous nous félicitons que la navette ait pu assurer un certain nombre d’apports. Mais nous estimons que, même avec des discussions supplémentaires, nos collègues députés ne reviendront pas sur les orientations qu’ils ont suivies et qui diffèrent très largement des nôtres. Dans ces conditions, une nouvelle lecture n’apporterait rien de plus.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, contre la motion.
M. François Bonhomme. Ça se sent…
M. Richard Yung. Si la question préalable vise simplement à dire qu’il existe deux visions politiques différentes en matière économique et fiscale, nous le savions déjà !
Nous, nous attendions de ces trois semaines de débats longs et fouillés de voir apparaître votre politique alternative puisque vous affirmez qu’il faut réduire le déficit public. Alors, vous proposez tantôt 250 milliards d’euros, tantôt 200 milliards d’euros, tantôt 50 milliards d’euros… J’ai même entendu M. Sarkozy nous proposer 30 milliards d’euros – on en revient à des zones plus modestes…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pour notre part, nous vous proposions 4 milliards d’euros d’économies !
M. Richard Yung. Au fond, nous attendions de savoir comment vous alliez dégager ces 30 milliards d’euros. Ce long débat ne nous a pas permis de le savoir, d’où notre déception.
La majorité sénatoriale critique les hypothèses de croissance suivies pour l’élaboration du projet de loi de finances. Or c’est précisément l’un des points qui bénéficient du consensus des économistes et surtout de l’accord du Haut Conseil des finances publiques. Si nous avons mis sur pied cette instance, c’est précisément pour éviter les débats permanents et les contestations au sujet des hypothèses de croissance… Le Haut Conseil des finances publiques est une institution neutre et sage. Selon lui, une hypothèse de croissance de 1,5 % du PIB est tout à fait atteignable et raisonnable.
Pour ce qui est de l’hypothèse d’inflation, la situation est différente, je l’admets. Mais l’inflation est précisément l’une des variables économiques qui ne sont pas directement entre les mains du Gouvernement : elle dépend pour partie de la Banque centrale européenne et, probablement plus encore, de la situation de l’économie mondiale.
Vous critiquez l’évolution du solde structurel. Mais, là encore, vos reproches ne sont pas fondés. La trajectoire du solde structurel est précisément en avance par rapport aux objectifs de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, votée il y a un peu moins d’un an. Le plan d’économies de 50 milliards d’euros décidé à ce titre a une conséquence directe : nous rapprocher de l’objectif fixé au titre de cet effort structurel. Il sera de 1,5 % du PIB l’année prochaine. C’est précisément le niveau requis par le pacte de stabilité.
Je pourrais développer d’autres arguments. Par exemple, on nous reproche d’abandonner toute rigueur sur le front des effectifs, en créant 13 000 nouveaux emplois publics. Par une autre question préalable, on déclare le Gouvernement incapable de respecter ses propres priorités. Toutefois, si l’on excepte les emplois que nous réclamons à juste titre pour répondre aux priorités actuelles, en particulier dans les secteurs de l’éducation et de la sécurité, la réduction des effectifs de la fonction publique de l’État est de l’ordre de 1 500 équivalents temps plein.
Enfin, s’agissant de la baisse des impôts des ménages, débat que nous avons eu à plusieurs reprises, probablement avec un problème sur la définition de ce qu’est la « classe moyenne », nous avons entendu vos propositions, qui étaient tout de même dirigées vers ce qu’on pourrait appeler les « classes moyennes supérieures » – voire supérieures sans être moyennes. Vous avez dit qu’il n’y avait aucune mesure fiscale de nature à remédier à l’accroissement du poids de la fiscalité sur les ménages depuis 2012, année que vous avez, je présume, choisie au hasard.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non !
M. Richard Yung. Je rappellerai simplement les pourcentages de ménages imposés sur le revenu : 2009, 43 % ; 2010, 46 % ; 2011, 46,6 % ; 2012, 49,9 %.
M. Jacques Chiron. Atelier mémoire !
M. Richard Yung. Sans vouloir faire de polémique, je m’arrête à 2012, mais chacun verra que l’argument développé en faveur de la question préalable ne tient pas !
Je pourrais continuer, chers collègues de la majorité sénatoriale, mais vous aurez d’ores et déjà compris que nous voterons contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement regrette évidemment le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable. Elle ne permet en effet pas de clarifier les positions, incroyablement floues à l’issue de la première lecture, de la Haute Assemblée, qui avait refusé un certain nombre de crédits de mission, créant ainsi un excédent artificiel ne permettant absolument pas de mesurer ses intentions en matière budgétaire. Il est trop facile et incohérent de voter la moitié des dépenses seulement mais toutes les recettes !
M. Éric Jeansannetas. Bien sûr !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si nos concitoyens s’interrogent, c’est peut-être parce qu’il y a là une attitude qui n’est pas responsable.
Certains d’entre nous ont eu parfois, à d’autres moments, des positions identiques et tout aussi critiquables, je le reconnais bien volontiers (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.), mais, s’il devait y avoir un changement de comportement, je pense que nous gagnerions à nous mettre d’accord sur ce qui rassemble plutôt que de jeter des chiffres plus ou moins à notre avantage dans nos débats.
Ce n’est plus le moment, puisque nous allons passer à la mise aux voix, de savoir qui a tort ou raison de Vincent Delahaye, Albéric de Montgolfier, Maurice Vincent ou Christian Eckert, mais il y a plusieurs constats que nous pourrions partager, comme l’a fort bien dit Maurice Vincent. Plutôt que de les prendre comme référence quand ils nous arrangent, reconnaissons les chiffres pour ce qu’ils sont. Vous connaissez mon métier d’origine. Je m’agace toujours quand j’entends que l’on peut faire dire n’importe quoi aux chiffres. C’est fondamentalement faux : les chiffres traduisent une réalité. Ensuite, chacun peut tourner autour du pot…
J’aurais aimé répondre, mais ce sera possible en d’autres occasions, à un certain nombre de questions précises qui ont été posées. M. Gattolin s’interrogeait ainsi sur le financement des 750 millions d’euros.
Enfin, monsieur Delahaye, je suis un peu irrité que vous oubliiez systématiquement de dire que la prime pour l’emploi a été supprimée et que le produit de l’impôt sur le revenu a donc été artificiellement majoré, de 2014 à 2015, de 2 milliards d’euros. Je le répète donc. Refuser de le reconnaître n’est pas correct. Vous avez bien sûr le droit de critiquer, mais ne déformez pas les choses.
Cela étant dit, l’heure n’est plus aux débats sur telle ou telle disposition : à chacun de prendre ses responsabilités et au Sénat de se prononcer, mais le Gouvernement était évidemment prêt à approfondir la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Nous avons longuement débattu du projet de loi de finances pour 2016 en première lecture. Nous avons mené avec le Gouvernement et l’opposition sénatoriale un débat approfondi et, je le crois, utile, qui a permis d’enrichir le texte, dont plusieurs articles – soixante-treize, si je ne me trompe pas – ont ainsi pu être votés conformes par les deux assemblées.
Dans le même temps, le débat a mis en évidence un certain nombre de désaccords, suffisamment forts pour que le groupe UDI-UC estime nécessaire de voter la motion tendant à opposer la question préalable : une nouvelle lecture n’apporterait pas de nouveaux éléments.
Cela étant dit, je veux revenir sur le débat qui vient d’avoir lieu et dont M. le secrétaire d'État a bien résumé la portée en disant que nous étions là non pas pour nous jeter aux uns et aux autres des chiffres, mais pour voir comment améliorer la situation.
Monsieur le secrétaire d'État, la dette publique est, avez-vous dit, quasiment stabilisée pour l’essentiel. Je crois que presque tout est dans le mot « quasiment ». Et je crains qu’elle ne soit stabilisée à un niveau aussi historiquement haut que le rythme historiquement bas auquel, avez-vous dit aussi, elle progresse, ce qui signifie qu’elle progresse encore… C’est là un de nos points de désaccord : comme le rapporteur général, nous estimons qu’il faudrait être plus volontariste à propos de la réduction de la dette et des déficits. La situation budgétaire s’améliore, assurez-vous, mais si peu…
Notre différence porte en fait souvent sur le rythme. Je pense que le Gouvernement a compris que la situation ne pouvait pas continuer telle qu’elle avait été engagée au début du quinquennat. Pour autant, le correctif qu’il y apporte nous semble insuffisant, ce que confirment les différents classements européens, rappelés par les uns et les autres, qui nous placent en queue de peloton.
Je veux aussi exprimer notre désaccord sur la baisse des dotations, l’ampleur, le rythme, la répartition de l’effort fiscal et, aujourd'hui, son correctif, qui n’est pas très juste : les classes moyennes et les familles souffrent au premier chef.
S’agissant de la dépense publique, sans effort en vue d’une utilisation plus fine des ressources humaines dans la fonction publique et sans adaptation sur le plan du temps de travail, nous n’arriverons pas à contenir la masse salariale. À cet égard, nous estimons que l’augmentation des effectifs ne va pas dans le bon sens et constitue un contre-signal.
Enfin, la situation de l’emploi et du chômage vient, globalement, sanctionner la politique menée.
Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC votera la motion.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. M. Yung regrettait que nous n’examinions pas une nouvelle fois le projet de loi de finances, argument à un coup qu’il ne pourra pas utiliser quand nous discuterons tout à l’heure de la motion sur le projet de loi de finances rectificative, car vendredi matin, aux alentours de onze heures, le groupe socialiste ne voulait même pas examiner la seconde partie de celui-ci tant le président du groupe était pressé de partir en campagne…
M. Jacques Chiron. C’est nous qui avons voté la première partie !
M. Philippe Dallier. Cela étant dit, je veux profiter de l’occasion pour regretter les conditions dans lesquelles travaillent la commission des finances et, plus généralement, le Sénat. En effet, mes chers collègues, si nous devions examiner à la fois le PLF et le PLFR, ainsi que les 200, 300 ou 400 amendements dont ils auraient fait l’objet, je ne sais pas comment nous ferions !
Pourtant, sur certaines dispositions, il aurait fallu que nous le fassions. Je pense par exemple au Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales. Nous avions trouvé des solutions, l’Assemblée nationale en avait d’autres. Est sorti un texte : vous l’avez là. Et pourtant, en PLFR, dans la nuit de vendredi à samedi, très tard, de nouveaux amendements sur le FPIC pour 2016 sont venus modifier complètement la donne, dans l’espace de la métropole du Grand Paris, mais aussi ailleurs.
C’est tout de même une drôle de manière de procéder : on commence dans le PLF, on finit dans le PLFR ! De la sorte, ces dispositions n’ont pas été discutées dans les deux assemblées – il y a d’ailleurs là, à mon avis, un problème constitutionnel au regard de la règle de « l’entonnoir ».
En tout état de cause, il aurait fallu sur certains points précis une nouvelle lecture, mais avoir à examiner des centaines amendements alors qu’il nous restait si peu de temps pour en débattre aurait relevé de la mission impossible…
Nous ne le ferons donc pas, mais je voulais profiter de l’occasion pour former le vœu que nous disposions d’un peu plus que de vingt jours calendaires pour examiner le budget : c’est vraiment trop court ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 9, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 188 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le Sénat n’a pas adopté le projet de loi de finances pour 2016 en nouvelle lecture.