Mme Christiane Hummel. Non, ils rigoleront !
M. Vincent Delahaye. Si vous dites aux Français que les investissements vont croître de plus de 5 % en 2016, pensez-vous que beaucoup vont vous croire ?
Moi, je pense que les hypothèses sur lesquelles se fonde le projet de loi de finances pour 2016 sont très optimistes.
Vous prétendez également que les impôts vont baisser. Ils baisseront de 2 milliards d’euros pour un certain nombre de Français, mais, dans le même temps, vous inscrivez, pour l’impôt sur le revenu, des recettes en croissance de 3 milliards d’euros. Cela signifie – il faut le dire aux 50 % de Français qui vont continuer à s’acquitter de l’impôt sur le revenu – que ceux qui paieront des impôts en paieront plus en 2016 !
D’ailleurs, cet exercice 2016 voit le montant de recettes fiscales le plus important qu’on ait jamais inscrit dans une loi de finances en France : 287 milliards d’euros, soit une progression de 7 milliards d’euros.
Selon les prévisions du Gouvernement, les prélèvements obligatoires augmenteraient également de plus de 22 milliards d’euros en 2016. Donc, cette baisse des impôts dont on parle, moi, j’aimerais bien la voir !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Que faites-vous de la prime pour l’emploi ? Vous ne la comptez pas dans vos 3 milliards d’euros ! Je l’ai expliqué quatre fois !
M. Vincent Delahaye. Vous faites tout aussi semblant de faire des économies, monsieur le secrétaire d’État. En 2016, les dépenses publiques augmenteront plus rapidement et plus fortement que l’inflation ; les effectifs de la fonction publique seront également en progression. Le niveau de dépenses ainsi atteint fera de nous les vice-champions du monde, après le Danemark, de la dépense publique !
M. Vincent Capo-Canellas. On peut encore progresser…
M. Vincent Delahaye. Des amendements ont été déposés, notamment dans le but d’augmenter la sécurité de nos concitoyens. Si, sur le fond, nous partageons les objectifs, nous aurions aimé que ces amendements soient gagés sur des réductions de dépenses et non financés par une augmentation de la dette. C’est un très mauvais signal que de montrer ainsi qu’il est possible d’augmenter d’un seul coup les dépenses de 850 millions d’euros, alors même que le contexte est difficile.
M. Vincent Delahaye. Je suis prêt à me mettre autour d’une table avec vous pour discuter des chiffres, mais ils sont têtus !
Les 50 milliards d’euros d’économies annoncées ne sont pas au rendez-vous. C’est la rapporteure générale de l’Assemblée nationale, socialiste, qui le dit ! Selon elle, alors qu’en 2015 les économies atteignent 11,2 milliards d’euros au lieu des 18,6 milliards d’euros annoncés, la réduction de dépenses ne dépassera pas 6 milliards d’euros en 2016.
Enfin, vous indiquez maîtriser la dette. En fait, ce sont surtout les intérêts de la dette qui sont maîtrisés, et ce grâce aux taux d’intérêt offerts par les marchés. Merci les marchés !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Notre ami, c’est le monde de la finance !
M. Vincent Delahaye. J’aimerais l’entendre sur toutes les travées, car, sans ces taux d’intérêt, nous ne pourrions maintenir une charge équivalente, avec une dette qui s’envole.
M. Michel Bouvard. La BCE !
M. Vincent Delahaye. Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, vous faites semblant dans bon nombre de domaines. Mais, à titre personnel, je ne suis pas fier de ce budget.
M. Vincent Delahaye. Disant cela, je pense à nos compatriotes et à nos partenaires.
Vis-à-vis de nos compatriotes, la dette s’envole. Ce sont des montagnes de dette qui sont laissées aux nouvelles générations.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Sénat ne sortira pas grandi d’interventions comme celle-là !
M. Vincent Delahaye. Notre dette représente sept ans de recettes !
M. Vincent Delahaye. Je ne sais pas si vous avez géré beaucoup de collectivités locales, monsieur le secrétaire d’État, mais, à cette échelle, on a pour habitude de considérer que la cote d’alerte est dépassée au-delà d’une dette représentant un an de recettes de fonctionnement. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Votre réaction, mes chers collègues, montre que nous ne sommes pas d’accord sur la gestion des collectivités locales, mais je n’en suis pas vraiment étonné.
M. Bernard Fournier. Eh oui !
M. Vincent Delahaye. Donc, nous laissons une dette considérable et faisons face à un problème principal, celui du chômage. Or ce budget – c’est regrettable – ne contient aucune mesure précise pour combattre le chômage, en dehors des emplois aidés, qui, nous le savons tous, n’ont jamais permis de résoudre le problème.
M. Vincent Delahaye. Vis-à-vis de nos partenaires, nous sommes à la remorque dans pratiquement tous les domaines. Que ce soit sur les déficits, la dette ou les prélèvements obligatoires, nos résultats sont nettement plus élevés que les moyennes enregistrées dans la zone euro.
M. Vincent Delahaye. Vous devriez écouter un tout petit peu plus ce que nous disons, monsieur le secrétaire d’État, car ce serait bien de prendre en compte nos remarques. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Notre taux de chômage est également très élevé et, en définitive, seuls la Grèce, l’Espagne et le Portugal font moins bien.
M. Vincent Delahaye. Par conséquent, je ne suis pas fier de ce budget, et ce d’autant plus que nous ne pouvons avoir le dernier mot…
M. Vincent Delahaye. Écoutez-moi, monsieur le secrétaire d’État ! Vous n’arrêtez pas de parler ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Vincent Delahaye. Pour que le Sénat puisse avoir le dernier mot, il faudrait que le Gouvernement nous écoute un peu plus. Nous avons avancé des propositions en matière fiscale et nous avons défendu une réduction de l’effort demandé aux collectivités territoriales. Car c’est bien à elles qu’est demandé le seul véritable effort, en France, en faveur de la réduction des dépenses publiques.
M. Vincent Delahaye. Nous avons proposé de le réduire, mais, monsieur le secrétaire d’État, vous avez rejeté cette solution. Nous avons proposé de remettre à 2016 le vote de la réforme de la dotation globale de fonctionnement et d’autres dotations ; vous ne nous avez pas suivis.
Pour que nous puissions avoir le dernier mot sur l’Assemblée nationale, il faudrait bien évidemment que le Gouvernement souhaite nous entendre beaucoup plus. J’espère que ce sera le cas à l’avenir. Pour l’instant, il n’en est rien, et c’est pourquoi nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable proposée par la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’échec de la commission mixte paritaire nous amène à débattre à nouveau du projet de loi de finances pour 2016.
L’Assemblée nationale a confirmé, lors d’une nouvelle lecture expresse du projet de loi, l’essentiel du texte qu’elle avait elle-même voté, revenant sur la plupart des ajouts de notre assemblée.
Si, à la rigueur, nous pouvons juger préférable la baisse des impôts en direction des plus modestes contribuables de l’impôt sur le revenu telle que le prévoit le texte initial du projet de loi de finances à la version définie par le Sénat, qui visait avant tout à réduire les impôts des plus aisés, nous ne pouvons que regretter que la volonté de justice fiscale affichée par le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale n’ait pas été jusqu’à faire droit aux contribuables isolés du retour plein et entier de leurs droits attaqués depuis dix ans maintenant, évitant notamment à certaines veuves de payer des impôts jadis indus.
Nous ne pouvons également que regretter que la parole des élus locaux, dont le Sénat avait tenu compte, n’ait pas été totalement respectée par l’Assemblée nationale, avec les conséquences que l’on a déjà pu connaître lors des rendez-vous électoraux des deux premiers dimanches de ce mois.
Comment agir sur le vivre ensemble et contre l’isolement, parent nourricier de la désespérance, si l’on prive les élus locaux des moyens nécessaires – plus que jamais nécessaires – pour leur action ?
Ce choix budgétaire de restriction des moyens financiers des collectivités locales, conjugué à d’autres choix austéritaires, dans un contexte social dramatisé à souhait, ne correspond plus aux exigences de notre temps.
L’aspiration à la mise en œuvre d’une nouvelle politique économique et sociale ne saurait être assimilée à une simple clause de style. Il ne suffira donc pas seulement de changer la façon de faire de la politique. Il ne suffira pas de décréter l’état d’urgence et de renforcer les moyens, appauvris de 2002 à 2012, de la police, de la justice et des services préfectoraux pour éloigner les ombres qui menacent la démocratie dans notre pays. Il faudra aussi consacrer des moyens nouveaux à l’école, à la formation, au logement social, à l’action déterminée contre les discriminations sociales de toutes sortes, au développement culturel, pour que ce qui fait sens dans la société soit réapproprié par tout un chacun.
Je dois avouer que certaines considérations, prises en compte dans le projet de loi de finances, semblent malheureusement nous éloigner de notre objectif.
Qui a pu dire que le fin du fin de la justice sociale pouvait résider dans la fusion mal étudiée de l’impôt sur le revenu, tel qu’il existe aujourd’hui, avec de multiples défauts, et de la contribution sociale généralisée ?
Malgré les apparences – il s’agit effectivement, par nature, d’impôts –, ces deux impositions ne poursuivent pas les mêmes finalités. Pour l’une, il s’agit d’alimenter le budget de l’État, au travers d’une imposition très largement marquée par des exemptions et allégements de toute sorte qui en pervertissent le sens, et, pour l’autre, il s’agit de financer la sécurité sociale. Autant dire que les risques d’une fusion sont multiples et que cette réforme, si tant est qu’elle devait intervenir, n’aurait rien de progressiste et nous ramènerait à d’autres temps, très anciens.
Il ne faut effectivement pas se faire d’illusions. Si les entreprises assurent la collecte de l’impôt sur le revenu en mettant par exemple en œuvre la retenue à la source, elles demanderont sans doute une compensation financière à l’État pour la « charge administrative » ainsi transférée, une compensation probablement plus coûteuse que le travail des actuels agents de la direction générale des finances publiques.
Je n’insiste évidemment pas sur les arbitrages risqués qui présideront aux éventuels partages de recettes entre impôt sur le revenu et CSG, mais nous sommes convaincus que c’est plutôt du côté de la sécurité sociale que nous trouverons les manques à gagner.
N’oublions pas d’évoquer également le risque de pertes de recettes fiscales découlant, par exemple, de la situation des entreprises. En cas de problèmes financiers, celles-ci auront peut-être quelque peine à faire remonter le produit de l’impôt collecté, comme elles ont souvent quelque lenteur à solder les cotisations sociales en souffrance.
Mais, surtout, ce débat limité sur la fusion entre l’impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée occulte sérieusement les véritables problèmes dont souffre notre dispositif fiscal général.
Rendre plus progressive la CSG est d’ailleurs, pour nous, mission perdue d’avance puisque la véritable réforme de progrès serait de la mettre en déclin et de renforcer l’efficacité et le rendement de l’impôt sur le revenu.
Il faudrait surtout, plutôt que de laisser perdurer sans contrôle des dispositifs tels que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, et le crédit d’impôt recherche, le CIR, réviser quelque peu la participation des entreprises au financement d’une action publique dont elles sont très largement bénéficiaires. Il nous faut ici garder le sens des choses.
L’article 2 du présent projet de loi de finances visait une réduction de 2 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu. Le CICE représente 17 milliards d’euros distribués, et le CIR 5,5 milliards d’euros en plus !
Il faudra bien, un jour, que le Sénat se penche sur les 175 milliards d’euros transitant par les caisses de l’État pour revenir dans celles des entreprises, sur les exonérations de cotisations sociales ou les allégements de taxes locales, toutes mesures qui, au motif de soutenir l’activité, nous conduisent malheureusement, pour aujourd'hui, à 5,7 millions de personnes privées d’emploi dans ce pays.
Nous ne voterons pas en faveur de la motion que M. le rapporteur général, au nom de la majorité sénatoriale, a déposée à l’endroit du projet de loi de finances. Mais nous n’aurions pas plus approuvé celui-ci, attendu qu’il manque de la dimension requise pour donner un caractère progressiste aux actuelles politiques menées dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent.
M. Maurice Vincent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous retrouvons le projet de loi de finances pour 2016 après notre première lecture, mais avec les nouvelles modifications apportées par l’Assemblée nationale.
La première modification réside dans le fait que ce budget comporte désormais toutes ses missions, ce qui est tout de même positif pour le fonctionnement de notre pays. L’Assemblée nationale a en effet rétabli les missions que vous aviez refusé de voter – agriculture, culture, écologie, transports, etc. – et qui sont pourtant essentielles à la vie des Français. Nous ne pouvons que nous satisfaire de cette réintroduction.
Le budget pour 2016 retrouve ainsi un équilibre qui n’est plus fantaisiste comme il l’était à l’issue des travaux du Sénat : il était très excédentaire mais il ne correspondait à aucune réalité. Cela permet d’observer que les prévisions de déficit pour 2016 se situent toujours aux environs de 73 milliards d’euros, en dépit de l’insertion de 750 millions d’euros supplémentaires liée à l’accroissement des moyens de la police, de la défense et de la justice imposé par la lutte contre le terrorisme et approuvé par tous. Nous ne sommes pas d’accord avec M. Delahaye sur ce point, car ces 750 millions d’euros ont en réalité été absorbés dans ce déficit.
Ce budget continue donc à progresser vers la maîtrise de la dette…
M. Philippe Dallier. Oh !
M. Maurice Vincent. … et permet, dans le même temps, de produire des services publics de qualité, tout en soutenant, autant que faire se peut, la croissance économique.
Nous l’avons vu ce matin en commission des finances, l’examen détaillé des articles montre que de nombreux apports du Sénat ont été repris par les députés – sur ce point, je partage les propos de M. le rapporteur général. Cela est positif et illustre l’intérêt du bicamérisme. Je signalerai néanmoins deux déceptions ponctuelles.
La première concerne les modifications de nos choix sur la taxation des revenus de l’économie collaborative, avec la suppression du seuil de 5 000 euros. La qualité du rapport sénatorial sur la question nous plaçait plutôt « en avance » par rapport au texte finalement adopté à l’Assemblée nationale.
La seconde a trait au rejet du dispositif du crédit d’impôt pour les activités sociales, qui rétablissait l’équité de traitement entre sociétés privées et organismes à but non lucratif fournisseurs de services sociaux.
En revanche, sur des points essentiels, nous retrouvons désormais des dispositions positives que la majorité sénatoriale avait cru bon de supprimer. Dans le domaine fiscal, l’Assemblée nationale a ainsi rétabli à juste titre les dispositions très clairement favorables à une meilleure justice sociale. Je pense aux décotes pour les familles modestes, aux 500 millions d’euros au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune supprimés par le Sénat, à la taxe sur les transactions financières intraday, au financement des emplois aidés et de nombreuses dispositions pour les jeunes, et, enfin, au soutien à l’investissement des entreprises, pour ne citer que quelques exemples.
Au terme de ce long exercice d’examen, je veux saluer ici la qualité du travail qui a été réalisé par l’ensemble des parlementaires, des collaborateurs et personnels techniques et administratifs du Sénat.
La comparaison des projets produits par nos deux assemblées me conduit à formuler trois remarques en guise de conclusion.
Premièrement, je le disais à l’instant, sur la sécurité de nos concitoyens et le soutien à nos forces de police et de gendarmerie ainsi qu’à nos forces militaires, nous avons démontré notre capacité à nous rassembler ; cela mérite d’être souligné.
Deuxièmement, sur les grandes orientations économiques et financières pour notre pays, des divergences fondamentales demeurent, il est vrai, entre la droite et la gauche, qui ressortent des deux projets de budget successivement approuvés à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Je pourrai résumer ce qui nous sépare et qui justifiera, de notre point de vue, le rejet de la motion tendant à opposer la question préalable : d’un côté, des choix plus solidaires, une plus grande justice sociale, un soutien beaucoup plus affirmé aux services publics, une rigueur budgétaire réelle mais adaptée à la conjoncture actuelle ; de votre côté, la préférence pour toujours moins d’État, moins de cohésion sociale, moins de redistribution, plus d’individualisme et une très grande rigueur budgétaire, mais qui n’a pourtant jamais été mise en œuvre par le passé…
J’ajouterai un troisième regret au terme de cette nouvelle lecture. Dans le budget présenté par la majorité sénatoriale, il manquait beaucoup de missions. Bien que, sur ces missions, des désaccords persistent entre nous, cette absence est particulièrement regrettable, car elle nous empêche de voir si une autre option de politique budgétaire pour notre pays est crédible. Cela montre aujourd’hui une réelle incapacité de l’opposition nationale et de la majorité sénatoriale à préconiser, en tout cas à illustrer concrètement, à « documenter » une vraie politique budgétaire alternative. Il n’y en a pas ! Telle est la conclusion que je tire à ce stade.
Vous comprendrez, dans ces conditions, que nous ne votions pas la motion tendant à opposer la question préalable. Nous préférerions en rester au projet de budget tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 nous revient en nouvelle lecture dans une version qui diffère au fond assez peu de celle qui avait été initialement soumise au Sénat. L’opinion générale des écologistes sur la politique que ce texte définit n’a donc pas non plus beaucoup varié.
Nous persistons à considérer qu’il était et qu’il est toujours assez inopportun de chercher à réduire le déficit à marche forcée, en même temps que l’on garantit aux entreprises des dizaines de milliards d’euros de nouvelles exonérations fiscales et sociales. Pour un bénéfice au final très discutable, cette politique a un coût très élevé : d’abord, à travers le transfert de fiscalité en faveur des entreprises ; ensuite, par le recul des services publics, notamment dans les territoires périphériques. Or, malheureusement, force est de constater que la population la plus touchée par cette politique est aussi celle qui exprime, scrutin après scrutin, un sentiment d’abandon toujours plus prégnant.
Nous n’avons toujours pas compris, par ailleurs, quel aura été l’impact budgétaire réel des quelque 750 millions d’euros de dépenses nouvelles relatives à la sécurité – nous les avons tous votées – engagées en urgence après les attentats. Les expressions successives du Président de la République, lors du Congrès, et des différents ministres, de Bercy ou des relations avec le Parlement, ont été pour le moins contradictoires à ce sujet. Pourriez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, quel traitement budgétaire a finalement été réservé à ces 750 millions d’euros ? Contribuent-ils à dégrader le solde ou bien ont-ils été compensés et, dans ce dernier cas, par quoi ?
En matière d’écologie, la contribution essentielle de ce projet de loi reste la réduction de près d’un millier d’emplois au sein de la mission. On y cherchera donc vainement la traduction du sentiment d’urgence qui a émaillé les discours du Président de la République et du ministre des affaires étrangères lors de la COP 21.
Pour le reste de la politique budgétaire et fiscale relative à la transition écologique, nous sommes censés nous référer au projet de loi de finances rectificative. J’ai eu l’occasion, à maintes reprises, en me répétant quelque peu, d’exprimer mon profond regret devant cette répartition des mesures tout à fait inappropriée. S’il fallait en proposer une illustration, ce pourrait être la vie fulgurante de l’article 8 bis de ce projet de loi.
Introduit à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, cet article amorçait, dans l’urgence, un rattrapage de fiscalité entre l’essence et le diesel. D’emblée, la répartition annoncée avait donc vécu, puisque l’on examinait une partie de la fiscalité des carburants, et une partie seulement, dans le projet de loi de finances.
Après la suppression de cet article par le Sénat, on s’attendait à ce que le Gouvernement, mû par la même nécessité qu’en première lecture, en demande le rétablissement à l’Assemblée nationale. Mais non ! Le projet de loi de finances rectificative en navette semblait désormais le satisfaire, et le leurre de l’article 8 bis ayant dignement rempli son office fut abandonné.
Pour reprendre une expression qui a souvent cours au sein de la commission des finances – depuis Jean Arthuis, me semble-t-il –, le Gouvernement, en jouant sur des renvois complexes entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative, nous demande, au moment d’adopter l’un des textes, « d’acheter un lapin dans un sac » ! Il va donc nous falloir réfléchir, mes chers collègues, aux moyens d’ausculter le lapin pour redonner un peu de cohérence à nos discussions non pas cynégétiques mais budgétaires de l’automne.
Même si le texte, je l’ai dit, a peu bougé, il me faut tout de même relever, sans prétendre à l’exhaustivité, quelques évolutions positives par rapport à la première lecture.
Tout d’abord, trois de nos amendements, adoptés par le Sénat, ont été maintenus par l’Assemblée nationale : l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les zones Natura 2000 ; la sécurisation législative des modalités de financement des associations de surveillance de la qualité de l’air ; la demande d’enrichissement des annexes budgétaires à propos des contentieux européens. La baisse de la TVA sur les protections hygiéniques féminines a également été préservée ; j’en remercie le Gouvernement.
Ensuite, sur quelques autres sujets, l’Assemblée nationale a rétabli sa version, que le Sénat avait, de mon point de vue, dégradée. Je pense par exemple à la TGAP sur les installations classées, à la taxe intrajournalière sur les transactions financières ou encore à l’amorce d’une CSG progressive, réintroduites dans le texte.
Je regrette en revanche que l’Assemblée nationale n’ait pas préservé le crédit de taxe sur les salaires inférieurs à 2,5 SMIC pour les organismes privés à but non lucratif du secteur sanitaire et social.
Si ce texte est encore loin de ce qu’attendaient les écologistes, la version qui nous est soumise en nouvelle lecture constitue néanmoins une amélioration, sur un certain nombre de points précis, par le travail successif des deux chambres.
Pour conclure, je souhaiterais rappeler que c’était la première année que le projet de loi de finances s’accompagnait d’un rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse. Je m’en félicite et je renouvelle mon souhait, pour les années à venir, que ce rapport bénéficie d’un contenu plus abouti et puisse, concrètement, participer de la définition de notre politique budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat avait pleinement joué son rôle en première lecture, examinant le projet de loi de finances pour 2016 jusqu’à son terme, y apportant un grand nombre de modifications substantielles, souhaitant ainsi y imprimer sa marque.
Las, comme l’on pouvait s’y attendre, après une commission mixte paritaire qui fut, certes, cordiale mais brève et surtout non conclusive, la majorité gouvernementale n’a pas jugé bon, lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, de retenir les principales propositions de la Haute Assemblée.
M. Alain Fouché. C’est dommage !
M. Philippe Dallier. À vrai dire, cela ne nous étonne guère.
Pourtant, les propositions du Sénat étaient favorables aussi bien aux familles qu’aux entreprises, comme elles l’étaient pour nos collectivités territoriales, sur lesquelles le Gouvernement continue de faire peser, en grande partie, le faible effort de réduction de son propre budget, les conduisant inexorablement dans une impasse budgétaire.
Alors qu’avions-nous fait, ici au Sénat ?
Nous nous étions tout d’abord attachés à redonner du pouvoir d’achat aux familles et aux classes moyennes, qui, répétons-le, sont les premières victimes de la politique fiscale que le Gouvernement s’entête à conduire depuis bientôt quatre ans. La majorité sénatoriale avait ainsi choisi de transformer la baisse de l’impôt sur le revenu, proposée par le Gouvernement, qui était concentrée sur les premiers déciles, en une baisse du taux marginal d’imposition de la troisième tranche du barème, le ramenant de 30 % à 28 %.
Cette modification du barème de l’impôt sur le revenu permettait de redonner du pouvoir d’achat à 5 millions de contribuables, la véritable classe moyenne, celle sur la définition de laquelle nous ne parvenons toujours pas à nous mettre d’accord, monsieur le secrétaire d’État, mais qui a subi de plein fouet les effets de votre politique fiscale.