M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. « Pour résoudre la crise climatique, je vous le dis franchement : les bons sentiments, les déclarations d’intention ne suffiront pas, nous sommes au bord d’un point de rupture ». Ces mots, monsieur le secrétaire d’État, ne sont pas ceux d’un écologiste exalté, assigné à résidence ; ces mots sont ceux par lesquels le Président de la République a ouvert la conférence de Paris pour le climat. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Richard Yung. Très bien !
M. André Gattolin. À l’évidence, ils appellent une inflexion majeure de notre modèle de développement, dont nous attendons, année après année, la traduction législative, en particulier fiscale.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré la gravité de l’enjeu, perçue à la tête de l’État, le Gouvernement a décidé – pour quelle raison ? - d’exclure la fiscalité écologique de la discussion budgétaire et de l’aborder, quelque peu à la va-vite, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative. Un projet de loi de finances de rattrapage, en somme, que le calendrier ne nous permet pas d’examiner avec le sérieux qu’il mériterait !
Que trouve-t-on dans ce texte, au milieu de la grosse centaine d’articles qui le composent désormais ?
D’abord, le prix de la tonne de carbone pour 2017, mais pour cette seule année.
Alors que le Gouvernement prône, à longueur de débat budgétaire, la nécessité d’offrir aux entreprises une visibilité de long terme sur la fiscalité, il semble cette fois privilégier l’effet de surprise ! Pourtant, chacun sait bien que le principe même de la contribution climat-énergie consiste à envoyer un signal de long terme, pour permettre aux acteurs économiques de programmer leur adaptation.
Vraiment, monsieur le secrétaire d’État, je peine à comprendre…
De plus, ce texte pérennise et accroît les exceptions au principe d’universalité de la contribution climat-énergie.
Alors que les particuliers seront touchés par la hausse de cette contribution, l’aviation reste épargnée et les entreprises électro-intensives y gagnent même une nouvelle exonération.
« C’est l’enjeu de l’introduction progressive du prix du carbone pour que les émissions de gaz à effet de serre aient un coût qui corresponde aux dommages infligés à la planète ; et pour que les choix d’investissement soient peu à peu modifiés. » Là encore, ces mots sont ceux du Président de la République !
Alors pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, en quoi votre projet de loi permet, pour l’aviation et l’industrie électro-intensive – deux secteurs très producteurs de carbone –, une correspondance entre coût et dommages, et une modification des choix d’investissement ?
Les adaptations et les mutations, je vous l’accorde, sont rarement simples. Mais quand la voiture à moteur est apparue, il a bien fallu, à l’époque, procéder à la reconversion des manufactures de fiacres ! Pourtant, nos externalités négatives ne se limitent pas aujourd’hui, et tant s’en faut, à du crottin sur la chaussée !
En revanche, s’agissant de l’électricité, je me félicite de la budgétisation de la CSPE.
Les écologistes ont suffisamment dénoncé le déni de démocratie ayant prévalu dans le choix de nucléariser la France pour ne pas approuver l’affirmation du rôle du Parlement dans la définition de la politique énergétique.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Article 34 de la Constitution !
M. André Gattolin. Pour autant, nous serons très attentifs à ce que cette évolution ne se traduise pas par une entrave au développement des énergies renouvelables, à un moment où le réacteur pressurisé européen, l’EPR, semble se voir offrir, pour reprendre une expression devenue populaire grâce à M. le secrétaire d’État, un open bar en matière de crédits !
Les énergies renouvelables, les transports collectifs, l’agriculture biologique ont pourtant un besoin crucial d’investissement et de financement. Dans une bonne gestion, la fiscalité écologique devrait y contribuer pleinement, mais, malheureusement, elle semble ici, et pour l’essentiel, ne servir qu’à financer les baisses de charges consenties, sans condition, à toutes les entreprises.
La « profonde mutation » appelée par le Président de la République risque fort de devoir attendre !
Pour conclure, je voudrais m’arrêter plus particulièrement sur deux articles de ce « PLFR-bazar », où l’accessoire côtoie souvent l’essentiel.
Ma première remarque portera sur l’article 35 quater, qui exonère de droits de mutation les dons reçus par les victimes d’actes de terrorisme et par leur famille.
Je tiens ici à saluer cette mesure, que j’avais d’ailleurs appelée de mes vœux au lendemain des terribles attentats du 13 novembre dernier.
La moindre des choses pour un État digne de ce nom, avant de s’engager dans une guerre qualifiée de totale contre le terrorisme islamique, c’est de prendre soin – un soin irréprochable et dans la durée – de ses blessés. En la matière, et nous le savons tous, l’oubli guette, bien plus vite qu’on ne le croit, abandonnant les victimes à leur souffrance et à leurs incommensurables difficultés quotidiennes.
C’est donc bien – même essentiel – d’en appeler à la solidarité de chacun et de compléter cet effort de solidarité par une exonération fiscale. Mais cela ne suffit pas, car on ne répond pas aux interrogations qui planent toujours quant à la solvabilité du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et, surtout, à l’incroyable complexité de l’actuelle procédure d’indemnisation. Cette complexité ajoute au malheur personnel la violence des méandres bureaucratiques affectant notre pays.
Comment expliquer, monsieur le secrétaire d’État, que l’on n’ait toujours pas instauré un guichet unique pour les démarches liées à ce type d’indemnisation ?
Mon second et ultime point concerne l’article 30 quater, qui a été introduit par l’Assemblée nationale et que notre rapporteur général, à l’unisson du Gouvernement, souhaiterait voir disparaître.
Cet article porte sur la régularisation du statut, en matière de TVA à taux réduit, de quelques sites d’information indépendants qui font actuellement l’objet de redressements proprement disproportionnés de la part de l’administration fiscale. Sur les plus de 5 millions d’euros qui leur sont aujourd’hui réclamés, plus de 25 % le sont au titre d’un manquement délibéré.
En réalité, nous sommes là face à de bien étranges fraudeurs… Au cours des années incriminées, ils n’ont jamais manqué d’informer l’administration qu’ils s’appliquaient ce taux, sans se voir notifier officiellement qu’ils étaient en infraction !
M. André Gattolin. Vous vous en expliquerez, monsieur le secrétaire d’État.
La mise en conformité du droit fiscal avec celui de la presse, pourtant inscrite dans la loi de 1986 et réaffirmée par le président Nicolas Sarkozy en janvier 2009, est bel et bien l’objet central de cet article tardif.
Telles étaient, mes chers collègues, les remarques qu’il m’aura été permis de formuler dans le temps qui m’était imparti. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, du groupe socialiste et républicain et du CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, à peine avons-nous achevé l’examen du projet de loi de finances pour 2016 que nous nous plongeons dans celui du collectif budgétaire.
Ce dernier nous permet d’évaluer la mise en œuvre de la loi de finances initiale pour 2015 et de procéder aux ajustements que les aléas rencontrés au cours de son exécution rendent nécessaires. Il autorise des mouvements de crédits et donne une nouvelle estimation du niveau des recettes. Toutefois il ne comporte pas les dépenses supplémentaires annoncées au lendemain du 13 novembre pour renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme, dépenses qui figurent désormais dans le projet de loi de finances pour 2016.
Je vais d’abord évoquer les principaux indicateurs macroéconomiques.
Le déficit de l’État – 73,3 milliards d’euros – est revu à la baisse de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale. C’est une bonne nouvelle, à porter au crédit de taux d’intérêt toujours très bas, qui ont logiquement allégé le service de la dette.
En 2015, la conjoncture en Europe s’est quelque peu améliorée, avec un début de reprise économique, principalement dû, il est vrai, à des facteurs exogènes : baisse du prix du pétrole et baisse de l’euro.
L’inflation, toujours très en dessous de l’objectif de 2 % fixé par l’Union économique et monétaire, est toutefois restée positive. Nous avons jusqu’ici échappé à la spirale de la déflation, contrairement aux inquiétudes exprimées l’an dernier.
La croissance reste inchangée par rapport à la prévision, à 1 % du PIB.
Le solde effectif est estimé à moins 3,8 % et le solde structurel s’établirait à moins 1,7 % du PIB. Cela traduit une amélioration, respectivement de 0,6 et de 0,7 point, par rapport à la loi de finances rectificative pour 2014.
Le cap vers le redressement des finances publiques est donc respecté et le passage sous la barre des fameux 3 % de déficit ne paraît pas nécessairement hors d’atteinte à l’horizon de 2017. Mais, comme vous le voyez, mes chers collègues, je reste prudent…
Enfin, le projet de loi prévoit une baisse timide des prélèvements obligatoires, qui passeraient de 44,9 % à 44,6 % du PIB. Il actualise également les prévisions de recettes de l’État, désormais très proches de celles de la loi de finances initiale pour 2015, avec un écart limité à 100 millions d’euros.
Toutefois, cette situation ne doit pas nous faire relâcher notre effort en matière de maîtrise de la dépense et de rétablissement des comptes publics.
M. Yvon Collin. Tout à fait !
M. Jean-Claude Requier. La situation générale demeure fragile, et le bilan budgétaire relativement positif de l’année 2015 pourrait être sans lendemain, si l’un des facteurs macroéconomiques venait soudain à se dégrader. Restons donc très vigilants !
Ce projet de loi de finances rectificative comporte un grand nombre d’articles – peut-être trop -, des articles souvent techniques et dont le nombre s’est encore accru lors du passage à l’Assemblée nationale.
Cela m’amène à formuler une interrogation : ce texte est-il approprié pour présenter un nombre si important de mesures, alors qu’il intervient en toute fin d’année, après le vote du projet de loi de finances pour 2016, qui a bien sûr concentré toute l’attention ?
En particulier, vu le nombre de dispositions fiscales, il serait plus juste de parler de « collectif fiscal » que de « collectif budgétaire ». Cela pose un réel problème de stabilité juridique, d’autant que les mesures fiscales peuvent s’appliquer de manière rétroactive.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Ainsi, le RDSE regrette profondément la mesure visant à prélever 255 millions d’euros sur les réserves du Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Alors que le secteur agricole traverse toujours une période difficile – le sujet a été évoqué ici même, hier soir –, alors qu’il a subi des pertes importantes du fait des conditions climatiques de cette année, ces réserves sont plus que jamais nécessaires face aux aléas naturels, par essence imprévisibles, plus encore que la conjoncture économique.
C’est pourquoi nous proposerons un amendement de suppression de cette disposition, qui nous semble injustifiée, voire très risquée.
En dépit des points de critique, et des possibles désaccords, nous approuvons la politique économique du Gouvernement (Exclamations.)…
M. Vincent Capo-Canellas. Nous ne vous suivons plus, monsieur Requier !
M. Alain Gournac. Le début de l’exposé était très bien !
M. Jean-Claude Requier. … que vous représentez ici, monsieur le secrétaire d’État, avec votre rigueur de professeur de mathématiques et de Lorrain. (Sourires.) Nous approuvons également l’essentiel des orientations budgétaires.
Mais nous entendons aussi apporter notre contribution par le biais d’amendements portant sur des matières diverses.
Nous réitérerons, par exemple, nos propositions en faveur de la couverture numérique du territoire, pour que les zones rurales bénéficient enfin d’une offre haut débit. Nous encouragerons l’activité des PME présentes sur l’ensemble du territoire national, dans le cadre de la mise en conformité avec les règles européennes du dispositif ISF-PME.
Telles sont, rapidement exposées, les orientations que nous défendrons lors de la discussion des articles.
Nous serons attentifs aux différents sujets abordés en séance par les uns et les autres, et déterminerons notre vote final à l’issue de nos débats, au regard des modifications qu’aura approuvées la Haute Assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord une question sur la méthode.
J’entends, venant de la majorité sénatoriale, une longue litanie de plaintes, comme le chœur d’une tragédie grecque. Le projet de loi de finances rectificative comprendrait trop d’articles, il aurait été par trop étoffé à l’Assemblée nationale… Mais n’est-ce pas le travail du Parlement que de faire adopter des amendements, de faire passer des idées ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous souhaiterions simplement avoir le temps d’examiner les amendements !
M. Richard Yung. Voulez-vous qu’il n’y ait plus de discussion, que nous procédions par vote bloqué, chers collègues ? Non, bien sûr ! Dès lors, je ne comprends pas de quoi vous vous plaignez.
« Pourquoi parle-t-on de fiscalité de l’énergie, du financement des entreprises, de celui du commerce extérieur ? », demandez-vous… Pensez-vous vraiment que ces sujets n’ont pas besoin d’être traités ?
M. Philippe Dallier. C’est juste qu’il aurait fallu les traiter voilà trois ans !
M. Richard Yung. Qu’ils le soient dans le cadre du projet de loi de finances ou du projet de loi de finances rectificative, quelle différence, sur le fond ? La semaine dernière, nous discutions du premier ; aujourd'hui, jeudi, nous discutons du second.
Au contraire, le choix retenu permet un véritable débat. Jean-Claude Lenoir, qui a quitté l’hémicycle, semblait considérer comme nécessaire que le Parlement reprenne en main la discussion sur la fiscalité énergétique. C’est exactement ce pour quoi nous sommes réunis !
Donc, nous avons du mal à vous suivre…
J’évoquais un chœur de tragédie grecque, mais quelqu’un – il me semble que c’est vous, monsieur le secrétaire d’État – a aussi qualifié certaines interventions, notamment celle du rapporteur général, de discours de Cassandre. Au fond, me suis-je dit, c’est plutôt une bonne nouvelle ! Cassandre, en effet, a reçu le pouvoir de prévoir l’avenir, mais sa malédiction, c’est que personne ne la croit !
M. Philippe Dallier. C’est comme la courbe du chômage !
M. Richard Yung. Après ce petit détour par la mythologie, revenons-en à la réalité des chiffres.
M. Jean-François Husson. Il est vrai qu’il vaut mieux parler de mythologie plutôt que de chômage !
M. Philippe Dallier. Mais c’est là où cela fait mal !
M. Richard Yung. Je ferai simplement quelques observations.
Le chiffre de la croissance pour 2015 – 1,1 % – est conforme aux prévisions établies l’an dernier, même si, il faut bien le dire, celle-ci se traîne un peu. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
M. Philippe Dallier. La croissance ne se décrète pas !
M. Richard Yung. Je dis les choses comme je les pense : je préférerais une croissance comprise entre 2 % et 2,5 % qui permette la création d’emplois. C’est de cela qu’il s’agit ! Mais la société française est traversée par un certain nombre de rigidités – vous les connaissez bien, mes chers collègues de la majorité sénatoriale – qui suscitent des résistances et des oppositions chaque fois que l’on veut changer quelque chose.
Par ailleurs, il faut compter avec la conjoncture internationale et européenne. On cite toujours l’Allemagne en exemple, mais, dans ce pays, le taux de croissance oscille entre 1,5 % et 1,7 %, ce qui n’est pas non plus extraordinaire. À cet égard, j’espère que les événements dramatiques du 13 novembre n’auront pas d’impact ; on a tendance à considérer que leur effet sur la croissance ne sera que passager. Espérons !
Le taux d’inflation, quant à lui, est très faible. Malheureusement, jusqu’à présent, l’action de la Banque centrale européenne n’a pas permis à cette inflation de remonter, dans un premier temps, au niveau envisagé de 1 %, puis, dans un second temps, à l’objectif de 2 % que la BCE s’est fixé.
Je souligne en tout cas que le Haut Conseil des finances publiques a validé les prévisions arrêtées pour le taux de croissance et le taux d’inflation.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Oui !
M. Richard Yung. Le cap budgétaire sera tenu, ce que vous aviez presque l’air de regretter, monsieur Capo-Canellas. (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC, du groupe Les Républicains et du RDSE.) Or c’est plutôt une bonne nouvelle dont il faut se réjouir ! Nous respectons ce à quoi nous nous sommes engagés !
M. Jean-François Husson. Pour une fois !
M. Richard Yung. S’agissant des recettes, je ne reviens pas sur les différents chiffres qui ont été cités. Le vrai problème tient au fait que les recettes de TVA devraient être inférieures aux prévisions, en raison notamment du ralentissement de l’inflation.
Le taux des prélèvements obligatoires a très légèrement diminué, de 0,3 %. Certes, c’est faible – vous prétendez quant à vous qu’il ne baisse pas –, mais c’est en tout cas la première fois qu’on enregistre ainsi une telle évolution positive – cela fait presque dix ans que cela n’était pas arrivé.
M. François Marc. Eh oui !
M. Richard Yung. Comme on dit, ce qui est important, c’est l’inversion du signe de la dérivée. À partir de là, on peut espérer que ce mouvement se poursuivra.
Les dépenses, quant à elles, diminuent de 6 milliards d’euros.
Je veux dire un mot rapidement du déploiement du dispositif PEA-PME. Les ajustements qui lui seront apportés devraient permettre de drainer de l’épargne et donc des fonds propres vers les entreprises. Car c’est là une des faiblesses de notre système productif.
Autre enjeu, celui du financement de l’export. En 2012, sous l’impulsion de Nicole Bricq, alors ministre, le Gouvernement avait engagé une réforme du volet « financement » du dispositif de soutien public aux exportations, dans l’objectif d’aider les entreprises françaises à faire face à la concurrence internationale. Le présent projet de loi de finances rectificative marque une étape supplémentaire avec le transfert de la gestion des garanties publiques à l’export de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, vers Bpifrance.
Nous pensons que c’est là une excellente mesure, qui permettra notamment de financer les très grosses opérations d’exportation, notamment des Airbus. En effet, nous n’avons pas encore le bon système pour financer ce type d’opérations, ce qui pose problème, mais je ne développe pas.
En conclusion, mes chers collègues, vous comprendrez et ne serez pas surpris que notre groupe soutienne le projet de loi de finances rectificatives pour 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Tous les articles ?
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le collectif budgétaire de fin d’année, qui vise traditionnellement à rectifier les prévisions budgétaires du projet de loi de finances initiale, est devenu sous ce quinquennat une véritable « auberge espagnole gouvernementale », si vous me permettez cette expression !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est open bar !
M. Jean-François Husson. Comme l’an passé, le Gouvernement fait passer des dizaines d’amendements à l’Assemblée nationale et nous nous retrouvons avec un projet de loi de finances rectificative qui a quasiment triplé de volume, passant de 43 articles à 110 articles.
Monsieur le secrétaire d'État, c’est absolument déraisonnable, surtout dans les conditions d’examen que nous connaissons, ce texte nous ayant été transmis seulement avant-hier. Nombre de mes collègues ont souligné cette difficulté, pour ne pas parler d’une anomalie.
Comment, en effet, avoir le temps de travailler sérieusement sur des sujets aussi importants que la fiscalité énergétique, mais aussi l’aide aux départements, la réforme des valeurs locatives, la réforme des zones de revitalisation rurale, la réforme des organismes de gestion agréés, la refonte de la taxe pour création de bureaux, la révision de la taxe sur les surfaces commerciales, de l’ISF-PME, de la taxe foncière, pour ne citer que ces quelques exemples ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Encore open bar !
M. Jean-François Husson. À cette inflation d’articles issus d’amendements du Gouvernement s’ajoute un enchevêtrement de dispositions nouvelles entre le projet de loi de finances initiale et le projet de loi de finances rectificative.
Le Gouvernement, je le souligne, a en effet repris à son compte un certain nombre d’amendements de la majorité sénatoriale déposés sur le projet de loi de finances, comme notre rapporteur général l’a rappelé.
C’est une chose que de reconnaître la pertinence de nos amendements, parfois avec un peu de retard – je pense, par exemple, à la taxe foncière dans les zones tendues –, mais tirer la couverture à soi et en oublier les droits d’auteur en est une autre !
Mais cet enchevêtrement concerne également des dispositifs proposés par le Gouvernement lui-même, avec des votes quelque peu contradictoires qui rendent l’exercice budgétaire illisible !
L’impréparation, les contradictions et les renoncements ne font pas bon ménage avec la nécessaire rigueur qui doit présider à la construction budgétaire fixant les engagements de l’État, pour lui-même, bien sûr, mais pas seulement.
C’est le cas notamment de la convergence de la fiscalité du diesel et de l’essence ; j’y suis personnellement favorable. À cet égard, je rappelle que la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air, que j’ai eu l’honneur de présider, a estimé à plus de 100 milliards d’euros le coût, pour la seule France, de cette pollution, soit l’équivalent des moyens que l’on souhaite mobiliser dans le futur contre le réchauffement climatique, mais à l’échelle de la planète…
Si la pollution par particules fines a d’autres sources que les véhicules, il faut reconnaître que la diésélisation du parc automobile en France a aussi sa part de responsabilité.
Certes, les nouveaux moteurs diesel sont moins polluants que par le passé, mais le parc de ces véhicules est vieillissant et les constructeurs doivent disposer d’un temps d’adaptation. Renault et PSA ont déjà fait le choix de réserver leurs petites citadines à un usage essence, choix qui préfigure la réorientation du parc automobile.
Entre le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative, le message adressé à nos concitoyens est devenu brouillon. Dans le premier texte, la taxe sur le diesel augmentait et la taxe sur l’essence baissait ; dans le second, on se retrouve avec une différenciation fiscale entre les différents types d’essence. Tout cela entretient pour le moins le flou et la confusion.
Pour ma part, je défendrai des amendements tendant à préserver un écart de fiscalité entre l’essence, le gaz naturel véhicule et le GPL carburant, écart rendu nécessaire à la suite de la modification des valeurs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques pesant sur le gazole et l’essence. Ces carburants sont en effet très peu polluants, y compris en termes de rejets de C02, objet de toutes les attentions en cette période de COP 21.
D’une manière plus générale, nous ne pouvons que regretter que ces nombreuses mesures fiscales si importantes sur l’énergie soient examinées dans les conditions que j’ai décrites. Néanmoins, j’ose espérer, monsieur le secrétaire d'État, que ce n’est pas à dessein…
En effet, alors que le Gouvernement martèle, dans le cadre du projet de loi de finances, un discours de baisse des impôts, dans le même temps il prévoit, presque cyniquement, dans le collectif budgétaire de toute fin d’année, des hausses importantes de la fiscalité des ménages. Il démontre ainsi que la promesse de « pause fiscale », énoncée par le Président de la République en 2013, en 2014, et en 2015, sera encore un mensonge en 2016, tout comme la promesse, faite chaque année depuis 2013 par le même Président de la République, d’inversion de la courbe du chômage !
Avec plus de 1 milliard d’euros de hausse de la facture d’électricité en 2016, plus de 1 milliard d’euros de hausse de la fiscalité des carburants en 2016 et en 2017, près de 4 milliards d'euros de hausse de la contribution climat-énergie à partir de 2016 à l’horizon 2030, dans les conditions actuelles temporaires de prix du pétrole, la pause fiscale n’aura pas fait long feu !
Et cela touchera malheureusement tous les Français, quelles que soient leurs conditions et où qu’ils habitent.
Dès lors, il n’est pas étonnant de constater que le taux de prélèvements obligatoires restera, en 2016, quasiment au même niveau qu’en 2015. La France demeurera malheureusement sur la deuxième marche du podium des pays de l’OCDE, simplement devancée par le Danemark.
Cela s’ajoute aux mauvais résultats de l’année 2015. Après une quasi-stagnation en 2014, le déficit public ne serait réduit que de 0,2 point en 2015. Or, en 2012, le Président de la République prévoyait de ramener le déficit à 1,3 % du PIB !
Le déficit de la France place notre pays en queue de peloton de la zone euro. En 2015, parmi les grandes économies de cette zone, seule l’Espagne aura un déficit public supérieur à celui de la France.
Monsieur le secrétaire d'État, nous sommes encore loin de notre premier partenaire commercial, l’Allemagne, qui prévoit des comptes à l’équilibre en 2015.
Il en est de même pour le taux de croissance attendu.
S’agissant du chômage, la dernière fois que la France a eu un taux aussi élevé, ce n’était même pas au cours de la période 2008-2009, à laquelle d’aucuns aiment à se référer pour expliquer les difficultés d’aujourd’hui, mais en 1998. Il faut regarder la vérité en face !
Rappelons enfin que, en 2015, notre dette s’approchera dangereusement des 100 % de la richesse nationale.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous ne pourrons voter en l’état ce projet de loi de finances rectificative pour 2015. Nous le ferons cependant, mais dans une version modifiée par notre commission des finances, sous l’impulsion de son rapporteur général, et bien sûr avec le soutien de la majorité sénatoriale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)