M. Jean-François Longeot. La transition énergétique prévoit de développer l'investissement participatif dans les énergies renouvelables et les initiatives des citoyens dans ce secteur se multiplient, créant des emplois dans nos territoires. Elles s'inscrivent dans le champ de l'économie sociale et solidaire et répondent aux principes que celle-ci sous-tend, ainsi que dans les logiques de circuit court de l'énergie verte.
L’objet de cet amendement est de lever les obstacles relatifs à la réduction d'impôt, notamment de l’impôt de solidarité sur la fortune obtenue au titre d'investissements dans les PME, afin de faciliter l'essor de tels projets locaux promus par des citoyens au travers de structures ayant l'agrément « entreprise solidaire d'utilité sociale », d'amorcer une dynamique et d'accroître l'acceptabilité des énergies renouvelables par les riverains à de tels projets.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je développerai deux arguments.
Premièrement, dans l’objet de cet amendement, il est indiqué que la réduction d’impôt qui est proposée l’est au titre du dispositif ISF-PME ; or tel n’est pas le cas, puisque l’article du code général des impôts auquel il est fait référence concerne l’impôt sur le revenu. De fait, on ne sait pas vraiment si c’est la réduction Madelin ou la réduction ISF qui est visée.
Deuxièmement, sur le fond, nous ne sommes pas favorables à étendre les avantages fiscaux, tant au dispositif IR-PME qu’au dispositif ISF-PME, à des activités bénéficiant d’un revenu garanti et donc d’une certaine sécurité. Or les tarifs d’achat de ces énergies renouvelables – l’hydraulique, le photovoltaïque ou l’éolien – sont garantis par l’État. Je rappelle en outre que ce type de production d’énergie bénéficie déjà d’avantages fiscaux.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Le Gouvernement considère quant à lui que cet amendement vise l’avantage fiscal dit « Madelin ».
Toutefois, la proposition que vous formulez, monsieur le sénateur, est en partie satisfaite par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique, qui rend éligibles les activités de production d’électricité photovoltaïque pour les versements à compter du 1er janvier 2016 lorsque l’activité ne procure pas des revenus garantis.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Longeot, l'amendement n° II-273 est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Je retravaillerai la rédaction de cette disposition. En attendant, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° II-273 est retiré.
L'amendement n° II-501 rectifié bis, présenté par MM. Dantec, Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 33 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 199 terdecies-0 B du code général des impôts, il est inséré un article 199 terdecies-0 … ainsi rédigé :
« Art. 199 terdecies-0 … I.- 1° Les contribuables domiciliés fiscalement en France peuvent bénéficier d’une réduction de leur impôt sur le revenu égale à 18 % des versements effectués au titre de souscriptions en obligations de sociétés.
« 2° Le bénéfice de l’avantage fiscal prévu au 1° est subordonné au respect, par la société bénéficiaire de la souscription, des conditions suivantes :
« a) La société est une société par actions ou coopérative constituée pour porter un projet de production d’énergie renouvelable au sens de l’article L. 314-27 du code de l’énergie ;
« b) Les titres de la société ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger ;
« c) La société a son siège social dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ;
« d) La société est soumise à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou y serait soumise dans les mêmes conditions si l’activité était exercée en France ;
« e) Les souscriptions à des obligations de la société confèrent aux souscripteurs les seuls droits résultant de leur qualité de détenteur d’obligation, à l’exclusion de toute autre contrepartie notamment sous la forme de tarifs préférentiels ou d’accès prioritaire aux biens produits ou aux services rendus par la société ;
« 3° Le montant de la souscription réalisée par le contribuable est pris en compte, pour l’assiette de la réduction d’impôt, net d’impôts et d’éventuelles commissions d’intervention. La réduction d’impôt sur le revenu est accordée au titre de l’année de la clôture de l’exercice de la société mentionnée au premier alinéa au cours duquel le contribuable a procédé à la souscription.
« II. - Les versements ouvrant droit à la réduction d’impôt mentionnée au I sont retenus dans la limite annuelle de 50 000 € pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 100 000 € pour les contribuables mariés soumis à imposition commune.
« La fraction d’une année excédant, le cas échéant, les limites mentionnées au premier alinéa ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions au titre des quatre années suivantes.
« La réduction de l’impôt dû procurée par le montant de la réduction d’impôt mentionnée au I qui excède le montant mentionné au premier alinéa du 1 de l’article 200-0 A peut être reportée sur l’impôt sur le revenu dû au titre des années suivantes jusqu’à la cinquième inclusivement. Pour la détermination de cet excédent au titre d’une année, il est tenu compte de la réduction d’impôt accordée au titre des versements réalisés au cours de l’année concernée et des versements en report mentionnés au deuxième alinéa du présent II, ainsi que des reports de la réduction d’impôt constatés au titre d’années antérieures. »
II. – Le I s'applique aux versements réalisés après le 1er janvier 2016.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement vise à soutenir le financement participatif des énergies renouvelables. Il s’agit plus précisément d’élargir le dispositif IR-PME aux obligations souscrites dans les sociétés soutenant des projets d’énergie renouvelable.
Face à l’urgence climatique, nous savons qu’une part importante de la solution vient de la réorientation de notre mix énergétique. Je précise que les énergies renouvelables, ce n’est pas que de l’électricité : cela peut aussi être de la production de chaleur, de froid ou de carburant.
Il faut le savoir, les investissements de départ dans ces projets de production d’énergie renouvelable sont importants. En outre, ce secteur se prête particulièrement au cofinancement de plusieurs types d’acteurs : entreprises, particuliers et collectivités locales. De nombreux exemples en témoignent déjà. En Allemagne, par exemple, quelque 50 % de la production renouvelable sont issus du financement participatif.
La loi de transition énergétique donne un cadre juridique au financement participatif de tels projets. Cet amendement vise à le compléter, en créant une incitation à l’investissement participatif, nécessaire pour donner l’impulsion initiale à de nombreux projets.
À ceux qui, légitimement, s’inquiéteraient du coût d’une telle mesure, je précise ici que le marché français du financement participatif de projets énergétiques est aujourd’hui inférieur à deux millions d’euros.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les dispositions de cet amendement soulèvent deux types de difficultés.
La première est un problème de fond : elles s’inscrivent dans le même esprit que l’amendement précédent et appellent donc un commentaire similaire. Les réductions d’impôts, sur le modèle du dispositif dit « Madelin », doivent-elles soutenir l’investissement en faveur de l’énergie renouvelable, alors même que ce secteur fait l’objet d’un soutien par l’État par le biais de tarifs d’achat réglementés ? La prise de risque est donc sans doute plus faible que dans d’autres secteurs, grâce à cette visibilité sur le long terme.
Surtout, jusqu’à maintenant, les réductions d’impôts étaient octroyées en échange d’un investissement sous forme de souscription en capital. En l’espèce, il s’agit d’investissements obligataires sous la forme d’une souscription d’actions, ce qui modifie substantiellement le dispositif.
La commission n’est pas favorable à l’élargissement du dispositif, qui risque d’entraîner une multiplication des demandes en vue de l’éligibilité de tous les investissements obligataires. Or il convient de renforcer les fonds propres des entreprises pour favoriser l’investissement direct en capital, et non en obligations.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. D’une part, il s'agit ici de créer une nouvelle niche fiscale, à laquelle nous ne sommes pas favorables. D’autre part, une telle mesure nous paraît, sur le plan juridique, pour le moins risquée au regard du régime des aides d’État, qui est très restrictif dans le cadre de l’Union européenne.
Mme la présidente. Monsieur Gattolin, l’amendement n° II-501 rectifié bis est-il maintenu ?
M. André Gattolin. Je ne suis pas toujours partisan des niches fiscales, d’autant que je comprends parfaitement l’argumentation de M. le rapporteur général concernant les investissements obligataires, qui n’ont rien à avoir avec les investissements directs.
Toutefois, M. le rapporteur général évoque des tarifs préférentiels pour les énergies renouvelables, afin d’alléger les coûts de fonctionnement. Or, pour les investissements, il faudra bien trouver un mécanisme éligible à ce dispositif, faute de quoi la transition énergétique restera lettre morte. Comme nous l’avons vu lors du débat sur les électro-intensifs, on maintient et même on protège le système existant tout en affirmant qu’il faut le changer !
Comprenant les réserves de la commission au sujet de mon amendement, je vais le retirer. Cela étant, il nous faudra dégager des moyens incitatifs, car l’argent ne tombera pas tout seul. Ce n’est pas la capacité budgétaire traditionnelle de l’État ou les investisseurs classiques qui nous aideront en ce domaine.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° II-501 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° II-409 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati, Cambon, Gournac, Pellevat et de Nicolaÿ, Mmes Garriaud-Maylam et Cayeux, MM. Gilles, Laufoaulu, Revet, Falco, Bizet et Soilihi, Mme Giudicelli, MM. B. Fournier et Commeinhes, Mme Micouleau, MM. Milon, Dallier et Pierre, Mme Deroche, MM. Laménie et A. Marc, Mme Imbert, MM. Bonhomme et del Picchia, Mme Mélot et MM. Danesi et Husson, est ainsi libellé :
Après l’article 33 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 953 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le montant : « 89 € » est remplacé par le montant : « 53 € » ;
2° Au deuxième alinéa, le montant : « 86 € » est remplacé par le montant : « 50 € » ;
3° Les troisième et quatrième alinéas sont ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier alinéa, le tarif du droit de timbre du passeport délivré à un mineur de quinze ans et plus est fixé à 27 €.
« Si le demandeur fournit deux photographies d'identité, tel que prévu à l'article 6-1 du décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 précité, le montant du titre pour un mineur de quinze ans et plus est fixé à 22 €. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Je présente une nouvelle fois devant le Sénat, lors de la discussion du projet de loi de finances, un amendement ayant pour objet le prix du timbre fiscal pour un passeport. En effet, dans l’Union européenne, la France est l’un des pays, voire le pays, où le prix de ce timbre est le plus élevé, la moyenne européenne étant de l’ordre de 53 euros.
J’avais déjà formulé cette proposition au cours de la discussion budgétaire pour 2014, car le prix excessif du timbre fiscal du passeport me semblait préjudiciable à double titre, à la fois pour les jeunes désirant voyager et pour les familles nombreuses, surtout les plus modestes, qui sont contraintes parfois de renouveler plusieurs passeports à la fois.
Cette demande avait été formulée à l’époque par plusieurs groupes politiques du Sénat, afin que chaque citoyen, dans un pays tel que le nôtre, si attaché aux libertés individuelles, puisse se déplacer facilement. L’administration ne voit pas ces initiatives d’un bon œil, car elle doit répondre à des exigences de sécurisation des titres. Le Sénat avait néanmoins adopté cet amendement voilà deux ans.
Le débat a été relancé l’an dernier, à la suite d’un avis de sagesse de M. le rapporteur général, qui souhaitait entendre le point de vue du Gouvernement. Toutefois, l’amendement a été rejeté, le ministre nous ayant indiqué qu’il fallait cette fois sécuriser le permis de conduire. Et d’ajouter que, si un effort devait être consenti, il était prématuré, et qu’il valait mieux maintenir le prix du timbre fiscal, pourtant l’un des plus onéreux d’Europe, et s’attacher à améliorer la situation de l’administration.
Or je constate que les recettes ont augmenté de 22 millions d’euros entre les deux exercices budgétaires, alors que, parallèlement, le coût pour l’administration de la réalisation du passeport sécurisé s’élève, à ma connaissance, à 44 millions d’euros par an. Cela signifie que plus de la moitié du prix de fonctionnement a été absorbé au cours des deux exercices.
En conclusion, puisque mon temps de parole est presque écoulé, le présent amendement a pour objet de rétablir la justice que le Sénat avait voulu instaurer et de replacer la France dans la moyenne européenne en ce qui concerne le prix du timbre fiscal du passeport.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les propos de Philippe Dominati sont tout à fait exacts, en particulier les chiffres avancés sur le coût du passeport en France, qui est supérieur à la moyenne européenne.
Concrètement, un passeport coûte 89 euros, alors que le prix moyen dans l’Union européenne est beaucoup moins élevé. L’amendement de notre collègue vise à placer la France dans la moyenne européenne, tout simplement parce que, pour être tout à fait exacts, les passeports sont payés par un droit de timbre dont le prix est supérieur au coût de fabrication des titres qui sont gratuits.
Mme la présidente de la commission des finances nous dira sans doute deux mots à ce sujet, à la suite du rapport de la Cour des comptes que nous avions commandé au titre de l’article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances. Selon la Cour, le coût de production d’un passeport atteignait entre 55 et 69 euros, un prix inférieur aux 89 euros qui sont actuellement demandés pour un passeport adulte.
Simplement, cette différence permettait de financer des titres gratuits pour les usagers, comme la carte d’identité. Je m’interroge, à titre personnel, sur le tarif du permis de conduire, fixé à 15 euros, qui est très inférieur au coût de production.
Il faudrait sans doute opérer un rééquilibrage global de l’ensemble de ces tarifs, peut-être en baissant le prix du passeport, qui suppose un sacrifice financier obligatoire, et parfois important pour certaines familles, éventuellement en proposant de remonter le prix d’autres titres comme le permis de conduire.
Quoi qu’il en soit, le préalable consisterait à retrouver les éléments de recettes et à s’interroger sur le coût de tous les titres envisagés avant de formuler une proposition. Ce rééquilibrage des prix permettrait d’assurer les recettes de l’Agence nationale des titres sécurisés.
L’avis de la commission est donc réservé, dès lors que le coût du titre procure des recettes et que le présent amendement ne vise pas à prévoir de compensation en la matière. Néanmoins, il s’agit d’un sujet important, qui mériterait une réflexion d’ensemble pour que l’ensemble des titres délivrés soit payé à son juste prix.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État. Je voudrais tout d’abord remettre quelques éléments en perspective.
Monsieur le sénateur, vous affirmez que, au sein de l’Union européenne, le prix moyen du droit de timbre est moins élevé qu’en France. J’attire votre attention sur le fait que, dans certains pays de l’Union européenne, la durée de validité du titre émis n’est pas la même qu’en France. C’est un élément qu’il faut prendre en compte.
Ensuite, ainsi que l’a souligné M. le rapporteur général, notre pays établit gratuitement certains titres, parfois depuis quelques années, comme la carte nationale d’identité, tandis que le passeport, sur lequel porte notre discussion, est payant. Je ne sais pas très bien où vous voulez en venir, mais le Gouvernement ne propose pas d’augmenter les tarifs ou de rendre payante la carte nationale d’identité.
Ma troisième observation porte sur les droits de timbre. Vous avez encore une fois établi des comparaisons, monsieur le sénateur. Permettez-moi de vous donner d’autres chiffres, pris en Europe et ailleurs : 110 euros au Royaume-Uni, 127 euros en Italie, au Canada et aux États-Unis, 150 euros en Suisse et 194 euros en Australie. L’échelle des prix est donc beaucoup plus large que celle que vous avez indiquée.
Par ailleurs, comme l’a indiqué M. le rapporteur général, ce droit sur les passeports sert à financer la sécurisation des titres et les conditions de leur délivrance. Il faut tenir compte de cet argument, car le processus de production de nos titres sécurisés a un coût.
Je voudrais soumettre un dernier élément objectif à votre réflexion. Le coût trop élevé, selon vous, de ce droit de timbre ne conduit pas pour autant à réduire ou à ralentir le nombre d’émissions de passeports biométriques en France, dont le nombre est passé, entre 2012 et 2015, de 3,37 millions à 3,8 millions.
Pour toutes les raisons de fait et de fond que j’ai citées, je sollicite moi aussi le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission.
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Je m’exprime moins en tant que présidente de la commission qu’en ma qualité de rapporteur spécial de la mission « AGTE », c'est-à-dire « Administration générale et territoriale de l’État », pendant quelques années.
En 2009, lors de la création du passeport biométrique, dont le prix a été fixé à 86 euros ou à 89 euros, nous avions eu ici des débats sur la question de la fourniture des photographies. Le prix du titre avait été justifié par la volonté de répondre au véritable coût de sa fabrication.
Au fond, nos titres d’identité constituent non seulement un symbole de notre appartenance, mais aussi un document qui est établi, validé et sécurisé par l’Imprimerie nationale, puisque nous avions tenu également à conserver le monopole de cette dernière sur cette fabrication ; pour avoir visité ses locaux, je dois dire que c’était une excellente idée.
J’avais donc demandé à la Cour des comptes un rapport au titre de l’article 58-2 de la LOLF, car je ne comprenais pas pourquoi personne ne pouvait nous fournir à l’époque le vrai coût de la fabrication du passeport. L’article 58-2 a finalement donné son résultat, comme le rapporteur général l’a rappelé : en réalité, le coût est moins élevé que nous ne l’imaginions.
Toutefois, si nous voulions rétablir les choses, il faudrait nous poser quelques questions. Toute fabrication d’un titre a-t-elle un prix ? Je réponds par l’affirmative. Toute fabrication d’un titre donne-t-elle lieu à un timbre fiscal pour le financer ? Assurément, nous sommes là au milieu du gué, puisque les cartes d’identité ont longtemps, dans notre pays, valu un timbre fiscal. Qui ne se souvient de sa première carte d’identité – moi la première, au siècle dernier ! (Sourires.) ? Chacun payait un petit timbre fiscal correspondant à la fabrication de la carte. Enfin, devons-nous faire payer tous les titres, dans la mesure où ils ont un coût et nécessitent une fabrication, assurée par les salariés de l’Imprimerie nationale ?
Mon cher collègue, il serait sans doute souhaitable que vous retiriez votre amendement, car cette réforme ne peut être menée de cette manière, même si, je le reconnais, le problème que vous soulevez est réel.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’avais déjà soutenu cet amendement avec Philippe Dominati l’année dernière, et les réponses qui nous ont été apportées ont toujours été les mêmes : il faut une réforme plus globale, des solutions plus générales. En clair : « Revenez l’année prochaine, vous recevrez les mêmes réponses et rien ne bougera ! » (Sourires.)
Vous nous dites, madame la secrétaire d’État, que le prix des passeports n’a pas empêché leur nombre d’augmenter. Je vous rassure : même si vous augmentez la redevance audiovisuelle, le nombre de télévisions ne baissera pas non plus !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Eh si !
M. Roger Karoutchi. Quand vous dites que, pour aller à l’étranger, un passeport est nécessaire et qu’il faut bien le payer, je peux vous suivre, car c’est l’évidence. Mais allons un peu au-delà !
On ne cesse de nous dire qu’il faut s’ouvrir au monde, promouvoir la place et le rayonnement de la France, envoyer nos jeunes réaliser des stages en Chine, au Japon, aux États-Unis, au Canada… Et quand on explique que le prix des passeports est plus élevé dans notre pays qu’ailleurs, on nous répond en invoquant le prix de la carte d’identité. Quel est le rapport ?
Si, chaque fois que nous posons une question sur un point, vous répondez en parlant d’un autre, nous n’allons pas nous en sortir. Dans ce cas, pourquoi ne pas parler du prix de mes chaussures ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.) À un moment, il faut rester un peu dans le sujet !
La possibilité pour les jeunes et les entrepreneurs de se déplacer, la participation de notre pays au tourisme mondial, tout cela a-t-il, oui ou non, du sens ? Si c’est le cas, il faut se demander pourquoi le droit de timbre sur les passeports est aussi élevé.
Si vous continuez, cette année comme l’an prochain et jusqu’à la fin des temps, à ne pas nous donner de réponse, nous aurons compris que cela n’a rien à voir avec le prix de la carte d’identité ou avec quoi que ce soit d’autre, mais que vous ne voulez rien changer ! En fait, il s’agit là de recettes de poche, qui, symboliquement, sont contraires au message que le Gouvernement veut faire passer, notamment en termes d’action auprès des jeunes.
Nous n’en sommes certes plus à une contradiction près, mais celle-ci me paraît une aberration !
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Monsieur Karoutchi, il y a tout de même, des arguments plus forts que celui du prix des chaussures !
M. Roger Karoutchi. On ne sait pas ! Cela compte aussi… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Richard Yung. Tout d’abord, je ne comprends pas pourquoi on mélange passeport et carte d’identité !
M. Roger Karoutchi. Moi non plus !
M. Richard Yung. Ces documents ont deux usages différents. Pour la carte d’identité, qui sert à prouver la citoyenneté et la nationalité française, on a fait le choix de la gratuité pour tous les citoyens. Le passeport, quant à lui, est un document de voyage. Pourquoi y aurait-il un effet de vases communicants entre les deux ?
M. Roger Karoutchi. On aurait aussi pu parler du permis de conduire, de la carte SNCF…
M. Richard Yung. En effet, c’est sans limite ! J’ajoute que le passeport est valable dix ans.
M. André Gattolin. Pour les enfants, c’est cinq ans !
M. Richard Yung. Cela représente un coût de 8 euros par an. Pour des personnes qui voyagent, ce n’est pas une somme déraisonnable !
Nous avons mieux à faire que de diminuer ce coût de 30 euros, comme vous le proposez. Sur 4 millions, ou à peu près, de passeports, cela entraînerait une dépense de 120 millions d’euros. Je ne sais pas comment vous comptez la financer, mais, pour notre part, nous ne sommes pas favorables à cette mesure.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Comme l’an passé, je soutiendrai cet amendement de Philippe Dominati.
Un argument de bon sens a été donné. Alors que nous vivons dans un monde de libre circulation, le coût des passeports est trop élevé. Par ailleurs, depuis que l’on ne peut plus inscrire les enfants mineurs sur le passeport des parents, chaque enfant doit avoir son propre passeport, lequel coûte certes un timbre demi-tarif, mais pour une demi-durée, puisqu’il n’est valable que cinq ans.
Les familles nombreuses sont donc obligées de payer un passeport pour chacun de leurs membres lorsqu’elles se déplacent en dehors de l’Union européenne. Et même à l’intérieur de l’Union, il vaut mieux présenter un passeport qu’une carte d’identité, disons-le.
M. Roger Karoutchi. C’est sûr !
M. André Gattolin. Souvent, d’ailleurs, le passeport se substitue à la carte d’identité. Pour ma part, comme je refuse de payer deux fois, j’ai seulement un passeport, car j’en ai besoin.
Franchement, c’est simplement une vache à lait ! Aussi, ne nous dites pas, lorsque nous proposons une diminution du prix du passeport, que nous créons une dépense supplémentaire. Expliquez-moi pourquoi, dans ce pays, on « surpénalise » les familles qui voyagent avec leurs enfants, ce qui n’est pas le cas ailleurs en Europe ? Ce n’est pas très cohérent.
Je préférerais que le prix des timbres fiscaux corresponde à une logique interne un peu plus paritaire. Cette surimposition du passeport par rapport aux autres documents est une exception au sein de l’Union européenne.
Pour ces raisons, le groupe écologiste votera cet amendement.