compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
Mme Frédérique Espagnac,
M. Bruno Gilles.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de finances pour 2016
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164, avis nos 165 à 170).
SECONDE PARTIE (SUITE)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Action extérieure de l’État
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » (et article 48 A).
La parole est à M. Éric Doligé, rapporteur spécial.
M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de l’action extérieure de l’État assure le financement de l’une des missions régaliennes centrales de l’État : sa diplomatie, politique et culturelle, et les services consulaires aux Français de l’étranger.
Avec un total de 3,2 milliards d’euros, ce budget est relativement sobre au regard du réseau diplomatique qu’il finance – le deuxième réseau le plus dense du monde – et du réseau culturel et d’influence – le plus important du monde.
Le budget qui nous est proposé pour l’action extérieure de l’État en 2016 est un budget en trompe-l’œil.
En effet, l’augmentation des crédits de 250 millions d’euros par rapport à 2015, soit environ 8 %, s’explique par deux phénomènes : premièrement, l’augmentation du montant des contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix en raison d’un taux de change de l’euro contre le dollar défavorable et, deuxièmement, le décaissement de la quasi-totalité des dépenses liées à la COP 21.
Je présenterai les deux programmes sur lesquels a particulièrement porté mon examen : le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » et le programme 341 provisoire « Conférence Paris Climat 2015 ».
L’effet de change est le principal déterminant de la dépense du programme 105, qui rassemble les crédits de la diplomatie politique au sens strict. Les crédits prévus pour l’ensemble des contributions internationales passent de 746 millions d’euros en 2015 à 904 millions d’euros en 2016.
L’essentiel de ces contributions doit être payé en dollar. L’euro étant passé de 1,3 dollar à 1,15, le taux de budgétisation a été modifié en juillet et le coût des contributions a ainsi été réévalué à la hausse.
J’avais d’ailleurs alerté sur cette fragilité pour l’année 2015.
Pour 2016, le ministère a sécurisé ces décaissements en procédant, via l’Agence France Trésor, à l’achat à terme de 600 millions de dollars, à un taux déjà prévu. Cependant, cet achat à terme n’est pas un véritable mécanisme de couverture.
Si l’euro remonte d’ici au paiement des contributions 2016, nous aurons perdu de l’argent. S’il baisse encore, nous en aurons gagné, en spéculant à la baisse sur le change de l’euro !
Il serait à notre avis plus judicieux que le ministère se dote d’un mécanisme plus réactif, qui permette d’ajuster systématiquement le montant des dotations en cours d’année, au regard du taux de change entre l’euro et le dollar. C’est ce que font les Allemands.
C’est un sujet qui peut sembler technique, mais qui est en réalité déterminant pour le budget. Je pense que le rapport que le Gouvernement devra fournir, aux termes du nouvel article 48 A adopté par l’Assemblée nationale, est bienvenu.
De façon générale, notre réseau diplomatique poursuit son adaptation, ce qui se traduit par deux évolutions : la transformation de nouveaux postes en « postes de présence diplomatique » à format très réduit et la réduction globale des effectifs de la diplomatie, à Paris et dans le réseau, dont le schéma d’emploi prévoit la réduction de 142 équivalents temps plein.
Le patrimoine immobilier constitue par ailleurs un élément important de la gestion du programme 105. Cette gestion immobilière est particulière, car les recettes des cessions reviennent au ministère, à l’exception d’une contribution forfaitaire d’au moins 25 millions d’euros, qui est reversée au compte d’affectation spéciale « Immobilier ».
Nous nous sommes inquiétés de ce mécanisme, qui force le ministère à vendre pour financer l’entretien de son patrimoine.
Pour 2015 et 2016, une recette exceptionnelle, liée à la vente du campus diplomatique de Kuala Lumpur, permet d’assurer le versement d’une contribution forfaitaire de 100 millions d’euros.
Mais à moyen et long terme, nous ne disposons que de peu d’informations et de visibilité sur les cessions à venir (M. Michel Bouvard s’exclame.), le coût des travaux lourds à prévoir pour certains sites et l’équilibre général du mécanisme.
J’en viens au programme 341 relatif à la COP 21.
Ce programme porte 182 millions d’euros en crédits de paiement sur 2015 et 2016, l’essentiel étant payé en 2016. L’an passé, j’avais défendu un amendement pour réduire de 10 millions d’euros les crédits, afin d’inciter le Gouvernement à rechercher des partenariats privés permettant de réduire la facture pour l’État.
Je constate avec satisfaction que cet effort a été réalisé ; le Gouvernement s’est pleinement engagé dans cette recherche, et cinquante entreprises privées se sont ainsi associées à la COP 21. Certaines contribuent sous la forme de versements, d’autres sous la forme de dons en nature, par exemple la gratuité du gaz par Engie et du nettoyage par Derichebourg ou la fourniture de véhicules électriques pour le transport des délégations par Renault. Au total, les contributions des entreprises représentent environ 26 millions d’euros.
Cependant, ce chiffre ne se retrouve pas en diminution de la charge portée par l’État, la plupart de ces contributions étant des prestations fournies en plus de celles qu’il porte. C’est le cas, par exemple, des véhicules électriques de Renault.
De plus et surtout, le ministère constate d’importants surcoûts par rapport à la prévision initiale : par exemple, l’espace d’accueil, prévu à l’origine de 130 000 mètres carrés, devra finalement être de 180 000 mètres carrés. En outre, la sécurité a été renforcée, notamment au regard du contexte lié aux attentats du début d’année.
Ainsi, les contributions des entreprises viendront seulement éponger les surcoûts de l’organisation. C’est pourquoi je vous propose d’adopter, à nouveau, un amendement réduisant de 10 millions d’euros les dotations du programme 341.
Monsieur le secrétaire d’État, je partage pleinement la priorité que le Gouvernement a donnée, à juste titre, au succès de cette conférence essentielle, qui se tient en ce moment même à quelques kilomètres de notre hémicycle. Son enjeu est majeur et une organisation parfaite est nécessaire.
Mais lorsqu’on prévoit une enveloppe budgétaire, on doit s’y tenir. Lorsque cette dernière risque d’être dépassée, on doit réduire les dépenses non indispensables, comme les espaces pour la société civile ou certains événements annexes. Certaines de ces manifestations, compte tenu de la menace terroriste et du contexte sécuritaire, ont d’ailleurs été annulées. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous précisiez si cela permettra de dégager des crédits supplémentaires, éventuellement réaffectés au renforcement de la sécurité sur le site. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, rapporteur spécial.
M. Richard Yung, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, j’évoquerai plus spécifiquement les crédits des programmes 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » et 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires ».
Je voudrais cependant signaler, en préambule, que je partage le sentiment et l’analyse de mon collègue Éric Doligé concernant le programme 105. Je le suivrai moins sur la baisse de crédits du programme 341 relatif à la COP 21…
En ce qui concerne le programme 185 relatif à la diplomatie culturelle et d’influence, les crédits diminuent de 4 %. Cette diminution est notamment supportée par la subvention à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, qui, comme les autres opérateurs de la mission – Institut français, Campus France, qui s’occupe de l’accueil des étudiants étrangers, et Atout France –, voit sa subvention baisser par rapport à 2015.
Le premier problème est bien là, car ces agences ne sont pas de même niveau.
En effet, l’AEFE, c’est la scolarisation d’environ 340 000 enfants, dont 120 000 Français. J’ajoute que les enfants non français sont les bienvenus, car, d’une part, leur accueil fait partie de notre politique, et, d’autre part, c’est grâce à eux que nous avons un tel réseau, puisqu’ils paient des frais de scolarité.
Je le répète, nous ne pouvons donc pas mettre Atout France, que je respecte néanmoins beaucoup, sur le même plan que l’AEFE.
L’Agence, pour compléter son financement, va procéder à un prélèvement sur son fonds de roulement. Il s’agit quand même d’un expédient, qui n’est pas de bonne politique. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam acquiesce.) En effet, le fonds de roulement se compose des crédits de l’AEFE, mais aussi, en grande partie, des frais de scolarité payés par les parents. Cette réponse ne peut pas être considérée comme pérenne. (Mme Joëlle Garriaud-Maylam acquiesce à nouveau.)
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons pas continuer ainsi…
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Effectivement !
M. Richard Yung, rapporteur spécial. Nous en sommes arrivés au point où nous devons définir une politique à moyen terme pour l’enseignement français à l’étranger. Il y a eu l’excellent rapport de nos collègues Claudine Lepage et Philip Cordery, mais également d’autres travaux, et il nous faut maintenant tirer les conclusions de ces contributions pour nous forger une vision à moyen terme.
J’en viens au programme 151, qui concerne l’administration des Français de l’étranger et les affaires consulaires. Les crédits, d’environ 370 millions d’euros, connaissent une légère baisse, qui résulte de deux évolutions en sens contraires.
La première évolution, à la hausse, concerne les dépenses de l’administration des Français de l’étranger, et s’explique par le recrutement de nouveaux effectifs pour l’instruction des visas. Mon collègue Eric Doligé et moi-même avons rédigé un rapport sur la politique des visas, qui a montré combien ce sujet était important pour l’attractivité globale, c’est-à-dire touristique et commerciale, de la France. Le ministère prévoit donc chaque année la création d’un certain nombre de postes supplémentaires pour gérer les visas dans les consulats.
La seconde évolution, à la baisse, concerne les bourses scolaires aux élèves français du réseau d’enseignement français à l’étranger. Ces crédits diminuent de 10 millions d’euros par rapport à 2015, pour s’établir à 115,5 millions d’euros.
Cette baisse, de même que la consommation estimée pour 2015, soit 102 millions d’euros, contredisent l’engagement pris lors de la réforme du système d’aide à la scolarité en 2013, que notre collègue Hélène Conway-Mouret avait portée. En effet, après application de la réserve de précaution, il ne restera en pratique que 108 millions d’euros de crédits disponibles.
Monsieur le secrétaire d’État, je reconnais que cette réforme, qui était nécessaire, est positive, et nous l’appliquons sans état d’âme.
À cet égard, il y a deux éléments à prendre en compte : d’une part, le nombre d’enfants français bénéficiaires de l’aide à la scolarité augmente chaque année, ce dont nous nous félicitons ; d’autre part, la quotité, c’est-à-dire le pourcentage accordé, qui peut être de 100 %, de 80 % ou de 50 %, selon le revenu des parents, s’est réduite de façon significative. Cette baisse de quotité n’est pas sans créer des problèmes non pas pour les plus hauts revenus ou pour les foyers les plus défavorisés, mais pour les couches intermédiaires.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très gros problèmes !
M. Richard Yung, rapporteur spécial. À nos yeux, le montant de 125 millions d’euros, que nous avions fixé voilà trois ans, doit être respecté. Aussi, pour remonter à ce niveau, de façon à assurer le principe d’universalité de l’accès au réseau de l’enseignement français à l’étranger, nous proposerons un amendement en ce sens.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
M. Richard Yung, rapporteur spécial. Au total, sous réserve de cet ajustement sur le sujet sensible pour la communauté française à l’étranger des bourses scolaires, nous considérons que le budget 2016 de l’action extérieure de l’État est réaliste, cohérent et sérieux. Il prend en effet notamment en compte l’évolution du taux de change, comme Éric Doligé l’a rappelé.
Pour toutes ces raisons, et sous réserve de l’adoption de ses amendements, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des crédits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Henri de Raincourt applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, rapporteur pour avis.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’action de la France en Europe et dans le monde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » constitue le cœur du budget du ministère des affaires étrangères et du développement international.
Le ministère n’a, par définition, que peu de prise sur les 80 % de dépenses contraintes de ce programme que sont la masse salariale, à savoir plus de la moitié des emplois du Quai d’Orsay, et les contributions de la France aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix.
Cette situation s’est encore tendue en 2015 en raison de la dépréciation de l’euro par rapport aux principales devises internationales dans lesquelles sont libellées ces contributions.
Le surcoût pour le ministère est estimé – écoutez bien, mes chers collègues ! – à 145 millions d’euros pour la seule année 2015, et 140 millions d’euros sont prévus en 2016. Une fois l’effet de change corrigé, l’évolution des crédits du programme 105, qui peut paraître spectaculaire en ces temps de budgets contraints, avec une progression de 10 %, se tasse en réalité, pour s’établir finalement à 1,73 %.
Ce phénomène, dont on ne peut prédire à court terme la fin, doit inciter – c’est en tout cas notre recommandation – à la mise en place d’outils de couverture de risque de change adéquats, et ce dans les meilleurs délais. Il n’est en effet pas satisfaisant que la convention pour la couverture du risque de change existante fige les gains budgétaires en cas d’appréciation de l’euro et empêche la couverture du risque en cas de baisse de l’euro sur une longue tendance.
Par ailleurs, dans tous les domaines de l’action du ministère, il est essentiel de développer l’évaluation des politiques menées. Sur un point particulier, il apparaît que le modèle de gestion immobilière mis en œuvre par le ministère repose sur un modèle économique non vertueux. En effet, cette gestion fait dépendre l’entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d’immeubles. Ce modèle est en voie d’essoufflement : il s’agit de ce que l’on appelle une « politique one shot », le bien vendu disparaissant du patrimoine, et les ventes faciles auront bientôt toutes été réalisées. Le besoin de financement pour l’entretien des bâtiments, vraisemblablement compris entre 15 millions d’euros et 30 millions d’euros, doit être étudié afin d’être programmé.
L’allocation de 12 millions d’euros, en 2016, pour l’entretien du parc situé à l’étranger reste, à nos yeux, insuffisante. Il est donc nécessaire de « rebudgétiser » ces crédits à la hauteur des besoins.
M. Jean-Pierre Grand. Tout à fait !
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. A minima, la gestion immobilière doit viser la rationalisation des implantations, leur mutualisation avec nos partenaires européens et l’identification forte de notre pays, en particulier là où la réduction du format des postes diplomatiques est prévue. L’évaluation et la programmation des cessions et du redéploiement du réseau diplomatique, notamment, sont parmi les voies que nous préconisons pour 2016.
Nous attendons du reste le bilan que le Gouvernement doit nous présenter, en cette fin d’année, des postes à présence diplomatique. S’il s’avérait que la seule ambition est de mener une politique d’influence, nous serions en vérité très loin du compte. Il faut pouvoir mobiliser l’ensemble du réseau de l’action publique française, collectivités territoriales comprises, et s’appuyer sur les services extérieurs européens pour garantir le rayonnement de la France.
Sous réserve de ces remarques, et de celles que ma collègue Leila Aïchi va faire dans quelques instants, la commission des affaires étrangères a adopté les crédits du programme 105 et de la mission « Action extérieure de l’État » même si – et vous l’entendrez de la part des autres rapporteurs pour avis, monsieur le secrétaire d’État – nous avons un certain nombre de critiques à formuler, en particulier sur le programme 151 et, dans une moindre mesure, sur le programme 185. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Bariza Khiari, MM. François Patriat et Robert Hue applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis.
Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour l’action de la France en Europe et dans le monde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2016 préserve les moyens de fonctionnement du réseau diplomatique à l’étiage.
C’est une orientation que j’approuve, car elle est de nature à permettre la poursuite de la mue en cours, qu’il s’agisse du recalibrage des postes ou du redéploiement géographique de nos représentations. Cette dernière réforme, bien que lente, se révèle indispensable pour adapter notre outil diplomatique aux évolutions stratégiques, notamment dans les pays émergents.
À mon sens, la transformation, annoncée pour la fin de l’année 2015, de l’association des nations de l'Asie du Sud-Est, l’ASEAN, en véritable communauté justifie la création d’une représentation dédiée, que notre commission appelle de ses vœux depuis plusieurs années. La même évolution me paraît souhaitable auprès de l’Union africaine.
Je voudrais maintenant revenir sur les enjeux de la diplomatie économique et, tout d’abord, exprimer deux regrets.
Premier regret, malgré nos recommandations de l’année dernière, aucun indicateur d’activité n’a été associé à ce pan des compétences du ministère des affaires étrangères et du développement international, le MAEDI.
Second regret, l’opérateur Business France, qui regroupe UbiFrance et l’Agence française pour les investissements internationaux, et dont la création nous réjouit, reste rattaché au ministère de l’économie. L’essentiel des crédits de la diplomatie économique dépend donc de Bercy et non du Quai d’Orsay.
S’il convient par ailleurs de saluer le développement d’une diplomatie économique novatrice, telle la mise en place des rencontres express, ou speed dating, lors de la semaine des ambassadeurs, pour permettre à tout dirigeant d’entreprise de rencontrer l’ambassadeur à Paris, cette politique reste à mon avis à consolider au moyen notamment d’une réflexion sur la formation des diplomates, du redimensionnement du réseau des services économiques, d’une amélioration de l’organisation des visites officielles à l’étranger, et – ce dernier point me paraît déterminant – d’un renforcement de l’implication des régions françaises.
La culture de l’évaluation de la performance des politiques menées doit se renforcer au ministère des affaires étrangères et du développement international grâce à la mise en place d’objectifs et d’indicateurs de performance permettant d’évaluer la diplomatie économique. L’évolution de la maquette du projet de loi de finances pour 2017 est, vous l’avez compris, attendue avec la plus grande attention.
Enfin, je conclurai sur la COP 21. Il me semble regrettable que les coûts d’organisation se soient révélés supérieurs aux estimations initiales. Bien sûr, l’organisation du sommet des chefs d’État n’était pas prévisible, et la volonté d’associer la société civile par la création d’un espace dédié est louable.
En revanche, l’accroissement des surfaces aménagées dans le cadre de l’accord de siège me semble plus difficile à justifier. Les dépenses de mécénat ne viennent pas en déduction du budget initialement prévu, mais financent finalement les surcoûts. Je comprends donc que la commission des finances souhaite pointer cette moindre performance en présentant un amendement de suppression de 10 millions d’euros de crédits, et ce d’autant plus que les 139 millions d’euros de crédits de paiement ouverts au titre de 2016 ne constituent pas des coûts complets.
Aucune dépense de personnel n’est imputée au programme 341 dédié à la COP 21. De même, l’essentiel des dépenses de sécurisation de la COP 21 est imputé sur la mission « Sécurités ». Il est encore trop tôt pour avoir une évaluation de l’évolution de ce poste dans le contexte actuel, mais il conviendra d’informer précisément le Parlement à ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Bariza Khiari, MM. Michel Delabarre et Christian Cambon applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis.
M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, pour la diplomatie culturelle et d’influence. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d’influence » connaissent une baisse de 3,9 %, plus prononcée que celle de la mission « Action extérieure de l’État » dans son ensemble. J’évoquerai ici, en particulier, l’action culturelle extérieure, puis mon collègue Gaëtan Gorce évoquera les autres composantes de ce programme.
L’action culturelle extérieure dispose de moyens limités, 86 millions d’euros, et en diminution. La subvention de l’Institut français a été réduite de 22 % entre 2011 et 2016. Cette diminution est en partie la conséquence de l’abandon d’un projet, auquel nous étions attachés et qui n’a malheureusement pas abouti : je veux parler du rattachement du réseau des instituts français à l’opérateur Institut français.
Cette expérimentation, conduite entre 2012 et 2013 sur une douzaine de postes, a été suspendue prématurément, après dix-huit mois, alors qu’elle était prévue sur trois ans. Son coût ainsi que des difficultés pratiques ont été mis en avant. La réforme a probablement été mal comprise, provoquant la crainte d’une trop grande indépendance de l’action culturelle par rapport à l’action diplomatique ainsi qu’une interrogation sur la place des alliances françaises dans le dispositif.
Notre conviction est que l’Institut français doit aujourd’hui devenir plus qu’une interface ou un pivot : il doit conforter son rôle de stratège. De fait, l’Institut français s’est installé dans le paysage. Il s’est doté en 2015 d’un accord d’entreprise, bénéficie d’une marque mondialement connue, et se trouve en relation permanente avec le réseau culturel, dans sa double composante publique et associative.
Aux crédits d’intervention dans le domaine culturel il faut ajouter les crédits de promotion de la langue française, qui s’élèvent à 21,5 millions d’euros, en légère diminution. Vecteur d’influence et de rayonnement absolument essentiel, la langue française, qui compte 274 millions de locuteurs, est aujourd’hui soumise à une forte concurrence. On ne peut donc que se réjouir du fait que, dans ce programme dont presque toutes les composantes diminuent, les crédits destinés au réseau des alliances françaises et à la Fondation Alliance française soient, quant à eux, préservés.
Il n’en demeure pas moins que le réseau culturel est aujourd’hui confronté à trois enjeux majeurs.
Le premier est une réelle difficulté à mobiliser des ressources propres. Afin de compléter les crédits publics, qui jouent avant tout un rôle de levier, les instituts culturels, de même que l’Institut français, doivent s’efforcer de trouver des partenariats et des cofinancements, ce qui suscite de réelles difficultés à long terme pour fidéliser ou pour diversifier ces partenaires. Une réflexion est en cours en vue de susciter des ressources plus pérennes, qui pourraient provenir de l’enseignement en ligne du français. On ne saurait toutefois pas aller plus loin dans la substitution de financements privés à des financements publics sans remettre en cause les ambitions mêmes de notre politique culturelle d’influence.
Le deuxième enjeu concerne la définition de priorités en termes de géographie et de public-cible afin d’éviter la dilution des moyens.
Enfin – c’est le troisième enjeu –, une fragilité juridique vient s’ajouter à la fragilité financière de l’action culturelle. Depuis 1976, les établissements culturels bénéficient d’une autonomie financière sans avoir de personnalité juridique, ce qui n’est pas conforme aux principes de la loi organique relative aux lois de finances, ou LOLF.
M. Michel Bouvard. Très bien !