Sommaire

Présidence de Mme Isabelle Debré

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac, M. Bruno Gilles.

1. Procès-verbal

2. Loi de finances pour 2016. – Suite de la discussion d’un projet de loi

Seconde partie (suite)

Économie

Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés

M. Jacques Chiron, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances

M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois, pour le développement des entreprises

M. André Gattolin

M. Yvon Collin

M. Jean-Claude Luche

M. Jean-Pierre Bosino

M. Philippe Leroy

M. Franck Montaugé

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique

économie

État B

Amendements identiques nos II-129 rectifié de Mme Élisabeth Doineau et II-145 de la commission. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° II-199 de Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis. – Rejet.

Amendement n° II-206 de M. André Reichardt, rapporteur pour avis. – Rejet.

Adoption des crédits de la mission « Économie ».

Article 52

Amendement n° II-114 rectifié de M. Francis Delattre et sous-amendement n° II-325 de M. Michel Canevet ; amendement identique II-245 de M. Michel Bouvard. – L’amendement n° II-144 rectifié n’étant pas soutenu, le sous-amendement devient sans objet ; retrait de l’amendement n° II-245.

Amendement n° II-238 rectifié bis de M. Alain Bertrand. – Non soutenu.

Amendement n° II-239 rectifié bis de M. Alain Bertrand. – Non soutenu.

Amendements identiques nos II-237 de M. Didier Robert et II-243 de M. Antoine Karam. – Retrait de l’amendement n° II-243, l’amendement n° II-237 n’étant pas soutenu.

Adoption de l’article.

Article 53

Amendement n° II-171 de la commission. – Adoption, par scrutin public, de l’amendement supprimant l’article.

Article 53 bis (nouveau) – Adoption.

compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Adoption des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » figurant à l’état D.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

Culture

M. Vincent Eblé, rapporteur spécial de la commission des finances

M. André Gattolin, rapporteur spécial de la commission des finances

Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour les patrimoines

M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour la création et le cinéma

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour la transmission des savoirs

M. Yvon Collin

M. Louis Duvernois

M. Pierre Laurent

Mme Marie-Christine Blandin

Mme Françoise Férat

Mme Sylvie Robert

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Maryvonne Blondin

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

État B

Amendements identiques nos II-156 de la commission et II-244 de Mme Marie-Christine Blandin. – Adoption.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture

Rejet, par scrutin public, des crédits modifiés de la mission « Culture ».

3. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Isabelle Debré

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Frédérique Espagnac,

M. Bruno Gilles.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 48 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Seconde partie

Loi de finances pour 2016

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Economie - Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164, avis nos 165 à 170).

Seconde partie (SUITE)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Économie

Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Economie

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Économie » (et articles 52 à 53 bis) et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

La parole est à M. Jacques Chiron, rapporteur spécial. (M. Bernard Lalande, rapporteur spécial, ainsi que MM. Didier Guillaume et André Gattolin applaudissent.)

M. Jacques Chiron, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, voter ce budget de l’État est pour nous l’occasion de concrétiser les promesses exprimées depuis deux semaines, qui touchent à l’idéal de solidarité, ce grand principe à la rencontre des valeurs cardinales d’égalité et de fraternité.

Les grands équilibres de ce projet de loi de finances ont malheureusement été bouleversés par les événements tragiques du 13 novembre dernier.

La conséquence budgétaire, c’est que des priorités sont réaffirmées dans un contexte global d’assainissement des finances publiques. Puisque la sécurité de nos concitoyens n’est pas négociable, il nous faut tenir le cap sur tout le reste. C’est un impératif politique et moral.

C’est avec cet objectif en tête que mon collègue Bernard Lalande, également rapporteur spécial de la commission des finances, et moi-même avons abordé la mission « Économie » et les trois articles rattachés, sur lesquels mon propos se concentrera ce matin.

L’article 52, d’abord, vise à créer un fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière de 20 millions d’euros au bénéfice des chambres de commerce et d’industrie, les CCI.

Comme vous le savez, mes chers collègues, un effort important est demandé aux CCI depuis 2013, avec un plafonnement de leur taxe affectée – 925 millions d’euros cette année –, auquel sont venus s’ajouter deux prélèvements exceptionnels de 170 millions d’euros en 2014 et de 500 millions d’euros en 2015.

Je rappellerai simplement que les CCI ont bénéficié de 40 % d’augmentation de la fiscalité qui leur est affectée entre 2002 et 2012, ce qui a permis à certaines d’entre elles de constituer des réserves substantielles. Cette situation, pour le moins généreuse, n’incitait pas à des formes de gestion très rigoureuses et peut expliquer pourquoi, dans l’ensemble, ces structures ont peu joué le jeu de la régionalisation qui leur était demandée depuis 2010.

Depuis, la contrainte imposée aux CCI les a conduites à s’engager dans un grand mouvement de réorganisation et de rationalisation, qui a permis de mettre fin à certains excès. Toutefois, cette situation a également provoqué des difficultés financières ponctuelles pour les chambres les plus fragiles. D’autres ont dû repousser ou annuler des investissements, même si l’intervention du Sénat, l’année dernière, a permis d’en préserver certains, notamment en matière de formation professionnelle.

La création de ce fonds de 20 millions d’euros, alimenté par la taxe affectée aux CCI, constitue une réponse à ces défis.

Cela étant, compte tenu de la capacité d’intervention relativement modeste de ce fonds, il est impératif d’éviter tout « saupoudrage » entre des dizaines, voire des centaines de projets, et de concentrer les aides sur les CCI connaissant des difficultés temporaires et, surtout, sur les projets les plus porteurs en matière de rationalisation et de modernisation à l’échelle régionale ou nationale.

L’autre avancée permise par cet article est la création d’une ressource propre pour CCI France, constituée d’une fraction de la taxe pour frais de chambre.

Cette disposition revient à doter la tête de réseau des CCI de l’autonomie financière, ce dont elle a bien besoin au moment où il faut porter des projets courageux de modernisation et de rationalisation. Auparavant, CCI France était financée par une contribution des CCI régionales, votée chaque année en assemblée générale. Je précise que la ressource propre est d’un montant identique à celui de la contribution, soit 20 millions d’euros pour 2016.

Je terminerai en précisant que l’adoption de cet article ne devrait pas nous empêcher, à terme, de procéder à une refonte globale des modalités de répartition de la taxe affectée entre CCI. En effet, sa répartition actuelle repose sur des critères « historiques », figés en 2010, qui ne tiennent pas compte de la dynamique économique réelle des territoires ni des besoins des entreprises. Il apparaît toutefois plus pertinent d’attendre le regroupement des CCI prévu en 2017 pour procéder à une telle réforme, en pleine cohérence avec la nouvelle carte des régions.

L’article 53, ensuite, vise à créer trois taxes affectées au profit de trois centres techniques industriels, dits CTI : le Centre technique des industries de la fonderie, l’Institut des corps gras et le nouveau CTI de la plasturgie et des composites.

La création de ces trois taxes affectées s’inscrit dans le prolongement de la pratique classique en la matière, qui voit le basculement d’un financement des CTI par dotation budgétaire de l’État vers un autofinancement par les acteurs du secteur. Cette solution fonctionne bien et présente plusieurs avantages : stabilité des assiettes, donc des recettes ; assujettissement des importations – c’est un élément très important, car cela bénéficie aux entreprises françaises – ; plus grande implication des entreprises.

L’article 53 tend aussi à procéder à l’harmonisation des procédures applicables à l’ensemble des taxes affectées aux CTI et aux comités professionnels de développement économique, ou CPDE, qui leur sont assimilés.

Je souligne que ces taxes sont conformes à l’article 16 de la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, prévoyant que les taxes affectées sont justifiées dès lors qu’elles répondent à une logique sectorielle. C’est précisément le cas ici. Par ailleurs, ces taxes sont plafonnées par l’article 14 du projet de loi de finances.

Dans sa rédaction initiale, l’article 53 avait aussi pour effet de restreindre le champ des opérations finançables par la taxe affectée aux seules missions de recherche et développement, et de transfert de technologie.

Nous avions alors présenté un amendement, adopté à l’unanimité par la commission des finances, afin de supprimer cette disposition inquiétante. Depuis longtemps, en effet, le succès des CTI et des CPDE repose sur des actions bien plus larges – campagnes de promotion en France et à l’international, aides à l’exportation, etc. – qui s’adressent à l’ensemble des entreprises de leur filière, comme en témoignent, par exemple, les réalisations au niveau de la filière du cuir.

Les modifications apportées par l’Assemblée nationale, qui rétablissent le champ des missions des CTI et des CPDE, ainsi que leur modèle de gouvernance par les professionnels, nous donnent à cet égard satisfaction.

La commission des finances a décidé de supprimer cet article pour des raisons de principe. Sur le fond, toutefois, notre analyse sur l’utilité des CTI et des CPDE était largement partagée. Nous reviendrons ultérieurement sur ce point.

L’article 53 bis, enfin, vise à corriger une différence de traitement entre titres de capital, parts sociales et certificats mutualistes dans le calcul d’une contribution à l’Autorité des marchés financiers, l’AMF. Nous sommes favorables à cette mesure de cohérence.

Globalement, si nous proposons d’améliorer à la marge certains dispositifs qui peuvent l’être, nous soutenons l’économie générale du projet de loi de finances. C’est un budget cohérent, courageux, solidaire et, surtout, à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lalande, rapporteur spécial.

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai la charge, avec mon collègue Jacques Chiron, de vous faire part de la position de la commission des finances sur la mission « Économie ».

Cette mission regroupe un ensemble hétéroclite d’instruments visant à soutenir la croissance des entreprises, notamment des PME dans les secteurs de l’artisanat, du commerce et de l’industrie, sous forme de subventions, de prêts, de garanties fiscales ou encore d’exonérations fiscales. Elle porte aussi les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes – les AAI – et opérateurs chargés de la mise en œuvre de ces politiques.

L’ensemble représente environ 1,7 milliard d’euros et affiche une baisse de 4,7 %, soit 83 millions d’euros, en 2016. L’effort est donc important et – il faut le noter – supérieur à la programmation triennale.

Le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » porte à lui seul la moitié de ces crédits. Les dépenses de personnel et de fonctionnement, ainsi que les subventions aux différents opérateurs affichent une stabilité globale.

Dans le contexte un peu particulier que nous connaissons, l’effort budgétaire repose principalement sur une réduction des différentes aides aux entreprises, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle : la contrainte budgétaire est aussi l’occasion de rationaliser des dispositifs complexes, éclatés, voire peu évalués.

Un cas emblématique est celui du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC.

Sa dotation s’élève à 15 millions d’euros en 2016, en baisse depuis plusieurs années. Mais ce qui compte est surtout la réforme de son fonctionnement, intervenue en 2014 : il s’agit de passer d’une « logique de guichet », propice aux effets d’aubaine, à une « logique d’appel à projets », ciblée sur des chantiers véritablement porteurs, notamment dans les zones rurales.

Un sujet particulier concerne les aides aux stations-service de proximité, qui sont dorénavant prises en charge par le FISAC. La poursuite de ces aides, souvent très importantes pour le maillage territorial, doit beaucoup à la mobilisation du Sénat l’année dernière et, tout particulièrement, à celle de la présidente de la commission des finances, Mme Michèle André.

Toutefois, deux interrogations demeurent. Comment adapter les critères d’éligibilité du FISAC, très restrictifs, aux spécificités des stations-service ? Surtout, qu’en est-il des 2 200 dossiers en stock ? Le Gouvernement s’était engagé à débloquer une enveloppe de 12,5 millions d’euros pour les traiter et, je le rappelle, il a été dit dans le cadre du comité interministériel aux ruralités du 14 septembre 2015 qu’il le ferait.

Le programme 220, qui porte les crédits de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, représente 437 millions d’euros en 2016. Il affiche une baisse de 2,6 %, principalement due à des économies sur les dépenses de fonctionnement et de personnel, étant précisé que le nouveau centre statistique de Metz suscite toujours quelques interrogations.

Le programme 305 « Stratégie économique et fiscale », avec des crédits de 427 millions d’euros, connaît une forte baisse de 7,7 %. Celle-ci est très largement imputable à la diminution tendancielle de la subvention à la Banque de France.

Enfin, le programme 343 porte la participation de l’État au plan France très haut débit, que la commission des finances salue, à 3 milliards d’euros sur les 22 milliards d’euros prévus à l’horizon 2022. Pour 2016, 188 millions d’euros sont débloqués, conformément aux prévisions. Le déploiement de la fibre optique se passe bien : à ce jour, 45 % de l’objectif a été atteint en zone urbaine. Les choses pourraient toutefois être accélérées si les opérateurs s’entendaient mieux et si un dispositif de « péréquation numérique » était mis en place, comme nous l’avons proposé dans notre rapport, afin que les « zones denses » contribuent à l’accélération de la couverture des « zones non denses » – ce que l’on appelle « la ruralité ».

Vous le savez, nous nous sommes par ailleurs beaucoup intéressés au numérique cette année, au sein du groupe de travail de la commission des finances du Sénat sur le sujet. Nous avons déposé un rapport « transcourant » concluant que, s’il existe une révolution numérique, il existera aussi une révolution fiscale. La semaine dernière, le Sénat a adopté à l’unanimité notre amendement instaurant une franchise de 5 000 euros sur les revenus de l’économie collaborative, sous réserve que ceux-ci soient déclarés par les plateformes. Monsieur le ministre, votre ministère doit considérer que, devant une économie numérique révolutionnaire, il faut mettre en place une fiscalité numérique elle aussi révolutionnaire.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Enfin, le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » soutient, à hauteur de 200 millions d’euros, les petites et moyennes entreprises industrielles qui peinent à trouver des financements. L’État est ici dans son rôle : il ne faut pas laisser les aléas de la crise détruire des industries et des emplois qui ont un avenir.

Je voudrais terminer par quelques remarques sur les quelque 20 milliards d’euros de dépenses fiscales rattachées à la mission, soit douze fois le montant des crédits budgétaires.

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. La principale dépense est bien sûr le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui est monté en puissance et représente à lui seul 13 milliards d’euros cette année. Grâce à son assiette sociale qui se transforme en crédit d’impôt, toutes les entreprises peuvent librement l’affecter à leurs fonds propres. Si elles le décident ainsi, elles répondront à la finalité de ce mécanisme ciblé vers l’investissement, l’innovation, l’emploi et l’exportation.

M. Richard Yung. Très bien !

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Enfin, la commission des finances salue le « suramortissement » de 40 % adopté dans le cadre de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques du 6 août 2015 et qui répondait à une suggestion que nous avions formulée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Bouvard applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis.

M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera centré sur la partie « communications électroniques » de la mission « Économie ». Je remercie la commission des finances de l’intérêt qu’elle porte à ce domaine.

Je voudrais tout d’abord souligner que la baisse de 5 % des dotations allouées aux deux autorités de régulation du secteur – l’Agence nationale des fréquences, l’ANFR, et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP – va dans le sens des économies réalisées par l’État.

Il y a là un paradoxe, dont vous êtes quelque peu responsable, monsieur le ministre, avec une sorte d’« effet de ciseau » un peu regrettable entre des subventions de service public en recul et des missions qui s’accroissent.

Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce que l’État se dessaisisse de ses compétences auprès de telles autorités. Mais si l’on prend une telle décision, il faut alors donner à celles-ci les moyens d’exercer leur mission.

J’en viens au plan France très haut débit, dont la gouvernance publique est très centralisée, mais partagée – c’est le défaut de telles gouvernances – entre l’État, l’Agence nationale pour le numérique et l’ARCEP et dont l’articulation est très incertaine et parfois contradictoire.

Si le financement est assuré en autorisations d’engagement, les 900 millions d’euros du Fonds national pour la société numérique, ou FSN, tardent à être décaissés. Certains projets, non financés, ne peuvent donc pas démarrer, ce qui risque d’entraver fortement le développement du numérique dans les zones rurales – plus de 90 projets y sont en attente – et de créer une fracture lente.

M. Richard Yung. Tout à fait !

M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Pourquoi en est-on arrivé à une telle situation ?

Probablement parce que les procédures traînent et que l’État agit très lentement.

De plus, notre système d’aides, notamment à la montée en débit sur les réseaux cuivre, n’a pas été agréé à ce jour par les instances européennes, ce qui bloque toute dynamique. L’Europe nous reproche par exemple, semble-t-il, de financer avec des crédits publics des investissements privés d’Orange. Notre système est donc paralysé dans les zones rurales.

Dans les zones urbaines, monsieur le ministre, les opérateurs font un peu ce qu’ils veulent.

En définitive, on a le sentiment – je vais vous choquer en disant cela, mais c’est pour vous aider, monsieur le ministre – d’une politique « au fil de l’eau » qui s’installe, gérée par un « navire sans pilote ». Vous croyez être le pilote, mais vous ne l’êtes pas en fait,…

M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. … car les influences extérieures contradictoires sont telles que vous ne dirigez rien du tout (M. le ministre sourit.), et c’est dangereux pour les zones rurales.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas ce qui est le plus reproché au ministre de l’économie ! (Sourires.)

M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. C’est bien pourquoi je le lui dis ! Habituellement, on le félicite – ce fut également mon cas récemment (Marques d’étonnement sur les travées du groupe Les Républicains.) – d’être un grand capitaine ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. André Gattolin et Philippe Dallier applaudissent également.) Mais c’est un grand capitaine qui doit comprendre aujourd’hui qu’il est mal conseillé ! (Oh ! sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. le ministre rit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous invite à adopter une mission dont les crédits sont à nouveau en baisse : 5,6 % par rapport à l’an passé ; en trois ans, les crédits de la mission auront fondu de 13 %.

Si la mission « Économie » doit participer à l’effort de réduction des dépenses publiques, dans un contexte de crise où les entreprises connaissent de grandes difficultés, baisser drastiquement le niveau des dépenses d’intervention en matière de développement économique n’est pas la solution. Or c’est l’orientation retenue par le Gouvernement, puisque, par rapport à 2015, les dépenses d’intervention du programme 134 diminuent de 13,9 % en crédits de paiement. Ainsi, plutôt que de faire porter l’effort sur les dépenses de personnel ou de fonctionnement, le Gouvernement a choisi de réduire la capacité d’action en faveur des entreprises, à un moment où celles-ci en ont sans doute le plus besoin.

Or, pour agir sur le court terme, l’apport de l’aide publique, même mesurée, à des moments clés de la vie des entreprises les plus fragiles, est indispensable. L’État ne saurait donc réduire à l’insignifiance des dispositifs qui ont fait leurs preuves en matière de revitalisation du tissu économique de proximité.

C’est pour cette raison que la commission des affaires économiques est opposée à la réduction à peau de chagrin des crédits du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, ce fonds qui a démontré son utilité et son effet de levier pour le maintien et le développement de l’offre de commerces dans les territoires souffrant de la désertification économique.

La réforme du FISAC, dont il est trop tôt pour s’assurer de ses effets réels, n’implique nullement une réduction drastique des crédits alloués à ce fonds, pour les rendre insignifiants, comme c’est le cas dans la version initiale du projet de loi avec, en un an, une baisse de 42 % des crédits de paiement. D’ailleurs, ces crédits restent insignifiants malgré le vote de l’Assemblée nationale qui a porté la dotation globale du fonds à 13,1 millions d’euros en crédits de paiement.

Le champ d’intervention du FISAC est désormais étendu au soutien des stations-service, et une enveloppe de 2,5 millions d’euros sera réservée à ces dernières au sein du fonds. En outre, il faudra bien assurer le financement des dossiers encore en attente : 12,5 millions d’euros pour les seuls dossiers de stations-service validés par le comité professionnel de la distribution de carburants, plus 5 millions pour les 188 dossiers validés au titre de l’ancien FISAC.

Même si le Gouvernement a indiqué que les dossiers de stations-service en souffrance seraient financés par le fonds de dotation à l’investissement local, la capacité financière du FISAC ne lui donne pas les moyens d’assurer son ambition renouvelée.

La commission des affaires économiques juge donc nécessaire d’abonder les crédits du FISAC et vous soumettra un amendement en ce sens. C’est sous réserve de son adoption que, plus généralement, elle invite le Sénat à s’abstenir sur le vote des crédits de la mission « Économie ».

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.

M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rapport pour avis porte sur les dépenses en faveur de la politique industrielle et de la mission « Économie ».

Ces dépenses sont portées par deux actions du programme 134.

L’action n° 20, en premier lieu, retrace les crédits destinés à financer l’activité garantie de la Banque publique d’investissement, ou Bpifrance. Elle est dotée de 26 millions d’euros en 2016 et est stable par rapport aux années précédentes.

L’action n° 3, Actions en faveur des entreprises industrielles, en second lieu, finance des opérations de formation, d’accompagnement à la restructuration des filières, de subvention à l’Association française de normalisation, l’AFNOR, aux centres techniques industriels ou encore aux structures de gouvernance des pôles de compétitivité.

Les crédits de cette action ayant été divisés par deux depuis cinq ans, la mission « Économie » n’apporte plus désormais à la politique industrielle que 65 millions d’euros environ par an.

Ces chiffres peuvent paraître faibles, mais ils sont à replacer dans un contexte plus global et ne peuvent être analysés comme le signe d’un désengagement de l’État du champ des politiques industrielles. Aujourd’hui, l’essentiel de l’effort public en faveur de l’industrie passe en effet par d’autres canaux que la mission « Économie ». Il faut une approche budgétaire plus transversale, qui manque aujourd’hui, monsieur le ministre, car les montants en faveur de l’industrie sont considérables et de plus en plus significatifs.

Je rappellerai ici simplement les principales masses financières et leur provenance.

Tout d’abord, les crédits du programme 192 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » représentent pour 2016, hors titre 2, un effort en direction de l’industrie de 687 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 742 millions en crédits de paiement.

Figurent ensuite les crédits des PIA 1 et 2. En isolant les enveloppes clairement fléchées vers l’industrie au sein des axes « économie numérique », « développement durable » et « industrie et PME », on trouve une enveloppe globale de 18,2 milliards d’euros, déjà engagés à hauteur de 13,5 milliards d’euros, ce qui représente un effort annuel moyen en direction de l’industrie de 2,7 milliards d’euros depuis cinq ans.

Viennent enfin les dépenses fiscales, avec les trois dispositifs suivants : le CICE, le crédit d’impôt recherche et le dispositif transitoire de suramortissement. Si l’on ajoute les autres mesures fiscales du pacte de compétitivité, l’effort fiscal vers l’industrie dépasse 7,3 milliards d’euros pour 2015 et 8 milliards pour 2016.

Cumulés sur l’année, les financements budgétaires, les financements du PIA et les dépenses fiscales représentent donc un effort financier en faveur de l’industrie qui dépasse 11,2 milliards d’euros par an, preuve que la nation investit de nouveau massivement dans ce redressement industriel, avec une montée en puissance de la politique industrielle en trois temps : la réforme du CIR en 2008, le lancement du PIA en 2010 et le lancement du pacte de responsabilité en 2013.

À titre personnel, j’estime que ce budget est bon, et j’appelle donc à voter les crédits de la mission « Économie ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, rapporteur pour avis.

M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour le développement des entreprises. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la nouvelle diminution des crédits du programme « Développement des entreprises » prévue pour 2016, car elle se situe dans la continuité des années précédentes.

Sur ce programme, je m’en tiendrai à quatre brèves questions, à la suite des travaux que j’ai effectués au nom de la commission des lois, au titre de ses compétences en matière de droit des entreprises et des professions réglementées.

Je souhaiterais vous poser deux questions, monsieur le ministre.

Premièrement, l’Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement tendant à la majoration des crédits de 3,58 millions d’euros pour doter la future Agence France Entrepreneur, annoncée le mois dernier par le Président de la République en vue de favoriser la création et l’accompagnement d’entreprises dans les territoires en difficulté. Cette agence va-t-elle s’appuyer sur l’Agence pour la création d’entreprises ou va-t-on créer une nouvelle structure de toutes pièces ? Dans quels délais et pour quelles missions précises celle-ci sera-t-elle créée ? Pouvez-vous nous garantir notamment que son financement ne s’effectuera pas, à terme, au détriment d’autres actions financées par la direction générale des entreprises ?

Deuxièmement, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a confié à l’Autorité de la concurrence de nouvelles responsabilités en matière de tarifs et d’installation des professions réglementées du droit. Où en est le Gouvernement dans la préparation des textes tarifaires, du décret-cadre et des arrêtés par profession ? L’Autorité sera-t-elle aussi saisie des arrêtés tarifaires ? Tout sera-t-il prêt d’ici à la fin du mois de février, selon le calendrier fixé par la loi ?

À cet égard, je présenterai dans quelques instants un amendement tendant à majorer légèrement les crédits de fonctionnement de l’Autorité, qui semblent encore insuffisants pour surmonter cette période transitoire, en particulier pour établir une cartographie sérieuse des besoins en installation de nouveaux professionnels. Je précise que la commission des lois a adopté cet amendement à l’unanimité.

Troisièmement, monsieur le ministre, vous deviez recevoir ces jours derniers un rapport conjoint de l’Inspection générale de l’administration, l’IGA, et de l’Inspection générale des finances, l’IGF, évaluant les modalités d’exercice des missions de protection des consommateurs par les directions départementales compétentes et formulant des propositions en matière de mutualisation entre les départements et de meilleure articulation entre l’échelon régional et l’échelon départemental. Quelles sont les conclusions de cette mission ? Quelles évolutions envisagez-vous à cet égard ?

Nous le savons bien, la capacité des services déconcentrés à exercer ces missions atteint aujourd’hui ses limites. Les statistiques d’activité de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, le prouvent, compte tenu à la fois de l’évolution des effectifs et de la réorganisation des services départementaux depuis 2010. Ne faut-il pas envisager, demain, une régionalisation de ces missions, pour mutualiser plus efficacement les moyens et ainsi retrouver des marges de manœuvre ?

Quatrièmement – cette dernière question est plus prospective –, demain, face au renforcement du rôle économique des régions, avec des moyens financiers qui devraient croître et avec l’appui de Bpifrance, face à des réseaux consulaires qui devront eux aussi se régionaliser à l’échelle des nouvelles régions, les services déconcentrés des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, pourront-ils encore jouer un rôle important pour le développement économique local et l’accompagnement des entreprises dans les territoires ? Les effectifs de ces services déconcentrés se réduisent année après année et leurs crédits d’intervention ont disparu. Si personne ne remet en cause le rôle de l’État au niveau national, notamment avec les politiques de filières, l’État local peut-il espérer jouer mieux qu’un rôle d’animateur, voire de simple observateur ?

Sous le bénéfice de ces observations, qui figurent dans mon rapport, et de l’adoption de l’amendement que je viens d’évoquer, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et du tourisme » de cette mission « Économie ».

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, monsieur le ministre, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le temps nous est compté, je focaliserai mes propos sur deux points, en commençant par le plan France très haut débit.

Ces derniers mois, la Commission européenne a commandé plusieurs études afin d’évaluer la situation des haut et très haut débits sur le vieux continent. Il ressort de ces travaux que la France compte parmi les États les moins avancés en la matière. Seuls un peu plus de 40 % des foyers de notre pays sont couverts par le très haut débit fixe, ce qui, au passage, ne signifie pas que ces foyers aient choisi effectivement de se raccorder, tant s’en faut. Dans de nombreux départements encore, les deux tiers ou plus de la population ne sont pas encore couverts en haut débit !

Force est de le constater, la fracture numérique demeure bel et bien une réalité. En effet, si la révolution numérique traverse aujourd’hui tous les pans de notre société, de notre économie et de notre organisation administrative, elle demeure largement soumise à une logique du marché privilégiant les segments les plus immédiatement profitables. Il est donc essentiel d’ériger cet accès au numérique en service public : il convient de le démocratiser et de réduire cette fracture qui perdure.

Dès lors, les réseaux de télécommunications doivent être conçus comme une infrastructure publique et mutualisée, sur la base de laquelle les opérateurs organiseront les services. À cet égard, je salue l’effort déployé par les collectivités territoriales pour rendre possible cet accès au numérique, mais j’émets quelques réserves au sujet du plan France très haut débit.

Ma première réserve porte sur son coût global : 20 milliards d’euros sur dix années. Cette somme est colossale ! Au reste, il y a quelques jours, le secrétaire d’État chargé du budget a évoqué, ici même, un total de 22 milliards, voire de 23 milliards d’euros.

Je rappelle que 13 milliards à 14 milliards d’euros seront issus d’investissements publics, tandis que les investissements privés ne couvriront que 6 milliards à 7 milliards d’euros. Les collectivités territoriales sont donc appelées à jouer un rôle fort en faveur du plan France très haut débit. Pour cette répartition, il faudrait veiller à ne pas tomber dans une logique où les bénéfices privés seraient trop largement assis sur des investissements publics et où les opérateurs désinvestiraient.

Ma deuxième réserve est étroitement liée à la première. Actuellement, notre stratégie nationale est axée sur le déploiement du très haut débit et de la fibre optique jusqu’au domicile des clients. Mais quand j’observe notre retard, ne serait-ce qu’au niveau du haut débit, je me demande si nous ne nous sommes pas trompés de priorité numérique, si notre ambition n’est pas économiquement surdimensionnée.

M. Philippe Leroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Mais non !

M. André Gattolin. Je rappelle que, à la fin de 2014, seuls 19 % des habitants d’Europe bénéficiaient de la fibre optique. À ce niveau, à l’opposé du haut débit, notre retard n’est donc pas si alarmant.

À mon sens, on ne peut pas penser indépendamment les équipements en haut débit et en très haut débit. Certes, il ne s’agit pas nécessairement d’attendre que chaque hameau dispose du haut débit pour déployer la fibre optique. Pour autant, il faut veiller à ne pas abandonner les territoires ruraux.

J’en viens à ma troisième réserve.

Prenons garde à ne pas faire des géants d’internet, les fameux GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon –, les principaux, voire les seuls bénéficiaires de la manne qui découlera du développement du réseau. En l’état actuel de l’économie du numérique, ces entreprises sont les premières à tirer un véritable profit de ce déploiement du très haut débit, et ce grâce à leur habileté à s’approprier la valeur des contenus diffusés, à collecter et à commercialiser les données. Le rapport de Nicolas Colin et Pierre Collin sur la fiscalité de l’économie numérique, remis au Gouvernement en 2013, nous alerte très justement sur ce point. Pour couronner le tout, les GAFA ne payent quasiment pas d’impôts, en France comme en Europe.

Monsieur le ministre, il est urgent de « mettre le turbo » – passez-moi l’expression – en matière de refonte de la fiscalité du numérique dans les négociations qui se tiennent au niveau de l’OCDE à ce sujet. La France, à l’image du Royaume-Uni, se doit d’être plus volontariste.

M. Yvon Collin. Tout à fait !

M. André Gattolin. C’est d’ailleurs le sens de l’excellent amendement n° I-347 rectifié, présenté au nom du groupe socialiste et républicain, que nous avons adopté lundi dernier dans cet hémicycle à la quasi-unanimité.

Un dernier point mérite notre attention.

Alors que la Commission européenne doit préalablement valider la légalité de ces subventions publiques, le projet de « montée en débit » d’Orange semble poser problème.

Initialement prévue pour décembre, la décision de l’Union européenne sur l’ensemble du plan France très haut débit ne sera finalement pas prise avant la fin de janvier ou le début de février 2016. Les collectivités territoriales vont donc devoir geler pour deux mois supplémentaires le déploiement de réseaux d’initiative publique, alors que les travaux sont déjà largement engagés.

J’ai cru comprendre que la direction générale de la concurrence de la Commission européenne jugeait la « montée en débit » d’Orange trop avantageuse pour cet opérateur. À ce propos, le Gouvernement se veut rassurant. Toutefois, pouvez-vous nous renseigner sur l’état actuel de ces points d’achoppement ? Devrons-nous réaliser un nouveau cahier des charges afin de déminer le terrain ?

Pour conclure, je dirai quelques mots de l’INSEE.

En 2016, cet institut, actuellement engagé dans un vaste chantier de modernisation, subira une baisse de crédits de 2,6 % par rapport à 2015. Il semble a priori facile de faire des économies sur un tel organisme. Pourtant, les études menées par l’INSEE nous sont extrêmement précieuses pour comprendre notre société, devenue si complexe et si rapidement mouvante. À trop désinvestir dans les outils analytiques et statistiques de l’État, nous risquons, j’en ai peur, d’aggraver notre cécité actuelle quant aux grands enjeux stratégiques que nous réserve l’avenir. Il faudrait donc, si possible, remédier à cette situation et ne pas trop tailler dans les crédits de notre outil statistique national. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. Michel Canevet applaudit également.)

M. Richard Yung. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2016 encore, la mission « Économie » sera marquée par la réduction des dépenses publiques. À périmètre constant par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, elle connaîtra une nouvelle baisse à hauteur de 5,6 %, après une diminution de 4,2 % l’an dernier. Cet effort correspond à l’objectif de 120 millions d’euros d’économies sur la période 2014-2017 défini par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

Les crédits pour 2016, s’ils sont adoptés, s’élèveront à 1,46 milliard d’euros. Les principales nouveautés concernent le financement des réformes décidées depuis la promulgation, le 6 août dernier, de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, texte qui a donné lieu à des débats parlementaires particulièrement riches, divers et prolongés.

Avec la mission « Travail et emploi », la mission « Économie » a pour but majeur le soutien à l’activité des entreprises, en particulier des PME, dont on sait le rôle essentiel dans la bataille contre le chômage.

Les dépenses fiscales représentent à nouveau le principal levier de cette mission, avec un montant cumulé de 20,5 milliards d’euros, contre 17 milliards d’euros l’an dernier. Parmi elles, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi est la principale dépense fiscale rattachée, avec 13 milliards d’euros. La commission des affaires économiques a souligné que le CICE représentait un véritable « bol d’oxygène » pour certaines entreprises en difficulté de trésorerie, bien que ses effets réels sur l’économie ne puissent être totalement évalués à ce jour.

L’article 52 rattaché modifie les modalités d’allocation au Fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région. Une enveloppe de 18 millions d’euros sera ainsi destinée aux actions de péréquation.

Les programmes dits « pérennes » de cette mission sont ceux qui supportent la plus grande partie de l’effort budgétaire. Ainsi, le programme 134, « Développement des entreprises et du tourisme », connaît une baisse de 5 % en crédits de paiement. Ces derniers s’établissent donc à 852 millions d’euros. Cette baisse s’explique essentiellement par la réduction des crédits du FISAC. Ce dispositif est désormais recentré sur les communes rurales, ce dont se félicitent les membres du RDSE.

Le programme 220, « Statistiques et études », qui assure le financement de l’INSEE, voit également ses crédits se réduire, quoique dans une moindre mesure. Cette réduction porte surtout sur les dépenses de fonctionnement.

C’est le programme 305, « Stratégie économique et fiscale », qui connaît la baisse la plus drastique, à hauteur de 7,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Toutefois, ce repli s’explique par la diminution progressive de la subvention versée à la Banque de France au titre des commissions de surendettement, qui connaissent une importante restructuration.

Outre ces trois premiers programmes, la mission « Économie » inclut le plan France très haut débit, créé l’an dernier. On le sait, ce plan prévoit le déploiement de la fibre optique sur l’ensemble du territoire à l’horizon de 2022 et mobilise 20 milliards d’euros d’investissements sur dix ans, dont 6 milliards à 7 milliards d’euros apportés par les opérateurs et 3 milliards d’euros accordés par l’État, le reste étant financé par les collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, si la commission des affaires économiques a souligné la difficulté à coordonner tous les partenaires pour former un véritable plan d’ensemble, nous nous réjouissons vivement de l’ambition affichée par le plan France très haut débit, qui regroupe plusieurs acteurs autour d’un projet structurant et tout à fait fondamental. Le déploiement de la fibre optique est un impératif pour l’attractivité de nos territoires. Il est attendu de tous, entreprises et particuliers. Néanmoins, l’élu local et rural que je suis ne peut pas masquer son inquiétude quant au respect du calendrier, notamment pour ce qui concerne les zones non conventionnées éloignées des grands centres urbains. Cela étant, votre réponse nous rassurera sans doute sur ce point.

Au total, si la mission « Économie » continue de voir ses crédits diminuer conformément à l’objectif de réduction de la dépense publique, son périmètre est peu modifié par rapport à l’an dernier. Cet effort d’économies mérite d’être salué. Nous regrettons cependant que les dépenses de fonctionnement et surtout d’intervention pâtissent en premier lieu de cette contraction des moyens, même si nous mesurons l’inertie des dépenses de personnel.

Nous saluons, comme l’an dernier, la poursuite des efforts en faveur de la simplification des démarches administratives des entreprises. Dans ce domaine, il faut se réjouir de chaque simplification ! Il s’agit là d’un véritable enjeu d’attractivité et, sur ce front, notre pays a encore des marges de progression assez importantes.

La majorité des membres du RDSE apportent leur soutien total à la politique économique mise en œuvre par le Gouvernement. C’est pourquoi nous approuverons les crédits de cette mission, ainsi que ceux du compte de concours financiers rattaché. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. Richard Yung. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Luche.

M. Jean-Claude Luche. Madame la présidente monsieur le ministre, mes chers collègues, j’axerai mon intervention sur deux questions – le FISAC et le plan France très haut débit – qui sont très importantes pour l’ensemble de nos départements comme pour notre économie. D’abord, parce que les enjeux et les difficultés qui leur sont propres me sont familiers et que les réponses apportées par le projet de loi de finances ne me paraissent pas complètement adaptées aux observations de terrain des élus, notamment dans les départements ruraux ; ensuite, parce que le traitement dont ces questions font l’objet me semble représentatif de l’esprit général des crédits de la mission « Économie ».

Les dotations de l’action n° 2, Commerce, artisanat et services, diminuent de 21 % en crédits de paiement et de 18 % en autorisations d’engagement par rapport à la loi de finances initiale pour 2015. Cette baisse s’explique en grande partie par la réduction des crédits du FISAC. Doté de 32,3 millions d’euros en 2013, ce fonds-ci ne bénéficie plus que de 10 millions d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2016. Les autorisations d’engagement connaissent, elles aussi, une baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

Il est bien sûr rassurant de voir que les crédits pour 2015 ont permis de financer la plus grande partie des stocks de dossiers résultant de l’ancien dispositif, permettant ainsi que les crédits pour 2016 soient concentrés sur le dispositif réformé. Le recentrage du FISAC vers les communes rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la ville n’apparaît néanmoins pas suffisant pour amortir la baisse des dotations. Cette inquiétude est d’autant plus forte que ces crédits doivent aujourd’hui prendre le relais des financements à destination des stations-service, jusqu’alors assumés par le Comité professionnel de la distribution de carburants, désormais supprimé. Une enveloppe de 2,5 millions d’euros sera donc consacrée au soutien des stations-service de carburant, représentant autant de possibilités de financement en moins pour les autres entreprises des secteurs du commerce, de l’artisanat et des services. Il s’agira également de déterminer avec précision quels fonds permettront la gestion des dossiers en stock, dont le coût est estimé à 12,5 millions d’euros.

Dans ce contexte, je suis profondément inquiet de la baisse drastique à laquelle est soumis le FISAC. C’est pourquoi je remercie notre collègue Élisabeth Lamure d’avoir déposé un amendement au nom de la commission des affaires économiques visant à augmenter les crédits du FISAC d’un montant de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Une autre source d’inquiétude concerne le fonctionnement même du FISAC. La logique de guichet, qui avait mené à une impasse budgétaire, a certes été abandonnée et un nouveau ciblage des territoires prioritaires a bien été effectué, mais qu’en est-il des délais d’instruction des dossiers ?

Le décret fixant les nouvelles modalités d’attribution des crédits du FISAC, consécutives au passage à la sélection sous forme d’appels à projets, s’est fait attendre pendant près d’un an, paraissant finalement au Journal officiel le 17 mai 2015. En cela, il s’inscrit dans la continuité du fonctionnement du FISAC avant la réforme, marqué par des retards importants dans le traitement des dossiers, avec un effet pénalisant pour de nombreux projets. Les délais doivent absolument être raccourcis dans le cadre du nouveau fonctionnement du FISAC.

Enfin, monsieur le ministre, la question de l’efficacité du FISAC dans son organisation actuelle est posée, alors que l’objectif de la refonte – nécessaire – dont il a fait l’objet en 2014 était de lui permettre de faire face aux contraintes budgétaires et aux dysfonctionnements de l’ancien dispositif. D’envergure nationale, il n’est pourtant doté que de 10 millions d’euros en crédits de paiement. Sa capacité est donc limitée.

Dans son rapport d’octobre 2015, établi au nom de la commission des finances sur la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2016, le député de votre majorité, Jean-Louis Gagnaire, a estimé nécessaire que l’État fasse un choix : « soit les dispositifs nationaux disposent de suffisamment de moyens pour être efficaces et répondre aux besoins, soit il convient de les transférer aux collectivités territoriales avec le budget correspondant, à défaut de quoi se multiplient et s’empilent des dispositifs sans véritable impact pour des coûts de gestion devenus prohibitifs. » À mon sens, il serait pertinent de transférer le FISAC aux collectivités territoriales qui exercent aussi une compétence en matière d’aménagement du territoire, notamment en ce qui concerne le développement économique. Elles sont, par ailleurs, les mieux placées pour intervenir sur les questions d’offre commerciale et artisanale de proximité sur leur territoire.

Baisse des crédits, difficultés des milieux ruraux et retards dans le traitement des demandes de financement : c’est également ce que connaît aujourd’hui le plan France très haut débit. Parce qu’il révolutionne nos échanges, nos services, nos loisirs et conditionne pour une grande part notre développement économique, le très haut débit doit faire partie de l’avenir de chacun de nos territoires, urbains ou ruraux. Ce défi doit être relevé ensemble. Il est compliqué, certes, mais également important, dans un environnement naturel exigeant, avec des contraintes géographiques et démographiques lourdes, comme celles que connaissent les départements ruraux.

Je me réjouis que le Gouvernement ait pris la mesure à la fois de cet enjeu et des inégalités structurelles qui pèsent sur les plus ruraux de nos départements. Il serait terrible de ne pas s’attaquer à une fracture numérique qui s’ajoute, trop souvent, aux difficultés spécifiques des zones les moins denses.

Le Premier ministre a donc annoncé, le 28 février 2013, le plan France très haut débit. Il faut maintenant aller très vite, car le temps joue contre ces territoires où l’on peine encore à rendre le très haut débit disponible, ajoutant un obstacle sur le chemin de leur attractivité. Ce retard se compte en entreprises qui hésitent à y investir, en habitants qui hésitent à s’y installer. Or, on le sait, ce sont les entreprises, par leur activité créatrice de richesses, d’emplois et de cohésion sociale, ce sont les habitants, par leur mode de vie, leurs besoins en services, en infrastructures et en loisirs qui dynamisent et font vivre les territoires.

Pourtant, les réponses aux demandes de financement des réseaux d’initiative publique tardent. Le guichet consacré aux réseaux d’initiative publique dans le plan France très haut débit, ouvert en 2013 afin d’examiner les demandes des collectivités territoriales, et l’accord préalable de principe du Premier ministre, qui est normalement prévu, n’ont apparemment pas permis un traitement rapide des dossiers. Le Gouvernement a d’ailleurs reconnu, dans les objectifs et indicateurs de performance du programme 343, que « les délais d’instruction des projets sont légèrement supérieurs aux anticipations ». Ces délais retardent encore le moment où les citoyens pourront bénéficier du très haut débit, au détriment, en priorité, des milieux ruraux, dans lesquels les opérateurs n’investissent pas, car ils ne sont pas rentables.

C’est donc aux collectivités de proximité que revient la charge de financer des innovations technologiques qui leur parviennent toujours plus tard que dans les zones plus urbanisées. Pourtant, les milieux ruraux ont montré, ainsi que je le constate au quotidien dans l’Aveyron, une totale détermination à l’échelle locale. Bien souvent, les contribuables ont payé seuls la note et attendent aujourd’hui un soutien de l’État récompensant justement leur motivation et garantissant leur droit légitime à bénéficier, comme leurs concitoyens des zones urbaines, du haut débit et du très haut débit.

L’amendement adopté par le Sénat tendant à rendre éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée les travaux des collectivités territoriales dans le cadre du plan France très haut débit va dans ce sens. Ce n’est bien sûr pas suffisant. Aujourd’hui, l’État doit rapidement susciter la confiance, par un soutien effectif aux zones rurales, s’agissant d’un service véritablement d’intérêt général. Il y va de la solidarité territoriale, dans ce qui doit être une ambition collective.

Monsieur le ministre, malgré l’ensemble de ces incertitudes, le groupe UDI-UC votera les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a de nombreuses années que les PME et les PMI rencontrent des difficultés en raison de la stagnation économique et du comportement prédateur des banques et des grands donneurs d’ordre. Pourtant, depuis 2008, des aides considérables ont été accordées aux banques, qui ont également bénéficié de fonds de la BCE à de très faibles taux d’intérêt, mais aucun changement dans les critères d’attribution du crédit n’a été opéré. Elles ont ainsi pu réaliser des marges en faisant payer cher le crédit pour les investissements réels et la trésorerie des entreprises, tout en favorisant toujours plus les placements et la spéculation.

Les grands groupes empruntent, eux, sur le marché financier, mais refusent de développer efficacement l’activité en France, continuant de délocaliser ou d’inciter leurs sous-traitants à le faire, tout en distribuant des dividendes.

L’alternative selon nous consisterait donc, d’une part, à obtenir des banques qu’elles assument leur responsabilité sociale en finançant des investissements répondant à des critères précis en matière économique, sociale et environnementale et, d’autre part, à sanctionner les licenciements boursiers, voire à les interdire, à taxer véritablement les transactions financières, à mettre en place une véritable protection douanière des marchandises effectivement produites sur le territoire européen. Nous en sommes loin, tant en matière de politique transversale de soutien aux PME qu’en ce qui concerne les crédits consacrés à la mission « Économie » dont nous débattons aujourd’hui.

Cette mission a vocation à jouer un rôle déterminant pour notre tissu économique. Pourtant, ses crédits sont encore une fois en baisse, de près de 6 %. Les dépenses d’intervention du programme 134, en particulier, connaissent une diminution significative de 9,5 % par rapport à 2015. Or le développement des entreprises constitue un enjeu essentiel. Dès lors, le désengagement de l’État nous semble aberrant. La réduction régulière des crédits permet de moins en moins aux services déconcentrés de mettre en place une politique économique et industrielle de proximité.

Monsieur le ministre, le levier fiscal ne peut pas remplacer le soutien aux entreprises, d’autant que des outils comme la BPI sont largement sous-dotés. La dépense fiscale à destination des entreprises atteint en effet des sommets, avec pas moins de soixante-dix exonérations rattachées à la mission, représentant 20,5 milliards d’euros en 2016, soit près de vingt fois les crédits alloués au programme 134. Le principal de ces dispositifs est le CICE, qui pèse à lui seul 13 milliards d’euros. Or nous constatons chaque jour qu’il n’offre aucune garantie de création d’emplois ni d’investissement. De plus, il présente l’inconvénient de bénéficier indifféremment à toutes les entreprises, PME ou grands groupes, exposées ou non à la concurrence internationale.

Malgré l’importance considérable de son montant global, le CICE n’offre un soutien actif à aucune entreprise. Faute d’avoir reçu un ciblage approprié, son bénéfice risque d’être dilué dans l’ensemble de l’économie. La question de l’effet produit par ce dispositif reste ainsi posée. Selon les premières tendances, un tiers seulement des entreprises du secteur industriel indiquent consacrer le CICE à recruter, un autre tiers à augmenter les salaires.

Je ne parlerai pas plus avant des allégements de cotisations sociales, des remises gracieuses, de la réduction de l’ISF au titre des investissements au capital des PME et autres sources de pertes de recettes. Ces exonérations produisent surtout un gaspillage d’argent public !

Nous ne comprenons pas que l’effort budgétaire fourni par le programme 134 repose principalement sur une réduction des dispositifs de soutien aux entreprises, notamment aux PME dans les secteurs de l’industrie. Comment expliquer la baisse des crédits d’intervention de 14 % ? Les baisses atteignent 26 % pour le soutien au commerce, à l’artisanat et aux services, 22 % pour les entreprises industrielles, 14,6 % pour les subventions attribuées à certains centres techniques industriels, qui jouent pourtant un rôle crucial pour l’animation des filières et la transmission des savoir-faire. Comme le précisait M. Pisani-Ferry lors de son audition, « notre industrie est aujourd’hui menacée […] : à force de reculer, c’est le tissu d’entreprises spécialisées, de sous-traitants et plus généralement de compétences qui disparaît. Une fois passé sous un seuil critique, il sera difficile de revenir en arrière, ne serait-ce qu’en termes de formation, le risque de désaffection pour les métiers industriels étant réel ».

On continue à vider le FISAC de ses moyens, alors que son utilité demeure essentielle dans notre maillage territorial. Nous assistons à la dégradation de l’offre commerciale de proximité, en particulier dans les territoires ruraux, à l’heure où la concentration à l’œuvre dans le secteur de la grande distribution la rend plus que jamais vulnérable.

Dans le même ordre d’idée, si nous saluons la réactivation du Fonds de développement économique et social, nous regrettons qu’il ne s’adresse qu’à des entreprises structurellement rentables. Comme le souligne le rapporteur, l’État ne doit pas renoncer à sa mission de sauvegarde des intérêts économiques et sociaux menacés par la crise. Dès lors, il serait opportun que ce fonds puisse intervenir, y compris à perte, si l’enjeu est de préserver des entreprises et des emplois viables à moyen et long terme.

Les crédits de la mission « Économie » ne permettent pas à l’État d’intervenir réellement pour soutenir les entreprises et favoriser l’emploi et l’investissement. Ils ne permettent pas non plus de renforcer les filières industrielles, voire de permettre la création de nouvelles filières. Les sociétés non financières et les entreprises individuelles sont la richesse de notre pays. La densification du tissu industriel est souvent plus efficace que le soutien à quelques champions nationaux. Les crédits de la mission « Économie » ne répondant pas à ces objectifs, nous ne les voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Leroy.

M. Philippe Leroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai un certain nombre d’observations, un peu dans le désordre, qui étaieront l’avis de mon groupe sur les crédits de la mission « Économie ».

À périmètre constant, on constate que les efforts d’économies de cette mission portent sur les dépenses d’intervention davantage que sur les dépenses de fonctionnement, ce qui n’est pas très vertueux. Je pense au FISAC, ce qui suscite de grandes inquiétudes dans cet hémicycle – j’espère que nous parviendrons à trouver une solution –, ou aux centres techniques industriels, si utiles pour le développement des PME.

Je pense également à la baisse de 11 millions d’euros de la compensation versée à La Poste au titre de sa mission de transport et d’acheminement de la presse. Cette baisse, qui intervient après une foule d’autres diminutions de crédits, risque de mettre la presse professionnelle, qui dépend entièrement de La Poste pour atteindre ses destinataires, en grande difficulté. Vous le savez bien, monsieur le ministre, puisque ce point a été évoqué à l’Assemblée nationale. Je vous demande de bien vouloir surseoir à cette décision jusqu’à ce que la réforme engagée par le Gouvernement aboutisse.

Le soutien à l’économie intéresse tous les groupes politiques et concerne l’ensemble du budget. Pourtant, nous ne disposons pas d’une vision suffisamment transversale. Nous nous interrogeons ainsi sur le devenir de certains crédits. Par exemple, les crédits de la French Tech ont subi depuis quelques années un tour de passe-passe. Ces crédits alloués aux start-up du secteur numérique dans lesquelles nous plaçons de grands espoirs existaient en 2014, puis ils ont disparu en 2015 et n’ont pas été rétablis en 2016. Rassurez-nous, monsieur le ministre, car nous craignons que les start-up de l’innovation ne manquent de soutien !

M. André Reichardt. C’est vrai !

M. Philippe Leroy. Je dois reconnaître, au grand dam de mes collègues auprès desquels je m’excuserai tout à l’heure, que les propos de M. Bosino ont suscité en moi quelques échos sentimentaux. (Sourires.)

Les crédits consacrés au développement économique de la France sont importants, et les politiques sont globalement intéressantes. Je n’ai pas de critique à faire à ce sujet.

M. Philippe Leroy. Toutefois, si nous sommes tous fascinés par les sauts technologiques liés à l’innovation,…

M. Roger Karoutchi. Non, pas moi !

M. Philippe Leroy. … par les grandes entreprises engagées sur le marché mondial, nous oublions les petits. Si nous étions dans le domaine militaire, je dirais que nous sommes fascinés par l’aviation, par la cavalerie, par tous les moyens lourds, mais que nous oublions les fantassins. Rien n’est fait pour les aider, ne serait-ce qu’à se former aux nouvelles technologies. Ils n’intéressent pas ! Rien n’est fait non plus pour aider ces petites et toutes petites entreprises dans leurs programmes d’investissement, que ceux-ci visent à réaliser un saut technologique ou simplement à assurer des transferts de technologies indispensables à leur survie.

M. André Reichardt. Très juste !

M. Philippe Leroy. Les fantassins de l’industrie et de l’économie sont oubliés ! Monsieur Bosino, je vous rejoins sur ce point, même si j’approuve les efforts que nous faisons dans le domaine économique en France.

Dans le cadre du choc de simplification, le silence de l’administration vaudrait accord après deux mois. Cette réforme, inscrite dans la loi de 2014, semblait bienvenue, mais la situation est pire aujourd’hui qu’avant. Sur les 3 200 procédures qui concernent les petites entreprises, seules 1 200 peuvent faire l’objet d’un raccourcissement des délais de réponse. Or, dans ce cas-là, le délai n’est plus forcément de deux mois : il peut aller jusqu’à neuf mois ! Résultat, même au sein de l’administration, plus personne ne sait comment le dispositif fonctionne exactement. C’est donc un facteur d’insécurité juridique. Les grandes entreprises s’en tirent bien, mais les petites sont effrayées par cette lourdeur administrative. Pensons, là encore, à nos fantassins !

Monsieur le ministre, sur un tout autre thème, nous demandons plus de transparence en ce qui concerne les discussions engagées en vue des accords économiques entre l’Europe et les États-Unis. En effet, les négociations sur le Transatlantic Trade and Investment Partnership, le TTIP, sont un peu menées dans l’ombre.

M. André Reichardt. C’est vrai !

M. Philippe Leroy. Le Parlement manque d’éclairage sur ces négociations. Évidemment, cela ne nous regarde pas,…

M. Roger Karoutchi. Ah bon ? Pourquoi ?

M. Philippe Leroy. … sauf que cela nous intéresse énormément.

Cela ne nous regarde pas, mon cher collègue, parce que c’est l’Europe.

M. Roger Karoutchi. Mais si, ça nous regarde !

M. Philippe Leroy. Pour conclure, je veux dire que mon groupe réserve sa position définitive sur les crédits de la mission « Économie », en attendant la réponse qui nous sera donnée sur le FISAC. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.

M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Économie » pour 2016 s’inscrivent dans une trajectoire qui conjugue deux objectifs étroitement liés : le redressement économique et productif de la France ainsi que la contribution à la restauration progressive des comptes publics de la nation.

Compte tenu du temps qui m’est imparti, je centrerai mon propos sur l’appréciation qui peut être faite du projet de budget pour 2016 consacré à la politique industrielle à partir de l’examen des crédits du programme 134, « Développement des entreprises et du tourisme ». J’aborderai également la question de l’équipement en infrastructures numériques des territoires, le programme 343, « Plan France très haut débit ».

L’appréciation du budget consacré en 2016 à la politique industrielle de la France ne peut, tant s’en faut, se limiter à l’analyse du programme 134.

Sur la question de la place de l’industrie dans notre production, nous partons de loin tant la régression de la part de la production industrielle au cours des décennies passées a été considérable, se traduisant par une perte de plus de 3 millions d’emplois depuis 1980, puisqu’il y en avait alors 5,7 millions, contre 2,4 millions aujourd’hui. Ces emplois nous font défaut, a fortiori dans un contexte de croissance encore trop faible et de solde net d’arrivée sur le marché du travail de l’ordre de plus de 150 000 actifs par an. Les derniers chiffres du chômage nous le rappellent.

Ni ces chiffres ni leurs tendances ne doivent nous faire dévier de la trajectoire qui a été engagée par le Gouvernement et le ministre de l’industrie pour la reconstruction d’un tissu industriel performant ; celui-ci est nécessaire au nouveau monde industriel qui naît et dont nous devons être activement partie prenante.

Perte de compétitivité, destruction d’emplois, croissance encore insuffisante, concurrence exacerbée au niveau européen comme mondial, la question que pose l’examen des crédits de cette mission, au-delà de l’évolution des chiffres, est de savoir si la réorientation de notre stratégie nationale en matière d’économie est pertinente et prometteuse. Je réponds oui à cette question, et je m’en explique.

Deux dispositifs complémentaires contribuent à l’amélioration de la compétitivité globale de notre industrie : d’une part, les mesures fiscales d’allégements de charges prises dans le cadre du pacte de responsabilité ; d’autre part, le déroulement des PIA, les programmes d’investissements d’avenir, dont les soutiens s’ajoutent aux enveloppes budgétaires préexistantes.

Aux côtés des programmes 134 et 192 de la mission « Économie », le PIA est devenu le principal canal financier de soutien à l’innovation industrielle. Ainsi, 13,5 milliards d’euros sont engagés à 80 %. En cinq ans, le PIA a injecté 2 milliards d’euros par an de dotations publiques vers l’amont du secteur industriel.

Deux autres composantes du PIA ont une dimension plus transversale mais soutiennent aussi fortement le secteur industriel : le programme « Économie numérique », pour une dotation de 4,5 milliards d’euros, dont 2,6 milliards d’euros d’aides aux entreprises du secteur hors réseaux très haut débit et transition numérique de l’État, engagés à 61 % ; le programme « Développement durable », pour 2 milliards d’euros concernant directement l’industrie, engagés à 45 %.

Au total, les enveloppes des PIA fléchées vers l’industrie représentent 18,2 milliards d’euros, engagés à hauteur de 74 %, ce qui représente un effort annuel de 2,7 milliards d’euros depuis la fin de l’année 2011.

Après avoir cru, pendant plus de trente ans, que les pays industrialisés s’acheminaient tous, à plus ou moins long terme, vers une société post-industrielle dans laquelle les activités de service supplanteraient les activités de production, que l’industrie serait supplantée par le tertiaire, on constate aujourd’hui l’émergence d’un modèle hyperindustriel qui allie production industrielle et activités de service. L’émergence d’une telle société hyperindustrielle représente une chance pour notre pays, d’autant plus – c’est le cas – si elle s’inscrit dans un objectif de transition écologique.

La stratégie des PIA et de la Nouvelle France industrielle sert cette ambition majeure, qui nous permet de créer les emplois durables pour aujourd’hui et plus encore pour demain. Je salue la constance et la résolution du Gouvernement et du ministre de l’économie dans le pilotage efficient de cette stratégie essentielle pour redresser notre appareil productif.

En parallèle de la Nouvelle France industrielle, les dépenses fiscales figurant dans ce budget constituent un appui majeur au rétablissement à très court terme de notre compétitivité-prix. Trois dispositifs principaux ont un impact financier important sur le secteur industriel : le crédit d’impôt recherche, par un abaissement de la charge fiscale des entreprises de l’ordre de 5,5 milliards d’euros par an, dont 3,3 milliards d’euros pour l’industrie ; le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, avec un impact estimé à 14,2 milliards d’euros pour 2014, dont 2,9 milliards pour l’industrie ; enfin, le dispositif de suramortissement, qui représente 500 millions d’euros par an en année pleine, dont 100 millions d’euros par an pour l’industrie.

À ce dispositif s’ajoutent d’autres dépenses fiscales qui ont un impact financier sur le secteur industriel, notamment l’ensemble des mesures qui entrent dans le pacte de responsabilité et de solidarité, hors CICE : les exonérations de cotisations patronales versées aux URSSAF, la révision du barème des allégements existants jusqu’à 1,6 fois le SMIC et la baisse des cotisations familiales pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC. À ces dépenses fiscales, il faut ajouter la disparition progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, et la suppression, dès 2016, de la contribution exceptionnelle à l’impôt sur les sociétés.

L’ensemble de ces mesures représentera un allégement fiscal pour les entreprises de l’ordre de 13 milliards d’euros en 2016, dont 2 milliards d’euros pour les entreprises du secteur industriel. Au total, le cumul des dispositifs fiscaux pour l’industrie s’élèvera à plus de 8 milliards d’euros.

Si l’on met bout à bout les financements budgétaires, ceux qui sont dédiés au PIA et les dépenses fiscales, l’effort financier global consenti pour soutenir les politiques industrielles atteint 11,2 milliards d’euros. Il s’agit là d’un montant considérable, que la lecture directe des programmes de la mission ne permet pas d’appréhender à sa juste mesure.

Même si certaines enveloppes sont, il est vrai, en baisse, il n’en demeure pas moins que l’analyse des données budgétaires ramenées dans le champ de l’industrie montre sans ambiguïté que la nation investit de nouveau massivement dans le redressement industriel de notre pays. D’ailleurs, les premiers effets de ces actions se font sentir. Depuis la fin de l’année 2014, nos coûts unitaires salariaux sont inférieurs à ceux de notre voisin, l’Allemagne.

Pour terminer, je tiens à saluer l’action du Gouvernement et, au-delà, de toutes les collectivités locales pour ce qui concerne l’équipement de nos territoires en matière de très haut débit.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Franck Montaugé. Le programme 343, « Plan France très haut débit », constitue le cadre de l’intervention financière de l’État.

Le déploiement du très haut débit sur tout le territoire à l’horizon de 2022 représente plus de 20 milliards d’euros d’investissements, dont 13 milliards à 14 milliards d’euros au titre des réseaux d’initiative publique, les RIP, dans les zones non denses. D’ici à 2022, 3 milliards d’euros, soit la moitié du financement accordé aux RIP, seront consacrés à l’équipement des territoires ruraux, donc hors métropoles et agglomérations. En outre, 188 millions d’euros au titre des autorisations d’engagement sont ouverts en 2016.

Ces équipements d’infrastructures conditionnent la capacité de nos territoires à maintenir et à accueillir des populations, ainsi qu’à offrir des conditions techniques favorables, indispensables à l’accueil de nos entreprises. Ainsi, quatre-vingt-neuf départements se sont résolument engagés dans ce grand projet, dont certains en quasi-pionniers, comme le Gers. D’ailleurs, je salue cette coopération tout à fait exemplaire entre l’État et les collectivités, qui trouve sa traduction dans les contrats de plan État-région, lesquels sont signés en ce moment même.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne pense pas que l’on puisse réduire l’appréciation d’un budget comme celui de la mission « Économie », pour sa part touchant à l’industrie, au seul examen des niveaux ou des tendances des crédits de paiement ou des autorisations de programme concernés. Notre approche doit être fondée sur l’efficience des fonds engagés, et nous devons mesurer l’effet de levier des stratégies déployées, des fonds engagés sur l’économie nationale globale. Des indicateurs adaptés à ce nouvel agrégat seraient, à cet effet, bien utiles.

De l’État producteur d’antan, nous devons passer ici à un État stratège, qui doit aussi, dans d’autres domaines d’intervention, conserver son rôle social protecteur !

Dans ce monde où l’innovation technologique est au cœur des processus industriels, la rapidité d’adaptation est essentielle, et l’État doit impulser et accompagner les modèles et les processus de transition. Eu égard à la compétitivité, c’est à ce prix que le redressement productif pourra s’opérer au bénéfice de nos concitoyens, qui doivent tous trouver leur place dans la création de valeur nationale. Nous sommes sur le chemin. Et même si beaucoup reste à faire, convenons ensemble, mes chers collègues, au regard des premiers signes positifs qui se font jour et du formidable potentiel de notre pays, que les orientations prises sont les bonnes et qu’elles doivent être approfondies. Il en est de même pour l’ensemble des crédits de cette mission. C’est pourquoi nous soutiendrons ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous dire la joie qui est la mienne de vous retrouver un samedi matin (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Ça aurait pu être un dimanche !

M. Emmanuel Macron, ministre. … pour débattre de la mission « Économie ».

MM. Vincent Eblé et Claude Raynal. Le plaisir est partagé !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je l’espère… Après les jours et les nuits que nous avons passés ensemble voilà quelques mois, je dois dire que j’éprouvais une certaine nostalgie. (Nouveaux sourires.)

Avant de souligner deux caractéristiques, je tiens à remercier les différents orateurs d’avoir présenté dans le détail et très fidèlement le budget de la mission « Économie ».

Les efforts d’économies appliqués à cette mission sont de l’ordre de 4,8 % par rapport à la loi de finances pour 2015, ce qui est en cohérence avec l’ensemble des efforts demandés aux autres missions. En dépit de ces efforts, la continuité de notre action est inscrite dans ce budget dans la mesure où nous avons préservé les priorités qui sont les nôtres, à savoir, d’une part, l’innovation, un sujet sur lequel je reviendrai, et, d’autre part, les missions de contrôle et de régulation, garantes de l’ordre public économique.

Concernant l’innovation, les efforts d’économies réalisés sur certains dispositifs comme le Fonds de compétitivité des entreprises ou le Fonds unique interministériel ont été rendus possibles grâce à certaines optimisations. À cet égard, le programme d’investissements d’avenir a été substitué, pour partie, à certains crédits budgétaires. Toutefois, nous avons souhaité maintenir les crédits les plus importants afin de ne pas fragiliser certains dispositifs – je pense ici aux pôles de compétitivité.

Dix ans après leur mise en place, les crédits de fonctionnement des pôles de compétitivité ont été intégralement maintenus, pour s’élever, en 2016, à 14 millions d’euros. Au cours du premier trimestre de l’année prochaine, nous procéderons aux réorientations et aux réorganisations nécessaires, mais à crédits budgétaires constants.

Par ailleurs, le dispositif de soutien aux jeunes entreprises innovantes est aussi intégralement préservé. Les aides à l’innovation de la Banque publique d’investissement seront maintenues en 2016 à hauteur de 170 millions d’euros.

Il s’agit là de deux dispositifs importants, qui sont attendus. Nous avons corrigé les mesures de restriction qui avaient été prises précédemment. Là aussi, il faut donner de la visibilité.

Concernant l’innovation, je tiens à rappeler l’importance des moyens attribués au PIA, dont le second volet mis en place à partir de 2014 est doté de 2,3 milliards d’euros, au service des priorités de notre ministère. Il faut regarder ce point en miroir avec le budget dont nous discutons. À la fin du premier semestre de 2015, un tiers des fonds était déjà engagé en faveur des projets innovants.

La seconde priorité concerne l’ordre public économique, avec notamment les missions fondamentales de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Comme ce fut le cas en 2015, les effectifs seront stabilisés l’année prochaine, ce qui traduit une priorité forte. Des efforts importants avaient été demandés à cette direction au cours des années précédentes, qui ont été atténués en 2014, avec l’augmentation de quinze équivalents temps plein et une stabilisation des effectifs cette année. Ces missions critiques dans l’environnement qui est le nôtre sont particulièrement importantes, qu’il s’agisse de la consommation, de la protection du consommateur ou de la concurrence.

Permettez-moi maintenant d’égrener plusieurs sujets sur lesquels vous m’avez, les uns et les autres, interrogé, avant de conclure de manière un peu plus large.

Vous avez soulevé plusieurs préoccupations concernant le FISAC. Avant de parler des crédits affectés à ce fonds, j’aimerais revenir sur la procédure, qui est fondamentalement importante.

Pendant deux ans et demi, nous avons avant tout traité le stock, qui sera apuré en 2016 ; il faut prendre en compte cette donnée.

M. Didier Guillaume. Il y avait un retard important !

M. Emmanuel Macron, ministre. On peut afficher des crédits importants, on peut faire des appels d’air, mais l’impact sur la réalité de notre économie est très faible si le stock n’est pas traité,…

M. Michel Bouvard. C’est vrai !

M. Emmanuel Macron, ministre. … ce qui était le cas depuis des années. C’est pourquoi nous nous sommes employés à traiter le stock existant, qui sera totalement apuré, je le répète, dès le premier semestre de l’année prochaine. Surtout, nous avons réformé l’année dernière le dispositif, qui rentre pleinement en vigueur : il fonctionnera par appel à projets, ce qui est à la fois beaucoup plus transparent et réactif. Je tiens à vous rassurer, mesdames, messieurs les sénateurs, nous veillerons à faire en sorte que les délais d’instruction soient les plus réduits possible.

Le niveau des autorisations d’engagement, fixé à 15 millions d’euros, permettra de financer les priorités qui ont été retenues, à savoir les centres-bourgs, la préservation des commerces en zone rurale, les travaux d’accessibilité et les stations-service. À cet égard, je sais combien la question relative au Comité professionnel de la distribution de carburants est sensible. Aussi, je veux vous dire que les aides à l’investissement pour les stations-service peuvent être financées par le FISAC. Ce sont 2,5 millions d’euros qui sont réservés à cet effet dans l’enveloppe annuelle. Ainsi, les crédits de paiement dévolus au FISAC s’établissent, quant à eux, à la suite de l’adoption par l'Assemblée nationale d’un amendement visant à abonder la dotation budgétaire de 3,1 millions d’euros, à 13,1 millions d’euros. Le besoin que vous avez évoqué a donc été pris en compte. Les autorisations d’engagement, quant à elles, s’élèvent à 15 millions d’euros.

Concernant les fameuses aides à l’investissement pour les stations-service, le Président de la République a annoncé le 14 septembre dernier, lors du comité interministériel aux ruralités – nous aurons l’occasion d’en discuter dans le cadre de l’examen des amendements –, la volonté du Gouvernement de mobiliser 12,5 millions d’euros par le truchement du fonds de soutien à l’investissement local, qui sera doté de 1 milliard d’euros, dont la création est prévue dans le projet de loi de finances, et non pas au travers d’autres crédits budgétaires.

Vous m’avez également interrogé sur les réseaux consulaires, en particulier le sujet, sensible, des chambres de commerce et d’industrie.

Je veux d’abord redire que les efforts demandés aux chambres de commerce et d’industrie doivent être évalués à l’aune des bénéfices réalisés avec la réforme de la taxe professionnelle. Si nous perdons de vue la dynamique de la ressource qui a été perçue pendant plusieurs années, on ne peut comprendre l’effort que nous leur demandons, en particulier pour ce qui concerne la taxe affectée.

Pendant plusieurs années, au bénéfice d’une réforme dont ce n’était pas la première finalité, vous le savez bien, les chambres consulaires ont touché beaucoup plus que précédemment.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Emmanuel Macron, ministre. C’est pourquoi nous avons opéré l’année dernière un prélèvement sur leur fonds de roulement, puis nous avons procédé à une baisse des taxes affectées.

La baisse des taxes affectées est une mesure saine à la fois budgétairement et pour l’économie. Cela permet à la fois de prélever moins d’argent sur les entreprises – ce sont les entreprises qui paient ces taxes – et d’inciter les réseaux consulaires à consentir davantage d’efforts.

Cette année, nous avons exclu tout nouveau prélèvement exceptionnel sur leur fonds de roulement, mais nous avons poursuivi la logique de baisse des taxes affectées, qui atteindra 130 millions d’euros, à la suite de l’adoption, par l'Assemblée nationale, d’un amendement visant à ramener la baisse de 150 millions à 130 millions d’euros. Instruits, si je puis dire, par l’expérience de l’année dernière, nous avons prévu un fonds de péréquation doté de 20 millions d’euros.

Notre faiblesse, en la matière, c’est l’organisation même du réseau consulaire,…

M. Emmanuel Macron, ministre. … l’entité faîtière, CCI France, n’ayant pas la possibilité de procéder elle-même à la répartition.

Vous vous souvenez tous des débats incessants que nous avons eus pour essayer de piloter chaque chambre de commerce, en déclinant les efforts de chacune d’entre elles.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Ah oui !

M. Emmanuel Macron, ministre. L'Assemblée nationale a souhaité que ce fonds, doté de 20 millions d’euros, permette de procéder à la péréquation, afin de pallier les effets indus de la baisse de la taxe affectée : 18 millions d’euros seront consacrés au financement, par le réseau, de projets structurants de modernisation ou à la solidarité financière nécessaire pour répondre aux difficultés d’une chambre consulaire en particulier ; 2 millions d’euros permettront à CCI France de financer les projets d’intérêt national en faveur de l’innovation et de la modernisation du réseau.

Nous avons également veillé à ce que la baisse des taxes affectées se traduise par une baisse du même montant de la fiscalité sur les entreprises, car tel est l’objectif recherché. Nous devons collectivement veiller à ce que, dans le cadre des arbitrages, les réseaux consulaires ne cherchent pas, par provocation ou pour nous faire céder, à diminuer les crédits octroyés à certaines écoles ou attribués aux missions les plus importantes, comme cela est arrivé par le passé.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Absolument !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce n’est pas l’idée que l’on se fait des établissements publics, qui sont porteurs de l’intérêt général.

Néanmoins, ce réseau a le souci, je le sais, de mener de nombreuses actions utiles en termes d’apprentissage et de développement de l’économie. Une véritable concertation a été engagée cette année, qui a été productive. D’ailleurs, la création de ce fonds de péréquation a fait l’objet d’une concertation avec le réseau consulaire et de discussions entre les chambres de commerce. On peut donc se féliciter de l’amélioration générale du contexte.

Dans le même temps, nous avons préservé les ressources du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat, qui est, quant à lui, plus fragile.

J’aborderai maintenant un autre sujet important : les centres techniques industriels et les comités professionnels de développement économique.

Les réformes prévues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016 sont la traduction des recommandations formulées dans le rapport qui m’a été remis par Clotilde Valter à l’automne 2014 pour ce qui concerne la refonte du système de financement. On passe d’un système dual, comprenant à la fois des dotations et des taxes affectées, à un système de taxes affectées uniquement, sauf objections des centres visés. Trois taxes ont été créées dans le projet de loi de finances pour 2016 : au profit de l’Institut des corps gras, du Centre technique des industries de la fonderie et du nouveau centre technique industriel de la plasturgie et des composites. Du coup, un centre technique industriel sera créé pour la filière de la plasturgie, qu’il contribuera à structurer ; demandé par les professionnels, cet outil l’était aussi par certains d’entre vous, que je remercie pour leur travail en la matière.

Par ailleurs, des contrats de performance seront mis en place pour ces différentes structures.

Enfin, l’article 53 du projet de loi de finances procède à des ajustements techniques d’harmonisation et de simplification des taxes affectées destinés à répondre à certaines craintes qui se sont manifestées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que toutes les rectifications nécessaires pour clarifier le dispositif ont été opérées, en liaison avec les professionnels concernés.

J’en viens aux moyens accordés à l’ANFR, l’Agence nationale des fréquences, et à l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, deux opérateurs dont, je crois, nous avons pris en compte l’ensemble des besoins.

Remarquez que nous n’avons accru les compétences ni de cet établissement public administratif ni de cette autorité administrative indépendante. Nous avons renforcé les pouvoirs de sanction de la seconde, ce que, je crois, tout le monde demandait ; plus précisément, la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques permet à l’ARCEP de vérifier que les opérateurs téléphoniques respectent leurs engagements en matière de déploiement du mobile et, le cas échéant, de les sanctionner.

En ce qui concerne l’ANFR, vous n’êtes pas sans savoir que nous avons octroyé les fréquences de la bande 700 mégahertz de la télévision numérique terrestre, la TNT. Cette cession, qui interviendra avant la fin de l’année, rapportera 2,8 milliards d’euros sur lesquels 82 millions d’euros seront affectés à l’ANFR, en trois versements de 27,3 millions d’euros entre 2016 et 2018, pour lui permettre de financer les mesures de modernisation de la plateforme TNT qui garantiront que la libération de la bande 700 n’aura pas de conséquences. Par ailleurs, les crédits de cet organisme sont préservés, puisqu’il percevra 31,8 millions d’euros en 2016 après avoir bénéficié de 31 millions d’euros en gestion cette année. Sans compter que son plafond d’emplois est ajusté pour prendre en compte les besoins nouveaux : il s’élèvera à 305 ETPT en 2016, contre 302 en 2015. Nous n’avons donc pas à rougir du traitement réservé à l’ANFR.

Nous avons également veillé à préserver les moyens de l’ARCEP, dont les crédits de fonctionnement seront stables l’année prochaine, de même que le plafond d’emplois, fixé à 171 ETPT. Ces moyens ont été négociés en bonne intelligence avec le président de cet organisme, avec lequel je travaille main dans la main – nous nous rencontrons tous les deux mois – pour assurer le respect par l’ensemble des opérateurs de leurs engagements en matière de déploiement du fixe comme du mobile, comme j’en avais pris l’engagement devant vous. J’ajoute que le président de l’ARCEP lancera une revue des missions de son organisme, en vue d’en améliorer l’efficacité.

Plusieurs orateurs m’ont interrogé sur le plan France très haut débit. Ce plan ne doit pas soulever de polémiques, vu que nous avons repris la méthode que nos prédécesseurs ont lancée et qui me paraît être la bonne : diviser le territoire national en trois zones pour le déploiement de la fibre. Dans les zones rentables, nous demandons aux opérateurs de supporter l’intégralité de la charge ; dans les zones intermédiaires, dites AMII, le financement est assuré par les opérateurs, mais dans le cadre de conventions qui leur permettent d’opérer une répartition ; dans les zones non rentables, enfin, les finances publiques locales comme nationales sont mises à contribution. L’enveloppe totale se monte à 20 milliards d’euros, dont une large part repose sur les opérateurs privés ; les moyens correspondant à la contribution publique sont prévus, en crédits de paiement comme en autorisations d’engagement, dans le cadre du programme 343. Les choses avancent donc.

Un retard avait été pris dans les zones AMII, en raison de l’opération SFR-Numericable et de discussions qui avaient repris entre cet opérateur et Orange ; j’ai mis fin à ces discussions l’été dernier, pour que ces opérateurs puissent redéployer à marche forcée l’équipement en zone AMII.

Dans les zones non rentables, les projets de réseaux d’initiative publique sont présentés à l’Agence du numérique en vue de bénéficier de financements. Soixante-dix-huit projets, concernant quatre-vingt-neuf départements, ont fait l’objet d’une demande de financement. Les dossiers sont en train d’être terminés. Un cahier des charges a été défini pour simplifier la procédure et donner de la visibilité aux acteurs. Par ailleurs, les éléments tarifaires ont été encadrés pour éviter les mauvaises pratiques et la transparence a été assurée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tout cela avance bien. D’ailleurs, la couverture des zones rurales en très haut débit est passée de 2 % au début de 2012 à 25 % au début de 2015. J’ai bien conscience que les progrès ne sont jamais assez rapides pour les habitants des zones concernées, mais nous avançons à marche forcée, et le rythme de croisière sera atteint l’année prochaine : un million de locaux seront desservis en fibre optique chaque année pour les seuls projets des collectivités territoriales et, l’ensemble des projets RIP et des financements étant réunis, nous pourrons accélérer encore le programme à partir du premier semestre de 2016.

Certains orateurs ont signalé à juste titre les enjeux européens liés à cette question. La revue à laquelle procède la Commission européenne de notre plan et de la montée en débit qui va de pair avec lui est un processus légitime et naturel. Il est sur le point de prendre fin ; je rencontrerai d’ailleurs lundi matin la commissaire européenne Margrethe Vestager. J’ai bon espoir que nous obtiendrons rapidement une réponse favorable et que la Commission européenne ne sera pas portée à bloquer l’avancée de ce dossier.

Pour ce qui touche à l’agence France Entrepreneurs, je tiens à vous rassurer. Cet organisme reprendra au 1er janvier 2016 les missions de l’Agence pour la création d’entreprise, qui s’ordonnent autour de quatre axes : informer les entrepreneurs, coordonner les interventions publiques, innover dans le champ de l’entrepreneuriat et évaluer les politiques publiques menées dans ce domaine.

Les crédits budgétaires des différents ministères compétents en la matière, qui s’élèvent au total à 3,6 millions d’euros, seront regroupés sur le programme 134, sans nouvel abondement. La simplification que nous réalisons concerne non seulement la présentation budgétaire, mais aussi l’organisation des guichets. En effet, les guichets destinés aux entrepreneurs, notamment issus des quartiers, étaient jusqu’ici très nombreux ; cette complexité ne rendait pas service aux personnes désireuses d’entreprendre, en particulier lorsqu’elles étaient loin de l’emploi ou plus fragiles. La création d’une structure plus simple et plus proactive profitera à tout le monde !

Les problèmes qui se posent au sein de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont connus : ils tiennent au morcellement des effectifs, aux fortes tensions sociales et à la perte de réactivité qui a pu résulter de la RéATE et des diverses réorganisations. Mes collègues Clotilde Valter, Martine Pinville et Bernard Cazeneuve ainsi que moi-même avons souhaité lancer une mission visant à examiner, dans le cadre de l’arbitrage rendu par le Premier ministre, les moyens de mieux organiser l’échelon local, en particulier départemental. Cette mission, dont les conclusions nous seront remises dans les quinze prochains jours, explore deux voies : le renforcement des dispositifs d’interdépartementalisation et l’amélioration de l’articulation entre les échelons départemental et régional.

Notre volonté est de continuer à mener une action cohérente avec la réforme territoriale. À cet égard, il n’y a pas à douter que l’État continue d’avoir un rôle à jouer sur les territoires en matière de politique économique, même à la suite de la réforme territoriale qui a été menée. De fait, les missions de veille et d’information, de coordination, de relais de nos politiques et de contrôle, toutes missions essentielles, relèvent fondamentalement de l’État.

On m’a interrogé également au sujet de La Poste. Je tiens, là aussi, à vous rassurer : la baisse de 130 millions à 119 millions d’euros des crédits alloués aux aides à la presse sera compensée par la future réforme de ces aides ; cette réforme, que ma collègue Mme Pellerin annoncera dans les prochains jours, améliorera la contribution de certains acteurs, en sorte qu’il n’y aura aucune perte budgétaire pour La Poste.

Pour finir, je souhaite mettre en lumière la cohérence d’ensemble de la politique économique du Gouvernement.

La force d’une politique économique, sa cohérence tiennent d’abord à la stabilité et au volontarisme de ses orientations macroéconomiques.

M. Emmanuel Macron, ministre. De ce point de vue, le pacte de responsabilité et de solidarité qui a été fixé donne la priorité à la politique de compétitivité, à la relance par l’investissement privé – plusieurs orateurs ont évoqué le suramortissement – et à une politique concomitante de modernisation macroéconomique et microéconomique dans tous les secteurs, une politique qui a inspiré la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et la loi relative au dialogue social et à l’emploi et qui inspirera le projet de loi visant à favoriser les nouvelles opportunités économiques et la réforme de la négociation.

Nous menons également une politique industrielle refondée, reposant sur le déploiement des infrastructures essentielles sans lesquelles il n’y a pas de politique industrielle, en particulier du très haut débit, et sur l’accompagnement de tous les acteurs dans la transformation économique qu’ils connaissent : là est le cœur de la nouvelle France industrielle. À cet égard, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous rassurer sur notre souci d’accompagner les TPE et les PME : je me suis personnellement assuré que Bpifrance comme les plans Nouvelle France industrielle seraient concentrés sur cette mission.

Voyez l’Alliance pour l’industrie du futur, qui est la matrice de notre politique industrielle : elle a pour objectif d’accompagner, d’ici au printemps 2016, 2 000 TPE, PME et ETI dans leur montée en gamme, une étape pour laquelle nos insuffisances étaient jusqu’ici notre maladie chronique. Ce ne sont pas les grands groupes que nous accompagnons ! Nous inspirant des bonnes pratiques de certaines filières, comme l’aéronautique, nous allons soutenir la montée en gamme de nos entreprises petites, moyennes et intermédiaires à travers des appels à projets, mais surtout du tutorat et de l’accompagnement. Dès à présent, plusieurs centaines d’acteurs aident ces entreprises à investir pour monter en gamme, ce qui est absolument décisif.

Cette Nouvelle France industrielle se fonde sur les neuf solutions industrielles que j’ai présentées. Elle correspond à une transformation de notre modèle productif, une modernisation dont le cœur est l’investissement privé. Sans investissement, pas de modernisation de notre économie et pas d’emplois demain ! Là est l’erreur que nous avons commise voilà une quinzaine d’années.

Enfin, nous soutenons l’innovation et les start-up, ce qui est le complément nécessaire et naturel de notre action. Au titre du deuxième programme d’investissements d’avenir, 15 millions d’euros ont été votés l’année dernière : même s’ils n’apparaissent pas dans le présent projet de loi de finances, ils contribuent toujours à notre politique. Ces start-up, nous continuerons de les accompagner, notamment dans le cadre de la French Tech : elles sont un relais de croissance au cœur de la transition de notre économie.

Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, la cohérence de notre politique économique et industrielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – MM. Michel Bouvard, Marc Laménie et Jean-Claude Luche applaudissent également.)

économie

Economie - Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 52
Economie - Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 52

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Économie

1 901 787 641

1 700 175 561

Développement des entreprises et du tourisme

850 863 250

837 502 966

Dont titre 2

414 735 292

414 735 292

Plan “France Très haut débit”

188 000 000

0

Statistiques et études économiques

437 807 834

437 556 038

Dont titre 2

371 806 145

371 806 145

Stratégie économique et fiscale

425 116 557

425 116 557

Dont titre 2

146 803 813

146 803 813

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-129 rectifié est présenté par Mme Doineau, M. Delahaye, Mme Billon, MM. Longeot, Médevielle et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L’amendement n° II-145 est présenté par MM. Chiron et Lalande, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Développement des entreprises et du tourismedont titre 2

12 500 000

0

12 500 000

0

Plan ‘France Très haut débit’

0

0

0

0

Statistiques et études économiquesdont titre 2

0

6 250 000

0

6 250 000

Stratégie économique et fiscaledont titre 2

0

6 250 000

0

6 250 000

TOTAL

12 500 000

12 500 000

12 500 000

12 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° II-129 rectifié.

M. Michel Canevet. Notre groupe apprécie les efforts de rigueur que traduit le budget de la mission « Économie », même si, comme l’a fait observer Philippe Leroy, ils portent essentiellement sur les dépenses d’intervention, au détriment des dépenses de fonctionnement. C’est précisément ce travers que l’adoption du présent amendement contribuerait à rectifier.

Parmi les grands enjeux économiques figure l’aménagement rural. À cet égard, monsieur le ministre, vous avez rappelé que, en plus des crédits prévus pour le FISAC, d’autres seront prélevés sur le nouveau fonds de soutien à l’investissement local. Or nous estimons que ce dernier fonds doit servir plutôt à soutenir les projets des collectivités territoriales qu’à financer des programmes insuffisamment dotés par ailleurs.

Cet amendement vise à mettre en pratique les engagements que le Président de la République a pris, comme vous l’avez rappelé, lors du dernier comité interministériel aux ruralités, pour permettre le financement des dossiers en attente. Dans les territoires ruraux, les habitants n’ont pas encore la possibilité de circuler avec des véhicules fonctionnant à l’électricité ou à l’hydrogène. Il leur faut donc des stations-service en nombre suffisant et modernisées comme il convient. Répondre à des besoins de ce type est un enjeu d’aménagement du territoire ! C’est pourquoi nous proposons de majorer de 12,5 millions d’euros le budget du FISAC, afin que les dossiers en attente puissent être soldés.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lalande, rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-145.

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Cet amendement de la commission des finances, identique à celui présenté par M. Canevet, vise à affecter 12,5 millions d’euros supplémentaires au FISAC. Nous avons bien entendu vos propos, monsieur le ministre, et nous les jugeons positifs, mais nous estimons que la commission des finances est dans son rôle en cherchant à s’assurer, dans l’attente de la mise en pratique de vos déclarations, que, au terme des discussions budgétaires de cette année, les 12,5 millions d’euros annoncés seront bien ouverts au sein du programme 134. Par ailleurs, nous nous demandons si ces crédits seront gérés au niveau central ou local.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je répète que le FISAC est désormais entré dans une logique d’appel à projets. Notre conviction est que les 15 millions d’euros d’autorisations d’engagement ouverts pour 2016 sont de nature à répondre aux besoins. Faut-il accroître cette dotation en autorisations d’engagement et en crédits de paiement des 12,5 millions d’euros sur lesquels le Président de la République s’est engagé en faveur des stations-service ? Pour répondre à cette question, je tiens à présenter deux observations.

D’abord, cet engagement sera pris en compte non pas en intégralité dans le cadre du FISAC, mais pour une part dans le cadre de l’enveloppe de 1 milliard d’euros dégagée pour les collectivités territoriales.

Ensuite, nous avons décidé d’augmenter de 3,1 millions d’euros les crédits de paiement dévolus au FISAC, de sorte qu’ils s’élèveront à 13,1 millions d’euros en 2016. Nous avons ainsi cherché à tenir compte, en sus des autres priorités, de la nécessité de financer certaines dépenses liées aux stations-service. Cette part sera gérée dans le cadre de la gouvernance classique du FISAC ; le reste sera géré selon la logique des appels à projets.

Pour résumer, 2,5 millions d’euros seront réservés dans le cadre d’une enveloppe annuelle gérée par le FISAC, le reste des dépenses pour les stations-service étant géré dans le cadre du fonds de soutien à l’investissement local.

Nous considérons qu’un équilibre a été trouvé au travers, d’une part, de l’adoption de l’amendement majorant de 3,1 millions d’euros les crédits de paiement et, d’autre part, de l’engagement que nous avons pris de tenir compte des dépenses liées aux stations-service dans le cadre du fonds de soutien à l’investissement local.

Dans l’hypothèse où je serais parvenu à convaincre les auteurs de ces deux amendements identiques, je leur demande de bien vouloir les retirer ; faute de quoi, j’émettrai un avis défavorable. Et vous vous doutez de la douleur qui serait la mienne dans ce cas-là ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lalande, rapporteur spécial.

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Il me semble que la réponse du ministre nous permet de retirer cet amendement, monsieur le rapporteur général ?

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La question des stations-service en milieu rural est importante. Voilà pourquoi la commission des finances a souhaité, de manière très consensuelle, que celle-ci soit traitée au cours du débat.

Selon moi, maintenir les dispositions prévues par ces amendements dans la navette constituerait sans doute la meilleure garantie pour que le sujet soit examiné de plus près. Je préférerais donc que nous nous en remettions à la sagesse du Sénat.

Cela étant, si les deux rapporteurs spéciaux considèrent que l’engagement de M. le ministre est suffisant, je m’incline. Quoi qu’il en soit, je les laisse juges.

Mme la présidente. Que décidez-vous, monsieur le rapporteur spécial ?

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. La parole d’un ministre vaut de l’or ! La commission des finances retire donc son amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° II-145 est retiré.

Monsieur Canevet, l'amendement n° II-129 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Canevet. Tout comme M. le rapporteur spécial, je retire mon amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Toutefois, le ministre doit s’engager à ce que le traitement de tous les dossiers en attente puisse effectivement être financé en 2016.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je m’engage à ce que tous les dossiers en stock soient apurés en 2016.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’engagement est clair !

Mme la présidente. L'amendement n° II-129 rectifié est retiré.

L'amendement n° II-199, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Développement des entreprises et du tourismedont titre 2

5 000 000

5 000 000

Plan ‘France Très haut débit

Statistiques et études économiquesdont titre 2

5 000 000

5 000 000

Stratégie économique et fiscaledont titre 2

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. En définitive, mon amendement prend tout son sens ! En effet, Mme Pinville s’était engagée devant la commission des affaires économiques à prélever l’aide de 12,5 millions d’euros pour les stations-service sur le fonds de soutien à l’investissement local. Partant de ce principe, la commission n’avait pas souhaité augmenter la dotation du FISAC.

Pour autant, malgré la hausse de 2,5 millions d’euros de crédits votée à l’Assemblée nationale, nous continuons à considérer que le FISAC est insuffisamment doté. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’augmenter de 5 millions d’euros les crédits de ce fonds. Pour ce faire, notre amendement tend à prélever ce montant sur le programme « Statistiques et études », qui est l’un des programmes les moins touchés par la baisse des crédits de la mission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable : le FISAC doit d’abord faire ses preuves avant qu’on augmente ses crédits.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Madame la rapporteur pour avis, vous proposez une hausse de la dotation budgétaire du FISAC de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Quelle que soit la finalité de cette hausse, notamment si elle vise à concrétiser l’engagement du Président de la République à l’égard des attentes du Comité professionnel de la distribution des carburants – nous venons d’en débattre –, je crois que l’engagement que j’ai pris d’apurer les dossiers en stock devrait être de nature à vous rassurer.

En outre, je le répète, le Gouvernement a déjà accepté une augmentation de la dotation du FISAC de 3,1 millions d’euros en crédits de paiement dès cette année et s’est engagé, pour le reste des dépenses consacrées aux stations-service, à mobiliser le fonds de soutien à l’investissement local.

Le Gouvernement vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi il y sera défavorable.

Mme la présidente. Madame la rapporteur pour avis, l'amendement n° II-199 est-il maintenu ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le FISAC n’est aujourd’hui doté que de 13 millions d’euros, si l’on s’en tient à la version du texte adoptée par l’Assemblée nationale. Cela ne représente que 1 million d’euros par région ! Vous voyez bien à quel point cette dotation est réduite à peau de chagrin !

Non seulement je maintiens mon amendement, mais j’ajoute que je comprends mal l’attitude d’un certain nombre de nos collègues qui étaient favorables à une augmentation de 12,5 millions d’euros des crédits du FISAC et qui ne le sont plus lorsqu’il s’agit d’une hausse de 5 millions d’euros !

M. Jacques Chiron, rapporteur spécial. Ce n’est pas la même chose !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour explication de vote.

M. Michel Le Scouarnec. Je suis très ennuyé, car je suis très attaché au FISAC. Je pense que la chute du niveau de crédits du FISAC est dramatique pour l’aménagement des quartiers, pour le petit commerce et les petits bourgs. Dans certains bourgs, dans des communes de 500 à 1 000 habitants, il n’y a plus de commerces ! Ces communes rencontrent des difficultés pour trouver des locaux, pour trouver des commerçants qui veulent s’installer.

Le niveau des crédits alloués au FISAC est donc insuffisant. Je vous rappelle, mes chers collègues, que cette dotation s’élevait à 81,5 millions d’euros en 2007 et qu’elle n’atteint plus aujourd’hui que 10 millions à 15 millions d’euros.

Nous serions donc favorables à ce qu’elle augmente beaucoup plus. En effet, les communes souffrent déjà de la baisse de la DGF. Par ailleurs, les commerçants et les artisans seraient satisfaits d’une telle mesure. Quant aux maires, ils attendent des moyens supplémentaires pour aménager les bourgs et les quartiers, notamment ceux en rénovation urbaine.

Le FISAC est un atout et un levier pour le dynamisme des communes et des territoires dans leur ensemble. Il lui faudrait donc davantage de crédits. Toutefois, où trouver l’argent ?

M. Michel Le Scouarnec. Je n’attends pas de réponse tout de suite, mais je pense qu’il faudrait regarder de près les quelque 83 milliards d’euros que représentent les niches fiscales, afin de construire un autre avenir que celui qui nous est proposé aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Le groupe écologiste votera contre cet amendement. Non pas que je sois particulièrement hostile au FISAC, mais lorsque j’entends dire qu’il est possible de taper dans le budget des études statistiques de l’État, alors qu’on a déjà atteint l’os, je ne suis pas d’accord !

Aujourd’hui, l’État a besoin de moyens statistiques. Par exemple, la fusion des régions suscite des interrogations et entraîne de nouveaux besoins.

Mes chers collègues, je vous lance un défi : rendez-vous sur le site de l’INSEE – il est déjà totalement obsolète ! – pour y trouver des statistiques. L’autre jour, alors que je préparais un amendement, j’y suis resté deux heures simplement pour trouver le nombre de ménages en France. La statistique la plus récemment publiée par l’INSEE datait de l’année 2012 !

Aussi, on ne peut pas dire qu’il est possible de prendre 5 millions d’euros sur un tel budget. Sinon, nous ne disposerions plus des éléments pour élaborer notre réflexion ou même imaginer le pilotage de nos politiques publiques. Sincèrement, il n’y a pas de gabegie à l’INSEE, je peux vous l’assurer ! Pis, il y a des manques flagrants dans ce domaine.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Je ne reviendrai pas sur le fond de l’affaire, même si je m’étonne un peu des arguments employés par une partie de l’hémicycle, celle-là même qui nous a laissé un stock important de dossiers en instance. On devrait créer un atelier « mémoire » dans le cadre du PLFSS ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Franchement, il n’est pas possible de laisser un tel stock de dossiers, puis de ne pas tenir compte de l’engagement pris aujourd’hui par le ministre de l’apurer !

Sur la forme, madame Lamure, je ne pense pas que vous ayez choisi le bon programme pour prélever ces 5 millions d’euros, si tant est que nous en ayons réellement besoin.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Où voulez-vous les prélever ?

M. Daniel Raoul. Quand je pense en particulier à notre collègue Philippe Dallier,…

M. Philippe Dallier. Pourquoi suis-je pris à parti dans ce débat ? (Sourires.)

M. Daniel Raoul. … pour qui il est important d’avoir des statistiques fiables en matière de logement, je me dis qu’on a bien besoin de ces statistiques. On est par exemple incapable de déterminer aujourd’hui le nombre exact de logements construits : 50 000 logements se baladent sans raison dans la nature ! Nous avons donc besoin de renforcer les outils qui sont au service de la gouvernance économique.

M. André Gattolin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Le groupe UDI-UC soutiendra cet amendement, car il nous semble effectivement nécessaire d’accroître les crédits du FISAC. C’est une question d’aménagement du territoire : on voit bien, comme le disait Michel Le Scouarnec, qu’il n’y a presque plus de commerces dans un grand nombre de bourgs. Or, sans l’intervention conjointe des différents échelons de collectivités territoriales et de l’État, impossible de rétablir un seul commerce !

Nous savons bien, en outre, que les collectivités locales sont confrontées à la baisse de leurs moyens d’intervention. Elles sont donc obligées d’être beaucoup plus sélectives dans le financement de leurs projets. Tout cela conduit à réduire très singulièrement le nombre de services de proximité proposés à la population. L’État doit pouvoir conduire une politique qui encourage significativement le commerce et permette la concrétisation d’un certain nombre de projets. Il y va de l’attractivité du milieu rural !

Peut-être que prendre les crédits sur le programme consacré aux statistiques ne constitue pas le bon moyen,…

M. Michel Le Scouarnec. On n’a qu’à prendre l’argent ailleurs !

M. Michel Canevet. … mais je rappelle qu’une telle mesure entraîne des économies de fonctionnement et contribue ainsi à favoriser – ce qui est positif ! – les dépenses d’intervention.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. C’est vrai qu’il y a beaucoup à dire sur la qualité de notre outil statistique. En matière de logement, on s’est aperçu qu’on était incapable de comptabiliser le nombre exact de logements construits. L’INSEE n’est d’ailleurs peut-être pas la seule en cause dans cette affaire.

Puisqu’on parle de déshabiller Pierre pour habiller Paul – c’est malheureusement la règle de la LOLF –, j’admets que je ne suis pas très favorable, moi non plus, à ce qu’on touche aux moyens de l’INSEE. Ceux d’entre nous qui sont maires, présidents de conseil départemental ou de conseil régional savent combien le recensement de la population est important pour le calcul de leurs dotations…

M. Philippe Dallier. En lisant un certain nombre d’articles, j’ai découvert que les dotations versées aux collectivités territoriales pour qu’elles assurent le recensement de la population étaient en train de fondre petit à petit. On nous demande de faire le boulot, mais la contrepartie qui nous était versée est en train de s’évaporer ! Je tenais simplement à livrer cet élément de réflexion au débat. En conséquence de quoi, je suis encore un peu moins enclin à voter l’amendement présenté par Mme Lamure.

M. André Gattolin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

M. Franck Montaugé. Je suis convaincu que la nouvelle méthode d’approche du FISAC est probablement de nature à compenser largement la diminution de ses crédits.

Selon moi, le fait que le FISAC se concentre sur des appels à projets à caractère territorial, dans les centres-bourgs ou dans les centres-villes anciens, provoquera un effet de levier tout à fait considérable pour le commerce sur les territoires et les quartiers concernés. Cela compensera largement – me semble-t-il – la baisse de crédits prévue dans le programme.

Allouer les crédits au coup par coup, en l’absence de tout cadre stratégique clairement défini, notamment par les collectivités locales en partenariat avec les commerçants et leurs représentants, correspondait à une méthode qui avait atteint ses limites.

M. Marc Daunis. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-199.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-206, présenté par M. Reichardt, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Développement des entreprises et du tourismedont titre 2

300 000

300 000

Plan ‘France Très haut débit’

Statistiques et études économiquesdont titre 2

Stratégie économique et fiscaledont titre 2

300 000

300 000

TOTAL

300 000

300 000

300 000

300 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. André Reichardt, rapporteur pour avis.

M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois. Le premier amendement examiné sur la mission « Économie » visait à augmenter les crédits du FISAC de 12,5 millions d’euros ; le deuxième avait pour objet de les accroître de 5 millions d’euros ; le mien ne tend qu’à augmenter ces crédits de 300 000 euros… (Rires.)

Cet amendement coûte peu mais est lourd de symbole, notamment pour l’Autorité de la concurrence. En effet, il vise à majorer de 300 000 euros – comme je viens de l’indiquer – les crédits de fonctionnement de cette autorité en finançant l’opération par un prélèvement sur les crédits de l'action n° 1, Définition et mise en œuvre de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, international et européen.

Certes, le projet de loi de finances prévoit une augmentation des crédits alloués à l’Autorité de la concurrence, pour prendre en compte les nouvelles missions qui lui ont été attribuées par la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, en particulier à l’égard des professions juridiques et judiciaires réglementées. Comme vous le savez, l’Autorité doit désormais formuler un avis sur les tarifs de ces professions, fournir tous les deux ans une proposition de cartographie pour l’implantation de nouveaux professionnels et exprimer, tous les deux ans également, un avis sur la démographie des avocats aux Conseils.

L’accroissement des crédits porte essentiellement sur les dépenses de personnel, afin de permettre à l’Autorité de procéder à des recrutements pour l’exercice de ses nouvelles missions. Toutefois, il est bien évident que ces effectifs ne pourront être comptabilisés que pour autant qu’ils soient réalisés. Or ils ne pourront l’être avant janvier 2016.

Les crédits de fonctionnement prévus pour 2016 apparaissent quant à eux totalement insuffisants pour assurer correctement, notamment, le travail de cartographie, en raison de la technicité de celui-ci et du caractère transitoire de la période actuelle, avec tout ce que cela implique : collecte de données, réalisation de logiciels de cartographie, recours à des prestataires spécialisés…

Mes chers collègues, vous connaissez les conditions difficiles dans lesquelles l’attribution de nouvelles compétences à l’Autorité de la concurrence a été décidée. Dès lors, il est indispensable que celle-ci dispose des moyens d’expertise extérieure à même de garantir la rigueur et la qualité de ses avis et propositions en la matière, en attendant les renforts en personnel, qui, comme je viens de le dire, ne se concrétiseront pas du jour au lendemain.

Je relaie ici une demande pressante du président de l’Autorité de la concurrence. Celui-ci avait souhaité une majoration des crédits de fonctionnement un peu supérieure à 300 000 euros, mais cette somme me paraît pouvoir suffire à assurer la jointure.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Bernard Lalande, rapporteur spécial. Le montant en jeu est modeste et l’intention de notre excellent collègue André Reichardt est tout à fait compréhensible, compte tenu des nouvelles missions dévolues à l’Autorité en matière de tarifs et de cartographie démographique des professions réglementées. L’avis est donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’entends votre argument, monsieur Reichardt, mais je suis réservé sur la méthode : je considère que, lorsque le président d’une autorité administrative indépendante a discuté de son budget avec le ministre en charge, il n’est pas de bonne pratique qu’il revienne en quelque sorte par la fenêtre.

Je considère que les missions nouvelles confiées à l’Autorité de la concurrence par la loi du 6 août dernier ont été prises en compte. En effet, je rappelle que la trajectoire d’efforts – substantiels – qui avait été discutée et votée en 2014 a été largement corrigée.

La création de quinze équivalents temps plein va porter l’effectif total de l’Autorité à cent quatre-vingt-douze ETP. La masse salariale passera de 15,8 millions à 17 millions d’euros, soit une augmentation de 1,2 million d’euros. Je vous mets au défi de trouver des autorités administratives indépendantes ou des directions d’administration qui connaissent un tel mouvement : c’est à rebours de tout ce que l’on fait par ailleurs !

Dans le même temps, les dotations hors personnel, qui abondent les postes de dépenses stratégiques pour l’Autorité, augmentent de 14 %, puisqu’elles passeront, en 2016, de 4,19 millions d’euros à 5 millions d’euros en crédits de paiement.

En outre, ponctionner 300 000 euros sur les crédits de la Banque de France obligerait celle-ci à consentir un effort, soit sur les études, soit sur le réseau.

J’y insiste, la démarche qui sous-tend l’amendement me semble de mauvaise pratique. Le budget de l’Autorité de la concurrence a été concerté avec le président de celle-ci. M. Lasserre est conscient des enjeux des nouvelles missions dévolues à l’autorité administrative indépendante ! Nous les avons pris en compte dans le budget.

Dans ces conditions, je vous demande vraiment, à la lumière des chiffres que je vous ai communiqués et, surtout, des incidences financières du dispositif que vous proposez, de retirer votre amendement. À défaut, je serai obligé d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-206.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J’appelle en discussion les articles 52 à 53 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Économie ».

Économie

Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 53

Article 52

I. – L’article 1600 du code général des impôts est ainsi modifié :

(nouveau). – Le début de la première phrase du premier alinéa du I est ainsi rédigé : « I. – Il est pourvu au fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière mentionné à l’article L. 711-16 du code de commerce et à une partie des dépenses de CCI France et des chambres de commerce et d’industrie de région ainsi… (le reste sans changement). » ;

B. – Le III est ainsi modifié :

1° (nouveau) À la première phrase du dernier alinéa du 1, après les mots : « perçus l’année précédente », sont insérés les mots : « par le fonds mentionné au premier alinéa du I et » ;

2° Le 2 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– à la première phrase, après le mot : « région », sont insérés les mots : « et de CCI France » ;

– à la fin de la seconde phrase, les mots : « des chambres de commerce et d’industrie de région » sont supprimés ;

ab) (nouveau) Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il est opéré en 2016, au profit de CCI France, un prélèvement sur le fonds de financement mentionné au premier alinéa du présent 2, d’un montant égal à 2,2 % de la somme des plafonds prévus au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 au titre de la taxe mentionnée au même premier alinéa et de celle mentionnée au 1 du II du présent article. À compter de 2017, le montant de ce prélèvement est égal à celui de l’année précédente pondéré par le rapport entre la somme des plafonds précités prévus pour l’année de référence et la somme des plafonds de l’année précédente. » ;

a) L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

– après la première occurrence du mot : « région », sont insérés les mots : « et de CCI France » ;

– la seconde occurrence des mots : « des chambres de commerce et d’industrie de région » est supprimée ;

– les mots : « du montant mentionné aux cinquième et sixième » sont remplacés par les mots : « des montants mentionnés aux cinquième, sixième et septième » ;

– les mots : « différence et » sont remplacés par le mot : « différence, » ;

– après les mots : « mêmes cinquième et sixième alinéas », sont insérés les mots : « et à CCI France le montant mentionné au septième alinéa » ;

b) Le dernier alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Si le produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises affecté, au titre d’une année, au fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région et de CCI France est inférieur à la somme des différences calculées en application des deuxième à quatrième alinéas du présent 2 et des montants mentionnés aux cinquième, sixième et septième alinéas du présent 2, le fonds de financement verse à CCI France le montant mentionné au septième alinéa et verse aux chambres de commerce et d’industrie de région concernées :

« a) Un montant égal au produit de la différence résultant de l’application des deuxième à quatrième alinéas du présent 2, corrigé par un coefficient unique d’équilibrage. Pour la chambre de commerce et d’industrie de Mayotte, le montant est celui mentionné aux cinquième et sixième alinéas du présent 2, corrigé par le même coefficient unique d’équilibrage. Le coefficient unique d’équilibrage est calculé de sorte que la somme des versements au titre du présent a soit égale au produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises affecté, au titre de l’année, au fonds, minoré du montant mentionné au septième alinéa du présent 2 et de 20 millions d’euros ;

« b) Un montant déterminé, dans des conditions fixées par décret, par une délibération de l’assemblée générale de CCI France prise au plus tard le 30 juin, dans la limite d’un plafond de 18 millions d’euros, destiné à financer des projets structurants de modernisation des chambres ou à contribuer à la solidarité financière à laquelle une chambre de commerce et d’industrie de région serait contrainte au titre de l’article L. 711-8 du code de commerce.

« Un montant de 2 millions d’euros est versé au fonds mentionné au premier alinéa du I par le fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région et de CCI France pour financer des projets d’intérêt national en faveur de l’innovation et de la modernisation du réseau, dans des conditions fixées par décret et après délibération de l’assemblée générale de CCI France.

« La différence entre le montant de 20 millions d’euros mentionné au a et la somme des montants mentionnés au b et au douzième alinéa du présent 2 n’ayant pas fait l’objet d’une affectation avant le 1er juillet est reversée par le fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région et de CCI France au budget général au cours de l’exercice.

« L’utilisation par les chambres du montant mentionné au b du présent 2 ainsi que l’activité nationale de CCI France et du fonds mentionné au premier alinéa du I font l’objet d’une information annuelle mise à la disposition de l’autorité de tutelle. »

II (nouveau). – L’article 711-16 du code de commerce est complété par un 10° ainsi rédigé :

« 10° Elle gère, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, le fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière des chambres de commerce et d’industrie. Ce fonds est destiné à financer des projets d’intérêt national en faveur de l’innovation et de la modernisation du réseau. Il bénéficie à ce titre d’une contribution versée par le fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région et de CCI France, dans les conditions prévues à l’article 1600 du code général des impôts. »

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-114 rectifié est présenté par M. Delattre, Mmes Deromedi, Deroche et Garriaud-Maylam, MM. Laufoaulu, Mayet, Huré, Lefèvre, B. Fournier, Portelli et del Picchia, Mme Mélot, MM. Houel et Malhuret, Mme Imbert et MM. Pointereau, G. Bailly, Morisset, Masclet, Houpert, Charon et Chasseing.

L'amendement n° II-245 est présenté par M. Bouvard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 1600 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le début de la première phrase du premier alinéa du I est ainsi rédigé :

« I. – Il est pourvu au fonds de modernisation, de rationalisation et de solidarité financière mentionné à l’article L. 711-16 du code de commerce, à une partie des dépenses des chambres de commerce et d'industrie de région ainsi qu'aux contributions allouées par ces dernières, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État, aux chambres de commerce et d'industrie territoriales et à CCI France au moyen d'une taxe pour frais de chambres constituée de deux contributions : … (le reste sans changement) » ;

2° Le septième alinéa du 2 du III est ainsi modifié :

a) Les mots : « la somme du » sont remplacés par le mot : « le » ;

b) Les mots : « et, pour 2015, du prélèvement exceptionnel prévu au III de l'article 33 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015, » sont supprimés ;

c) Le mot : « affectée » est remplacé par le mot : « affecté » ;

d) Le mot : « supérieure » est remplacé par le mot : « supérieur » ;

e) Le mot : « égale » est remplacé par le mot : « égal » ;

3° Le dernier alinéa du III est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Si le produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises affecté, au titre d'une année, au fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région, est inférieur à la somme des différences calculées en application des deuxième au quatrième alinéas du présent 2 et du montant mentionné aux cinquième et sixième alinéas du présent 2, le fonds de financement des chambres de commerce et d'industrie de région verse aux chambres de commerce et d'industrie de région concernées :

« a) Un montant égal au produit de la différence résultant de l’application des deuxième au quatrième alinéas du présent 2 corrigé par un coefficient unique d'équilibrage. Pour la chambre de commerce et d'industrie de Mayotte le montant est celui mentionné aux mêmes cinquième et sixième alinéas corrigé par le même coefficient unique d'équilibrage. Le coefficient unique d'équilibrage est calculé de sorte que la somme des versements au titre du présent a soit égale au produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises affecté, au titre de l'année, au fonds, minoré de 20 millions d’euros ;

« b) Un montant déterminé, dans les conditions fixées par décret, par délibération de l’assemblée générale de CCI France, prise au plus tard le 30 juin, dans la limite d’un plafond global de 20 millions d’euros, en vue de financer des projets structurants de portée nationale ou régionale d’investissement des chambres ou de contribuer à la solidarité financière à laquelle une chambre de commerce et d’industrie de région serait contrainte au titre de l’article L. 711-8 du code de commerce ;

« La différence entre le plafond global de 20 millions d’euros et le montant mentionné au b et n’ayant pas fait l’objet d’une affectation avant le 1er juillet est reversée par le fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie de région au budget général au cours de l’exercice. »

L’amendement n° II-114 rectifié n’est pas soutenu.

En conséquence, le sous-amendement n° II-325, présenté par M. Canevet, n’a plus d’objet.

Toutefois, pour la bonne information du Sénat, j’en rappelle les termes :

Amendement n° 114 rectifié, alinéa 13, dernière phrase, alinéas 14 et 15

Remplacer le montant :

20 millions

par le montant :

30 millions

La parole est à M. Michel Bouvard, pour présenter l'amendement n° II-245.

M. Michel Bouvard. J’adhère tout à fait à l’idée de mise sous plafond des taxes affectées qui ont été levées par les chambres de commerce et d’industrie. Cela ne me pose pas de problème métaphysique, si je puis m’exprimer ainsi. Au contraire, la réduction de ces taxes me paraît répondre à un souci de bonne gestion, de rationalisation et d’allégement des charges des entreprises.

Ce qui me pose problème, ce n’est pas le texte initial ; ce sont les dispositions introduites par l’Assemblée nationale à l’article 52.

La création d’un fonds d’intervention doté de 20 millions d’euros me semble bienvenue, compte tenu des difficultés financières que rencontrent un certain nombre de chambres et de la nécessité de créer les conditions d’actions communes.

En fait, la rédaction de cet article, telle qu’elle a été modifiée par l’Assemblée nationale, remet en cause les fondements de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services, puisqu’elle introduit une novation juridique dans le mode de gouvernance des CCI, en modifiant le financement de la tête de réseau. En effet, elle crée un mode de financement direct, qui, d’une certaine manière, prive les chefs d’entreprise membres de l’assemblée générale des CCI de la prérogative du vote du budget de la structure de tête.

Le Parlement s’est évidemment interrogé sur ce fonctionnement de la tête de réseau, comme en témoignent, notamment, les travaux à ce sujet de la mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale.

D'ailleurs, cette proposition ne fait pas non plus l’unanimité au sein du réseau des CCI. En effet, le comité directeur, composé de quarante représentants de chambre sur cent cinquante, est le seul à avoir été consulté et vingt-deux chambres ont contesté la méthode. Autrement dit, il n'existe pas, globalement, de majorité de représentants des CCI pour valider le dispositif tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, si l’on souhaite rester fidèle à l’état d’esprit qui est le vôtre et à votre souci de faire évoluer le système, de manière à le rendre plus performant dans l’accompagnement des entreprises, en concertation avec les CCI, il est nécessaire de revenir au système prévu dans le texte initial du projet de loi de finances.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Chiron, rapporteur spécial. Nous considérons que l’attribution de ressources propres à CCI France assure à celle-ci une capacité d’initiative. C’est cela qui est important ! D'ailleurs, je rappelle que la création d’une ressource propre pour CCI France faisait l’objet de l’une des recommandations du rapport publié, en 2014, par nos collègues Jean-Claude Lenoir et Claude Bérit-Débat. Cette idée a été reprise par notre collègue députée Monique Rabin. Toujours en 2014, un rapport allant dans le même sens a été transmis au Premier ministre par Clotilde Valter. Il existe donc un ensemble de réflexions qui convergent dans la même direction.

Au reste, le président et les autres membres du bureau de CCI France, qui ont naturellement été reçus à la fois par le rapporteur général, par la présidente de la commission et par les deux rapporteurs spéciaux, nous ont bien expliqué leur position sur cette question, laquelle fait effectivement débat entre les CCI qui émaillent le territoire, les CCI riches, comme les CCI de Savoie et de Haute-Savoie, qui sont dans une situation confortable, ou la CCI de Paris (MM. Philippe Dallier et Roger Karoutchi s’exclament.) s’opposant plutôt, et on les comprend, à ce projet.

Mes chers collègues, nous considérons qu’il faut s’abstenir d’entrer dans un tel conflit. CCI France est d’accord avec nous sur ce point. Par conséquent, la commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Depuis la réforme de 2010, les taxes pour frais de chambre de commerce et d’industrie sont perçues par les CCI régionales, qui en répartissent le produit entre les CCI territoriales. Cette réforme est positive.

L’article 52 prévoit de créer un fonds de péréquation doté d’un montant, très limité, de 20 millions d’euros. La gestion en reviendrait, en effet, à CCI France. Comme cela a été rappelé par M. le rapporteur spécial, ce dispositif s’inspire d’une proposition contenue dans le rapport Lenoir–Bérit-Débat et reprise par Monique Rabin.

Il ne nous revient pas d’arbitrer un chicaya entre Paris et CCI France – au fond, c’est exactement ce que l’on nous demande ici. S’il était décidé de ne pas confier la gestion du fonds à CCI France, il faudrait bien que l’on répartisse les 20 millions d’euros entre les CCI. Instruit par l’expérience de l’année dernière, je ne suis pas candidat à un tel exercice… J’estime préférable que nous n’ayons pas à assumer cette contrainte, compte tenu des sujets structurants en cause et des règles que nous avons définies. Cela me paraît beaucoup plus sain et beaucoup plus responsabilisant. Sinon, nous devons aller au bout du raisonnement et nous demander collectivement à quoi sert CCI France !

Monsieur Bouvard, le dispositif de l’article 52 ne change pas la nature de la réforme de 2010. Il va dans le sens d’une plus grande mutualisation et évite que nous ayons à trancher un débat entre les chambres de commerce.

Vous avez soulevé la question des modalités du vote. En effet, la procédure a été contestée, mais, dès lors que le vote a eu lieu et qu’il a été considéré comme régulier par les CCI, il me semble qu’il faut le respecter.

Le Gouvernement sollicite donc le retrait de l’amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Bouvard, l'amendement n° II-245 est-il maintenu ?

M. Michel Bouvard. Non, je le retire.

M. Michel Bouvard. Si je suis conscient que les petites CCI ont besoin d’être soutenues, il faut veiller à éviter que l’aide qui pourra être distribuée ne soit un frein à la restructuration et, surtout, ne pénalise des projets structurants que peuvent porter les grandes CCI.

M. Emmanuel Macron, ministre. Oui !

M. Jacques Chiron, rapporteur spécial. Tout à fait !

M. Michel Bouvard. On nous explique, à chaque fois, que les CCI « riches » – celles qui s’en sortent – doivent être solidaires avec les autres. Je l’entends tout à fait, mais, à force de demander aux plus performantes de renoncer à un certain nombre de ressources au nom d’une certaine forme de solidarité, on ne favorise pas la restructuration du reste du réseau et on pénalise des projets d’équipements structurants, qui ont un effet d’entraînement pour l’ensemble du territoire et sont créateurs de valeur et de richesse.

Cela étant, je comprends que le rôle du Gouvernement ne soit pas d’arbitrer les affaires entre CCI.

M. Roger Karoutchi. C’est tout de même lui qui donne l’argent !

Mme la présidente. L'amendement n° II-245 est retiré.

Les amendements nos II-238 rectifié bis et II-239 rectifié bis, présentés par M. Bertrand, ne sont pas soutenus.

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-237 est présenté par MM. D. Robert, Fontaine, Soilihi, Houpert et Milon.

L'amendement n° II-243 est présenté par MM. Karam, Patient et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux et MM. Antiste et S. Larcher.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 21

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Au titre de cette solidarité financière, il est alloué sur cette somme, une dotation de 3 millions d’euros aux cinq chambres de commerce et d’industrie régionales des départements et régions d’outre-mer pour tenir compte de leur situation spécifique de chambres territoriales et régionales. Cette dotation est répartie entre elles au prorata de leur recette issue de la taxe additionnelle à la valeur ajoutée.

L'amendement n° II-237 n'est pas soutenu.

La parole est à M. Antoine Karam, pour présenter l’amendement n° II-243.

M. Antoine Karam. Il a été rappelé voilà quelques instants que les chambres de commerce et d’industrie ont fait l’objet d’une réforme en profondeur, à l’occasion de la loi du 23 juillet 2010. Celle-ci a réorganisé leur réseau en créant, pour chaque région, une CCI régionale, qui mutualise l’ensemble des moyens supports des CCI territoriales.

L’un des objectifs de la loi était de permettre aux CCI de réaliser des économies de moyens, en regroupant au niveau régional tous les services supports des CCI locales. De fait, les économies qui ont résulté de la suppression des services supports des CCIT au profit des services régionaux mutualisés ont été substantielles en France hexagonale, où chaque région dispose de quatre à huit CCIT.

Or force est de constater que cette réforme n’a pas tenu compte du cas particulier des CCI des départements d’outre-mer, tout à la fois territoriales et régionales du fait de la superposition, sur le même périmètre, des échelons départemental et régional. Bien au contraire, ces chambres ont même perdu, par l’effet de la loi, la concession des ports et aéroports, les privant ainsi des mutualisations existant à ce niveau.

À cela s’ajoute le fait que les CCI des départements et régions d’outre-mer, les DROM, ont subi les mêmes baisses successives de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée, la TACVAE, alors même qu’elles n’ont pu bénéficier des économies issues de la mutualisation résultant de la réforme de 2010.

Si l’article 14 du projet de loi finances pour 2016 prévoit une nouvelle baisse de 130 millions d’euros du plafond de la TACVAE, l’article 52 crée un fonds de péréquation de 20 millions d’euros pour permettre à la solidarité financière de s’exprimer.

Cet amendement vise donc à corriger substantiellement l’absence de prise en compte de la situation des CCI des DROM par la loi de 2010 et le traitement fiscal qui s’en est suivi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Chiron, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas examiné cet amendement. Je m’exprimerai donc à titre personnel.

Je rappelle que les CCI d’outre-mer ont été préservées des décisions de 2014 et de 2015, qui ont permis de prélever respectivement 170 millions d’euros et 500 millions d’euros sur les CCI.

Nous craignons le saupoudrage : faisons en sorte de ne pas fragiliser ces 20 millions d’euros. C'est la raison pour laquelle j’émettrai plutôt un avis ou de sagesse ou défavorable sur cet amendement en attendant d’entendre celui du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est important de rappeler, comme cela vient d’être fait, que des efforts ont déjà été accomplis afin de tenir compte de la réalité des chambres de commerce et d’industrie d’outre-mer : la baisse de la taxe affectée a été de 23 % pour les CCI de métropole et de 18 % pour celles d’outre-mer.

Par ailleurs, et M. le rapporteur spécial l’a également rappelé, les CCI d’outre-mer ont été exclues des prélèvements exceptionnels de 2014 et de 2015, ce qui leur a permis de préserver 3,8 millions d’euros au titre de 2014 et 10 millions d’euros au titre de 2015, deux CCI ayant disposé de fonds de roulement supérieurs à 120 millions d’euros cette année.

Plus largement, monsieur le sénateur, je comprends votre préoccupation, notamment eu égard à la situation financière de votre CCI. Le problème est que la situation des départements et régions d’outre-mer est très hétérogène. La Martinique et la Guadeloupe, par exemple, se portent plutôt bien : à la fin de 2014, le niveau des fonds de roulement de la CCI de Guadeloupe était de 249 jours et celui de la CCI de Martinique de 268 jours, c’est-à-dire parmi les plus élevés du réseau. À la fin de 2015, si l’on en croit les données recueillies par la mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, le fonds de roulement est de 181 jours pour la CCI de Guadeloupe et de 70 jours pour celle de Martinique, alors que le fonds de roulement de la CCI de Guyane est négatif et que celui de La Réunion est inférieur à 60 jours. La situation de ces deux dernières CCI, principalement celle de Guyane, est préoccupante.

C'est la raison pour laquelle je m’engage tout d’abord à tenir compte de la situation des CCI en difficulté – ce qui ne passe pas par une hausse de la taxe affectée, mais par un examen beaucoup plus précis de leurs problèmes. Il faut ensuite que CCI France prenne également ces réalités en compte lors de l’affectation des 2 millions d’euros qui ont été votés, sur les 20 millions d’euros que compte le fonds de péréquation. Enfin, sur les 18 millions d’euros restants, je m’engage à ce que la situation de ces deux CCI en difficulté soit bien prise en considération afin de ne pas pénaliser les projets les plus structurants.

M. Marc Daunis. Très bien !

M. Emmanuel Macron, ministre. À la lumière de ces engagements, notamment en faveur de la CCI de Guyane, je vous invite à retirer votre amendement, sans doute un peu trop large.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.

M. Michel Magras. À titre personnel, je n’ai aucune difficulté à comprendre et à partager le choix de réduire les taxes affectées aux CCI. Toutefois, comme vous venez de le souligner, monsieur le ministre, les CCI ultramarines ne sont pas toutes dans la même situation financière que certaines chambres consulaires de métropole.

Le fonds de péréquation me semble aller dans le bon sens et constituer un outil pertinent. Mais, dans le même temps, certaines CCI ultramarines sont légitimes à réclamer un traitement différencié. Or je sais qu’une telle démarche n’aurait pas la faveur de CCI France ni des CCI non ultramarines.

Il faut donc, malgré ces deux avis mi-défavorables, mi-sagesse, s’efforcer a minima de rassurer nos collègues ultramarins, comme vous venez de le faire, monsieur le ministre, sur l’utilisation de ce fonds de péréquation, de leur expliquer qu’elle fera l’objet d’un suivi, d’un contrôle, d’une surveillance. Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une subvention, mais bien d’un fonds destiné à financer des projets précis.

Si M. Karam ne retire pas son amendement, je ne voterai pas contre ; je m‘abstiendrai.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Roger Karoutchi. Tous les amendements sont tombés ou ont été retirés avant que l’on puisse s’exprimer. Permettez, chers collègues, que je prenne la parole. J’aurais tout aussi bien pu m’exprimer sur l’article.

Savoir ce qu’il se passe à l’intérieur des CCI a toujours été extraordinairement compliqué. Les chambres consulaires, très jalouses de leur pouvoir, n’aiment pas que les élus viennent se mêler de leurs affaires, alors même qu’elles leur demandent en permanence de les aider.

Pour autant, que va-t-il se passer si nous acceptons de ne plus nous mêler de rien et de laisser aux CCI le soin de gérer les subventions ? Les chambres de commerce et d’industrie que vous qualifiez de « riches » et qui sont en réalité celles qui investissent, c’est-à-dire celles qui seront, par définition, les plus touchées par la baisse de la taxe affectée, vont avoir tendance à financer davantage les réseaux de CCI, au détriment des entreprises. Nous allons donc favoriser l’existence de systèmes organisés autour des CCI, mais sans impact sur l’économie réelle. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse de la bonne solution.

J’aurais bien aimé qu’un de ces amendements soit adopté, non pour lui-même, mais pour que le temps de la navette nous permette de trouver une bonne solution.

Vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, les votes sont assez équitablement répartis en interne : on retrouve souvent la moitié des CCI contre l’autre moitié. S’il est plus arrangeant pour nous de soutenir une majorité de vingt-trois contre vingt, cela favorise-t-il vraiment l’action des CCI sur l’économie ? Permettez-moi d’en douter.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Didier Guillaume. M. Karam a demandé la parole !

M. André Gattolin. Le ministre a demandé à M. Karam de bien vouloir retirer son amendement, ne peut-on entendre sa réponse avant d’écouter les autres orateurs ?

Mme la présidente. C’est moi qui ai l’honneur de présider nos débats, monsieur Gattolin.

Conformément à notre règlement, je donne la parole à ceux de nos collègues qui l’ont demandé en premier.

La parole est donc à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Comme l’a dit Roger Karoutchi, j’aurais aussi pu prendre la parole sur l’article.

La question du fonctionnement des CCI n’est pas simple. Ceux d’entre nous qui participent à des assemblées générales de compagnies consulaires le savent bien. Il est toutefois important d’écouter les doléances des chefs d’entreprise membres bénévoles des CCI.

Je me tourne aussi vers vous, monsieur le ministre, et vers vos services : il est certain que les moyens financiers des CCI sont variables d’un département à l’autre et qu’il faut en tenir compte.

Ce qui compte avant tout, c’est l’initiative des chefs d’entreprise. Ces derniers rencontrent de réelles difficultés. Il faut savoir donner aux entreprises les moyens nécessaires. Or les compagnies consulaires, que nous soutenons, sont aussi là pour aider les porteurs de projets.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je souhaite clarifier un point, afin d’éviter tout malentendu : depuis la réforme de 2010, les 900 millions d’euros alloués au financement des chambres de commerce et d‘industrie sont affectés aux CCIR, qui répartissent ensuite cette somme entre les différentes CCI pour financer des projets et non des réseaux. Ce sont enfin les CCIR qui décident ensemble du financement de la structure faîtière, CCI France, laquelle ne prélève pas de taxe pour le compte des autres. Tout se joue à l’échelon régional.

Nous consentons un effort budgétaire qui se traduit, comme le faisait justement remarquer M. Bouvard voilà quelques instants, par un moindre prélèvement sur l’économie, ce qui est une bonne chose. Pour éviter qu’un effort homothétique ne pèse sur toutes les chambres de commerce et d’industrie régionales, nous créons un fonds de péréquation doté de 20 millions d’euros, dont 18 millions d’euros seront attribués par les CCIR. Si ces dernières n’arrivent pas à s’entendre, nous reprendrons la main afin d’éviter les disputes inutiles. Les 2 millions d’euros restants seront attribués par CCI France – il ne s’agit aucunement de financer des réseaux de réseaux – pour le financement de projets structurants.

Tout ce dont nous sommes en train de parler ne revient en rien sur la responsabilisation des chambres de commerce régionales. Il est ici question de financement de l’économie et non de financement de réseaux de réseaux ou de perte de contrôle. Il s’agit d’aller au bout de la logique dans laquelle nous nous inscrivons depuis des années, selon laquelle une chambre de commerce qui fait bien son travail valorise l’apprentissage, développe des écoles, des projets, des aéroports et accompagne les entreprises.

S’agissant de l’outre-mer, j’ai voulu indiquer au sénateur Karam que j’invitais les chambres de commerce et d’industrie de région à se mettre d’accord pour favoriser les CCI de Guyane et de La Réunion dans le cadre de la répartition de ces 18 millions d’euros, ce qui me semble préférable à un fléchage dans la loi, à la fois trop large et susceptible de profiter aux CCI plus riches.

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter pour que l’ensemble de la réforme soit bien compris.

Cela étant, je réitère auprès de M. Karam et mon engagement et ma demande de retrait.

M. Didier Guillaume. Ces précisions sont bienvenues !

Mme la présidente. Monsieur Karam, l'amendement n° II-243 est-il maintenu ?

M. Antoine Karam. Sénateur de la République, je viens de traverser l’océan et suis arrivé à l’heure dite pour présenter cet amendement non pas en mon nom propre, mais en celui de l’ensemble de mes collègues d’outre-mer. Il était en effet important que nous prenions date.

Eu égard aux réponses tout à fait rassurantes que vous venez de me donner, monsieur le ministre, je retire cet amendement.

Les ressources de la CCI de Guyane ont considérablement souffert de la perte de la taxe sur les aéroports et sur les ports. Nous sommes une petite collectivité, avec peu de moyens. J’en appelle donc à la solidarité, et j’espère que nous bénéficierons, au moment de la répartition, d’un traitement équitable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. L’amendement n° II-243 est retiré.

Je mets aux voix l'article 52.

(L'article 52 est adopté.)

Article 52
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Article 53 bis (nouveau)

Article 53

I. – L’article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003) est ainsi modifié :

1° Les G et H deviennent, respectivement, des K et L ;

2° Le İ est abrogé ;

3° Les G à İ sont ainsi rétablis :

« G. – Il est institué une taxe pour le développement de l’industrie de la transformation des corps gras végétaux et animaux.

« I. – Le produit de cette taxe est affecté, dans la limite du plafond fixé au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, au centre technique industriel dénommé “Institut des corps gras” pour financer les missions de recherche, de développement, d’innovation et de transfert de technologie qui lui sont dévolues en application de l’article L. 521-2 du code de la recherche, précisées, en tant que de besoin, par le décret en Conseil d’État pris en application de l’article L. 521-13 du même code.

« Les opérations financées au moyen du produit de cette taxe font l’objet d’une comptabilité distincte tenue par le centre technique industriel.

« II. – Cette taxe est due par les entreprises établies en France qui vendent les produits suivants :

« 1° Huiles végétales vierges et brutes, conditionnées ou en vrac (hors destination biodiesel) ;

« 2° Huiles raffinées, conditionnées ou en vrac ;

« 3° Margarines et matières grasses tartinables ;

« 4° Suifs et saindoux.

« Pour les produits importés, la taxe est due par la personne désignée comme destinataire réel des produits sur la déclaration en douane ou, solidairement, par le déclarant en douane qui agit dans le cadre d’un mandat de représentation indirecte, défini à l’article 5 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013 établissant le code des douanes de l’Union.

« III. – La taxe est assise sur les volumes des produits commercialisés au titre des ventes en France ou à des exportations et au titre des importations.

« IV. – Sont exonérées de la taxe les opérations suivantes :

« 1° Les livraisons intracommunautaires ou les exportations à destination d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;

« 2° Les reventes en l’état ;

« 3° Les acquisitions intracommunautaires ou les importations en provenance d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

« V. – Le fait générateur de la taxe est constitué par la livraison des produits pour les ventes en France et les exportations.

« VI. – Le tarif de la taxe est fixé à 0,25 € par tonne de produits commercialisés. Ce tarif peut être révisé chaque année par arrêté du ministre chargé de l’industrie dans la limite de 0,50 € par tonne.

« VII. – La taxe est exigible à la date du fait générateur pour les ventes et à la date de l’expédition pour les exportations.

« Les redevables adressent, au plus tard le 25 janvier, la déclaration du volume de corps gras commercialisés au titre de l’année écoulée. Le présent alinéa s’applique aux opérations dont le fait générateur mentionné au V est intervenu à compter du 1er janvier 2015.

« Cette déclaration est conforme à un modèle établi par arrêté du ministre chargé de l’industrie.

« H. – Il est institué une taxe pour le développement des industries de la fonderie.

« I. – Le produit de cette taxe est affecté, dans la limite du plafond fixé au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, au Centre technique des industries de la fonderie, pour financer les missions de recherche, de développement, d’innovation et de transfert de technologies qui lui sont dévolues en application de l’article L. 521-2 du code de la recherche, précisées, en tant que de besoin, par le décret en Conseil d’État pris en application de l’article L. 521-13 du même code.

« Les opérations financées au moyen du produit de cette taxe font l’objet d’une comptabilité distincte tenue par le centre technique industriel.

« II. – Cette taxe est due :

« 1° Par les fabricants établis en France des produits des industries de la fonderie. La fonderie est définie comme un procédé de formage des métaux consistant à couler un métal ou un alliage liquide dans un moule pour reproduire, après refroidissement, une pièce donnée ainsi que les procédés de moulage par centrifugation ou par coulée continue, quels que soient la destination ou l’utilisation de ces produits et le secteur ou l’industrie d’appartenance du fabricant ;

« 2° À l’importation de ces produits, par la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration en douane ou, solidairement, par le déclarant en douane qui agit dans le cadre d’un mandat de représentation indirecte, défini à l’article 5 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2014 établissant le code des douanes de l’Union.

« Les produits des industries de la fonderie soumis à cette taxe sont recensés par arrêté du ministre chargé de l’industrie, en référence à la nomenclature de produits française en vigueur.

« III. – Constituent des fabricants les entreprises qui :

« 1° Vendent ou louent les produits mentionnés au II :

« a) Après les avoir fabriqués ou assemblés ;

« b) Après les avoir conçus et fait fabriquer ou assembler par un ou plusieurs tiers, quel que soit le lieu de fabrication ou d’assemblage, soit en leur fournissant les matières premières, soit, s’agissant des produits dont l’assemblage est confié à un ou plusieurs tiers, en leur imposant des techniques faisant l’objet de brevets, de procédés, de formules ou de plans, dessins ou modèles, quel qu’en soit le support, dont elles ont la jouissance ou l’exclusivité, soit en leur imposant des dimensionnements, des spécifications ou des technologies ;

« c) Après y avoir apposé ou fait apposer des griffes ou des marques dont elles ont la jouissance ou l’exclusivité ;

« 2° Travaillent à façon ou réalisent des prestations portant sur les produits mentionnés au II.

« IV. – La taxe est assise sur le chiffre d’affaires, hors taxes, réalisé ou, à défaut, sur la valorisation, déterminée à partir de la comptabilité de l’entreprise, au titre des ventes, exportations, mises en location ou autres prestations de services et des opérations à façon portant sur les produits mentionnés au II.

« Elle est déterminée dans les conditions suivantes :

« 1° Pour les produits de fonderie que l’entreprise fabrique et livre à des tiers, la taxe est assise sur le chiffre d’affaires, hors taxes, généré par la vente de ces produits ;

« 2° Pour les produits de fonderie que l’entreprise fabrique et incorpore dans des ensembles non soumis à la présente taxe et destinés à la vente ou à la location, la taxe est assise sur la valeur de ces produits, déterminée à partir de la comptabilité de l’entreprise et qui inclut leur quote-part de frais généraux ;

« 3° Pour les produits dans la fabrication desquels entrent à la fois des pièces de fonderie et des éléments d’une nature différente, le chiffre d’affaires assujetti à la taxe est calculé par application au chiffre d’affaires correspondant à ces produits d’un coefficient de proportionnalité, déterminé à partir de la comptabilité de l’entreprise.

« Pour les importations, cette taxe est assise sur la valeur en douane appréciée au moment de l’importation sur le territoire national.

« V. – Le taux de la taxe est fixé à 0,1 %.

« VI. – Les importations en provenance d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen sont exonérées de la taxe.

« VII. – Le fait générateur de la taxe est constitué par :

« 1° La facturation des opérations mentionnées au IV ;

« 2° L’importation sur le territoire national, pour les importations.

« VIII. – La taxe est exigible :

« 1° À la date du fait générateur pour les ventes et à la date de l’expédition pour les exportations ;

« 2° Lors de l’encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération pour les prestations de services ou les opérations à façon.

« La circonstance qu’un produit ou une prestation qui est pris en compte pour le calcul du chiffre d’affaires d’une entreprise a donné lieu, à un stade antérieur, au versement de cette taxe n’ouvre aucun droit à déduction.

« Les redevables adressent, au plus tard le 25 du mois suivant l’expiration de chaque semestre, la déclaration du chiffre d’affaires imposable qu’ils ont réalisé au titre du semestre écoulé. Le présent alinéa s’applique aux opérations dont le fait générateur est intervenu à compter du 1er janvier 2016.

« Cette déclaration est conforme à un modèle établi par arrêté du ministre chargé de l’industrie.

« İ. – Il est institué une taxe pour le développement des industries de la transformation des matières plastiques et des composites à matrice organique (résines thermoplastiques et thermodurcissables).

« I. – Le produit de cette taxe est affecté, dans la limite du plafond fixé au I de l’article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, au Centre technique industriel de la plasturgie et des composites pour financer les missions de recherche, de développement, d’innovation et de transfert de technologies qui lui sont dévolues en application de l’article L. 521-2 du code de la recherche, précisées, en tant que de besoin, par le décret en Conseil d’État pris en application de l’article L. 521-13 du même code.

« Les opérations financées au moyen du produit de cette taxe font l’objet d’une comptabilité distincte tenue par le centre technique industriel.

« II. – Cette taxe est due par les fabricants établis en France des produits des secteurs de la transformation des matières plastiques et des composites à matrice organique (résines thermoplastiques et thermodurcissables) indépendamment de la destination de ces produits et du secteur ou de l’industrie d’appartenance du fabricant et, à l’importation, par la personne désignée comme destinataire réel des biens sur la déclaration en douane ou, solidairement, par le déclarant en douane qui agit dans le cadre d’un mandat de représentation indirecte, défini à l’article 5 du règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2014 établissant le code des douanes de l’Union.

« Les produits des secteurs de la transformation des matières plastiques et des composites à matrice organique (résines thermoplastiques et thermodurcissables) soumis à cette taxe sont recensés par arrêté du ministre chargé de l’industrie, en référence à la nomenclature de produits française en vigueur. Les produits recensés appartiennent aux grandes catégories suivantes :

« 1° Plaques, feuilles, tubes et profilés en matières plastiques ou composites ;

« 2° Emballages en matières plastiques ou composites ;

« 3° Éléments en matières plastiques ou composites pour la construction ;

« 4° Parties et accessoires pour l’automobile en matières plastiques ou composites ;

« 5° Toutes autres pièces en matières plastiques ou composites, notamment les pièces techniques et les produits de consommation courante.

« III. – Constituent des fabricants les entreprises qui :

« 1° Vendent ou louent les produits mentionnés au II :

« a) Après les avoir fabriqués ou assemblés ;

« b) Après les avoir conçus et fait fabriquer ou assembler par un ou plusieurs tiers, quel que soit le lieu de fabrication ou d’assemblage, soit en leur fournissant les matières premières, soit, s’agissant des produits dont l’assemblage est confié à un ou plusieurs tiers, en leur imposant des techniques faisant l’objet de brevets, de procédés, de formules ou de plans, dessins ou modèles, quel qu’en soit le support, dont elles ont la jouissance ou l’exclusivité, soit en leur imposant des dimensionnements, des spécifications ou des technologies ;

« c) Après y avoir apposé ou fait apposer des griffes ou des marques dont elles ont la jouissance ou l’exclusivité ;

« 2° Travaillent à façon ou réalisent des prestations portant sur les produits mentionnés au II.

« IV. – La taxe est assise sur le chiffre d’affaires, hors taxes, réalisé ou, à défaut, sur la valorisation, déterminée à partir de la comptabilité de l’entreprise, au titre des ventes, exportations, mises en location ou autres prestations de services et des opérations à façon portant sur les produits mentionnés respectivement au premier alinéa du présent İ.

« Pour les importations, cette taxe est assise sur la valeur en douane appréciée au moment de l’importation sur le territoire national.

« V. – Les importations en provenance d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen sont exonérées de ladite taxe.

« VI. – Le fait générateur de la taxe est constitué par :

« 1° La livraison des produits, pour les ventes et livraisons à soi-même ;

« 2° L’exécution des services, pour les prestations de services et les opérations à façon ;

« 3° L’importation sur le territoire national, pour les importations.

« VII. – Le taux de la taxe est fixé à :

« 1° 0,05 % pour la part du chiffre d’affaires, hors taxes, réalisé au titre des opérations mentionnées au IV inférieure ou égale à 100 millions d’euros ;

« 2° 0,02 % pour la part du chiffre d’affaires, hors taxes, réalisé au titre des opérations mentionnées au IV supérieure à 100 millions d’euros et inférieure à 200 millions d’euros ;

« 3° 0,01 % pour la part du chiffre d’affaires, hors taxes, réalisé au titre des opérations mentionnées au IV supérieure ou égale à 200 millions d’euros.

« Pour 2016 et par dérogation aux 1° à 3°, les taux prévus aux mêmes 1° à 3° sont fixés, respectivement, à 0,025 %, 0,01 % et 0,005 %.

« VIII. – La taxe est exigible :

« 1° À la date du fait générateur pour les ventes et à la date de l’expédition pour les exportations ;

« 2° Lors de l’encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération pour les prestations de services ou les opérations à façon.

« La circonstance qu’un produit ou une prestation qui est pris en compte pour le calcul du chiffre d’affaires d’une entreprise a donné lieu, à un stade antérieur, au versement de cette taxe n’ouvre aucun droit à déduction.

« Les redevables adressent, au plus tard le 25 du mois suivant l’expiration de chaque semestre, la déclaration du chiffre d’affaires imposable qu’ils ont réalisé au titre du semestre échu.

« Cette déclaration est conforme à un modèle établi par arrêté du ministre chargé de l’économie. » ;

4° Il est ajouté un J ainsi rédigé :

« J. – Les taxes mentionnées aux A à İ sont régies par les dispositions complémentaires suivantes.

« I. – Le paiement des taxes intervient au moment du dépôt des déclarations.

« Le Comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois recouvre, pour son compte et pour celui de l’Institut technologique forêt cellulose bois-construction ameublement et du Centre technique des industries mécaniques, la taxe qui leur est affectée. Le Comité professionnel de développement économique des industries des secteurs du cuir, de la maroquinerie, de la ganterie et de la chaussure, le Comité professionnel de développement de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l’orfèvrerie et des arts de la table, le Comité de développement et de promotion de l’habillement, l’Institut des corps gras, le Centre technique des industries de la fonderie et le Centre technique industriel de la plasturgie et des composites recouvrent les taxes qui leur sont respectivement affectées. Le Comité de coordination des centres de recherche en mécanique ainsi que l’association “Les centres techniques des matériaux et composants pour la construction” recouvrent la taxe affectée aux centres techniques mentionnés au I des E et F. Le directeur de chaque organisme affectataire ou ses représentants dûment habilités peuvent demander aux redevables de la taxe de leur fournir tous renseignements, justifications ou éclaircissements afin de procéder à la vérification de ces déclarations, sous les garanties du secret professionnel défini à l’article L. 103 du livre des procédures fiscales. À défaut de réponse dans un délai de trente jours, ils peuvent saisir l’administration des impôts d’une demande de contrôle en application du II du présent J. Lorsque les déclarations sont déposées sans le paiement correspondant, les directeurs de ces mêmes organismes ou leurs représentants dûment habilités adressent au redevable, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un rappel motivé l’informant que le montant de la taxe est majoré de 10 % lorsque le paiement intervient plus de dix jours après la date limite de déclaration.

« À défaut de paiement trente jours après la date de réception de cette lettre par le redevable, un titre de perception est établi par le directeur du Comité professionnel de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois, du Comité professionnel de développement économique des industries des secteurs du cuir, de la maroquinerie, de la ganterie et de la chaussure, du Comité professionnel de développement de l’horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie, de l’orfèvrerie et des arts de la table, du Comité de développement et de promotion de l’habillement, de l’Institut des corps gras, du Centre technique des industries de la fonderie et du Centre technique industriel de la plasturgie et des composites, ou leurs représentants dûment habilités, visé par le contrôleur général économique et financier et rendu exécutoire par le préfet du département du débiteur. S’agissant des industries mentionnées aux E et F, le titre de perception est établi, pour les taxes qui les concernent, dans les mêmes conditions par le directeur, ou son représentant dûment habilité, d’un des centres mentionnés au I des mêmes E et F, ou s’agissant du secteur de la mécanique et du décolletage, par le directeur de l’un ou l’autre des centres techniques ou leurs représentants dûment habilités.

« Le recouvrement de ce titre est effectué par le comptable compétent de la direction générale des finances publiques, selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les impôts directs.

« L’action en recouvrement se prescrit à l’issue d’un délai de quatre ans à compter du jour où le titre a été rendu exécutoire.

« Les contestations relatives au recouvrement de la taxe et aux poursuites sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables en matière d’impôts directs.

« Un prélèvement représentant les frais de perception est effectué au profit du budget général sur les sommes recouvrées par les comptables de la direction générale des finances publiques. Son taux est fixé par arrêté du ministre chargé du budget, dans la limite de 5 %.

« Les taxes prévues aux A à D et G ne sont pas mises en recouvrement lorsque leur montant annuel est inférieur ou égal à 20 €.

« Les taxes prévues aux E et İ ne sont pas mises en recouvrement lorsque leur montant semestriel est inférieur ou égal à 40 €.

« La taxe prévue au F n’est pas mise en recouvrement lorsque son montant annuel est inférieur ou égal à 75 €.

« La taxe prévue au H n’est pas mise en recouvrement lorsque son montant semestriel est inférieur ou égal à 500 €.

« II. – L’administration des impôts contrôle les déclarations mentionnées au IX des A, B, C et D, au VIII des E et F, au VII du G, au IX du H et au VIII du İ.

« Lorsqu’une insuffisance, une inexactitude ou une omission dans les éléments servant de base au calcul de la taxe est constatée dans les conditions mentionnées au I du présent J et au présent II, les rectifications correspondantes sont notifiées au redevable par l’administration des impôts, le directeur de chaque organisme affectataire ou ses représentants dûment habilités. Le redevable dispose d’un délai de trente jours à compter de la réception de la notification pour présenter ses observations. Une réponse motivée à ces observations est adressée au redevable. Les droits notifiés sont assortis d’une majoration de 10 % exclusive de tout intérêt de retard.

« Lorsque le redevable n’a pas déposé la déclaration mentionnée au IX des A, B, C et D, au VIII des E et F, au VII du G, au IX du H et au VIII du İ, une lettre de mise en demeure avec demande d’avis de réception lui est adressée par le directeur de l’organisme affectataire mentionné au I ou ses représentants dûment habilités. À défaut de régularisation dans un délai de trente jours à compter du jour de la réception de cette mise en demeure, ils procèdent à la taxation d’office. À cette fin, ils peuvent fixer la base d’imposition, notamment par référence au chiffre d’affaires et, pour la taxe affectée à l’Institut des corps gras, au volume des produits commercialisé, réalisé par une ou plusieurs entreprises comparables. Les droits notifiés sont assortis d’une majoration de 40 %.

« Le directeur de l’organisme affectataire mentionné au I ou ses représentants dûment habilités émettent un titre de perception selon les modalités prévues au même I, comprenant les droits réclamés et le montant des majorations applicables, trente jours après la date de réception par le redevable de la réponse à ses observations ou, en l’absence d’observations de la part du redevable, trente jours après la date de la notification de rectifications ou, en cas de taxation d’office, trente jours après la date de notification des droits.

« Le recouvrement s’effectue dans les conditions prévues au I.

« Les organismes affectataires mentionnés au I exercent leur droit de reprise jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible.

« III. – Les réclamations contentieuses relatives à l’assiette de la taxe sont traitées par les directeurs des organismes affectataires mentionnés au I ou par leurs représentants dûment habilités. Elles sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables en matière d’impôts directs. »

II. – Le même article 71 est ainsi modifié :

1° Le A est ainsi modifié :

a) Après le mot : « financer », la fin du troisième alinéa du I est ainsi rédigée : « , d’une part, les missions dévolues au comité par la loi n° 78-654 du 22 juin 1978 concernant les comités professionnels de développement économique, précisées par le décret en Conseil d’État portant création du comité, et, d’autre part, les missions de recherche, de développement, d’innovation et de transfert de technologie qui sont dévolues aux centres techniques par l’article L. 521-2 du code de la recherche, précisées en tant que de besoin par le décret en Conseil d’État pris en application de l’article L. 521-13 du même code. » ;

b) (Supprimé)

c) À la fin de la seconde phrase du IX, les mots : « établi par le comité » sont remplacés par le mot : « Cerfa » ;

d) Les quatrième à huitième et dixième alinéas du X sont supprimés ;

e) Les XI et XII sont abrogés ;

2° Le B est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa du I est complété par les mots : «, précisées par le décret en Conseil d’État portant création du comité » ;

b) (Supprimé)

bis) (nouveau) Les 1° et 2° du II sont remplacés par des 1° à 3° ainsi rédigés :

« 1° Produisent, collectent, conservent ou commercialisent les cuirs et peaux brutes ;

« 2° Fabriquent ou assemblent les produits mentionnés au premier alinéa du présent II ;

« 3° Conçoivent ces produits et les font fabriquer par un tiers, quel que soit le lieu de fabrication. » ;

ter(nouveau) Le 1° du IV est complété par les mots : « des produits ayant déjà été soumis une fois à la taxe soit sur le marché intérieur, soit à l’importation » ;

c) À la fin de la seconde phrase du IX, les mots : « établi par le comité » sont remplacés par le mot : « Cerfa » ;

d) Les quatrième à huitième et dixième alinéas du X sont supprimés ;

e) Les XI et XII sont abrogés ;

3° Le C est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa du I est complété par les mots : « , précisées par le décret en Conseil d’État portant création du comité » ;

b) (Supprimé)

c) À la fin de la seconde phrase du IX, les mots : « établi par le comité » sont remplacés par le mot : « Cerfa » ;

d) Les quatrième à huitième et dixième alinéas du X sont supprimés ;

e) Les XI et XII sont abrogés ;

4° Le D est ainsi modifié :

a) Le troisième alinéa du I est complété par les mots : « , précisées par le décret en Conseil d’État portant création du comité » ;

b) (Supprimé)

c) À la fin de la seconde phrase du IX, les mots : « établi par le comité » sont remplacés par le mot : « Cerfa » ;

d) Les quatrième à huitième et dixième alinéas du X sont supprimés ;

e) Les XI et XII sont abrogés ;

5° Le E est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

– à la fin du premier alinéa, les mots : « des secteurs d’activités suivants » sont remplacés par le mot : « suivantes » ;

– après le mot : « missions », la fin de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « de recherche, de développement, d’innovation et de transfert de technologie qui sont dévolues à ces organismes par l’article L. 521-2 du code de la recherche, précisées, en tant que de besoin, par le décret en Conseil d’État pris en application de l’article L. 521-13 du même code. » ;

b) Le II est ainsi modifié :

– la première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « quels que soient la destination ou l’utilisation de ces produits et le secteur ou l’industrie d’appartenance du fabricant » ;

– à la seconde phrase du même alinéa, les mots : « voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « arrêté du ministre chargé de l’industrie » ;

– les six derniers alinéas sont ainsi rédigés :

« Constituent des fabricants les entreprises qui :

« 1° Vendent ou louent les produits mentionnés au premier alinéa du présent II après :

« a) Les avoir fabriqués ou assemblés ;

« b) Les avoir conçus et fait fabriquer ou assembler par un ou plusieurs tiers, quel que soit le lieu de fabrication ou d’assemblage soit en leur fournissant les matières premières, soit, s’agissant des produits dont l’assemblage est confié à un ou plusieurs tiers, en leur imposant des techniques faisant l’objet de brevets, des procédés, des formules ou des plans, dessins ou modèles, quel qu’en soit le support, dont elles ont la jouissance ou l’exclusivité, soit en leur imposant des dimensionnements, des spécifications ou des technologies ;

« c) Y avoir apposé ou fait apposer des griffes ou des marques dont elles ont la jouissance ou l’exclusivité ;

« 2° Travaillent à façon ou réalisent des prestations portant sur les produits mentionnés au premier alinéa du présent II. » ;

c) Le VIII est ainsi modifié :

– les premier, quatrième et sixième à onzième alinéas sont supprimés ;

– au deuxième alinéa, les mots : « lui adressent » sont remplacés par les mots : « adressent au Comité de coordination des centres de recherche en mécanique » ;

– le même alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette déclaration est conforme à un modèle établi par arrêté du ministre chargé de l’industrie. » ;

d) Les IX et X sont abrogés ;

6° Le F est ainsi modifié :

a) Après le mot : « missions », la fin du troisième alinéa du I est ainsi rédigée : « de recherche, de développement, d’innovation et de transfert de technologie qui sont dévolues à ces organismes par l’article L. 521-2 du code de la recherche, précisées en tant que de besoin par le décret en Conseil d’État pris en application de l’article L. 521-13 du même code. » ;

b) Le II est ainsi modifié :

– la première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « indépendamment de la destination de ces produits et du secteur ou de l’industrie d’appartenance du fabricant » ;

– à la seconde phrase du même alinéa, les mots : « par voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « par arrêté du ministre chargé de l’industrie » ;

– au deuxième alinéa, après le mot : « entreprises », sont insérés les mots : « , quels que soient leur statut, leur forme juridique ainsi que la durée et le lieu d’implantation des installations qu’elles utilisent, » ;

– aux 1° et 2° et au premier alinéa du 3°, après le mot : « vendent », sont insérés les mots : « ou affectent à leur propre activité » ;

– au b du 3°, après le mot : « Soit », sont insérés les mots : « en lui fournissant ou » ;

– après le même b, il est inséré un c ainsi rédigé :

« c) Soit en lui imposant des dimensionnements, des spécifications ou des technologies, quel qu’en soit le support. » ;

– au dernier alinéa, après le mot : « granulats », sont insérés les mots : « et des fibres de tous calibres, » ;

c) Le III est ainsi modifié :

– après le mot : « ventes », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « et exportations mentionnées au II ; »

– après le deuxième alinéa, sont insérés des 2° et 3° ainsi rédigés :

« 2° Sur la valeur vénale, hors taxes, des produits affectés à leur propre activité par les fabricants, taxables en application du II ;

« 3° Sur la valeur vénale, hors taxes, des produits taxables en application du II, non vendus en l’état mais incorporés à des ensembles eux-mêmes non soumis à la taxe. Il appartient au fabricant de déterminer la valeur vénale des produits incorporés en la justifiant par tous documents probants. » ;

– au début du quatrième alinéa, la mention : « 2° » est remplacée par la mention : « 4° » ;

d) Après les mots : « ou par », la fin du 1° du IV est ainsi rédigée : « l’utilisation des produits fabriqués affectés au besoin du fabricant et taxables à ce titre ; »

e) Le second alinéa du 3 du VII est supprimé ;

f) Après le mot : « par », la fin de la seconde phrase du VIII est ainsi rédigée : « arrêté du ministre chargé de l’industrie. » ;

g) Le IX est ainsi modifié :

– les premier, deuxième, quatrième à huitième et avant-dernier alinéas du IX sont supprimés ;

– après le mot : « intéressé », la fin du dernier alinéa est supprimée ;

h) Les X et XI sont abrogés.

Mme la présidente. L'amendement n° II-171, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’annonce d’ores et déjà que cet amendement ne sera pas retiré ! (Sourires.)

L’article 53 crée trois nouvelles taxes affectées au profit du Centre technique industriel de la plasturgie et des composites, le CTIPC, du Centre technique des industries de la fonderie, le CTIF, et de l’Institut des corps gras, l’ITERG, lequel, contrairement à son nom, n’est pas un institut de beauté.

Ces trois secteurs, la plasturgie, la fonderie et les corps gras seront taxés sur leur chiffre d’affaires, ce qui rapportera quelques centaines de milliers d’euros. Le rendement sera donc faible. La commission des finances propose de supprimer cet article, pour trois raisons.

Premièrement, je ne reviendrai pas sur l’engagement du Gouvernement et du Président de la République de ne pas créer de taxe nouvelle. Une telle disposition est surtout contraire à la position du secrétaire d'État chargé du budget, M. Christian Eckert, qui s’était engagé à supprimer, à hauteur de un milliard d’euros, des taxes à faible rendement. Or non seulement on n’en supprime pas, mais on en crée de nouvelles !

Deuxièmement, cet article est en totale contradiction, monsieur le ministre, avec l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques qui dispose expressément : « Une nouvelle affectation s’accompagne, dans le champ ministériel de l’imposition nouvellement affectée, de la suppression d’une ou de plusieurs impositions affectées d’un rendement équivalent. » Concrètement, si on crée des taxes nouvelles, on devrait, dans le respect de cet article, en supprimer d’autres. Or rien de tel n’est prévu.

Troisièmement, cet article 53 crée des taxes extrêmement complexes. Dans un rapport, certes non public, de l’Inspection générale des finances, qui a examiné plus de 160 taxes à faible rendement, on découvre que le coût de recouvrement de nombre de ces taxes est supérieur à leur rendement.

Dans la mesure où la taxe au profit du fameux Institut des corps gras n’entraînera que 400 000 euros de recettes, on peut s’interroger sur le coût de son recouvrement et de son contrôle, à un moment où la DGFIP, la Direction générale des finances publiques, va perdre plus de 2 200 emplois.

Telles sont les trois raisons ayant conduit la commission des finances à proposer la suppression de cet article. Si vous n’étiez pas convaincus par ces arguments, je vous invite tout simplement, mes chers collègues, car mon temps de parole est limité, à lire l’article 53, qui s’étend sur 17 pages, organisées en 181 alinéas.

Vous nous parlez souvent, et à juste titre, de la compétitivité de l’économie, monsieur le ministre. Ne créons donc pas de telles taxes !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Chiron, rapporteur spécial.

M. Jacques Chiron, rapporteur spécial. La commission a débattu de l’utilité des CTI, les centres techniques industriels, et des CPDE, les comités professionnels de développement économique, et les points de vue ont été partagés.

N’oublions pas qu’une grande partie des recettes provient des produits importés. Un tel système est donc excessivement bénéfique pour nos entreprises, qui peuvent se servir de ces taxes pour promouvoir leurs produits à l’étranger.

N’oublions pas non plus que la dotation budgétaire de l’État baisse parallèlement de 3 millions d’euros, ce qui bénéficie au budget de l’État et à notre déficit.

Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, une telle mesure doit s’accompagner, « dans le champ ministériel de l’imposition nouvellement affectée, de la suppression d’une ou de plusieurs impositions ». Or, je le rappelle, le rendement de la taxe sur la valeur ajoutée des entreprises affectée aux CCI doit diminuer de 130 millions d’euros. On peut donc mettre en parallèle les 3 millions d’euros des taxes prévues par l’article 53 aux 130 millions d’euros que récupéreront les entreprises.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il y a trois CTI et CPDE concernés par ces taxes.

Je le disais, ces mesures résultent de l’application d’une recommandation d’un rapport parlementaire. C’est à la demande des professionnels, qui bénéficieront ainsi d’une meilleure visibilité et d’une plus grande stabilité, que nous passons de la dotation à la taxe affectée. Il s’agit d’une contribution, par les acteurs du système, au financement d’actions communes.

L’article 53 harmonise les modalités de recouvrement des taxes, en maintenant un système de collecte aujourd'hui en vigueur pour certains CTI. Cela permet de créer une taxe, attendue par les professionnels, au profit du CTI de la plasturgie. Son mode de recouvrement, qui respecte les prérogatives de l’administration fiscale, est assez simple, dans la mesure où les professionnels s’en chargent également.

Nous ne sommes donc pas dans le cadre de la création d’un impôt d’État, complexe, au coût de recouvrement supérieur au rendement.

Par ailleurs, il s’agit d’une ressource qui finance, au sein d’un secteur d’activité, des actions communes. Elle est conforme à l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques, puisque l’article 53 de ce texte prévoit son plafonnement.

Enfin, les CTI et les CPDE prennent leur part dans l’effort de baisse des dépenses publiques, les plafonds des taxes et les subventions accordées étant diminués à due proportion.

Considérez cet article non pas comme l’effet d’une doctrine contrevenant à l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques, mais comme un élément de rationalisation et de pragmatisme. Quand des professionnels veulent s’organiser en filière, souhaitent de la visibilité en matière de financement et sont prêts à assurer une partie des tâches de recouvrement de la taxe qui leur sera affectée, n’est-il pas pragmatique de les suivre ?

Je demande donc le retrait de cet amendement, monsieur le rapporteur général, bien que j’aie compris votre intention première. À défaut, je me verrais contraint d’émettre un avis défavorable.

En effet, l’article 53 est cohérent avec les actions entreprises depuis que les rapports sur cette question nous ont été remis. Nous avons travaillé en bonne intelligence avec les CTI et les CPDE. Ces dix-sept pages ont été rédigées non pas par l’administration fiscale ou le ministère de l’économie, mais en lien avec les professionnels, de manière très claire et très détaillée.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Le groupe UDI-UC votera en faveur de cet amendement défendu par le rapporteur général, tout simplement parce qu’il est temps d’arrêter d’instituer des taxes nouvelles.

Cette question avait fait l’objet d’un débat dans notre pays. Malgré les conclusions qui avaient semblé en être tirées, on continue à instituer de nouvelles taxes ! Que va-t-il se passer ? Les industriels de France seront pénalisés. Pour ce qui concerne les corps gras, notamment, les industriels de l’agroalimentaire seront astreints à une traçabilité rigoureuse de la proportion de corps gras dans leurs produits. Dans le même temps, leurs concurrents étrangers ne le seront pas ! On va encore pénaliser l’industrie française, qui l’est déjà suffisamment. La balance commerciale de notre pays étant d’ores et déjà déficitaire, il convient de tout mettre en œuvre pour que nos entreprises puissent être plus compétitives à l’échelon international.

En l’espèce, il s’agit de mesures qui accablent encore un peu plus les entreprises produisant en France. Vous le comprendrez, le groupe UDI-UC ne peut s’associer à cette façon de voir les choses. Nous considérons en outre, comme M. le rapporteur général, qu’il convient de simplifier notre réglementation. Le nombre de pages de cet article visant à instituer de nouvelles taxes est tout à fait édifiant, à un moment où nous avons grand besoin de simplification ! Monsieur le ministre, vous proposez d’instituer des règles extrêmement complexes, qui ne peuvent satisfaire ni les industriels ni l’ensemble des acteurs économiques, lesquels demandent au contraire de la simplification.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien écouté M. le ministre. Nous pouvons concevoir que la création de ces trois taxes soit, pour chacune d’entre elles, motivée par des besoins clairement exprimés par les professionnels.

J’ai moi-même reçu les représentants de l’une des branches professionnelles intéressées. Les adhérents des fédérations des industries visées par l’article 53 représentent en réalité des milliers d’entreprises qui sont parfois des très petites entreprises, voire des entreprises individuelles qui sont sous-traitants de deuxième, voire de troisième rang.

Ces entreprises ne disposent absolument pas des moyens, en particulier des conseils juridiques, nécessaires pour comprendre les modalités d’application d’un tel texte de loi.

Je prendrai un seul exemple : celui du secteur automobile. Une même pièce peut relever à la fois de la plasturgie, de la mécanique, de la fonderie. Cette complexité rend totalement impossible la définition claire de l’assiette, et donc le calcul du montant des taxes que vous proposez d’instituer.

Nous aurions pu, à la rigueur, souscrire à la demande de retrait de M. le ministre, à la condition qu’un article beaucoup plus lisible puisse être rédigé.

Peut-être la rédaction de l’article 53 a-t-elle en effet été effectuée avec les professionnels. Quoi qu’il en soit, le résultat, c’est un texte de 17 pages et de 181 alinéas !

Si sa lecture est extrêmement difficile pour les parlementaires que nous sommes, vous pensez bien qu’il est, a fortiori, tout simplement incompréhensible pour les PME ou pour les très petites entreprises éventuellement concernées ! Celles-ci doivent pourtant bien trouver le moyen de savoir si leur activité est incluse ou non dans le champ d’application de la taxe, et donc si elles y sont assujetties ou non.

On parle beaucoup de « simplification ». Commençons par rédiger de façon beaucoup plus simple le texte applicable au recouvrement de taxes dont l’une représente 400 000 euros seulement de rendement !

Dans son rapport – je l’ai lu et je regrette qu’il n’ait pas été rendu public –, portant sur l’examen de 167 taxes, l’Inspection générale des finances souligne à la fois l’extrême complexité des textes en vigueur et le faible rendement des taxes en question, dont je ne suis pas certain que nous puissions, en définitive, en contrôler le recouvrement.

Sachant que la DGFIP va perdre cette année 2 200 emplois – ce à quoi, par ailleurs, nous souscrivons –, l’État est-il vraiment en mesure de contrôler l’assiette qui sert de base au calcul de ces taxes ? Nous en doutons fortement.

Je vous donne l’exemple éloquent d’une taxe à faible rendement, la taxe sur les farines, à propos de laquelle nous avons récemment débattu. Et les interventions, de quelques travées dont elles émanaient, montraient que, eu égard à l’extrême complexité du texte de loi, nous sommes aujourd’hui, tout simplement, dans l’incapacité de contrôler l’application de cette taxe, laquelle n’est, de fait, pas recouvrée par les douanes à l’importation.

Nous craignons que la création de ces trois nouvelles taxes ne pénalise les entreprises françaises. De surcroît, l’État risque de ne pas avoir les moyens de vérifier que ces taxes sont bien applicables aux produits importés. Par conséquent, tant que l’article 53 ne sera pas simplifié, monsieur le ministre, la commission des finances ne pourra pas le voter.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-171.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 76 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l’adoption 197
Contre 145

Le Sénat a adopté.

En conséquence, l'article 53 est supprimé.

Article 53
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Article 53 bis (nouveau)

À la seconde phrase du dernier alinéa du 2° du II de l’article L. 621-5-3 du code monétaire et financier, après le mot : « capital, », sont insérés les mots : « sur des parts sociales ou sur des certificats mutualistes ». – (Adopté.)

compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

Article 53 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Culture

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.

ÉTAT D

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

155 485 000

155 485 000

Prêts et avances pour le logement des agents de l’État

485 000

485 000

Prêts pour le développement économique et social

150 000 000

150 000 000

Prêts à la filière automobile

5 000 000

5 000 000

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Culture

Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture ».

La parole est à M. Vincent Eblé, rapporteur spécial.

M. Vincent Eblé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la mission « Culture » bénéficiera en 2016 d’un traitement que nous pouvons qualifier de favorable au regard de la plupart des autres missions budgétaires. En effet, elle connaît une hausse de l’ordre de 4 % de ses crédits, hors mesure de périmètre, ce qui représente une trajectoire infléchie positivement par rapport à la prévision de la loi de programmation des finances publiques. Je rappelle que cette dernière prévoit une préservation des crédits de la mission sur l’ensemble du triennal.

Cette évolution s’inscrit aussi dans un contexte particulier : la mise en œuvre de la réforme territoriale et l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, que nous appelions de nos vœux l’année dernière.

La mission « Culture » sera ainsi dotée en 2016 de 2,7 milliards d’euros, crédits auxquels il convient notamment d’ajouter le montant des dépenses fiscales principalement rattachées à la mission. Celui-ci est évalué à 292 millions d’euros, soit un coût stable par rapport à 2015, à périmètre constant.

Toutefois, il convient de considérer ce chiffrage avec prudence. En effet, l’année dernière, le chiffrage initial a été largement dépassé. À cet égard, nous estimons que les documents budgétaires ne sont pas suffisamment précis et qu’ils devraient être enrichis d’informations relatives à l’efficacité et à l’évolution du chiffrage des dépenses fiscales entre la prévision et l’exécution.

Alors que les opérateurs de la mission « Culture » ont été fort sollicités pour participer à l’effort d’assainissement des comptes publics au cours des trois dernières années, en 2016, ils bénéficieront, pour la plupart, de subventions stables, en légère croissance ou en baisse très modérée. Il en sera de même pour leurs effectifs. En contrepartie, le ministère attend un effort de renforcement de leurs ressources propres, dans le sillage des conclusions d’une mission d’inspection menée dans le cadre de la modernisation de l’action publique.

En outre, le ministère souhaite également donner à ses opérateurs les moyens de réaliser des travaux de rénovation, d’accessibilité et de mise en sécurité.

Enfin, il a voulu accompagner l’ouverture sept jours sur sept de trois monuments majeurs – le château de Versailles et les musées d’Orsay et du Louvre – au profit des groupes scolaires.

De surcroît, le budget pour 2016 de la mission « Culture » intègre une mesure de périmètre, à savoir la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive, la RAP, à hauteur de 118 millions d’euros. Comme vous le savez, mes chers collègues, le financement de l’archéologie préventive se heurte depuis plusieurs années à l’irrégularité du rendement de la RAP et à la complexité de son affectation et de son recouvrement, au détriment des acteurs de cette politique publique que sont l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, au premier rang, mais aussi le FNAP, le Fonds national pour l’archéologie préventive, et les collectivités territoriales disposant de services archéologiques agréés.

Ces difficultés ont compliqué l’exécution budgétaire de la mission « Culture », puisque le ministère a dû apporter en gestion, de façon récurrente, un soutien non prévu en loi de finances initiale.

Nous estimons donc que cette mesure de budgétisation est pertinente, du point de vue aussi bien qualitatif, puisqu’elle donnera de la prévisibilité aux acteurs concernés et leur permettra d’exercer leurs missions dans de bonnes conditions, que budgétaire, puisqu’elle devrait faciliter l’exécution des crédits du programme 175, « Patrimoines ».

En ce qui concerne les domaines d’action du ministère, que financent les crédits supplémentaires inscrits dans ce budget pour 2016 ?

Nous avons identifié deux grandes priorités transversales : d’une part, un accompagnement des territoires et des publics fragiles dans le contexte de la réforme territoriale et de la baisse des dotations aux collectivités territoriales, et, d’autre part, le soutien à la jeunesse, à l’éducation et à la création.

S’agissant de la première priorité, l’effort en faveur des monuments historiques est globalement maintenu dans le projet de loi de finances initiale, pour la troisième année consécutive. Toutefois, en seconde délibération, l’Assemblée nationale a supprimé 5 millions d’euros de crédits dédiés à la restauration du patrimoine historique. La commission des finances a donc adopté un amendement de rétablissement de ces crédits qui vous sera présenté tout à l’heure, mes chers collègues.

En outre, les crédits destinés aux opérations en région qui représentent plus de 70 % des crédits dédiés aux monuments historiques et soutiennent directement l’attractivité territoriale et l’emploi sont confortés. Dans une perspective de rééquilibrage territorial, les crédits d’investissement et de fonctionnement dédiés aux musées de France seront également maintenus à un niveau élevé.

Dans le contexte de réforme territoriale et de baisse des dotations, l’évolution globale des crédits dédiés au patrimoine témoigne de la constance de l’engagement de l’État auprès de ses partenaires territoriaux. C’est un signal fort et rassurant. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, rapporteur spécial.

M. André Gattolin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je poursuis la présentation entamée par Vincent Eblé.

En ce qui concerne le soutien à la jeunesse, à l’éducation et à la création, voici les principaux éléments qui nous paraissent positifs, et que nous souhaitons porter à votre attention.

Premièrement, le projet de budget pour 2016 prévoit le rétablissement du soutien aux conservatoires.

Cette évolution nous paraît très importante, dans la mesure où la quasi-disparition de ces aides avait cristallisé l’année dernière le rejet des crédits de la mission « Culture ». En 2016, le ministère de la culture et de la communication dédiera ainsi 8 millions d’euros supplémentaires à ce poste, pour un montant total de 13,5 millions d’euros, dans le cadre d’un plan Conservatoires.

À ce titre, le rétablissement des crédits doit s’accompagner d’une redéfinition des priorités et d’une refonte des procédures de classement, dont l’objectif global doit être une meilleure ouverture des conservatoires à la diversité. C’est un progrès notable, dans la mesure où ces établissements constituent l’un des principaux réseaux de proximité en ce qui concerne l’accès, l’éducation et la formation du jeune public aux pratiques artistiques.

Certes, nous ne revenons pas encore au niveau de 2012 qui atteignait 27 millions d’euros, mais cette évolution permet d’enrayer la chute très brutale des crédits et de lancer un signal positif aux partenaires territoriaux de l’État.

Deuxièmement, le projet de budget pour 2016 prévoit le financement de plusieurs mesures issues des Assises de la jeune création qui se sont tenues au printemps dernier. Il s’agit de renforcer la formation et l’insertion des artistes, d’améliorer leurs conditions de vie et de travail, et de soutenir les créateurs. Les dépenses d’intervention en faveur du spectacle vivant bénéficieront notamment à ce titre de 12,5 millions d’euros de moyens nouveaux.

Troisièmement, le projet de loi de finances pour 2016 se caractérise par un renforcement marqué des moyens accordés à l’enseignement supérieur culturel et à l’éducation artistique et culturelle.

Ainsi, les dotations des établissements d’enseignement supérieur culturel progressent globalement de près de 2 %, notamment pour consolider l’intégration des formations qu’ils dispensent dans le schéma licence-master-doctorat, le fameux LMD.

En outre, le ministère souhaite renforcer la diversité sociale des étudiants et améliorer leurs conditions de vie et de travail, par le biais d’aides individuelles et de bourses attribuées sur critères sociaux. Des aides à hauteur de 38,4 millions d’euros seront ainsi financées à cet effet, marquant une progression de 7 % par rapport à 2015.

Enfin, le plan Éducation artistique et culturelle bénéficiera de 4,5 millions d’euros supplémentaires, pour un montant global de 14,5 millions d’euros, augmentation qui conforte la dynamique engagée depuis trois ans en ce domaine. Un effort particulier sera effectué en direction des jeunes éloignés de l’offre culturelle pour des raisons géographiques, sociales ou économiques.

Pour terminer, nous souhaitons attirer votre attention, mes chers collègues, sur deux points particuliers.

D’une part, nous avons constaté avec satisfaction que les résultats de la première année d’exploitation de la Philharmonie de Paris s’avèrent tout à fait encourageants, tant du point de vue budgétaire que pour ce qui concerne la fréquentation. Il conviendra toutefois d’inscrire ce succès dans la durée, sur la base d’un modèle économique solide, reposant notamment sur des ressources propres dynamiques. C’est l’un des enjeux de la fusion de la Cité de la musique et de la Philharmonie de Paris dans un établissement unique, et de l’articulation avec la salle Pleyel.

D’autre part, je regrette à titre personnel qu’un amendement du Gouvernement, adopté par l’Assemblée nationale, ait minoré les crédits de la mission de 10 millions d’euros.

Si l’on peut comprendre que la mission « Culture » ait dû, comme les autres, contribuer au rétablissement de l’équilibre budgétaire, après l’adoption par l’Assemblée nationale de nouvelles mesures dégradant le solde, l’ampleur de cette contribution de la mission me semble contestable.

De plus, les conséquences de cette réduction de crédits, notamment pour ce qui concerne la part affectée au programme 175, « Patrimoines », me semblent insuffisamment documentées par le Gouvernement.

C’est au bénéfice de ces interrogations que la commission des finances a décidé d’adopter un amendement visant à limiter la baisse de crédits de la mission à 5 millions d’euros.

Cela étant dit, même si les crédits de la mission « Culture » ne représentent que 0,74 % des dépenses du budget général de l’État, pourcentage encore assez éloigné du fameux 1 % historiquement espéré, nous estimons que le projet de loi de finances pour 2016 constitue malgré tout un bon budget pour la présente mission, qui semble désormais être élevée au statut de priorité gouvernementale.

L’augmentation des moyens, même modeste, profitera ainsi aux territoires et aux jeunes de notre pays, notamment les plus fragiles.

La commission des finances a donc suivi la proposition des rapporteurs spéciaux et vous propose, mes chers collègues, d’adopter avec modification les crédits de la mission « Culture ». Nous vous présenterons à l’issue de la discussion générale l’amendement qu’elle a adopté la commission.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de M. Philippe Nachbar.

Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour les patrimoines. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprime en remplacement de Philippe Nachbar, retenu par un deuil familial. Je vais vous livrer in extenso l’intervention qu’il avait préparée.

« J’ai appelé mes collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à donner un avis défavorable à la mission ″ Culture ″, parce que les crédits ″ Patrimoines ″ affichent une hausse en trompe-l’œil et parce que les défis de l’entretien et de la valorisation du patrimoine demandent une mobilisation bien plus forte des pouvoirs publics.

« La hausse affichée, d’abord, est en trompe-l’œil : plus 166 millions d’euros en autorisations d’engagement et plus 122 millions d’euros en crédits de paiement ; c’est tout à fait remarquable, mais cette hausse tient essentiellement à la budgétisation de 118 millions d’euros pour la redevance d’archéologie préventive. Hors cette budgétisation, les crédits progressent au rythme de l’inflation et, surtout, ils ne rattrapent pas le niveau perdu ces dernières années. Cela est d’autant plus vrai que le programme ″Patrimoines″, comme on pouvait le craindre, fait l’objet d’un coup de rabot de 5 millions d’euros en seconde délibération, sans plus d’explication et à l’encontre des annonces faites dans le débat budgétaire. Je me réjouis que la commission des finances, sur l’initiative d’André Gattolin, ait rétabli ces 5 millions d’euros et j’espère que le Gouvernement laissera son rabot à l’établi.

« Alors, bien sûr, de grands chantiers sont en cours. Il se fait encore de grandes choses en matière de patrimoine – je pense à l’aménagement du Grand Palais, à la restauration du château de Fontainebleau, ou encore à la nouvelle reconstitution de la grotte de Lascaux : ce sont des opérations phares dans notre pays, qui reste la première destination touristique au monde.

« Mais nous avons de quoi nous inquiéter, cependant, sur les politiques d’entretien et de valorisation de notre patrimoine : l’État donne tous les signes d’un recentrage sur le patrimoine le plus monumental, sur les domaines nationaux, il prescrit davantage de règles tout en focalisant ses moyens sur un plus petit nombre de sites – à charge, pour les collectivités territoriales et pour les propriétaires privés, de trouver de nouvelles ressources pour entretenir le patrimoine historique, cela dans un contexte où le secteur professionnel perd chaque année des emplois très qualifiés et très utiles. Nous en reparlerons en examinant le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Je crois que nous devons tirer le signal d’alarme, trouver de nouvelles solutions pour une mobilisation plus forte en faveur de la valorisation de notre patrimoine – les propositions sont sur la table, depuis un Loto patrimoine jusqu’à une réforme des leviers fiscaux, comme nous y invite Vincent Eblé ; il faut en débattre.

« Deux points, sur lesquels je veux attirer l’attention à l’occasion de l’examen de ce budget.

« Premièrement, Bercy annonce une diminution de moitié pour le produit des successions en déshérence. Ce seraient 4 à 5 millions d’euros de moins pour la Fondation du patrimoine, qui nous aide à rénover du patrimoine vernaculaire, non classé ni inscrit : comment remplacer cette source de financement qui paraît se tarir durablement ?

« Deuxièmement, le Centre des monuments nationaux demande un assouplissement du plafond d’emplois et une prise en compte différente des emplois saisonniers, pour adapter mieux ses horaires d’ouverture à la demande ; cela va dans le sens d’une plus grande autonomie financière de l’établissement public. Quelles solutions lui apporter ?

« En attendant, j’ai demandé à mes collègues de la commission de la culture d’adopter un avis défavorable sur les crédits de la mission ″Culture″. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.

M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour la création et le cinéma. « À la barbarie des terroristes, nous devons opposer l’invincible humanité de la culture » affirmait François Hollande, à la tribune de l’UNESCO, le mardi 17 novembre.

Le présent budget traduit un engagement fort du Gouvernement en faveur de la culture, même s’il a été décidé avant les tragiques événements qui ont touché la France le 13 novembre dernier. Nous verrons qu’il faudra tout de même prévoir une aide supplémentaire.

La hausse des crédits atteint 2,7 %. Madame la ministre, vous avez beaucoup travaillé sur le dossier des intermittents, sur la réforme territoriale, sur la préparation du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Avec les Assises de la jeune création, vous avez montré l’attention que l’État porte à la création contemporaine, aux artistes, au spectacle vivant, comme aux arts plastiques. Avec les « pactes culturels », vous garantissez pour trois ans l’aide de l’État aux collectivités territoriales : cet arbitrage en faveur de la culture, quand les moyens reculent partout, est un signe pour les collectivités territoriales, qui, elles aussi, doivent s’adapter aux contraintes nouvelles. Elles peuvent faire le choix de la culture, chercher des solutions et ne doivent pas toujours s’abriter derrière la baisse des dotations pour justifier le recul de leur participation à des projets culturels.

Les crédits du programme « Création » progressent donc de 17 millions d’euros en autorisations d’engagement, avec un plan Création artistique de 15 millions d’euros et un effort marqué pour les arts plastiques, qui ont été trop longtemps le parent pauvre des politiques culturelles. Je salue également le nouveau crédit d’impôt pour le spectacle vivant, destiné aux artistes « en émergence », aux spectacles de jauge moyenne, ceux qui font la richesse de notre vie culturelle au quotidien.

Ces moyens supplémentaires, que le Gouvernement a programmés dès les arbitrages interministériels de l’été, sont particulièrement bienvenus dans l’épreuve que nous traversons. Je crois comme vous, madame la ministre, que, face à l’obscurantisme et au terrorisme, la culture est une arme d’émancipation contre l’ignorance. Les terroristes s’en prennent à notre mode de vie, à nos libertés, notamment à la liberté de création ; ils comptent que la peur nous isole les uns des autres, nous conduise à une guerre des uns contre les autres. La culture, au contraire, à travers la musique, le théâtre, la danse, la peinture, par exemple, c’est la découverte de ses émotions et de celles des autres. C’est l’expérience heureuse et partagée de l’altérité. C’est essentiel dans ce combat !

Je dirai un mot sur les salles de spectacle, très touchées dans le climat actuel. Les professionnels parlent d’un recul de moitié pour la billetterie. Quels moyens pouvons-nous mettre en œuvre pour les aider à passer cette période difficile ? Le soutien doit venir non seulement de l’État, mais aussi de tous les autres acteurs : je pense en particulier aux sociétés de perception et de répartition des droits, dont la contribution pourrait être utile…

J’en viens, enfin, au soutien public au cinéma pour saluer, madame la ministre, votre engagement au bénéfice du septième art : le crédit d’impôt est sensiblement renforcé, afin de favoriser la relocalisation des tournages sur le territoire national, tandis que, pour la deuxième année consécutive, l’affectation des taxes au fonds de soutien du CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée, est intégralement préservée. Il est important de le souligner aujourd'hui devant le Sénat.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a malheureusement donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Culture », alors qu’il s’agit d’un budget en hausse. Vous comprendrez que, à titre personnel, je ne partage pas cette opinion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour la transmission des savoirs. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue à mon tour la hausse des crédits de la culture, ceux du programme 224 en particulier : l’augmentation de 38 millions d’euros en autorisations d’engagement est une petite hausse rapportée aux 1 100 millions du programme, mais il faut savoir que ce programme est volumineux parce qu’il accueille les 750 millions d’euros des fonctions support, c’est-à-dire les salaires et les locaux du ministère.

Or la hausse des crédits bénéficie surtout à l’autre partie du programme, c’est-à-dire aux écoles d’art et d’architecture, à l’éducation artistique et culturelle, aux actions ciblées en matière de démocratisation culturelle : sur cette partie du programme, les autorisations d’engagement progressent de 29 millions d’euros, soit quasiment de 8 %, ce qui est appréciable.

Vous avez également décidé, madame la ministre, de soutenir de nouveau les conservatoires de musique, de danse et d’art dramatique : c’est un virage à 180 degrés. Vous avez reconnu que le désengagement de l’État était une erreur et vous présentez un plan Conservatoires de 13,5 millions d’euros, soit 8 millions de plus que le plancher atteint l’an passé.

Sur le papier, les intentions et les annonces sont donc bonnes, mais nous avons voulu tenir davantage compte des réalités et remettre en perspective les chiffres de ce budget.

Les 13,5 millions d’euros dédiés aux conservatoires, d’abord, mesure que vous nous présentez comme un succès, ne représentent que la moitié des crédits que l’État mobilisait sur cette ligne budgétaire voilà trois ans : le Gouvernement a diminué les vivres pendant trois ans ; il n’en rétablit que la moitié, et il faudrait que ce soit un succès... Permettez-nous, madame la ministre, d’avoir de la mémoire !

Ensuite, l’État nous annonce que les conditions du soutien vont changer, qu’il faut « ouvrir les conservatoires à la diversité », « moderniser » la pédagogie et l’offre des conservatoires pour « être au plus près des aspirations de nos concitoyens ». Mais la réalité est tout autre : les conservatoires s’ouvrent depuis longtemps à leur environnement. En vérité, le retrait de l’État a provoqué des dégâts : des postes ont été supprimés, les tarifs ont dû être augmentés. C’est cela qui éloigne nos concitoyens des nombreux conservatoires qui maillent notre territoire !

Le raisonnement est le même pour les crédits du plan en faveur de l’éducation artistique et culturelle : ils augmentent de 45 %. C’est une belle affiche ! Mais on parle de 4,5 millions d’euros supplémentaires à l’échelle du territoire national, somme très faible par rapport à l’effet mécanique de la baisse des dotations de l’État pour ce qui concerne les dépenses culturelles des collectivités territoriales. Cela dans un contexte où les problèmes vont être aggravés par la réforme territoriale : les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, ne savent pas comment elles fonctionneront demain, les associations sont dans le flou le plus total, les collectivités territoriales vont devoir suppléer les retraits de l’État, et les familles devront consentir plus d’efforts : voilà ce qui va se passer dans les faits...

Qui plus est, le Gouvernement a raboté le programme 224 de 5 millions d’euros, sans plus d’explications. Vous nous dites, madame la ministre, que ces 5 millions d’euros seront pris sur les opérateurs, pas sur les actions, mais cela signifie que les opérateurs verront leurs subventions quasiment stagner l’an prochain, alors qu’on leur annonçait une amélioration.

C’est donc pour marquer notre inquiétude et parce que nous ne sommes pas rassurés par la communication, certes habile, du Gouvernement sur les crédits culturels, que nous avons donné un avis défavorable aux crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yvon Collin. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.)

M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il pourrait paraître futile de discuter de la culture en ces temps de menace globale, intérieure et extérieure. Mais il n’en est rien.

C’est ce que démontre la progression importante des crédits de paiement du budget de la mission « Culture » qui sont en hausse de 5,8 %, après la stabilisation de l’année dernière.

La culture constitue le socle de la civilisation ; elle est cela même qui fait une civilisation. Elle constitue un indispensable investissement sur le long terme en faveur de la vie en collectivité. Les grands projets culturels dans lesquels nous avons investi ces dernières années – l’Opéra Bastille en 1982, la Pyramide du Louvre, l’Institut du monde arabe peu après, le site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France, le musée Louvre-Lens inauguré en 2012, la Philharmonie de Paris, etc. – ont tous eu des effets bénéfiques sur la vie de nos concitoyens et sur le rayonnement de la France.

La culture ne doit pourtant pas rester l’apanage d’une frange de la population, citadine, aisée et cultivée. Elle doit s’exporter comme un mode de vie et de communauté à la française. Face à la désocialisation et à la perte de repères d’une partie de notre jeunesse, voire à sa radicalisation mortifère, je réitère les constats que j’avais faits l’an dernier, ici même : mener une politique culturelle est une nécessité, qui se comprend uniquement en termes de complémentarité avec une véritable politique scolaire.

La culture est de moins en moins un bien partagé par toutes les couches sociales de la population, défiant toute appropriation catégorielle. La fracture est spatiale et territoriale. Comme le soulignait le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires culturelles intitulé L’apport de la culture à l’économie en France, il existe une corrélation positive entre les initiatives culturelles et le développement à long terme des territoires.

Mme Maryvonne Blondin. C’est vrai !

M. Yvon Collin. L’apport de la culture à l’économie a d’ailleurs été chiffré dans le même rapport à 104,5 milliards d’euros, soit l’équivalent de 5,8 % de la somme des valeurs ajoutées nationales.

En effet, la culture, ce sont aussi les secteurs liés au rayonnement et à l’attractivité de la France : le luxe, la mode, la gastronomie, les arts décoratifs. Les emplois dans les entreprises culturelles représentaient 670 000 personnes en 2010, soit 2,5 % de l’emploi total en France. Les événements culturels, tels que les festivals, peuvent avoir des retombées économiques directes équivalant au tiers ou à la moitié de son budget global. L’incidence indirecte, quant à elle, se chiffre à un coefficient multiplicateur de 1,3 % à 1,8 %.

Par ailleurs, si l’exception culturelle française, qui constitue l’un des moyens de notre rayonnement dans le monde, a des répercussions marchandes, elle a aussi d’autres effets plus qualitatifs et non quantifiables. Elle est ce qui constitue le cœur de ce capital sympathie de la patrie des Lumières. Elle a notamment été à l’origine de toutes les marques de solidarité que nous ont montrées les autres pays après les attentats des mois de janvier et de novembre de cette année.

Le premier défi de la culture est donc cette résorption des fractures au sein de notre société, morcelée par le communautarisme et les intérêts catégoriels.

Un second défi, que doit relever le secteur culturel, est constitué par le numérique. À l’évidence, le numérique bouleverse de manière transversale tous les secteurs en modifiant les habitudes culturelles, du côté tant des supports – ordiphones, tablettes, télévisions connectées –, que du format des produits culturels – programmes plus courts, séries, etc.

Le changement de paradigme s’accompagne de mutations, parfois sociales et souvent douloureuses, liées à l’intensification de la concurrence sur des segments jusque-là épargnés. L’action publique a permis de garder un réseau de librairies actives, ainsi qu’un cinéma français vigoureux, dont la qualité est à la hauteur de la renommée.

Nous avons voté, en 2014, une loi interdisant aux libraires en ligne de cumuler à la fois la remise de 5 % sur le prix des livres et la gratuité de la livraison. Mais cette loi a vite été contournée, puisque les plateformes y ont répondu en fixant les frais de livraison à un centime d’euro par commande contenant des livres.

C’est dire aussi que la France doit mieux devancer la transformation numérique pour l’orienter et la maîtriser, et surtout en tirer les bénéfices. Le retard de l’Europe en la matière lui est préjudiciable par rapport aux États-Unis, qui ont su tirer de ces innovations une croissance plus soutenue que la nôtre.

Aussi, madame la ministre, attendons-nous avec impatience les propositions du projet de loi relatif au numérique, qui a été coélaboré avec la participation du public. Nous espérons que ce texte accordera une large place à l’économie culturelle, en permettant de repenser les droits de propriété intellectuelle qui apparaissent parfois dépassés à l’ère numérique. Je pense notamment à la proposition sur la liberté de panorama qui permettrait aux personnes d’exploiter les reproductions, ainsi que les représentations d’œuvres architecturales et de sculptures réalisées pour être placées en permanence dans des lieux publics.

De même, la logique inhérente à la création de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, l’HADOPI, il y a quelques années, a fait long feu. Comme l’a souligné Jacques Mézard dans le rapport de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes, cette entité « n’a pas apporté la preuve de son efficacité en tant que gendarme de l’internet et les moyens de lutte contre le piratage à travers le mécanisme de la réponse graduée sont inopérants. »

Parce que la culture est un chantier permanent de construction de l’avenir, et après examen des crédits qui lui sont dédiés pour 2016, le groupe du RDSE apportera, sans retenue, son soutien à la présente mission budgétaire. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.

M. Louis Duvernois. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, lors de la présentation du présent projet de loi de finances, le Gouvernement a largement communiqué sur une hausse de 2,7 % des crédits consacrés à la culture, marquant sa volonté d’en faire une priorité.

Une telle déclaration est surprenante à plus d’un titre.

Tout d’abord, rappelons que cette progression succède à plusieurs années de coupes sévères dans le budget du ministère accompagnées de prélèvements exceptionnels sur les grands musées et lieux de spectacle pour réduire le déficit public, et ce alors même que le candidat François Hollande avait annoncé pendant sa campagne que ce budget serait préservé.

Le budget consacré à la culture et aux médias a ainsi baissé de 4 % en 2013, puis de 2 % en 2014, avant de se stabiliser en 2015.

Agir sur ces crédits pour redresser les finances publiques remet profondément en cause les équilibres du secteur. Le Premier ministre, Manuel Valls, l’a lui-même reconnu : « Cela a été une erreur au cours des deux premières années du quinquennat de François Hollande de baisser le budget de la culture au-delà des nécessités liées à la lutte contre l’endettement ou les déficits publics. »

En conséquence, nombre des moyens nouveaux n’opèrent qu’un retour en arrière : ils compensent simplement les baisses de ressources des années passées, et nous ne sommes même pas revenus au niveau de 2012 !

Plus grave encore, le chiffre de 2,7 % repose sur une approximation et traduit un simple affichage. Il est de règle de calculer à périmètre constant, afin de comparer ce qui est comparable. Or, cette année, avec la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive, la RAP, le budget de la culture élargit son périmètre. Cela signifie que, hors redevance, les crédits progressent seulement de 1 %, soit le montant prévu pour l’inflation l’année prochaine. Difficile alors de partager le satisfecit du Gouvernement !

Dans ce budget, un exemple est particulièrement éclairant : le Gouvernement se félicite de « donner une nouvelle impulsion à la relation que l’État entend entretenir avec les conservatoires », en se réengageant à hauteur de 13 millions d’euros.

Certes, le projet de budget pour 2016 rétablit le soutien aux conservatoires, mais après une chute de 83 % des crédits entre 2012 et 2015 ! Ce point sensible avait conduit, l’année dernière, au rejet des crédits de la mission par le Sénat, car, pour des raisons de rigueur budgétaire, la subvention de l’État, qui représentait alors 6 % du budget, avait été tout simplement supprimée.

Le retrait du Gouvernement s’annonçait fatal pour certains établissements, les autres financeurs – villes, départements, régions – ayant tendance à revoir également leurs subventions, en raison de la baisse des dotations de l’État aux collectivités.

Il aura fallu la mobilisation de quelque 140 conservatoires à l’échelle nationale, dénonçant cette situation devenue critique, pour que le Gouvernement fasse marche arrière dans le projet de loi de finances pour 2016.

Au final, les crédits ne sont pas ramenés au niveau de 2012, quand ils représentaient le double de ceux que l’on nous propose, 27 millions d’euros. L’« impulsion » est donc bien modeste !

Autre exemple : les crédits de l’action pour le patrimoine monumental sont stabilisés par rapport à 2015, mais à un niveau bien inférieur à celui de 2012, puisqu’ils sont réduits de 50 millions d’euros. Face à cette diminution des crédits, les gestionnaires des monuments historiques retardent leurs investissements et privilégient les opérations d’urgence.

Malgré ce contexte, lors de l’examen du présent projet de loi de finances, en seconde délibération, l’Assemblée nationale a encore diminué de 10 millions d’euros les crédits de la mission « Culture », dont 5 millions d’euros pour le seul programme « Patrimoines ». C’est un bien mauvais signal à l’aube de l’examen par la Haute Assemblée du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine.

Je remarque, d’ailleurs, que ce projet de loi va laisser aux communes la charge de la protection du patrimoine local. Les maires feront-ils les bons choix pour notre patrimoine, alors qu’ils vont devoir gérer l’alourdissement de leurs charges et qu’ils sont susceptibles de subir des pressions locales ?

Il est prévisible que la réduction de 11 milliards d’euros des dotations de l’État prévue sur trois ans aura de lourdes conséquences, dans la mesure où les collectivités sont les premiers contributeurs publics des politiques culturelles.

Concernant en particulier la création, comment pensez-vous, madame le ministre, pouvoir assurer l’égalité d’accès à la culture, dans un contexte où des maires font part de leur renoncement à investir pour construire un théâtre ou maintenir le festival organisé dans leur ville ? Car le spectacle vivant, face à des postes budgétaires importants tels que l’emploi, la sécurité ou l’école, sert bien souvent de variable d’ajustement.

Vous avez rappelé votre objectif : faire en sorte que les Français vivent et fassent vivre la culture dans tous les territoires. L’objectif est bon, mais encore faut-il donner les moyens aux collectivités de s’y employer !

Il ne faut pas oublier que la culture n’est pas seulement un vecteur essentiel de connaissance, d’épanouissement personnel et de socialisation. Il s’agit aussi d’un secteur économique en pleine expansion, particulièrement avec l’arrivée du numérique. Ce secteur, qui représentait 1,6 % du PIB en 1960, pèse 3,2 % en 2014 et compte 670 000 emplois.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains rejettera les crédits de la mission « Culture » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.) pour manifester son désaccord face à ce budget de rattrapage qui, une fois de plus, ne répond pas aux attentes.

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. David Assouline. Vous êtes contre l’augmentation ? Pas mal !

M. Louis Duvernois. Nous sommes convaincus que, en ces temps de crise, la culture demeure un ferment de cohésion sociale essentiel à la France, et non un luxe, ce qui justifie, naturellement, une autre politique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Culture », sur lequel nous allons voter, ne relève pas, surtout en ces temps troublés, de la seule équation budgétaire.

Que valent toutes les paroles entendues actuellement sur la liberté, l’égalité et la fraternité sans un engagement déterminé à promouvoir en toutes circonstances la liberté de création, sans placer l’artiste, l’art, le geste créateur au centre de notre projet de société, sans garantir à chacune et à chacun le droit à l’émancipation par la culture et l’éducation ?

La réponse solidaire, fraternelle, ouverte au monde et au brassage des cultures qu’appellent les crimes odieux qui ont fauché la vie de cent trente personnes à Paris, le 13 novembre dernier, sera impossible sans l’art et la culture. Toute faiblesse, tout renoncement, toute abdication en la matière seraient non seulement une victoire de la logique de terreur et de guerre, mais laisseraient la porte ouverte à tous les obscurantismes, à tous les crimes contre la pensée.

C’est à l’aune de cet enjeu central qu’il nous faut examiner la place réelle que nous accordons à l’ambition culturelle.

Le Président de la République a eu raison de dire hier, lors de l’hommage national aux victimes des attentats, que la France devrait continuer à chanter.

Comme le clamait avec tant de force poétique Maurice Fanon, dans une chanson réécoutée ces jours-ci sur les réseaux sociaux :

« Pour ceux qui entrent dans la danse

« Au nom de la grande espérance [...]

« Mon fils chante ».

Que penser, alors, du budget qui nous est présenté pour défendre le patrimoine, assurer la liberté de création, permettre la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture, puisque tels sont les programmes que nous examinons ? Qu’il est bien trop modeste, à l’évidence, et qu’il n’est pas normal que nous soyons obligés, chaque année, de batailler pour empêcher simplement qu’il ne recule encore.

Oui, nous nous félicitons que ce budget, enfin, se redresse de nouveau, après deux années de baisse dont nous mesurons à quel point elles furent une grave erreur.

Oui, nous voulons croire que cette hausse du budget, après deux années de baisse – 4 % en 2013 et 2% en 2014 –, soit l’annonce d’une relance durable, et non une maigre compensation conjoncturelle.

La culture n’est pas une variable d’ajustement. Elle est le sens même, une pièce maîtresse de notre combat pour la liberté.

Si le verrou de l’austérité a sauté pour la sécurité, qu’attendons-nous pour le faire sauter durablement afin de promouvoir l’art et tous les espaces d’émancipation culturelle, car cette arme-là sera bien plus puissante que toutes les autres ?

Il faut d’ailleurs saluer le combat mené par les artistes de notre pays et par toutes les professions du monde de la création, car, sans eux, sans leur action, le budget aurait continué à baisser. Ce sont eux qui, par leurs luttes et leurs actions, ont arraché l’an dernier au Gouvernement la décision et l’engagement de préserver et d’augmenter les crédits pour 2016.

Toutefois, nos inquiétudes ne sont pas éteintes, car le projet de budget que nous allons voter nous est soumis alors même que des nuages continuent de s’accumuler. La baisse des dotations des collectivités locales, les attaques contre la culture menées par les collectivités de droite – monsieur Duvernois, vous devriez tenir vos propos aux maires du Blanc-Mesnil, de Saint-Ouen et à tous les édiles de droite qui sont en train de sacrifier les budgets de la culture ! – et la réforme des régions qui fait peser de lourdes menaces sur l’avenir des DRAC en sont quelques exemples. Fermeture de lieux, annulation de festivals, non-remplacement de départs à la retraite : les conséquences sont déjà nombreuses.

Ces moyens sont indispensables aux financements croisés de la culture : sans eux, tout l’édifice culturel s’effondrerait. Alors qu’ils sont comprimés à la baisse, les besoins, eux, vont continuer à croître pour les raisons fondamentales que j’évoquais, mais aussi parce que le Gouvernement s’engage, avec l’adoption du projet de loi relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine qui est actuellement en navette, à développer de nouveaux dispositifs. Madame la ministre, comment comptez-vous faire pour répondre à ces nouveaux besoins avec un tel budget ?

Pour cette raison, nous ne voudrions pas que les moyens gagnés d’un côté soient repris d’un autre, en maintenant, par exemple, la pression sur les grandes institutions au prétexte qu’elles devraient financer leur développement par leurs ressources propres. Je pourrais en citer d’autres, mais l’exemple du projet de budget pour 2016 de l’Opéra national de Paris est parlant : prétendre pallier la réduction de 1 million d’euros de la subvention d’équilibre par une démarche dite d’« optimisation » n’est pas fait pour nous rassurer.

Concernant le patrimoine, il est heureux que l’INRAP bénéficie de nouveau d’une subvention pour charges de service public. Cette réforme, qui constitue le gros de l’augmentation du programme avec 118 millions d’euros, ne doit pas être boudée, face aux limites atteintes par le financement de l’INRAP.

Nous nous interrogeons, en revanche, sur la baisse des crédits alloués au patrimoine linguistique, au moment même où la promotion des langues régionales et minoritaires est remise à l’ordre du jour.

Sur le programme 131, « Création », on ne peut que constater la modestie de l’augmentation des dotations, après les années de baisse.

Le programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » nécessite lui aussi une explication. On peut se féliciter qu’il y ait un réel investissement sur les actions nos 1 et 2 relatives respectivement au soutien aux établissements d’enseignement supérieur et à l’insertion professionnelle et au soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle, notamment pour ce qui concerne le développement des bourses spécifiques aux étudiants des établissements d’arts et des classes préparatoires publiques, la création de cursus de troisième cycle, la formation continue et les dispositifs d’éducation et d’accessibilité artistiques dans les zones rurales et prioritaires. Si ces mesures sont effectivement mises en place, ce sera positif.

En revanche, nous sommes plus circonspects sur le transfert d’une partie de l’action n° 3, Action culturelle internationale, vers le programme 334, « Livre et Industries culturelles ». Pourriez-vous, madame la ministre, nous éclairer sur le sens de ce transfert en nous indiquant où vont se retrouver les 2 millions d’euros soustraits du programme 224 ?

Dernier élément, si l’on peut se réjouir de l’augmentation de 137 équivalents temps plein pour 2016, je note toutefois qu’il s’agit davantage d’un jeu de vases communicants que de la création ad hoc d’emplois, malgré les 90 apprentis prévus dans le cadre du plan de développement de l’apprentissage dans la fonction publique.

Au total, si, à nos yeux, la hausse du budget de la mission « Culture » est bien évidemment une bonne nouvelle, elle semble toujours en deçà, à la fois, des défis que notre société doit relever, particulièrement en ce moment, des ambitions nécessaires et des besoins et manques criants qui demeurent exprimés par les professionnels.

C'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, certes, la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive, l’élargissement des missions de certains opérateurs ou le rabotage par l’Assemblée nationale de 5 millions d’euros sur le programme 175 contribuent à minorer l’élan que nous avions senti sur ce projet de budget. Mais ne boudons pas notre plaisir : il augmente ! Et les écologistes, convaincus que la culture est un champ essentiel du bien commun, soutiendront par leur vote ce budget.

M. Richard Yung. Très bien !

Mme Marie-Christine Blandin. Dans une interview à un grand quotidien, vous avez parlé avec sensibilité, madame la ministre, de l’accès à la culture, de votre expérience, et de la nécessité de rééquilibrer nos champs d’intervention. Or le poids des habitudes, la difficulté à amorcer des mutations nécessitent une volonté inédite pour que ces changements soient lisibles.

Les musiques actuelles restent le parent très pauvre du spectacle vivant : quelques scènes de musiques actuelles, les SMAC, supplémentaires, ce dont nous nous félicitons, ne rendent pas justice à cette pratique qui concerne plus de 80 % des Français, alors qu’elle ne perçoit que 0,37 % du budget de votre ministère.

Le débat n’est pas entre l’excellence et le bricolage, entre l’élite et le médiocre ; il est entre la culture de quelques-uns pour quelques-uns et la culture de tous, dans sa diversité, avec de multiples chemins d’accès qui mènent à l’universalité, mais n’empruntent pas les mêmes itinéraires.

Après l’exemple des musiques actuelles, encore trop souvent coincées entre risque de tapage nocturne – faute de lieux insonorisés – et menace d’accusation d’emploi dissimulé – faute de souplesse dans la réglementation –, je prendrai le cas des pôles des arts et du cirque : intergénérationnels, mobiles, au plus près des quartiers comme des zones rurales, transversaux dans leurs esthétiques, voilà qu’ils se découvrent les seuls à ne pas bénéficier du petit souffle de hausse ayant profité au spectacle vivant. Ce sont de tels détails qui désarment les plus courageux, ceux qui agissent au plus près des populations.

Pour les quarante ans de l’Orchestre national de Lille, le chef Jean-Claude Casadesus, qui n’a jamais ménagé sa peine, ni pour l’excellence ni pour les publics « empêchés » – en particulier les prisonniers –, dirigeait une symphonie de Gustav Mahler : la salle était comble, mais ô combien homogène, comme si une porte de verre tenait certains publics à distance : la faute à personne, mais la faute à nous tous si les droits culturels, c’est-à-dire la reconnaissance de chacun dans son égale dignité, ne sont pas mis en œuvre avec soin et ne sont pas déclinés avec attention dans les choix budgétaires.

Une autre alerte que je voudrais porter concerne la pauvreté de l’éducation aux médias. Vous le disiez vous-même, madame la ministre, parlant de l’effort significatif que vous accomplissez pour l’éducation artistique et culturelle, dont nous nous félicitons. En ces temps violents, on ne peut pas laisser les jeunes sans outils de décryptage. L’éducation à l’image est un enjeu de société majeur, un facteur d’inclusion et un vecteur de cohésion.

En matière de photographie, je me félicite du renouvellement de l’engagement en faveur du plan pour la photographie, afin de financer des acquisitions et des commandes publiques, des manifestations et festivals, parmi lesquels les Rencontres d’Arles ou l’excellent festival de photojournalisme Visa pour l’image, à Perpignan, qui rencontrent un véritable succès populaire et international.

Sur le volet « Patrimoines », en soutien à la proposition du rapporteur spécial André Gattolin, les écologistes ont déposé un amendement visant à revenir sur le coup de rabot de 5 millions d’euros : son adoption serait un signal fort pour ce secteur.

Une telle mesure permettrait de maintenir les efforts de sauvegarde à un niveau minimal, afin de répondre aux besoins des collectivités. L’inquiétude est grande chez certains professionnels, le risque étant que la baisse des financements n’affecte considérablement des métiers liés à la restauration : fontainiers, maîtres verriers, parqueteurs, doreurs pourraient être frappés de plein fouet par ce désengagement, entraînant une réduction des chantiers, une impossibilité de former des apprentis et une menace de disparition de nombre de savoir-faire. Ces métiers font partie de notre patrimoine immatériel, que la France s’est engagée à préserver.

La culture est la réponse à la violence et à la barbarie obscurantiste, comme au risque d’amalgame et de peur de l’autre. Aux attentats, vous opposez les clowns, le slam, le rock, les marionnettes, le mime, le théâtre populaire, l’opéra, les cafés-concerts, les ateliers d’écriture, les bandes dessinées, avec tous les professionnels, mais aussi les amateurs qui se retrouvent, le soir après le travail ou le week-end, pour permettre au plus grand nombre de s’épanouir et de s’ouvrir à toutes les cultures.

Madame la ministre, une bonne inflexion pour la culture se fait jour. Mais le virage doit être encore plus serré, dans lequel l’attention à tous sera une priorité qui dépasse les mots. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Mme Morin-Desailly, au nom du rapporteur pour avis Philippe Nachbar, a employé le terme « trompe-l’œil » pour qualifier l’évolution des crédits de la mission « Culture » qui résume parfaitement notre sentiment.

En effet, à première vue, il y a embellie. Après deux années de baisses sévères et une année de stagnation, les crédits de la mission sont en hausse. Cependant, la satisfaction ne résiste pas longtemps à l’analyse.

Il faut, comme toujours, prendre en compte les évolutions de périmètre ; en l’occurrence, l’incidence de la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive, à hauteur de 118 millions d’euros.

Nous soutenons cette mesure, qui améliorera la sécurité financière de celle-ci. Mais, corrigée de la rebudgétisation de la RAP, l’évolution des crédits de la mission apparaît déjà un peu plus modeste, ce qui resterait tout de même encore significatif, à moins de replacer ce chiffre dans une perspective plus large.

Une perspective temporelle d’abord : le budget de la mission ne fait, en réalité, que retrouver son niveau de 2012.

Une perspective territoriale ensuite : l’augmentation des crédits de la mission doit être mise en regard de la baisse des dotations aux collectivités. Que pèse-t-elle face à la réduction du tiers de la DGF ?

La question est d’autant plus fondamentale que le Sénat a fait inscrire dans la loi que les droits culturels des citoyens sont garantis par l’exercice conjoint de la compétence par l’État et les collectivités.

De fait, le budget culturel de l’État est de moins en moins représentatif de l’effort de la nation en la matière. Les financements des collectivités locales sont aujourd’hui largement majoritaires.

M. Assouline nous disait à l’instant que les collectivités « ne doivent pas toujours s’abriter derrière la baisse des dotations pour justifier le recul de leur participation à des projets culturels ». C’est un peu fort ! Comme si elles avaient le choix !

M. David Assouline. Oui, elles l’ont toujours !

Mme Françoise Férat. Mon cher collègue, je vous invite à sortir de Paris et à venir avec moi faire le budget d’une collectivité !

M. David Assouline. Votre populisme vous qualifie !

Mme Françoise Férat. Il est moins prononcé que le vôtre !

M. David Assouline. Ce n’est pas le moment de dire ça, après ce qui s’est passé à Paris !

Mme Françoise Férat. Justement ! Un peu d’humilité…

Face à la baisse brutale de leurs ressources et avec des charges de fonctionnement contraintes, que peuvent faire les collectivités ?

Elles ne peuvent qu’augmenter les impôts locaux, qui explosent, réduire leurs investissements et couper dans la vie associative et culturelle. Dans quelle proportion ? C’est la question, madame la ministre, que je vous posais déjà l’année dernière. Votre réponse est très attendue, parce qu’elle seule donnera un aperçu crédible de l’évolution du financement national de la culture.

Cet effet de trompe-l’œil qui affecte les grandes masses de la mission se retrouve naturellement dans la ventilation de ses crédits.

Ainsi en est-il, par exemple, de la restauration des crédits des conservatoires, une mesure dont nous ne pouvons que nous réjouir et qui est hautement symbolique puisque, l’année dernière, le Sénat avait rejeté les crédits de la mission « Culture » du fait, justement, de la quasi-disparition de ces aides.

Entre temps, le Gouvernement a reconnu que cela avait été une erreur. Nous vous en donnons acte, madame la ministre. C’est courageux.

Le plan Conservatoires sera donc doté en 2016 de 13,5 millions d’euros, 8 millions de plus que l’année dernière, mais deux fois moins qu’en 2012 ! Depuis, des postes ont été supprimés, les tarifs augmentés, et des familles ont renoncé à inscrire leurs enfants…

Encore une fois, l’analyse ne résiste pas à la mise en perspective pluriannuelle, ni territoriale, d’ailleurs, puisque, comme l’a très bien exprimé Jean-Claude Luche, avec la mise en place des schémas départementaux, des intercommunalités pourraient ne pas reconduire leur compétence sur les conservatoires.

Autre exemple, les moyens du plan consacré à l’éducation artistique et culturelle augmentent de 45 %, mais cette hausse représente en réalité 4,5 millions d’euros à l’échelle nationale, à diviser entre tous les départements ; je vous laisse faire le compte…

De même – cette fois, je reprends une démonstration de M. le rapporteur pour avis –, sur 3 millions d’euros d’actions nouvelles pour les arts plastiques, 1 million d’euros vont au déménagement du Centre national des arts plastiques et 1 million d’euros sont affectés à la tour Médicis de Montfermeil. Il ne reste donc plus que 1 million d’euros supplémentaires à partager entre les vingt-deux fonds régionaux d’art contemporain, les FRAC, les quarante-huit centres d’art conventionnés, le réseau des résidences et l’ensemble de la commande publique. Il y a par conséquent beaucoup d’effets d’affichage dans ces crédits…

Néanmoins, nous en convenons, il n’y a pas que cela. Ainsi, nous ne pouvons que nous réjouir de la poursuite de l’effort, pour la troisième année consécutive, en faveur des monuments historiques. De même, nous ne pouvons que nous féliciter des bons résultats de la première année d’exploitation de la Philharmonie de Paris.

Toutefois, tout cela ne peut pas dissiper l’impression de fragilité, d’incertitude qui se dégage de l’ensemble des orientations présentées, incertitude liée à l’absence de priorités clairement définies. Nous attendions du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine qu’il nous fasse sortir du paradigme du saupoudrage, mais ce texte ne semble pas, hélas, évoluer dans cette direction…

L’incertitude touche aussi l’articulation entre grands projets et politique des territoires. La précédente ministre de la culture avait déclaré que le temps des grands investissements était terminé et que l’heure était à l’accompagnement des collectivités. Nous savons que tel n’est pas le cas, de grands chantiers étant encore devant nous ; mais ceux-ci concernent principalement Paris et l’Île-de-France : rénovation du Grand Palais, restauration du château de Fontainebleau, modernisation du musée de Cluny. Dans ces conditions, quelle place restera-t-il à l’accompagnement des territoires, surtout quand on connaît la fâcheuse tendance du financement de ces grands travaux à déraper ?

Tout cela remet en cause la soutenabilité et la sincérité du budget. Cette remise en cause est en outre accentuée par le coup de rabot de 10 millions d’euros – excusez du peu – passé par l’Assemblée nationale sur les crédits de la mission.

M. Michel Bouvard. À ce stade, peut-on encore parler de coup de rabot ?

Mme Françoise Férat. En effet, mon cher collègue, on est au-delà !

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI-UC se prononcera contre l’adoption des crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – M. Louis Duvernois applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert.

Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord avoir une pensée pour un grand metteur en scène européen qui nous a quittés aujourd’hui, Luc Bondy. Il dirigeait un théâtre tout proche du palais du Luxembourg. On se souvient notamment de sa mise en scène de la pièce de Marivaux Les Fausses Confidences , qui nous a tous marqués, je pense.

« Pour chaque euro supplémentaire investi dans la sécurité, il faut un euro de plus investi dans la culture. Il faut se souvenir de qui nous sommes et investir dans l’innovation, la culture, le sport. » Ces paroles, qui auraient pu être celles d’un artiste habitué à défendre avec ferveur l’importance de l’art et de la culture pour nos sociétés, ont été prononcées par Matteo Renzi, le président du Conseil italien. Bien sûr, si la concentration des efforts sur la sécurité intérieure et extérieure est fondamentale – on le sait –, à long terme, l’investissement dans la culture et l’éducation est aussi essentiel pour permettre à l’homme d’exercer sa liberté.

L’éducation et la culture sont les deux piliers intangibles de l’émancipation de l’individu et de la cohésion collective. En même temps qu’elles ouvrent des horizons et les esprits de chacun, elles créent du commun en luttant contre les amalgames, les préjugés, les dogmes et l’ignorance. Elles abattent les murs invisibles et participent à la destruction de ceux qui se dressent et qui, malheureusement, sont encore nombreux aujourd’hui en Europe et partout dans le monde.

Aussi, face à la barbarie, à la destruction, il faut répliquer par la création, par la vie, par l’imaginaire, car la création est un geste existentiel par lequel l’homme affirme sa présence au monde tout en s’en détachant et en le dépassant. Oui, aujourd’hui, nous avons besoin d’art et de culture pour combattre l’intolérance. Puisque les obscurantistes cherchent à étouffer notre liberté, à décrire le monde de manière manichéenne, consacrons la liberté de création, la liberté de pouvoir représenter le monde sous toutes ses formes !

Le premier article du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, que nous examinerons en début d’année prochaine, proclame ainsi que « la création artistique est libre ». Cela trouve bien sûr un écho tout particulier dans le monde actuel ; il s’agit non plus de simples mots, mais d’un véritable acte de résistance.

Aussi, madame la ministre, dans un contexte économique contraint, je me réjouis de voir que le budget de la culture est aussi un budget de résistance, car il croît de 2,5 %. D’ailleurs, n’oublions pas que la culture et la création représentent 1,3 million d’emplois en France, deux fois plus que le secteur de l’automobile !

L’une des traductions d’une politique publique de la culture réside bien sûr dans le soutien aux artistes. C’est pourquoi l’augmentation des crédits alloués au programme 131, « Création » est bienvenue. Elle doit se traduire par le soutien aux équipes, aux nouvelles écritures, aux institutions, mais aussi aux lieux de création et de diffusion, toutes esthétiques confondues, sans oublier les arts visuels et plastiques, qui restent les parents pauvres du programme.

Je souhaite aussi saluer les mesures en faveur de la jeune création. Cette nouvelle ligne budgétaire, dotée de 3,5 millions d’euros, sera de nature à apporter une aide précieuse aux résidences d’artistes ; en outre, c’est aussi le signe d’une attention aux jeunes générations, au renouvellement des esthétiques, aux projets faits de croisements, d’hybridations

La création est un mouvement perpétuel, universel, qui innerve chaque lieu, chaque espace, chaque territoire. Ce formidable maillage de la France, constitué d’initiatives multiples, de rêves devenus possibles grâce à l’action concertée des collectivités territoriales et aux financements croisés de l’État, doit être entretenu et conforté ; il y va de notre responsabilité collective.

N’oublions pas non plus les DRAC ; les crédits déconcentrés s’élèveront ainsi à 293 millions d’euros. Ces directions participent à l’engagement public collectif et elles ont besoin de stabilité, de visibilité, à l’heure où de profondes réorganisations sont en cours, à l’instar de la réforme territoriale. J’y insiste, la culture irrigue les territoires et se révèle dans chacun d’eux ; aussi, comme les droits culturels sont désormais une réalité, n’oublions pas de les y mettre en œuvre.

Les investissements importants et continus du Gouvernement au titre de l’éducation artistique et culturelle sont exemplaires. En 2016, le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » continue de croître. En trois ans, les crédits de ce programme ont ainsi progressé de 30 %. La question de la transmission demeure donc une priorité.

La reconnaissance de l’altérité dans les arts et la culture est une richesse importante. L’artiste embrase et embrasse le monde, nous invitant à refuser ses manquements et à le façonner différemment. Aujourd’hui plus que jamais, mes chers collègues, nous avons besoin des artistes pour sublimer le réel et donner de l’espoir à l’humanité. C’est pourquoi nous voterons les crédits de la mission « Culture ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. Vincent Eblé, rapporteur spécial. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.

Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le texte voté par l’Assemblée nationale, les crédits de paiement du programme « Patrimoines » progressent de 15 %, soit une augmentation de 116 millions d’euros par rapport au projet de loi de finances pour 2015.

Tout d’abord, je me réjouis qu’une solution ait été enfin trouvée au problème de sous-financement de l’archéologie préventive, notamment de l’INRAP, problème principalement lié aux difficultés de recouvrement de la RAP. Cette situation mettait l’INRAP dans l’incapacité de mener à bien l’ensemble de ses missions de service public en faveur de l’archéologie préventive.

La budgétisation de la RAP, pour un montant de 118 millions d’euros en 2016, offrira ainsi davantage de prévisibilité à l’INRAP, au Fonds national pour l’archéologie préventive et aux collectivités territoriales dotées de services archéologiques agréés. Cela devrait épargner à la mission « Culture » les aléas récurrents de gestion de cet institut et cela mettra fin à quinze années de rallonges budgétaires sous forme de dotations exceptionnelles de l’État finançant l’archéologie préventive.

À cet égard, je vous félicite, madame la ministre, d’avoir su user de votre force de persuasion pour que, enfin, un gouvernement décide de budgétiser entièrement la RAP. Dorénavant, malgré la pression des lobbies, il faut s’attaquer aux trop nombreuses dérogations à l’acquittement, par les aménageurs, de la RAP.

Ensuite, en tant qu’élue d’un territoire rural, je suis très attachée au maintien de la vitalité des offres culturelles et à la sauvegarde du patrimoine local qui doivent absolument faire l’objet d’un accompagnement dans les territoires ruraux. Pour ces communes, le patrimoine culturel est, vous le savez, un enjeu économique fort.

C’est pourquoi je me réjouis que 70 % des crédits dédiés aux monuments historiques soient destinés aux opérations en région. Ce sont des crédits qui soutiennent directement l’attractivité territoriale et l’emploi. Cet effort rendra possible, en 2016, la poursuite de chantiers importants sur des monuments majeurs.

Certes, on peut regretter la réduction de 5 millions d’euros du programme « Patrimoines » votée en seconde délibération par l’Assemblée nationale ; néanmoins, on ne peut à la fois demander au Gouvernement de maîtriser les dépenses publiques et lui reprocher de prendre des dispositions qui visent à respecter le niveau cible qu’il s’est fixé. D’ailleurs, je note avec satisfaction que ce coup de rabot ne pénalisera pas les crédits déconcentrés ; en effet, madame la ministre, vos services m’ont confirmé que l’intervention de l’État dans les territoires en faveur des monuments historiques serait strictement préservée.

Pour ce qui concerne les crédits déconcentrés, je dois souligner que les DRAC sont confrontées à des situations financières délicates, tenant au manque de visibilité sur le montant réel de leur enveloppe annuelle et à leur niveau d’endettement. Cette situation ne leur permet pas – convenez-en, madame la ministre – d’exercer pleinement leurs missions de sauvegarde du patrimoine et de dynamisme culturel. Pouvez-vous m’apporter des éléments de réponse sur ce point précis, sachant que ce problème est récurrent depuis de très nombreuses années ?

Par ailleurs, pour ce qui concerne les musées de France, après neuf années de baisse, les subventions aux musées nationaux sont en légère hausse, ce que je tiens à saluer. Un petit regret toutefois : le rééquilibrage des crédits en faveur des musées de province, amorcé en 2015, n’est pas confirmé pour 2016.

Enfin, j’aimerais saluer la priorité marquée en faveur de la jeunesse et de l’éducation. En effet, le présent projet de loi de finances affecte des moyens à l’expérimentation de l’ouverture de certains grands musées sept jours sur sept ; cela concernera le Louvre, le musée d’Orsay et le château de Versailles. Cette expérience bénéficiera à des publics scolaires ou éloignés de la culture, ce qui constitue une démarche particulièrement bienvenue.

Ce projet en faveur de l’éducation artistique et culturelle et de de la diversification des publics s’inscrit totalement dans les valeurs que nous défendons, et je m’en réjouis.

J’en termine en disant que, dans le contexte de réforme territoriale et de baisse des dotations, la stabilité, voire la progression, de la plupart des crédits dédiés au patrimoine témoigne de la constance de l’engagement de l’État auprès des acteurs de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine si cher aux Français. C’est pourquoi le groupe socialiste soutiendra ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, selon Milan Kundera, « la culture est la mémoire du peuple, la conscience collective de la continuité historique, le mode de penser et de vivre ». Dans la période tragique que traverse notre pays, ces mots résonnent aujourd’hui avec force et ils nous rappellent l’absolue nécessité que constitue la culture pour notre société.

Certes, nous examinons aujourd’hui le budget de la culture, mais comment ne pas évoquer aussi, en de telles circonstances, les valeurs qui lui sont intrinsèques ? Le budget est le moyen d’en assurer la traduction et, en l’augmentant, madame la ministre, le Gouvernement envoie un signal politique fort aux professionnels et à la société civile. Bien sûr, on peut toujours demander davantage, mais sachons aussi reconnaître l’effort qui est fait !

Vecteur d’ouverture d’esprit, de tolérance, garante du vivre ensemble et de la cohésion sociale, la culture est l’arme privilégiée contre toutes les formes d’obscurantisme, de sectarisme et de crispation qui agitent notre monde contemporain. C’est pour cela qu’elle a toujours été la cible prioritaire des régimes terroristes et dictatoriaux. Souvenons-nous ainsi des périodes sombres de notre histoire, où l’on brûlait les livres, les œuvres d’art, voire les artistes !

Aujourd’hui, Daech détruit systématiquement culture, éducation et femmes, c’est-à-dire tout ce qui est facteur d’ouverture et d’émancipation ! De même, alors que la liberté d’expression, de création, de pensée nous apparaît bien souvent comme acquise, des actes de vandalisme culturel, survenus récemment dans nos territoires, nous rappellent que nous devons être très vigilants !

Pour résister à cette barbarie, nous devons continuer de fréquenter tous les lieux de culture qui permettent la rencontre, le dialogue, le partage. Faisons-en notre acte de résistance, soutenons plus que jamais le secteur culturel ! Face à la peur qu’ils tentent d’instiller, ne renonçons jamais à ce que nous sommes !

Le budget que vous nous présentez, madame la ministre, va dans cette direction, non seulement parce qu’il est en hausse par rapport à l’année dernière, mais également parce que vous avez mobilisé un fonds de solidarité de 4 millions d’euros pour accompagner les acteurs culturels touchés.

L’accessibilité, la démocratisation et la médiation culturelles sont des enjeux plus que jamais d’actualité. L’ancrage fort des lieux d’accès à la culture en tous points du territoire n’est rendu possible que par la collaboration étroite entre l’État et les collectivités.

Notre ancien collègue Robert Badinter le disait, la culture, c’est l’affaire de tous ! Les pactes, partenariats et autres contrats territoriaux que vous avez signés avec les collectivités et les autres ministères en témoignent.

L’accessibilité, c’est aussi celle de tous les publics. Quels que soient l’âge, le handicap, le milieu social, le niveau d’éducation, la situation géographique, chacun doit pouvoir pratiquer une activité ou simplement assister à un spectacle.

Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », en hausse, affiche une nette priorité pour les jeunes, que ce soit dans les établissements d’enseignement supérieur ou dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle, et c’est bien cela qui leur donnera les outils du sens critique, l’imaginaire, le souci du collectif et, ainsi, en fera les citoyens et citoyennes de demain.

Je n’oublie pas les pratiques amateurs, mais nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen d’un prochain texte de loi.

Mes chers collègues, je ne peux qu’exprimer ma satisfaction face à l’augmentation globale de cette mission budgétaire. Je suis de celles et ceux qui affirment que les difficultés actuelles rendent la culture encore plus nécessaire. Celle-ci fait émerger et subsister, pour les réinventer en permanence, les contours d’une société dans toute sa diversité.

D’aucuns affirmeront peut-être que, dans le contexte que nous connaissons, ce budget ne devrait pas être une priorité. Voici ce que répondit Winston Churchill, à qui l’on demandait de couper le budget des arts pour financer l’effort de guerre : « Mais alors, pourquoi nous battons-nous ? »

Mes chers collègues, la bataille que nous devons mener contre le fanatisme et l’intégrisme ne se fera pas seulement par les armes ; elle se fera aussi par la promotion de l’éducation, des idées, de la liberté et par notre goût de la vie à la française ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tout d’abord Sylvie Robert d’avoir rendu hommage à Luc Bondy et je tiens également à saluer sa mémoire avant de commencer à évoquer le budget.

Luc Bondy s’est éteint ce matin, à Zurich. C’est une perte immense pour l’Europe, pour la communauté théâtrale, pour toutes celles et ceux qui ont eu la chance de le côtoyer, de travailler avec lui, mais aussi, bien sûr, pour le public qu’il a servi jusqu’au bout, avec un engagement et un courage forçant l’admiration – certains d’entre vous ont sans doute eu l’occasion de le constater. (Applaudissements.)

Depuis 2012, il avait fait de l’Odéon-Théâtre de l’Europe l’un des creusets les plus vibrants, les plus brûlants de la création contemporaine, en y transposant l’esprit qui avait fait les beaux jours de la Schaubühne ou des Wiener Festwochen, qu’il avait magnifiquement dirigées.

Nombre de ses spectacles – Sylvie Robert en a rappelé certains – nous ont marqués : Ivanov, les Fausses Confidences, le Retour ou Tartuffe à l’Odéon, mais aussi, plus éloignées, ses mises en scène historiques comme Terre étrangère, à Nanterre, en 1984.

En cet instant, j’ai une pensée pour sa femme, Marie-Louise, ses enfants, sa famille, pour le personnel du théâtre national de l’Odéon, qui est bouleversé. Je veux dire la tristesse qui nous étreint et leur présente – en mon nom, mais également, je n’en doute pas, en votre nom – mes plus sincères condoléances.

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, madame la présidente de la commission de la culture, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous remercier avant toute chose pour la très grande qualité de vos prises de parole. Je vais m’efforcer de répondre à mon tour aux interrogations que vous avez formulées.

Chacun mesure, je le sais, la gravité des circonstances dans lesquelles il vous revient d’examiner le projet de budget de mon ministère pour l’année 2016. Vous y avez tous fait référence.

Hier, la Nation tout entière a rendu hommage à celles et ceux qui ont perdu la vie dans les attentats du 13 novembre.

Ces femmes et ces hommes, qui étaient la jeunesse de France, ont été assassinés alors qu’ils prenaient part à la vie culturelle de notre pays, à ces moments de joie, de liberté, de partage, d’émotion, de convivialité qui donnent de l’épaisseur à notre existence et nous rassemblent par-dessus tout. C’est aussi cet esprit que les terroristes ont voulu abattre. Ils n’y sont pas parvenus, et je crois qu’ils n’y parviendront pas.

La France, en effet, est déterminée à combattre les fanatiques qui ont ordonné et perpétré ces attentats, tout comme l’obscurantisme qui les a inspirés. Ce combat s’incarne aussi, et surtout, dans la culture.

Plus que jamais, la France doit demeurer cette terre de création qu’elle veut être, et n’a jamais cessé d’être. Au fanatisme, nous opposerons donc toujours plus de spectacles, toujours plus de musique, de films ou de livres, toujours plus de diversité, toujours plus de renouvellement créatif.

Plus que jamais, la culture doit être accessible à tous. Auprès de ceux qui se vivent loin de la vie culturelle, mais n’aspirent qu’à y participer, nous devons faire venir la culture.

C’est grâce à une vie culturelle toujours plus riche, plus intense, plus diverse, toujours plus créative et ouverte, que nous pourrons opposer, à ceux qui s’en prennent à la France, un pays toujours plus uni et des citoyens toujours plus libres. Telle est la conviction du Gouvernement, conviction que traduit concrètement ce projet de loi de finances pour 2016.

Pour tendre vers cet objectif, il vous est donc proposé d’augmenter de 2,7 % le budget de mon ministère, en le portant à 7,3 milliards d’euros, auxquels il convient d’ajouter le fonds de soutien du Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, qui disposera, en 2016, de 672 millions d’euros.

Avant d’évoquer plus précisément les politiques publiques de la culture que je souhaite abonder en priorité et le montant des crédits que le Gouvernement vous propose de leur consacrer, permettez-moi de m’attarder un instant sur les mesures d’urgence que nous avons prises pour protéger la culture et l’aider à faire face aux conséquences des attaques qui nous ont frappés.

J’ai d’abord voulu m’assurer que la sécurité soit renforcée dans les lieux de culture.

En lien avec le ministère de l’intérieur et la préfecture de police de Paris, mon ministère a pris une série de mesures dès le lendemain des attentats. Il les a complétées au fil des jours, en fonction des besoins des établissements publics et privés, des services et des entreprises de spectacle.

Les sites les plus sensibles, qu’ils soient donc publics ou privés, ont fait l’objet d’une attention particulière. Ces mesures de sécurité sont mises en œuvre grâce aux nouveaux moyens financiers et humains déployés, à la demande du Président de la République, dans le cadre de l’état d’urgence.

Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, le renforcement de la sécurité ne s’oppose pas au renforcement de la culture. Je vous sais convaincus comme moi sur ce point : si l’on veut que les Français se rendent dans les lieux de culture, que les artistes continuent de jouer toujours davantage, il faut commencer par les rassurer et leur garantir qu’ils pourront le faire en toute sérénité.

À la suite des attentats du 13 novembre, les lieux de culture ont connu une baisse sensible de leur fréquentation.

Même si la situation s’est redressée au cours des derniers jours, cette baisse peut menacer la viabilité économique de certaines entreprises, notamment pour le spectacle vivant. C’est pourquoi j’ai annoncé, dès le 16 novembre, la création d’un fonds de soutien exceptionnel dédié au spectacle vivant, pour faire face aux annulations comme au financement de nouvelles mesures de sécurité.

Pour l’instant, ce fonds est doté de 4 millions d’euros, dont 500 000 euros apportés par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SACEM. Ce n’est qu’un début, et j’invite fortement ceux qui le peuvent, contributeurs du monde culturel, donateurs privés, à venir l’abonder. Un amendement au projet de loi de finances rectificative sera d’ailleurs prochainement proposé par le Gouvernement en ce sens.

J’ajoute, avec un soupçon de fierté, que le vendredi même où ces événements tragiques ont eu lieu, l’Assemblée nationale adoptait un amendement parlementaire tendant à créer un crédit d’impôt pour le spectacle vivant. Les professionnels du spectacle peuvent compter sur l’accompagnement et le soutien de mon ministère.

S’agissant des salles de cinéma, les dépenses d’équipement supplémentaires pour la sécurité seront désormais éligibles aux fonds de soutien du CNC. Enfin, un service en ligne est disponible pour tous les organisateurs de manifestations culturelles et les artistes qui en auraient besoin.

Ces efforts s’articulent, bien sûr, avec d’autres dispositifs de financement interministériel et avec les fonds débloqués par le Gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence.

Le ministère de la culture est donc mobilisé, aux côtés des artistes, des publics et de l’ensemble des professionnels de la culture, pour aider chacun à passer ces moments difficiles et douloureux.

Mais l’urgence n’est pas tout. Il nous faut également agir sur le moyen et le long terme. C’est tout particulièrement l’ambition de la mission « Culture », dont le Gouvernement vous propose de porter les crédits à 2,7 milliards d’euros.

Conformément aux priorités définies par le Président de la République, et en cohérence avec la réforme de l’intermittence que nous avons engagée, j’ai choisi d’agir prioritairement pour renforcer la participation de tous à la vie culturelle, pour accompagner davantage la création et pour moderniser les politiques publiques du ministère, et ce afin de mieux préparer l’avenir.

Ce projet de budget, enrichi en première lecture par l’Assemblée nationale, est le reflet de ce triple objectif.

Pour renforcer la participation de tous à la vie culturelle, ce qui est notre première priorité, les crédits que nous affectons à la démocratisation culturelle atteindront près de 100 millions d’euros en 2016, contre 75 millions d’euros en 2012.

L’éducation artistique et culturelle représente plus de la moitié de nos financements en la matière : 54,6 millions d’euros y seront consacrés, soit 35 % d’augmentation par rapport à 2015.

Ces crédits en hausse viennent notamment appuyer le retour de l’État dans le financement des conservatoires conventionnés – en progression de 8 millions d’euros –, le renforcement du plan d’éducation artistique et culturelle – porté l’an prochain à 14,5 millions d’euros – ou encore le soutien à des projets d’accès à la pratique orchestrale, comme le Dispositif d’éducation musicale et orchestrale à vocation sociale, ou DEMOS, qui verra ses crédits augmenter de 1 million d’euros.

Nous créerons aussi 65 postes supplémentaires entre 2015 et 2016 pour accompagner l’ouverture, aux enfants et aux publics les plus éloignés de la culture, des musées d’Orsay et du Louvre, ainsi que du château de Versailles.

Les territoires pourront compter sur le soutien de l’État pour développer l’accès de tous à la culture. De fait, les crédits en région augmenteront de 2,2 % par rapport à 2015, pour atteindre 780 millions d’euros.

Je précise, à l’attention de Mme Marie-Pierre Monier qui m’interrogeait sur la visibilité des crédits des DRAC, que les conférences de stratégie et de gestion, telles que l’on nomme ces réunions internes au ministère de la culture, viennent juste de se terminer. Par conséquent, les DRAC se verront notifier le montant annuel de leurs crédits d’ici la mi-décembre. Cela leur permettra, bien évidemment, d’anticiper au mieux la gestion desdits crédits pour 2016.

Par ailleurs, les moyens consacrés aux pactes culturels que j’ai signés avec les collectivités territoriales qui maintiennent leurs efforts en matière de culture, seront renforcés. Les élus qui ont fait, font ou feront le choix de la culture pourront donc compter sur le soutien de l’État.

Je précise qu’à ce jour 45 pactes ont été signés avec des collectivités territoriales pour couvrir environ 3,6 millions d’habitants, ce qui représente 400 millions d’euros de dépenses culturelles stabilisées pour les trois prochaines années.

Bien sûr, l’État n’a pas vocation à se substituer aux collectivités qui réduisent leurs engagements en faveur de la culture, mais je compte beaucoup sur ces pactes, et sur l’implication des collectivités territoriales en faveur de la culture, pour pouvoir rassurer l’ensemble des acteurs culturels locaux.

M. Roger Karoutchi. Avec quel argent ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. La deuxième priorité du Gouvernement est le soutien à la création, dans sa diversité et dans son renouvellement. Elle est cohérente avec la reconnaissance législative du régime de l’intermittence, qui prend en compte la spécificité des métiers du spectacle.

Ainsi, l’intervention de l’État en faveur de la création s’élèvera à 400 millions d’euros, dont 365 millions d’euros pour le spectacle vivant et 35 millions d’euros pour les arts plastiques. C’est 4 % de plus qu’en 2015.

Nous avons affecté ces crédits en priorité à la jeunesse, en consacrant en particulier plus de 7 millions d’euros à la mise en œuvre des conclusions des Assises de la jeune création.

Les moyens que nous dédions à la formation des artistes seront en hausse de 4,9 millions d’euros. Pour accompagner un recrutement plus juste et plus diversifié, cette hausse viendra, entre autres mesures, financer la mise en place de classes préparatoires aux écoles de l’enseignement supérieur « Culture » et l’accès aux bourses et à un logement universitaire pour les élèves de ces classes. Ainsi, nous entendons réparer une injustice sociale manifeste.

Je dirai quelques mots sur les musiques actuelles et le cirque, en réponse à Mme Marie-Christine Blandin.

L’État consacre chaque année plus de 25 millions d’euros aux musiques actuelles, pour le soutien à la création, aux structures de diffusion, aux festivals et aux ensembles musicaux. Ces crédits vont augmenter de 2 millions d’euros en 2016 pour achever le plan de développement des scènes de musiques actuelles, ou plan SMAC, et atteindre l’objectif d’une centaine de structures labellisées sur l’ensemble du territoire.

Cela étant, madame Blandin, j’entends évidemment votre interpellation sur le rééquilibrage nécessaire des crédits en faveur d’esthétiques qui, jusqu’à présent, ont pu être moins considérées que les autres.

Par ailleurs, deux nouveaux pôles nationaux des arts du cirque – Auch depuis 2014 et Châlons-en-Champagne l’an prochain – viennent renforcer le réseau des institutions dédiées au cirque. J’ai en outre consacré 4 millions d’euros de crédits à la rénovation du Centre national des arts du cirque, afin que notre école nationale ait les moyens de rester l’une des premières au monde, garante de la formation des artistes de demain.

Enfin, nous financerons à hauteur de 1 million d’euros la programmation « Avant les murs » du projet Médicis Clichy-Montfermeil, qui est emblématique de la politique menée par le Gouvernement en faveur des arts et de la culture : hybridation des esthétiques, renouvellement de la création, accès de tous aux œuvres et aux pratiques culturelles.

Nous continuerons également de protéger la diversité du cinéma et d’améliorer sa compétitivité en France, en stabilisant les financements que nous lui consacrons et en élargissant les crédits d’impôt.

Ainsi les moyens du CNC seront-ils stabilisés en 2016 : il n’y aura ni ponction ni plafonnement des taxes prélevées sur le marché de la diffusion audiovisuelle.

En 2016, le crédit d’impôt sera amélioré, pour mieux soutenir les entreprises françaises du cinéma et relocaliser les tournages sur notre territoire. Il vous est notamment proposé de l’élargir aux œuvres tournées en langue étrangère pour des raisons artistiques – en particulier pour respecter le scénario –, aux films d’animation et aux films à fort effet visuel.

Le taux sera majoré à 30 % pour les œuvres tournées en français, et le plafond, pour une même œuvre, sera relevé à 30 millions d’euros, contre 4 millions d’euros auparavant.

Enfin, la troisième priorité du Gouvernement est de donner à mon ministère les moyens de son ambition à long terme.

Préparer l’avenir, c’est sécuriser les outils de financement, en particulier pour l’archéologie préventive. Afin de stabiliser le financement des activités de diagnostic réalisées par l’INRAP, le projet de loi de finances prévoit de budgétiser la redevance d’archéologie préventive.

Préparer l’avenir, c’est préserver les crédits consacrés aux investissements. L’an prochain, ils seront portés à 524 millions d’euros, soit 1,5 % de plus qu’en 2015.

Pour la troisième année consécutive, nous maintiendrons nos efforts en faveur des monuments historiques. Malgré les 5 millions d’euros de rabot votés par l’Assemblée nationale, les crédits de paiement seront quasi stabilisés l’an prochain à 308 millions d’euros, et les autorisations d’engagement portées à 333 millions d’euros.

Les crédits bénéficiant aux territoires, via les services déconcentrés, ne seront pas pénalisés. Dans un contexte où certaines collectivités territoriales se désengagent de la politique de soutien aux monuments historiques, je veillerai à ce que l’intervention de l’État soit strictement préservée. Le rabot sera appliqué avec discernement. Il portera sur de grosses opérations engagées sur les monuments dont la responsabilité relève de l’État.

Compte tenu de la complexité technique des chantiers en question, un glissement naturel des opérations dans le temps est courant. Dans d’autres cas, les fonds de roulement des établissements publics concernés par ces chantiers permettront d’absorber ce rabot.

Nous continuerons enfin à lancer ou à poursuivre des chantiers importants : archives, schémas directeurs du château de Versailles, de celui de Fontainebleau, du Centre Pompidou, lancement des études consacrées au relogement du Centre national des arts plastiques, réaménagement des Ateliers Berthier...

Ce budget, mesdames, messieurs les sénateurs, est ambitieux, et je suis fière d’appartenir à un gouvernement qui a fait le choix de la culture et qui assume ses priorités, comme s’y était engagé le Premier ministre, Manuel Valls, dans ce contexte si difficile.

À l’heure où des pays voisins s’engagent à leur tour dans une offensive culturelle, n’oublions pas que nous avons la chance d’avoir, en France, le ministère de la culture le plus puissant et le mieux doté d’Europe. Et réjouissons-nous que certains de nos partenaires se reconnaissent dans la voie que nous avons prise.

La culture apporte des réponses essentielles pour l’avenir de notre pays. Si elle est un remède contre l’obscurantisme – je l’ai évoqué, et vous avez été nombreux à le redire aujourd’hui –, elle est aussi très précieuse pour mettre à distance les peurs qui parfois nous assaillent, ces peurs dont se nourrissent les marchands de fausses solutions qui n’attendent que l’occasion d’entonner à nouveau le chant du repli. Notre responsabilité – la mienne, la vôtre – est bien de leur opposer toujours plus de culture.

C’est donc avec la pleine conscience de tout cela que je vous soumets ce projet de budget, avec l’espoir qu’il puisse être très largement adopté par votre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur les travées du RDSE.)

culture

Culture
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Etat B (interruption de la discussion)

M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Culture

2 778 056 054

2 739 484 474

Patrimoines

907 404 207

868 644 490

Création

735 674 038

745 815 794

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 134 977 809

1 125 024 190

Dont titre 2

668 755 781

668 755 781

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-156 est présenté par M. Gattolin, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-244 est présenté par Mmes Blandin, Bouchoux, Aïchi, Archimbaud et Benbassa et MM. Dantec, Desessard, Labbé et Placé.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Patrimoines

5 000 000

5 000 000

Création

Transmission des savoirs et démocratisation de la culturedont titre 2

TOTAL

5 000 000

5 000 000

SOLDE

+ 5 000 000

+ 5 000 000

La parole est à M. André Gattolin, rapporteur spécial, pour présenter l’amendement n° II-156.

M. André Gattolin, rapporteur spécial. Comme je l’ai rappelé dans la discussion générale, l’Assemblée nationale, en seconde délibération, a adopté un amendement du Gouvernement visant à minorer les crédits de la mission « Culture » de 10 millions d’euros.

Cette réduction de crédits porte, pour 5 millions d’euros, sur le programme 175 « Patrimoines », l’objet de l’amendement indiquant que « cette diminution est permise par une priorisation sur les subventions finançant la restauration des monuments historiques ». Mme la ministre nous a en partie répondu, précisant que les crédits déconcentrés du programme « Patrimoines » n’affecteraient pas ces travaux, mais une partie concentrée de ces crédits concerne les monuments historiques de province. Sans aller trop loin dans la rhétorique et la technique financière, je rappelle que ces décisions ne sont pas sans effet, tant s’en faut, sur la politique patrimoniale.

Le présent amendement vise à limiter la réduction des crédits de la mission « Culture » à 5 millions d’euros, au lieu de 10 millions d’euros, en rétablissant les crédits du programme 175 « Patrimoines ». En effet, nous nous interrogeons sur les critères de la « priorisation » mentionnée et souhaiterions obtenir des informations du Gouvernement à cet égard.

En outre, la préservation de crédits dédiés à la protection et à la valorisation du patrimoine, notamment au niveau déconcentré, a constitué pour la commission des finances un élément important dans sa décision d’adopter les crédits de la mission « Culture ». Par cohérence, il est donc important de rétablir ces crédits.

Plus généralement, la baisse globale des crédits adoptée à l’issue de la seconde délibération représente 0,17 % des dépenses du budget général, tandis que la réduction de 10 millions d’euros des crédits de la mission « Culture » représente 0,36 % de ses dépenses. Si on limite la baisse des crédits à 5 millions d’euros, cette proportion retombe à 0,18 %, ce qui paraît plus équitable au regard de la proportion de la baisse globale des dépenses du budget général résultant des amendements adoptés par l’Assemblée nationale en seconde délibération.

Pour toutes ces raisons, la commission des finances vous propose d’adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° II-244.

Mme Marie-Christine Blandin. Puisque cet amendement est identique au précédent et que je n’ai pas la technicité budgétaire de la commission des finances, je me contenterai de dire que les écologistes soutiennent cette rectification.

Nous nous intéressons à la nature, et donc aux matériaux, à la géologie ou à la botanique, qui permettent de constituer notre patrimoine. La culture, le patrimoine immatériel des savoir-faire de tous ceux qui exercent la restauration d’art, tout cela nous concerne également.

J’indique cependant que, pour restaurer le patrimoine, il faut organiser des tours de table entre l’État et différentes collectivités autour de projets souvent validés par les Architectes des bâtiments de France. Toute régression dans une subvention a pour conséquence de remettre en route le tour de table, provoquant parfois des retards de un à deux ans.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. L’Assemblée nationale a adopté, en première lecture de la seconde partie du projet de loi de finances, un amendement visant à l’équilibre des comptes publics et mettant à contribution le programme 175 « Patrimoines » de la mission « Culture », à hauteur de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous inquiétez de son impact sur le parc des monuments protégés, notamment au niveau déconcentré. Bien évidemment, j’aurais préféré que le programme « Patrimoines » puisse conserver ses crédits. Toutefois, après le vote de l’Assemblée nationale, les crédits affectés aux monuments historiques s’élèvent à 333 millions d’euros en autorisations d’engagements, soit une hausse de 5 millions d’euros par rapport à 2015, et à 308 millions d’euros en crédits de paiement, soit une baisse de 3 millions d’euros par rapport à 2015.

Le niveau des crédits déconcentrés destinés aux monuments historiques sera, en revanche, maintenu à 227 millions d’euros en autorisations d’engagement, dont 149 millions d’euros pour les monuments historiques appartenant aux collectivités territoriales ou aux propriétaires privés, et à 224 millions d’euros en crédits de paiement, dont 159 millions d’euros pour les monuments historiques appartenant aux collectivités territoriales ou aux propriétaires privés.

J’ai choisi de ne pas pénaliser ces crédits déconcentrés, je le répète, car la conservation et la restauration des monuments historiques pour leur transmission aux générations futures sont au cœur des missions patrimoniales de l’État. Ces actions participent à l’attractivité territoriale de notre pays et créent de l’activité économique directe et indirecte.

Le ministère veillera à préserver strictement l’intervention de l’État sur les territoires, notamment dans un contexte où l’on constate malheureusement le désengagement de certaines collectivités territoriales dans la politique de soutien aux monuments historiques.

Le rabot de 5 millions d’euros du programme « Patrimoines » sera donc appliqué avec discernement, sur de grosses opérations visant des monuments historiques appartenant à l’État et financées par des crédits centraux : soit ces opérations feront l’objet d’un glissement naturel dans le temps compte tenu de la complexité technique des chantiers en question, soit les fonds de roulement des établissements publics concernés par ces chantiers permettront d’absorber ce rabot.

Dans ces conditions, j’émets un avis défavorable, à regret, vous l’aurez compris, sur ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Nous sommes tous ici, comme Mme la ministre, convaincus que, si l’on pouvait faire plus pour le budget de la culture, qui est déjà en augmentation, ce serait encore mieux.

La mission est très large, mais les sénateurs et sénatrices de droite, durant les débats au sein de la commission de la culture, ont trouvé dans cette seule ponction la justification de leur rejet de l’ensemble des crédits de la culture ! (Mme Françoise Férat le conteste.) Mais si ! Nous verrons bien l’issue du vote des crédits de la mission, mais j’ai bien compris que certains envisageaient de ne pas les voter, quel que soit le sort de ces amendements identiques.

Mme la ministre elle-même aurait souhaité éviter ce rabot, mais, si l’on sait ce qu’est un arbitrage, on a compris que les choix opérés ont été globalement favorables à la culture, qui disposera de moyens plus importants, en dépit de quelques concessions probables, ici ou là.

Face à ces amendements identiques, et dans l’hésitation où nous nous trouvons les uns et les autres, je veux plaider un autre choix.

Comme cela a été souligné à de multiples reprises, nous vivons depuis ces attentats une situation exceptionnelle, qui a inévitablement suscité le besoin de lever des fonds exceptionnels pour soutenir les lieux culturels dont la billetterie est en baisse et pour mieux les sécuriser, aussi.

Aujourd’hui, un secteur est très durement menacé et, si nous devons demander des crédits supplémentaires et soutenir Mme la ministre, notamment au moment des prochains arbitrages après la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, ce n’est pas pour abonder ce programme de 5 millions ou de 10 millions d’euros. À mon sens, si négociation il doit y avoir, elle doit concerner de manière privilégiée cette aide exceptionnelle décidée, pour l’année en cours, en faveur des salles de spectacle, du spectacle vivant, de la musique, sans oublier les galeries d’art, qui ont vu aussi leur affluence baisser de manière significative.

Évidemment, nous aurions apprécié, comme Mme la ministre, que ce coup de rabot n’ait pas lieu, mais si l’arbitrage reste en faveur d’une augmentation du budget de la culture, nous préférons que la négociation de 5 millions d’euros supplémentaires porte aujourd’hui sur cette aide exceptionnelle, et pas sur autre chose.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Assouline.

M. David Assouline. Nous nous abstiendrons donc sur ces amendements identiques.

Quant à ceux qui, au titre de nos divergences politiques, ont pris l’habitude de nous reprocher de ne pas assez sortir de Paris, qu’ils cessent cette démagogie, au moment où c’est Paris qui est principalement touchée !

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Madame la ministre, nous avons bien compris que, selon vous, la conservation patrimoniale était une mission centrale de l’État.

J’ai en revanche été quelque peu étonné de votre charge répétée contre les collectivités territoriales qui se désengageraient. Un certain nombre d’entre elles, aujourd’hui, s’interrogent pour prendre la compétence « patrimoine », quand la région, qui peut la prendre prioritairement, ne le fait pas.

Envisageant de prendre cette compétence pour les deux départements savoyards, nous avons été amenés à demander un inventaire et une estimation des crédits consacrés par l’État au patrimoine de la région Rhône-Alpes, et singulièrement de nos deux départements.

Vos propres services, madame la ministre, ont attiré notre attention sur le fait que, dans le cadre des fusions de régions, nous n’étions pas sûrs d’obtenir de l’État des crédits équivalents dans les années à venir, si l’État conserve la compétence « patrimoine ». En effet, il faudrait rattraper des retards très importants dans la région Auvergne – je le dis très amicalement à la Mme la présidente de la commission des finances –, retards représentant plusieurs années de programmation.

Cela met en évidence les besoins importants qui sont les nôtres aujourd’hui. Malheureusement, et la Cour des comptes a rédigé plusieurs rapports sur ce thème, l’état du patrimoine français, de nos monuments, continue de se dégrader. C’est un constat. Qui en est responsable ? Nous n’allons pas faire de l’archéologie politique pour le savoir…

Nous avons donc besoin de crédits pour le patrimoine, à la fois pour assurer des sauvetages et pour garantir l’activité des filières des métiers du patrimoine, lesquelles se sont d’ailleurs retrouvées au centre des Journées du patrimoine voilà quelques années. Les emplois dans ces filières sont non délocalisables et ils sont hautement qualifiés, et ceux qui sont actuellement en formation dans ces métiers ont besoin de savoir que les investissements continueront. C’est le signal qu’il faut leur adresser.

C’est la raison pour laquelle je soutiens pleinement cette proposition de la commission des finances, en souhaitant d’ailleurs que l’on ne s’inscrive pas – ce serait le pire ! – dans une logique d’arbitrage en obligeant à sacrifier le patrimoine pour le spectacle vivant ou à laisser mourir ce dernier, qui connaît effectivement de graves difficultés. C’est un mauvais débat dans lequel il ne faut surtout pas s’engager !

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je vous l’avoue, la tonalité de ce débat m’étonne un peu.

Certains ont dénoncé le désengagement de telle ou telle collectivité – de droite, naturellement ! Pour ma part, j’appartiens à une collectivité de gauche, la région d’Île-de-France, qui a fait de même,…

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est le cas un peu partout…

M. Roger Karoutchi. … pour une simple et bonne raison : lorsque l’État réduit ses dotations, il faut bien trouver des économies où l’on peut !

Monsieur Laurent, l’année dernière, la région d’Île-de-France a perdu environ 100 millions d’euros de dotations à ce titre. Elle perd 100 millions d’euros supplémentaires cette année. Qu’a fait l’exécutif régional, qui, je le répète, est de gauche ? Il a tenté de maintenir à niveau les crédits consacrés au spectacle vivant, à la vie culturelle stricto sensu. En revanche, il a abaissé son degré d’intervention en faveur du patrimoine.

M. Roger Karoutchi. C’est pour ainsi dire la mesure la plus simple : limiter, faute de moyens, les actions dans un certain nombre de châteaux ou de domaines.

Madame la ministre, vous déclarez avoir peu ou prou réussi à maintenir les crédits à leur niveau. Mais ce n’est pas vrai ! Si l’on examine dans leur globalité les fonds affectés à la culture dans notre pays, on constate la part considérable assumée par les collectivités territoriales. Or ces dernières ont moins de moyens à lui consacrer du fait de la baisse très importante des dotations. Dans certains cas, elles n’en ont même plus du tout !

Même si elles souhaitent continuer à financer la vie culturelle quotidienne, les collectivités territoriales prélèvent des crédits au détriment du patrimoine.

M. Roger Karoutchi. Voilà pourquoi les fonds consacrés au patrimoine se sont amenuisés dès 2014. Leur réduction s’est poursuivie en 2015 et elle continuera en 2016.

Nous allons, logiquement, voter ces amendements : toute mesure permettant d’augmenter un tant soit peu les crédits consacrés au patrimoine est la bienvenue. Mais, même avec 5 millions d’euros supplémentaires, le compte n’y sera pas !

M. Assouline attire notre attention sur les nouveaux impératifs de sécurité. Toutefois, la protection renforcée des musées, des théâtres et plus largement des lieux publics relèvera d’un plan global financé via les crédits de la sécurité. S’il faut reprendre de l’argent sur chaque mission, nous n’y arriverons pas ! (M. David Assouline manifeste sa circonspection.)

Bref, sécurisons sur le chapitre « sécurité » et, parallèlement, dégageons des moyens supplémentaires en faveur du patrimoine, qui est la première victime de la baisse des dotations aux collectivités et du quasi-gel des crédits de la culture.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Mes chers collègues, pour notre part, nous soutiendrons ces amendements identiques. En effet, nous ne pouvons pas, aussitôt après avoir salué unanimement la volonté de redresser le budget de la culture, accepter le grignotage d’un effort qui n’est déjà pas si manifeste.

Par ailleurs, monsieur Karoutchi, vous le savez très bien, nous débattons en l’occurrence de deux questions différentes.

Certes, il faut faire la part des contraintes budgétaires ; vous savez d’ailleurs ce que je pense des baisses de dotations aux collectivités territoriales. Vous continuez d’ailleurs de les prôner, et dans des proportions bien supérieures à ce qu’elles sont aujourd’hui, même si, dans le même temps, vous tenez des propos démagogiques quand vous êtes dans l’opposition... (M. Roger Karoutchi manifeste son incompréhension.)

M. Jean-Claude Luche, rapporteur pour avis. C’est faux !

M. Pierre Laurent. Quoi qu’il en soit, il faut également faire la part des choix politiques. La suppression tant du Forum du Blanc-Mesnil que du Festival de jazz de Saint-Ouen n’est pas liée à des impératifs budgétaires : ce sont des décisions politiques argumentées, s’inscrivant dans une réduction délibérée des politiques culturelles localement suivies.

Mme Sylvie Robert. Absolument !

M. Pierre Laurent. Or il s’agit de deux villes dont la droite a pris la direction !

C’est tout particulièrement ces situations que je visais, il y a quelques instants, à la tribune.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Différents orateurs l’ont rappelé, la France compte plus de 44 000 monuments historiques classés ou inscrits, dont un grand nombre d’églises. C’est une véritable richesse nationale. Beaucoup de communes, petites, moyennes ou grandes, ont, sur leur territoire, des édifices de cette nature. Il faut se donner les moyens de les entretenir ; à ce titre, une somme de 5 millions d’euros peut paraître modeste, mais elle constituerait malgré tout une augmentation substantielle des crédits dédiés au patrimoine.

Madame la ministre, aux côtés des collectivités territoriales dont, en particulier les communes, l’État est l’un des partenaires de cette politique. Il finance des actions en faveur du patrimoine depuis de nombreuses années : vous l’avez rappelé en septembre dernier à Charleville-Mézières – je saisis cette occasion pour vous remercier de nouveau de votre venue dans les Ardennes –, où l’État soutient le musée Rimbaud et le festival mondial des théâtres de marionnettes. En effet, il faut prendre en compte la culture sous toutes ses formes !

Naturellement, je soutiens ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame la ministre, la commission des finances travaillant dans une logique de responsabilité, elle n’a pas voté le rétablissement systématique des crédits réduits par nos collègues députés.

En l’occurrence, nous avons choisi à l’unanimité de rétablir ces crédits-ci, pour des raisons que les uns et les autres ont évoquées.

Michel Bouvard vient de mentionner l’impact sur l’emploi. À l’heure actuelle, le secteur du patrimoine connaît encore de graves difficultés. Cette année, de très grandes entreprises spécialisées dans la restauration et l’entretien des monuments historiques ont déposé le bilan.

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On a déjà vu des difficultés similaires par le passé, dans des périodes de très basses eaux : les crédits étaient alors descendus très nettement sous le seuil des 300 millions d’euros, et la France a alors, comme à l’heure actuelle, connu des dépôts de bilan et des faillites. Or, on le sait, lorsque ces emplois spécialisés disparaissent, les savoir-faire correspondants sont perdus à jamais ! (M. André Gattolin, rapporteur spécial, acquiesce.)

Il est donc capital de préserver un niveau constant d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement pour préserver des emplois extrêmement spécialisés et, avec eux, des compétences que l’on ne pourrait sinon retrouver par la suite. J’insiste sur ce point, d’autant que la France dispose en la matière d’un savoir-faire que le monde entier lui envie.

Au reste, les retombées économiques de ce secteur dépassent largement les seules entreprises liées aux monuments historiques.

Le Gouvernement affiche, à très juste titre, de grandes ambitions en matière de tourisme. À l’heure où nous éprouvons quelques difficultés pour attirer des visiteurs étrangers, nous devons insister encore davantage sur l’atout que représente notre patrimoine. À travers le monde, la France et l’Italie sont les deux pays qui peuvent le mieux mettre en avant leur richesse patrimoniale comme l’une des principales sources de leur attractivité.

La commission des finances ne se prononce pas toujours à l’unanimité.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. C’est sûr !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Toutefois, en l’espèce, c’est unanimement qu’elle a décidé de revenir sur la seconde délibération de l’Assemblée nationale. Au-delà des difficultés qu’éprouvent malheureusement les collectivités territoriales, il faut maintenir les autorisations d’engagement et les crédits de paiement à un niveau élevé !

À titre personnel, je voterai bien sûr ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Eblé, pour explication de vote.

M. Vincent Eblé. Au terme d’une seconde délibération, l’Assemblée nationale a appliqué un coup de rabot de 0,17 % au budget dans son ensemble. Or la réduction de 10 millions d’euros infligée à la mission « Culture », consacrée pour moitié à la création, pour moitié au patrimoine, représente 0,36 % de ses crédits. L’effort qui lui est demandé est donc plus de deux fois supérieur à la moyenne.

En limitant cette baisse à 5 millions d’euros, on atteint une réduction de 0,18 %, plus proportionnée à l’effort général.

Si l’on procède à un coup de rabot, il semble normal de l’appliquer de manière équitable à l’ensemble des dépenses budgétaires considérées.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Très juste !

M. Vincent Eblé. Sinon, il faut expliquer pourquoi tel secteur est spécialement visé et cibler les réductions de crédits sur des opérations précises, afin que nous puissions les apprécier.

À partir du moment où l’on entre dans cette logique, le rabot doit s’appliquer de manière similaire sur l’ensemble. Pour ma part, je voterai ces deux amendements, comme l’a fait la commission de la culture.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-156 et II-244.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Avant de mettre aux voix les crédits, modifiés, de la mission « Culture », figurant à l’état B, je donne la parole à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l’examen des crédits de la mission « Culture ».

Je m’associe à l’hommage rendu à Luc Bondy, comme aux propos soulignant notre besoin impérieux de culture en ces temps d’obscurantisme, face à la barbarie, face aux attaques abjectes dont notre pays a été victime. La culture joue un rôle essentiel dans l’éveil de la pensée et des consciences comme dans la réaffirmation des valeurs de notre démocratie.

Madame la ministre, nous saluons votre mobilisation au lendemain des attentats pour accompagner les publics et le personnel des salles qui ont été lâchement attaquées. Vous avez annoncé diverses mesures visant à renforcer la sécurité. Bien entendu, nous les soutenons.

Quant au projet de loi de finances pour 2016, il traduit, j’en conviens, une inflexion en matière culturelle. Il rompt avec la trajectoire descendante entamée en 2012, inaugurant trois années des baisses historiques. Mais nous revenons de si loin !

Au demeurant, plusieurs orateurs l’ont rappelé, les crédits de cette mission ne sont pas en hausse de 2,7 %. À périmètre constant, ils n’augmenteront que de 1 %. Les détails techniques ont été forts bien exposés, et je n’y reviendrai pas.

En définitive, ce budget est donc constant par rapport à 2015. À mon sens, il n’enraye pas franchement la spirale négative dans laquelle nous sommes entrés, d’autant que, dans le même temps, les collectivités territoriales, qui financent la culture pour les deux tiers, subissent une baisse drastique de leurs dotations. Les communes ont rappelé au Premier ministre à quel point ce mouvement avait été brutal. Certes, les pactes culturels existent, mais, pactes culturels ou pas, les faits sont là !

À ce titre, monsieur Laurent, il me semble malvenu de stigmatiser telle commune ou tel élu dit « de droite » qui aurait tendance à réduire ces crédits davantage que ses homologues.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Je ne vois, moi, que des élus qui, tout en s’efforçant d’assumer leurs responsabilités, sont confrontés à une équation budgétaire extrêmement complexe. Ils méritent d’être aidés, non d’être stigmatisés.

Madame la ministre, s’agissant du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », vous avez eu l’honnêteté de reconnaître votre erreur sur les conservatoires. Les professionnels et les familles ne se seront pas mobilisés en vain au cours de l’été. Vous avez réintroduit une ligne de crédit de 13,5 millions d’euros. Toutefois, seule la moitié du chemin a été faite.

Je le rappelle dans cet hémicycle très officiellement, ces crédits atteignaient 27 millions d’euros en 2012, et ils étaient essentiellement portés par les villes.

M. le président. Veuillez conclure, madame la présidente.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. À l’époque, ces crédits devaient être transférés aux régions en application de la loi de décentralisation de 2004.

Nous n’en ferions pas grief au Gouvernement si, de manière à garantir la continuité des politiques publiques, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, avait permis de clarifier la responsabilité des collectivités territoriales et celle de l’État.

M. le président. Chère collègue, il faut conclure !

M. David Assouline. Tout à fait !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Certes, l’État est contraint de revoir un certain nombre de financements, mais il ne saurait se désengager sans avoir accompagné lesdites collectivités.

Je sais que vous vous êtes battue au niveau interministériel pour que le budget de la culture soit stabilisé. Je le répète, nous saluons votre effort. Toutefois, sur les trois rapporteurs pour avis de la commission de la culture ayant travaillé sur ce dossier, deux ont opté pour le rejet de ces crédits, et je suivrai leur avis.

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Culture », modifiés.

Je vous rappelle que l’avis de la commission des finances est favorable.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe de l’UDI-UC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 77 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l’adoption 136
Contre 189

Le Sénat n’a pas adopté.

M. David Assouline. Le Sénat n’aura même pas voté les crédits qu’il a lui-même modifiés !

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Culture ».

Etat B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2016
Discussion générale

3

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 30 novembre 2015, à dix heures, à quatorze heures et le soir :

Projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (n° 163, 2015-2016) ;

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances (n° 164, 2015-2016).

- Solidarité, insertion et égalité des chances (+ article 63).

- Sécurités ; compte spécial : contrôle de la circulation et du stationnement routiers.

- Immigration, asile et intégration.

- Administration générale et territoriale de l’État.

- Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ; Compte spécial : développement agricole et rural.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures trente-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART