Mme la présidente. L'amendement n° II-171, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’annonce d’ores et déjà que cet amendement ne sera pas retiré ! (Sourires.)
L’article 53 crée trois nouvelles taxes affectées au profit du Centre technique industriel de la plasturgie et des composites, le CTIPC, du Centre technique des industries de la fonderie, le CTIF, et de l’Institut des corps gras, l’ITERG, lequel, contrairement à son nom, n’est pas un institut de beauté.
Ces trois secteurs, la plasturgie, la fonderie et les corps gras seront taxés sur leur chiffre d’affaires, ce qui rapportera quelques centaines de milliers d’euros. Le rendement sera donc faible. La commission des finances propose de supprimer cet article, pour trois raisons.
Premièrement, je ne reviendrai pas sur l’engagement du Gouvernement et du Président de la République de ne pas créer de taxe nouvelle. Une telle disposition est surtout contraire à la position du secrétaire d'État chargé du budget, M. Christian Eckert, qui s’était engagé à supprimer, à hauteur de un milliard d’euros, des taxes à faible rendement. Or non seulement on n’en supprime pas, mais on en crée de nouvelles !
Deuxièmement, cet article est en totale contradiction, monsieur le ministre, avec l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques qui dispose expressément : « Une nouvelle affectation s’accompagne, dans le champ ministériel de l’imposition nouvellement affectée, de la suppression d’une ou de plusieurs impositions affectées d’un rendement équivalent. » Concrètement, si on crée des taxes nouvelles, on devrait, dans le respect de cet article, en supprimer d’autres. Or rien de tel n’est prévu.
Troisièmement, cet article 53 crée des taxes extrêmement complexes. Dans un rapport, certes non public, de l’Inspection générale des finances, qui a examiné plus de 160 taxes à faible rendement, on découvre que le coût de recouvrement de nombre de ces taxes est supérieur à leur rendement.
Dans la mesure où la taxe au profit du fameux Institut des corps gras n’entraînera que 400 000 euros de recettes, on peut s’interroger sur le coût de son recouvrement et de son contrôle, à un moment où la DGFIP, la Direction générale des finances publiques, va perdre plus de 2 200 emplois.
Telles sont les trois raisons ayant conduit la commission des finances à proposer la suppression de cet article. Si vous n’étiez pas convaincus par ces arguments, je vous invite tout simplement, mes chers collègues, car mon temps de parole est limité, à lire l’article 53, qui s’étend sur 17 pages, organisées en 181 alinéas.
Vous nous parlez souvent, et à juste titre, de la compétitivité de l’économie, monsieur le ministre. Ne créons donc pas de telles taxes !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Chiron, rapporteur spécial.
M. Jacques Chiron, rapporteur spécial. La commission a débattu de l’utilité des CTI, les centres techniques industriels, et des CPDE, les comités professionnels de développement économique, et les points de vue ont été partagés.
N’oublions pas qu’une grande partie des recettes provient des produits importés. Un tel système est donc excessivement bénéfique pour nos entreprises, qui peuvent se servir de ces taxes pour promouvoir leurs produits à l’étranger.
N’oublions pas non plus que la dotation budgétaire de l’État baisse parallèlement de 3 millions d’euros, ce qui bénéficie au budget de l’État et à notre déficit.
Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, une telle mesure doit s’accompagner, « dans le champ ministériel de l’imposition nouvellement affectée, de la suppression d’une ou de plusieurs impositions ». Or, je le rappelle, le rendement de la taxe sur la valeur ajoutée des entreprises affectée aux CCI doit diminuer de 130 millions d’euros. On peut donc mettre en parallèle les 3 millions d’euros des taxes prévues par l’article 53 aux 130 millions d’euros que récupéreront les entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Emmanuel Macron, ministre. Il y a trois CTI et CPDE concernés par ces taxes.
Je le disais, ces mesures résultent de l’application d’une recommandation d’un rapport parlementaire. C’est à la demande des professionnels, qui bénéficieront ainsi d’une meilleure visibilité et d’une plus grande stabilité, que nous passons de la dotation à la taxe affectée. Il s’agit d’une contribution, par les acteurs du système, au financement d’actions communes.
L’article 53 harmonise les modalités de recouvrement des taxes, en maintenant un système de collecte aujourd'hui en vigueur pour certains CTI. Cela permet de créer une taxe, attendue par les professionnels, au profit du CTI de la plasturgie. Son mode de recouvrement, qui respecte les prérogatives de l’administration fiscale, est assez simple, dans la mesure où les professionnels s’en chargent également.
Nous ne sommes donc pas dans le cadre de la création d’un impôt d’État, complexe, au coût de recouvrement supérieur au rendement.
Par ailleurs, il s’agit d’une ressource qui finance, au sein d’un secteur d’activité, des actions communes. Elle est conforme à l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques, puisque l’article 53 de ce texte prévoit son plafonnement.
Enfin, les CTI et les CPDE prennent leur part dans l’effort de baisse des dépenses publiques, les plafonds des taxes et les subventions accordées étant diminués à due proportion.
Considérez cet article non pas comme l’effet d’une doctrine contrevenant à l’article 16 de la loi de programmation des finances publiques, mais comme un élément de rationalisation et de pragmatisme. Quand des professionnels veulent s’organiser en filière, souhaitent de la visibilité en matière de financement et sont prêts à assurer une partie des tâches de recouvrement de la taxe qui leur sera affectée, n’est-il pas pragmatique de les suivre ?
Je demande donc le retrait de cet amendement, monsieur le rapporteur général, bien que j’aie compris votre intention première. À défaut, je me verrais contraint d’émettre un avis défavorable.
En effet, l’article 53 est cohérent avec les actions entreprises depuis que les rapports sur cette question nous ont été remis. Nous avons travaillé en bonne intelligence avec les CTI et les CPDE. Ces dix-sept pages ont été rédigées non pas par l’administration fiscale ou le ministère de l’économie, mais en lien avec les professionnels, de manière très claire et très détaillée.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Le groupe UDI-UC votera en faveur de cet amendement défendu par le rapporteur général, tout simplement parce qu’il est temps d’arrêter d’instituer des taxes nouvelles.
Cette question avait fait l’objet d’un débat dans notre pays. Malgré les conclusions qui avaient semblé en être tirées, on continue à instituer de nouvelles taxes ! Que va-t-il se passer ? Les industriels de France seront pénalisés. Pour ce qui concerne les corps gras, notamment, les industriels de l’agroalimentaire seront astreints à une traçabilité rigoureuse de la proportion de corps gras dans leurs produits. Dans le même temps, leurs concurrents étrangers ne le seront pas ! On va encore pénaliser l’industrie française, qui l’est déjà suffisamment. La balance commerciale de notre pays étant d’ores et déjà déficitaire, il convient de tout mettre en œuvre pour que nos entreprises puissent être plus compétitives à l’échelon international.
En l’espèce, il s’agit de mesures qui accablent encore un peu plus les entreprises produisant en France. Vous le comprendrez, le groupe UDI-UC ne peut s’associer à cette façon de voir les choses. Nous considérons en outre, comme M. le rapporteur général, qu’il convient de simplifier notre réglementation. Le nombre de pages de cet article visant à instituer de nouvelles taxes est tout à fait édifiant, à un moment où nous avons grand besoin de simplification ! Monsieur le ministre, vous proposez d’instituer des règles extrêmement complexes, qui ne peuvent satisfaire ni les industriels ni l’ensemble des acteurs économiques, lesquels demandent au contraire de la simplification.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai bien écouté M. le ministre. Nous pouvons concevoir que la création de ces trois taxes soit, pour chacune d’entre elles, motivée par des besoins clairement exprimés par les professionnels.
J’ai moi-même reçu les représentants de l’une des branches professionnelles intéressées. Les adhérents des fédérations des industries visées par l’article 53 représentent en réalité des milliers d’entreprises qui sont parfois des très petites entreprises, voire des entreprises individuelles qui sont sous-traitants de deuxième, voire de troisième rang.
Ces entreprises ne disposent absolument pas des moyens, en particulier des conseils juridiques, nécessaires pour comprendre les modalités d’application d’un tel texte de loi.
Je prendrai un seul exemple : celui du secteur automobile. Une même pièce peut relever à la fois de la plasturgie, de la mécanique, de la fonderie. Cette complexité rend totalement impossible la définition claire de l’assiette, et donc le calcul du montant des taxes que vous proposez d’instituer.
Nous aurions pu, à la rigueur, souscrire à la demande de retrait de M. le ministre, à la condition qu’un article beaucoup plus lisible puisse être rédigé.
Peut-être la rédaction de l’article 53 a-t-elle en effet été effectuée avec les professionnels. Quoi qu’il en soit, le résultat, c’est un texte de 17 pages et de 181 alinéas !
Si sa lecture est extrêmement difficile pour les parlementaires que nous sommes, vous pensez bien qu’il est, a fortiori, tout simplement incompréhensible pour les PME ou pour les très petites entreprises éventuellement concernées ! Celles-ci doivent pourtant bien trouver le moyen de savoir si leur activité est incluse ou non dans le champ d’application de la taxe, et donc si elles y sont assujetties ou non.
On parle beaucoup de « simplification ». Commençons par rédiger de façon beaucoup plus simple le texte applicable au recouvrement de taxes dont l’une représente 400 000 euros seulement de rendement !
Dans son rapport – je l’ai lu et je regrette qu’il n’ait pas été rendu public –, portant sur l’examen de 167 taxes, l’Inspection générale des finances souligne à la fois l’extrême complexité des textes en vigueur et le faible rendement des taxes en question, dont je ne suis pas certain que nous puissions, en définitive, en contrôler le recouvrement.
Sachant que la DGFIP va perdre cette année 2 200 emplois – ce à quoi, par ailleurs, nous souscrivons –, l’État est-il vraiment en mesure de contrôler l’assiette qui sert de base au calcul de ces taxes ? Nous en doutons fortement.
Je vous donne l’exemple éloquent d’une taxe à faible rendement, la taxe sur les farines, à propos de laquelle nous avons récemment débattu. Et les interventions, de quelques travées dont elles émanaient, montraient que, eu égard à l’extrême complexité du texte de loi, nous sommes aujourd’hui, tout simplement, dans l’incapacité de contrôler l’application de cette taxe, laquelle n’est, de fait, pas recouvrée par les douanes à l’importation.
Nous craignons que la création de ces trois nouvelles taxes ne pénalise les entreprises françaises. De surcroît, l’État risque de ne pas avoir les moyens de vérifier que ces taxes sont bien applicables aux produits importés. Par conséquent, tant que l’article 53 ne sera pas simplifié, monsieur le ministre, la commission des finances ne pourra pas le voter.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-171.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 76 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 197 |
Contre | 145 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 53 est supprimé.
Article 53 bis (nouveau)
À la seconde phrase du dernier alinéa du 2° du II de l’article L. 621-5-3 du code monétaire et financier, après le mot : « capital, », sont insérés les mots : « sur des parts sociales ou sur des certificats mutualistes ». – (Adopté.)
compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
ÉTAT D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés |
155 485 000 |
155 485 000 |
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État |
485 000 |
485 000 |
Prêts pour le développement économique et social |
150 000 000 |
150 000 000 |
Prêts à la filière automobile |
5 000 000 |
5 000 000 |
Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Caffet
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Culture
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture ».
La parole est à M. Vincent Eblé, rapporteur spécial.
M. Vincent Eblé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la mission « Culture » bénéficiera en 2016 d’un traitement que nous pouvons qualifier de favorable au regard de la plupart des autres missions budgétaires. En effet, elle connaît une hausse de l’ordre de 4 % de ses crédits, hors mesure de périmètre, ce qui représente une trajectoire infléchie positivement par rapport à la prévision de la loi de programmation des finances publiques. Je rappelle que cette dernière prévoit une préservation des crédits de la mission sur l’ensemble du triennal.
Cette évolution s’inscrit aussi dans un contexte particulier : la mise en œuvre de la réforme territoriale et l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, que nous appelions de nos vœux l’année dernière.
La mission « Culture » sera ainsi dotée en 2016 de 2,7 milliards d’euros, crédits auxquels il convient notamment d’ajouter le montant des dépenses fiscales principalement rattachées à la mission. Celui-ci est évalué à 292 millions d’euros, soit un coût stable par rapport à 2015, à périmètre constant.
Toutefois, il convient de considérer ce chiffrage avec prudence. En effet, l’année dernière, le chiffrage initial a été largement dépassé. À cet égard, nous estimons que les documents budgétaires ne sont pas suffisamment précis et qu’ils devraient être enrichis d’informations relatives à l’efficacité et à l’évolution du chiffrage des dépenses fiscales entre la prévision et l’exécution.
Alors que les opérateurs de la mission « Culture » ont été fort sollicités pour participer à l’effort d’assainissement des comptes publics au cours des trois dernières années, en 2016, ils bénéficieront, pour la plupart, de subventions stables, en légère croissance ou en baisse très modérée. Il en sera de même pour leurs effectifs. En contrepartie, le ministère attend un effort de renforcement de leurs ressources propres, dans le sillage des conclusions d’une mission d’inspection menée dans le cadre de la modernisation de l’action publique.
En outre, le ministère souhaite également donner à ses opérateurs les moyens de réaliser des travaux de rénovation, d’accessibilité et de mise en sécurité.
Enfin, il a voulu accompagner l’ouverture sept jours sur sept de trois monuments majeurs – le château de Versailles et les musées d’Orsay et du Louvre – au profit des groupes scolaires.
De surcroît, le budget pour 2016 de la mission « Culture » intègre une mesure de périmètre, à savoir la budgétisation de la redevance d’archéologie préventive, la RAP, à hauteur de 118 millions d’euros. Comme vous le savez, mes chers collègues, le financement de l’archéologie préventive se heurte depuis plusieurs années à l’irrégularité du rendement de la RAP et à la complexité de son affectation et de son recouvrement, au détriment des acteurs de cette politique publique que sont l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, au premier rang, mais aussi le FNAP, le Fonds national pour l’archéologie préventive, et les collectivités territoriales disposant de services archéologiques agréés.
Ces difficultés ont compliqué l’exécution budgétaire de la mission « Culture », puisque le ministère a dû apporter en gestion, de façon récurrente, un soutien non prévu en loi de finances initiale.
Nous estimons donc que cette mesure de budgétisation est pertinente, du point de vue aussi bien qualitatif, puisqu’elle donnera de la prévisibilité aux acteurs concernés et leur permettra d’exercer leurs missions dans de bonnes conditions, que budgétaire, puisqu’elle devrait faciliter l’exécution des crédits du programme 175, « Patrimoines ».
En ce qui concerne les domaines d’action du ministère, que financent les crédits supplémentaires inscrits dans ce budget pour 2016 ?
Nous avons identifié deux grandes priorités transversales : d’une part, un accompagnement des territoires et des publics fragiles dans le contexte de la réforme territoriale et de la baisse des dotations aux collectivités territoriales, et, d’autre part, le soutien à la jeunesse, à l’éducation et à la création.
S’agissant de la première priorité, l’effort en faveur des monuments historiques est globalement maintenu dans le projet de loi de finances initiale, pour la troisième année consécutive. Toutefois, en seconde délibération, l’Assemblée nationale a supprimé 5 millions d’euros de crédits dédiés à la restauration du patrimoine historique. La commission des finances a donc adopté un amendement de rétablissement de ces crédits qui vous sera présenté tout à l’heure, mes chers collègues.
En outre, les crédits destinés aux opérations en région qui représentent plus de 70 % des crédits dédiés aux monuments historiques et soutiennent directement l’attractivité territoriale et l’emploi sont confortés. Dans une perspective de rééquilibrage territorial, les crédits d’investissement et de fonctionnement dédiés aux musées de France seront également maintenus à un niveau élevé.
Dans le contexte de réforme territoriale et de baisse des dotations, l’évolution globale des crédits dédiés au patrimoine témoigne de la constance de l’engagement de l’État auprès de ses partenaires territoriaux. C’est un signal fort et rassurant. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, rapporteur spécial.
M. André Gattolin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je poursuis la présentation entamée par Vincent Eblé.
En ce qui concerne le soutien à la jeunesse, à l’éducation et à la création, voici les principaux éléments qui nous paraissent positifs, et que nous souhaitons porter à votre attention.
Premièrement, le projet de budget pour 2016 prévoit le rétablissement du soutien aux conservatoires.
Cette évolution nous paraît très importante, dans la mesure où la quasi-disparition de ces aides avait cristallisé l’année dernière le rejet des crédits de la mission « Culture ». En 2016, le ministère de la culture et de la communication dédiera ainsi 8 millions d’euros supplémentaires à ce poste, pour un montant total de 13,5 millions d’euros, dans le cadre d’un plan Conservatoires.
À ce titre, le rétablissement des crédits doit s’accompagner d’une redéfinition des priorités et d’une refonte des procédures de classement, dont l’objectif global doit être une meilleure ouverture des conservatoires à la diversité. C’est un progrès notable, dans la mesure où ces établissements constituent l’un des principaux réseaux de proximité en ce qui concerne l’accès, l’éducation et la formation du jeune public aux pratiques artistiques.
Certes, nous ne revenons pas encore au niveau de 2012 qui atteignait 27 millions d’euros, mais cette évolution permet d’enrayer la chute très brutale des crédits et de lancer un signal positif aux partenaires territoriaux de l’État.
Deuxièmement, le projet de budget pour 2016 prévoit le financement de plusieurs mesures issues des Assises de la jeune création qui se sont tenues au printemps dernier. Il s’agit de renforcer la formation et l’insertion des artistes, d’améliorer leurs conditions de vie et de travail, et de soutenir les créateurs. Les dépenses d’intervention en faveur du spectacle vivant bénéficieront notamment à ce titre de 12,5 millions d’euros de moyens nouveaux.
Troisièmement, le projet de loi de finances pour 2016 se caractérise par un renforcement marqué des moyens accordés à l’enseignement supérieur culturel et à l’éducation artistique et culturelle.
Ainsi, les dotations des établissements d’enseignement supérieur culturel progressent globalement de près de 2 %, notamment pour consolider l’intégration des formations qu’ils dispensent dans le schéma licence-master-doctorat, le fameux LMD.
En outre, le ministère souhaite renforcer la diversité sociale des étudiants et améliorer leurs conditions de vie et de travail, par le biais d’aides individuelles et de bourses attribuées sur critères sociaux. Des aides à hauteur de 38,4 millions d’euros seront ainsi financées à cet effet, marquant une progression de 7 % par rapport à 2015.
Enfin, le plan Éducation artistique et culturelle bénéficiera de 4,5 millions d’euros supplémentaires, pour un montant global de 14,5 millions d’euros, augmentation qui conforte la dynamique engagée depuis trois ans en ce domaine. Un effort particulier sera effectué en direction des jeunes éloignés de l’offre culturelle pour des raisons géographiques, sociales ou économiques.
Pour terminer, nous souhaitons attirer votre attention, mes chers collègues, sur deux points particuliers.
D’une part, nous avons constaté avec satisfaction que les résultats de la première année d’exploitation de la Philharmonie de Paris s’avèrent tout à fait encourageants, tant du point de vue budgétaire que pour ce qui concerne la fréquentation. Il conviendra toutefois d’inscrire ce succès dans la durée, sur la base d’un modèle économique solide, reposant notamment sur des ressources propres dynamiques. C’est l’un des enjeux de la fusion de la Cité de la musique et de la Philharmonie de Paris dans un établissement unique, et de l’articulation avec la salle Pleyel.
D’autre part, je regrette à titre personnel qu’un amendement du Gouvernement, adopté par l’Assemblée nationale, ait minoré les crédits de la mission de 10 millions d’euros.
Si l’on peut comprendre que la mission « Culture » ait dû, comme les autres, contribuer au rétablissement de l’équilibre budgétaire, après l’adoption par l’Assemblée nationale de nouvelles mesures dégradant le solde, l’ampleur de cette contribution de la mission me semble contestable.
De plus, les conséquences de cette réduction de crédits, notamment pour ce qui concerne la part affectée au programme 175, « Patrimoines », me semblent insuffisamment documentées par le Gouvernement.
C’est au bénéfice de ces interrogations que la commission des finances a décidé d’adopter un amendement visant à limiter la baisse de crédits de la mission à 5 millions d’euros.
Cela étant dit, même si les crédits de la mission « Culture » ne représentent que 0,74 % des dépenses du budget général de l’État, pourcentage encore assez éloigné du fameux 1 % historiquement espéré, nous estimons que le projet de loi de finances pour 2016 constitue malgré tout un bon budget pour la présente mission, qui semble désormais être élevée au statut de priorité gouvernementale.
L’augmentation des moyens, même modeste, profitera ainsi aux territoires et aux jeunes de notre pays, notamment les plus fragiles.
La commission des finances a donc suivi la proposition des rapporteurs spéciaux et vous propose, mes chers collègues, d’adopter avec modification les crédits de la mission « Culture ». Nous vous présenterons à l’issue de la discussion générale l’amendement qu’elle a adopté la commission.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de M. Philippe Nachbar.
Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour les patrimoines. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je m’exprime en remplacement de Philippe Nachbar, retenu par un deuil familial. Je vais vous livrer in extenso l’intervention qu’il avait préparée.
« J’ai appelé mes collègues de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication à donner un avis défavorable à la mission ″ Culture ″, parce que les crédits ″ Patrimoines ″ affichent une hausse en trompe-l’œil et parce que les défis de l’entretien et de la valorisation du patrimoine demandent une mobilisation bien plus forte des pouvoirs publics.
« La hausse affichée, d’abord, est en trompe-l’œil : plus 166 millions d’euros en autorisations d’engagement et plus 122 millions d’euros en crédits de paiement ; c’est tout à fait remarquable, mais cette hausse tient essentiellement à la budgétisation de 118 millions d’euros pour la redevance d’archéologie préventive. Hors cette budgétisation, les crédits progressent au rythme de l’inflation et, surtout, ils ne rattrapent pas le niveau perdu ces dernières années. Cela est d’autant plus vrai que le programme ″Patrimoines″, comme on pouvait le craindre, fait l’objet d’un coup de rabot de 5 millions d’euros en seconde délibération, sans plus d’explication et à l’encontre des annonces faites dans le débat budgétaire. Je me réjouis que la commission des finances, sur l’initiative d’André Gattolin, ait rétabli ces 5 millions d’euros et j’espère que le Gouvernement laissera son rabot à l’établi.
« Alors, bien sûr, de grands chantiers sont en cours. Il se fait encore de grandes choses en matière de patrimoine – je pense à l’aménagement du Grand Palais, à la restauration du château de Fontainebleau, ou encore à la nouvelle reconstitution de la grotte de Lascaux : ce sont des opérations phares dans notre pays, qui reste la première destination touristique au monde.
« Mais nous avons de quoi nous inquiéter, cependant, sur les politiques d’entretien et de valorisation de notre patrimoine : l’État donne tous les signes d’un recentrage sur le patrimoine le plus monumental, sur les domaines nationaux, il prescrit davantage de règles tout en focalisant ses moyens sur un plus petit nombre de sites – à charge, pour les collectivités territoriales et pour les propriétaires privés, de trouver de nouvelles ressources pour entretenir le patrimoine historique, cela dans un contexte où le secteur professionnel perd chaque année des emplois très qualifiés et très utiles. Nous en reparlerons en examinant le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine. Je crois que nous devons tirer le signal d’alarme, trouver de nouvelles solutions pour une mobilisation plus forte en faveur de la valorisation de notre patrimoine – les propositions sont sur la table, depuis un Loto patrimoine jusqu’à une réforme des leviers fiscaux, comme nous y invite Vincent Eblé ; il faut en débattre.
« Deux points, sur lesquels je veux attirer l’attention à l’occasion de l’examen de ce budget.
« Premièrement, Bercy annonce une diminution de moitié pour le produit des successions en déshérence. Ce seraient 4 à 5 millions d’euros de moins pour la Fondation du patrimoine, qui nous aide à rénover du patrimoine vernaculaire, non classé ni inscrit : comment remplacer cette source de financement qui paraît se tarir durablement ?
« Deuxièmement, le Centre des monuments nationaux demande un assouplissement du plafond d’emplois et une prise en compte différente des emplois saisonniers, pour adapter mieux ses horaires d’ouverture à la demande ; cela va dans le sens d’une plus grande autonomie financière de l’établissement public. Quelles solutions lui apporter ?
« En attendant, j’ai demandé à mes collègues de la commission de la culture d’adopter un avis défavorable sur les crédits de la mission ″Culture″. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)