compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
Secrétaires :
Mme Catherine Tasca,
Mme Valérie Létard.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Fin de la mission temporaire d'un sénateur
M. le président. Par lettre en date du 24 novembre, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 29 novembre, de la mission temporaire sur le suicide de jeunes amérindiens de Guyane confiée à Mme Aline Archimbaud, sénatrice de la Seine-Saint-Denis, auprès de Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
3
Loi de finances pour 2016
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2016, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 163, rapport général n° 164, avis nos 165 à 170).
Nous en sommes parvenus aux dispositions de la seconde partie du projet de loi de finances.
Seconde partie
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président. Nous allons maintenant entamer l’examen des différentes missions.
Relations avec les collectivités territoriales
Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 58 à 62 quater) et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
La parole est à M. Charles Guené, rapporteur spécial.
M. Charles Guené, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, depuis deux ans maintenant, nous avons commencé à travailler, au niveau tant du Parlement que du Gouvernement, sur une réforme de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, et le projet de loi de finances pour 2016 aurait dû constituer l’aboutissement de ce travail.
Nous imaginions qu’à l’issue d’un processus de concertation approfondie, après une étude fine des diverses options mises sur la table et l’analyse des différentes simulations, la discussion de ce jour aurait permis de trancher les derniers désaccords sur une réforme menée dans la transparence.
La réalité est bien entendu très différente.
Certes, le rapport de Christine Pires Beaune et de notre regretté collègue Jean Germain a posé quelques principes sur lesquels il a été possible d’arriver à un accord relativement large.
Cette première étape a permis, en quelque sorte, de définir une architecture, mais le travail était loin d’être achevé. C’est pourquoi les associations d’élus du bloc communal ont adopté, le 16 juillet dernier, une résolution commune expliquant que « les conditions permettant l’inscription d’une réforme en profondeur de la DGF [dans le projet de loi de finances pour 2016] n’apparaissaient pas réunies ».
M. François Marc. Le seront-elles un jour ?
M. Charles Guené, rapporteur spécial. Il vous était donc proposé, monsieur le secrétaire d’État, de poursuivre la réflexion, en vue de l’examen d’un projet de loi spécifique.
Je crois que chacun pourra regretter que le Gouvernement n’ait pas suivi ce conseil, car le calendrier n’était effectivement pas tenable.
Le 8 octobre, soit plus d’une semaine après le dépôt du projet de loi de finances, le Gouvernement n’était pas en mesure de transmettre les simulations des conséquences de sa réforme au Parlement.
Une semaine plus tard, des données ont été transmises aux commissions des finances de chaque assemblée, mais elles ne permettaient toujours pas de mesurer les effets de la réforme pour les communes situées sur le territoire de la métropole du Grand Paris, qui regroupent tout de même plus de 7 millions d’habitants.
M. Philippe Dallier. Effectivement.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. En d’autres termes, deux semaines après le dépôt du projet de loi de finances, le Gouvernement ne connaissait toujours pas, avec une fiabilité opérationnelle, les effets de la réforme qu’il proposait.
Nos collègues députés devaient examiner la réforme de la DGF en commission le 4 novembre, soit quinze jours après avoir reçu les simulations. Les sénateurs ont été mieux traités : nous disposions d’une semaine supplémentaire.
Mais je vous pose la question, monsieur le secrétaire d’État : considérez-vous qu’une dotation de plus de 30 milliards d’euros, qui représente une part significative des recettes des collectivités territoriales, peut être réformée alors que la représentation nationale dispose seulement de quelques semaines pour découvrir les mécanismes et en étudier les effets ?
Il me semble que l’administration elle-même n’a pas eu le temps d’achever son travail, puisque vous avez souhaité ajouter à l’Assemblée nationale de nouvelles garanties. Cela laisse entendre que vous avez récemment découvert des effets à corriger, à l’instar de votre propre majorité à l’Assemblée nationale, qui a déposé quelques centaines d’amendements à cet effet. (M. Philippe Dallier opine.)
Si l’on ajoute à cela que la réforme proposée par vos soins comporte une dotation dont la répartition est fortement dépendante de la carte intercommunale, et que cette carte intercommunale est en train d’être totalement remaniée, on aboutit à une situation proche de l’absurde, même si l’on pourrait employer un terme plus modéré.
Le Gouvernement, il faut néanmoins le reconnaître, a fini par entendre raison et a décidé de reporter la réforme. Il y a été fortement aidé par sa majorité à l’Assemblée nationale, qui s’est montrée aussi « étonnée » que nous face à certains résultats aberrants obtenus au travers des simulations.
Cette « retraite » se veut cependant ordonnée, d’où le caractère paradoxal du texte qui nous a été transmis.
Nos collègues députés ont considéré que le projet du Gouvernement n’était pas bon et ne pouvait s’appliquer en 2016, mais ils ont souhaité inscrire dans la loi qu’il s’appliquerait en l’état en 2017.
De même, le Gouvernement s’est demandé un rapport à lui-même pour connaître les conséquences de sa réforme, notamment à la lumière de la nouvelle carte intercommunale, tout en souhaitant l’inscrire dès aujourd’hui dans la loi.
La commission des finances, mes chers collègues, vous proposera tout à l’heure d’adopter une position plus cohérente : prendre acte du fait que la réforme de la DGF proposée par le Gouvernement ne s’appliquera pas en 2016, en supprimant totalement les dispositions de l’article 58 du projet de loi de finances, et se donner le temps de préparer une réforme pour 2017.
Bien entendu, il appartiendra à chacun de continuer à travailler sur le sujet, et la commission des finances s’y attellera très prochainement. Je réitère, à cet égard, les propos que j’ai tenus la semaine dernière, lors du débat que nous avons eu sur la DGF : le Sénat, dont c’est le cœur de métier, y est prêt, et ce sur toutes les travées de cet hémicycle.
J’en viens maintenant aux autres sujets que nous allons examiner aujourd’hui.
S’agissant de la mission elle-même, la commission se félicite naturellement de la mise en place d’une dotation de soutien à l’investissement local. Toutefois, je ne suis pas certain que celle-ci puisse suffire à empêcher la poursuite de l’effondrement des investissements des collectivités territoriales, ainsi que nous l’avons pointé dans le rapport élaboré, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, avec mes collègues Philippe Dallier et Jacques Mézard.
Néanmoins, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission et du compte de concours financiers.
Nous avons également souhaité prolonger le dispositif d’incitation financière à la création de communes nouvelles jusqu’au 1er janvier 2017. Créer une commune nouvelle est un processus long et complexe, qui ne peut se faire dans la précipitation. Nous avons en revanche conservé le seuil de population introduit à l’Assemblée nationale, afin de limiter les effets d’aubaine.
S’agissant du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, nous vous proposerons de nombreux amendements, visant à rééquilibrer son fonctionnement par rapport aux dispositions adoptées à l’Assemblée nationale et à poursuivre la correction de certains effets pervers, sans toutefois en modifier l’architecture générale.
Il s’agit notamment de simplifier les règles de majorité, mais également de trouver un moyen de régler le problème des communes « pauvres » situées dans un EPCI riche. À ce titre, il convient de rappeler, me semble-t-il, que le FPIC est un instrument intercommunal et que la situation des communes ne saurait, dans ce cadre, s’apprécier indépendamment de celle du territoire auquel elles appartiennent. (MM. Michel Bouvard, Vincent Capo-Canellas et René Vandierendonck applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, rapporteur spécial.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, au cours du récent débat sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement, comme lors de la discussion générale, j’ai eu l’occasion d’indiquer quelques sujets d’interrogations que ne manquait pas de soulever cette réforme, proposée par le Gouvernement. Je n’y reviendrai donc pas ce matin, n’ayant qu’un goût modéré pour le comique de répétition. (M. Vincent Capo-Canellas sourit.)
Certes, le projet de réforme qui nous est proposé est à ce stade imparfait, mais il constitue une base solide pour avancer, ce à quoi, d’ailleurs, nous invite le Gouvernement.
À ce titre, la commission des finances du Sénat a un rôle à jouer, afin de poursuivre ce travail, dès le mois de janvier, comme Charles Guené l’a indiqué.
J’ai d’ailleurs déjà formulé plusieurs pistes pour qu’une réforme de la DGF, voulue par tous, puisse aboutir. Ainsi en est-il du potentiel financier traduisant les écarts de richesse, qui pourrait mieux être pris en compte, au lieu de chercher, parfois à tout prix, à réduire les écarts types au sein des strates démographiques, d’une prise en compte majeure de la péréquation, dans une période de baisse des dotations, ou encore de la possibilité d’étudier la robustesse d’un critère d’effort fiscal renouvelé, rapportant le produit de l’imposition directe locale – hors impôt économique – au revenu moyen.
Pour que la réforme soit menée à son terme, nous avons besoin d’un calendrier, et l’article 58, tel qu’il résulte du vote de l’Assemblée nationale, le fixe. Ce calendrier nous oblige vis-à-vis des élus locaux, qui attendent cette réforme. Nous devons la mener à bien pour que la principale dotation de l’État aux collectivités territoriales soit à la fois plus lisible et plus équitable.
Outre la réforme de la DGF, la commission des finances a souhaité revenir sur plusieurs dispositions introduites à l’Assemblée nationale, notamment s’agissant du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.
Nous observons d’ailleurs, depuis plusieurs années, le dépôt de nombreux amendements tendant à modifier les règles de majorité pour répartir le prélèvement ou l’attribution. La passion animant ce débat, bien que celui-ci porte sur un montant somme toute modeste, montre que les élus locaux se sont emparés de la question et des possibilités offertes par la loi. Ils souhaitent, à l’évidence, toujours plus de souplesse, pour adapter le dispositif à leur territoire. (Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois, opine.)
Cette année, une question intéressante, qui sera évoquée lors de l’examen des amendements, est apparue sur le sujet : peut-on considérer, pour la répartition du FPIC ou la révision des attributions de compensation, que l’absence de délibération d’une commune vaut accord ? Existe-t-il un risque constitutionnel ? Cela aurait-il pour effet de créer une tutelle d’une collectivité sur une autre, en l’occurrence d’un EPCI sur ses communes membres ?
Nous pensons qu’il faut offrir aux EPCI une véritable capacité d’action et empêcher le blocage d’une institution au motif qu’une seule commune n’aurait pas délibéré. Aussi, nous vous proposerons de maintenir ce principe, introduit à l’Assemblée nationale : pour la répartition dérogatoire du FPIC et la révision des attributions de compensation, l’absence d’accord de la commune vaut acceptation. Soyons audacieux, et nous verrons bien ce qu’en dira, éventuellement, le Conseil constitutionnel !
Les rapports entre l’État et les collectivités gagneraient à s’inscrire dans des visions de long terme, incluant un examen des conséquences futures d’un retour des comptes publics à des niveaux acceptables. Un objectif d’évolution de la dépense locale – ou ODEDEL –, débattu et partagé en amont, pourrait sans doute nous y amener et être de nature à instaurer une certaine confiance dans nos relations.
On comprend bien qu’un amendement tendant à minorer de 1,5 milliard d’euros la baisse des dotations ne constitue pas une réponse utile à ce débat.
À cette minoration de la baisse des dotations, votée par le Sénat lundi soir, mais, convenons-en, néanmoins plus formelle que réelle, je préfère les mesures de soutien à l’investissement du Gouvernement : outre l’élargissement du bénéfice du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée aux dépenses d’entretien des bâtiments publics et de la voirie, puis, sur une proposition du Sénat soutenu par le Gouvernement, aux dépenses en matière de haut débit, nous devons noter la création d’une dotation de soutien à l’investissement, dont les crédits, à hauteur de 800 millions d’euros en autorisations d’engagement, sont retracés dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ainsi que la reconduction de l’abondement exceptionnel de 200 millions d’euros en faveur de la dotation d’équipement des territoires ruraux.
C’est pour ces raisons que nous vous proposons, avec Charles Guené, d’adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.
Pour terminer, je tiens à affirmer, à titre personnel, mon désaccord avec la proposition de M. le rapporteur général de la commission des finances de rétablir la baisse du taux de cotisation au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, de 1 % à 0,8 %. Une telle baisse fragiliserait rapidement la situation financière, aujourd’hui saine, de cet établissement, en diminuant ses recettes de 68 millions d’euros. Le CNFPT serait très rapidement contraint de réduire fortement son offre de formations dispensées gratuitement aux agents territoriaux. Ce serait donc un jeu à somme nulle pour les collectivités territoriales, qui verraient certes leurs charges baisser, mais devraient par ailleurs payer pour des formations auparavant prises en charge par le CNFPT, voire réduire leurs programmes de formation, alors que celui-ci vient juste de décider de consacrer 34 millions d’euros en 2016 pour la formation des apprentis et des salariés en emploi aidé.
Je ne souhaite donc pas voir votée une mesure aboutissant à une réduction de l’offre de formation des personnels de la fonction publique territoriale, alors même qu’il s’agit d’un élément essentiel pour accompagner les mobilités professionnelles et géographiques de ces derniers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. François Fortassin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteur pour avis.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des finances, mes chers collègues, si la commission des lois a donné un avis défavorable aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », c’est en raison du contexte général de baisse des dotations et de réforme des collectivités territoriales.
En effet, les crédits budgétaires du programme 119 et du programme 122 s’élèvent à 3,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 3 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui ne représente que 3,8 % des transferts et 8 % des concours de l’État.
On voit bien que notre avis porte sur une part marginale de l’ensemble des participations financière de l’État en faveur des collectivités territoriales.
Il est à noter cependant que le programme 119 comprend désormais une nouvelle dotation de soutien à l’investissement des communes et de leurs groupements, qui correspond à la majoration à hauteur de 200 millions d’euros de la dotation d’équipements des territoires ruraux, ce qui est positif naturellement.
C’est donc dans un contexte plus général que la commission des lois a voulu donner un signe au Gouvernement. Celle-ci a voulu rappeler que la baisse des dotations de l’État, si elle est inéluctable, est vraiment brutale pour les collectivités territoriales et engendre des conséquences importantes sur l’investissement local que l’on mesure déjà.
C’est pourquoi nous nous félicitons de l’amendement adopté par la commission des finances et par notre assemblée tendant à minorer de 1,6 milliard d’euros la baisse des dotations.
La commission des lois s’est également interrogée sur la nouvelle répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, qui certes se justifie par les nouvelles compétences des régions, mais pose question quant à la situation financière des départements.
Par ailleurs, la réforme de l’architecture de la DGF des communes et des intercommunalités inquiétait la commission des lois dans la mesure où ce nouveau dispositif aurait été trop précoce par rapport à la mise en œuvre des schémas départementaux de coopération intercommunale qui redessinent de façon importante la carte de l’intercommunalité dans notre pays. C’est pourquoi la commission s’est félicitée du report au 1er janvier 2017 de cette réforme, au moment où la nouvelle carte sera mise en place.
Cependant, il reste un point de divergence avec le Gouvernement sur la nécessité d’élaborer un projet de loi spécifique pour cette réforme de la DGF, solution que préconise le Sénat pour un débat serein et apaisé. Afin que cette réforme, voulue par de nombreux parlementaires et attendue par les élus, soit la plus partagée possible, et que nous disposions tous ensemble du temps suffisant de la réflexion, ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement pourrait revoir sa position ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC. – MM. François Fortassin, René Danesi et Francis Delattre applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les collectivités locales sont mises à contribution pour participer à la politique de réduction de la dépense publique et des déficits publics.
La potion est lourde : 11 milliards d’euros en trois ans, ce qui se traduira par une perte de 28 milliards d’euros dans notre économie. C’est aussi en retour, pour le budget de l’État, une perte de recettes. C’est donc contre-productif par rapport à l’objectif de redressement des finances publiques.
Le Gouvernement a souhaité inscrire la réforme de la DGF dans la loi de finances. Si cette réforme est nécessaire, il est aujourd’hui impossible de l’accepter en l’état. La commission des finances nous invite à nous donner le temps de la réflexion pour la préparer, comme le souhaitaient l’ensemble des associations d’élus. Cela est d’autant plus utile que le paysage administratif local est en phase de mouvement, avec l’adoption progressive des schémas de coopération intercommunale, et aura donc des conséquences sur l’impact des propositions actuelles.
Dans sa version initiale, la réforme de la DGF n’est pas acceptable, car elle a de fortes incidences sur la situation des petites villes et crée de nouvelles inégalités entre communes qui nécessitent de poursuivre le travail.
Une dotation minimale pour chaque commune est une réponse à une revendication forte que nous avions largement débattue et défendue avec Jean Germain lors de la campagne en vue des élections sénatoriales, mais aussi dans une proposition du groupe CRC portée par Gérard Le Cam.
Les orientations proposées, notamment cette notion pour le moins surprenante de « centralité », risquent fort de créer une disparité aussi importante que celle qui résulte de l’actuelle économie générale de la dotation, comme le montrent les simulations qui avaient été mises à notre disposition. Elle n’apporte aucune modification au potentiel financier dont nous connaissons les défauts, pas plus que la notion de charges associées à la situation de la population accueillie dans la collectivité.
L’autre ambition que doit porter une réforme de la DGF est celle de la péréquation.
On ne peut pas organiser une juste et équitable répartition de la dotation globale de fonctionnement sur la base d’une dotation rabougrie. Il faut penser dès maintenant à un nouvel outil de péréquation.
Nous proposons la mise à contribution des principaux bénéficiaires de l’action locale, c’est-à-dire des entreprises, qui tirent parti, dans leur développement, leur activité et leur interaction avec leur environnement, des efforts réalisés par les collectivités territoriales. Nous souhaitons que cette contribution s’appuie sur la richesse financière produite sans aucun lien avec l’activité directement productrice et qui, aujourd’hui, est défavorable à la création d’emplois.
Les collectivités s’occupent de plus en plus de l’école, de la formation, de l’apprentissage, des transports, de la viabilisation des réseaux, et même de plus en plus de l’aménagement du territoire, de l’occupation de l’espace, de la mise en place de zones d’activités, artisanale et/ou industrielle, et j’en passe.
Ce sont donc bel et bien les secteurs économiques qui se trouvent être les principaux bénéficiaires de l’action territoriale sous toutes ses formes.
Il n’est donc pas illogique qu’ils en deviennent des partenaires pleins et entiers, au travers de leur participation citoyenne. C’est à partir de ces réflexions que l’on pourra mettre en place une réforme efficace de la DGF. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, le groupe écologiste soutient la proposition de la majorité sénatoriale pour limiter la baisse des dotations aux collectivités. (M. Michel Bouvard s’exclame.)
La baisse des dotations est une mesure récessive, à contretemps d’un nécessaire soutien à une reprise économique, j’avais déjà eu l’occasion de le souligner lors du débat que nous avions eu la semaine dernière sur l’évolution de la DGF.
Je veux rappeler tout d’abord que l’investissement public local représente 70 % des investissements publics. Retirer 3 milliards d’euros aux collectivités, avec les effets de levier induits, c’est en réalité soustraire beaucoup plus d’argent à l’investissement et à l’économie réelle.
Il convient également d’éviter les coups de rabot sur les dépenses de fonctionnement, car, on le sait, ce sont toujours – et c’est déjà le cas aujourd’hui – les mêmes politiques publiques qui se retrouvent ainsi sacrifiées et réduites. Je pense aux politiques de protection de l’environnement, bien sûr, mais aussi à la culture. Baisser le budget d’une bibliothèque de quartier ou de celle qui est implantée en milieu rural, c’est moins d’offre culturelle de proximité, ce sont autant de petits artistes qui ne pourront plus avoir les moyens de subsister, et c’est un impact réel et immédiat sur l’emploi.
Il s’agit bien sûr, en soutenant le maintien du niveau des dotations, d’assurer la continuité des services publics ; la continuité des prestations est essentielle dans une période où nous savons l’anxiété que suscite la diminution de l’offre de services publics, le sentiment d’abandon et ses conséquences politiques.
Le maire de Grenoble déclarait ce matin sur une grande radio que, après une phase d’optimisation ayant permis de réduire toutes les dépenses possibles, il était nécessaire de s’interroger sur le maintien des services publics si la diminution des dotations se poursuivait.
Je soutiendrai donc clairement la proposition visant au rétablissement partiel de la DGF, mais sans être dupe pour autant. La droite réclame en effet le maintien des dotations…
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas vrai !