M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Si cette disposition est applicable au 31 décembre 2016, monsieur le secrétaire d’État, on se demande pourquoi on en discute lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Parce qu’il y a eu une discussion sur ce point, monsieur le rapporteur général !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est un peu artificiel. L’impact sur le solde budgétaire ne sera pas considérable...
Que s’est-il passé lors de l’instauration de la taxe en 2012 ? On attendait 1,6 milliard d’euros de recettes ; or elle n’en a produit que 870 millions d’euros. Pourquoi ? Tout simplement parce que les transactions se sont faites ailleurs. En effet, les valeurs françaises sont aussi cotées sur d’autres places européennes.
Si nous sommes les seuls à mettre en place une taxe sur les transactions financières, cela provoquera mécaniquement une baisse des volumes. Au troisième trimestre 2015, Euronext estime à 25 % la baisse de ces transactions et à 10 % la baisse qu’entraînerait mécaniquement l’application de cette taxe.
On parle souvent de compétitivité ; il ne faut pas oublier celle de la place financière de Paris.
M. le secrétaire d’État nous dit qu’il n’est pas grave d’adopter une telle disposition puisqu’elle s’appliquera à compter du 31 décembre 2016 et que nous aurons l’occasion d’y revenir d’ici là. Si un accord européen intervient, on trouvera un texte permettant d’instaurer cette taxe, et l’on aura le temps de la mettre en place lors du projet de loi de finances pour 2017 puisque l’on aura toute une année pour y travailler.
Voilà pourquoi la commission souhaite la suppression de l’article 8 quater.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai contre ces amendements de suppression.
Vous avez donné, monsieur le secrétaire d’État, un certain nombre d’arguments. Vos positions sont d’ailleurs plus que cohérentes puisque vous aviez déposé, en septembre 2013, un amendement tendant à soumettre les transactions dites intraday à la taxe sur les transactions financières.
M. Sapin a indiqué qu’un travail était engagé au niveau européen. La Commission européenne a ainsi proposé que les transactions intraday soient incluses dans ces négociations. Le ministre des finances a rappelé qu’il soutenait cette position et qu’il espérait être entendu, car un front assez large commençait à se constituer.
On peut débattre du niveau de cette taxe, en le comparant avec ce qui existe en Grande-Bretagne, par exemple. Mais c’est un autre débat que celui de l’inclusion, ou non, des transactions intraday.
En Grande-Bretagne, la stamp duty reserve tax, la SDRT, inclut les transactions intraday. Ce n’est pas le cas du mécanisme que nous avons choisi, lequel tient compte de la propriété ; en effet, on ne peut pas changer de propriété dans la même journée.
Il y a aussi des sujets techniques à traiter, mais le délai qui est accordé permet de tenir compte de ces préoccupations. Là aussi, on peut aller regarder ailleurs. La Grande-Bretagne, pour repérer ces transactions, a mis en place un dispositif de responsabilisation des courtiers, qui n’existe pas dans le système français.
Il faut donc préciser les choses concernant l’élargissement aux transactions intraday, et espérer que nous serons entendus au niveau européen.
M. Sapin, qui n’a pas vraiment l’habitude d’anticiper sans raison les évolutions européennes, nous a annoncé que nous allions dans cette direction. Dans ces conditions, j’estime que la France – je l’ai dit précédemment à propos des GAFA, et je reste cohérente à cet égard – doit porter un message : ces transactions ne sont pas les plus utiles pour notre économie. Elles sont les trois quarts du temps plus spéculatives qu’autre chose. Nous n’avons donc pas intérêt à favoriser ce type de financiarisation et de transaction, et, en tout cas, si elles ont lieu, elles doivent être taxées.
Il me paraît raisonnable de maintenir le vote de l’Assemblée nationale et je voterai donc contre les amendements qui remettent en cause cette disposition.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.
M. Michel Bouvard. Instaurer une taxe au 1er janvier avec une application au 31 décembre, tout cela n’est pas sérieux ! Je veux bien tout ce qu’on veut, mais le rapporteur général a parfaitement eu raison de dire que ce débat relève de la seconde partie du projet de loi de finances. Présenter une telle disposition en première partie du projet de loi de finances pour une application au 31 décembre 2016, ce n’est pas sérieux et on ne peut pas valider de telles choses !
Certes, le Parlement a, en son temps, voté la taxe Tobin au taux de 0 % pour envoyer des signaux. Je pense néanmoins qu’il y a un moment où il faut être raisonnable, réaliste et cohérent. Monsieur le secrétaire d'État, vous l’êtes dans votre position et je la comprends, mais il me paraît de notre responsabilité d’être cohérents dans notre travail. Nous ne pouvons pas voter en première partie des dispositions pour une nuit !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. Je suis contre l’adoption de ces amendements qui visent à supprimer cet article. Je trouve tout à fait pertinent le développement fait par le secrétaire d'État, qui s’inscrit dans une logique de dynamisme pragmatique.
Ce qui a été décidé à l’Assemblée nationale, c’est que la mesure ne serait applicable qu’à la fin de l’année prochaine, justement pour laisser aux négociations européennes la chance et le temps d’avancer. En effet, qu’il s’agisse de ces taxes intrajournalières ou des taxes sur les transactions financières, tout le monde se dit pour et tout le monde recule !
Il faut bien que quelqu’un donne, à un moment, un signe pour avancer, en laissant la possibilité d’un an de négociations pour harmoniser les choses et revoir cela dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017.
Je ne néglige pas les nombreux événements que nous vivons. Il n’en reste pas moins que nous sommes au moment de la préparation de la COP 21. Nous savons que tout ce nous voulons faire en termes de transition énergétique et environnementale passera par la constitution d’un grand fonds vert. Et cette taxe est appelée – les organisations non gouvernementales, les ONG, regardent cela de très près – à alimenter l’aide publique au développement.
On ne peut pas à la fois se plaindre d’être envahi par un flot de migrants parce qu’on n’aide pas suffisamment les pays en développement à garder leur population et à avoir leur propre développement durable et, en même temps, refuser catégoriquement de se doter des moyens de cette aide au développement.
Je voterai donc résolument contre ces trois amendements.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je dois dire qu’une grande partie des membres de notre groupe sont un peu comme le secrétaire d'État : ils manifestent un enthousiasme modéré sur cette taxe.
M. Philippe Dallier. Ne vous forcez pas !
M. Richard Yung. Pour les raisons qui ont été assez largement expliquées, la place de Paris est très hostile et très active sur le sujet.
Cela étant, nous voterons contre ces amendements, pour deux raisons de principe.
D’abord, ces transactions intraday sont, pour l’essentiel, inutiles. On invoque leur utilité au nom de la liquidité du marché. Ce n’est pas vrai ! C’est simplement de la transaction – de surcroît, on le sait, automatisée –, purement formelle, et cela n’ajoute rien à l’économie.
Ensuite, second argument auquel je suis encore plus sensible, nous avons le projet – que nous sommes nombreux à partager – d’avoir des ressources propres pour l’Union. (Mme Marie-Noëlle Lienemann opine.) La taxe sur les transactions financières européennes, dont celle-ci serait, au fond, l’amorce, serait l’un des premiers pas dans cette direction. (Mme Marie-Noëlle Lienemann opine de nouveau.)
Pour ces raisons nous ne voterons pas ces amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-48, I-210 et I-392.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 8 quater est supprimé, et les amendements nos I-112 rectifié quater et I-266 rectifié n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces deux amendements identiques.
L'amendement n° I–112 rectifié quater, présenté par MM. Mandelli, Morisset, Vaspart et Grosdidier, Mme Garriaud-Maylam, MM. de Nicolaÿ et Laufoaulu, Mme Micouleau, M. Pellevat, Mme Deroche, MM. Trillard et Chaize, Mme Cayeux et MM. del Picchia et Lefèvre, et l'amendement n° I–266 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Requier, Amiel, Arnell, Castelli, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Vall, étaient ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer la date :
31 décembre
par la date :
1er janvier
Article additionnel après l'article 8 quater
M. le président. L'amendement n° I–201 rectifié, présenté par MM. P. Dominati, Morisset, Vogel et Revet, Mme Deromedi, M. Vasselle, Mme Procaccia et MM. D. Laurent et Magras, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au V de l'article 235 ter ZD du code général des impôts, le taux : « 0,2 % » est remplacé par le taux : « 0,15 % ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Le présent amendement vise à diminuer le taux de la taxe sur les transactions financières de 0,2 % à 0,15 %.
Outre qu’il a un coût, cet amendement pose des difficultés compte tenu des prochaines discussions à l’échelon européen – cela a eu une influence sur notre vote précédent. Peut-être le secrétaire d'État pourra-t-il nous le confirmer, ce sujet doit être à l’ordre du jour du conseil Ecofin qui se tiendra le 8 décembre. Nous en saurons plus à ce moment-là. À ce stade, en dehors du manque à gagner qui serait d’à peu près 200 millions d'euros, il ne serait pas opportun, compte tenu des discussions en cours au niveau européen, de baisser le taux de la taxe.
Je vous suggère, mon cher collègue, de retirer l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je voudrais revenir sur les chiffres puisque M. le rapporteur général a évoqué tout à l’heure une taxe sans rendement ou avec un rendement qui baisse. En 2014, elle a rapporté 870 millions d'euros. En 2015, elle a rapporté 1 050 millions d'euros, c'est-à-dire 20 % de plus. Elle n’est donc pas si dissuasive que cela ! Pour 2016, nous prévoyons 1 092 millions d'euros, y compris la part Fonds de solidarité pour le développement, ou FSD.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Contre 1,6 milliard d’euros qui étaient prévus !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Si votre majorité, qui l’avait mise en place, l’a surestimée, je comprends pourquoi, mais ce n’est pas notre faute ! (M. André Gattolin sourit.)
J’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° I–201 rectifié.
M. Philippe Dominati. Cet amendement est retiré, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° I–201 rectifié est retiré.
Article 9
I. – Le 1 du I de l’article 92 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, le montant : « 100 millions d’euros » est remplacé par le montant : « 200 millions d’euros » ;
2° (nouveau) Après le cinquième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La dérogation prévue au II de l’article 32 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires n’est pas applicable aux nouveaux emprunts consentis.
« Par exception au premier alinéa de l’article L. 313-3 du code de la consommation, le taux d’usure applicable aux nouveaux emprunts consentis est celui qui était applicable à la date à laquelle le prêt ou le contrat financier faisant l’objet de la renégociation a été initialement consenti. »
II. – À la fin du III de l’article 235 ter ZE bis du code général des impôts, le taux : « 0,026 % » est remplacé par les mots : « 0,0642 % pour les années 2016 à 2025 et à 0,0505 % pour les années 2026 à 2028 ».
III. – Une fraction du produit de la taxe prévue à l’article 235 ter ZE bis du code général des impôts est affectée, à hauteur de 28 millions d’euros par an, à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés pour les années 2016 à 2025.
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard, sur l'article.
M. Michel Bouvard. Je voudrais évoquer la problématique de la responsabilité des acteurs et des décideurs, qui se pose toujours derrière ce sujet des emprunts toxiques et des prêts structurés mobilisés par un certain nombre de collectivités et délivrés par un certain nombre d’établissements bancaires au cours des dernières années.
Monsieur le secrétaire d'État, je comprends la nécessité d’avoir un dispositif d’accompagnement des collectivités territoriales qui se trouvent dans de grandes difficultés. Je comprends qu’il faille trouver une solution pour les établissements hospitaliers. J’ai cependant toujours eu beaucoup de réserve sur la constitution de ce fonds.
L’article tel qu’il est rédigé et la pratique telle que nous la connaissons depuis la mise en place de ce fonds m’amènent à poser des questions persistantes.
La première question concerne la responsabilité des acteurs bancaires. Je comprends bien que pour sécuriser l’État au regard du fait que le principal distributeur de ce prêt a été Dexia, il a fallu trouver des solutions pour arrêter les procédures judiciaires et valider un certain nombre de contrats.
Il n’en reste pas moins qu’au bout du compte les établissements financiers qui supportent la taxe pour le financement du fonds de soutien aux collectivités territoriales tel qu’il a été institué au taux de 0,026 % sont des établissements uniquement nationaux, dix-sept banques relevant du champ de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR.
Or ces prêts ont également été distribués par des établissements étrangers qui ne sont pas appelés au secours et qui sont, de fait, totalement déresponsabilisés, alors que certains ont diffusé les prêts qui étaient les plus toxiques, notamment les snow balls.
La deuxième série de questions concerne les hôpitaux. Le maire qui a fait ce genre d’opérations est sanctionné par l’électeur. S’agissant des hôpitaux, je veux savoir quelles sanctions sont prises en direction d’un certain nombre de dirigeants hospitaliers qui ont contracté ces prêts. Quel a été le rôle de l’Agence régionale de santé en tant que tutelle des établissements hospitaliers ? Quelles démarches seront engagées ?
Enfin, je voudrais évoquer le problème de transparence que tout cela pose – notamment la transparence de l’information des conseils municipaux.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Michel Bouvard. Je conclus, monsieur le président.
Aujourd'hui, des situations de fragilité sont toujours identifiées par la direction générale des finances publiques. Il existe toujours des rapports transmis aux maires et que les conseils municipaux ne connaissent pas. Se pose aussi la question de la certification, qui est indispensable – je le redis pour avoir plaidé en son temps pour la certification des comptes des collectivités locales. L’amendement adopté par l’Assemblée nationale nous y conduit.
M. le président. Concluez, monsieur Bouvard !
M. Michel Bouvard. Je termine, monsieur le président, en évoquant le problème de la réglementation des conseils financiers aux collectivités locales. Aujourd'hui, n’importe qui peut s’improviser conseil financier aux collectivités locales !
M. le président. Merci !
M. Michel Bouvard. Un certain nombre de ces sociétés sont responsables de la situation actuelle.
M. le président. L'amendement n° I–354, présenté par MM. Vincent, Raynal et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans son calcul comme dans son refinancement, cette indemnité ne doit inclure aucune marge de la part du prêteur. »
La parole est à M. Maurice Vincent.
M. Maurice Vincent. Avant de présenter mon amendement, je voudrais souligner, puisque c’est l’objet de cet article, que l’engagement de l’État est multiplié par deux, ce qui, de mon point de vue, est le bienvenu.
Je m’en félicite d’autant plus que j’ai la conviction – et même la certitude – que si un tel engagement avait été pris au tout début de cette crise, en 2008, la facture pour les finances publiques, qu’elles soient locales, nationales ou hospitalières, aurait été nettement moindre.
Ce doublement du fonds de soutien arbitre le débat récurrent sur la responsabilité des uns et des autres : puisque la facture globale pour les emprunts structurés tourne autour de 7 milliards d'euros au moins, l’État en prenant une part, on voit bien que les communes et les banques seront obligées d’en prendre une autre part.
L’objet de mon amendement est un peu technique, mais il me semble important. Pour avoir accès au fonds de soutien, les collectivités doivent conclure préalablement un accord avec les banques – qui sont aujourd'hui massivement des banques françaises. Dans le cadre de cet accord, les banques proposent souvent de refinancer la soulte qui est nécessaire pour sortir du caractère toxique de l’emprunt. Cette soulte peut être très importante – parfois le double du capital restant dû ou même de l’emprunt contracté au départ.
À mon sens, le calcul de cette soulte doit être objectif. Surtout, il doit être exclu que la banque qui propose cet accord puisse également proposer de financer cette soulte avec une marge.
C'est la raison pour laquelle l’objet de cet amendement est de proscrire toute marge, que ce soit dans le calcul de la soulte, de l’indemnité de rupture anticipée, l’IRA, ou dans les modalités de son financement. Il s’agit, d’abord, d’éviter une nouvelle source de profit pour les banques. Il s’agit, ensuite et surtout, de maximiser l’efficacité de ce fonds de soutien. En effet, plus la facture est élevée, moins le fonds de soutien a de chances d’être efficace.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On pourrait dire beaucoup de choses à propos des emprunts structurés, mais tel n’est pas le sujet de ce soir.
Je distinguerai quand même une commune de 500 habitants, qui a pu se faire vendre des produits à pente et en devises étrangères, et un conseil départemental – par exemple, celui de la Seine-Saint-Denis, puisque M. Philippe Dallier est là – qui a des directeurs financiers et des conseils de toutes sortes, qui a, de plein gré, en toute connaissance de cause, pris un risque,…
M. Michel Bouvard. Tout à fait ! On m’a proposé des produits structurés, je n’en ai pas pris !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … qui a gagné de l’argent pendant des années en ayant bénéficié de conditions de marché plus favorables et qui, un jour, se tourne vers l’État en lui demandant de le sauver. Il est tout à fait différent de se tourner vers l’État lorsqu’on n’a aucun conseil, aucune direction financière et lorsqu’on est une grande collectivité qui n’a à s’en prendre qu’à elle-même !
Je suis président de conseil départemental, on m’a proposé des produits exotiques dans toutes les monnaies étrangères possibles et imaginables. J’ai été prudent. Sans doute d’autres l’ont-ils été aussi.
Les auteurs de l’amendement proposent qu’il n’y ait pas de marge commerciale sur l’indemnité de rupture anticipée, ce qui, en soi, est tout à fait pertinent. Simplement, aujourd'hui, il y a un contrôle par l’État sur l’IRA. Ce contrôle est-il suffisant ? Fait-il partie du contrôle sur la pertinence ou la valeur de l’IRA retenue ? Je ne sais pas si les garanties sont suffisantes. Il me semble que cela fait partie de la mission des services d’estimer si l’IRA est juste le remboursement au regard des conditions de marché ou si elle inclut une marge commerciale. Faut-il le mentionner dans la loi ? Peut-être le Gouvernement pourrait-il nous éclairer.
La commission souhaite donc entendre le Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. J’estime qu’il est difficile à ce stade de reprendre dans son intégralité le débat sur les emprunts toxiques tant il est complexe. En revanche, M. le sénateur Vincent a raison de dire que, si des dispositions avaient été prises plus rapidement en la matière, nous serions peut-être sortis plus tôt de cette crise ; du moins, nous n’aurions peut-être pas encaissé le choc qu’a représenté la réévaluation du franc suisse le 15 janvier dernier, en conséquence de laquelle le montant des IRA a quasiment doublé. On ne refera certes pas l’histoire ; nous avons de toute façon déjà eu ce débat à de nombreuses reprises, que ce soit ici même, à l’Assemblée nationale ou au Comité des finances locales.
Concernant l’amendement que vous avez présenté, monsieur Vincent, le calcul des IRA est supervisé non pas par l’État mais par un de ses bras séculiers, si j’ose dire, à savoir la Banque de France, qui vérifie que le calcul des IRA est correct. Le point que vous soulevez est toutefois légèrement différent. Vous voulez savoir si, quand une collectivité contracte un nouvel emprunt auprès d’un établissement financier afin de pouvoir rembourser non seulement le capital précédemment emprunté mais aussi les IRA, cet établissement financier réalise une marge sur ce nouvel emprunt. Pour ce qui est de la SFIL, elle s’engage à prêter cet argent, si j’ose dire, à prix coûtant. Certes, on peut avoir un doute ; néanmoins, de fait, son intérêt est bien de garder des clients en bonne santé financière.
Par ailleurs, la vérification que vous appelez de vos vœux est difficile. En effet, le refinancement de la SFIL sur les marchés financiers se fait souvent de façon globale, alors même que le calcul des taux pratiqués sur telle ou telle opération est un calcul sur l’opération individuelle. Une vingtaine d’opérations de refinancement de collectivités peut se faire à des taux sans doute légèrement différents ; la SFIL elle-même peut se refinancer, en fonction de ses besoins, sur ce paquet d’opérations considéré dans sa globalité. Peut-être, sur certains paquets, sa marge sera-t-elle légèrement positive ; sur d’autres, légèrement négative. Il s’agit somme toute, si vous me permettez l’expression, de gestion courante.
Je ne crois pas avoir rencontré le type de problèmes que vous décrivez, monsieur Vincent. Certes, vous-même et quelques-uns de vos collègues prêtez attention à ces questions ; nous-mêmes avons aussi des contacts réguliers avec la SFIL. Cette dernière, je le rappelle, est tout de même in fine garantie par l’État. Il n’est donc de l’intérêt de personne qu’elle échoue. Michel Bouvard connaît lui aussi très bien ces problèmes, sans doute mieux que moi…
M. Michel Bouvard. Malheureusement, oui !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. … puisqu’il a présidé le conseil de surveillance de la Caisse des dépôts, qui a participé à l’ensemble de ces opérations de constitution de la SFIL et aux demandes de garantie de l’État. (M. Michel Bouvard opine.)
En conclusion, le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement parce qu’il doute de la possibilité de mettre en œuvre le dispositif qui y est prévu. En effet, vérifier l’absence de marge alors même que les établissements financiers tels que la SFIL se refinancent de façon globale et déclinent un certain nombre d’opérations individuelles ne me paraît pas très opérationnel. J’ai néanmoins bien compris que cet amendement visait surtout à attirer l’attention vigilante de l’État sur ces questions.
Enfin, je voudrais apporter une dernière précision sans relancer le débat : monsieur le sénateur Bouvard, les filiales en France des banques étrangères, telles que HSBC – j’ai pris cet exemple au hasard –, participent bien au financement de la taxe.
M. le président. Quel est maintenant l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent, pour explication de vote.
M. Maurice Vincent. Monsieur le secrétaire d’État, je comprends tout à fait les précautions que vous souhaitez prendre par rapport à la rédaction de cet amendement. Il me semble néanmoins nécessaire de bien mesurer que lorsqu’une banque – la SFIL ou d’autres, parce cet amendement concerne potentiellement toutes les institutions bancaires et non la seule SFIL – propose un accord à une collectivité territoriale, il faut donner les moyens à celle-ci de pouvoir discuter objectivement de la facture qu’on lui présente ; tel est le sens de cet amendement.
J’insiste d’autant plus que la loi prévoit déjà qu’une banque qui souhaite passer un accord avec une collectivité peut très bien le faire pour un seul ou pour plusieurs produits sans qu’il y ait aucune obligation de demander à la collectivité de rembourser la totalité de ses emprunts structurés. Or on observe que cela ne se passe pas toujours ainsi : du fait du rapport de force existant, la banque exige le traitement de tous les emprunts, ce qui pousse ces collectivités à s’endetter, parfois à l’excès.
C’est la raison pour laquelle cet amendement, même si je veux bien admettre que sa rédaction est imparfaite, me semble tout de même intéressant. Le dispositif qu’il prévoit permettrait en effet aux collectivités d’exiger un calcul limpide du montant et du coût de financement de l’IRA proposés par la banque. Il existe tout de même aujourd’hui des taux de référence standardisés pour le refinancement sur les marchés monétaires et financiers, ce qui permettra aux collectivités de fonder leurs estimations sur un étalon objectif.
M. le président. L'amendement n° I–49, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
pour refinancer l’indemnité de remboursement anticipé au titre de laquelle l’aide du fonds est versée et le capital restant dû associé
La parole est à M. le rapporteur général.