M. Didier Guillaume. Il va venir !
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, du côté des recettes, nous aurions souhaité vous voir afficher beaucoup plus d’ambitions dans la lutte contre l’évasion fiscale et l’optimisation fiscale des grands groupes, comme nous y invite désormais l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE.
Certains amendements tendant à aller dans ce sens ont certes été adoptés lors du débat à l’Assemblée nationale.
Mme Nathalie Goulet. Voilà une bonne chose !
M. Éric Bocquet. Espérons cette fois que ces dispositions ne seront pas invalidées par le Conseil constitutionnel à la veille des fêtes de fin d’année, comme ce fut le cas il y a deux ans.
M. Didier Guillaume. Ce serait bien regrettable !
M. Éric Bocquet. Vous choisissez de maintenir le cap d’une politique qui anémie l’économie. La dette est devenue la clef de voûte de toutes les actions menées au sein de l’Union européenne. Ce sujet mériterait sans doute d’être travaillé par le Parlement, afin que soient analysées l’origine et la structure de la dette.
Pourtant, nos dépenses sont désormais contenues. Elles ne croissent quasiment plus en volume, alors qu’elles augmentaient de 2,4 % par an entre 2002 et 2010. Le plan de 50 milliards d’euros d’économies, même si certains, sur ces travées, préconisent de faire deux ou trois fois plus d’économies, pérennise davantage encore cette tendance.
En 2016, l’effort atteindra 16 milliards d’euros, soit encore plus que prévu dans la loi de programmation des finances publiques. Il concernera tant l’État que la sécurité sociale et les collectivités territoriales, au sujet desquelles ma collègue Marie-France Beaufils s’exprimera plus spécifiquement dans la suite de notre débat.
Au sein du budget de l’État, par exemple, l’emploi, le logement, l’agriculture et l’écologie verront leurs moyens diminuer au mépris des besoins qui se font jour.
La politique de rigueur a constamment pesé sur la demande et la croissance de l’activité, à hauteur de 1 % tous les ans d’après l’OFCE.
Il faut suspendre le programme d’économies de 50 milliards d’euros, mettre fin au gel du point d’indice de la fonction publique, engager un plan de transition écologique et donner aux collectivités territoriales les moyens d’investir. Seule la croissance est une garantie de solvabilité, comme vient de le rappeler l’agence Moody’s en dégradant la note de la France.
Cette dernière année pleine du quinquennat aurait également dû être l’occasion de lancer la grande réforme fiscale, promise un temps par le chef de l’État, amorcée, remisée et finalement enterrée.
Cette réforme fiscale, si nécessaire à la justice sociale et au pouvoir d’achat des couches populaires, serait de surcroît un atout pour la relance économique.
Manipuler les tranches d’imposition et la décote année après année ne suffira jamais à faire une vraie réforme fiscale. Comme si la vocation de la gauche était de baisser l’impôt sur le revenu dans le bas du barème et celle des libéraux de supprimer la tranche d’imposition la plus élevée !
Le chantier à ouvrir, c’est celui d’une plus grande progressivité, d’une plus grande équité. Surtout, il faut veiller à ce que nul ne s’affranchisse de l’impôt sous prétexte de « matraquage fiscal ». Sans ces trois conditions, il ne peut y avoir de consentement à l’impôt, et sans consentement à l’impôt, il ne saurait y avoir d’édifice républicain stable.
Dans la période tragique que nous traversons, l’impôt citoyen prend un sens tout particulier.
La tendance historique à la diminution du nombre de tranches d’imposition, passant en deux décennies de quatorze à cinq, va à l’encontre de la progressivité de l’impôt sur le revenu. Nous avons besoin d’un impôt universel et progressif, formant la colonne vertébrale de notre système fiscal, chacun acquittant l’impôt en fonction de ses facultés contributives.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est aux lois de finances que l’on juge les choix politiques d’un gouvernement. Or ce budget n’est pas un budget de changement. À travers nos amendements, nous vous aiderons à infléchir vos choix. Surprenez-nous ! Cela aidera également à éviter le pire dans les urnes au mois de décembre prochain.
M. Philippe Dallier. Ah !
M. Thierry Foucaud. Tout à fait !
M. Éric Bocquet. Faites la preuve que des choix politiques peuvent améliorer la vie des gens. Il est urgent de redonner de l’espoir à nos concitoyens, qui, hélas !, vont parfois jusqu’à désespérer de la République et des modestes représentants que nous sommes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Thierry Foucaud. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est la première fois que je prends la parole dans cet hémicycle depuis ce vendredi 13 novembre. Veuillez m’en excuser, mais c’est encore pour moi un exercice assez difficile.
Le deuil suspend le temps, et la souffrance ajourne les controverses. Comment peut-on débattre dans le sang tout juste versé, les blessures encore ouvertes et la douleur qui, toujours, nous traverse ?
Pourtant, la démocratie est là, qui nous attend. Exprimer le pluralisme, organiser le dialogue, fonder la prise de décisions : voilà un remède à la violence que nous ne pouvons délaisser.
L’exemple à ne pas suivre nous a toutefois, et malheureusement, été donné dans une autre enceinte…
Mes chers amis, mes chers collègues, soyons plus que jamais à la hauteur de la réputation de sagesse dont jouit la Haute Assemblée. Puissions-nous simplement nous rappeler, quand nous confrontons nos divergences, que nous avons le devoir, tous ensemble, de concourir dignement au débat démocratique.
Toutes et tous, dans cette assemblée, nous avons d’ailleurs témoigné notre profonde admiration aux forces de sécurité et aux personnels hospitaliers de notre pays, à tel point qu’une unanimité semble s’être formée pour réclamer davantage d’effectifs dans ces services.
Aujourd’hui, je nourris l’espoir que, sur toutes les travées, nous osions, même timidement, louer les vertus de la dépense publique. Ayons le courage de la cohérence : la dépense publique et, à travers elle, l’impôt qui la nourrit ne sont pas qu’un problème. Ils sont aussi, lorsqu’on a un besoin vital des services qu’ils financent, un formidable soutien.
En la matière, le débat qu’il nous faut avoir, c’est celui de l’efficacité de cette dépense qu’il convient d’aborder précisément, au cas par cas. Bien sûr, dans un second temps, on peut s’interroger sur son niveau, mais présenter exclusivement la dépense publique comme une charge, qui plus est trop élevée, revient à esquiver le véritable débat politique sur les services : souhaite-t-on conserver les services publics ou les abandonner au secteur marchand ?
Bien sûr, la dette nous obère, mais il ne faut pas se méprendre sur ses causes. Il est toujours utile de rappeler ici que, depuis l’introduction de l’euro et jusqu’en 2008, la dette de la zone euro était stable, autour de 70 % du PIB. Entre 2008 et aujourd’hui, elle est passée à environ 90 % du PIB dans cette même zone euro, et à 96 % en France.
Le surcroît de dette publique postérieur à la crise est donc largement imputable au système financier, et non pas à la seule dépense publique.
M. Éric Bocquet. Très bien !
M. André Gattolin. Si d’indéniables progrès ont été réalisés au niveau européen en matière de régulation bancaire, il n’est toutefois pas acceptable que nous entravions la directive Barnier ou la mise en place de la taxe sur les transactions financières dans le seul but de préserver une industrie bancaire aux lourdes responsabilités.
M. Éric Bocquet. Tout à fait !
M. André Gattolin. Pour le reste, une part importante du stock de la dette résulte du système économique dominant. Fondé sur une expansion supposée sans limites, ce système consiste à emprunter aujourd’hui ce que l’on croit pouvoir générer demain.
Or, on le sait maintenant, la mécanique s’enraye.
La croissance économique se heurte à des limites physiques dures, comme la déplétion des ressources ou la crise climatique, tandis que la dette, économique comme écologique, s’accumule.
Il est assurément moins facile de changer ce modèle que d’encadrer le secteur bancaire. Comme pour la misère du monde, la tâche est globale, mais chacun doit y prendre sa part.
La COP 21 est, de ce point de vue, un événement majeur. Sa tenue à Paris est pour notre pays une grande opportunité, appelant de notre part pédagogie et exemplarité.
Malheureusement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a opéré un choix quelque peu déroutant, en choisissant d’exclure du projet de loi de finances toutes les mesures de fiscalité écologique que nous attendions.
Certes, c’est une habitude ancienne que de dévoyer le projet de loi de finances rectificative en en faisant la voiture-balai des mesures que l’on n’a pas préparées à temps pour le projet de loi de finances. Mais, en l’occurrence, il nous paraissait évident que, en raison de la concomitance parfaite de la discussion du projet de loi de finances avec la COP 21, ces mesures écologiques devaient devenir le thème central – au moins cette année – de notre débat budgétaire.
Nous ne pouvons donc qu’être extrêmement déçus, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de voir la transition écologique interdite de débat budgétaire et reléguée à l’examen du projet de loi de finances rectificative : du fait des contraintes de calendrier, ce dernier est généralement expédié par le Sénat en deux jours.
En revanche, et en dépit de ce manque, il me faut signaler, non sans une certaine satisfaction, la première parution du rapport annuel sur les nouveaux indicateurs de richesse. Ce document traduit la proposition de loi de notre collègue députée Eva Sas, que nous avions adoptée au Sénat en avril dernier.
Le nombre et la définition des indicateurs sont évidemment toujours discutables. Toutefois, c’était le parti pris de cette proposition de loi d’en déléguer le choix à France Stratégie et au Conseil économique, social et environnemental, après une grande consultation.
Cette démarche collective permet, je le crois, de susciter autour de cette vision novatrice de la politique économique une adhésion plus large que si nous avions d’emblée tout figé dans la loi.
Au-delà de la définition des indicateurs et de l’analyse de leur évolution, c’est évidemment l’usage susceptible d’en résulter qui constituait le point central de la proposition de loi. Celle-ci dispose en effet que le rapport doit présenter « une évaluation qualitative ou quantitative de l’impact des principales réformes » sur les indicateurs.
Si le rapport contient bien, conformément à la loi, de brefs paragraphes intitulés « impact qualitatif et quantitatif » sur les indicateurs de quelques-unes des réformes importantes de l’année, force est de reconnaître que le contenu de ces paragraphes – sans doute du fait d’une certaine précipitation –, qui s’apparente à de simples postulats généralistes, n’est pas totalement éclairant.
Par exemple, au paragraphe consacré à la baisse de cotisations des entreprises, on se borne à constater qu’une telle mesure devrait relancer l’activité.
En ce qui concerne l’impact de cette même mesure sur les émissions de carbone, les auteurs du rapport indiquent pour toute analyse : « À technologie inchangée, toute mesure favorable à l’activité implique […], nécessairement, une hausse des émissions de gaz à effet de serre ». Évidemment, il serait intéressant d’aller un peu plus loin.
C’est en effet lorsque l’analyse des indicateurs permettra véritablement d’influer sur les choix de politiques publiques que l’on pourra considérer que l’objectif de notre proposition de loi aura été atteint.
Toutefois, je dois le dire, ce document a déjà l’immense mérite d’exister. Pour citer M. le Premier ministre, dans son éditorial : « La publication de ce rapport n’est pas un aboutissement, mais un point de départ. » Merci, et à bon entendeur, salut !
À nous, donc, de nous saisir de ce rapport pour susciter le débat et en faire petit à petit un outil incontournable d’évaluation et d’élaboration des politiques publiques.
Il manque néanmoins un dernier élément, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour que la société civile et, bien sûr, le Parlement puissent pleinement jouer leur rôle : il s’agit de l’intelligibilité des documents budgétaires.
Le projet de loi de finances et ses documents annexes occupent chaque année plus d’un mètre linéaire de rayonnage et, pourtant, il est encore impossible d’y trouver la réponse à ces questions simples : quel est le niveau consolidé et quelle est l’évolution réelle de nos engagements budgétaires, par exemple en matière d’écologie ?
Pour rester sur cet exemple, on peut comprendre qu’il soit régulièrement nécessaire de procéder à des changements de périmètre des missions, mais pourquoi ne pas fournir alors les clés de conversion permettant de les neutraliser d’une année sur l’autre ? Je ne peux pas croire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que l’administration n’en dispose pas.
Pourquoi, lorsque vous proposez, par exemple, une réforme de l’impôt sur le revenu, ne dispose-t-on jamais, dans l’étude d’impact, de quelques données agrégées sur la ventilation des foyers fiscaux entre les différentes tranches ? Cela nous permettrait de chiffrer les propositions alternatives qui seraient formulées en réponse à celle du Gouvernement...
Le succès du petit ouvrage de Thomas Piketty, intitulé Pour une révolution fiscale, a en partie reposé sur la mise en ligne par l’auteur d’un petit logiciel très simple, permettant de simuler, avec quelques curseurs, sa propre réforme fiscale.
Sans aller jusque-là, il me semble que le Parlement devrait pouvoir, dans la plupart des cas, disposer des sources permettant d’assurer la reproductibilité, et donc l’analyse des raisonnements de l’administration de Bercy.
Car, au-delà des slogans ou des communications affichés, ce qui est en jeu, c’est la lisibilité et la compréhension des choix budgétaires ; il y va tout simplement de la démocratie.
Parlant de ce projet de loi de finances, monsieur le ministre, vous aviez annoncé : « La surprise, c’est qu’il n’y a pas de surprise » ! Face aux mêmes choix du Gouvernement, les écologistes afficheront donc, sans surprise, les mêmes avis.
Quant au vote final, nous nous prononcerons sur la base du texte tel qu’il aura été modifié par le Sénat. (Mmes Nathalie Goulet et Marie-France Beaufils, ainsi que M. Éric Bocquet, applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la loi de finances pour l’année 2016 sera sans doute, symboliquement, la plus importante de ce quinquennat, et ce à plusieurs titres.
Tout d’abord, ce texte est examiné dans un contexte dramatique, celui de la série d’attentats les plus meurtriers jamais commis à Paris, qui a fait prendre conscience à tous les Français que notre pays était en guerre, ou plutôt que certains lui faisaient la guerre.
Oui, cette triste réalité appelle des réponses fortes en matière de sécurité, mais aussi en termes budgétaires. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous nous trouverez à vos côtés pour cela.
Ce budget est également important parce qu’il devrait répondre à la crise économique qui dure anormalement en France, alors que beaucoup de nos voisins s’en sortent mieux que nous.
Enfin, ce budget est celui de la dernière année pleine du quinquennat et, de ce fait, il nous permet d’ores et déjà d’avoir une vision assez claire de ce que sera le bilan de ces cinq années au niveau économique et financier. Je crains malheureusement, mes chers collègues, que la formule qui qualifiera le mieux ce quinquennat ne soit : « À la recherche du temps perdu ». (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.)
En théorie, il vous reste, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, un an et demi utile pour agir. Mais, en réalité, en décomptant la campagne présidentielle, il vous reste un an, c’est-à-dire l’année 2016.
Ce projet de budget aurait donc dû être celui de l’accélération des réformes et du redressement. Or il n’en est rien. Son contenu est plus que décevant et les objectifs que vous vous assignez restent bien modestes. Comme l’ont rappelé deux orateurs avant moi, en ouvrant la conférence de presse pour présenter votre budget, monsieur le ministre, vous avez en effet déclaré : « La surprise de ce projet de loi de finances, c’est qu’il n’y a pas de surprise » ! Malheureusement, nous le constatons avec vous. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Après une baisse quasi nulle du déficit public en 2014, le déficit ne sera probablement réduit en 2015 que de 0,2 point, pour atteindre 3,8 % du PIB.
Pour 2016, vous visez un déficit de 3,3 % du PIB, alors que l’objectif était, je le rappelle, de 0,6 % dans la loi de programmation votée en 2012, c’est-à-dire un taux 5,5 fois supérieur à ce que prévoyait à l’époque le candidat François Hollande.
En quatre ans, le déficit public n’aura donc été réduit que de 1,6 point de PIB, alors que, sous le précédent quinquennat, entre 2009 et 2011, au plus fort de la crise, nous l’avions réduit de 2,3 points de PIB.
M. Daniel Raoul. Comment ?
M. Philippe Dallier. Reconnaissez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que les objectifs que vous vous fixez sont bien faibles, alors même que votre gouvernement a eu la chance de ne devoir encaisser aucun choc comparable à la crise de 2009.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est sûr !
M. Philippe Dallier. De plus, puisqu’il faut bien se comparer, je rappelle qu’en Allemagne les comptes étaient à l’équilibre déjà depuis l’an dernier et seront en excédent cette année, alors qu’avec 3,8 % de déficit en 2015 la France se situera toujours en queue de peloton de la zone euro.
Tout cela, c’est la conséquence du temps perdu en 2012 et en 2013, avant que le Président de la République comprenne enfin que la croissance ne reviendrait pas toute seule,…
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Philippe Dallier. … qu’il comprenne enfin la nature de cette crise, qu’il fasse enfin de la compétitivité de nos entreprises un objectif majeur, bref, avant qu’il décide de changer de politique.
Seulement voilà, comme trop souvent, il y a le discours et il y a les actes.
Les engagements pris pour améliorer la compétitivité de nos entreprises ne seront pas respectés en 2016. Monsieur le ministre, vous avez affirmé que vous teniez absolument vos engagements, mais vous décalez au 1er février la baisse des charges que vous aviez promise aux entreprises au 1er janvier.
M. Michel Sapin, ministre. J’avais promis 9 milliards d’euros de baisses de charges, et j’ai tenu parole !
M. Philippe Dallier. Cela vous rapporte quelques centaines de millions d’euros, mais ce n’est pas une très bonne idée.
Votre budget pour 2016 est bâti sur une prévision de croissance de 1,5 %, ce qui est, nous le reconnaissons, plutôt raisonnable. Elle rejoint d’ailleurs le consensus des économistes.
Néanmoins, la croissance française demeurerait ainsi inférieure à la moyenne de la zone euro, prévue à 1,8 %, et même à 2 % dans l’Union européenne.
Elle est en outre, pour une part significative, due à des facteurs exogènes pourtant très favorables à un redressement de l’activité qui ne se produit pas : baisse du prix du pétrole, baisse de l’euro, politique d’achats d’actifs par la Banque centrale européenne, taux d’intérêt toujours extraordinairement bas. Pourvu que cela dure…
Malgré tout cela, la dette publique continue de grimper, elle avoisine les 97 % du PIB et a allègrement dépassé les 2 000 milliards d’euros.
Avec un taux prévisionnel de 55,1 % du PIB en 2016, le taux de dépenses publiques en France demeurera le plus élevé de l’Union européenne, après celui de la Finlande.
Non, la dépense publique ne décroîtra pas en 2016, vous en limitez simplement la hausse et l’objectif de la contenir à 0,3 % en volume, contre 0,9 % en 2015, ce qui constitue effectivement une amélioration, comporte cependant « des risques significatifs » et est jugé « particulièrement ambitieux » par le Haut Conseil des finances publiques.
Même la rapporteure générale socialiste du budget à l’Assemblée nationale, Valérie Rabault, a émis des doutes. Sur les 16 milliards d’euros d’économies annoncées, 3,5 milliards d’euros reposent sur les collectivités locales. Ces économies-là, vous les ferez d’autant plus, évidemment, qu’elles nous sont imposées, avec des conséquences sur l’investissement des collectivités locales et donc sur l’activité économique.
Est-ce un si bon calcul ? Nous sommes nombreux à penser que non, sur quelque travée que nous siégions.
En outre, 7,4 milliards d’euros reposent sur l’assurance maladie et les régimes sociaux. Resterait donc un effort de l’État de 5,1 milliards d’euros, mais seuls 2,3 milliards sont documentés, soit moins de la moitié.
À cela s’ajoute l’annonce de nombreuses dépenses nouvelles depuis plusieurs mois - le service civique, les contrats aidés, les aides agricoles, l’aide aux migrants, l’hébergement d’urgence - sans que les économies prévues pour les financer aient été portées dans leur intégralité à la connaissance du Parlement, ni dûment documentées, comme l’a reproché le Haut Conseil des finances publiques.
Cela s’explique sans doute par le fait que ces mesures seront financées par le déficit que l’on pourrait laisser filer ou par des coups de rabot durant l’année, autant d’éléments toujours assez difficiles à supporter, tant par les services de l’État que par les agences ou les collectivités locales.
Nous le craignons d’autant plus que, à l’approche de l’échéance de 2017, les annonces se multiplient, annonces dont les conséquences budgétaires seront pour la plupart à prendre en charge par vos successeurs.
Le plus bel exemple figure dans ce projet de loi de finances et coûtera 5 milliards d’euros à l’État et aux collectivités locales : il s’agit de la revalorisation des régimes indemnitaires des fonctionnaires, dont la montée en charge portera ses effets – ce doit être un hasard – en 2017, 2018 et 2019…
On annonce la décision, cela fait plaisir à une partie des électeurs, et on renvoie le financement à plus tard... C’est très commode. Bon courage à ceux qui prendront la suite et auront à en assumer les conséquences ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Ce sont surtout les Français !
M. Philippe Dallier. Pourtant, monsieur le ministre, nous allons déjà devoir trouver les moyens financiers pour assumer les créations de postes, que nous approuvons, rendues nécessaires pour répondre aux défis lancés par la guerre que nous mènent les terroristes djihadistes.
De la même manière, il nous faudra bien trouver le moyen d’inscrire enfin à leur niveau prévisible le coût des opérations extérieures, ces OPEX qui vont, à l’évidence, durer et s’intensifier. C’est absolument nécessaire, bien sûr, et il nous semble possible de le faire sans dégrader encore le solde de nos comptes publics.
Les créations de postes représentent un coût de 250 millions d’euros par an. Il faut prendre en compte les coûts d’équipement, puis, pour les OPEX, 600 ou 700 millions d’euros. Le coût total atteindra peut-être un peu plus de 1 milliard d’euros en année pleine.
M. Philippe Dallier. Sommes-nous incapables de trouver cette somme sans pour autant envisager de laisser filer le déficit ? Nous pensons le contraire. Nous devons conserver pour objectif le respect de nos engagements en la matière.
Des économies, nous vous en proposons ! Notre rapporteur général, dont je tiens à saluer la qualité du travail (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.), les a fait adopter par la commission des finances. Elles se montent à 5 milliards d’euros cette année, malgré les marges de manœuvre très limitées que nous réservent la Constitution et la LOLF.
M. Didier Guillaume. Il manque 95 milliards d’euros !
M. Philippe Dallier. Ces économies permettront non seulement d’améliorer le solde budgétaire, de financer nos propositions en matière de fiscalité des ménages et des entreprises et en faveur des collectivités, mais aussi de financer les mesures que le Président de la République a annoncées au Congrès.
Il est maintenant presque certain que la France ne respectera pas l’objectif de passer sous la barre des 3 % de déficit en 2017.
M. Philippe Dallier. Puissiez-vous avoir raison, monsieur le ministre !
En tout cas, personne ne pourra sérieusement mettre cet échec sur le compte de la réaction aux attaques terroristes. Je rappelle d’ailleurs que cet objectif avait été fixé en 2012 par le candidat François Hollande à l’année 2013 ! Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Nous le voyons, le bilan du quinquennat sera assurément mauvais.
M. François Marc. Attendez donc, avant de l’affirmer !
M. Philippe Dallier. La France n’aura pas respecté ses objectifs, elle aura repoussé les échéances d’année et année. La comparaison avec nos voisins européens n’est pas à notre avantage et les perspectives que vous annoncez ne sont guère enthousiasmantes.
On constatera avec le recul que le Président de la République aura mis beaucoup de temps à se forger une opinion dans presque tous les domaines et aura sans cesse changé de position. Voilà le problème essentiel de ce quinquennat !
M. François Marc. C’est donc cela, l’union nationale ?
M. Philippe Dallier. Ce manque d’anticipation, voire de conviction, a fait perdre beaucoup de temps à la France. Si certaines positions vont désormais dans le bon sens, elles demeurent, je l’ai dit, insuffisantes ou mal ciblées.
Lors de cette discussion, nous vous proposerons un certain nombre de dispositions. Je forme le vœu que le Sénat les accepte, car je suis certain qu’elles sont de nature à faire évoluer le budget dans le bon sens, bien plus, en tout cas, que ce que vous nous promettez ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Guillaume. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tous les orateurs précédents l’ont dit, la discussion de ce budget s’ouvre dans un contexte politique et international compliqué. L’union nationale, l’unité nationale, la concorde nationale que, les uns et les autres, nous appelons de nos vœux, est essentielle. L’image que nous devons donner à nos concitoyens dans tous nos débats doit donc être d’une tout autre qualité que celle qui a été donnée mardi dernier, dans une autre enceinte.
M. Philippe Dallier. Alors, gardez-vous des provocations !