M. Philippe Dallier. C’est sûr !
Mme Michèle André, présidente de la commission des finances. Pour autant, il est évident que, en amont de la préparation du présent projet de loi de finances, tous les protagonistes de la réforme n’ont pas joué le jeu de la concertation. En conséquence de cette inertie, le projet de loi de finances comprend un dispositif dont personne n’avait pu préalablement mesurer les effets, faute d’avoir analysé toutes les idées et d’avoir réalisé suffisamment de simulations.
Monsieur le secrétaire d’État, je me souviens de l’engagement que vous aviez pris ici même de faire tester toutes les simulations. Je crains que tout le monde n’ait pas suivi cet engagement, ce que je regrette véritablement !
Nous avons désormais un rendez-vous à la fin du premier semestre de 2016. D’ici là, mes chers collègues, je peux vous assurer, du haut de cette tribune, que la commission des finances s’attachera – le rapporteur général et moi-même y veillerons – à mettre en place un dispositif de suivi de la réforme dès le début de l’année prochaine. Nos deux collègues rapporteurs spéciaux, Claude Raynal et Charles Guené, travaillent déjà sur ce sujet, travail dont je ne doute pas des effets.
Cela dit, le contretemps en matière de DGF ne doit pas nous faire perdre de vue que l’on trouve partout dans ce projet de budget la traduction des réformes engagées depuis 2012, dont l’effet cumulé d’ici à 2020 est estimé à 5 points de produit intérieur brut.
Réforme du droit du travail, réforme territoriale, transition énergétique, simplification administrative qui procure aux agents économiques des économies évaluées à 3,3 milliards d’euros, prime d’activité, loi Macron : la liste est longue et les effets seront durables !
Ces marges de manœuvre pour agir, nous les devons à la crédibilité de la gestion de nos finances publiques qui assure la soutenabilité de notre endettement : les marchés prêtent aujourd’hui à notre pays à des taux proches de ceux de l’Allemagne.
Nous enrayons la spirale de la dépense publique en infléchissant son dynamisme spontané dans des proportions jamais atteintes. Nous envoyons des messages lisibles : le temps des ajustements par le biais de la hausse des prélèvements obligatoires est terminé !
C’est cela qui nous permet d’alléger les prélèvements sur les entreprises de 40 milliards d’euros dans le cadre d’un pacte de responsabilité sans précédent.
C’est cela qui nous permet d’alléger l’impôt sur le revenu des classes moyennes et des plus modestes de près de 5 milliards d’euros en deux ans ; 8 millions de foyers fiscaux bénéficieront de la mesure inscrite dans le présent projet de loi de finances, parmi lesquels 3 millions de foyers qui n’avaient pas bénéficié de la mesure prise l’année dernière.
C’est cela qui nous permet de redresser nos comptes publics sans verser dans l’austérité.
C’est cela qui nous permettra, si besoin, d’ajuster notre trajectoire budgétaire pour que nos forces de souveraineté puissent rapidement reconstituer puis amplifier leurs moyens d’action. Je dis bien « ajuster notre trajectoire », car, bien sûr, elle ne peut être remise en cause !
C’est cela qui nous aidera à peser en Europe pour ne pas perdre de vue l’essentiel. La gouvernance budgétaire et les règles communes sont nécessaires lorsque des États partagent une même monnaie, la situation de la Grèce nous le rappelle tous les jours – vous me permettrez d’ailleurs, mes chers collègues, de saluer l’engagement déterminé de M. Sapin pour défendre, au nom de la France, le maintien de la Grèce dans la zone euro. Mais ces règles et cette gouvernance doivent être mises au service des deux objectifs que l’Europe est appelée à atteindre : la sécurité et la croissance.
Aujourd’hui, pour reprendre les mots de Victor Hugo – quoi de plus naturel, dans cet hémicycle, que d’invoquer ce visionnaire de la problématique européenne ? –, il faut « relever la France, avertir l’Europe. Oui, la cause de l’Europe, à l’heure qu’il est, est identique à la cause de la France. »
Dans ce contexte, ce projet de budget, tel qu’il nous arrive de l’Assemblée nationale, me semble servir au mieux les intérêts de notre pays. Naturellement, vous le comprendrez, je le soutiendrai. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
La parole est à M. Yvon Collin. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur certaines travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons le présent projet de loi de finances dans un contexte particulier et, surtout, tragique, à la suite des attentats survenus le 13 novembre dernier à Paris.
Devant le Congrès, le Président de la République a déclaré : « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. » Je le dis d’emblée, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, bien que les membres du RDSE aient toujours plaidé en faveur de la maîtrise de tous les déficits publics, vous aurez leur soutien.
La gravité de la situation impose effectivement une réaction exceptionnelle. Oui, nous devons redimensionner notre outil de défense et de sécurité à la hauteur des nouvelles menaces. Alors oui, il nous faudra assumer le nécessaire surcroît de dépenses pour augmenter les moyens du renseignement, de la défense, de la gendarmerie, des douanes et de l’administration pénitentiaire.
C’est évident, cela ne sera pas sans conséquence sur la trajectoire de nos finances publiques, et l’objectif d’un déficit ramené à moins de 3 % du PIB d’ici à 2017 ne sera probablement pas tenu. Dans ce nouveau cas de figure, il nous faut toute la compréhension de Bruxelles. À l’heure où nous parlons, il semble d’ailleurs que nous l’ayons. Tant mieux, car, de toute façon, il ne peut en être autrement !
À cet égard, je rappelle que le pacte de stabilité et de croissance n’est pas un carcan, n’est pas indépassable, comme on peut parfois l’entendre. En effet, il prévoit une certaine flexibilité.
Selon la procédure pour déficit excessif, dont les modalités sont mises en œuvre par le règlement n° 1467/97 du Conseil européen, un déficit peut ne pas être excessif, mais être considéré comme exceptionnel et temporaire. Toutefois, il faut pour cela qu’il soit le fruit d’une « circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l’État membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière de ses administrations publiques ».
Nous y sommes, hélas ! Notre pays a fait l’objet d’un acte de guerre qui nécessite en retour un véritable effort de guerre.
Pour le moment, nous ne savons pas comment les nouvelles dépenses seront réparties entre les années 2016 et 2017. Mais je ne doute pas un seul instant que la commission des finances sera vigilante sur le principe de l’affectation exclusive des nouveaux moyens à la lutte contre le terrorisme. C’est un impératif pour garantir la crédibilité de nos engagements européens.
En attendant de connaître le détail des amendements gouvernementaux au projet de loi de finances pour 2016, nous devons commencer l’examen de ce texte à la lumière d’un équilibre général empreint, de facto, d’une certaine caducité.
Néanmoins, je souhaite faire part de ma position et de celle de mon groupe sur les orientations budgétaires jusque-là définies. En effet, si l’on peut regretter d’être contraint de laisser filer le déficit, on peut au moins se satisfaire des efforts d’assainissement des comptes publics qui ont été entrepris, avec un objectif initial d’un déficit ramené à 3,3 % du PIB en 2016.
C’est bien parce que des efforts ont été réalisés au cours de ces dernières années que l’on peut lâcher du lest dans les circonstances actuelles.
M. Didier Guillaume. Exactement !
M. Yvon Collin. Ainsi, nous étions parvenus depuis trois ans à rétablir une trajectoire des finances publiques plus saine. Depuis 2012, la progression des dépenses publiques, hors crédits d’impôt, a été divisée par deux pour atteindre désormais, en moyenne, 15,5 milliards d’euros. Certes, elle se poursuit, mais dans une proportion bien moindre, ce qui pèse favorablement sur l’ajustement structurel.
À cet égard, je rappelle que cet ajustement ciblé à 0,5 % du PIB en 2016 aurait rempli l’une des obligations du pacte de stabilité et de croissance.
Tout cela va dans le bon sens, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mais je ne m’étendrai pas davantage sur l’équilibre général du projet de loi de finances pour 2016, compte tenu du nouveau cadrage que vous allez nous proposer. Il s’agissait cependant de démontrer que nous sommes entrés dans une ère de responsabilité.
Cette trajectoire de responsabilité est d’autant plus fondamentale que la conjoncture économique peine à s’améliorer nettement. De nombreux indicateurs restent dans le rouge, dont le taux de chômage qui demeure très élevé, autour de 10 %. L’investissement des entreprises ne décolle pas suffisamment, malgré le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité, qui a déjà conduit à 24 milliards d’euros d’allégement de cotisations de charges en 2015.
Au-delà de la reconduite des dispositifs issus de la deuxième année du pacte, le projet de loi de finances tend à compléter le soutien aux entreprises par différentes mesures en faveur des TPE et des PME. Parmi ces mesures, la limitation des effets de seuil permettra de ne pas retirer à ces entreprises le bénéfice d’avantages fiscaux incitant à l’embauche. On ne peut qu’approuver, bien sûr, ces efforts en direction des entreprises, tout en espérant qu’ils finissent par payer davantage.
Mais je souhaite aussi souligner que, aux côtés de l’investissement privé, figure l’investissement public. Or celui-ci, après avoir enregistré une baisse de 8,8 % en 2014, a encore chuté de 6,6 % cette année.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le RDSE ne souhaite pas voir une nouvelle fois les capacités d’investissement des collectivités amputées au-delà du raisonnable. C’est pourquoi nous présenterons des amendements tendant à contenir la baisse des dotations aux collectivités.
Enfin, s’agissant des prélèvements obligatoires, la pause fiscale s’inscrit dans nos propositions. Toutefois nous aurons l’occasion, au cours des débats, de défendre le principe d’une assiette plus large, assortie d’aménagements pour les plus modestes, car c’est un gage de consentement à l’impôt.
Depuis vendredi dernier, notre pays traverse une épreuve difficile. Mes chers collègues, tâchons de trouver la voie la plus consensuelle pour encourager la croissance, tout en répondant au défi de la sécurité, qui nous est une nouvelle fois posé.
Comme depuis le début du quinquennat, la très large majorité des membres du RDSE apportera de nouveau son soutien à la politique économique et budgétaire du Gouvernement. Elle l’a fait hier, elle le fait aujourd'hui, et toujours en s’efforçant d’avancer des propositions par l’intermédiaire du droit d’amendement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de finances brille par son faible, très faible contenu ! Aucune des réformes structurelles indispensables que nous appelons de nos vœux depuis longtemps n’y figure. C’est le statu quo, l’immobilisme élevé au rang de politique nationale ! On a l’impression que la consigne a été : surtout ne rien faire !
Commençons pourtant – une fois n’est pas coutume – par des félicitations.
M. Roger Karoutchi. Pas trop !
M. Didier Guillaume. Attendez la suite !
M. Vincent Delahaye. S’il y a quelque chose qui fonctionne bien à Bercy, c’est le service de la communication ! (Exclamations.) Effectivement, quelle belle communication ! Un budget affichant une baisse du déficit et des impôts, des dépenses maîtrisées, une charge de la dette stabilisée, des engagements tenus…
M. Didier Guillaume. Mais c’est exact !
M. Vincent Delahaye. Franchement, on aimerait y croire… Et je suis même sûr – je le vois dans cet hémicycle – que certains se laissent prendre !
Pourtant, quels enseignements tirer d’un examen plus détaillé de ce projet de budget ?
Tout d’abord, le déficit ne baisse quasiment pas.
On nous parle d’engagements tenus. Sont-ce ceux du Président de la République, qui promettait un retour à l’équilibre en 2017 ? On sait depuis longtemps que tel ne sera pas le cas. Sont-ce ceux du Gouvernement ? En 2012, on nous annonçait un déficit à moins de 0,6 % du PIB en 2016. Le chiffre est passé à 1,2 % en 2013, puis à 2,2 % en 2014 et, aujourd'hui, on se félicite d’un déficit à 3,3 %, considérant les engagements comme tenus.
J’ai le tort et, sans doute, le gros défaut de lire les documents budgétaires : le déficit n’a diminué que de manière très marginale, passant de 4,1 % du PIB en 2013, à 3,9 % en 2014 et à 3,8 % en 2015. Vous admettrez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que ces baisses sont extrêmement limitées.
M. Vincent Delahaye. En 2015, c’est la plus piètre performance de la zone euro !
Mais les pourcentages de PIB n’ont d’intérêt que pour les spécialistes, et le citoyen, lui, doit savoir que, en réalité, le déficit ne baisse quasiment pas. Il passe de 73 à 72 milliards d’euros, et encore c’est avant les nouvelles dépenses annoncées par le Président de la République.
Ce dernier nous a dit, lundi, à Versailles : « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité. » Tout en soutenant la nécessité d’un effort de guerre accru, il est permis de ne pas partager l’opposition factice entretenue par François Hollande entre le militaire et le budgétaire. L’un n’est pas l’ennemi de l’autre.
Donner la priorité à la sécurité des Français, ce devrait être, dans la situation budgétaire désastreuse qui est la nôtre, avoir le courage d’opérer des choix forts, d’effectuer des économies drastiques dans des politiques de l’État, par exemple dans les milliards d’euros consacrés au logement et souvent mal utilisés.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous attendons vos propositions ! J’espère qu’il y aura des amendements sur le sujet !
M. Vincent Delahaye. Attendre du chef de l’État qu’il ne sacrifie pas trop vite le pacte de stabilité au pacte de sécurité, même si, visiblement, cela l’arrange, ce n’est pas manquer de sentiment patriotique, au contraire. Car si elle finance son effort de guerre par plus de déficit et de dettes, la France en sortira économiquement plus faible.
En sus de cette réduction quasiment nulle du déficit, les impôts augmentent, pour ceux qui en payent.
Selon vos prévisions, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la recette d’impôt sur le revenu passerait de 69 à 72 milliards d’euros en 2016, soit une augmentation de près de 3 milliards d’euros, alors que le nombre de contribuables diminue.
Depuis 2010, on constate 25 milliards d’euros supplémentaires d’impôt sur le revenu !
M. Vincent Delahaye. On est si loin des promesses du début du quinquennat !
Neuf Français sur dix seraient épargnés par les hausses d’impôts… Les chiffres de l’INSEE à cet égard sont implacables : en 2014, 19 millions de ménages ont vu leur niveau de vie reculer, soit 80 % des ménages. Qui peut encore prétendre que seuls les riches, ceux que n’aime pas le président Hollande, contribuent au « redressement dans la justice » ?
En réalité, 103 hausses ou créations d’impôts ont été enregistrées depuis le début du quinquennat.
Souvenons-nous, dès le mois de mars 2013, le Président de la République promettait qu’il n’y aurait aucune augmentation d’impôt supplémentaire, après la trentaine de hausses d’impôts, de cotisations et de taxes en tout genre – un matraquage fiscal d’une quinzaine de milliards d’euros qui lui fera dire à l’époque : « c’est beaucoup, donc ça devient trop ! ». Que s’est-il passé ensuite ? Ont été décidés une augmentation de la TVA, un abaissement du quotient familial, une suppression des niches fiscales concernant les enfants scolarisés, une augmentation des cotisations de retraite, etc.
Mes chers collègues, connaissez-vous le niveau d’augmentation des prélèvements obligatoires prévu, en 2016, par le Gouvernement ? L’hémicycle est bien silencieux… Ce niveau – ce sont les chiffres de Bercy – atteint 22 milliards d’euros. Une paille !
En 2016, le Gouvernement envisage de prélever 286 milliards d’euros sur l’économie. Un record historique ! On n’aura jamais prélevé autant sur les forces vives du pays ! En outre, ces prélèvements sont en hausse de 7 milliards d’euros par rapport à 2015. Le hic, c’est que, malgré ces 7 milliards d’euros de recettes supplémentaires, le déficit ne baisse que de 1 milliard d’euros. Cherchez l’erreur !
Ce projet de budget, ce sont aussi des collectivités au pain sec ; des collectivités que l’on étrangle encore davantage.
M. Michel Canevet. Oui !
M. Vincent Delahaye. Souvenons-nous de l’automne 2011. Le gouvernement de l’époque, en annonçant qu’il envisageait de réduire les dotations de 200 millions d’euros, s’était attiré les foudres de l’opposition – vous, chers collègues de l’actuelle majorité gouvernementale : 200 millions d’euros, c’était impensable !
Ainsi, on a abordé la campagne présidentielle de 2012 en assurant que les dotations aux collectivités territoriales ne baisseraient pas. Par son engagement 54, le candidat Hollande promettait de maintenir ces crédits à leur niveau de l’époque.
Pourtant, quelques mois après son élection, le Président de la République changeait d’avis : il annonçait une réduction de 750 millions d’euros, montant rapidement porté à 1,5 milliard d’euros puis, tout aussi rapidement, à 10, à 11 milliards d’euros, pour aboutir à un total de 28 milliards d’euros sur la durée du quinquennat.
Le hic, car là aussi il y a un hic, c’est que l’État procède en 2016 à une économie de 3,7 milliards d’euros aux dépens des collectivités, alors que le déficit ne baisse que de 1 milliard d’euros. Cherchez l’erreur !
L’erreur, c’est bien sûr la dépense publique, qui ne cesse d’augmenter.
Chaque année on nous annonce des économies, mais, dans les faits, les économies, on les cherche ! La plupart sont non documentées, c’est-à-dire non justifiées. Ce ne sont que de fausses économies.
La rapporteure générale socialiste de l’Assemblée nationale l’a reconnu elle-même : elle a déclaré que, en 2015, sur les 18,6 milliards d’euros annoncés au titre des économies, seuls 11,2 milliards d’euros seraient véritablement dégagés.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Elle dit des choses intéressantes, Valérie Rabault !
M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour 2016, les réductions de dépenses proprement dites ne s’élèveraient qu’à 6 milliards d’euros sur les 16 milliards d’euros annoncés.
Bref, les économies, on les cherche ; les baisses d’impôt, on les cherche ; les réformes structurelles, on les cherche également… En définitive, que de temps perdu !
M. Didier Guillaume. Alors, quelles sont vos propositions ?
M. Vincent Delahaye. Hormis le CICE, dont on peut discuter des effets en termes d’emplois et dont l’efficacité est loin d’égaler ce qu’aurait pu apporter une TVA sociale, en faveur de laquelle nous ne cessons de plaider ; hormis le pacte dit « de responsabilité », qui n’a pas rétabli l’équilibre après la création, durant vos premières années d’exercice du pouvoir, de charges fiscales exorbitantes…
M. Vincent Delahaye. Si, monsieur le ministre ! Les chiffres pourraient aisément le démontrer.
Au total, à quoi se résument les réformes engagées ? À rien, ou à si peu…
M. Daniel Raoul. Voyons, soyez honnête !
M. Vincent Delahaye. En tout cas, il ne s’agit pas des vraies réformes structurelles, que j’ai évoquées l’année dernière et dont il a été question à de nombreuses reprises, ici, au Sénat. Elles seules pourtant sont à même de redresser nos finances publiques, de redonner confiance aux acteurs économiques, de faire repartir la croissance et reculer le chômage.
Trois ans et demi se sont écoulés sans réforme d’ampleur, et nous les payons cher. Déjà une élection présidentielle se profile, et l’on en voit les tristes effets dans ce projet de loi de finances, qui se résume à un non-événement. « Surtout, ne rien toucher qui puisse fâcher. » C’est donc cela, le programme ? Encore un an et demi à ne rien faire ? (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Guillaume. Eh bien !
M. Claude Raynal. Ah, bravo !
M. Richard Yung. De tels propos ne font pas honneur au Parlement !
M. Vincent Delahaye. C’est dramatique ! Car, pendant ce temps-là, le monde tourne, le monde avance. Mes chers collègues, chacun de nous le sait pertinemment : quand on n’avance pas, en général, on recule.
M. Richard Yung. C’est ridicule et insignifiant !
M. Vincent Delahaye. Pardonnez-moi de le rappeler, c’est ce qui se passe en Europe et dans le monde.
M. Didier Guillaume. Nous débattons du budget ! Quelles sont vos propositions ?
M. Richard Yung. On attend vos fameux 100 milliards !
M. Vincent Delahaye. Nos propositions ? Nous les avons déjà faites, qu’il s’agisse des 35 heures, des retraites, du code du travail ou de nombreux autres sujets.
On aimerait que ce projet de budget contienne de véritables réformes de fond. Or ce n’est pas ce que l’on observe.
Les sénateurs du groupe UDI-UC examineront avec attention toutes les modifications qui seront proposées au titre du présent projet de loi de finances. D’assez nombreux changements ont déjà été opérés lors de l’examen en commission.
Nous suivrons souvent les avis du rapporteur général et, plus largement, de la commission des finances,…
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Vincent Delahaye. … pour remanier largement ce projet de loi de finances pour 2016 ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre des finances, le 30 septembre dernier, en présentant à la presse le texte qui nous est soumis aujourd’hui, vous avez eu ces mots : « La surprise de ce projet de loi de finances, c’est qu’il n’y a pas de surprise. » (M. Philippe Dallier rit.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ça, c’est sûr !
M. Éric Bocquet. Certes, nous ne pourrons pas vous reprocher une quelconque inconstance dans vos choix budgétaires et économiques…
Avec le Gouvernement tout entier, vous vous inscrivez dans la morne continuité de la réduction de la dépense publique, dans la stricte application de la loi de programmation des finances publiques, dans la droite ligne du dernier traité européen enfanté par Mme Merkel et l’ancien président de la République, texte auquel aucune inflexion n’a été apportée, dont on n’a pas déplacé la moindre virgule. Vous répondez aux recommandations de la Cour des comptes et suivez docilement les avis du Haut Conseil des finances publiques.
Dès lors, que reste-t-il à faire au Parlement pour infléchir ce projet de loi de finances, dont nous aurions pu attendre un léger coup de barre à gauche au titre de la dernière année pleine du quinquennat de François Hollande, très éphémère adversaire du monde de la finance ?
Pourtant, n’y avait-il pas lieu de ménager quelques bonnes surprises à nos concitoyens pour 2016 ? N’y avait-il pas lieu, au regard de l’évaluation du bilan, de procéder à des inflexions sérieuses de vos choix politiques ?
Vous avez opté, nous a-t-on dit, pour la politique de l’offre. Voyons ce qu’en dit l’INSEE.
D’après les enquêtes de conjoncture menées par cet institut, 40 % des entreprises se disent aujourd’hui confrontées à des problèmes de demande, contre 11 % à des problèmes d’offre, 11 % d’entre elles se disant par ailleurs confrontées aux deux phénomènes. À nos yeux, la demande a été par trop négligée ; ces chiffres, d’ailleurs, sont éloquents !
Il aurait été judicieux de procéder, dans l’élaboration de ce projet de budget, à une évaluation sérieuse des mesures décidées dans le but d’alléger les cotisations des entreprises. J’évite délibérément le mot « charges » : pourquoi parlerait-on de « cotisations » pour les salariés et de « charges » pour les entreprises ?
Examinons donc les données relatives à ces allégements.
Selon une étude sérieuse menée par l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, entre 2010 et 2015, les ménages ont payé le prix fort des politiques de réduction des déficits. Mis en œuvre parallèlement, le pacte de responsabilité et de solidarité n’a pas modifié cette tendance de fond.
Les prélèvements obligatoires sur les ménages ont augmenté de 66 milliards d’euros, soit 3,1 % du PIB, alors que ceux qui sont appliqués aux entreprises croissaient de 8 milliards d’euros.
Les prélèvements obligatoires sur les ménages atteindront en 2016 un record historique, représentant 28,2 % du PIB. Pour les entreprises, ce taux s’établira à 16,4 %, un niveau inférieur à ce qu’il était en 2008.
Mes chers collègues, à ce stade, comment ne pas pointer l’écart croissant, dans le projet de budget pour 2016, entre les ressources issues de l’impôt sur le revenu, 72 milliards d’euros, 24 % du total, et celles de l’impôt sur les sociétés, qui va plafonner à 33 milliards d’euros, soit à peine 11 % des recettes du budget de la République ? Ce constat doit tous nous interpeller.
On nous explique régulièrement que les premiers signes de la reprise sont là, qu’ils sont perceptibles. Nous scrutons l’horizon, mais ne voyons pas grand-chose. « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » Et Anne de répondre : « Je ne vois que dividendes qui prospèrent et fortunes qui grossissent. » (Sourires.)
Mme Nathalie Goulet. Joli !
M. Éric Bocquet. Si encore il était certain que ces mesures dégagent de la croissance, de l’investissement, de l’embauche, et enfin un début d’inversion de la courbe du chômage – formule dont je note au passage qu’elle semble avoir désormais disparu des écrans radars…
Le projet de loi de finances pour 2016 budgétise la montée en puissance des aides aux entreprises décidées dans le cadre du CICE et du pacte de responsabilité, ce qui explique largement le fait que le déficit de l’État recule très peu, de 73 milliards d’euros en 2015 à 72 milliards d’euros en 2016, et que les recettes de l’impôt sur les sociétés s’effondrent.
Ces aides bénéficient à des entreprises de plus en plus grandes et prospères. La suppression de la surtaxe de l’impôt sur les sociétés revient, à elle seule, à 2,5 milliards d’euros en 2016 ; elle doit atteindre 4,5 milliards d’euros en 2017 !
Aujourd’hui, on peut dresser ce constat : les marges des entreprises se rétablissent, mais l’effet de ce mouvement sur l’emploi tarde à se faire jour.