Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous comprenons la motivation des auteurs de ces amendements identiques, à savoir une régulation équitable entre les professionnels de santé – sages-femmes, kinésithérapeutes et chirurgiens-dentistes – qui exercent en libéral et ceux qui le font en centres de santé.
Mais cette mesure risque dans les faits d’avoir l’effet inverse. Je prendrai l’exemple des chirurgiens-dentistes pour illustrer mon propos. Aujourd’hui, il peut exister, dans un territoire donné, un nombre important de ces praticiens susceptibles de répondre aux demandes en matière de soins bucco-dentaires. Si nous adoptions les amendements proposés, il serait inutile qu’un centre de santé s’y installe.
Or, vous en conviendrez avec moi, mes chers collègues, la population qui se rend dans les centres de santé pour recevoir des soins dentaires ne peut pas, le plus souvent, aller consulter un chirurgien-dentiste exerçant en libéral, tout simplement du fait des tarifs et de la diversité des actes non opposables et non pris en charge par la sécurité sociale. Elle ne peut guère plus aller en service hospitalier. Il faut savoir qu’il existe, sur l’ensemble du territoire national, 92 postes temps plein d’odontologistes hospitaliers, c'est-à-dire de chirurgiens-dentistes hospitaliers, et que ce nombre atteint 137 seulement, si on inclut les temps partiels.
Au groupe CRC, nous pensons que l’exercice en centres de santé est non seulement complémentaire, mais également alternatif à la pratique libérale et hospitalière. Ma démonstration vaut pour l’ensemble des professionnels visés par l’article.
Ces amendements ne peuvent s’entendre que s’il existait un véritable maillage sur l’ensemble du territoire des centres de santé, au même titre que celui des professionnels de santé libéraux. Or on en est loin ! C’est, me semble-t-il, ce qui a guidé le Gouvernement, soutenu sur ce point par notre groupe, lorsqu’il a reconnu le rôle joué par les centres de santé dans le projet de loi relatif à la santé publique.
Donc, si ce maillage existait, on pourrait parler de régulation démographique complète et équitable. Tel n’étant pas le cas, j’espère que ces arguments permettront de faire évoluer les auteurs de ces amendements, compte tenu des risques que je viens de souligner.
Si les amendements étaient maintenus en l’état, notre groupe ne pourrait pas les voter.
Mme la présidente. Madame Deroche, l'amendement n° 249 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Deroche. J’ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur général sur mon amendement, qui est pour moi un amendement d’appel.
Les distorsions de plus en plus grandes observées entre l’exercice libéral et les autres formes d’exercice constituent aujourd'hui une réelle préoccupation. Nous l’avons assez dit au cours de l’examen du projet de loi relatif à la santé, nous sommes pour un équilibre entre ces deux types d’exercice et nous défendons l’exercice libéral. Je ne voudrais donc pas qu’au fil du temps, par petites touches, on aggrave ces distorsions.
Madame la secrétaire d'État, je vous fais confiance pour veiller à cette question. Je retire donc mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 249 rectifié est retiré.
Monsieur Arnell, l’amendement n° 309 rectifié est-il maintenu ?
M. Guillaume Arnell. Je suivrai ma collègue, et je vais donc retirer cet amendement. Je veux toutefois rappeler ici que la perception du territoire n’est pas la même partout. Il convient donc d’avoir à l’esprit, au cours de nos discussions, la dimension non seulement « centrale », mais également ultramarine.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 309 rectifié est retiré.
L'amendement n° 421, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 45 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 1434-8 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les zones définies au premier alinéa, toute nouvelle installation de médecins est suspendue. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. La désertification médicale que connaissent certains territoires suit une tendance inquiétante depuis plusieurs années. Il s’agit donc d’un sujet important.
Le désert médical n’est ni forcément un territoire dépeuplé ni un territoire enclavé, péri-urbain ou délaissé par les services publics. Un désert médical est tout simplement un territoire dont la population peine à accéder aux soins médicaux comparativement à la moyenne nationale.
À ce titre, notons que 63 % des Français déclarent avoir déjà été au moins une fois dans l’impossibilité de consulter un médecin généraliste ou spécialiste dans un délai raisonnable.
Or les différentes mesures incitatives mises en œuvre pour favoriser l’installation de médecins dans les zones sous-dotées n’ont pas réellement porté leurs fruits. C’est un constat. D’ailleurs, seuls 38 % des Français plébiscitent ce type de dispositions, contre 55 % qui souhaitent que des mesures d’encadrement de l’installation soient prises.
Parmi ces dernières, la limitation de l’installation des médecins dans les zones où ils sont déjà nombreux retient l’adhésion de 29 % des sondés.
Rappelons à ce titre que ce type de dispositifs existe pour d’autres professions de santé. Par exemple, les infirmiers, dans le cadre d’un conventionnement avec l’assurance maladie, ne peuvent s’installer dans une zone sur-dotée que si un infirmier libéral cesse son activité dans cette même zone.
Pour les pharmaciens, l’installation d’une nouvelle officine dans un territoire est conditionnée à une autorisation administrative délivrée par l’agence régionale de santé en fonction du nombre d’habitants.
Nous proposons que ce type de mesures soit étendu aux médecins libéraux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous n’allons pas rouvrir ce débat aujourd'hui. Une discussion est déjà intervenue dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à la santé. À cette occasion, une proposition sénatoriale a vu le jour : que ce soit pour les zones sur-denses ou sous-denses, il doit y avoir négociation conventionnelle entre l’assurance maladie et les médecins.
Je pense que, pour l’heure, c’est la meilleure formule. Elle est susceptible d’apporter une réponse à la question légitime que vous posez, mon cher collègue. Il existe, c’est vrai, un problème d’installation des médecins. Toutefois, le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas le cadre approprié pour rouvrir un tel débat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le Gouvernement ne souhaite pas, à ce stade, remettre en cause la liberté d’installation des médecins sur le territoire.
Mme la ministre de la santé présentera la semaine prochaine de nouvelles mesures qui permettront d’améliorer l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Il est vrai que nous avions largement évoqué cette question dans le cadre du projet de loi relatif à la santé. Le Sénat avait alors proposé une négociation, dans le cadre de la convention qui sera rediscutée en 2016, entre les régimes de sécurité sociale et les URPS, les unions régionales de professionnels de santé.
Dans cette affaire, nous avons cependant oublié une chose : l’installation concerne essentiellement les jeunes médecins, lesquels ne sont pas représentés au sein des URPS, leurs syndicats n’ayant pas été suffisamment puissants pour avoir des élus dans ce cadre. Il faudra donc que, lors de la deuxième lecture du projet de loi relatif à la santé, nous puissions réfléchir à la représentation des jeunes médecins pour ce qui concerne la négociation conventionnelle relative à l’installation.
Mme la présidente. Monsieur Watrin, l’amendement n° 421 est-il maintenu ?
M. Dominique Watrin. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
L’amendement soulève un important problème de fond : celui des inégalités territoriales de santé. À bien y regarder, ce dont souffre notre pays, ce n’est pas d’un manque de médecins. Il est vrai qu’à une époque, le numerus clausus a été fixé à un niveau drastiquement trop bas, ce qui a eu des effets très négatifs dans certaines zones. Mais le problème vient essentiellement de la mauvaise répartition des médecins sur le territoire.
Nous discutons depuis des années de ce sujet précis ; il n’est pas normal que nous n’avancions pas ! En attendant, les inégalités territoriales de santé continuent de s’aggraver, et dans certaines zones particulièrement touchées, les problèmes d’accès aux soins, généraux ou spécialisés, se posent de manière de plus en plus dramatique.
C’est inacceptable ! Les décisions sont toujours reportées à plus tard. Je regrette que Mme la secrétaire d’État n’ait pas pu nous présenter le bilan des mesures incitatives lancées il y a quelques années déjà par Mme la ministre de la santé.
Mme Catherine Deroche. Mais il faut dix ans pour former un médecin !
M. Dominique Watrin. Si ce bilan n’a pas été fait, c’est que les résultats sont très faibles ! On ne peut pas s’en satisfaire. On nous annonce une conférence de presse ou des annonces gouvernementales. J’aurais préféré que celles-ci soient faites ici même, devant la représentation parlementaire. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. M. le président de la commission a rappelé fort à propos que nous avions eu ce débat très longuement au cours de l’examen du projet de loi relatif à la santé, et que le Sénat avait adopté une position très modérée.
Le problème est très complexe : il y a de l’argent public et un service public, qui est confié à une médecine libérale. Or on peut affirmer qu’actuellement ce service public n’est pas rendu : il y a rupture de l’égalité des soins s’agissant non seulement des urgences – nous l’avons évoqué ce matin –, mais aussi du service ordinaire, en semaine et pendant la journée.
Certains patients n’ont même pas de médecin référent ! Quand ils en trouvent un, il peut être à trente kilomètres de leur domicile. S’ils ne peuvent pas se rendre à son cabinet, celui-ci sera obligé de se déplacer, ce qui représente des frais supplémentaires pour la sécurité sociale.
Ce problème très complexe ne pourra être réglé que par la médecine libérale elle-même, quand elle prendra conscience de sa mission de service public. C'est en discutant avec elle que nous parviendrons à une solution.
De nombreux syndicats, en particulier MG France, sont d’accord pour que la dimension territoriale de leur mission soit prise en compte dans la concertation qu’ils souhaitent avoir avec l’État. La grève des médecins d’aujourd'hui est une bonne occasion pour évoquer la question.
Attention, cependant, mes chers collègues, car la désertification médicale est surtout liée au faible nombre d’étudiants – deux sur dix seulement – qui choisissent la médecine générale et deviennent médecins de famille.
Des mesures trop coercitives risqueraient de conduire à diminuer encore ce taux. En voulant combattre la désertification médicale, on risque, au contraire, de l’aggraver, avec pour conséquence un nombre toujours plus faible de médecins généralistes ou de médecins de famille. Nous devons donc être très prudents.
De ce point de vue, la solution de sagesse adoptée par le Sénat au moment de l’examen du projet de loi relatif à la santé allait dans le bon sens, car il faut une concertation. Nous avons besoin d’un Grenelle de la médecine libérale pour rétablir un véritable service public, lequel est actuellement défaillant.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je voudrais dire à M. Watrin que jamais le ministère n’a refusé de faire le bilan des dispositifs d’incitation au motif que leurs résultats ne seraient pas bons.
Sachant qu’il faut dix ans pour former un médecin, et que ces dispositifs n’ont été mis en place qu’il y a quelques années, à destination de nouveaux étudiants dont les études ne sont pas encore aujourd'hui terminées, le bilan est par définition incomplet.
Le résultat sera certainement positif ; laissons à ces dispositifs le temps de produire leurs effets !
Mme la présidente. L'amendement n° 420, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 45 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1434-8 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1434-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1434-8-... – Ce zonage est établi en fonction de critères qui prennent en compte :
« 1° La densité, le niveau d’activité et l’âge des professionnels de santé ;
« 2° La part de la population qui est âgée de plus de soixante-quinze ans ;
« 3° La part des professionnels de santé qui exercent dans une maison de santé ou un centre de santé ;
« 4° L’éloignement des centres hospitaliers ;
« 5° La part des professionnels de santé qui sont autorisés à facturer des dépassements d’honoraires.
« Ce zonage est soumis pour avis à la conférence régionale de santé. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Aux termes de l’article L. 1434-8 du code de la santé publique, le schéma régional d’organisation des soins détermine les zones dans lesquelles le niveau de l’offre de soins médicaux est particulièrement élevé, ou au contraire insuffisant.
Dans les cas où l’offre de soins de premier recours ne répond pas aux besoins de la population, le directeur ou la directrice de l’agence régionale de santé peut proposer aux médecins un « contrat santé solidarité », par lequel ils s’engagent à favoriser l’accès aux soins de la population.
Il est prévu que l’évaluation des besoins soit réalisée trois ans après l’entrée en vigueur du schéma régional d’organisation des soins, suivant des critères définis par arrêtés ministériels.
Nous proposons de fixer dans la loi les critères permettant de délimiter les zones dans lesquelles les besoins de santé ne sont pas satisfaits.
Seraient ainsi pris en compte : la densité, le niveau d’activité et l’âge des professionnels de santé ; la part de la population âgée de plus de soixante-quinze ans ; la part des professionnels de santé qui exercent dans une maison de santé ou un centre de santé ; l’éloignement des centres hospitaliers ; la part des professionnels de santé autorisés à facturer des dépassements d’honoraires.
Le zonage ainsi déterminé serait soumis pour avis à la conférence régionale de santé, qui rassemble les élus locaux et les principaux acteurs du système de santé dans la région.
À l’heure où la majorité de nos concitoyennes et de nos concitoyens estiment qu’on doit faire davantage pour lutter contre les déserts médicaux et que 55 % d’entre eux se disent favorables à un meilleur encadrement des médecins, cette mesure me semble constituer un préalable nécessaire. Elle a l’avantage d’impliquer le législateur et de créer les conditions d’une analyse fine de la situation de l’accès aux soins sur le territoire. Elle constitue un point d’appui pour agir contre les déserts médicaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’avis est défavorable, comme pour l’amendement précédent, et pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 419 rectifié, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 45 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4131-6-... – Dans un délai de trois mois à compter de la délivrance de leur diplôme d’État de docteur de médecine, les médecins désireux d’exercer leurs fonctions à titre libéral en font la déclaration auprès de l’agence régionale de santé de la région dans laquelle ils souhaitent exercer. Ils doivent s’installer pour une durée au moins égale à deux ans dans un territoire sous doté en offre de soins de premier recours.
« Le premier alinéa s’applique également aux médecins titulaires des titres de formation mentionnés à l’article L. 4131-1 et à ceux mentionnés à l’article L. 4131-1-1, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Cet amendement s’inscrit dans la continuité du précédent : il s’agit toujours de lutter contre les déserts médicaux.
Au 1er janvier 2009, selon l’INSEE, la France comptait 101 667 médecins généralistes et 107 476 médecins spécialistes. Pourtant, les missions régionales de santé estimaient en 2012 à 2,3 millions le nombre de personnes vivant dans 643 zones identifiées comme « en difficulté » ou « fragiles » en termes d’accès aux soins.
En effet, les médecins sont inégalement répartis sur le territoire. On compte, par exemple, 419 médecins pour 100 000 habitants en région PACA, contre 260 en région Picardie.
L’accès aux soins est difficile pour de nombreux Français. Les temps de parcours sont, de ce point de vue, éloquents : selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, parue en 2011, 20 % des personnes résidant en Corse, en Limousin, en Bourgogne ou en Auvergne ont plus de trente minutes de trajet pour consulter un spécialiste, et près d’un tiers des femmes résidant en Corse ou en Limousin vivent à plus de quarante-cinq minutes de trajet de la maternité la plus proche.
Ce phénomène tend en outre à s’accentuer : la DREES estime que le nombre de médecins diminuera de 25 % en zone rurale et de 11 % en zone périurbaine d’ici à 2030.
Nous proposons donc d’ajouter aux mesures incitatives existantes un dispositif obligeant tout médecin qui souhaite s’installer en profession libérale à l’issue de sa formation à rejoindre un secteur géographique souffrant d’un nombre insuffisant de médecins, pour une durée minimum de deux ans.
Cette mesure est inspirée des travaux de l’ANEM, l’Association nationale des élus de la montagne, et figure dans deux propositions de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire, déposées en 2011.
Il ne s’agit donc pas d’une mesure coercitive dont l’écho ne se ferait entendre que dans les rangs communistes. Au contraire, cette disposition répond à un besoin réel des territoires, et de nombreux élus venant de différents groupes saluent sa pertinence, comme j’ai pu l’apprécier lors de la dernière réunion du groupe d’études « Développement économique de la montagne » de notre assemblée.
Vous le voyez, nous ne sommes pas cloisonnés à la région parisienne, mais nous étendons notre propos à l’ensemble du territoire, outre-mer compris !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’avis est défavorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Le dispositif proposé ressemble fort au contrat d’engagement de service public, qui a été réformé en 2012 et rendu plus attractif.
Ces contrats sont proposés aux étudiants en médecine à partir de leur deuxième année. Ceux-ci peuvent recevoir une allocation mensuelle de 1 200 euros s’ils acceptent de s’installer en zone sous-dense au terme de leur internat, la durée de leur installation devant correspondre à celle pendant laquelle ils ont touché l’allocation. À ce jour, 1 325 contrats ont été signés, soit une augmentation de 325 % depuis 2012.
Des mesures permettent donc déjà d’améliorer l’attractivité de l’installation en zones sous-denses pour les jeunes médecins.
Par ailleurs, l’ouverture de maisons de santé pluriprofessionnelles en zones sous-dense a montré son efficacité pour maintenir des professionnels de santé sur un territoire, mais aussi pour faire connaître les territoires ruraux aux jeunes internes, via leur accueil dans le cadre de stages – ce qui peut les inciter à revenir. L’objectif est d’atteindre le nombre de 1 000 maisons de santé en 2017 sur l’ensemble du territoire ; 700 ou presque sont déjà ouvertes.
Les mesures récemment prises témoignent donc indéniablement d’un progrès dans la lutte contre la désertification médicale.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, qui ne me paraît pas justifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 422, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 45 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur l’expérimentation d’un financement par l’État et les collectivités territoriales des études de médecine pour les étudiants boursiers en contrepartie d’un engagement à exercer dans les zones sous densifiées du territoire.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Une bourse de 1 200 euros par mois est allouée aux étudiants en médecine s’ils s’engagent à s’installer en secteur 1 dans une zone définie par l’ARS.
Chaque collectivité territoriale possède, par ailleurs, un budget dédié à aider financièrement les étudiants en médecine qui souhaiteraient effectuer un stage ou un semestre dans une zone jugée déficitaire par les ARS.
Pourtant, deux écueils demeurent.
Le premier est le manque de visibilité globale de tels dispositifs. Compte tenu de leur disparité, et faute de rapport du ministère de la santé, il est impossible de mesurer les effets de ces contractualisations sur l’installation de médecins en zones sous-dotées. Nous venons seulement d’obtenir quelques éléments chiffrés.
Nous proposons donc d’inscrire dans la loi le principe de l’évaluation de ces politiques, sous la forme d’un rapport que le Gouvernement remettra sous six mois au Parlement. Il est important d’évaluer ! Il s’agit d’être à la hauteur de nos ambitions s’agissant du redéploiement des médecins, toutes spécialités confondues, sur le territoire.
Le second écueil est l’importante reproduction sociale qui prévaut encore dans les études de médecine.
Les bourses universitaires ne couvrent – imparfaitement d’ailleurs – que les frais d’études, et sont loin d’être à la hauteur du surinvestissement qu’exigent de tels études, tant du point de vue de l’intensité du travail que du point de vue financier. Comment espérer, en effet, réussir un concours d’entrée sans bénéficier, au contraire d’une grande partie des candidats, de cours particuliers, de conditions sociales et d’études favorables ?
Il serait donc souhaitable que les étudiants des milieux populaires puissent disposer d’une aide supplémentaire. Ils pourraient ainsi, à terme, faire bénéficier les territoires sous-dotés, dont ils sont parfois eux-mêmes issus, de leur formation.
Une action ciblée à destination des étudiants boursiers, accompagnée d’un rapport sur les fruits d’un tel dispositif, nous semble donc les meilleurs outils pour lutter contre la désertification médicale.
Enfin, ces dispositifs pourraient avoir des effets pervers. A priori, ceux qui seraient tentés par de telles aides financières sont ceux qui rencontrent des difficultés de financement pour leurs études. Dès lors, une fracture risque d’apparaître entre les médecins les plus favorisés, qui continueront de s’installer où ils veulent, et les autres, qui devront s’établir dans les déserts médicaux.
Par conséquent, selon nous, la réflexion sur la régulation de l’implantation des médecins, qui est déjà engagée, doit être encore plus poussée, afin de soutenir les étudiants issus des classes populaires sans reproduire une sélection sociale qui deviendrait une sélection spatiale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mon avis est défavorable, pour les raisons que j’ai évoquées précédemment.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. En réalité, le Parlement dispose déjà de toutes ces données. Un bilan de la mise en œuvre des contrats figure dans les questionnaires parlementaires présentés chaque année dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Laurence Cohen. Je le retire, madame la présidente !
Mme la présidente. L'amendement n° 422 est retiré.
Article 45 ter (nouveau)
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 162-17-3 est ainsi modifié :
a) La deuxième phrase du premier alinéa du I est complétée par les mots : « et des produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1 » ;
b) Au premier alinéa du II, après le mot : « médicaments », sont insérés les mots : « ainsi que des produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1 » ;
2° L’article L. 165-3 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, la mention : « I. – » est supprimée ;
b) Au début du troisième alinéa, la mention : « II. – » est supprimée ;
3° Après l’article L. 165-4, il est inséré un article L. 165-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 165-4-1. – I. – Le cadre des conventions mentionnées aux articles L. 165-2, L. 165-3 et L. 165-4 peut être précisé par un accord-cadre conclu entre le Comité économique des produits de santé et un ou plusieurs syndicats représentatifs ou organisations regroupant les fabricants ou distributeurs des produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1.
« Sans préjudice de l’article L. 162-17-4, cet accord-cadre prévoit notamment les conditions dans lesquelles les conventions déterminent :
« 1° Les modalités d’échanges d’informations avec le comité en matière de suivi et de contrôle des dépenses de produits et prestations remboursables ;
« 2° Les conditions et les modalités de mise en œuvre, par les fabricants ou distributeurs, d’études, y compris d’études médico-économiques, postérieures à l’inscription des produits et prestations sur la liste prévue à l’article L. 165-1.
« L’accord-cadre prévoit également les conditions dans lesquelles le comité met en œuvre une réduction des tarifs de responsabilité et, le cas échéant, des prix de certaines catégories de produits et prestations mentionnés à l’article L. 165-1 pour garantir la compatibilité du taux d’évolution prévisionnel des dépenses correspondantes avec l’objectif national de dépenses d’assurance maladie mentionné au II de l’article L. 162-17-3 et à l’article L. 165-4.
« II. – En cas de manquement par un fabricant ou un distributeur à un engagement souscrit en application du 2° du I du présent article, le Comité économique des produits de santé peut prononcer à son encontre, après que le fabricant ou le distributeur a été mis en mesure de présenter ses observations, une pénalité financière.
« Le montant de cette pénalité ne peut être supérieur à 10 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par le fabricant ou le distributeur au titre des produits ou prestations faisant l’objet de l’engagement souscrit, durant les douze mois précédant la constatation du manquement. Le montant de la pénalité est fixé en fonction de l’importance du manquement constaté.
« La pénalité est recouvrée par les organismes mentionnés à l’article L. 213-1 désignés par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Les articles L. 137-3 et L. 137-4 sont applicables au recouvrement de la pénalité. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. Le recours présenté contre la décision prononçant cette pénalité est un recours de pleine juridiction.
« Les règles, les délais de procédure et les modes de calcul de la pénalité financière mentionnée au présent II sont définis par décret en Conseil d’État. »