M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Je ne reviendrai pas sur la situation des retraités modestes, j’ai déjà abordé ce point. Je rappelle néanmoins que l’augmentation limitée du budget en recettes et en dépenses de la branche vieillesse est aussi la traduction du gel ou du quasi-gel des pensions et du décalage des dates de revalorisation. Or nous savons tous que la situation des retraités modestes est aujourd'hui très difficile.

J’espère donc que le prochain projet de loi de finances prévoira des mesures pour améliorer leur sort. Mais n’anticipons pas.

Je souhaite exprimer notre opposition aux mesures proposées par la majorité sénatoriale de droite, qui prévoit de reculer encore d’un an l’âge légal de départ à la retraite. Il s’agit d’une mesure terriblement injuste, car tous ne sont pas à égalité en termes de santé ; tous n’ont pas tous bénéficié de la même carrière, et il existe une très grande différence entre l’espérance de vie d’un ouvrier et celle d’un cadre. Il me semble que vous passez carrément outre cette évidence !

Par ailleurs, il est quelque peu facile de reporter, comme vous prévoyez de le faire ici, les déficits sociaux sur d’autres comptes – je pense à ceux de l’UNEDIC ou des départements, qui gèrent le revenu de solidarité active, le RSA. Vous savez parfaitement qu’une forte proportion de seniors sont exclus du marché du travail avant même d’atteindre l’âge de soixante ans. C’est une réalité qu’il convient de regarder en face !

En définitive, vous proposez de réduire encore leur pension, puisqu’ils ne peuvent pas travailler jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite. Dans quelques instants, j’aurai plus de temps, monsieur Roche, pour m’exprimer sur ce que vous entendez par « réforme structurelle ». Dites-le clairement, il s’agit de mettre en place des comptes notionnels…

M. Dominique Watrin. … c'est-à-dire des comptes virtuels ! Et virtuel, cela veut bien dire ce que cela veut dire : on définit d’abord des cotisations une fois pour toutes - c’est le vœu le plus cher du MEDEF -, mais ensuite avec des variables d’ajustement : l’augmentation de la durée de cotisation, l’augmentation de l’âge légal de départ à la retraite et la baisse des pensions !

Voilà le système que vous proposez. J’en dirai plus lorsque la commission défendra son amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 36 est supprimé.

Article 36
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016
Article 36 bis (nouveau)

Articles additionnels après l'article 36

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Roche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 161-17-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « soixante-deux » sont remplacés par les mots : « soixante-trois » et la date : « 1955 » est remplacée par la date : « 1957 » ;

b) Au deuxième alinéa, la date : « 1955 » est remplacée par la date : « 1957 » et la date : « 1954 » est remplacée par la date : « 1956 » ;

c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« …° À raison de six mois par génération pour les assurés nés entre le 1er janvier 1955 et le 31 décembre 1956. » ;

2° L’article L. 351-8 est ainsi modifié :

a) Au 1° , après le mot : « assurés » sont insérés les mots : « , nés entre le 1er janvier 1951 et le 31 décembre 1955, » ;

b) Après le 1° , sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« …° Les assurés, nés après le 1er janvier 1956, qui atteignent l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 augmenté de quatre années et six mois ;

« ...° Les assurés, nés après le 1er janvier 1957, qui atteignent l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 augmenté de quatre années ; ».

La parole est à M. Gérard Roche, rapporteur.

M. Gérard Roche, rapporteur. Avant de présenter cet amendement, auquel j’attache beaucoup d’importance, je veux souligner que la commission n’a pas l’outrecuidance de faire voter par amendement, et à bientôt minuit, une modification de l’accès au droit à la retraite.

Ce serait, bien sûr, totalement déplacé. En revanche, il est de notre rôle de parlementaires d’être force de proposition.

Cet amendement vise ainsi à proposer une orientation. Il reviendrait ensuite au Gouvernement de préparer une nouvelle loi, en concertation avec les partenaires sociaux.

L’année dernière, nous avions adopté un amendement tendant à prolonger le dispositif Fillon au-delà du 1er janvier 2017, date à laquelle les personnes nées après le 1er janvier 1955 pourront partir à la retraite à partir de 62 ans, sauf exception. Cette proposition du Sénat consistait à poursuivre le relèvement graduel de l’âge légal de départ à la retraite pour porter progressivement celui-ci à 64 ans pour les personnes nées après le 1er janvier 1960. Symétriquement, l’âge d’annulation de la décote était repoussé de 67 à 69 ans, ce qui n’était pas socialement acceptable.

Dans le contexte actuel, il est hors de question de toucher au niveau des pensions. Il faut, au contraire, tout faire pour maintenir le pouvoir d’achat des retraités.

Il est hors de question, également, de rehausser le niveau des cotisations. En effet, avec 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires, il est difficile d’alourdir encore les charges pesant sur le travail.

Restent le levier de la durée de cotisation et celui du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite.

L’urgence de la situation me conduit à privilégier le relèvement de l’âge légal, mesure ayant une incidence importante à court terme. C’est ce que je rappelais dans mon rapport présenté devant la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, en juillet dernier, pour ramener durablement à l’équilibre les comptes de notre système de retraites.

Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale, la CCSS, en 2016, la réforme de 2010 rapportera 5,1 milliards d’euros. C’est pourquoi il paraît souhaitable d’actionner ce levier. La question qui demeure est : jusqu’à quel point ?

Les partenaires sociaux ont mis sur pied un accord permettant d’envisager une retraite à la carte, un système de bonus-malus qui revient en fait à fixer l’âge de départ à la retraite à taux plein à 63 ans.

Ce dispositif réintroduit une disparité entre les salariés du privé et les fonctionnaires, lesquels pourront continuer à partir à 62 ans en bénéficiant d’une retraite complémentaire complète. Les auteurs de la réforme de 2003 s’étaient employés à gommer les différences entre les deux secteurs : il n’est pas acceptable que cet accord puisse revenir sur cet acquis.

Je fais donc, au travers du présent amendement, la proposition suivante.

Tout d’abord, il tend à reporter, à partir du 1er janvier 2017, l’âge légal de départ à la retraite à taux plein de six mois par génération afin que, au 1er janvier 2019, celui-ci soit porté à 63 ans pour les personnes nées après le 1er janvier 1957. L’âge d’annulation de la décote ne serait pas modifié : il demeurerait fixé à 67 ans, alors que nous avions voté l’année dernière son report à 69 ans. Les carrières incomplètes ne seraient donc pas concernées.

Par ailleurs, tous les spécialistes des retraites s’accordent pour dire que la règle des cinq ans séparant l’âge légal de départ à la retraite à taux plein de l’âge d’annulation de la décote n’a rien d’intangible.

Voilà pour le cœur du dispositif. Le tableau figurant dans l’exposé des motifs du présent amendement vous aidera à comprendre le mécanisme et le calendrier progressif de sa mise en œuvre, qui s’inscrit dans celui de la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité, le C3P.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur, vous avez largement dépassé votre temps de parole !

M. Gérard Roche, rapporteur. Le dispositif que je propose me paraît juste, équitable et socialement acceptable, car il prévoit une mise en cohérence avec les décisions relatives aux caisses de retraite complémentaire AGIRC et ARRCO, un maintien de l’âge de départ à la retraite à taux plein à 67 ans et une convergence entre le régime du secteur public et celui du privé. Par ailleurs, grâce au C3P, les personnes qui cumuleront au moins deux facteurs de pénibilité gagneront trois trimestres de cotisation ; de ce fait, pour eux, la durée de cotisation ne sera prolongée que d’un seul trimestre.

Chaque tranche d’âge doit régler ses problèmes. Nous ne pouvons laisser en héritage aux générations futures une dette qui mettrait en péril le régime de retraite par répartition.

M. le président. Pardonnez-moi de vous avoir interrompu, monsieur Roche. Je sais qu’il est très difficile de présenter une réforme d’une telle ampleur en deux minutes et demie ! (Sourires.)

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Tout d’abord, je me félicite que vous fassiez l’apologie du compte personnel de prévention de la pénibilité, monsieur le rapporteur. Je n’en attendais pas tant !

En 2014, le Gouvernement a en effet choisi, plutôt que de reporter l’âge de départ à la retraite à taux plein, d’instaurer une augmentation progressive et modérée de la durée d’assurance requise.

Les comptes seront à l’équilibre en 2016,…

Mme Catherine Deroche. Tout va bien !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. … et ce de façon durable, puisque le financement de long terme est assuré par ce relèvement progressif et modéré – un trimestre tous les trois ans – de la durée d’assurance, qui s’établira en 2035 à quarante-trois ans pour les personnes nées en 1973. De même, les comptes de l’ensemble des régimes de base atteindront durablement l’équilibre avant 2020. Dans ces conditions, pourquoi diable vouloir modifier encore l’âge de départ à la retraite ?

Je ne prétends pas que c’est grâce à notre seule réforme de 2014 que les comptes ont été équilibrés : j’ai l’honnêteté de dire que la réforme de 2010 y a également contribué. Quoi qu’il en soit, il n’y a plus de nécessité d’aller plus loin, de surcroît en prenant une mesure que le Gouvernement trouve injuste, pour toute une série de raisons. L’avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.

Mme Catherine Deroche. Notre groupe votera, bien évidemment, l’amendement présenté par M. Roche.

À la suite de l’accord sur l’AGIRC et l’ARRCO récemment intervenu entre les partenaires sociaux, qui fixe de facto l’âge de départ à la retraite à 63 ans pour les cadres, une difficulté se pose : les cadres ayant racheté des trimestres de cotisation au titre de leurs années d’études l’auront-ils fait en pure perte ? Avant cet accord, ils pouvaient choisir de partir à la retraite à taux plein à l’âge de 62 ans.

La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites avait prévu un mécanisme de remboursement des rachats de cotisations devenus inutiles. Je souhaiterais savoir si le Gouvernement envisage de mettre en place un mécanisme de ce type.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Pour notre part, nous voterons contre cet amendement.

Tout d’abord, sur la forme, proposer de reporter d’un an l’âge de départ à la retraite au détour de l’examen d’un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale est tout de même un peu léger !

Ensuite, sur le fond, c’est une nouvelle fois aux retraités que l’on demande de faire un effort, au prétexte assez fallacieux que l’accord sur l’AGIRC et l’ARRCO créerait une inégalité entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public. S’il y a vraiment inégalité, pourquoi nivelle-t-on toujours par le bas ? Vous voulez à juste titre, monsieur Roche, trouver de nouvelles recettes pour notre système de protection sociale : il y a d’autres façons de procéder.

À ce propos, j’observe que M. Bernard Arnaud a vu sa fortune s’accroître de 9,27 milliards d’euros cette année, soit de 1 million d’euros par heure ! À lui, on ne demande rien du tout ! En revanche, on demande aux salariés de travailler plus longtemps, avant de pouvoir prétendre à une très faible pension de retraite ! Dominique Watrin a souligné un point extrêmement important : on ne se préoccupe pas de savoir quel est leur état de santé lorsqu’ils partent à la retraite. Cela ne semble intéresser personne ! Plus d’une personne sur deux est au chômage ou en congé pour longue maladie au moment du départ à la retraite. Mais peu importe, on aggrave encore la situation, en demandant aux gens de travailler un an de plus !

Je l’ai dit en commission, il ne faut pas regarder la société à travers le prisme du Sénat. Certains de nos collègues peuvent continuer à travailler jusqu’à un âge avancé, mais ce n’est pas le cas dans tous les métiers !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Les écologistes voteront contre cet amendement.

Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, quand vous dites que vous ne touchez pas aux pensions : de fait, c’est le cas, puisqu’il y aura moins de personnes qui rempliront les conditions requises pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Par ailleurs, il aurait fallu parler des effets induits par ce dispositif sur l’assurance chômage. Il y aura de toute façon, à l’avenir, davantage de gens au chômage.

Prétendre que l’on a la solution miracle sans avoir envisagé le problème dans sa globalité n’est pas de bonne méthode.

M. le président. La parole est à Mme Anne Emery-Dumas, pour explication de vote.

Mme Anne Emery-Dumas. Le groupe socialiste et républicain votera également contre cet amendement.

Permettez-moi une note d’humour. L’année dernière, la majorité sénatoriale avait jugé nécessaire, pour atteindre l’équilibre des comptes, de fixer l’âge de départ à la retraite à 64 ans, avec annulation de la décote à 69 ans. Cette année, elle nous propose de ramener ces échéances à 63 ans et 67 ans respectivement : nous pouvons donc espérer que, l’année prochaine, ses propositions rejoindront celles du Gouvernement ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

M. Dominique Watrin. Rétablir les comptes, oui, mais à quel prix ? Celui de la baisse des pensions, du recul incessant de l’âge de départ à la retraite, au travers des réformes régressives de 2010 et de 2013…

Il nous faut avoir une tout autre ambition pour assurer les retraites d’aujourd’hui et de demain, revenir à l’ambition des fondateurs de la sécurité sociale, à savoir la retraite à 60 ans, avec un taux de remplacement tendant vers 75 % : je crois cet objectif accessible, sachant que 170 milliards d’euros ont été déplacés des revenus du travail vers ceux du capital ces dernières décennies…

Je me référerai à un homme politique appartenant à la droite sociale, Jean-Paul Delevoye. Lorsqu’il était élu de mon département, je l’ai entendu évoquer cette question du partage de la richesse, qui, comme l’a souligné Laurence Cohen, est au cœur de la problématique du financement des retraites. Avec beaucoup de pertinence, il relevait que, à l’époque où l’agriculture était la principale source de richesse, on a créé l’impôt foncier ; lorsque l’industrie a pris le relais, on a instauré la taxe professionnelle ; aujourd’hui, alors que la richesse, en France comme dans nombre d’autres pays, est d’abord d’origine financière, il convient de créer une contribution sur les revenus financiers au bénéfice de la sécurité sociale. (Mme Laurence Cohen applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Mme Françoise Gatel. Personne, dans cet hémicycle, ne peut mettre en question l’humanité de Gérard Roche.

Évoquer la question du report de l’âge de la retraite n’est pas faire preuve d’inhumanité ; c’est prendre en compte l’allongement de la durée de la vie, la nécessaire solidarité avec les générations à venir, auxquelles nous allons laisser de lourds déficits. J’estime que nous devrions lutter davantage contre le chômage, pour le plein emploi : ce n’est qu’ainsi que notre pays produira des richesses qui permettront de renforcer la solidarité.

Le groupe UDI-UC votera cet amendement courageux et responsable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, rapporteur.

M. Gérard Roche, rapporteur. Il n’y a dans ma démarche aucune arrière-pensée politicienne. Comme disait ma grand-mère, une femme très sage, il faut voir les choses comme elles sont, et non comme on voudrait qu’elles soient !

Il est vrai que l’on pourrait envisager l’instauration d’une taxe sur les revenus du capital pour financer la sécurité sociale. Madame la secrétaire d’État, les comptes sont équilibrés, nous vous en donnons acte : les régimes de base présentent même un excédent de 900 millions d’euros. Cependant, il est patent que les bases retenues pour le calcul des besoins futurs ne sont pas réalistes : chacun sait pertinemment que l’on ne peut tabler sur un taux de chômage de 4,5 % ou sur 2 % de gains de productivité et que, en 2019, nous entrerons à nouveau dans la spirale du déficit.

Je le répète, l’objet de cet amendement est de proposer non pas une réforme structurelle, mais une orientation permettant de rejoindre les termes de l’accord conclu entre les partenaires sociaux sur l’AGIRC et l’ARRCO. Ce n’est pas de gaîté de cœur que ceux-ci ont pris la décision de repousser à 63 ans l’âge du bénéfice de la retraite complémentaire à taux plein. Rappelons que, grâce au C3P, un salarié qui cumulera au moins deux facteurs de pénibilité devra en fait seulement travailler un trimestre de plus.

J’estime que notre proposition est socialement acceptable. Nous n’avons pas l’outrecuidance de vouloir imposer quoi que ce soit et notre démarche n’est sous-tendue par aucun calcul politique. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 53 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 188
Contre 155

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 36.

L'amendement n° 408, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 36

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 171-1-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 171-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 171-1-… – Pour le calcul des droits à pension d’un assuré qui relève ou a relevé alternativement, successivement ou simultanément de plusieurs régimes obligatoires de base, le calcul des droits à pensions est fixé selon des modalités prévues par voie réglementaire quels que soient les régimes visés. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Les salariés qui, au cours de leur carrière, ont cotisé à plusieurs caisses de retraite ne sont pas égaux devant la pension. Je livrerai une explication technique, puis un éclairage politique.

Aux termes de l’article R. 173-4-3 du code de la sécurité sociale, « lorsque l’assuré a acquis, dans deux ou plusieurs des régimes d’assurance vieillesse mentionnés par l’article L. 200-2 et au 2° de l’article L. 611-1 ainsi que par l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime, des droits à pension dont le montant est fixé sur la base d’un salaire ou revenu annuel moyen soumis à cotisations, le nombre d’années retenu pour calculer ce salaire ou revenu est déterminé, pour les pensions prenant effet postérieurement au 31 décembre 2003, en multipliant le nombre d’années fixé dans le régime considéré, par les articles R. 351-29 et R. 351-29-1 ou R. 634-1 et R. 634-1-1, par le rapport entre la durée d’assurance accomplie au sein de ce régime et le total des durées d’assurance accomplies dans les régimes susvisés ».

Cet article implique donc qu’il existe des régimes compatibles avec le régime général, à savoir, majoritairement, ceux qui correspondent aux métiers de l’agriculture et de l’artisanat. Pour les personnes qui en relèvent, le mode de calcul des années servant de base au calcul de la retraite du régime général est corrigé au prorata du temps passé à cotiser dans ces deux régimes.

En revanche, les ressortissants des régimes qui ne sont pas compatibles avec le régime général au sens de la loi ne bénéficient pas de cette règle de calcul favorable, leur revenu moyen de base étant minoré par la prise en compte des années les plus faiblement rémunérées de leur carrière. Le décalage peut atteindre plusieurs centaines d’euros mensuels.

En accord avec le principe d’égalité devant la loi, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement portant sur la partie législative du code de la sécurité sociale. Il vise à corriger cette disparité en inscrivant dans la loi l’égalité de tous les cotisants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Roche, rapporteur. Si l’on devait s’en tenir à l’exposé des motifs, cet amendement aurait dû être déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, puisqu’il prévoit une augmentation des charges du régime d’assurance vieillesse.

Sa rédaction est suffisamment vague pour rendre le dispositif recevable, mais celui-ci en devient inopérant. La commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 408.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 196 rectifié quater, présenté par M. Cardoux, Mmes Imbert, Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mmes Deroche et Deseyne, MM. Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli et Gruny, M. Lemoyne, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et MM. Retailleau, D. Robert, Savary, Dassault, Allizard, Vasselle et Mayet, est ainsi libellé :

Après l’article 36

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Afin d'assurer la pérennité financière et l'équilibre entre les générations du système de retraites par répartition, ainsi que son équité et sa transparence, une réforme systémique est mise en œuvre à compter du premier semestre 2016.

Elle institue un régime universel par points ou en comptes notionnels sur la base du septième rapport du Conseil d'orientation des retraites du 27 janvier 2010.

La parole est à Mme Corinne Imbert.

Mme Corinne Imbert. Cet amendement a pour objet de fixer un calendrier, comme le prévoit la réforme des retraites de 2010, pour la mise en œuvre d’une réforme systémique, et non seulement paramétrique, du système de retraites, qui, avouons-le, est bien complexe.

M. le président. Le sous-amendement n° 315 rectifié, présenté par MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Amendement n° 196, alinéa 3

Remplacer l'année :

2016

par l'année :

2017

La parole est à M. Guillaume Arnell.

M. Guillaume Arnell. Il n’est que deux manières de réformer le système de retraites : en faisant soit une réforme paramétrique, soit une réforme systémique. Or, selon le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites, le COR, le système de retraites ne sera pas à l’équilibre avant les années 2030. Cela confirme que les réformes de ces dernières années ne seront pas suffisantes.

C’est la raison pour laquelle les sénateurs du RDSE plaident depuis de nombreuses années pour la mise en place d’une réforme systémique, afin de consolider notre système de retraites par répartition.

Une telle réforme est inévitable : il nous faut remettre à plat un système marqué par les inégalités. Un récent sondage fait apparaître que 92 % des Français se déclarent inquiets pour l’avenir du système français de retraites. Il faut leur redonner confiance ! Une réforme systémique mettrait fin à l’opacité du système actuel et serait, de ce fait, mieux comprise et mieux acceptée par l’ensemble de nos concitoyens. Elle présenterait aussi et surtout l’avantage de garantir la pérennité financière du système de retraites.

Depuis 2010, plusieurs rapports nous ont invités à procéder à une telle réforme.

Ainsi, dans son septième rapport, le Conseil d’orientation des retraites montrait que le passage à un régime par points ou comptes notionnels était techniquement possible et permettrait notamment d’intégrer des dispositifs de solidarité.

L’amendement de nos collègues du groupe Les Républicains vise à une mise en œuvre de cette réforme à compter du premier semestre 2016. Parce que ce délai nous semble court et pour rester fidèles à l’esprit de la disposition que notre assemblée avait adoptée en 2013, nous proposons pour notre part que la réforme systémique intervienne au premier semestre de 2017.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Roche, rapporteur. Le Sénat était à l’origine de la demande du rapport du COR de 2010 sur la possibilité d’instaurer un tel système dans notre pays. Ce rapport fait état de la très grande complexité du système de retraites français, qui entraîne des iniquités entre assurés. Il conclut que, si le remplacement du mode de calcul actuel des pensions personnelles pour le régime de base par un régime par points ou comptes notionnels est techniquement possible, il soulèverait des problèmes de gestion évidents et nécessiterait, en conséquence, d’être soigneusement préparé. L’élaboration et la mise en œuvre d’une telle réforme supposent donc des délais suffisamment longs.

Même si la question soulevée est parfaitement légitime, l’amendement ne saurait être adopté en l’état, car il prévoit une mise en place du système au premier semestre de 2016. Reporter l’échéance à 2017, comme prévu par le sous-amendement, n’est pas davantage satisfaisant.

Je connais quelques sénateurs centristes qui doivent rire sous cape aujourd’hui : ils prêchent depuis bien longtemps dans le désert pour une telle réforme, tandis que nos collègues n’ont pas toujours tenu le même discours…

La commission demande le retrait de l’amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.